ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

10 décembre 2009 ( *1 )

«Libre circulation des travailleurs — Article 39 CE — Refus de l’accès au stage juridique préparatoire aux professions juridiques réglementées — Candidat ayant obtenu son diplôme de droit dans un autre État membre — Critères d’examen de l’équivalence des connaissances acquises»

Dans l’affaire C-345/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Verwaltungsgericht Schwerin (Allemagne), par décision du 8 juillet 2008, parvenue à la Cour le 28 juillet 2008, dans la procédure

Krzysztof Peśla

contre

Justizministerium Mecklenburg-Vorpommern,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. J. N. Cunha Rodrigues, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, Mme P. Lindh, MM. A. Rosas, U. Lõhmus et A. Ó Caoimh (rapporteur), juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 juillet 2009,

considérant les observations présentées:

pour M. Peśla, par Me B. Kemper, Rechtsanwalt,

pour le gouvernement allemand, par M. M. Lumma et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek, en qualité d’agent,

pour le gouvernement grec, par Mmes E. Skandalou et S. Vodina, en qualité d’agents,

pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de MM. M. Collins, SC et de D. Dodd, BL, ainsi que de Mme K. Keane, BL,

pour le gouvernement hongrois, par Mmes J. Fazekas et K. Veres ainsi que par M. M. Fehér, en qualité d’agents,

pour le gouvernement autrichien, par M. E. Riedl, en qualité d’agent,

pour le gouvernement finlandais, par Mme A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agent,

pour la Commission des Communautés européennes, par MM. H. Støvlbæk et M. Adam ainsi que par Mme M. Vollkommer, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 39 CE.

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Peśla, ressortissant polonais, au Justizministerium Mecklenburg-Vorpommern (ministère de la Justice du Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale) au sujet du refus de ce dernier de l’admettre, sans passer un examen d’aptitude dans les matières juridiques qui sont obligatoires pour les épreuves dites du «erstes juristisches Staatsexamen» (premier examen d’État en droit, ci-après le «premier examen d’État»), au stage de préparation aux professions juridiques en qualité de stagiaire en droit («Rechtsreferendar»).

Le cadre juridique national

3

Il ressort de la décision de renvoi que l’exercice de toutes les professions juridiques réglementées en Allemagne nécessite, en principe, l’obtention de la «Befähigung zum Richteramt» (habilitation à exercer les fonctions de magistrat). Conformément à l’article 5, paragraphe 1, de la loi allemande sur le statut de la magistrature (Deutsches Richtergesetz, ci-après le «DRiG»), cette habilitation est conférée aux personnes ayant réussi le premier examen d’État à l’issue d’études de droit dans une université ainsi que le second examen juridique d’État à l’issue d’un stage préparatoire («Rechtsreferendariat», ci-après le «stage préparatoire»).

4

Selon l’article 5a, paragraphe 2, du DRiG, l’objet des études universitaires — lesquelles doivent être effectuées pendant au moins deux ans en Allemagne — consiste en des matières obligatoires et des matières spécialisées avec des possibilités d’option. Les matières obligatoires portent sur les aspects fondamentaux du droit civil, du droit pénal, du droit public et du droit procédural, y compris les matières touchant au droit européen, à la méthodologie juridique et aux aspects fondamentaux de la philosophie, de l’histoire et de la sociologie. Les matières spécialisées visent à compléter les études, à approfondir les matières obligatoires auxquelles elles sont liées ainsi qu’à transmettre une approche interdisciplinaire et internationale du droit.

5

En vertu de l’article 5d, paragraphe 2, première phrase, du DRiG, les matières faisant l’objet du premier examen d’État doivent être d’un niveau tel que leur étude puisse être achevée en quatre ans et demi. Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de la même loi, ce premier examen consiste en un examen universitaire portant sur différentes matières spécialisées et en un examen d’État dans les matières obligatoires. Selon la troisième phrase dudit paragraphe 2, ce dernier examen est organisé sous forme d’épreuves écrites et orales.

6

Conformément à l’article 5, paragraphe 2, du DRiG, il doit y avoir concordance entre le contenu des études et celui du stage préparatoire. D’après l’article 5b de cette même loi, le stage préparatoire est d’une durée de deux ans et comprend des affectations de stage obligatoires ainsi qu’une ou plusieurs affectations de stage facultatives. En vertu de ce même article, les parties obligatoires de ce stage sont effectuées auprès d’une juridiction civile ordinaire, du ministère public ou d’une juridiction pénale, d’une administration et d’un avocat. Conformément à l’article 5d, paragraphe 3, première phrase, du DRiG, la partie écrite du second examen juridique d’État doit avoir lieu entre le dix-huitième et le vingt et unième mois du stage préparatoire.

7

L’article 5b, paragraphe 4, du DRiG prévoit que les parties obligatoires du stage préparatoire durent chacune trois mois, à l’exception de la partie du stage effectuée auprès d’un avocat, qui dure neuf mois.

8

Dans le cadre de cette formation et en vertu de l’article 10 de la loi relative aux juridictions (Gerichtsverfassungsgesetz, ci-après le «GVG»), les stagiaires en droit peuvent, sous la surveillance d’un juge, traiter les demandes d’entraide judiciaire, auditionner des parties dans une procédure, à l’exception des affaires pénales, établir des preuves et tenir des audiences. L’article 142, paragraphe 3, du GVG prévoit que les stagiaires en droit peuvent se voir confier des tâches de substitut d’un agent du ministère public, sous la surveillance de ce fonctionnaire.

