ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

16 juillet 2009 ( *1 )

«Politique sociale — Protection des travailleurs — Insolvabilité de l’employeur — Directive 80/987/CEE — Obligation de payer l’intégralité des créances impayées dans la limite d’un plafond préétabli — Nature des créances du travailleur à l’égard de l’institution de garantie — Délai de prescription»

Dans l’affaire C-69/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunale di Napoli (Italie), par décision du 29 janvier 2008, parvenue à la Cour le 20 février 2008, dans la procédure

Raffaello Visciano

contre

Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. K. Schiemann, J. Makarczyk, P. Kūris (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 février 2009,

considérant les observations présentées:

pour M. Visciano, par Me G. Nucifero, avvocato,

pour l’Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS), par Mes V. Triolo, G. Fabiani et P. Tadris, avvocati,

pour le gouvernement italien, par Mme I. Bruni, en qualité d’agent, assistée de Mme W. Ferrante, avvocato dello Stato,

pour le gouvernement espagnol, par Mme B. Plaza Cruz, en qualité d’agent,

pour le gouvernement néerlandais, par Mmes C. M. Wissels et C. ten Dam, en qualité d’agents,

pour la Commission des Communautés européennes, par Mme L. Pignataro-Nolin et M. J. Enegren, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 2 avril 2009,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 3 et 4 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO L 283, p. 23).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Visciano à l’Istituto nazionale della previdenza sociale (INPS) (Institut national de prévoyance sociale), au sujet de créances de salaire impayées.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3

Le premier considérant de la directive 80/987 énonce:

«[…] des dispositions sont nécessaires pour protéger les travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, en particulier pour garantir le paiement de leurs créances impayées […]»

4

L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de cette directive prévoit:

«1.   La présente directive s’applique aux créances des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et existant à l’égard d’employeurs qui se trouvent en état d’insolvabilité au sens de l’article 2 paragraphe 1.

2.   Les États membres peuvent, à titre exceptionnel, exclure du champ d’application de la présente directive les créances de certaines catégories de travailleurs salariés en raison de la nature particulière du contrat de travail ou de la relation de travail des travailleurs salariés ou en raison de l’existence d’autres formes de garantie assurant aux travailleurs salariés une protection équivalente à celle qui résulte de la présente directive.

La liste des catégories de travailleurs salariés visées au premier alinéa figure en annexe.»

5

Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de ladite directive:

«La présente directive ne porte pas atteinte au droit national en ce qui concerne la définition des termes ‘travailleur salarié’, ‘employeur’, ‘rémunération’, ‘droit acquis’ et ‘droit en cours d’acquisition’.»

6

L’article 3 de la directive 80/987 dispose:

«1.   Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que des institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à la période qui se situe avant une date déterminée.

2.   La date visée au paragraphe 1 est, au choix des États membres:

soit celle de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur,

soit celle du préavis de licenciement du travailleur salarié concerné, donné en raison de l’insolvabilité de l’employeur,

soit celle de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur ou celle de la cessation du contrat de travail ou de la relation de travail du travailleur salarié concerné, intervenue en raison de l’insolvabilité de l’employeur.»

7

Aux termes de l’article 4, paragraphes 1 à 3, de cette directive:

«1.   Les États membres ont la faculté de limiter l’obligation de paiement des institutions de garantie, visée à l’article 3.

2.   Lorsque les États membres font usage de la faculté visée au paragraphe 1, ils doivent:

dans le cas visé à l’article 3 paragraphe 2 premier tiret, assurer le paiement des créances impayées concernant la rémunération afférente aux trois derniers mois du contrat de travail ou de la relation de travail qui se situent à l’intérieur d’une période de six mois précédant la date de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur,

dans le cas visé à l’article 3 paragraphe 2 deuxième tiret, assurer le paiement des créances impayées concernant la rémunération afférente aux trois derniers mois du contrat de travail ou de la relation de travail qui précèdent la date du préavis de licenciement du travailleur salarié, donné en raison de l’insolvabilité de l’employeur,

dans le cas visé à l’article 3 paragraphe 2 troisième tiret, assurer le paiement des créances impayées concernant la rémunération afférente aux dix-huit derniers mois du contrat de travail ou de la relation de travail qui précèdent la date de la survenance de l’insolvabilité de l’employeur ou la date de la cessation du contrat de travail ou de la relation de travail du travailleur salarié, intervenue en raison de l’insolvabilité de l’employeur. Dans ces cas, les États membres peuvent limiter l’obligation de paiement à la rémunération afférente à une période de huit semaines ou à plusieurs périodes partielles, ayant au total la même durée.

