CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 14 mai 2009 ( 1 )

Affaire C-192/08

TeliaSonera Finland Oyj

«Secteur des télécommunications — Communications électroniques — Directive 2002/19/CE — Article 4, paragraphe 1 — Réseaux et services — Accords d’interconnexion entre entreprises de télécommunications — Obligation de négociation de bonne foi — Notion d’‘opérateur de réseaux publics de communications’ — Articles 5 et 8 — Compétence des autorités réglementaires nationales — Entreprise dépourvue d’une puissance significative sur le marché»

I — Introduction

1.

Le Korkein hallinto-oikeus (Cour administrative suprême, Finlande) invite la Cour à se prononcer sur l’interprétation des articles 4, paragraphe 1, 5 et 8, de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion ( 2 ) (ci-après la «directive accès» ou la «directive 2002/19»).

2.

Concrètement, la juridiction de renvoi s’intéresse à la portée de l’obligation d’interconnexion prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/19, en vue de déterminer la conformité à la directive des dispositions généreuses de la loi finlandaise, qui soumet à cette obligation l’ensemble des entreprises de télécommunications, sans établir de distinction entre celles qui gèrent des réseaux publics et celles qui fournissent des services ou en fonction de l’existence, ou non, d’une puissance significative sur le marché.

3.

Après la libéralisation du secteur, la Cour a permis aux autorités réglementaires nationales d’imposer ex ante certaines charges aux opérateurs dominants ( 3 ) en les autorisant, en vertu des dispositions transitoires de la directive accès et de la directive 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (ci-après la «directive-cadre» ou la «directive 2002/21») ( 4 ), à interconnecter les réseaux en l’absence d’analyse de marché préalable ( 5 ). De plus, elle a rejeté les interventions automatiques du pouvoir législatif qui limitaient l’indispensable marge de manœuvre de ces autorités ( 6 ).

4.

Cependant, la thématique abordée en l’espèce conduit à ce que la controverse entre opérateurs historiques et nouveaux venus cède la place au débat sur les limites de l’administration lorsqu’un niveau de libéralisation important a été atteint et que les interventions publiques sur le marché doivent donc s’atténuer afin de ne pas perturber le jeu de l’offre et de la demande.

5.

De fait, aucune des parties principales au litige national n’a obtenu le statut d’«opérateur disposant d’une puissance significative», ce qui montre, dans une certaine mesure, le succès de la campagne communautaire contre les monopoles qui a rendu possible le fait qu’une entreprise de communications, qui cherche à étendre ses activités par l’intermédiaire d’une autre entreprise qui ne s’est pas vu reconnaître de position dominante sur un segment du marché, puisse obtenir l’assistance technique de cette dernière ( 7 ).

6.

Si la Cour admettait que les entreprises, quelle que soit leur importance, sont tenues de conclure des accords, elle devrait, conformément au schéma établi par la juridiction de renvoi, déterminer la capacité de réaction que le droit communautaire octroie à l’autorité indépendante nationale afin de vérifier si cette obligation d’interconnexion a été respectée, en ayant recours, le cas échéant, aux mesures adéquates.

7.

La légitimité des États membres pour étendre les prescriptions des directives en matière de télécommunications est sous-jacente à la présente affaire. Il convient d’aborder cette question avec la prudence que requièrent l’emploi adéquat des définitions ( 8 ) dans le domaine d’une technologie particulière ( 9 ) et la stricte délimitation de l’obligation de négocier de l’interconnexion.

II — Réglementation applicable

A — Le droit communautaire

1. Le «principe de coopération loyale»

8.

En vertu de l’article 10 CE, «[l]es États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté» en facilitant «à celle-ci l’accomplissement de sa mission». En outre, «[i]ls s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts» de l’Union.

2. La directive 2002/19

a) Historique

9.

L’élaboration, en 1987, du livre vert sur les télécommunications ( 10 ) constitue les prémices de l’instauration d’un marché européen concurrentiel et harmonisé, fondé sur le libre choix des opérateurs.

10.

La dérégulation administrative du secteur a entraîné une transformation profonde de sa conception juridique. En effet, l’exclusivité initiale de la gestion de ce secteur par des organismes publics a évolué, conformément aux règles de la directive 90/388/CEE ( 11 ), vers une suppression des droits spéciaux ou exclusifs, compte tenu de l’incapacité du système traditionnel de monopoles étatiques à satisfaire les demandes des usagers, non seulement en raison de la révolution qu’a connue le secteur, mais également en raison de la forte connotation politique des décisions de ces monopoles ( 12 ).

11.

La directive-cadre 90/387/CEE ( 13 ) a contribué à la convergence, encouragé l’entrée de nouveaux participants dans le secteur des télécommunications et veillé à l’instauration d’un équilibre difficile à établir, car ses fondements fragiles étaient ébranlés par la supériorité de fait de l’ancien opérateur public, qui résultait des droits dont il avait joui durant de nombreuses années et de sa connaissance approfondie du marché.

12.

La concertation devait donc permettre, en outre, l’accès et la localisation des infrastructures, en garantissant l’interconnexion entre les réseaux publics et leurs distributeurs ( 14 ). C’est dans cet objectif qu’a été adoptée la directive 97/33 ( 15 ), qui attribue aux organismes autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications et/ou des «services de télécommunications» ( 16 ) le droit, ainsi que l’obligation corrélative, de négocier leur interconnexion, de façon à garantir la fourniture de ces réseaux et services dans l’ensemble de la Communauté (article 4, paragraphe 1), en ajoutant que les organismes puissants sur le marché étaient tenus de répondre à toutes les demandes raisonnables de connexion (article 4, paragraphe 2).

b) Son contenu

13.

La directive accès fait partie du «nouveau cadre réglementaire» ( 17 ) adopté le 7 mars 2002 et publié le  ( 18 ).

14.

En harmonie avec la directive-cadre et compte tenu de l’expérience résultant de la directive 97/33, la directive accès vise à harmoniser l’interconnexion dans le double objectif de la rendre compatible avec les principes du marché intérieur et de bénéficier aux consommateurs, tout en préservant le caractère durable de la concurrence et l’interopérabilité des services.

15.

Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/19:

«Les opérateurs de réseaux publics de communications ont le droit et, lorsque d’autres entreprises titulaires d’une autorisation le demandent, l’obligation de négocier une interconnexion réciproque pour fournir des services de communications électroniques accessibles au public, de façon à garantir la fourniture de services et leur interopérabilité dans l’ensemble de la Communauté. Les opérateurs offrent l’accès et l’interconnexion à d’autres entreprises selon des modalités et conditions compatibles avec les obligations imposées par l’autorité réglementaire nationale conformément aux articles 5, 6, 7 et 8.»

16.

Son article 5, paragraphe 1, premier alinéa, prévoit que, pour réaliser les objectifs de l’article 8 de la directive 2002/21, les autorités réglementaires nationales doivent encourager et assurer un accès et une interconnexion adéquats ainsi que l’interopérabilité des services, en s’acquittant de leur tâche de façon à promouvoir l’efficacité, à favoriser une concurrence durable et à procurer une satisfaction maximale à l’utilisateur final.

En particulier, sans préjudice des mesures qui pourraient être prises à l’égard d’entreprises disposant d’une puissance significative sur le marché conformément à l’article 8, les autorités réglementaires nationales peuvent imposer certaines obligations objectives, transparentes, proportionnées et non discriminatoires (article 5, paragraphe 3):

a)

aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals: des obligations visant à assurer la connectivité de bout en bout, y compris, dans les cas le justifiant, l’obligation d’assurer l’interconnexion de leurs réseaux là où elle n’est pas encore réalisée;

b)

aux opérateurs: l’obligation de fournir l’accès à d’autres ressources visées à l’annexe I, partie II, dans des conditions équitables et raisonnables, en vue d’assurer l’accès des utilisateurs finals à des services de transmissions radiophoniques et télévisées numériques spécifiés par l’État membre.

17.

L’article 8 encadre les initiatives ponctuelles ( 19 ) des autorités réglementaires, mais uniquement en ce qui concerne les sociétés disposant d’une puissance significative, cette qualité leur étant attribuée à l’issue de l’analyse de marché réalisée conformément à l’article 16 de la directive-cadre.

18.

Pour lever tout doute, cette limitation des destinataires est renforcée à l’article 8, paragraphe 3 ( 20 ), qui indique que les autorités réglementaires nationales n’imposent pas les obligations des articles 9 à 13 aux opérateurs qui n’ont pas été désignés conformément au paragraphe 2 et donc, en d’autres termes, aux opérateurs qui ne disposent pas d’une telle puissance sur le marché.

19.