9

Il appartient aux Länder de préciser les détails de cette réglementation. Selon l’article 21, paragraphe 3, de la loi du Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale relative à la formation des juristes (Gesetz über die Juristenausbildung im Land Mecklenburg-Vorpommern, ci-après le «JAG-M-V»), le stage de préparation accompli par un stagiaire en droit est effectué dans le cadre d’une formation ayant le statut de droit public. Les stagiaires en droit perçoivent une aide alimentaire mensuelle en vertu de l’article 21a, paragraphe 2, du JAG-M-V. Au cours de ce stage préparatoire, ils sont soumis à un contrôle hiérarchique et doivent obéir aux instructions de leur formateur, en vertu de l’article 36, paragraphes 1 et 2, du règlement d’application de la loi sur la formation des juristes (Verordnung zur Ausführung des Juristenausbildungsgesetzes, ci-après la «JAPO M-V»). En vertu de l’article 24 du JAG-M-V, la période de formation préparatoire se termine le jour de la proclamation de la réussite à l’examen ou de l’échec au premier examen de rattrapage.

10

Selon l’article 6, paragraphe 1, du DRiG, l’admission au stage préparatoire est soumise à la réussite au premier examen d’État. En vertu de l’article 112a de la même loi, si un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne a acquis, dans celui-ci, un diplôme universitaire en droit lui permettant d’accéder, dans cet État membre, à une formation postuniversitaire d’avocat, il peut demander, en Allemagne, une déclaration d’équivalence de ce diplôme universitaire avec le premier examen d’État. En cas d’obtention de cette déclaration d’équivalence, l’intéressé est admis au stage préparatoire.

11

Il ressort du dossier que l’article 112a du DRiG, intitulé «Appréciation de l’équivalence pour l’admission au stage préparatoire pour les professions juridiques», a été adopté à la suite de l’arrêt de la Cour du 13 novembre 2003, Morgenbesser (C-313/01, Rec. p. I-13467). Cet article dispose:

«(1)

Les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Suisse, titulaires d’un diplôme universitaire en droit acquis dans l’un de ces États et donnant accès, dans ledit État, à la formation postuniversitaire à la profession d’avocat européen conformément à l’article 1er de la loi sur l’activité des avocats européens en Allemagne, sont admis, sur demande, au stage préparatoire, dès lors que leurs connaissances et capacités correspondent à celles certifiées par la réussite à l’examen d’État dans les matières obligatoires au sens de l’article 5, paragraphe 1.

(2)

L’examen des connaissances et capacités exigées au paragraphe 1 prend en considération le diplôme universitaire et les attestations produites, notamment les diplômes, les résultats d’examens ou toute autre pièce attestant des capacités ou d’une expérience professionnelle pertinente. Si l’examen en question ne fait pas apparaître une équivalence, ou ne fait apparaître qu’une équivalence partielle, un examen d’aptitude peut être effectué sur demande.

(3)

L’examen d’aptitude est un examen d’État qui doit être passé en langue allemande, qui vise les connaissances nécessaires en droit allemand et qui a pour but d’apprécier la capacité du candidat à effectuer avec succès le stage préparatoire juridique. Les matières examinées sont le droit civil, le droit pénal et le droit public, avec les droits procéduraux respectifs. Les épreuves écrites de l’examen d’État dans les matières obligatoires doivent être soutenues dans les domaines juridiques énumérés à la deuxième phrase, dont la maîtrise suffisante n’a pas déjà été examinée dans le cadre de l’examen visé au paragraphe 2, première phrase.

(4)

Le candidat est reçu à l’examen d’aptitude lorsque

1.

il réussit le nombre d’épreuves nécessaires à l’obtention de l’examen d’État dans les matières obligatoires selon le droit du Land dans lequel se déroule l’examen, ce nombre devant toutefois correspondre à la moitié au moins des épreuves prévues dans ledit examen d’État, et

2.

il réussit des épreuves dans au moins deux des domaines juridiques énumérés au paragraphe 3, deuxième phrase, dont au moins une épreuve dans le domaine du droit civil.

Si une maîtrise suffisante de l’un des domaines juridiques énumérés au paragraphe 3, deuxième phrase, a déjà été constatée dans le cadre de l’examen au sens du paragraphe 2, première phrase, les épreuves dans ce domaine sont réputées réussies.

(5)

Une épreuve d’aptitude non réussie peut être repassée une fois.

(6)

La déclaration d’équivalence au sens du paragraphe 1 équivaut à la réussite au premier examen d’État au sens de l’article 5, paragraphe 1.

[…]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

12

M. Peśla a terminé, au cours du mois de décembre 2003, ses études universitaires à la faculté de droit de l’université de Poznań (Pologne), en obtenant le diplôme de maîtrise («magister»). Au mois de janvier 2005, la faculté de droit de l’université de Francfort-sur-l’Oder (Allemagne), auprès de laquelle il avait suivi depuis 1998 des études en même temps que celles effectuées en Pologne, lui a conféré, à l’issue d’un cursus de formation juridique germano-polonais, le titre académique de «Master of German and Polish Law» et, au mois de février 2005, le titre académique de «Bachelor of German and Polish Law».