3.   Toutefois, les États membres peuvent, afin d’éviter le versement de sommes allant au-delà de la finalité sociale de la présente directive, fixer un plafond pour la garantie de paiement des créances impayées des travailleurs salariés.

[…]»

8

L’article 5 de ladite directive prévoit:

«Les États membres fixent les modalités de l’organisation, du financement et du fonctionnement des institutions de garantie en observant notamment les principes suivants:

a)

le patrimoine des institutions doit être indépendant du capital d’exploitation des employeurs et être constitué de telle façon qu’il ne puisse être saisi au cours d’une procédure en cas d’insolvabilité;

b)

les employeurs doivent contribuer au financement, à moins que celui-ci ne soit assuré intégralement par les pouvoirs publics;

c)

l’obligation de paiement des institutions existe indépendamment de l’exécution des obligations de contribuer au financement.»

9

L’article 9 de la directive 80/987 dispose:

«La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables aux travailleurs salariés.»

10

En vertu de l’article 10, sous a), de cette directive, celle-ci «ne porte pas atteinte à la faculté des États membres de prendre les mesures nécessaires en vue d’éviter des abus».

La réglementation nationale

La loi no 297/82

11

En application de la directive 80/987, la loi no 297, du 29 mai 1982 (GURI no 147, du 31 mai 1982), portant régime du traitement de fin de relation de travail et dispositions en matière de pension, prévoit, à son article 2, la création d’un fonds de garantie ayant pour objet de se substituer à l’employeur en cas d’insolvabilité de celui-ci l’empêchant de verser l’indemnité de fin de rapport de travail, prévue à l’article 2120 du code civil, qui revient aux travailleurs ou à leurs ayants droit (ci-après le «Fonds»).

12

En outre, cette disposition prévoit:

«1.

À l’expiration d’un délai de quinze jours à compter du dépôt de bilan rendu exécutoire en vertu du décret royal no 267 du 16 mars 1942 [GURI du 6 avril 1942, supplément extraordinaire no 81], ou de la publication du jugement visé à l’article 99 dudit décret dans l’hypothèse où des oppositions ou des recours auraient été formés concernant sa créance, ou encore de la publication du jugement d’homologation du concordat préventif, le travailleur ou ses ayants droits peuvent obtenir, sur demande, le paiement, à charge du Fonds, de l’indemnité de fin de relation de travail et des créances accessoires correspondantes, après déduction des sommes éventuellement déjà versées.

2.

Dans l’hypothèse d’une déclaration tardive des créances salariales visées à l’article 101 du décret royal no 267 du 16 mars 1942, la demande prévue au paragraphe précédent peut être introduite après le décret d’admission au passif ou après l’arrêt relatif à une éventuelle contestation de l’administrateur judiciaire.

3.

Dans le cas où l’entreprise fait l’objet d’une liquidation administrative forcée, la demande peut être introduite dans un délai de quinze jours à compter du dépôt de bilan, en vertu de l’article 209 du décret royal no 267[…], ou encore, au cas où des oppositions ou des recours auraient été formés concernant la créance du travail, à compter de l’arrêt par lequel le tribunal rend sa décision à leur sujet.

4.

Si l’employeur qui n’est pas assujetti aux dispositions du décret royal no 267[…], ne s’acquitte pas, en cas de résiliation de la relation de travail, du versement de l’indemnité due, ou s’il ne s’en acquitte que partiellement, le travailleur ou ses ayants droit peuvent demander au Fonds de verser l’indemnité de fin de la relation de travail, à condition que, à la suite de la procédure d’exécution forcée pour liquider la créance relative à cette indemnité, les garanties patrimoniales se soient avérées insuffisantes pour la régler en totalité ou en partie.

5.

En l’absence de contestation à ce sujet, le Fonds procède au paiement de l’indemnité impayée.

6.

