CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M ME  VERICA TRSTENJAK

présentées le 18 février 2009 ( 1 )

Affaire C-33/08

Agrana Zucker GmbH

contre

Bundesministerium für Land- und Forstwirtschaft, Umwelt und Wasserwirtschaft

«Sucre — Régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière — Article 11 du règlement (CE) n o  320/2006 — Calcul du montant temporaire au titre de la restructuration — Inclusion de la part du quota ayant fait l’objet d’un retrait préventif — Principes de proportionnalité et de non-discrimination»

I — Introduction

1.

Dans la présente affaire, la Cour a été saisie de deux questions préjudicielles déférées par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche, ci-après la « juridiction de renvoi » ) portant sur l’interprétation et, le cas échéant, sur la validité de l’article 11 du règlement (CE) n o  320/2006 du Conseil, du 20 février 2006 , instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) n o  1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune  ( 2 ) .

2.

La présente demande de décision préjudicielle a pour cadre un litige entre la société Agrana Zucker GmbH (ci-après la « demanderesse » ) et le ministère fédéral de l’Agriculture, de la Sylviculture, de l’Environnement et de l’Eau (ci-après la « défenderesse » ) concernant la validité d’une décision adoptée sur la base de l’article 11 du règlement n o  320/2006, qui a imposé à la demanderesse l’obligation de payer la première tranche du montant temporaire au titre de la restructuration pour la campagne de commercialisation 2006/2007.

3.

Par la première question déférée, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir si le montant à payer au titre de la restructuration doit être calculé sur l’ensemble des quotas attribués ou s’il faut procéder au calcul sur la seule base des quotas effectivement disponibles après déduction des quantités retirées du marché à la suite du retrait du marché à titre préventif. En revanche, la deuxième question préjudicielle vise à examiner la compatibilité de l’article 11 du règlement n o  320/2006 avec le droit communautaire de rang supérieur.

II — Cadre juridique

4.

Dans le cadre de la réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, le Conseil a adopté, le 20 février 2006 , à la fois le règlement (CE) n o  318/2006 du Conseil, du , portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre  ( 3 ) et le règlement n o  320/2006. En application de l’article 44 du règlement n o  318/2006, la Commission des Communautés européennes a adopté des mesures transitoires.

A —  Le règlement n o  318/2006

5.

Relève des nouveaux instruments de gestion du marché, introduits par le règlement n o  318/2006, le retrait de sucre du marché prévu à l’article 19 de ce règlement, qui dispose, entre autres, ce qui suit:

« 1.    Afin de maintenir l’équilibre structurel du marché à un niveau de prix proche du prix de référence, compte tenu des obligations de la Communauté découlant d’accords conclus au titre de l’article 300 du traité, un pourcentage, commun à tous les États membres, de sucre sous quota, […] peut être retiré du marché jusqu’au début de la campagne de commercialisation suivante.

[…]

2.   Le pourcentage de retrait visé au paragraphe 1 est défini au plus tard le 31 octobre de la campagne de commercialisation concernée, sur la base de l’évolution attendue des marchés durant cette campagne de commercialisation.

3.   Chaque entreprise disposant d’un quota stocke, à ses frais, durant la période de retrait, les quantités de sucre correspondant à l’application du pourcentage visé au paragraphe 1 à sa production sous quota pour la campagne de commercialisation concernée.

Les quantités de sucre retirées du marché au cours d’une campagne de commercialisation sont considérées comme les premières quantités produites sous quota pour la campagne de commercialisation suivante. Toutefois, selon l’évolution attendue du marché du sucre, il peut être décidé, conformément à la procédure visée à l’article 39, paragraphe 2, de considérer, pour la campagne de commercialisation en cours et/ou la campagne suivante, que tout ou partie du sucre […] retiré du marché est:

du sucre excédentaire […] susceptible de devenir du sucre industriel […],

ou

une production sous quota temporaire, dont une partie peut être réservée à l’exportation dans le respect des engagements de la Communauté découlant d’accords conclus au titre de l’article 300 du traité.