Parmi les mesures que la directive accès prévoit exclusivement en ce qui concerne les entreprises dominantes, celles de l’article 12, paragraphe 1, se distinguent particulièrement, car, conformément à l’article 8, les autorités réglementaires nationales peuvent imposer à des opérateurs l’obligation de satisfaire les demandes raisonnables d’accès à des éléments de réseau spécifiques et à des ressources associées et d’en autoriser l’utilisation, lorsqu’elles considèrent qu’un refus d’octroi de l’accès ou des modalités et conditions déraisonnables ayant un effet similaire empêcheraient l’émergence d’un marché de détail concurrentiel durable ou risqueraient d’être préjudiciables à l’utilisateur final.

Les opérateurs peuvent se voir imposer:

«[…]

a)

d’accorder à des tiers l’accès à des éléments et/ou ressources de réseau spécifiques, y compris l’accès dégroupé à la boucle locale;

b)

de négocier de bonne foi avec les entreprises qui demandent un accès;

[…]

e)

d’accorder un accès ouvert aux interfaces techniques, protocoles ou autres technologies clés qui revêtent une importance essentielle pour l’interopérabilité des services ou des services de réseaux virtuels;

[…]

g)

de fournir les services spécifiques nécessaires pour garantir aux utilisateurs l’interopérabilité des services de bout en bout, notamment en ce qui concerne les ressources destinées aux services de réseaux intelligents ou permettant l’itinérance sur les réseaux mobiles;

h)

de fournir l’accès à des systèmes d’assistance opérationnelle ou à des systèmes logiciels similaires nécessaires pour garantir l’existence d’une concurrence loyale dans la fourniture des services;

i)

d’interconnecter des réseaux ou des ressources de réseau.

[…]»

B — Le droit national

20.

La directive accès et la directive-cadre ont été transposées en Finlande par la loi sur le marché de la communication (Viestintämarkkinalaki) ( 21 ).

21.

L’article 2, point 13, de la loi sur le marché de la communication définit l’interconnexion comme la connexion physique et fonctionnelle entre différents réseaux et services de manière à garantir l’accès des utilisateurs, même si lesdits réseaux et services sont ceux d’une autre entreprise de télécommunication. En vertu de l’article 2, point 21, cette dernière notion recouvre aussi bien les entreprises gestionnaires de réseaux que les entreprises prestataires desdits services.

22.

L’article 39 de cette loi règle les obligations de ces entreprises en ce qui concerne l’interconnexion, dont la négociation est régie par le paragraphe 1 de cet article. En vertu de l’article 39, paragraphe 2, la Viestintävirasto (autorité réglementaire finlandaise) peut enjoindre ( 22 ) une entreprise dotée d’une puissance significative sur le marché d’interconnecter son réseau ou ses services de communication avec le réseau ou les services de communication d’une autre entreprise de télécommunication. L’article 39, paragraphe 3, habilite également la Viestintävirasto ( 23 ) à instituer une obligation identique à la charge d’entreprises qui ne disposent pas d’une puissance significative sur le marché, à condition que ces entreprises contrôlent les connexions des utilisateurs au réseau de communication et que cette obligation soit nécessaire pour garantir l’interopérabilité.

III — Les faits

23.

La société iMEZ Ab (ci-après «iMEZ») offre des services de transmission de messages texte (SMS) et multimédia (MMS) par l’intermédiaire d’un logiciel permettant à ses clients de communiquer avec les usagers d’un téléphone mobile (utilisateur final), de manière à ce que l’information circule aussi bien depuis le logiciel vers le téléphone que dans le sens contraire, car le système permet au destinataire de répondre au message envoyé et de traiter ses réponses.

24.

Cette entreprise ne dispose pas de son propre réseau de radio, mais possède des centres de messages, «Short Message Service Center (SMSC)» et «Multimedia Messaging Service Center (MMSC)». Pour fournir ses services, iMEZ a conclu des accords avec l’ensemble des opérateurs de téléphonie mobile de Suède et, en Finlande, avec Elisa Oyj, un opérateur de téléphonie mobile. L’autorité réglementaire suédoise (Kommunikations-myndigheten PTS) lui a attribué un code de réseau mobile (Mobile Network Code) propre.

25.

Le réseau de téléphonie mobile de la société TeliaSonera Finland (ci-après «TeliaSonera Finland»), qui a fusionné avec Sonera Mobile Networks Oy, permet de transmettre des messages texte et multimédia ainsi que des services de traitement de données.

26.

TeliaSonera Finland n’est pas expressément considérée, aux fins du litige, comme une entreprise disposant d’une puissance significative sur le marché, mais son réseau de téléphonie mobile couvre la totalité du territoire finlandais, ce qui incite iMEZ à essayer d’obtenir l’interconnexion.

27.

Les négociations ayant échoué, iMEZ a, le 7 août 2006, demandé à l’autorité réglementaire finlandaise d’obliger TeliaSonera Finland à négocier de bonne foi sur l’interconnexion en proposant un accord raisonnable ou, à défaut, d’imposer une solution pour la transmission de messages SMS et MMS. Subsidiairement, iMEZ a demandé que la Viestintävirasto qualifie TeliaSonera Finland d’entreprise qui dispose d’une puissance significative sur le marché afin d’accéder, par cette voie, à l’interconnexion.

28.

Par décision du 11 décembre 2006, l’administration finlandaise a considéré que TeliaSonera Finland n’avait pas respecté l’obligation de négociation qui lui incombe en vertu de l’article 39 de la loi sur le marché de la communication en proposant à iMEZ une interconnexion à des conditions unilatérales, car un paiement était exigé pour les messages transmis au réseau de TeliaSonera Finland, alors que les messages transférés vers iMEZ devaient être gratuits.

29.

La Viestintävirasto a considéré que TeliaSonera Finland devait remédier à la situation et négocier de bonne foi ( 24 ) l’interconnexion en matière de services de SMS et de MMS et a ordonné de chercher à parvenir à l’interopérabilité de ces services en faveur des consommateurs.

IV — Litige au principal, demandes des parties et questions préjudicielles

30.

TeliaSonera Finland a formé un recours contre la décision du 11 décembre 2006 devant les juridictions nationales, en invoquant sa nullité en ce qui concerne la poursuite des négociations, au motif que la Viestintävirasto n’avait pas compétence pour l’enjoindre à entrer en pourparlers avec iMEZ à la suite de l’échec de tentatives de relations commerciales.

31.

Pour sa part, iMEZ a demandé le rejet du recours et a maintenu qu’il convenait d’obliger TeliaSonera Finland à poursuivre les négociations, car les résultats obtenus jusqu’alors ne garantissaient pas le fonctionnement de ses services.

32.

Le Korkein hallinto-oikeus a suspendu la procédure et, conformément à l’article 234 CE, a saisi la Cour des questions suivantes:

«1)

L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion (directive accès), lorsqu’il est lu en combinaison, d’une part, avec les cinquième, sixième et huitième considérants du préambule de ladite directive et, d’autre part, avec l’article 8 et l’article 5 de ladite directive, doit-il être interprété en ce sens que,

a)

une législation nationale puisse prévoir, au sens de l’article 39, paragraphe 1, de la loi sur le marché de la communication, que n’importe quelle entreprise de télécommunication ait l’obligation de négocier en matière d’interconnexion avec une autre entreprise de télécommunication et, dans l’affirmative,

b)

qu’une autorité réglementaire nationale puisse considérer que l’obligation de négociation n’est pas remplie lorsqu’une entreprise de télécommunication, qui n’a pas une puissance significative sur le marché, a proposé une interconnexion à une autre entreprise à des conditions que l’autorité considère comme étant entièrement unilatérales et dont l’autorité estime qu’elles sont propres à faire obstacle au développement d’un marché de détail concurrentiel, lorsqu’elles ont empêché en pratique la deuxième entreprise précitée de proposer à ses clients la possibilité de transmettre des messages multimédia à des utilisateurs finals connectés au réseau de l’entreprise de télécommunication et, dans l’affirmative,

c)

qu’une autorité réglementaire nationale puisse, par le biais de sa décision, ordonner à l’entreprise de télécommunication précitée, qui n’a donc pas une puissance significative sur le marché, de négocier de bonne foi de l’interconnexion de services de SMS et de messages multimédia, entre les systèmes des entreprises, de telle sorte que, dans le cadre des négociations commerciales, il y ait une prise en compte des objectifs visés par l’interconnexion et que les négociations aient lieu à partir du postulat selon lequel le bon fonctionnement des services de SMS et de messages multimédia entre les systèmes des entreprises peut être réalisé dans des conditions raisonnables permettant aux utilisateurs d’avoir la possibilité d’utiliser les services de communication des entreprises de télécommunication?

2)

La nature du réseau d’iMEZ et le point de savoir si iMEZ doit être considéré comme étant un opérateur de réseaux publics de communications électroniques ont-ils un impact sur l’appréciation des questions précitées?»

V — Procédure devant la Cour

33.