Les dispositions des paragraphes précédents ne s’appliquent que dans les cas où la résiliation de la relation de travail et la procédure d’insolvabilité ou la procédure exécutoire sont intervenues après l’entrée en vigueur de la présente loi.

7.

Le Fonds procède aux paiements visés aux paragraphes deux, trois, quatre et cinq du présent article dans les 60 jours suivant la demande de l’intéressé. Le Fonds se substitue de droit au travailleur ou à ses ayants droit pour ce qui est du privilège de créancier sur le patrimoine des employeurs conformément aux articles 2751-bis et 2776 du code civil pour les sommes qu’il a versées.

[…]»

13

Selon l’article 94 du décret royal no 267, du 16 mars 1942, une demande d’admission au passif produit les effets de la demande en justice et empêche la prescription des délais.

14

En vertu des articles 2943 et 2945 du code civil, la prescription est suspendue par la notification de l’acte qui entraîne l’ouverture d’un règlement judiciaire et ce jusqu’à ce que la question soit définitivement jugée.

Le décret législatif no 80/92

15

Les articles 1er et 2 du décret législatif no 80, du 27 janvier 1992, portant transposition de la directive 80/987 (GURI du 13 février 1992, supplément ordinaire no 36, p. 26, ci-après le «décret législatif no 80/92»), réglementent la garantie des créances du travail et l’intervention du Fonds, qui est géré par l’INPS.

16

L’article 1er, paragraphe 1, du décret législatif no 80/92 dispose, sous le titre «Garantie des créances du travail»:

«Lorsque l’employeur fait l’objet d’une procédure de faillite, de concordat préventif, de liquidation administrative forcée ou d’une procédure d’administration extraordinaire […], le travailleur employé ou ses ayants droit peuvent obtenir, sur demande, le paiement, par le Fonds […], des créances salariales non payées prévues à l’article 2.»

17

Aux termes de l’article 2, paragraphes 1 à 5, du décret législatif no 80/92:

«1.   Le Fonds […] prend en charge, conformément à l’article 1er, le paiement des créances des travailleurs, autres que celles correspondant à l’indemnité de fin de rapport de travail, relatives aux trois derniers mois de la relation de travail qui se situent à l’intérieur d’une période de douze mois précédant:

a)

la date de la décision d’ouverture de l’une des procédures indiquées à l’article 1er, paragraphe 1;

b)

la date de début de l’exécution forcée;

c)

la date de la décision de mise en liquidation ou de cessation de l’exploitation provisoire ou de l’autorisation de poursuivre l’exploitation de l’entreprise pour les travailleurs qui ont continué à exercer leur activité professionnelle ou encore la date de cessation de la relation de travail, si celle-ci est survenue pendant la poursuite de l’activité de l’entreprise.

2.   Le plafond du paiement effectué par le Fonds au sens du premier paragraphe est fixé à trois fois le plafond de l’allocation de chômage exceptionnelle, après déduction des retenues de sécurité sociale.

3.   L’obtention des sommes versées par le Fonds en vertu du présent article est régie par les dispositions des paragraphes 2, 3, 4, 5, 7, première phrase, et 10 de l’article 2 de la loi no 297 du 29 mai 1982. Les sommes versées par le Fonds sont régies par les dispositions de l’article 2, paragraphe 7, deuxième phrase, de la loi susmentionnée.

4.   Le paiement visé au paragraphe 1 du présent article n’est pas cumulable à concurrence des montants concernés:

a)

avec l’allocation de chômage exceptionnelle perçue pendant la période de douze mois prévue au paragraphe 1;

b)

avec les rémunérations versées au travailleur pendant la période de trois mois prévue au paragraphe 1;

c)

avec l’indemnité de mobilité reconnue en vertu de la loi no 223 du 23 juillet 1991, au cours des trois mois suivant la résiliation de la relation de travail.

5.   Le délai de prescription du droit à la prestation visée au paragraphe 1 est d’une année. Les intérêts et les effets de la dévaluation monétaire sont calculés à compter de la date d’introduction de la demande.»

La procédure au principal et les questions préjudicielles

18

Il résulte de la décision de renvoi que M. Visciano a exercé une activité professionnelle salariée auprès de la société de surveillance La Metropoli S.c.a.r.l. jusqu’au 9 novembre 2000, date à laquelle, à la suite de l’ouverture de la procédure de liquidation administrative forcée pour insolvabilité intervenue par décret ministériel du 24 octobre 2000, il a fait l’objet d’une procédure de licenciement collectif.

