Affaire C-120/08

Bavaria NV

contre

Bayerischer Brauerbund eV

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof)

«Renvoi préjudiciel — Règlements (CEE) nº 2081/92 et (CE) nº 510/2006 — Application dans le temps — Article 14 — Enregistrement selon la procédure simplifiée — Rapports entre marques et indications géographiques protégées»

Sommaire de l'arrêt

1.        Agriculture — Législations uniformes — Protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires — Règlement nº 2081/92 — Conflit entre indications géographiques et marques — Article 14, paragraphe 1 — Champ d'application

(Règlements du Conseil nº 2081/92, art. 14, § 1, et 17, et nº 692/2003)

2.        Agriculture — Législations uniformes — Protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires — Règlement nº 2081/92 — Conflit entre indications géographiques et marques — Dénomination enregistrée en tant qu'indication géographique selon la procédure simplifiée

(Règlements du Conseil nº 2081/92, art. 6, § 2, 13, 14, § 1, et 17, et nº 692/2003)

1.        L’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, est applicable pour régler le conflit entre une dénomination valablement enregistrée en tant qu’indication géographique protégée selon la procédure simplifiée visée à l’article 17 de ce règlement et une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13 de celui-ci et concernant le même type de produit, dont la demande d’enregistrement a été présentée tant avant l’enregistrement de cette dénomination qu’avant l’entrée en vigueur du règlement nº 692/2003, modifiant le règlement nº 2081/92.

En effet, en premier lieu, l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92 se rapporte aux appellations d’origine et aux indications géographiques enregistrées «conformément au présent règlement», sans distinction selon la procédure d’enregistrement employée. En second lieu, la finalité de l’article 17 du règlement nº 2081/92 était d’enregistrer, selon une procédure simplifiée, les dénominations existant dans les États membres qui, tout en remplissant les conditions matérielles de ce règlement, étaient déjà légalement protégées ou consacrées par l’usage.

À cet égard, le système instauré par le règlement nº 2081/92, et notamment celui de son article 17, a entendu conférer aux dénominations soumises à la procédure d’enregistrement simplifiée le même niveau de protection que celui qui est reconnu pour les dénominations soumises à la procédure d’enregistrement normale.

(cf. points 53-55, 57, 68 et disp.)

2.        La date de référence, aux fins de régler, en application de l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, un conflit impliquant, d'une part, une dénomination valablement enregistrée, en tant qu’indication géographique protégée, selon la procédure simplifiée visée à l’article 17 du règlement nº 2081/92, et, d'autre part, une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13 de celui-ci et concernant le même type de produit, dont la demande d’enregistrement a été présentée tant avant l’enregistrement de cette dénomination qu’avant l’entrée en vigueur du règlement nº 692/2003, modifiant le règlement nº 2081/92, est la date de l’entrée en vigueur de l’enregistrement de cette dénomination.

En effet, l'entrée en vigueur de l'enregistrement répond tant à la finalité de la date de référence prévue à l'article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92, qu'à l'économie de ce dernier.

Alors que, dans le cadre de la procédure normale, la date de référence, aux fins de la disposition précitée, est fixée par rapport à une publication au niveau de l’Union, telle que celle prévue à l’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 2081/92, ce qui répond aux exigences du principe de sécurité juridique, dans le cadre de la procédure simplifiée, la première publication, au niveau de l’Union, des dénominations enregistrées est celle de leur enregistrement.

Étant donné que, pour les dénominations à enregistrer suivant la procédure simplifiée, la protection nationale était maintenue jusqu’à la date de l’enregistrement, la fixation de la date de l’entrée en vigueur de cet enregistrement en tant que date de référence pour ces dénominations, aux fins de la protection octroyée par l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92, répond à l’économie du système instauré par ce règlement. En outre, dans la mesure où la publication de l'enregistrement comprend également la date de l'entrée en vigueur de cet enregistrement, cette dernière répond également aux exigences de sécurité juridique.

(cf. points 60-66, 68 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

22 décembre 2010 (*)

«Renvoi préjudiciel – Règlements (CEE) n° 2081/92 et (CE) n° 510/2006 – Application dans le temps – Article 14 – Enregistrement selon la procédure simplifiée – Rapports entre marques et indications géographiques protégées»

Dans l’affaire C‑120/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesgerichtshof (Allemagne), par décision du 20 décembre 2007, parvenue à la Cour le 20 mars 2008, dans la procédure

Bavaria NV

contre

Bayerischer Brauerbund eV,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, M. D. Šváby, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. E. Juhász et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. J. Mazák,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 juin 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour Bavaria NV, par Me G. van der Wal, advocaat, et Me H. Kunz-Hallstein, Rechtsanwalt,