La décision de renvoi a été enregistrée au greffe de la Cour le 8 mai 2008.

34.

Des observations écrites ont été présentées dans le délai prévu à l’article 23 du statut de la Cour de justice par iMEZ, par les gouvernements finlandais, italien, lituanien, néerlandais, polonais et roumain, ainsi que par la Commission des Communautés européennes.

35.

Les représentants de TeliaSonera Finland, d’iMEZ, de la République de Finlande et de la Commission ont comparu à l’audience, qui s’est tenue le 2 avril 2009, pour présenter leurs observations orales, l’affaire étant ainsi en état pour la rédaction des présentes conclusions.

VI — Analyse des questions préjudicielles

36.

La décision de renvoi du Korkein hallinto-oikeus porte sur deux problématiques qui, bien qu’elles soient liées, requièrent un traitement juridique indépendant.

37.

Les première question, sous a), et deuxième question visent à déterminer le type d’entreprises soumises à l’obligation de négocier sur l’interconnexion par l’article 4, paragraphe 1, de la directive accès, alors que la première question, sous b) et c), a pour objet la définition des compétences des autorités nationales.

38.

Pour des raisons de systématique, il convient de réordonner et de regrouper les nombreuses questions posées, en analysant dans un premier temps les première question, sous a), et deuxième question, car la réponse à ces dernières conditionne la portée des pouvoirs de l’organe régulateur dans l’affaire au principal.

A — Précisions liminaires sur la libre concurrence et la réglementation sectorielle

39.

Les télécommunications, qui se trouvaient traditionnellement sous la protection gouvernementale, ont connu une croissance économique grâce à leur libéralisation, pour la réalisation de laquelle les règles du traité de Rome se sont, en soi, avérées insuffisantes.

40.

Selon moi, dans une situation de monopole étatique, il n’existe pas de leadership, mais des dirigeants; il n’y a pas de clients, mais des administrés; et, en définitive, il n’y a pas de marché, mais une gestion publique. Par conséquent, dans ces circonstances, les articles 81 CE et 82 CE se sont révélés incapables d’offrir aux opérateurs potentiels les moyens d’entrer sur le marché qui, jusqu’à ce moment, était livré aux velléités du système antérieur.

41.

La catharsis du secteur nécessitait donc certaines impulsions externes et, à cette fin, le législateur communautaire, enclin à des interventions spécifiques, a assuré l’instauration de conditions minimales pour rendre viable, dans un premier temps, la résorption du goulot d’étranglement au niveau de l’accès et, ensuite, pour favoriser la liberté de choix du consommateur.

42.

C’est ainsi qu’est apparue une réglementation partielle dans le cadre de laquelle la concurrence apparaît comme l’instrument le plus efficace et qui est justifiée par le souci de remédier à certaines carences du marché, telles que le caractère non rentable de la démultiplication des infrastructures ou l’impossibilité que les bénéfices qu’elles apportent à la société dans leur ensemble soient amortis par ceux qui les construisent ou les entretiennent, étant donné que la loi de l’offre et de la demande ne permet pas, dans ce cadre, une répartition juste des ressources ( 25 ).

43.

La lutte contre ces défaillances structurelles s’est organisée sur deux fronts complémentaires: d’une part, celui de la défense de la concurrence, qui réduit l’ingérence, vise à établir un environnement neutre dans lequel personne ne s’immisce dans les stratégies des entreprises et supervise le processus concurrentiel même des marchés; et, d’autre part, celui de la réglementation ad hoc des télécommunications, qui matérialise la présence de l’administration, encourage la participation de davantage d’entreprises en protégeant les plus fragiles, et qui vise, en somme, à atteindre immédiatement les objectifs des directives.

44.

Les deux types de réglementation divergent sur la manière de remplir leurs objectifs.

45.

La «nouvelle réglementation» planifie ex ante des marchés prédéterminés, mais de manière asymétrique, car l’intensité du catalogue d’obligations qu’elle prévoit dépend de la puissance de l’entreprise, et elle est conçue pour être transitoire, justement parce qu’elle affecte la liberté des transactions.

46.

Ces prémisses opèrent de manière inverse au droit de la concurrence, puisque, en général, ce dernier s’applique a posteriori sur des marchés devant être réglementés ( 26 ), ne distingue pas entre les auteurs des infractions à ses dispositions et a vocation à être permanent.

47.

Évidemment, une fois que les difficultés initiales ont été surmontées et que la concurrence régit totalement les communications électroniques, ce «traitement de choc» sectoriel perd sa force, ce qui explique la nette diminution de la volonté de réglementation ( 27 ), comme l’augurent les réformes en cours, car, abstraction faite de l’un ou l’autre projet existant dans le domaine ( 28 ), on observe une tendance à un assouplissement du cadre normatif d’intervention ( 29 ).

B — Les opérateurs de réseaux publics en tant que destinataires de l’obligation de négocier de l’interconnexion

48.

La Cour ne peut pas statuer sur la question de savoir si iMEZ est un opérateur de réseaux publics de communications électroniques, ce point étant de la compétence exclusive du juge national. Toutefois, elle doit faciliter son travail en fixant certaines règles qui l’aideront à réaliser cette appréciation.

49.

À cette fin, il convient d’analyser le domaine d’application subjectif de l’article 4, paragraphe 1, de la directive accès pour établir si l’obligation de négociation concerne toute entreprise autorisée dans le secteur des communications ou si elle ne s’applique qu’aux opérateurs, ce qui implique, comme l’indique à juste titre le Korkein hallinto-oikeus, de déterminer la nature des réseaux. Une fois cette inconnue levée, il convient de s’interroger sur la différenciation en fonction de la puissance sur le marché.

1. La délimitation positive

50.

Le libellé de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/19 prévoit une négociation de l’interconnexion réciproque en ce qui concerne les «opérateurs de réseaux publics de communications» et il crée donc un lien synallagmatique qui comporte des avantages pour l’un et, souvent, des inconvénients pour l’autre ( 30 ).

51.

L’article 2, sous c), de la directive 2002/19 conçoit de manière claire la notion d’opérateur en la limitant à l’entreprise «qui fournit ou est autorisée à fournir un réseau de communications public ou une ressource associée» et reconnaît donc que les entreprises qui se consacrent à d’autres activités coexistent à ses côtés.

52.

Bien que, comme l’a expliqué la Cour, le sens des mots ne constitue pas toujours un axiome herméneutique adéquat, en l’espèce, les différentes versions linguistiques conduisent à une solution unanime, car elles soumettent à cette obligation les seuls opérateurs qui gèrent lesdits réseaux publics de communications.

53.

Il convient donc de déterminer si les opérateurs de ressources associées ( 31 ) sont exemptés de l’obligation de négociation prévue à l’article 4 ( 32 ) de la directive accès.

54.

Même s’il y a lieu d’identifier une dualité entre les opérateurs de «réseaux publics de communications» et les opérateurs de «ressources associées», l’ensemble de ces opérateurs est concerné par la négociation, car la directive emploie une notion d’«opérateur» unique pour ces deux catégories. De plus, le fait que ces ressources «associées» apportent une contribution inestimable à la fonctionnalité du réseau, par leur situation, par leurs qualités ou, en somme, par la technologie qu’elles fournissent, ne doit pas être négligé.

2. La délimitation négative

55.

Les autres acteurs du secteur restent en marge; ils se dégagent d’une interprétation systématique de la directive accès, dont l’article 2, sous b), définit l’interconnexion comme la «liaison physique et logique des réseaux de communications publics utilisés par la même entreprise ou une entreprise différente […]». Si cette interconnexion, telle que décrite dans cette définition, ne concerne que ces réseaux, alors, en toute logique, elle incombe exclusivement aux opérateurs propriétaires desdits réseaux ou à ceux qui fournissent les ressources associées.

56.

Par conséquent, comme les fournisseurs de services de télécommunications n’appartiennent pas à la catégorie des «opérateurs de réseaux publics de communications», ils échappent à l’obligation de négocier les accords d’interconnexion.

57.

Cette constatation est renforcée par l’exégèse historique, qui révèle le contraste existant entre l’article 4, paragraphe 1, de la directive 97/33, qui étendait l’obligation de négociation sur l’interconnexion aux «organismes autorisés à fournir des réseaux publics de télécommunications et/ou des services de télécommunications accessibles au public» ( 33 ), et le même article de la directive 2002/19, qui la limite aux «opérateurs de réseaux publics de communications».

58.

Dans le cadre de la comparaison entre la directive de 1997 et celle de 2002, les observations du Royaume des Pays-Bas dans la présente demande de décision préjudicielle soutiennent la thèse opposée, dans la mesure où la directive accès renvoie expressément à celle qui l’a précédée ( 34 ).

59.