19

Le 8 juin 2001, il a introduit, en application des articles 1er et 2 du décret législatif no 80/92, une demande tendant à obtenir du Fonds le paiement des créances impayées pour le travail effectué pendant les trois derniers mois de la relation de travail.

20

L’INPS ne lui a pas versé la totalité des rémunérations encore impayées dans la limite de trois fois le plafond de l’allocation de chômage exceptionnelle, mais a soustrait de ce montant les acomptes de rémunération obtenus de l’employeur et a liquidé ainsi une somme inférieure à celle qu’aurait dû recevoir M. Visciano.

21

À la suite de l’arrêt du 4 mars 2004, Barsotti e.a. (C-19/01, C-50/01 et C-84/01, Rec. p. I-2005), M. Visciano a, le 30 juin 2005, saisi le Tribunale di Napoli afin de faire reconnaître son droit à percevoir la différence entre la somme qui lui avait été versée par l’INPS et le maximum lui revenant, sans déduction.

22

L’INPS a excipé de la prescription annuelle de la créance au motif que cette créance était une dette de nature sociale autonome et distincte de la créance revendiquée à l’égard de l’employeur, qui excluait la prise en charge au titre du décret royal no 267, du 16 mars 1942.

23

La juridiction de renvoi relève que la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione a varié sur la qualification des sommes impayées par l’employeur et estime que la possibilité de faire droit à la requête est subordonnée à la question relative à la prescription qui dépend elle-même de la qualification attribuée à la créance dont le requérant se prévaut.

24

En conséquence, le Tribunale di Napoli a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1)

Les articles 3 et 4 de la directive 80/987 […], dans la mesure où ils prévoient le paiement des créances impayées des travailleurs salariés portant sur la rémunération, permettent-ils que ces créances, lorsqu’elles sont invoquées à l’encontre de l’institution de garantie, soient privées de leur nature salariale initiale et prennent la qualification différente [de prestation] de sécurité sociale, du seul fait que leur paiement a été confié par l’État membre à une institution de sécurité sociale et que, partant, dans la réglementation nationale, le terme ‘rémunération’ est remplacé par le terme ‘prestation de sécurité sociale’?

2)

Au regard de la finalité sociale de la directive [80/987], suffit-il que la réglementation nationale utilise la créance salariale initiale du travailleur salarié comme un simple terme de comparaison, permettant de déterminer per relationem la prestation à garantir par l’intervention de l’institution de garantie, ou faut-il que la créance salariale du travailleur à l’égard de l’employeur insolvable soit protégée, grâce à l’intervention de l’institution de garantie, en lui assurant un contenu, des garanties, des délais et des modalités d’exercice semblables à ceux reconnus à toute autre créance du travail dans le même ordre juridique?

3)

Les principes découlant de la réglementation communautaire, et notamment les principes d’équivalence et d’effectivité, permettent-ils d’appliquer aux créances impayées des travailleurs salariés portant sur la rémunération afférente à la période déterminée conformément à l’article 4 de la directive 80/987 un régime de prescription moins favorable que celui appliqué à des créances de nature analogue?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

25

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 3 et 4 de la directive 80/987 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui permettrait de qualifier de «prestations de sécurité sociale» les créances impayées des travailleurs au motif qu’elles sont garanties par le Fonds.

26

À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 80/987 impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires afin que des institutions de garantie assurent, sous réserve de l’article 4 de ladite directive, le paiement des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à la période qui se situe avant une date déterminée (arrêt du 11 septembre 2003, Walcher, C-201/01, Rec. p. I-8827, point 31).

27

D’autre part, la finalité sociale de la directive 80/987 consiste à garantir à tous les travailleurs salariés un minimum communautaire de protection en cas d’insolvabilité de l’employeur par le paiement des créances impayées résultant de contrats ou de relations de travail et portant sur la rémunération afférente à une période déterminée (arrêt Barsotti e.a., précité, point 35 et jurisprudence citée).

