ARRÊT DU 15. 10. 2009 – AFFAIRE C-255/08

COMMISSION / PAYS-BAS

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

15 octobre 2009 (*)

«Manquement d’État – Directive 85/337/CEE – Évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement – Détermination de seuils – Dimension du projet – Transposition incomplète»

Dans l’affaire C‑255/08,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 13 juin 2008,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. van Beek et J.-B. Laignelot, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes C. Wissels et M. Noort, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. J.‑C. Bonichot, président de la quatrième chambre, faisant fonction de président de la sixième chambre, MM. P. Kūris (rapporteur) et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ne prenant pas les mesures législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 (JO L 73, p. 5), et par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003 (JO L 156, p. 17, ci-après la «directive 85/337»), ledit article lu en combinaison avec les annexes II et III de cette directive, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

2        L’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 dispose:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.»

3        L’article 3 de cette directive énonce:

«L’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier et conformément aux articles 4 à 11, les effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs suivants:

–        l’homme, la faune et la flore,

–        le sol, l’eau, l’air, le climat et le paysage,

–        les biens matériels et le patrimoine culturel,

–        l’interaction entre les facteurs visés aux premier, deuxième et troisième tirets.»

4        Aux termes de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de ladite directive:

«2.      Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les États membres déterminent, pour les projets énumérés à l’annexe II:

a)      sur la base d’un examen cas par cas,

ou

b)      sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre,

si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10.

Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b).

3.      Pour l’examen cas par cas ou la fixation des seuils ou critères fixés en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III.»

5        L’annexe II de la directive 85/337 énumère les projets visés à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive et précise leurs caractéristiques, aux fins de déterminer, sous réserve de l’article 2, paragraphe 3, de ladite directive, si un projet doit être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement. L’annexe III de la directive 85/337 énonce les critères de sélection en vue de l’examen des projets selon la procédure prévue à l’article 4, paragraphe 2, de cette directive.

 La réglementation nationale

6        La directive 85/337 a été transposée en droit néerlandais par la loi relative à la gestion de l’environnement (Wet Milieubeheer, ci-après la «WMB») et par le décret du 4 juillet 1994 portant exécution du chapitre relatif à l’évaluation des incidences sur l’environnement de la loi relative à la gestion de l’environnement (ci-après le «décret»).

7        L’article 7.2 de la WMB énonce:

«1.      Par règlement général d’administration, sont désignées les activités:

[…]

b.      à propos desquelles l’autorité compétente doit effectuer une évaluation aux fins de déterminer si elles sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement compte tenu des circonstances particulières entourant leur exercice.

[…]

4.      S’agissant des activités visées au paragraphe 1, sous b), ci-dessus, sont désignées les catégories de décisions dans le cadre desquelles l’autorité compétente doit évaluer si, en vertu des articles 7.8b ou 7.8d, les activités en cause produisent les effets prévus auxdits articles et, le cas échéant, dans la préparation desquelles il y a lieu d’établir un rapport d’impact sur l’environnement.

[…]

7.      Le règlement peut prévoir que la désignation d’une activité, d’un projet ou d’une décision ne vaut que pour les catégories de cas indiquées.»

8        L’article 7.8b, paragraphe 4, de la WMB est libellé comme suit:

«Aux fins de sa décision, l’autorité compétente tient compte des circonstances indiquées à l’annexe III de la directive communautaire relative à l’évaluation des incidences sur l’environnement.»

9        L’article 2 du décret dispose:

«[…]

2.      Sont qualifiées d’activités visées à l’article 7.2, paragraphe 1, sous b), de la [WMB] les activités relevant d’une catégorie décrite dans la partie D de l’annexe.

Si une activité relève d’une catégorie d’activités décrite tant dans la partie C que dans la partie D de l’annexe et qu’elle remplit les critères indiqués dans les catégories de cas citées, elle relève de la catégorie d’activités indiquée dans la partie C.