–        pour Bayerischer Brauerbund eV, par Me R. Knaak, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement grec, par M. I. Chalkias et Mme S. Papaïoannou, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. F. Arena, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. Wissels et M. J. Langer, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. N. Rasmussen, G. von Rintelen et T. van Rijn, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 16 septembre 2010,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 208, p. 1), et de l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 510/2006 du Conseil, du 20 mars 2006, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO L 93, p. 12), en ce qui concerne les indications géographiques protégées (ci-après les «IGP») enregistrées selon la procédure simplifiée prévue à l’article 17 du règlement n° 2081/92.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Bavaria NV (ci-après «Bavaria») à Bayerischer Brauerbund eV (ci-après «Bayerischer Brauerbund») au sujet du droit de Bavaria d’utiliser une marque contenant le mot «Bavaria», compte tenu de l’IGP «Bayerisches Bier», enregistrée par le règlement (CE) nº 1347/2001 du Conseil, du 28 juin 2001, complétant l’annexe du règlement (CE) nº 1107/96 de la Commission relatif à l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine au titre de la procédure prévue à l’article 17 du règlement nº 2081/92 (JO L 182, p. 3).

 Le cadre juridique

 Le règlement n° 2081/92

3        L’article 6 du règlement nº 2081/92 dispose:

«1.      La Commission vérifie, dans un délai de six mois, par un examen formel, que la demande d’enregistrement comprend tous les éléments prévus à l’article 4.

La Commission informe l’État membre concerné de ses conclusions.

2.      Si, compte tenu des dispositions du paragraphe 1, la Commission est parvenue à la conclusion que la dénomination réunit les conditions pour être protégée, elle publie au Journal officiel des Communautés européennes le nom et l’adresse du demandeur, le nom du produit, les éléments principaux de la demande, les références aux dispositions nationales qui régissent son élaboration, sa production ou sa fabrication et, au besoin, les considérants à la base de ses conclusions.

3.      Si aucune déclaration d’opposition n’est notifiée à la Commission conformément à l’article 7, la dénomination est inscrite dans un registre tenu par la Commission, intitulé ‘Registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées’, qui contient les noms des groupements et des organismes de contrôle concernés.

4.      La Commission procède à la publication au Journal officiel des Communautés européennes des:

–        dénominations inscrites au registre,

–        modifications apportées au registre conformément aux articles 9 et 11.

5.      Si, compte tenu de l’examen prévu au paragraphe 1, la Commission est parvenue à la conclusion que la dénomination ne réunit pas les conditions pour être protégée, elle décide, selon la procédure prévue à l’article 15, de ne pas procéder à la publication prévue au paragraphe 2 du présent article.

Avant les publications prévues aux paragraphes 2 et 4 et l’enregistrement prévu au paragraphe 3, la Commission peut demander l’avis du comité prévu à l’article 15.»

4        Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, de ce règlement:

«Les dénominations enregistrées sont protégées contre toute:

a)      utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée pour des produits non couverts par l’enregistrement, dans la mesure où ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou dans la mesure où cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée;

b)      usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que ‘genre’, ‘type’, ‘méthode’, ‘façon’, ‘imitation’ ou d’une expression similaire;

c)      autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que l’utilisation pour le conditionnement d’un récipient de nature à créer une impression erronée sur l’origine;

d)      autre pratique susceptible d’induire le public en erreur quant à la véritable origine du produit.

Lorsqu’une dénomination enregistrée contient en elle-même le nom d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire considéré comme générique, l’utilisation de ce nom générique sur les produits ou denrées correspondants n’est pas considérée comme contraire au premier alinéa point a) ou b).»

5        L’article 14 dudit règlement énonce:

«1.      Lorsqu’une appellation d’origine ou une indication géographique est enregistrée conformément au présent règlement, la demande d’enregistrement d’une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13 et concernant le même type de produit est refusée, à condition que la demande d’enregistrement de la marque soit présentée après la date de la publication prévue à l’article 6 paragraphe 2.

Les marques enregistrées contrairement au premier alinéa sont annulées.

Le présent paragraphe s’applique également quand la demande d’enregistrement d’une marque est déposée avant la date de la publication de la demande d’enregistrement prévue à l’article 6 paragraphe 2, à condition que cette publication soit faite avant l’enregistrement de la marque.

2.      Dans le respect du droit communautaire, l’usage d’une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13, enregistrée de bonne foi avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement de l’appellation d’origine ou de l’indication géographique peut se poursuivre nonobstant l’enregistrement d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique, lorsque la marque n’encourt pas les motifs de nullité ou de déchéance prévus respectivement par la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques [JO 1989, L 40, p. 1], à son article 3 paragraphe 1 points c) et g) et à son article 12 paragraphe 2 point b).