13

Au mois de novembre 2005, M. Peśla a introduit une demande d’admission au stage préparatoire aux professions juridiques du Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. À l’appui de sa demande, tout en présentant d’autres pièces justificatives, telles que des unités de valeur relatives à différents programmes d’études ainsi que des documents attestant de ses expériences professionnelles, des cours et des formations suivis, il s’est référé à l’arrêt Morgenbesser, précité.

14

Par décision du 27 mars 2007, le Justizministerium Mecklenburg-Vorpommern a rejeté la demande tendant à l’obtention d’une déclaration d’équivalence au sens de l’article 112a du DRiG. Selon lui, le critère permettant d’apprécier l’équivalence est l’acquisition des connaissances nécessaires à l’obtention du premier examen d’État dans les matières obligatoires au sens de l’article 5, paragraphe 1, de la même loi. Les connaissances dans un droit étranger ne sauraient être reconnues comme équivalentes, eu égard aux différences existant par rapport au droit allemand. Par ailleurs, selon cette décision de rejet, les connaissances de droit allemand requises pour les unités de valeur obtenues par M. Peśla dans le cursus du Master of German and Polish Law sont d’un niveau nettement inférieur à celui des épreuves écrites du premier examen d’État dans les matières obligatoires.

15

Dans ladite décision de rejet, il est néanmoins précisé que M. Peśla pourrait, s’il en fait la demande, participer à un examen d’aptitude conformément à l’article 112a, paragraphe 3, du DRiG.

16

Le 27 avril 2007, M. Peśla a introduit un recours contre la décision du 27 mars 2007 devant la juridiction de renvoi. Au soutien de ce recours, il fait principalement valoir que l’appréciation de l’équivalence effectuée par le Justizministerium Mecklenburg-Vorpommern est contraire aux critères développés dans la jurisprudence de la Cour. Si les connaissances et capacités en droit allemand telles qu’exigées pour le premier examen d’État devaient constituer le critère d’appréciation à prendre en considération, un diplôme étranger ne pourrait en aucun cas satisfaire à un tel critère, étant donné que le droit allemand n’est généralement pas enseigné dans les autres États membres.

17

À titre subsidiaire, M. Peśla fait grief à ladite décision de rejet de prendre insuffisamment en compte les connaissances qu’il a acquises en Allemagne dans le cadre de ses études, de ses stages, de son activité au service de deux chaires universitaires et de travaux dirigés.

18

Le Justizministerium Mecklenburg-Vorpommern fait valoir que la décision de rejet attaquée est justifiée. Selon lui, l’équivalence des connaissances acquises ne saurait être admise.

19

Dans ces conditions, estimant que la solution du litige dont il est saisi dépend des conditions auxquelles l’article 39 CE soumet une déclaration d’équivalence au sens de l’article 112a, paragraphes 1, 2 et 6, du DRiG, le Verwaltungsgericht Schwerin a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Est-il compatible avec l’article 39 CE qu’une déclaration d’équivalence au sens de l’article 112a, paragraphes 1 et 2, du [DRiG] ne soit accordée que s’il ressort des pièces produites que le ressortissant communautaire dispose des mêmes connaissances et capacités que celles examinées à travers l’examen (juridique allemand) dans les matières obligatoires au sens de l’article 5, paragraphe 1, du [DRiG]?

2)

En cas de réponse négative à la première question:

 

L’article 39 CE dispose-t-il que le seul critère d’une appréciation de l’équivalence conforme au droit communautaire est la question de savoir si le diplôme universitaire du ressortissant communautaire, obtenu dans l’Union européenne, accompagné des autres attestations de formation ou d’expérience professionnelle, est comparable, du point de vue du niveau de formation (intellectuelle) et des efforts déployés à cet effet, au [premier examen d’État]?

3)

En cas de réponse négative également à la deuxième question:

 

Est-il compatible avec l’article 39 CE que la déclaration d’équivalence au sens de l’article 112a, paragraphes 1 et 2, du [DRiG] se fonde, certes, du point de vue du contenu, sur les matières obligatoires du premier examen d’État (juridique allemand), mais que, eu égard à la formation juridique déjà acquise avec succès par ailleurs, sur le territoire de la Communauté, elle ne pose que des exigences légèrement ‘diminuées’?»

Sur les questions préjudicielles

20

Les deux premières questions, qu’il convient d’examiner ensemble, concernent le point de savoir quelles sont les connaissances à prendre comme élément de référence pour apprécier si l’auteur d’une demande d’admission directe, sans passer les épreuves prévues à cet effet, à un stage de préparation aux professions juridiques possède un niveau de connaissances équivalent à celui normalement requis pour accéder à un tel stage dans l’État membre concerné. La première question concerne ainsi le point de savoir si lesdites connaissances doivent porter sur le droit de l’État membre d’accueil, alors que la deuxième question vise à déterminer si, en revanche, les connaissances du droit d’un autre État membre peuvent être considérées comme équivalentes, du point de vue tant du niveau de formation que du temps et des efforts déployés à cet effet, aux connaissances requises pour accéder au stage de préparation aux professions juridiques dans l’État membre d’accueil.