Toutefois, comme le reconnaît le gouvernement néerlandais, la directive accès a abrogé le directive 97/33 et, de plus, même si le huitième considérant de la directive accès fait référence au «[maintien des] droits et obligations existants en matière de négociation de l’interconnexion […]», cette déclaration doit être mise en rapport avec le but qu’elle énonce, qui est «[…] que d’autres opérateurs de réseaux puissent acheminer du trafic vers ces clients, et donc qu’il existe des possibilités d’interconnexion réciproque directe ou indirecte», qui met donc l’accent sur le fait que l’interconnexion concerne les opérateurs des réseaux.

60.

La suppression de la mention des «organismes autorisés à fournir des services de télécommunications accessibles au public» dans la directive 2002/19 confirme un diagnostic plus favorable pour la concurrence que celui qui était d’actualité lors de l’adoption de la directive 97/33, car, à la différence de ce qui se produisait précédemment, la nouvelle conception de la directive 2002/19 compte davantage sur la capacité du marché à résoudre les irrégularités détectées, ce qui, par ailleurs, constitue le corollaire logique de la réduction de l’intervention administrative.

61.

Je ne suis pas non plus en accord avec le point de vue selon lequel l’article 7 de la directive 2002/19 consacre l’intangibilité de l’ensemble des obligations d’interconnexion de la directive 97/33, car cet article est, de manière tout à fait parlante, intitulé «Réexamen des obligations antérieures en matière d’accès et d’interconnexion», ce qui s’oppose à toute tentative de maintien des obligations, surtout dans une situation où les obligations déjà applicables ne sont maintenues que jusqu’à ce qu’elles soient réexaminées et qu’«une décision les concernant ait été prise conformément au paragraphe 3».

3. Le rejet d’une interprétation extensive

62.

Le Royaume des Pays-Bas considère que, bien que l’article 4 de la directive accès mentionne uniquement les «opérateurs de réseaux publics», rien n’empêche d’étendre l’obligation d’interconnexion aux «organismes fournissant des services de télécommunications», conformément à l’article 6 de la directive 2002/20 («directive autorisation») et au paragraphe 3 de la section A de son annexe, ces dispositions conférant une importante marge d’appréciation aux États membres en ce qui concerne l’aménagement des télécommunications.

63.

Il convient de s’interroger sur la question de savoir si la directive accès habilite les États membres à aller au-delà des obligations qu’elle impose, mais la prudence incite à éviter que cette réflexion dénature les termes stricts de la demande que le Korkein hallinto-oikeus ( 35 ) a adressée à la Cour et qui se focalisent sur la nécessité de négocier l’interconnexion dans le cadre de la directive 2002/19, qui, selon moi, résiste difficilement à une telle flexibilité sans que son sens technico-juridique ou la concurrence soient pervertis.

64.

En premier lieu, les conditions inhérentes à l’autorisation générale des réseaux ou des services de communications électroniques qui sont prévues par la directive 2002/20 et particulièrement les obligations qui, selon l’article 5, paragraphes 1 et 2, et les articles 6 et 8 de la directive 2002/19/CE, peuvent être imposées aux fournisseurs desdits réseaux ou services «sont distinctes sur le plan juridique des obligations et des droits visés par l’autorisation générale» (article 6, paragraphe 2, de la directive 2002/20).

65.

En deuxième lieu, parmi les exigences auxquelles le point 3 de la section A de l’annexe de la directive 2002/20 soumet cette autorisation générale, on peut souligner celles de l’interopérabilité des services et de l’interconnexion des réseaux. L’emploi de ces expressions démontre que le législateur communautaire utilise un langage précis, car les services «interopèrent» alors que les réseaux s’«interconnectent» ( 36 ), ce qui doit se produire, de plus, «conformément à la directive 2002/19/CE» ( 37 ), à laquelle l’article 4, paragraphe 2, sous a), de la directive autorisation renvoie également.

66.

En troisième lieu, la suggestion selon laquelle le législateur national ne serait pas lié par les articles 5 à 8 de la directive 2002/19 ( 38 ), au motif que ses seuls destinataires sont les autorités réglementaires, constitue une vision biaisée de cette directive, car elle ignore non seulement que le fait de doter les régulateurs nationaux de pouvoirs concrets implique une intermédiation de l’État, mais elle méconnaît un élément essentiel, à savoir le fait que les négociations en vue de la conclusion d’éventuels accords d’interconnexion sont prévues en tant que mesure générique par l’article 4 de la directive, et non pas par lesdits articles 5 à 8 de la directive ( 39 ).

67.

En quatrième lieu, à cet effet, la directive accès ne constitue pas une réglementation minimale, mais, comme l’indique son quatorzième considérant, «[c]ette série d’obligations éventuelles […], pour éviter tout abus de réglementation, […] [constitue] un ensemble maximal d’obligations pouvant être imposées aux entreprises».

68.

Bien que la directive 2002/19 vise une harmonisation et rejette, dans un marché ouvert et concurrentiel, les obstacles à la négociation, en particulier lorsque les accords présentent une dimension transfrontalière ( 40 ), les États membres ne peuvent pas étendre à leur guise le groupe des entités appelées à conclure l’interconnexion, car, si tel était le cas, le risque d’une éventuelle atteinte à la libre concurrence s’accroîtrait.

69.

L’article 39 de la loi sur le marché de la communication va au-delà du seuil qui ressort de la directive 2002/19 en ce qui concerne les obligations des entreprises, en étendant l’obligation de négocier l’interconnexion aux prestataires de services, ce qui constitue une nuance différenciatrice que le représentant du gouvernement finlandais a expressément reconnue à l’occasion de l’audience ( 41 ).

70.

L’économie de marché ne saurait faire l’objet de restrictions injustifiées, car une telle atteinte n’est tolérée qu’en fonction des objectifs poursuivis par le droit communautaire et toujours dans le respect des principes d’adéquation et de proportionnalité ( 42 ).

71.

De plus, le dix-neuvième considérant de la directive 2002/19 reconnaît que «[l]e fait de rendre obligatoire l’octroi de l’accès aux infrastructures de réseau peut être justifié dans la mesure où cela permet d’accroître la concurrence, mais les autorités réglementaires nationales doivent établir un équilibre entre, d’une part, le droit pour un propriétaire d’exploiter son infrastructure à son propre avantage et, d’autre part, le droit pour d’autres fournisseurs de services d’accéder à des ressources qui sont indispensables pour la fourniture de services concurrentiels».

72.

Dans ce contexte, le principe de l’intervention minimale, qui reflète le principe de proportionnalité, dont les contours ont depuis longtemps été délimités par la jurisprudence de la Cour ( 43 ) fondée sur le caractère approprié, la nécessité et le rapport entre les coûts et les bénéfices, incite à ne pas appliquer erronément l’obligation de négocier, en tant que mesure ex lege ( 44 ), à des organismes autres que les opérateurs de réseaux publics.

73.

La directive accès ne vise pas une négociation généralisée de l’interconnexion entre toutes les entreprises ( 45 ), mais uniquement entre les opérateurs de réseaux publics, ce qui constitue par ailleurs une prémisse logique s’il s’agit de créer les conditions pour une concurrence sans entraves, raison pour laquelle il est donc nécessaire de comprendre l’idée fondamentale de l’article 4 de la directive 2002/19, qui est que ces réseaux sont accessoires aux services de télécommunications ( 46 ).

74.

En garantissant l’interconnexion des réseaux ou de leurs ressources associées, le système communautaire met en place le terreau sur lequel pourra être cultivée la libre prestation des services ( 47 ), dont la réglementation est plus appropriée dans le domaine du droit de la concurrence que dans celui de la norme sectorielle.

C — La puissance significative sur le marché et la négociation de l’interconnexion

75.

La directive accès aborde l’obligation de négocier l’interconnexion sous deux aspects: en premier lieu en tant qu’obligation générique, puis en tant que mesure spécifique. De plus, lorsque l’obligation est imposée par un acte de l’autorité réglementaire, la directive tient compte de la question de savoir si l’entreprise destinataire de ladite obligation revêt une importance particulière sur le marché.

1. Une règle générale

76.

L’article 4 esquisse les «droits et obligations des entreprises» et soumet à la négociation de l’interconnexion l’ensemble des opérateurs de réseaux publics, quel que soit leur poids commercial.

77.

Il s’agit donc d’une applicabilité découlant directement du droit communautaire, qui ne requiert aucune intermédiation administrative.

2. Les mesures administratives particulières

78.

L’article 5 définit les «pouvoirs et responsabilités des autorités réglementaires nationales en ce qui concerne l’accès et l’interconnexion», en prévoyant, dans certains cas, l’obligation d’interconnecter les réseaux.

79.