3.      Une appellation d’origine ou une indication géographique n’est pas enregistrée lorsque, compte tenu de la renommée d’une marque, de sa notoriété et de la durée de son usage, l’enregistrement est de nature à induire le consommateur en erreur quant à la véritable identité du produit.»

6        L’article 17 du règlement n° 2081/92 dispose:

«1.      Dans un délai de six mois suivant la date d’entrée en vigueur du présent règlement, les États membres communiquent à la Commission quelles sont, parmi leurs dénominations légalement protégées ou, dans les États membres où un système de protection n’existe pas, consacrées par l’usage, celles qu’ils désirent faire enregistrer en vertu du présent règlement.

2.      La Commission enregistre, selon la procédure prévue à l’article 15, les dénominations visées au paragraphe 1 qui sont conformes aux articles 2 et 4. L’article 7 ne s’applique pas. Toutefois, les dénominations génériques ne sont pas enregistrées.

3.      Les États membres peuvent maintenir la protection nationale des dénominations communiquées conformément au paragraphe 1 jusqu’à la date à laquelle une décision sur l’enregistrement est prise.»

 Le règlement (CE) n° 1107/96

7        Aux termes des premier et deuxième considérants du règlement (CE) nº 1107/96 de la Commission, du 12 juin 1996, relatif à l’enregistrement des indications géographiques et des appellations d’origine au titre de la procédure prévue à l’article 17 du règlement nº 2081/92 (JO L 148, p. 1):

«considérant que, en vertu de l’article 17 du règlement (CEE) n° 2081/92, dans les six mois suivant la date d’entrée en vigueur du règlement, les États membres ont communiqué à la Commission quelles sont, parmi leurs dénominations légalement protégées ou consacrées par l’usage, celles qu’ils désirent faire enregistrer;

considérant que, comme suite à l’examen de la conformité de ces dénominations avec le règlement (CEE) n° 2081/92, certaines d’entre elles sont conformes aux dispositions dudit règlement et méritent d’être enregistrées et donc protégées sur le plan communautaire en tant qu’indications géographiques ou appellations d’origine».

8        L’article 1er du règlement nº 1107/96 dispose:

«Les dénominations figurant en annexe sont enregistrées en tant qu’[IGP] ou appellations d’origine protégée (AOP) au titre de l’article 17 du règlement (CEE) n° 2081/92.

Les dénominations ne figurant pas en annexe mais qui ont été communiquées au titre dudit article 17 restent protégées au niveau national jusqu’à ce qu’une décision à leur égard soit prise.»

 Le règlement (CE) nº 2400/96

9        Aux termes des premier à quatrième considérants du règlement (CE) nº 2400/96 de la Commission, du 17 décembre 1996, relatif à l’inscription de certaines dénominations dans le «Registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées» prévu au règlement nº 2081/92 (JO L 327, p. 11):

«considérant que, conformément à l’article 5 du règlement (CEE) n° 2081/92, les États membres ont transmis à la Commission des demandes d’enregistrement en tant qu’indication géographique ou appellation d’origine pour certaines dénominations;

considérant qu’il a été constaté, conformément à l’article 6 paragraphe 1 dudit règlement, qu’elles sont conformes à ce règlement, notamment qu’elles comprennent tous les éléments prévus à son article 4;

considérant qu’aucune déclaration d’opposition, au sens de l’article 7 dudit règlement, n’a été transmise à la Commission à la suite de la publication au Journal officiel des Communautés européennes des dénominations concernées;

considérant que, en conséquence, ces dénominations méritent d’être inscrites dans le ‘Registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées’ et donc d’être protégées sur le plan communautaire en tant qu’indication géographique ou appellation d’origine».

10      L’article 1er du règlement nº 2400/96 énonce:

«Les dénominations figurant en annexe sont inscrites dans le ‘Registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées’, en tant qu’[IGP] ou appellation d’origine protégée (AOP), prévu à l’article 6 paragraphe 3 du règlement (CEE) n° 2081/92.»

 Le règlement (CE) n° 692/2003

11      L’article 1er, point 13, du règlement (CE) n° 692/2003 du Conseil, du 8 avril 2003, modifiant le règlement n° 2081/92 (JO L 99, p. 1), dispose:

«L’article 14 [du règlement n° 2081/92] est modifié comme suit:

a)      Le paragraphe 1 est remplacé par le texte suivant:

‘1.      Lorsqu’une appellation d’origine ou une indication géographique est enregistrée conformément au présent règlement, la demande d’enregistrement d’une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13 et concernant la même classe de produit est refusée, à condition que la demande d’enregistrement de la marque soit présentée après la date de dépôt de la demande d’enregistrement de l’appellation d’origine ou l’indication géographique à la Commission.

Les marques enregistrées contrairement au premier alinéa sont annulées.’