21

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, s’il est possible que le droit communautaire exige que le niveau des connaissances du droit de l’État membre d’accueil requises aux fins de l’admission au stage juridique préparatoire précédant obligatoirement le second examen juridique d’État et l’admission aux professions juridiques soit, dans une certaine mesure, diminué afin de promouvoir la libre circulation des personnes.

Sur les deux premières questions

22

Aux fins de la réponse aux deux premières questions, il convient de rappeler d’emblée qu’une personne se trouvant dans la situation de M. Peśla ne peut se prévaloir, dans le litige au principal, du droit communautaire dérivé aux fins de la reconnaissance de ses qualifications académiques et de son expérience professionnelle en vue d’accéder à la partie pratique de la formation nécessaire pour l’accès aux professions juridiques en Allemagne.

23

En effet, la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (JO L 77, p. 36), ne concerne que l’avocat pleinement qualifié comme tel dans son État membre d’origine (voir arrêt Morgenbesser, précité, point 45). De plus, il ressort du dossier que l’exercice des activités de stagiaire en droit est conçu comme constituant la partie pratique de la formation nécessaire pour l’accès aux professions juridiques allemandes. Il s’ensuit que cette activité ne peut être qualifiée de «profession réglementée» au sens de la directive 89/48/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d’enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d’une durée minimale de trois ans (JO 1989, L 19, p. 16), telle que modifiée par la directive 2001/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 14 mai 2001 (JO L 206, p. 1), séparable des professions juridiques allemandes proprement dites, telles que celle d’avocat (voir, par analogie, arrêt Morgenbesser, précité, points 46 à 55).

24

Or, ainsi que cela a été confirmé lors de l’audience, à la date des faits au principal, M. Peśla n’avait pas obtenu la qualification professionnelle requise pour accéder à la profession d’avocat en Pologne.

25

Il ressort de la jurisprudence de la Cour que tant l’article 39 CE, lequel est explicitement mentionné dans les questions posées, que l’article 43 CE sont de nature à s’appliquer à une situation telle que celle en cause au principal.

26

En premier lieu, il ressort du dossier, en particulier des observations du gouvernement allemand, que les stagiaires en droit, d’une part, sont appelés à utiliser en pratique, dans le cadre de leur stage, les connaissances acquises pendant leurs études et contribuent ainsi, sous la direction de leur maître de stage, aux activités effectuées par ce dernier et que, d’autre part, ils perçoivent, lors de leur formation, une rémunération sous la forme d’une aide alimentaire mensuelle. À cet égard, la Cour a déjà jugé que, dès lors que les stagiaires en droit exercent une activité salariée réelle et effective, ils doivent être considérés comme des travailleurs au sens de l’article 39 CE (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2005, Kranemann, C-109/04, Rec. p. I-2421, points 12 à 18).

27

En second lieu, le stage préparatoire prévu par la réglementation allemande constitue une formation et un préalable nécessaires pour accéder, notamment, à la profession d’avocat en Allemagne, profession réglementée à laquelle s’applique l’article 43 CE (voir, par analogie, arrêt Morgenbesser, précité, point 60).

28

Il convient de relever en outre que l’application de ces deux articles ne saurait être exclue dans l’affaire au principal sur le fondement des exceptions prévues, respectivement, aux articles 39, paragraphe 4, CE pour les «emplois dans l’administration publique» et 45, premier alinéa, CE pour les «activités participant dans [un État membre], même à titre occasionnel, à l’exercice de l’autorité publique».

29

En effet, d’une part, dans la mesure où le stagiaire en droit accomplit une partie de son stage en dehors du secteur public, il suffit de rappeler que la notion d’emplois dans l’administration publique n’englobe pas les emplois au service d’un particulier ou d’une personne morale de droit privé, quelles que soient les tâches qui incombent à l’employé (voir arrêts du 29 octobre 1998, Commission/Espagne, C-114/97, Rec. p. I-6717, point 33, et Kranemann, précité, point 19).

30

S’il s’agissait, dans le litige ayant donné lieu à l’arrêt Kranemann, précité, d’une partie dudit stage préparatoire qui était à effectuer en dehors du secteur public, il y a lieu de relever que, dans la mesure où un stagiaire en droit accomplit une partie de sa formation auprès d’une juridiction civile ordinaire, d’une administration, du ministère public ou d’une juridiction pénale, ce stagiaire, comme le gouvernement allemand l’a souligné lors de l’audience, agit conformément aux instructions et sous la surveillance d’un maître de stage, ainsi qu’il ressort d’ailleurs des dispositions du GVG et de la JAPO M-V citées aux points 8 et 9 du présent arrêt.

31

Par conséquent, l’activité d’un stagiaire en droit ne saurait relever de l’exception prévue à l’article 39, paragraphe 4, CE, celle-ci ne s’appliquant pas à des emplois qui, tout en relevant de l’État ou d’autres organismes de droit public, n’impliquent cependant aucun concours à des tâches relevant de l’administration publique proprement dite (voir, notamment, arrêts du 17 décembre 1980, Commission/Belgique, 149/79, Rec. p. 3881, point 11, ainsi que du 30 septembre 2003, Anker e.a., C-47/02, Rec. p. I-10447, point 59).