28

Néanmoins, conformément à l’article 2, paragraphe 2, de la directive 80/987, c’est au droit national qu’il incombe de préciser le terme «rémunération» et d’en définir le contenu (arrêt du 16 décembre 2004, Olaso Valero, C-520/03, Rec. p. I-12065, point 31 et jurisprudence citée).

29

Par suite, il revient donc au droit national de définir la nature juridique de créances telles que celles en cause dans l’affaire au principal.

30

À cet égard, il y a lieu de constater que la directive 80/987 ne précise pas davantage les procédures juridictionnelles et les règles de prescription applicables aux créances des travailleurs salariés en cas de faillite de l’employeur.

31

Il s’ensuit qu’il convient de répondre à la première question que les articles 3 et 4 de la directive 80/987 ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui permet de qualifier de «prestations de sécurité sociale» les créances impayées des travailleurs lorsque celles-ci sont payées par une institution de garantie.

Sur la deuxième question

32

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si, aux fins de l’application des articles 4 et 5 de la directive 80/987, il suffit qu’une réglementation nationale utilise une créance initiale du travailleur salarié comme simple terme de comparaison ou si cette créance doit être protégée par l’intervention du Fonds comme toute autre créance du travail.

33

Eu égard à la réponse apportée à la première question, il y a lieu de considérer que le régime juridique applicable aux créances impayées des travailleurs doit être également défini par le droit national.

34

Il s’ensuit que la créance salariale initiale du travailleur salarié peut simplement constituer un terme de comparaison permettant de déterminer le montant de la prestation à garantir par le Fonds.

35

Par suite, il convient de répondre à la deuxième question que la directive 80/987 ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui utilise comme simple terme de comparaison la créance salariale initiale du travailleur salarié pour déterminer la prestation à garantir par l’intervention du Fonds.

Sur la troisième question

36

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si, dans le cadre d’une demande par un travailleur salarié visant à obtenir d’un fonds de garantie le paiement des créances de rémunération impayées, la directive 80/987 s’oppose à l’application d’un régime de prescription moins favorable que celui appliqué à des créances de nature analogue.

37

La directive 80/987 ne contient aucune disposition qui règle la question de savoir si les États membres peuvent prévoir un délai de prescription pour l’introduction de la demande d’un travailleur salarié visant à obtenir, selon les modalités fixées par ladite directive, le paiement par le Fonds des rémunérations impayées par l’employeur insolvable.

38

En effet, les articles 4, 5 et 10 de la directive 80/987, qui permettent aux États membres non seulement de fixer les modalités de l’organisation, du financement et du fonctionnement de l’institution de garantie, mais aussi de limiter dans certaines circonstances la protection qu’elle vise à assurer aux travailleurs salariés, ne prévoient ni une limitation dans le temps des droits que les travailleurs salariés tirent de cette directive ni une limitation de la possibilité, pour les États membres, de prévoir un délai de prescription (voir arrêt du 18 septembre 2003, Pflücke, C-125/01, Rec. p. I-9375, point 31).

39

Dans ces conditions, les États membres sont en principe libres de prévoir dans leur droit national des dispositions fixant un délai de prescription pour l’introduction de la demande d’un travailleur salarié visant à obtenir, selon les modalités de la directive 80/987, le paiement de ses créances de rémunération impayées, pour autant, toutefois, que ces dispositions ne sont pas moins favorables que celles concernant des demandes semblables de nature interne (principe d’équivalence) et ne peuvent être aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits reconnus par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir arrêt Pflücke, précité, point 34 ainsi que jurisprudence citée).

40

À cet égard, la juridiction de renvoi considère qu’il convient de vérifier si une qualification des créances du travailleur à l’égard du Fonds de prestations de sécurité sociale ayant comme conséquence la non-application des règles d’interruption du délai de prescription prévues pour les créances admises au passif de la faillite est ou non contraire aux principes d’équivalence et d’effectivité.

41

S’agissant du principe d’équivalence, il convient d’emblée de relever que la demande en paiement de rémunérations impayées du travailleur salarié vis-à-vis du Fonds et celle d’un tel travailleur à l’encontre de l’employeur en état d’insolvabilité ne sont pas semblables. Ceci ressort notamment de l’article 4 de la directive 80/987 qui donne la faculté aux États membres de limiter l’obligation de paiement des institutions de garantie.

42

Par suite, l’existence de régimes de délais de prescription différents ne porte pas atteinte au principe d’équivalence.