[…]»

 Le règlement n° 510/2006

12      Les dix-neuvième et vingtième considérants du règlement n° 510/2006 énoncent:

«Les dénominations déjà enregistrées au titre du règlement (CEE) n° 2081/92 […] à la date d’entrée en vigueur du présent règlement devraient continuer à bénéficier de la protection prévue par le présent règlement et être reprises automatiquement au registre. Il convient par ailleurs de prévoir des mesures transitoires applicables aux demandes d’enregistrement parvenues à la Commission antérieurement à l’entrée en vigueur du présent règlement.

Dans un souci de clarté et de transparence, il y a lieu d’abroger le règlement (CEE) n° 2081/92 et de le remplacer par un nouveau règlement.»

13      L’article 4 du règlement n° 510/2006, intitulé «Cahier des charges», dispose:

«1.      Pour pouvoir bénéficier d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une [IGP], un produit agricole ou une denrée alimentaire doit être conforme à un cahier des charges.

2.      Le cahier des charges comporte au moins les éléments suivants:

[…]»

14      L’article 7 dudit règlement, intitulé «Opposition et décision sur l’enregistrement», énonce à son paragraphe 6:

«La Commission tient à jour un registre des appellations d’origine protégées et des [IGP].»

15      L’article 13 du même règlement, intitulé «Protection», dispose à son paragraphe 1:

«Les dénominations enregistrées sont protégées contre toute:

a)      utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée pour des produits non couverts par l’enregistrement, dans la mesure où ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou dans la mesure où cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée;

b)      usurpation, imitation ou évocation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que ‘genre’, ‘type’, ‘méthode’, ‘façon’, ‘imitation’, ou d’une expression similaire;

c)      autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l’utilisation pour le conditionnement d’un récipient de nature à créer une impression erronée sur l’origine;

d)      autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.

Lorsqu’une dénomination enregistrée contient en elle-même le nom d’un produit agricole ou d’une denrée alimentaire considéré comme générique, l’utilisation de ce nom générique sur les produits ou denrées correspondants n’est pas considérée comme contraire au premier alinéa, point a) ou b).»

16      L’article 14 du règlement n° 510/2006, intitulé «Relations entre marques, appellations d’origine et indications géographiques», énonce à son paragraphe 1:

«Lorsqu’une appellation d’origine ou une indication géographique est enregistrée conformément au présent règlement, la demande d’enregistrement d’une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13 et concernant la même classe de produit est refusée si la demande d’enregistrement de la marque est présentée après la date de dépôt de la demande d’enregistrement auprès de la Commission.

Les marques enregistrées contrairement au premier alinéa sont annulées.»

17      L’article 17 de ce règlement, intitulé «Dispositions transitoires», dispose:

«1.      Les dénominations, qui à la date de l’entrée en vigueur du présent règlement sont listées à l’annexe du règlement (CE) n° 1107/96 [...], et celles qui sont listées à l’annexe du règlement (CE) n° 2400/96 [...] sont automatiquement reprises au registre visé à l’article 7, paragraphe 6, du présent règlement. Les cahiers des charges correspondants sont assimilés aux cahiers des charges visés à l’article 4, paragraphe 1. Toute disposition transitoire particulière liée à ces enregistrements reste applicable.

2.      Pour ce qui est des demandes en instance, des déclarations ou des requêtes reçues par la Commission avant la date d’entrée en vigueur:

a)      les procédures visées à l’article 5 ne s’appliquent pas, sans préjudice de l’article 13, paragraphe 3, et

b)      la fiche-résumé du cahier des charges élaborée conformément aux dispositions du règlement (CE) n° 383/2004 de la Commission, [du 1er mars 2004, portant modalités d’application du règlement n° 2081/92 en ce qui concerne la fiche-résumé des éléments principaux des cahiers des charges (JO L 64, p. 16)], remplace le document unique visé à l’article 5, paragraphe 3, point c).

3.      La Commission peut, si nécessaire, adopter d’autres dispositions transitoires conformément aux procédures prévues à l’article 15, paragraphe 2.»

18      Aux termes de l’article 19 du règlement n° 510/2006:

«Le règlement (CEE) n° 2081/92 est abrogé.

Les références faites au règlement abrogé s’entendent comme faites au présent règlement et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe III.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

19      Bayerischer Brauerbund est une association allemande ayant pour but la protection des intérêts communs des brasseurs bavarois. Selon une certification de l’Amtsgericht München, ses statuts datent du 7 décembre 1917. Bayerischer Brauerbund est titulaire des marques collectives enregistrées Genuine Bavarian Beer, depuis 1958, Bayrisch Bier et Bayrisches Bier, depuis 1968, ainsi que Reinheitsgebot seit 1516 Bayrisches Bier, depuis 1985.