32

D’autre part, la dérogation visée à l’article 45, premier alinéa, CE doit être restreinte aux activités qui, prises en elles-mêmes, constituent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique (voir, notamment, arrêts du 21 juin 1974, Reyners, 2/74, Rec. p. 631, point 45; du 13 juillet 1993, Thijssen, C-42/92, Rec. p. I-4047, point 8, et du 31 mai 2001, Commission/Italie, C-283/99, Rec. p. I-4363, point 20).

33

Dès lors, pour des raisons analogues à celles exposées au point 30 du présent arrêt, les activités d’un stagiaire en droit, même lorsqu’elles sont effectuées dans le secteur public, n’entrent pas dans le champ d’application de l’exception prévue à l’article 45, premier alinéa, CE (voir également, par analogie, arrêt Thijssen, précité, points 22 et 23).

34

Il y a lieu de relever également que, en l’absence d’harmonisation des conditions d’accès à une profession, les États membres sont en droit de définir les connaissances et qualifications nécessaires à l’exercice de cette profession et d’exiger la production d’un diplôme attestant la possession de ces connaissances et qualifications (voir arrêts du 15 octobre 1987, Heylens e.a., 222/86, Rec. p. 4097, point 10; du 7 mai 1991, Vlassopoulou, C-340/89, Rec. p. I-2357, point 9, ainsi que du 7 mai 1992, Aguirre Borrell e.a., C-104/91, Rec. p. I-3003, point 7).

35

Il importe toutefois de rappeler que le droit communautaire pose des limites à l’exercice de cette compétence par les États membres dans la mesure où les dispositions nationales adoptées à cet égard ne sauraient constituer une entrave injustifiée à l’exercice effectif des libertés fondamentales garanties par les articles 39 CE et 43 CE (voir arrêts Heylens e.a., précité, point 11, ainsi que du 31 mars 1993, Kraus, C-19/92, Rec. p. I-1663, points 28 et 32).

36

À cet égard, il ressort de la jurisprudence de la Cour que des règles nationales établissant des conditions de qualifications, même appliquées sans discrimination tenant à la nationalité, peuvent avoir pour effet d’entraver l’exercice desdites libertés fondamentales si les règles nationales en question font abstraction des connaissances et qualifications déjà acquises par l’intéressé dans un autre État membre (voir, en ce sens, arrêts Vlassopoulou, précité, point 15; Kraus, précité, point 32; du 22 mars 1994, Commission/Espagne, C-375/92, Rec. p. I-923, point 18, ainsi que Morgenbesser, précité, points 61 et 62).

37

Il s’ensuit que les autorités d’un État membre sont tenues, lorsqu’elles examinent la demande d’un ressortissant d’un autre État membre tendant à obtenir l’accès à une période de formation pratique en vue de l’exercice ultérieur d’une profession réglementée, de prendre en considération la qualification professionnelle de l’intéressé en procédant à une comparaison entre, d’une part, la qualification attestée par ses diplômes, certificats et autres titres ainsi que par son expérience professionnelle pertinente et, d’autre part, la qualification professionnelle exigée par la législation nationale (voir en ce sens, notamment, arrêts précités Vlassopoulou, point 16, ainsi que Morgenbesser, points 57 et 58).

38

Cette jurisprudence est l’expression d’un principe inhérent aux libertés fondamentales consacrées par le traité CE (voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2000, Hocsman, C-238/98, Rec. p. I-6623, point 24, et du 22 janvier 2002, Dreessen, C-31/00, Rec. p. I-663, point 25). Ainsi, comme il découle notamment du point 61 de l’arrêt Morgenbesser, précité, l’analyse ne diffère pas selon que c’est la libre circulation des travailleurs ou la liberté d’établissement qui est invoquée pour s’opposer à un refus, tel que celui en cause au principal, d’admettre un candidat d’un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne au stage préparatoire sans passer l’examen d’aptitude dans les matières juridiques qui sont obligatoires pour le premier examen d’État.

39

Ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, la procédure d’examen comparatif évoquée au point 37 du présent arrêt doit permettre aux autorités de l’État membre d’accueil de s’assurer objectivement que le diplôme étranger atteste, dans le chef de son titulaire, de connaissances et de qualifications sinon identiques, du moins équivalentes à celles attestées par le diplôme national. Cette appréciation de l’équivalence du titre étranger doit être faite exclusivement en tenant compte du degré des connaissances et des qualifications que ce titre permet, compte tenu de la nature et de la durée des études et de la formation pratique qui s’y rapporte, de présumer dans le chef du titulaire (voir arrêts précités Heylens e.a., point 13; Vlassopoulou, point 17; Aguirre Borrell e.a., point 12; du 22 mars 1994, Commission/Espagne, point 13, ainsi que Morgenbesser, point 68).