La portée de ces dispositions est variable, puisque, alors que l’article 4, qui a une vocation à s’appliquer directement, porte exclusivement sur les tentatives d’accord en ce qui concerne les «opérateurs de réseaux publics», l’article 5 exhorte les autorités réglementaires nationales à veiller au bon fonctionnement du marché, par l’intermédiaire de décisions concrètes et non pas in abstracto.

3. La puissance significative sur le marché

80.

Comme on peut le déduire a sensu contrario de son paragraphe 1, l’article 5 de la directive accès ne se limite pas aux entreprises d’une puissance significative. Comme je l’ai indiqué, cette restriction résulte de l’article 8 de ladite directive qui, en combinaison avec l’article 12, paragraphe 1, sous b), ouvre aux autorités nationales une série d’initiatives permettant de faciliter l’accès aux ressources spécifiques des réseaux.

81.

La puissance de l’entreprise délimite donc le champ d’application, d’une part, de l’article 5, qui ne distingue pas ses destinataires en fonction de leur importance, et, d’autre part, des articles 8 et 12 qui sont destinés aux entreprises puissantes.

82.

La puissance sur le marché ( 48 ) détermine donc l’application d’un système asymétrique de règles d’interconnexion, dont la bonne compréhension est subordonnée à la définition et à la reconnaissance de cette puissance par l’autorité compétente ( 49 ). Il convient d’ajouter à cela le caractère dynamique de la notion et son cloisonnement en fonction des marchés qui conduit éventuellement à ce qu’un opérateur puisse jouir d’une puissance significative ou non en fonction de ses segments d’activité.

83.

Dans la directive 97/33, l’organisme détenant une part de marché supérieure à 25% était réputé puissant sur le marché. Toutefois, compte tenu de sa capacité d’influencer les conditions dudit marché, de son chiffre d’affaires, du contrôle qu’il exerce sur les moyens d’accès à l’utilisateur final, de ses ressources financières, ainsi que de son expérience, un organisme peut mériter d’être qualifié de puissant sur le marché sans atteindre ce pourcentage ou, au contraire, échapper à cette qualification même s’il dépasse ledit pourcentage (article 4, paragraphe 3).

84.

La directive accès renvoie à la directive-cadre en ce qui concerne l’attribution de la qualité d’entreprise puissante sur le marché, qui, en vertu de cette dernière directive, s’applique aux entreprises qui, individuellement ou conjointement avec d’autres, se trouvent dans une position équivalente à une position dominante, c’est-à-dire qu’elles sont en mesure de se comporter de manière indépendante de leurs concurrents, de leurs clients et, en fin de compte, des consommateurs (article 14, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive-cadre).

D — L’interprétation systématique de la directive accès et sa relation avec la loi nationale

a) L’article 4 de la directive 2002/19

85.

Pour les opérateurs de réseaux publics qui, à l’instar de TeliaSonera Finland, ne se sont pas vu reconnaître une telle puissance sur le marché par un acte administratif, l’obligation d’interconnexion se limite à la simple négociation, sans qu’il soit nécessaire de parvenir à un accord.

86.

Cependant, la directive 97/33 exigeait des opérateurs disposant de cette puissance qu’ils répondent à toutes les demandes raisonnables de connexion (article 4, paragraphe 2). Cette obligation est reprise par la directive accès (articles 4, paragraphe 1, et 5, paragraphes 1 et 4) qui instaure également, comme je l’ai indiqué, des obligations concrètes pour les opérateurs dominants (article 8 lu en combinaison avec l’article 12).

87.

Il ne m’échappe pas que le premier considérant de la directive 2002/19 milite pour une interprétation large de ces obligations en les faisant porter sur les réseaux et sur les «accords en matière d’accès et d’interconnexion entre les fournisseurs de services». Dans cet ordre d’idées, les cinquième et sixième considérants font référence au fait que «les entreprises qui reçoivent une demande d’accès ou d’interconnexion devraient, en principe, conclure de tels accords […]» et à la «puissance de négociation entre les entreprises», sans, par conséquent, se limiter aux «opérateurs de réseaux publics».

88.

Toutefois, un examen attentif révèle le caractère erroné de cette première impression, qui est difficilement conciliable avec les axiomes juridiques de la directive qui s’inspirent de la liberté du commerce.

89.

De plus, la jurisprudence a souligné que le préambule d’un acte communautaire n’a pas de valeur juridique contraignante et ne saurait être invoqué pour déroger aux dispositions mêmes de l’acte concerné ou pour les interpréter dans un sens manifestement contraire à leur libellé ( 50 ).

90.

Même si, en pratique, de nombreuses entreprises de télécommunications «gèrent des réseaux» tout en «fournissant des services», cette dualité des activités est mise en évidence par le premier considérant de la directive accès, qui admet les accords, mais entre égaux, c’est-à-dire en séparant les «opérateurs de réseaux» et les «fournisseurs de services».

91.

Même si TeliaSonera Finland transmet des messages et jouit donc d’un statut identique à iMEZ (en tant qu’entreprise de services), la première obligation de l’article 4 de la directive 2002/19 ne devrait lui être imposée qu’au cas où iMEZ disposerait d’un réseau public de communications, car, sinon, il s’agirait d’une simple utilisatrice ( 51 ) du réseau de TeliaSonera Finland, ne disposant pas du droit à demander l’interconnexion.

92.

Par conséquent, si TeliaSonera Finland agit en tant qu’opérateur de réseaux publics de télécommunications, le fait de l’obliger à négocier de bonne foi de l’interconnexion avec iMEZ implique que cette dernière entreprise possède également cette qualité d’opérateur de réseaux publics de télécommunications.

93.

L’article 39 de la loi sur le marché de la communication, qui rend la négociation obligatoire avec tout organisme de télécommunications, prend une orientation différente. Le projet relatif à cette loi présenté au Parlement par le gouvernement expose, dans la motivation détaillée relative à l’article 39, paragraphe 1, que l’obligation de négocier concerne toutes les entreprises et correspond à celle de l’article 12, paragraphe 1, sous b), de la directive accès.

94.

C’est ainsi qu’apparaît la confusion de l’affaire au principal, à laquelle renvoie iMEZ dans ses observations écrites lorsqu’elle fait référence au caractère erroné du renvoi qu’effectue l’article 39, paragraphe 1, de la loi nationale à l’article 12 de la directive accès qui, comme je l’ai souligné, se limite aux entreprises dominantes, au lieu de renvoyer à l’article 4 de ladite directive, qui s’applique aux opérateurs de réseaux publics indépendamment de leur puissance.

95.

Il appartient au Korkein hallinto-oikeus de déterminer si les «réseaux» ( 52 ) d’iMEZ relèvent de la définition que la directive-cadre donne des «réseaux de communications publics». À cette fin, il convient d’évaluer leurs fonctionnalités et, en particulier, leur aptitude à la fourniture de services de communications au public ( 53 ) ou, en tant que ressources associées, leur aptitude à soutenir ou développer la fourniture desdits services.

96.

La notion de fournisseur d’un réseau [article 2, sous m), de la directive-cadre] constitue une autre piste fiable, car elle englobe, outre les organismes mettant en place ou mettant à disposition un réseau, ceux qui exploitent ou surveillent ces réseaux.

97.

La juridiction finlandaise doit également déterminer la nature des réseaux d’iMEZ en recourant, par exclusion, à la notion de «service de communications électroniques» ( 54 ) pour vérifier si son infrastructure porte sur la simple gestion de ces services ou si elle présente un potentiel analogue à celui des réseaux.

98.

Enfin, la juridiction de renvoi doit rechercher si le SMSC et le MMSC sont considérés comme des réseaux publics de télécommunications ( 55 ) ou comme des éléments susceptibles de s’intégrer à ceux-ci, par l’intermédiaire d’une interface de connexion ( 56 ), afin de pouvoir qualifier iMEZ d’opérateur ( 57 ).

99.

La société iMEZ soutient que l’autorité réglementaire suédoise (Kommunikations-myndigheten PTS) lui a reconnu le statut d’entreprise de réseau en lui attribuant un code de réseau mobile propre (code MNC) ( 58 ).

100.

Mais ce fait, qui s’est produit en Suède, ne devrait pas avoir de répercussion transfrontalière en affectant de manière déterminante le marché des télécommunications de Finlande ( 59 ), car l’octroi du code de réseau mobile obéit à des paramètres techniques qui ne relèvent pas du droit communautaire ( 60 ) et dont l’appréciation adéquate est de la compétence de chaque autorité nationale, conformément, entre autres règles ( 61 ), aux recommandations de l’Union internationale des télécommunications (UIT) ( 62 ).

101.

Par conséquent, il convient de répondre aux deuxième question et première question, sous a), qu’une interprétation conforme à l’article 4 de la directive accès doit faire dépendre l’obligation de négocier l’interconnexion de la nature du réseau d’iMEZ, car ledit article n’impose cette obligation qu’aux entreprises qualifiées d’«opérateurs de réseaux publics de communications électroniques», indépendamment de la question de savoir si ces entreprises ont une puissance significative sur le marché.

b) L’article 5 de la directive 2002/19

102.