20      Bavaria est une société commerciale néerlandaise de production de bière qui opère sur le marché international. Dénommée anciennement «Firma Gebroeders Swinkels», cette société a commencé à utiliser le mot «Bavaria» à partir de 1925 et l’a intégré à sa dénomination en 1930. Bavaria a été et est titulaire de plusieurs marques et éléments figuratifs enregistrés contenant le mot «Bavaria». Les dates d’enregistrement comprennent les années 1947, 1971, 1982, 1991, 1992 et 1995. La protection en Allemagne de certaines de ces marques a été refusée en 1973, en 1992 et en 1993.

21      La dénomination «Bayerisches Bier» a fait l’objet d’accords bilatéraux sur la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et d’autres dénominations géographiques entre la République fédérale d’Allemagne, d’une part, et la République française (1961), la République italienne (1963), la République hellénique (1964), la Confédération suisse (1967) et le Royaume d’Espagne (1970), d’autre part.

22      Le 28 septembre 1993, Bayerischer Brauerbund, en accord avec deux autres associations bavaroises, a introduit auprès du gouvernement allemand une demande d’enregistrement comme IGP, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 2081/92. Ce gouvernement a communiqué à la Commission, le 20 janvier 1994, la demande d’enregistrement de l’IGP «Bayerisches Bier», selon la procédure simplifiée prévue à ladite disposition.

23      De nombreuses informations ont été échangées entre la Commission et les autorités allemandes visant à compléter le dossier, ce dernier ayant été considéré comme complet le 20 mai 1997. Le cahier des charges définitif a été transmis à la Commission par lettre du 28 mars 2000.

24      Le comité de réglementation des indications géographiques et des appellations d’origine a débattu à plusieurs reprises des deux projets de règlement de la Commission visant à enregistrer «Bayerisches Bier» en tant qu’IGP. L’existence de marques comprenant aussi les termes «Bayerisches Bier» ou leurs traductions constituait l’une des questions débattues.

25      La majorité prévue à l’article 15, deuxième alinéa, du règlement n° 2081/92 n’ayant pas été obtenue au sein dudit comité, ce dernier n’a pu émettre son avis dans le délai imparti. La Commission a donc converti son dernier projet en proposition de règlement du Conseil, lequel a, par la suite, adopté le règlement n° 1347/2001 qui enregistre «Bayerisches Bier» en tant qu’IGP, en l’incluant parmi les dénominations listées à l’annexe du règlement n° 1107/96.

26      Faisant suite à des initiatives analogues prises dans d’autres États membres, Bayerischer Brauerbund a demandé au Landgericht München que Bavaria soit condamnée à renoncer à la protection de l’une des marques citées au point 20 du présent arrêt. Il s’agit de la marque internationale enregistrée sous le n° 645 349, protégée en Allemagne avec priorité à compter du 28 avril 1995.

27      Le Landgericht München a fait droit à la demande de Bayerischer Brauerbund par jugement confirmé en appel par l’Oberlandesgericht München. Bavaria a présenté un recours en «Revision» devant la juridiction de renvoi.

28      C’est dans ce contexte que le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 14, paragraphe 1, du règlement […] n° 510/2006 est-il applicable, lorsque l’indication protégée a été valablement enregistrée selon la procédure simplifiée visée à l’article 17 du règlement […] n° 2081/92 […]?

2)      a)     En cas de réponse affirmative à la première question: quel est le moment qui doit être pris en compte aux fins de l’appréciation de l’ancienneté de l’indication géographique au sens de l’article 14, paragraphe 1, du règlement […] n° 510/2006?

b)      En cas de réponse négative à la première question: sur la base de quelle disposition faut-il apprécier le conflit entre une indication géographique valablement enregistrée selon la procédure simplifiée de l’article 17 du règlement […] n° 2081/92 et une marque, et selon quels critères l’ancienneté de l’indication géographique s’apprécie-t-elle?

3)      Est-il possible de recourir à l’application des dispositions nationales sur la protection des dénominations géographiques, si l’indication ‘Bayerisches Bier’ (bière bavaroise) remplit les conditions d’enregistrement du règlement […] n° 2081/92 et du règlement […] n° 510/2006, mais le règlement […] n° 1347/2001 n’est pas valide?»

29      Par décision du président de la Cour du 8 mai 2008, la présente procédure a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire Bavaria et Bavaria Italia (arrêt du 2 juillet 2009, C‑343/07, Rec. p. I‑5491). Ladite affaire constituait une demande de décision préjudicielle introduite par la Corte d’appello di Torino (Italie) dans le cadre d’un litige qui concernait, parmi d’autres questions, la validité du règlement nº 1347/2001 et qui opposait également Bavaria à Bayerischer Brauerbund.