40

Si cet examen comparatif des diplômes aboutit à la constatation que les connaissances et qualifications attestées par le diplôme étranger correspondent à celles exigées par les dispositions nationales, l’État membre est tenu d’admettre que ce diplôme remplit les conditions posées par celles-ci. Si, en revanche, la comparaison ne révèle qu’une correspondance partielle entre ces connaissances et qualifications, l’État membre d’accueil est en droit d’exiger que l’intéressé démontre qu’il a acquis les connaissances et les qualifications manquantes (voir arrêts Vlassopoulou, précité, point 19; Aguirre Borrell e.a., précité, point 14; du 8 juillet 1999, Fernández de Bobadilla, C-234/97, Rec. p. I-4773, point 32; Morgenbesser, précité, point 70, ainsi que du 7 octobre 2004, Markopoulos e.a., C-255/01, Rec. p. I-9077, points 64 et 65).

41

À cet égard, il incombe aux autorités nationales compétentes d’apprécier si les connaissances acquises dans l’État membre d’accueil, dans le cadre soit d’un cycle d’études, soit d’une expérience pratique, peuvent valoir aux fins d’établir la possession des connaissances manquantes (arrêts précités Vlassopoulou, point 20; Fernández de Bobadilla, point 33, et Morgenbesser, point 71).

42

En se fondant sur la jurisprudence exposée aux trois points précédents du présent arrêt, et en particulier sur le point 68 ainsi que sur la première phrase du point 70 de l’arrêt Morgenbesser, précité, M. Peśla fait valoir que, afin d’appliquer une disposition nationale telle que l’article 112a, paragraphes 1 et 2, du DRiG de manière conforme au droit communautaire, il faut tenir compte principalement des connaissances et des qualifications qui ont été acquises dans l’État membre d’origine, en l’occurrence la République de Pologne, et, le cas échéant, ne prendre en considération qu’à titre subsidiaire les connaissances et qualifications acquises en droit de l’État membre d’accueil, en l’occurrence la République fédérale d’Allemagne. Il considère que, si les connaissances et capacités en droit allemand étaient l’élément de référence aux fins de la comparaison à effectuer, un diplôme étranger ne pourrait en aucun cas satisfaire aux conditions exigées, étant donné que le droit allemand n’est généralement pas enseigné dans les autres États membres. Ainsi, la libre circulation serait, selon lui, exclue dans la pratique pour les jeunes juristes qui ont acquis des qualifications dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne.

43

Cette argumentation se fonde sur une lecture erronée de la jurisprudence sur laquelle elle s’appuie.

44

En effet, selon cette jurisprudence, dans le cadre de l’examen comparatif exposé aux points 37 et 39 à 41 du présent arrêt, un État membre peut prendre en considération des différences objectives relatives tant au cadre juridique de la profession en question dans l’État membre de provenance qu’au champ d’activité de celle-ci. Dans le cas de la profession d’avocat, un État membre est donc fondé à procéder à un examen comparatif des diplômes en tenant compte des différences relevées entre les ordres juridiques nationaux concernés (voir arrêts précités Vlassopoulou, point 18, et Morgenbesser, point 69).

45

Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 37 du présent arrêt, et contrairement à ce que M. Peśla fait valoir, c’est par rapport à la qualification professionnelle exigée par la législation de l’État membre d’accueil que les connaissances attestées par le diplôme octroyé dans un autre État membre et les qualifications et/ou l’expérience professionnelle obtenues dans d’autres États membres ainsi que l’expérience acquise dans l’État membre où le candidat demande à s’inscrire doivent être examinées (voir également, en ce sens, arrêts Aguirre Borrell e.a., précité, point 11; du 1er février 1996, Aranitis, C-164/94, Rec. p. I-135, point 31; Dreessen, précité, point 24, et Morgenbesser, précité, point 67).

46

Ainsi, le seul fait que les études juridiques effectuées portant sur le droit d’un premier État membre puissent être considérées comme comparables, du point de vue tant du niveau de la formation reçue que du temps et des efforts déployés à cet effet, aux études ayant vocation de dispenser les connaissances attestées par la qualification exigée dans un autre État membre ne saurait par lui-même entraîner, dans le cadre de l’examen comparatif exposé aux points 37 et 39 à 41 du présent arrêt, une obligation de privilégier non pas les connaissances exigées par les dispositions nationales de l’État membre dans lequel le candidat demande à bénéficier de la formation professionnelle requise pour accéder aux professions juridiques, mais celles, portant pour l’essentiel sur le droit du premier État membre, attestées par les qualifications obtenues dans ce dernier État. En effet, ainsi que la juridiction de renvoi l’a constaté, une argumentation telle que celle soutenue à titre principal par M. Peśla, poussée jusqu’à ses conséquences ultimes, reviendrait à admettre qu’un candidat pourrait accéder au stage préparatoire sans posséder les moindres connaissances tant du droit allemand que de la langue allemande.

47

Par ailleurs, dans la mesure où M. Peśla fait valoir, à titre subsidiaire, que les connaissances du droit allemand qu’il a acquises au cours de son cursus universitaire en Allemagne ont été prises en compte de manière insuffisante par le Justizministerium Mecklenburg-Vorpommern, il suffit de rappeler qu’il n’appartient pas en l’occurrence à la Cour de déterminer si les autorités allemandes sont fondées à considérer comme insuffisantes des pièces justificatives telles que celles qui leur ont été présentées par M. Peśla.

48

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux deux premières questions que l’article 39 CE doit être interprété en ce sens que les connaissances à prendre comme élément de référence aux fins d’effectuer une appréciation de l’équivalence des formations à la suite d’une demande d’admission directe, sans passer les épreuves prévues à cet effet, à un stage préparatoire aux professions juridiques sont celles attestées par la qualification exigée dans l’État membre où le candidat demande à accéder à un tel stage.