43

S’agissant du principe d’effectivité, la Cour a reconnu la compatibilité avec le droit communautaire de la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l’intérêt de la sécurité juridique qui protège à la fois le contribuable et l’administration concernée (voir arrêt du 17 novembre 1998, Aprile, C-228/96, Rec. p. I-7141, point 19 et jurisprudence citée). En effet, de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire.

44

À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant du paiement de créances salariales qui présentent, par leur nature même, une très grande importance pour les intéressés, il convient que la brièveté du délai de prescription n’ait pas pour conséquence que ces derniers n’arrivent pas, en pratique, à respecter ledit délai et qu’ils ne bénéficient donc pas de la protection que la directive 80/987 vise précisément à leur garantir (voir arrêt Pflücke, précité, point 37).

45

À ce sujet, la Cour a déjà jugé qu’un délai de forclusion d’un an pour introduire un recours tendant à la réparation du dommage subi du fait de la transposition tardive en droit interne de la directive 80/987 apparaît comme raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 1997, Palmisani, C-261/95, Rec. p. I-4025, point 29).

46

Toutefois, il ressort également du point 39 de l’arrêt du 11 juillet 2002, Marks & Spencer (C-62/00, Rec. p. I-6325), que, pour remplir sa fonction de garantie de la sécurité juridique, un délai de prescription doit être fixé à l’avance. Une situation caractérisée par une incertitude juridique importante peut constituer une violation du principe d’effectivité, puisque la réparation des dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire imputables à un État membre pourrait être rendue en pratique excessivement difficile si ceux-ci ne pouvaient déterminer le délai de prescription applicable avec un degré de certitude raisonnable (arrêt du 24 mars 2009, Danske Slagterier, C-445/06, Rec. p. I-2119, point 33 et jurisprudence citée).

47

Dans l’affaire au principal, il convient de relever que, selon la juridiction de renvoi, d’une part, le décret législatif no 80/92 fixe à un an le délai de prescription, mais ne détermine pas le dies a quo.

48

D’autre part, cette juridiction observe que la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione a, dans un premier temps, qualifié de salariale la nature des prestations versées par le Fonds, nature identique aux salaires versés par l’employeur, qualification ayant pour conséquence que lesdites prestations se voyaient appliquer les délais de prescription ainsi que leurs règles de suspension existant dans le cadre de la procédure collective de faillite. Dans un second temps, cette juridiction suprême a considéré que l’obligation incombant au Fonds a pour objet une prestation de sécurité sociale, indépendante de l’obligation salariale de l’employeur avec pour conséquence, notamment, l’inapplication des règles de suspension des délais de prescription susmentionnées.

49

Ces deux constats sont susceptibles de créer des incertitudes juridiques pouvant constituer une violation du principe d’effectivité, s’il est vérifié, ce qu’il appartient à la juridiction nationale d’examiner, que ces incertitudes juridiques peuvent expliquer la tardiveté de l’action de M. Visciano devant elle.

50

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient, par conséquent, de répondre à la troisième question que, dans le cadre d’une demande par un travailleur salarié visant à obtenir d’un fonds de garantie le paiement des créances de rémunération impayées, la directive 80/987 ne s’oppose pas à l’application d’un délai de prescription d’un an (principe d’équivalence). Néanmoins, il appartient au juge national d’examiner si son aménagement ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits reconnus par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité).

Sur les dépens

51

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

 

1)

Les articles 3 et 4 de la directive 80/987/CEE du Conseil, du 20 octobre 1980, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui permet de qualifier de «prestations de sécurité sociale» les créances impayées des travailleurs lorsque celles-ci sont payées par une institution de garantie.

 

2)

La directive 80/987 ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui utilise comme simple terme de comparaison la créance salariale initiale du travailleur salarié pour déterminer la prestation à garantir par l’intervention d’un fonds de garantie.

 

3)

Dans le cadre d’une demande par un travailleur salarié visant à obtenir d’un fonds de garantie le paiement des créances de rémunération impayées, la directive 80/987 ne s’oppose pas à l’application d’un délai de prescription d’un an (principe d’équivalence). Néanmoins, il appartient au juge national d’examiner si son aménagement ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits reconnus par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité).

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’italien.