 Sur les questions préjudicielles

30      À titre liminaire, il convient de relever que, si les première et deuxième questions présupposent la validité du règlement nº 1347/2001, la troisième question part de la prémisse de son invalidité.

31      Il y a donc lieu de traiter la troisième question préalablement aux première et deuxième questions.

 Sur la troisième question

32      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi s’interroge sur la validité du règlement nº 1347/2001 et, en cas de réponse négative, sur la possibilité d’appliquer les dispositions nationales sur la protection des dénominations géographiques, au cas où l’IGP «Bayerisches Bier» remplirait, malgré l’éventuelle invalidité de ce règlement, les conditions d’enregistrement des règlements nos 2081/92 et 510/2006.

33      Il ressort de la décision de renvoi que cette question a été posée par rapport aux mêmes éléments de nature à affecter la validité du règlement nº 1347/2001 soulevés par la Corte d’appello di Torino dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Bavaria et Bavaria Italia, précité, qui était alors pendante devant la Cour.

34      La Cour ayant répondu dans ledit arrêt que l’examen de la question posée ne révélait aucun élément de nature à affecter la validité du règlement nº 1347/2001, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question posée.

 Sur les première et deuxième questions

35      Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur la disposition et la date de référence qui doivent être appliquées pour régler le conflit entre une dénomination valablement enregistrée en tant qu’IGP selon la procédure simplifiée visée à l’article 17 du règlement n° 2081/92 et une marque dont la demande d’enregistrement a été présentée tant avant l’enregistrement de cette dénomination qu’avant l’entrée en vigueur du règlement nº 692/2003.

 Sur l’inapplicabilité ratione temporis de l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 510/2006 ou du règlement nº 2081/92, tel que modifié par le règlement nº 692/2003, au litige au principal

36      Tant l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 2081/92, dans sa version originale comme dans celle découlant du règlement n° 692/2003, que l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 510/2006 ont pour objet de régler le conflit entre une dénomination enregistrée en tant qu’IGP et une demande d’enregistrement d’une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13, respectivement, du règlement n° 2081/92 et du règlement n° 510/2006, et concernant, selon le cas, le même type ou la même classe de produit.

37      La solution prévue dans le cas d’un tel conflit est le refus de la demande d’enregistrement de la marque en cause ou, à titre subsidiaire, l’annulation de la marque enregistrée, lorsque ladite demande a été présentée après la date respectivement visée par ces différentes dispositions.

38      Ainsi, aux termes tant de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 510/2006 que de la version de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 2081/92 héritée du règlement n° 692/2003, la demande d’enregistrement de ladite marque doit être rejetée ou celle-ci doit, le cas échéant, être annulée lorsque la présentation de cette demande est survenue après la date de dépôt, auprès de la Commission, de la demande d’enregistrement de la dénomination concernée en tant qu’IGP.

39      Toutefois, les dispositions citées au point précédent ne sauraient être appliquées rétroactivement afin de régir un conflit, tel que celui à l’origine de l’affaire au principal, entre une dénomination valablement enregistrée en tant qu’IGP selon la procédure simplifiée visée à l’article 17 du règlement n° 2081/92 et une marque dont la demande d’enregistrement a été présentée avant l’entrée en vigueur du règlement nº 692/2003.

40      En effet, il est de jurisprudence constante que, en règle générale, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que le point de départ de l’application dans le temps d’un acte de l’Union soit fixé à une date antérieure à celle de sa publication, sauf lorsque, à titre exceptionnel, le but à atteindre l’exige et que la confiance légitime des intéressés est dûment respectée. À cet égard, les règles de droit matériel de l’Union doivent être interprétées, en vue de garantir le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, comme ne visant des situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur que dans la mesure où il ressort clairement de leurs termes, finalités ou économie qu’un tel effet doit leur être attribué (voir arrêt du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 119 et jurisprudence citée).

41      Si le principe de sécurité juridique s’oppose à ce qu’un règlement soit appliqué rétroactivement, cela indépendamment des effets favorables ou défavorables qu’une telle application pourrait avoir pour l’intéressé, le même principe exige que toute situation de fait soit normalement, et sauf indication expresse contraire, appréciée à la lumière des règles de droit qui en sont contemporaines. Toutefois, si la loi nouvelle ne vaut ainsi que pour l’avenir, elle s’applique également, sauf dérogation, aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la loi ancienne (voir arrêt du 6 juillet 2006, Kersbergen-Lap et Dams-Schipper, C‑154/05, Rec. p. I‑6249, point 42 et jurisprudence citée).