Sur la troisième question

49

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si, aux fins de l’examen de l’équivalence à effectuer conformément aux points 37 et 39 à 41 du présent arrêt, il convient d’abaisser, fût-ce légèrement, le niveau des connaissances requises du droit de l’État membre d’accueil, en vue de conférer un effet utile à l’article 39 CE.

50

À cet égard, l’effet utile de l’article 39 CE n’impose pas que l’accès à une activité professionnelle dans un État membre soit soumis à des exigences inférieures à celles normalement requises des ressortissants de cet État.

51

Par la jurisprudence mentionnée aux points 34 à 41, 44 et 45 du présent arrêt, la Cour a reconnu la nécessité de concilier l’exigence des qualifications requises pour l’exercice d’une profession déterminée avec les impératifs de l’exercice effectif des libertés fondamentales garanties par les articles 39 CE et 43 CE (voir à cet égard, en particulier, arrêt Heylens e.a., précité, point 13).

52

Ainsi, il ressort de cette jurisprudence que l’examen de l’équivalence évoqué au point 39 du présent arrêt doit être effectué au regard de l’ensemble de la formation, académique et professionnelle, que l’intéressé peut faire valoir, afin d’apprécier si cet ensemble peut être considéré comme satisfaisant, même partiellement, aux conditions requises pour accéder à l’activité concernée (voir en ce sens, notamment, arrêt Morgenbesser, précité, points 66 et 67). Si cet examen comparatif révèle que ledit ensemble ne satisfait que partiellement à celles-ci, l’État membre d’accueil est en droit, ainsi qu’il ressort du point 40 du présent arrêt, d’exiger que l’intéressé démontre qu’il a acquis les connaissances et les qualifications manquantes.

53

Le fait qu’un État membre d’accueil doit ainsi tenir compte des connaissances qui ne correspondent que partiellement à celles attestées par la qualification professionnelle exigée par la législation nationale de cet État membre, et cela d’une manière autre que par la voie des épreuves précédant l’octroi de cette qualification, contribue d’ores et déjà à faciliter la libre circulation des personnes telle qu’inscrite en particulier à l’article 39 CE. En effet, à défaut d’une telle obligation, l’absence du diplôme normalement exigé des ressortissants de l’État membre d’accueil pourrait constituer, en tant que telle, un obstacle déterminant à l’accès aux professions juridiques de cet État membre (voir, à cet égard, arrêt Morgenbesser, précité, points 64 à 67).

54

Dès lors, ne saurait être accueillie l’argumentation de M. Peśla selon laquelle l’article 39 CE serait vidé de son sens si l’État membre d’accueil pouvait exiger du candidat le même niveau de connaissances de son droit national que celui attesté par la qualification professionnelle requise dans cet État pour l’accès auxdites professions.

55

Par ailleurs, il ressort du dossier qu’il est attendu du stagiaire en droit, dès le début du stage préparatoire, qu’il seconde son formateur et exerce des activités pratiques sous la direction de ce dernier. À ces fins, il pourrait être considéré comme indispensable que ce stagiaire dispose, dès avant la mise en œuvre de ses capacités juridiques dans le cadre de telles activités pratiques, du même niveau de connaissances de l’ordonnancement juridique allemand que celui attesté par le premier examen d’État dans les matières obligatoires. En tout état de cause, il apparaît très difficile, eu égard notamment au caractère progressif du processus de formation, d’acquérir, dans le temps prévu, les connaissances nécessaires aux fins de passer, avec un espoir raisonnable de succès, le second examen juridique d’État.

56

Toutefois, si l’article 39 CE n’impose pas, par lui-même, une diminution du niveau des connaissances du droit de l’État membre d’accueil requis dans des situations telles que celle au principal, il y a lieu de rappeler que cet article ne saurait être interprété comme privant les États membres de la faculté de procéder à un assouplissement de la qualification exigée.

57

Il s’ensuit que, lorsque les autorités d’un État membre examinent la demande d’un ressortissant d’un autre État membre tendant à obtenir l’accès à une période de formation pratique en vue de l’exercice ultérieur d’une profession juridique réglementée, telle qu’un stage préparatoire, l’article 39 CE n’impose pas, par lui-même, que ces autorités exigent seulement du candidat, dans le cadre de l’examen de l’équivalence requis par le droit communautaire, un niveau de connaissances juridiques inférieur à celles attestées par la qualification exigée dans cet État membre pour l’accès à une telle période de formation pratique, sans toutefois que ledit article fasse obstacle à une interprétation souple d’une telle qualification.

58

Néanmoins, il importe que, dans la pratique, la possibilité d’une reconnaissance partielle, telle qu’évoquée notamment au point 52 du présent arrêt, ne demeure pas simplement fictive.