Il reste à déterminer si les autorités réglementaires peuvent considérer qu’il a été porté atteinte à l’obligation de négocier lorsqu’une entreprise dépourvue de puissance significative sur le marché propose l’interconnexion à une autre entreprise à des conditions unilatérales et propres à faire obstacle au développement du marché de détail, lorsqu’elles empêchent les clients de la deuxième entreprise précitée de bénéficier de ses services [deuxième question préjudicielle, sous b)].

103.

La préservation de l’effet utile de l’article 4 de la directive 2002/19 conduit à une réponse affirmative, à l’issue de l’examen de la bonne foi ( 63 ) du comportement de l’opérateur, afin de vérifier sa volonté réelle de parvenir à un accord, cette bonne foi étant déduite d’indices tels que le caractère raisonnable et sérieux de ses propositions.

104.

Cependant, si l’autorité réglementaire nationale constate que cette obligation n’a pas été respectée, elle ne peut pas ajouter de conditions supplémentaires pour remédier à la situation ( 64 ) en se fondant exclusivement sur l’article 4 de la directive accès. Toutefois, l’article 5, paragraphe 4, de la directive accès ( 65 ) l’autorise à mettre en œuvre cette obligation, compte tenu de l’habilitation à intervenir que lui octroie l’article 20, paragraphe 1, de la directive-cadre ( 66 ).

105.

L’article 4 de la directive 2002/19 n’interdit pas que, sur le fondement de l’article 5 de cette même directive, les autorités nationales imposent aux entreprises qui contrôlent l’accès aux utilisateurs finals certaines obligations destinées à assurer la connectivité de bout en bout, «[…] y compris, dans les cas le justifiant, l’obligation d’assurer l’interconnexion de leurs réseaux là où elle n’est pas encore réalisée» ( 67 ).

106.

Cette disposition laisse transparaître la doctrine des «essential facilities» (théorie des infrastructures essentielles) ( 68 ), car elle permet la connexion de nouveaux opérateurs, avec des prérogatives identiques, aux infrastructures existantes et, bien qu’elle ne mentionne pas la négociation pour parvenir à l’interconnexion, le caractère ouvert des mesures énoncées valide, parmi le répertoire des mesures possibles, la négociation sur l’interconnexion, qui constitue une obligation plus ténue que l’obligation directe d’interconnexion ( 69 ).

107.

La Cour a reconnu, dans un contexte différent de celui des télécommunications ( 70 ), que, si l’installation est jugée «essentielle», le propriétaire doit convenir de son utilisation avec d’autres entreprises, dans la mesure où leur activité requiert l’accès à l’installation. Toutefois, elle a tempéré ce principe par une série de conditions d’interprétation stricte visant à éviter les abus résultant d’une position dominante (article 82 CE).

108.

Dans le cas de figure de l’article 5, la négociation est soumise à la condition que TeliaSonera Finland contrôle l’accès aux utilisateurs finals. Seuls ses réseaux sont réputés «essentiels» et, par conséquent, cette disposition s’applique lorsque lesdits réseaux s’avèrent indispensables à iMEZ, car lesdits réseaux ne peuvent raisonnablement pas être démultipliés, ce qui empêche son accès ou la soumet à des limitations inacceptables. Le Korkein hallinto-oikeus ne doit pas oublier la relation commerciale entre iMEZ et Elisa Oyj, car, si iMEZ bénéficiait des infrastructures d’Elisa Oyj en Finlande, elle pourrait répondre aux attentes de ses clients.

109.

Mais, en distinguant entre l’«accès» ( 71 ) et l’«interconnexion» ( 72 ), la directive ne prévoit pas l’interconnexion des services, mais uniquement celle des réseaux ou des ressources associées, ce qui préserve la cohérence avec l’article 4, qui est la disposition sur laquelle se fonde le juge de renvoi et qui est complétée par l’article 5 de la directive 2002/19.

110.

L’interconnexion se produit entre personnes privées, elle se rapproche du caractère d’institution de droit privé ( 73 ) et implique une technique d’interaction entre des réseaux de conceptions différentes.

111.

Par ailleurs, la notion d’«accès» engendre des répercussions juridiques plus étendues que la simple connexion d’infrastructures, car elle recouvre la mise à disposition d’un ensemble de ressources ou de services et, en définitive, comprend l’«interconnexion», qui constitue un type particulier d’accès mis en œuvre entre opérateurs de réseaux publics [article 2, sous b), de la directive 2002/19].

112.

Ces précisions permettent de répondre à la première question, sous c), en ce sens que les autorités réglementaires nationales, une fois constatée la violation de l’article 4 de la directive 2002/19, ne peuvent pas obliger une entreprise de télécommunications à négocier de bonne foi l’interconnexion de son système de services de messages texte et multimédia avec celui d’une autre entreprise qui se consacre également à ces services.

113.

En revanche, conformément à l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2002/19, elles sont habilitées à exiger de tout opérateur de réseaux publics qui contrôle l’accès de bout en bout qu’il négocie de bonne foi l’interconnexion de ses réseaux avec ceux d’un autre opérateur (de messages texte et multimédia dans l’affaire au principal) aux fins de l’interopérabilité de ces services, dans des conditions raisonnables et en vue de bénéficier aux utilisateurs finals, dès lors que les autres conditions de cet article sont remplies.

114.

Il ne faut pas oublier que, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive-cadre, l’autorité réglementaire nationale doit communiquer le «projet de mesure» ainsi que les motifs sur lesquels il est fondé à la Commission et aux autorités réglementaires nationales des autres États membres afin qu’elles puissent formuler des observations si elles le jugent opportun.

c) Les articles 8 et 12 de la directive 2002/19

115.

Bien que l’article 39, paragraphe 1, de la loi sur le marché de la communication renvoie à l’article 12 de la directive 2002/19, étant donné que la position qu’occupe TeliaSonera Finland sur le marché n’a pas été établie ( 74 ), l’application des articles 8 et 12 de la directive 2002/19 doit être exclue, puisque ceux-ci portent uniquement sur l’interconnexion et l’accès en ce qui concerne les entreprises disposant d’une puissance significative dans le secteur, ce qui, je le répète, n’est pas le cas en l’espèce.

VII — Conclusion

116.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles du Korkein hallinto-oikeus comme suit:

«1)

L’article 4, paragraphe 1, de la directive 2002/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu’à leur interconnexion, lorsqu’il est lu en combinaison, d’une part, avec les cinquième, sixième et huitième considérants du préambule de ladite directive et, d’autre part, avec les articles 8 et 5 de ladite directive, doit être interprété en ce sens que:

a)

une législation nationale peut obliger toute entreprise à négocier en matière d’interconnexion, indépendamment de la question de savoir si elle a une puissance significative sur le marché, dès lors qu’il s’agit d’un opérateur de réseaux publics de télécommunications;

b)

une autorité réglementaire nationale peut considérer que l’obligation de négociation de bonne foi de l’interconnexion n’est pas remplie lorsqu’un opérateur de réseaux publics de télécommunications qui n’a pas une puissance significative sur le marché a proposé une interconnexion à un autre opérateur de réseaux publics de télécommunications à des conditions que l’autorité considère comme étant unilatérales et dont l’autorité estime qu’elles sont propres à faire obstacle au développement d’un marché de détail concurrentiel, lorsqu’elles ont empêché en pratique le deuxième opérateur de proposer à ses clients la possibilité de transmettre des messages multimédia à des utilisateurs finals connectés au réseau de l’opérateur;

c)

une autorité réglementaire nationale ne doit pas imposer la négociation de l’interconnexion de systèmes de services de messages texte et multimédia, même si elle est habilitée par l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2002/19 à exiger d’une entreprise opératrice de réseaux publics, qui n’a pas une puissance significative sur le marché, mais qui contrôle l’accès de bout en bout, qu’elle négocie de bonne foi l’interconnexion de ses réseaux avec ceux d’une autre entreprise, afin d’assurer le bon fonctionnement des services de messages dans des conditions raisonnables et au bénéfice des utilisateurs finals, dès lors que les autres conditions de l’article 5 de la directive 2002/19 et celles de l’article 7, paragraphe 3, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques, sont remplies.

2)

Dans le cadre d’une interprétation conforme à l’article 4 de la directive 2002/19, l’obligation de négocier l’interconnexion doit dépendre de la nature du réseau d’iMEZ Ab, car cet article ne prévoit cette obligation qu’en ce qui concerne les ‘opérateurs de réseaux publics de communications électroniques’, indépendamment de la question de savoir s’ils ont une puissance significative sur le marché. Il appartient au juge national de déterminer si les ‘réseaux’ d’iMEZ Ab relèvent de la définition des ‘réseaux publics de communications’ figurant dans la directive 2002/21. À cette fin, il devra prendre en compte leurs fonctionnalités et, en particulier, leur aptitude à la fourniture de services de communications au public ou, en tant que ressources associées, leur aptitude à contribuer au fonctionnement desdits réseaux.»