42      Or, force est de constater que les circonstances à l’origine du conflit entre la dénomination et la marque en cause au principal sont antérieures non seulement à l’entrée en vigueur du règlement n° 510/2006, mais aussi à celle du règlement n° 692/2003 ayant modifié le règlement n° 2081/92. En effet, ledit conflit est lié au fait que, d’une part, la dénomination «Bayerisches Bier» a, à la suite d’une demande introduite par le gouvernement allemand auprès de la Commission le 20 janvier 1994, été enregistrée selon la procédure simplifiée au titre du règlement n° 2081/92 en tant qu’IGP par le règlement n° 1347/2001 et que, d’autre part, la marque de Bavaria ayant fait l’objet de l’enregistrement international n° 645 349 jouit d’un droit de priorité et, à ce titre, d’une protection, notamment, en Allemagne depuis le 28 avril 1995.

43      Dans la mesure où il ne ressort pas des termes, de la finalité ou de l’économie des règlements nos 692/2003 et 510/2006, notamment des dispositions analysées précédemment, qu’un effet rétroactif doit leur être attribué, il y a lieu de constater qu’un conflit tel que celui opposant l’IGP et la marque en cause au principal doit être régi par l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92 dans sa version originale.

44      En effet, il s’agit, en l’occurrence, de déterminer si, lorsque la marque Bavaria en cause a été enregistrée en 1995, l’IGP «Bayerisches Bier» jouissait déjà ou non d’une priorité susceptible de justifier l’annulation de cette marque. Une telle question doit être tranchée au regard de la règle qui régissait le conflit en cause au moment où celui-ci a surgi.

45      Il est indifférent, à cet égard, que, en vertu du dix-neuvième considérant et de l’article 17 du règlement n° 510/2006, les dénominations enregistrées en tant qu’IGP au titre du règlement n° 2081/92 bénéficient de la protection instituée par le règlement n° 510/2006.

 Sur l’applicabilité ratione materiæ de l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92 au litige au principal

46      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le système instauré par le règlement nº 2081/92, les dénominations pouvaient être enregistrées soit suivant la procédure normale, visée à ses articles 5 et suivants, soit suivant la procédure simplifiée, visée à son article 17. Si les dénominations enregistrées selon la procédure normale étaient listées à l’annexe du règlement nº 2400/96, les dénominations enregistrées suivant la procédure simplifiée étaient inscrites à l’annexe du règlement nº 1107/96.

47      Le conflit à l’origine du litige au principal est régi par l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92.

48      En effet, ledit article 14, paragraphe 1, est le seul à réglementer les conflits entre dénominations et demandes d’enregistrement de marques, les paragraphes 2 et 3 de cet article se rapportant à des situations distinctes.

49      Suivant la règle de conflit prévue à l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92, la demande d’enregistrement de la marque en cause est refusée ou, si tel n’a pas été le cas, la marque enregistrée est annulée, si cette demande a été présentée après la date de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 2, de ce règlement. La demande d’enregistrement est également refusée ou la marque annulée si la demande a été déposée avant la publication mais que cette dernière a eu lieu avant l’enregistrement de la marque.

50      Ladite règle de conflit prévoit donc un motif de refus de la demande d’enregistrement de la marque en cause ou, à titre subsidiaire, de nullité de cette dernière, avec, comme date de référence pour l’application de la règle de conflit en cause, la date de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 2, du règlement nº 2081/92.

51      Selon la Commission, la fixation d’une telle date de référence implique que l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92 n’est pas applicable aux dénominations enregistrées suivant la procédure simplifiée, étant donné que la publication prévue à l’article 6, paragraphe 2, de ce règlement ne s’appliquait qu’à la procédure normale d’enregistrement.

52      Une telle interprétation ne saurait être accueillie.

53      En effet, en premier lieu, l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92 se rapporte aux appellations d’origine et aux indications géographiques enregistrées «conformément au présent règlement», sans distinction selon la procédure d’enregistrement employée.

54      En second lieu, il convient de rappeler que la finalité de l’article 17 du règlement nº 2081/92 était d’enregistrer selon une procédure simplifiée les dénominations existant dans les États membres qui, tout en remplissant les conditions matérielles de ce règlement, étaient déjà légalement protégées ou consacrées par l’usage.

55      À cet égard, il faut constater que le système instauré par le règlement nº 2081/92, et notamment celui de son article 17, a entendu conférer aux dénominations soumises à la procédure d’enregistrement simplifiée le même niveau de protection que celui qui est reconnu pour les dénominations soumises à la procédure d’enregistrement normale.

56      De surcroît, ainsi qu’il ressort du deuxième considérant du règlement nº 1107/96 et du quatrième considérant du règlement nº 2400/96, l’enregistrement, soit selon la procédure simplifiée, soit selon la procédure normale, impliquait que les dénominations en cause étaient conformes au règlement nº 2081/92 et que, par conséquent, elles méritaient d’être protégées au niveau de l’Union.

57      Par conséquent, il convient de constater que l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92 est également applicable aux conflits impliquant des dénominations enregistrées en tant qu’IGP selon la procédure simplifiée.