59

À cet égard, lorsque la comparaison entre les qualifications des candidats concernés et les connaissances requises ne révèle qu’une correspondance partielle, l’État membre d’accueil n’est pas nécessairement en droit d’exiger dans toutes ces situations que soient passés des examens d’aptitude de la même envergure, indépendamment de l’étendue plus ou moins grande des connaissances partielles constatées. En effet, l’absence d’une ventilation adéquate des matières faisant l’objet de l’examen comparatif visé au point 37 du présent arrêt pourrait avoir pour conséquence que, en réalité, une reconnaissance partielle des qualifications acquises serait exclue en pratique, de sorte que les intéressés devraient démontrer, par la suite, qu’ils ont acquis non seulement les connaissances manquantes, mais également celles qui sont susceptibles d’être reconnues, et cela au niveau requis, dans le cadre dudit examen comparatif.

60

Toutefois, il convient de préciser que, dans la mesure où la réussite aux examens juridiques nationaux, tels que le premier examen d’État, est la preuve de l’acquisition de connaissances à la fois étendues et approfondies dans les domaines juridiques donnés, l’exigence de ventilation découlant du point précédent ne saurait avoir pour conséquence que de simples connaissances ponctuelles de certains aspects de ces domaines suffiraient pour que l’intéressé soit fondé à demander la reconnaissance partielle de ses qualifications.

61

Dans le litige au principal, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si le régime instauré par l’article 112a du DRiG, tel qu’appliqué par les autorités nationales compétentes, offre aux personnes ayant des connaissances suffisamment étendues et approfondies d’un sous-ensemble important des matières qui — ensemble — font l’objet de l’examen comparatif prévu aux paragraphes 1 et 2 dudit article la possibilité d’être exemptées de l’obligation de passer l’intégralité des épreuves visées au paragraphe 3 de ce même article.

62

Sur ce point, il convient de relever que, en réponse à une question posée par la Cour lors de l’audience, le gouvernement allemand a indiqué que, dans l’hypothèse où un candidat aurait acquis, par exemple, des connaissances en droit civil allemand correspondant au niveau requis par l’examen comparatif visé à l’article 112a, paragraphes 1 et 2, du DRiG, sans toutefois pouvoir démontrer des connaissances de même niveau du code de procédure civile allemand, les épreuves d’aptitude prévues au paragraphe 3 dudit article pourraient porter uniquement sur le droit civil procédural allemand.

63

Il convient par ailleurs de relever que l’examen des connaissances et capacités prévu à l’article 112a, paragraphe 1, du DRiG apparaît effectivement moins exigeant, dans la pratique, que le premier examen d’État. En effet, il ressort du dossier que, contrairement à un diplômé de droit ayant effectué ses études en Allemagne, un candidat provenant d’un autre État membre n’est tenu de passer ni les épreuves dans des matières spécialisées ni les épreuves orales.

64

Dans ces conditions, il n’apparaît pas, à première vue, que, dans le cadre du régime instauré par l’article 112a du DRiG, la possibilité d’une reconnaissance partielle des connaissances acquises, telle qu’évoquée notamment au point 52 du présent arrêt, soit simplement fictive, ce qu’il appartient cependant à la juridiction de renvoi, seule compétente pour se prononcer sur l’interprétation du droit interne, de vérifier.

65

Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question que l’article 39 CE doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités compétentes d’un État membre examinent la demande d’un ressortissant d’un autre État membre tendant à obtenir l’accès à une période de formation pratique en vue de l’exercice ultérieur d’une profession juridique réglementée, telle que le stage préparatoire, cet article n’impose pas, par lui-même, que ces autorités exigent seulement du candidat, dans le cadre de l’examen de l’équivalence requis par le droit communautaire, un niveau de connaissances juridiques inférieur à celles attestées par la qualification exigée dans cet État membre pour l’accès à une telle période de formation pratique. Il convient toutefois de préciser que, d’une part, ledit article ne s’oppose pas non plus à un assouplissement de la qualification requise et que, d’autre part, il importe que, dans la pratique, la possibilité d’une reconnaissance partielle des connaissances certifiées par les qualifications dont l’intéressé a justifié ne demeure pas simplement fictive, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Sur les dépens

66

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

 

1)

L’article 39 CE doit être interprété en ce sens que les connaissances à prendre comme élément de référence aux fins d’effectuer une appréciation de l’équivalence des formations à la suite d’une demande d’admission directe, sans passer les épreuves prévues à cet effet, à un stage préparatoire aux professions juridiques sont celles attestées par la qualification exigée dans l’État membre où le candidat demande à accéder à un tel stage.

 

2)

L’article 39 CE doit être interprété en ce sens que, lorsque les autorités compétentes d’un État membre examinent la demande d’un ressortissant d’un autre État membre tendant à obtenir l’accès à une période de formation pratique en vue de l’exercice ultérieur d’une profession juridique réglementée, telle que le stage préparatoire aux professions juridiques en Allemagne, cet article n’impose pas, par lui-même, que ces autorités exigent seulement du candidat, dans le cadre de l’examen de l’équivalence requis par le droit communautaire, un niveau de connaissances juridiques inférieur à celles attestées par la qualification exigée dans cet État membre pour l’accès à une telle période de formation pratique. Il convient toutefois de préciser que, d’une part, ledit article ne s’oppose pas non plus à un tel assouplissement de la qualification requise et que, d’autre part, il importe que, dans la pratique, la possibilité d’une reconnaissance partielle des connaissances certifiées par les qualifications dont l’intéressé a justifié ne demeure pas simplement fictive, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.