[…]

4.      Sont indiquées comme catégories de décisions visées à l’article 7.2, paragraphes 3 et 4, de la [WMB] les catégories indiquées dans la colonne 4 de la partie C ou de la partie D de l’annexe.

5.      L’obligation d’effectuer une évaluation des incidences sur l’environnement ou d’appliquer les articles 7.8a à 7.8d de la [WMB] ne s’applique que dans la mesure où, à l’annexe, sont indiquées des catégories de cas dans une catégorie d’activités.»

 La procédure précontentieuse

10      La Commission a adressé, le 4 juillet 2006, une lettre de mise en demeure au Royaume des Pays-Bas, dans laquelle elle indiquait que les dispositions de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337, lues en combinaison avec les annexes II et III de cette dernière, n’avaient pas été correctement transposées en droit néerlandais.

11      Dans sa réponse du 14 novembre 2006, cet État membre a fait valoir qu’il avait l’intention d’adopter les mesures législatives nécessaires à la transposition de la directive 85/337 au cours de l’année 2007.

12      N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a, par une lettre du 29 juin 2007, émis un avis motivé invitant ledit État membre à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

13      En réponse audit avis motivé, le Royaume des Pays-Bas a, par une lettre du 18 septembre 2007, indiqué qu’une procédure législative en vue de la transposition intégrale et correcte de la directive 85/337 devait être menée au cours du troisième trimestre de l’année 2008.

14      Ne disposant d’aucune information lui permettant de conclure que la transposition de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337, lu en combinaison avec les annexes II et III de cette dernière, avait été définitivement effectuée par le Royaume des Pays-Bas, la Commission a introduit le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

15      La Commission soutient que le Royaume des Pays-Bas n’a pas respecté ses obligations résultant de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337, lu en combinaison avec les annexes II et III de cette dernière, dès lors que certains projets mentionnés à l’annexe II de ladite directive sont exemptés d’une évaluation des incidences sur l’environnement au regard du seul critère relatif à la «dimension du projet», et cela sans qu’il soit tenu compte des autres critères visés à l’annexe III de la même directive.

16      Selon la Commission, l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337 exige qu’il soit tenu compte des critères figurant à l’annexe III de cette directive, aux fins de déterminer si, pour un projet mentionné à l’annexe II de ladite directive, il convient de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement.

17      Or, selon la Commission, il découle de la législation néerlandaise que l’autorité compétente doit décider au cas par cas si une évaluation des incidences sur l’environnement doit être effectuée, et cela uniquement pour les projets qui dépassent certains seuils. Ces derniers seraient fixés en ne tenant compte que du critère relatif à la dimension du projet, mentionné à l’annexe III de la directive 85/337.

18      Pour les projets qui ne dépassent pas les seuils fixés, l’autorité compétente ne serait pas tenue d’examiner la nécessité de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement ni de tenir compte des autres critères figurant à l’annexe III de la directive 85/337 ni de prendre une décision à ce sujet.

19      Le Royaume des Pays-Bas relève que, en pratique, les articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 2, sous b), et 3, de la directive 85/337 sont difficilement compatibles entre eux. Selon cet État membre, l’article 4, paragraphes 2 et 3, de cette directive autorise explicitement les États membres à fixer et à appliquer des seuils, alors que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 prévoit que ces États doivent s’assurer que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale.

20      Ledit État membre souligne que l’application de seuils, que la directive 85/337 autorise à juste titre, est en pratique difficilement compatible avec l’objectif de cette directive, car, pour les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, une autorisation ne peut être délivrée qu’après une évaluation préalable de ces incidences.

21      Le Royaume des Pays-Bas fait valoir que, lors de la fixation des seuils dans la législation néerlandaise en cause, il a été tenu compte non seulement du critère de sélection relatif à la dimension du projet, mais aussi des autres critères visés à l’annexe III de la directive 85/337.

