ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
9 juillet 2009 (*)
«Manquement d’État – Directive 2004/83/CE – Droit d’asile – Non‑transposition dans le délai prescrit»
Dans l’affaire C‑272/08,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 24 juin 2008,
Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes M. Condou-Durande et E. Adsera Ribera, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Royaume d’Espagne, représenté par Mme B. Plaza Cruz, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de chambre, MM. A. Tizzano (rapporteur) et J.-J. Kasel, juges,
avocat général: Mme J. Kokott,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’adoptant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts (JO L 304, p. 12, ci-après la «directive») ou, en tout état de cause, en ne lui communiquant pas ces dispositions, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
2 L’article 38 de la directive dispose que les États membres mettent en vigueur les dispositions nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 10 octobre 2006 et qu’ils en informent immédiatement la Commission.
3 N’ayant pas reçu d’informations concernant la transposition de la directive par le Royaume d’Espagne, la Commission a, par lettre du 27 novembre 2006, mis en demeure cet État membre de présenter ses observations, conformément à l’article 226 CE.
4 Les observations transmises par lettre du 29 janvier 2007 laissant entendre que cet État membre n’avait pas encore adopté les dispositions nécessaires à la transposition de la directive, la Commission a émis, le 27 juin 2007, un avis motivé dans lequel elle concluait que le Royaume d’Espagne, n’ayant pas adopté lesdites dispositions dans le délai prescrit, avait manqué aux obligations lui incombant en vertu de la directive. La Commission a, dès lors, invité ledit État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa réception.
5 Par lettre du 7 septembre 2007, le gouvernement espagnol a répondu audit avis motivé, en indiquant qu’un texte législatif était en cours d’approbation par les autorités compétentes.
6 N’ayant pas reçu d’autres informations confirmant la transposition effective de la directive, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
7 Dans son mémoire en défense, ledit gouvernement, en substance, ne conteste pas le manquement reproché. Toutefois, il fait valoir que si les dispositions nationales déjà en vigueur ne sont pas suffisantes pour assurer une transposition complète de la directive dans l’ordre juridique espagnol, elles sont néanmoins conformes à cette dernière. En outre, ce gouvernement soutient que les mesures visant à opérer une telle transposition sont en cours d’adoption et qu’elles seront probablement définitivement approuvées au cours du premier semestre de l’année 2009, le retard constaté étant dû, notamment, à la tenue d’élections ainsi qu’à une restructuration des départements ministériels concernés.
8 Il convient de rappeler à cet égard que la Cour a jugé que la transposition d’une directive n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de celle-ci dans une disposition légale expresse et spécifique et qu’elle peut se satisfaire d’un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d’une façon suffisamment claire et précise (voir, notamment, arrêts du 23 mai 1985, Commission/Allemagne, 29/84, Rec. p. 1661, point 23; du 9 septembre 1999, Commission/Allemagne, C‑217/97, Rec. p. I‑5087, point 31, et du 26 juin 2003, Commission/France, C‑233/00, Rec. p. I‑6625, point 76).
9 Toutefois, force est de constater que, en l’espèce, le Royaume d’Espagne n’a pas démontré, ni même allégué, que les dispositions nationales en vigueur pourraient rendre superflue la transposition de la directive, la conformité du droit national au droit communautaire étant déjà assurée. Au contraire, les autorités espagnoles ont reconnu que les dispositions nationales en vigueur n’étaient pas suffisantes pour que soit assurée une transposition complète de la directive.
10 En outre, il convient également de rappeler qu’un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations et délais prescrits par une directive (arrêts du 7 décembre 2000, Commission/Italie, C‑423/99, Rec. p. I‑11167, point 10; du 5 avril 2001, Commission/Grèce, C‑494/99, Rec. p. I‑2761, point 10, et du 4 octobre 2001, Commission/Luxembourg, C‑450/00, Rec. p. I‑7069, point 8).
11 En l’espèce, il est constant que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, les mesures nécessaires pour transposer la directive dans l’ordre juridique espagnol n’avaient pas encore été adoptées.
12 Dans ces conditions, il y a lieu de considérer le recours introduit par la Commission comme fondé.
13 Par conséquent, il convient de constater que, en n’adoptant pas, dans le délai prescrit, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
Sur les dépens
14 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:
1) En n’adoptant pas, dans le délai prescrit, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2004/83/CE du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.
2) Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure: l’espagnol.