 Sur la date de référence, dans le cadre de l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92, dans un conflit impliquant une dénomination enregistrée en tant qu’IGP selon la procédure simplifiée

58      Il convient de constater que la date de référence visée à l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92 se rapporte à la date de la publication prévue à l’article 6, paragraphe 2, dudit règlement, alors que cette publication n’existait pas dans le cadre de la procédure simplifiée. Il convient donc de déterminer la date de référence pertinente dans le cas d’un conflit impliquant une dénomination enregistrée en tant qu’IGP suivant ladite procédure.

59      À cet égard, dans la mesure où le système instauré par le règlement nº 2081/92 est un régime de protection uniforme et exhaustif (voir arrêt du 8 septembre 2009, Budĕjovický Budvar, C‑478/07, Rec. p. I‑7721, points 114 et 115), il doit être considéré comme un système complet qui ne laisse pas aux États membres la faculté de combler une lacune suivant leur droit national. Il convient donc de rechercher la solution à la lumière de l’économie ainsi que des buts et des objectifs de la disposition et du règlement en cause (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 1974, Hannoversche Zucker, 159/73, Rec. p. 121, point 4).

60      En premier lieu, il y a lieu de relever, à cet effet, que, s’agissant de la procédure normale, l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92 prévoit une protection des dénominations au niveau de l’Union par rapport à une marque concurrente qui débute à une date préalable à l’enregistrement de ces dénominations.

61      Dans ce contexte, la fixation de cette date par rapport à une publication au niveau de l’Union, telle que celle prévue à l’article 6 paragraphe 2, de ce règlement, répond aux exigences du principe de sécurité juridique.

62      Or, la première publication, au niveau de l’Union, des dénominations enregistrées selon la procédure simplifiée était celle de leur enregistrement.

63      En second lieu, il convient de relever que, aux termes de l’article 17, paragraphe 3, du règlement nº 2081/92, les États membres pouvaient maintenir la protection nationale des dénominations communiquées conformément au paragraphe 1 de cet article jusqu’à la date à laquelle une décision sur l’enregistrement fût prise. Selon l’article 1er du règlement nº 1107/96, les dénominations communiquées au titre dudit article 17 restaient protégées au niveau national jusqu’à ce qu’une décision à leur égard fût prise.

64      Étant donné que, pour les dénominations à enregistrer suivant la procédure simplifiée, la protection nationale était maintenue jusqu’à la date de l’enregistrement, la fixation de la date de l’entrée en vigueur de cet enregistrement en tant que date de référence pour ces dénominations aux fins de la protection octroyée par l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92 répond à l’économie du système instauré par ce règlement.

65      En outre, tel qu’il découle du règlement nº 1347/2001, concernant l’IGP en cause au principal, la publication de l’enregistrement comprend également la date de l’entrée en vigueur de cet enregistrement et répond, des lors, aux exigences de sécurité juridique.

66      Par conséquent, il y a lieu de constater que, en ce qui concerne les dénominations enregistrées suivant la procédure simplifiée prévue à l’article 17 du règlement nº 2081/92, l’entrée en vigueur de l’enregistrement répond tant à la finalité de la date de référence prévue à l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92 qu’à l’économie de ce dernier.

67      Il s’ensuit qu’une telle date constitue la date de référence aux fins de régler, en application de l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92, un conflit impliquant une dénomination enregistrée en tant qu’IGP suivant la procédure simplifiée.

68      Au vu de ce qui précède, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 14, paragraphe 1, du règlement nº 2081/92 est applicable pour régler le conflit entre une dénomination valablement enregistrée en tant qu’IGP selon la procédure simplifiée visée à l’article 17 de ce règlement et une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13 de celui-ci et concernant le même type de produit, dont la demande d’enregistrement a été présentée tant avant l’enregistrement de cette dénomination qu’avant l’entrée en vigueur du règlement nº 692/2003. La date de l’entrée en vigueur de l’enregistrement de cette dénomination constitue la date de référence aux fins dudit article 14, paragraphe 1.

 Sur les dépens

69      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 14, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires, est applicable pour régler le conflit entre une dénomination valablement enregistrée en tant qu’indication géographique protégée selon la procédure simplifiée visée à l’article 17 de ce règlement et une marque correspondant à l’une des situations visées à l’article 13 de celui-ci et concernant le même type de produit, dont la demande d’enregistrement a été présentée tant avant l’enregistrement de cette dénomination qu’avant l’entrée en vigueur du règlement (CE) n° 692/2003 du Conseil, du 8 avril 2003, modifiant le règlement n° 2081/92. La date de l’entrée en vigueur de l’enregistrement de cette dénomination constitue la date de référence aux fins dudit article 14, paragraphe 1.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.