22      Cet État membre mentionne quelques exemples de catégories de projets visées dans la partie D de l’annexe du décret, tels que la modification de la localisation d’un terrain aménagé pour le décollage ou l’atterrissage des avions, la modification ou l’extension d’une canalisation de transport de gaz, d’huile ou de produits chimiques et la modification ou l’extension d’un établissement dans lequel de l’énergie nucléaire peut être libérée. Pour ces derniers projets, afin de décider de la nécessité d’effectuer une évaluation des incidences sur l’environnement, il conviendrait de tenir compte non seulement du critère relatif à la dimension du projet, mais également des caractéristiques de celui-ci et de ses conséquences pour l’environnement ainsi que de sa localisation, comme l’exigeraient l’annexe III de la directive 85/337 et l’interprétation à laquelle a procédé la Cour dans l’arrêt du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a. (C‑72/95, Rec. p. I‑5403).

23      Le Royaume des Pays-Bas considère que le grief de la Commission tiré de ce que, lors de la fixation des seuils, il a uniquement été tenu compte du critère relatif à la dimension du projet n’est pas fondé. Il relève que la Commission n’a pas produit d’exemples de projets n’ayant été évalués que par rapport à leur dimension et qui, compte tenu de leur nature ou de leur situation, auraient pu avoir des incidences environnementales sérieuses.

24      En outre, cet État membre estime qu’il ressort des arrêts Kraaijeveld e.a., précité, et du 21 septembre 1999, Commission/Irlande (C‑392/96, Rec. p. I‑5901), que les seuils fixés au titre de la directive 85/337 ne doivent pas être considérés comme constituant une limite juridiquement stricte et absolue. En particulier, il y aurait lieu de tenir compte de l’effet cumulatif des projets, qui aboutit à ce que ceux-ci sont soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement, alors même que, pris isolément, ils en seraient dispensés. À cette fin, une modification de la réglementation néerlandaise aurait été engagée.

25      La Commission rappelle, d’une part, qu’elle avait déjà cité des exemples de projets, au cours de la procédure précontentieuse, dans la lettre de mise en demeure et dans l’avis motivé et, d’autre part, qu’elle a fait valoir, dès ce stade, que, en vertu de la législation néerlandaise, certains projets mentionnés à l’annexe II de la directive 85/337 étaient dispensés de l’évaluation des incidences sur l’environnement sur la base du seul critère relatif à la dimension du projet, sans qu’il soit tenu compte des autres critères énoncés à l’annexe III de cette directive, relatifs aux caractéristiques des projets, telles que la vulnérabilité environnementale de la zone concernée, et à celles de l’impact potentiel, telles que l’étendue, la probabilité, la durée ainsi que la fréquence de ce dernier.

26      La Commission fait état de quelques-unes des catégories visées dans la partie D de l’annexe du décret, pour lesquelles la dimension du projet constituerait l’unique critère. À titre d’exemple, elle mentionne, premièrement, les projets relevant de la catégorie 2, qui concerne la construction, la modification ou l’extension de terminaux intermodaux ou de plates-formes intermodales, pour lesquels une évaluation des incidences sur l’environnement doit être effectuée si l’activité prévue concerne une superficie égale ou supérieure à 25 hectares, et, deuxièmement, les projets relevant de la catégorie 3, qui porte sur la construction, la modification ou l’extension d’une voie navigable, pour lesquels une évaluation des incidences sur l’environnement doit être réalisée si le projet concerne une voie navigable pouvant accueillir des bateaux dont le port en lourd est égal ou supérieur à 900 tonnes. Il en serait de même de la catégorie 4.1, qui concerne la construction d’un port militaire, d’un port à usage civil pour la navigation intérieure, d’un port de commerce maritime ou d’un port de pêche.

27      Par conséquent, la Commission considère que la législation néerlandaise en cause ne garantit pas suffisamment que tous les projets susceptibles d’avoir des conséquences notables pour l’environnement soient soumis à l’obligation de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement. Elle estime que le Royaume des Pays-Bas ne respecte pas le dispositif prévu à l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337, lu en combinaison avec les annexes II et III de celle-ci.