( 1 ) Langue originale: l’espagnol.

( 2 ) JO L 108, p. 7.

( 3 ) À la suite d’un renvoi préjudiciel du Tribunal Supremo (Espagne), l’arrêt du 13 décembre 2001, Telefónica de España (C-79/00, Rec. p. I-10075), a examiné les pouvoirs de ces autorités dans le cadre de la directive 97/33/CE du Parlement européen et du Conseil, du , relative à l’interconnexion dans le secteur des télécommunications en vue d’assurer un service universel et l’interopérabilité par l’application des principes de fourniture d’un réseau ouvert (JO L 199, p. 32, ci-après la «directive interconnexion» ou la «directive 97/33»), qui a précédé la directive accès.

( 4 ) Directive du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002 (JO L 108, p. 33).

( 5 ) Même si les directives accès et cadre imposaient la réalisation de cette analyse, l’arrêt du 14 juin 2007, Telefónica O2 Czech Republic (C-64/06, Rec. p. I-4887), ne l’a pas exigée, car cette obligation n’apparaissait plus dans la directive 97/33, applicable ratione tempore.

( 6 ) Dans mes conclusions du 10 juin 2008 dans l’affaire Commission/Pologne (C-227/07), qui ont été suivies par l’arrêt du (Rec. p. I-8403), je renvoie à la contradiction qui existe entre le fait de stimuler l’ouverture en imposant ex lege la négociation sur l’accès aux réseaux, sans déterminer préalablement si la situation concurrentielle requiert une telle obligation, car elle constitue un frein à la spontanéité des accords.

( 7 ) Il ne m’échappe pas que la technologie en cause (réseaux au service de la téléphonie mobile qui permettent la circulation de messages) est récente. À la différence du réseau de téléphonie fixe, elle ouvre une nouvelle ère dans laquelle tout opérateur peut la mettre en œuvre.

( 8 ) Biondi, B., Arte y Ciencia del Derecho, éd. Ariel, Barcelone, 1953, p. 88 et 112, souligne que, par rapport à l’ancien droit, qui était intelligible pour tous en raison de sa terminologie épurée qui rendait les définitions superflues, le technicisme bouleverse le sens primitif et engendre de la complexité.

( 9 ) Armstrong, M., et Vickers, J., dans le chapitre «Competition and Regulation in Telecommunications» de l’ouvrage collectif de Bishop, M., Kay, J., et Mayer, C., The regulatory Challenge, Oxford University Press, 1995, p. 284, attirent l’attention sur la difficulté que présente parfois «[…] la distinction entre (i) le réseau public et son fonctionnement; (ii) l’équipement du consommateur connecté au réseau; et (iii) les services fournis par l’intermédiaire du réseau».

( 10 ) Livre vert sur le développement du marché commun des services et équipements des télécommunications, Bruxelles, 16 décembre 1987 [COM(87) 290 final, p. 6, 16 et suiv.], complété par certaines propositions visant à garantir l’uniformité des mécanismes d’autorisation envisagés dans les réglementations nationales, telles que celles du Livre vert sur la libéralisation des infrastructures de télécommunications et des réseaux de télévision par câble, partie II, Bruxelles, , [COM(94) 682 final, p. 61 et suiv.].

( 11 ) Directive de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunication (JO L 192, p. 10).

( 12 ) Situation signalée par les deuxième et septième considérants de la directive 90/388.

( 13 ) Directive du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l’établissement du marché intérieur des services de télécommunications par la mise en œuvre de la fourniture d’un réseau ouvert de télécommunications (JO L 192, p. 1).

( 14 ) Je renvoie à cet impératif dans mes conclusions du 1er avril 2008, qui ont précédé l’arrêt du , Arcor e.a. (C-152/07 à C-154/07, Rec. p. I-5959).

( 15 ) Précitée note 3.

( 16 ) C’est moi qui souligne.

( 17 ) Dans mes conclusions du 28 juin 2007 dans l’affaire dans laquelle a été rendu l’arrêt du , Deutsche Telekom (C-262/06, Rec. p. I-10057), ainsi que dans mes conclusions dans l’affaire Commission/Pologne, précitée, je renvoie, avec cette expression, à quatre directives du Parlement européen et du Conseil: la directive 2002/19 qui fait l’objet de l’analyse; la directive 2002/20/CE, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation»); la directive 2002/21, et la directive 2002/22/CE, concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive «service universel»).

( 18 ) JO L 108, respectivement p. 7, 21, 33 et 51.

( 19 ) Détaillées dans les articles 9 à 13 de la directive 2002/19, auxquels renvoie son article 8, paragraphe 1.

( 20 ) Sans préjudice de la flexibilité prévue par cette disposition en ce qui concerne les cas de figure qu’elle énonce.

( 21 ) Loi no 393/2003.

( 22 ) Par l’intermédiaire d’une décision adoptée en vertu de l’article 18.

( 23 ) Cette fois, par l’intermédiaire de l’article 19.

( 24 ) Pour apprécier le bien-fondé des positions des parties, la Viestintävirasto recherche si celles-ci pourraient constituer, en pratique, un obstacle à l’interopérabilité des services et si, par conséquent, elles freineraient le développement d’un marché concurrentiel durable, au détriment des utilisateurs finals.

( 25 ) Calviño Santamaría N., «Regulación y competencia en telecomunicaciones; los retos derivados del nuevo marco normativo», dans Telecomunicaciones y audiovisual: regulación, competencia y tecnología, septembre-octobre 2006, no 832, p. 60 à 63.

( 26 ) Saracci, F., L’interconnexion, objet du droit communautaire des télécommunications: exemple de régulation (application comparée France-Italie), Atelier national de reproduction des thèses, 2004, p. 101.

( 27 ) La communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, du 19 mars 2008 [COM(2008) 153 final], «Rapport d’avancement sur le marché unique européen des communications électroniques de 2007 (13e rapport)», indique que le but ultime est la suppression progressive de la réglementation économique ex ante pour autant que la concurrence soit suffisamment développée.

( 28 ) Comme la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une autorité européenne du marché des communications électroniques [SEC(2007) 1472 et SEC(2007) 1473].

( 29 ) Ou, au moins, une tendance au déplacement de son noyau protecteur des opérateurs vers la normalisation du service universel et donc en faveur du citoyen, comme il ressort de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2002/22, la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (JO L 201, p. 37), et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil, du , relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs (JO L 364, p. 1) [SEC(2007) 1472 et SEC(2007) 1473]. Dans cet esprit de flexibilisation, la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2002/21, 2002/19 et 2002/20 [SEC(2007) 1472 et SEC(2007) 1473] fait même référence à la réduction des ressources administratives nécessaires à l’application de la réglementation économique, telles que la procédure d’analyse de marché, en rendant l’accès aux radiofréquences plus aisé et plus performant.

( 30 ) L’historien de l’économie italien Cipolla, Carlo Maria, dans Allegro ma non troppo, éd. Crítica, Biblioteca de bolsillo, Barcelone, 2001, décrit avec une goguenardise exquise les «lois fondamentales de la stupidité humaine» en classant les personnes en quatre catégories sur la base d’une simple équation entre pertes et bénéfices: le «naïf» réalise une action qui lui porte préjudice et apporte un avantage à son prochain; l’«intelligent» obtient un avantage et le répercute sur un autre; le «méchant» obtient son bénéfice en nuisant à autrui; et, enfin, dans la catégorie du «stupide», individu absurde qui fait du tort aux autres sans en tirer aucun profit, Cipolla ajoute la sous-catégorie du «super-stupide» qui, par ses agissements invraisemblables, porte atteinte à autrui et à lui-même.

( 31 ) Cette dénomination fait référence aux ressources associées «à un réseau de communications électroniques et/ou à un service de communications électroniques, qui permettent et/ou soutiennent la fourniture de services via ce réseau et/ou ce service; elles comprennent les systèmes d’accès conditionnel et les guides électroniques de programmes» [article 2, sous e), de la directive-cadre].

( 32 ) Farr, S., et Oakley, V., EU Communications Law, 2e édition, Sweet & Maxwell, Londres, 2006, p. 234, dispensent non seulement les fournisseurs de services de cette obligation, mais également les opérateurs de ressources associées.

( 33 ) Ce qui équivalait, en pratique, à n’en exempter personne.

( 34 ) Point 46 des observations écrites.

( 35 ) Qui expose avec rigueur ses doutes sur certains articles et considérants de la directive accès.

