ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

12 mars 2009 (*)

«Manquement d’État – Directive 96/82/CE – Article 11, paragraphe 1, sous c) – Défaut d’avoir élaboré des plans d’urgence externes – Transposition incomplète»

Dans l’affaire C‑342/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 24 juillet 2008,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Rozet et A. Sipos, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par M. T. Materne, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot (rapporteur), président de chambre, M. L. Bay Larsen et Mme C. Toader, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas assuré l’élaboration d’un plan d’urgence externe pour tous les établissements visés à l’article 9 de la directive 96/82/CE du Conseil, du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (JO 1997, L 10, p. 13), telle que modifiée par la directive 2003/105/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2003 (JO L 345, p. 97, ci-après la «directive 96/82»), le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous c), de cette directive.

 Le cadre juridique

2        L’article 11 de la directive 96/82 concerne les plans d’urgence exigés pour les établissements soumis aux dispositions de son article 9. Ce dernier couvre ceux des établissements énumérés à son article 2, paragraphe 1, dans lesquels des substances dangereuses sont présentes dans des quantités égales ou supérieures à celles indiquées à son annexe I, parties 1 et 2, colonne 3.

3        L’article 11, paragraphe 1, sous c), de la directive 96/82 dispose que les États membres, pour tous les établissements soumis aux dispositions de l’article 9 de cette directive, veillent à ce que «les autorités désignées à cet effet par l’État membre élaborent un plan d’urgence externe pour les mesures à prendre à l’extérieur de l’établissement». Ce même article prévoit qu’il appartient aux exploitants concernés de fournir aux autorités compétentes les informations nécessaires pour leur permettre d’établir des plans d’urgence.

4        En vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous b), de la directive 96/82, la date limite à laquelle les exploitants devaient avoir transmis ces informations aux autorités compétentes était fixée au 3 février 2002, soit trois ans après la date limite de transposition de cette directive.

5        Le point 2 de l’annexe IV de la directive 96/82 énumère les données et les informations devant figurer dans les plans d’urgence externes.

 La procédure précontentieuse

6        Estimant que les dispositions susmentionnées de la directive 96/82 n’avaient pas été pleinement respectées, la Commission a, le 23 mars 2007, engagé la procédure en manquement prévue à l’article 226 CE en mettant le Royaume de Belgique en demeure de présenter ses observations à cet égard.

7        La réponse apportée le 31 mai 2007 par cet État membre à cette lettre de mise en demeure ne lui ayant pas paru satisfaisante, la Commission a, le 1er février 2008, adressé un avis motivé au Royaume de Belgique, l’invitant à adopter les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations résultant de la directive 96/82 dans un délai de deux mois à compter de la réception de cet avis.

8        En réponse à l’avis motivé, les autorités belges ont informé la Commission, par lettre du 1er avril 2008, complétée par un courrier en date du 25 juin 2008, de l’état des procédures en cours devant permettre de doter d’un plan d’urgence externe l’ensemble des établissements visés à l’article 9 de la directive 96/82.

9        Estimant que la situation demeurait insatisfaisante, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

10      Le Royaume de Belgique fait en substance valoir, en défense, que les mesures permettant aux entreprises, qui ne sont pas encore dotées d’un plan d’urgence externe, de remédier à cette situation sont en cours d’élaboration, qu’un arrêté ministériel devait préalablement être adopté, et, enfin, qu’une concertation avec les gouvernements régionaux concernés était, à cette fin, nécessaire. Le Royaume de Belgique précise que la publication de l’arrêté ministériel du 20 juin 2008 doit mettre les exploitants en mesure de débuter les opérations de définition des «zones de planification d’urgence» et que l’élaboration des plans d’urgence externes suivra.

11      Cette argumentation ne peut toutefois qu’être écartée.

12      En effet, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêt du 12 décembre 2000, Commission/Portugal, C-435/99, Rec. p. I-11179, point 16).

13      Un État membre ne saurait par ailleurs exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne, y compris celles découlant de son organisation fédérale, pour justifier l’inobservation des obligations et délais prescrits par une directive (arrêt du 6 juillet 2000, Commission/Belgique, C-236/99, Rec. p. I-5657, point 23).

14      Le Royaume de Belgique soutient également que des «plans d’urgence et d’intervention» ont été établis aux niveaux communal et provincial et que ces plans concourent au même objectif que celui d’un plan d’urgence externe et offrent un niveau de sécurité suffisant.

15      Un tel argument ne saurait toutefois être accueilli.

16      En effet, si les États membres sont libres de choisir les voies et les moyens destinés à assurer la mise en œuvre d’une directive, cette liberté laisse cependant entière l’obligation, pour chacun des États destinataires, de prendre, dans le cadre de son ordre juridique national, toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer le plein effet de la directive (arrêt du 13 mars 2008, Commission/Grèce, C-81/07, point 17).

17      À cet égard, il ne ressort nullement des informations fournies par le Royaume de Belgique que les plans d’urgence et d’intervention dont il se prévaut peuvent être considérés comme des plans d’urgence externes au sens de la directive 96/82, de sorte qu’il pourrait être considéré que la transposition effective de celle-ci est assurée.

18      Il y a lieu, en particulier, de relever que si ces plans d’urgence et d’intervention concourent au même objectif que celui d’un plan d’urgence externe, les éléments qu’ils doivent contenir diffèrent des données et des informations devant figurer dans les plans d’urgence externes en vertu des dispositions du point 2 de l’annexe IV de la directive 96/82.

19      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer comme fondé le recours introduit par la Commission.

20      Par conséquent, il convient de constater que, en n’ayant pas assuré l’élaboration d’un plan d’urgence externe pour tous les établissements visés à l’article 9 de la directive 96/82, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

 Sur les dépens

21      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas assuré l’élaboration d’un plan d’urgence externe pour tous les établissements visés à l’article 9 de la directive 96/82/CE du Conseil, du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, telle que modifiée par la directive 2003/105/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2003, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2)      Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.