 Appréciation de la Cour

28      Par le présent recours en manquement, la Commission reproche au Royaume des Pays-Bas d’avoir effectué une transposition incomplète de l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337, lu en combinaison avec les annexes II et III, de celle-ci, qui prévoit que l’autorité compétente doit décider au cas par cas si une évaluation des incidences sur l’environnement doit être effectuée, et cela uniquement pour les projets dépassant certains seuils. À cet égard, elle constate que, dans la législation néerlandaise en cause, ces seuils ont été fixés compte tenu non pas de l’ensemble des critères mentionnés à l’annexe III de la directive 85/337, mais uniquement du critère relatif à la dimension du projet.

29      Or, les États membres doivent donner à la directive 85/337 une exécution qui corresponde pleinement aux exigences qu’elle pose compte tenu de son objectif essentiel, qui est, ainsi que cela résulte de son article 2, paragraphe 1, que, avant l’octroi d’une autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences (arrêt du 23 novembre 2006, Commission/Italie, C‑486/04, Rec. p. I‑11025, point 36 et jurisprudence citée).

30      En effet, un projet de dimension même réduite peut avoir des incidences notables sur l’environnement et il ressort d’une jurisprudence constante que les dispositions de la législation de l’État membre qui prévoient l’évaluation de l’impact environnemental de certains types de projets doivent aussi respecter les exigences énoncées à l’article 3 de la directive 85/337 et prendre en compte l’effet du projet sur l’homme, la faune et la flore, le sol, l’eau, l’air ou le patrimoine culturel (voir arrêt du 13 juin 2002, Commission/Espagne, C‑474/99, Rec. p. I‑5293, point 32).

31      Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 2, de la directive 85/337 prévoit que, pour les projets énumérés à l’annexe II de cette dernière, les États membres déterminent, soit sur la base d’un examen au cas par cas, soit sur la base de seuils ou de critères, si ces projets doivent être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement. Selon cette même disposition, les États membres peuvent aussi décider d’appliquer ces deux procédures.

32      Il résulte également d’une jurisprudence constante que, lorsque les États membres ont décidé de recourir à la fixation de seuils et/ou de critères, la marge d’appréciation qui leur est ainsi conférée trouve ses limites dans l’obligation, énoncée à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337, de soumettre, avant l’octroi d’une autorisation, à une étude d’incidences les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation (arrêt du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, C-66/06, point 61 et jurisprudence citée).

33      Il convient aussi de souligner que, en application de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 85/337, les États membres ont l’obligation de tenir compte, pour la fixation desdits seuils ou critères, des critères de sélection pertinents énoncés à l’annexe III de celle-ci.

34      Parmi ces derniers critères, ladite annexe distingue, premièrement, les caractéristiques des projets, qui doivent être considérées notamment par rapport à la dimension du projet, au cumul avec d’autres projets, à l’utilisation des ressources naturelles, à la production de déchets, à la pollution et aux nuisances ainsi qu’au risque d’accidents, deuxièmement, la localisation des projets, de sorte que soit considérée la sensibilité environnementale des zones géographiques susceptibles d’être affectées par ceux-ci en prenant en compte, en particulier, l’occupation des sols existants et la capacité de charge de l’environnement naturel, ainsi que, troisièmement, les caractéristiques de l’impact potentiel, notamment au regard de la zone géographique et de l’importance de la population.

35      Il s’ensuit qu’un État membre qui, sur la base de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 85/337, fixerait des seuils et/ou des critères en ne tenant compte que des dimensions des projets, sans prendre en considération les critères rappelés au point 34 du présent arrêt, outrepasserait la marge d’appréciation dont il dispose en vertu des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, de cette directive (arrêt du 20 novembre 2008, Commission/Irlande, précité, point 64).