( 36 ) On peut en déduire que, d’un point de vue technique, il n’existe pas d’interconnexion des services, mais uniquement des réseaux.

( 37 ) Annexe, section A, paragraphe 3, in fine.

( 38 ) Le Royaume des Pays-Bas insiste de nouveau sur ce point, dans la ligne d’une interprétation extensive.

( 39 ) Plus loin, je renvoie au caractère bicéphale de l’obligation de négocier l’interconnexion, car, d’une part, il s’agit d’une mesure générale de la directive accès qui résulte de son article 4 et, d’autre part, les autorités réglementaires peuvent l’imposer à titre de mesure corrective sur le fondement des articles 8 et 12 de ladite directive, dans les limites fixées par la loi ou les règlements nationaux.

( 40 ) Cinquième considérant de la directive 2002/19.

( 41 ) En réponse à ma question, l’agent du gouvernement finlandais a confirmé la plus grande générosité de la loi finlandaise sur le marché de la communication, car la directive accès restreint l’obligation de négociation aux opérateurs de réseaux publics, sans y soumettre les fournisseurs de services.

( 42 ) Je soutiens cette thèse dans mes conclusions dans l’affaire Commission/Pologne, précitée.

( 43 ) Arrêts du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft (11/70, Rec. p. 1125); du , Balkan-Import-Export (5/73, Rec. p. 1091); du , Rutili (36/75, Rec. p. 1219); du , Watson et Belmann (118/75, Rec. p. 1185); du , Bela-Mühle (114/76, Rec. p. 1211); du , Buitoni (122/78, Rec. p. 677); du , Atalanta Amsterdam (240/78, Rec. p. 2137), et du , Hauer (44/79, Rec. p. 3727).

( 44 ) Qui, j’insiste sur ce point, découle directement de l’article 4 de la directive 2002/19.

( 45 ) C’est ce qui ressort de son quatorzième considérant.

( 46 ) Cette disposition reconnaît l’obligation d’interconnexion (des réseaux) «pour» fournir des services de communications.

( 47 ) Par l’intermédiaire de ces réseaux, une fois qu’ils seront interconnectés.

( 48 ) Cette expression découle de la terminologie anglaise: «significant market power».

( 49 ) Par l’intermédiaire d’une méthode complexe définie aux articles 15 et 16 de la directive-cadre, au sujet de laquelle je m’abstiendrai de tout commentaire, puisqu’elle n’est pas discutée en ce qui concerne TeliaSonera Finland.

( 50 ) Arrêts du 19 novembre 1998, Nilsson e.a. (C-162/97, Rec. p. I-7477, point 54), et du , Manfredi (C-308/97, Rec. p. I-7685, point 30).

( 51 ) Définie par l’article 2, sous h), de la directive 2002/21 comme une «personne physique ou morale qui utilise ou demande un service de communications électroniques accessible au public», par opposition à l’utilisateur final qui est caractérisé par le fait qu’il ne fournit pas «de réseaux […] publics ou de services de communications électroniques accessibles au public» [article 2, sous n), de la directive 2002/21].

( 52 ) L’ordonnance de renvoi qualifie de réseau le système (je déduis qu’il s’agit des centres de messages SMSC et MMSC) employé par iMEZ pour la réalisation de ses activités, bien que ses doutes portent justement sur sa nature, car le Korkein hallinto-oikeus, à la différence d’autres parties à la procédure préjudicielle telles que les gouvernements finlandais et allemand, prend pour base le principe, maintenu dans les présentes conclusions, selon lequel seuls les opérateurs de réseaux publics de communications peuvent être obligés à négocier et non les autres entreprises.

( 53 ) Article 2, sous d), de la directive 2002/21.

( 54 ) Article 2, sous c), de la directive 2002/21.

( 55 ) Cette possibilité ne peut pas être écartée. L’évolution fulgurante des technologies rend nécessaire de s’éloigner d’une interprétation fondée sur les «réseaux traditionnels», car, outre les réseaux publics ou privés, il existe, comme le soulignent Ariño, G., Aguilera, L., et De la Cuétara, J. M., Las telecomunicaciones por cable. Su regulación presente y futura, éd. Marcial Pons, Madrid, 1996, p. 31, une grande diversité de réseaux, en fonction de leur degré de spécialisation ou des supports qui les caractérisent, la variété et le progrès ne modifiant en rien leur qualité de pièce maîtresse du système de télécommunications dans son ensemble.

( 56 ) Thèse défendue par iMEZ dans ses observations.

( 57 ) En tant que gestionnaire de ressources associées, comme le suggère le gouvernement lituanien.

( 58 ) Les codes numériques MCC et MNC, acronymes anglais de «Mobile Country Code» et «Mobile Network Code» sont employés conjointement pour identifier le pays et les opérateurs de téléphonie mobile qui utilisent des réseaux de communications.

( 59 ) À moins que les systèmes employés par iMEZ en Finlande et en Suède ne présentent des caractéristiques techniques et juridiques similaires, car les législations de ces deux pays ont une source communautaire identique (le «nouveau cadre réglementaire»).

( 60 ) Le représentant de la Commission a soutenu, à l’occasion de l’audience, que ces paramètres ne font pas l’objet d’une harmonisation communautaire et que les critères pour l’octroi dudit code relèvent exclusivement du niveau étatique.

( 61 ) Le site internet du régulateur suédois (www.pts.se) permet de consulter, en anglais, son rapport du 23 décembre 2008«Plan of Mobile Networks Codes (MNC) according to ITU-T Recommendation E.212».

( 62 ) En particulier la recommandation E.212 de l’UIT intitulée «Plan d’identification international pour les terminaux mobiles et les utilisateurs mobiles».

( 63 ) Dans le cadre des négociations. Elle est expressément requise par le cinquième considérant de la directive 2002/19.

( 64 ) Le gouvernement roumain renvoie à ce problème avec une argumentation très claire aux points 71 à 73 de ses observations.

( 65 ) «En ce qui concerne l’accès et l’interconnexion, les États membres veillent à ce que l’autorité réglementaire nationale puisse intervenir de sa propre initiative, lorsque cela se justifie, ou à la demande d’une des parties concernées, en l’absence d’accord entre les entreprises, afin de garantir le respect des objectifs fondamentaux prévus à l’article 8 de la directive 2002/21/CE (directive-‘cadre’), conformément aux dispositions de la présente directive et aux procédures visées aux articles 6, 7, 20 et 21 de la directive 2002/21/CE (directive-‘cadre’)».

( 66 ) «Lorsqu’un litige survient, en ce qui concerne des obligations découlant de la présente directive ou des directives particulières, entre des entreprises assurant la fourniture de réseaux ou de services de communications électroniques dans un seul État membre, l’autorité réglementaire nationale concernée prend, à la demande d’une des parties, et sans préjudice des dispositions du paragraphe 2, une décision contraignante afin de résoudre le litige dans les meilleurs délais et en tout état de cause dans un délai de quatre mois, sauf dans des circonstances exceptionnelles. L’État membre concerné exige que toutes les parties coopèrent pleinement avec l’autorité réglementaire nationale».

( 67 ) Le projet de loi gouvernemental relatif à la loi sur le marché de la communication indique que l’article 39, paragraphe 3, transpose l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive accès et encourage l’interconnexion dans des termes similaires.

( 68 ) À laquelle fait référence le gouvernement lituanien au point 38 de ses observations.

( 69 ) A maiori ad minus.

( 70 ) Dans mes conclusions dans l’affaire Commission/Pologne, précitée, je fais référence à l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (C-7/97, Rec. p. I-7791), qui analyse la jurisprudence antérieure (arrêts du , Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223; du , CBEM, 311/84, Rec. p. 3261, et du , RTE et ITP/Commission, C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743) et qui indique que le fait, pour le propriétaire de l’unique système de portage à domicile de journaux à l’échelle nationale, de refuser l’accès audit système à un autre éditeur ne constitue pas un abus de position dominante, car il existe d’autres modes de distribution, tels que la distribution par la voie postale et la vente dans les magasins et kiosques et, d’autre part, il n’y a pas d’obstacles techniques, réglementaires ou même économiques qui soient de nature à rendre impossible ni même déraisonnablement difficile pour les concurrents de créer leur propre système de distribution.

( 71 ) Défini à l’article 2, sous a), de la directive 2002/19.

( 72 ) L’article 2, sous b), de la directive 2002/19 nuance son contenu.

( 73 ) Saracci, F., op. cit., p. 106, et Strubel, X., «Brèves observations sur la nature juridique du contrat d’interconnexion de réseaux de télécommunications», Lex Electronica, no 4, 1998, sur www.lex-electronica.org.

( 74 ) Toujours selon les données de la décision finlandaise du 11 décembre 2006 qui sont exposées par le Korkein hallinto-oikeus.