36      Aussi, afin de déterminer si le grief formulé par la Commission à l’encontre du Royaume des Pays-Bas est fondé, il convient d’examiner, dans le cadre du présent recours, si les obligations résultant des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337, telles qu’elles sont précisées aux points 32 à 34 du présent arrêt, sont respectées.

37      Il appartient donc à la Commission d’apporter la preuve que la législation néerlandaise transposant l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337 ne garantit pas que, pour déterminer si un projet doit être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, il est tenu compte des critères de sélection énoncés à l’annexe III de la directive 85/337.

38      À cette fin, la Commission a rappelé, ainsi qu’il a été dit au point 26 du présent arrêt, que des catégories de projets visées dans la partie D de l’annexe du décret, pour lesquelles la dimension du projet est l’unique critère retenu, sont énumérées à l’annexe II de la directive 85/337. Or, pour de telles catégories de projets, les États membres ont l’obligation de respecter l’article 4, paragraphes 2 et 3, de cette directive, lu en combinaison avec les annexes II et III de celle-ci.

39      Il s’ensuit que, en fixant, dans sa législation nationale, des seuils et des critères de sélection qui ne tiennent compte que de la dimension du projet en cause, le Royaume des Pays-Bas ne respecte pas l’obligation définie au point 38 du présent arrêt. Par suite, cet État membre a outrepassé les limites de la marge d’appréciation dont il dispose pour fixer lesdits seuils et critères.

40      Contrairement à ce que soutient le Royaume des Pays-Bas, qui considère que les articles 2, paragraphe 1, 3 et 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 85/337 sont incompatibles entre eux, l’article 2, paragraphe 1, de cette directive a été adopté pour garantir que les objectifs principaux de la ladite directive, à savoir la nécessité de réaliser l’un des objectifs de la Communauté dans le domaine de la protection du milieu et de la qualité de la vie ainsi que celui de compléter et de coordonner les procédures d’autorisation des projets publics et privés susceptibles d’avoir un impact important sur l’environnement, soient atteints après la transposition de la directive 85/337 dans les États membres. Il s’ensuit que, en appliquant les articles 3 et 4, paragraphe 2, sous b), de cette directive, les États membres doivent également respecter l’article 2, paragraphe 1, de celle-ci.

41      En ce qui concerne l’argument du Royaume des Pays-Bas, mentionné au point 24 du présent arrêt et tiré de la jurisprudence de la Cour, il convient de confirmer l’interprétation issue de cette jurisprudence qui vise à faire respecter les objectifs principaux de la directive 85/337, rappelés au point 40 du présent arrêt. Par contre, il n’y a pas lieu d’admettre l’interprétation retenue par la législation néerlandaise qui considère que les seuils fixés au titre de la directive 85/337 constituent une limite stricte et absolue sur le plan juridique.

42      Il s’ensuit que, en fixant les seuils et les critères de sélection à un niveau tel que, en pratique, la totalité des projets d’un certain type est d’avance soustraite à l’obligation de réaliser une évaluation des incidences sur l’environnement, sans qu’il ait été démontré que ces projets n’étaient pas susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, le Royaume des Pays-Bas a outrepassé la marge d’appréciation dont il dispose en vertu des articles 2, paragraphe 1, et 4, paragraphe 2, de la directive 85/337.

43      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il convient de constater que, en n’ayant pas pris toutes les dispositions nécessaires pour que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient, conformément à l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337, ledit article lu en combinaison avec les annexes II et III de cette directive, soumis à une procédure d’autorisation et à une évaluation de ces incidences, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

 Sur les dépens

44      En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume des Pays-Bas et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas pris toutes les dispositions nécessaires pour que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient, conformément à l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997, et par la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 mai 2003, ledit article lu en combinaison avec les annexes II et III de cette directive, soumis à une procédure d’autorisation et à une évaluation de ces incidences, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

2)      Le Royaume des Pays-Bas est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.