[…] »

B —  Le règlement n o  320/2006

6.

L’article 11 du règlement n o  320/2006 règle le prélèvement du montant temporaire au titre de la restructuration. Cette disposition prévoit en particulier ce qui suit:

« 1.    Les entreprises qui détiennent un quota versent, par campagne de commercialisation et par tonne de quota, un montant temporaire au titre de la restructuration.

Les quotas libérés par une entreprise à partir d’une campagne de commercialisation donnée conformément à l’article 3, paragraphe 1, ne sont pas soumis au paiement du montant temporaire au titre de la restructuration pour cette campagne de commercialisation, ni pour les campagnes suivantes.

2.   Le montant temporaire au titre de la restructuration pour le sucre et le sirop d’insuline est fixé à:

126,40 EUR par tonne de quota pour la campagne de commercialisation 2006-2007,

173,8 EUR par tonne de quota pour la campagne de commercialisation 2007-2008,

113,3 EUR par tonne de quota pour la campagne de commercialisation 2008-2009.

Le montant temporaire au titre de la restructuration par campagne de commercialisation pour l’isoglucose est fixé à 50 % des montants prévus au premier alinéa.

3.   Les États membres sont redevables envers la Communauté du montant temporaire au titre de la restructuration à percevoir sur leur territoire.

Le montant temporaire au titre de la restructuration est versé par les États membres au fonds de restructuration temporaire en deux tranches, à savoir:

60 % pour le 31 mars de la campagne de commercialisation considérée au plus tard,

et

40 % pour le 30 novembre de la campagne de commercialisation suivante au plus tard.

[…]

5.   La totalité des montants temporaires au titre de la restructuration destinés à être versés conformément au paragraphe 3 est attribuée par l’État membre aux entreprises établies sur son territoire, conformément au quota attribué au cours de la campagne de commercialisation concernée.

Les montants temporaires au titre de la restructuration sont versés par les entreprises en deux tranches, à savoir:

60 % pour la fin du mois de février de la campagne de commercialisation concernée au plus tard,

et

40 % pour le 31 octobre de la campagne de commercialisation suivante au plus tard. »

C —  Le règlement (CE) n o  493/2006

7.

Le « retrait préventif du marché » fait partie des mesures transitoires prévues par le règlement (CE) n o  493/2006 de la Commission, du 27 mars 2006 , portant mesures transitoires dans le cadre de la réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, et modifiant les règlements (CE) n o  1265/2001 et (CE) n o  314/2002  ( 4 ) en vue de garantir la transition de la réglementation actuelle à la nouvelle réglementation.

8.

À cet égard, le sixième considérant prévoit ceci:

« Afin d’améliorer l’équilibre du marché dans la Communauté sans créer de nouveaux stocks de sucre durant la campagne de commercialisation 2006/2007, il convient de prévoir une mesure transitoire pour réduire la production éligible sous quota au titre de ladite campagne. Il y a lieu de fixer un seuil au-delà duquel la production sous quota de chaque entreprise est considérée comme retirée au sens de l’article 19 du règlement (CE) n o  318/2006 ou, à la demande de l’entreprise, comme production hors quota au sens de l’article 12 dudit règlement. Compte tenu de la transition entre les deux régimes, ce seuil doit être obtenu par une combinaison, à parts égales, de la méthode prévue à l’article 10 du règlement (CE) n o  1260/2001 et de celle prévue à l’article 19 du règlement (CE) n o  318/2006, et tenir compte des efforts particuliers consentis par certains États membres dans le cadre du fonds de restructuration établi par le règlement (CE) n o  320/2006 […] »

9.

L’article 3 du règlement n o  493/2006 définit comme suit les mesures transitoires concernant le retrait préventif du marché:

« 1.     Pour chaque entreprise, la part de la production de sucre […] de la campagne de commercialisation 2006/2007 qui est produit au titre des quotas visés à l’annexe III du règlement (CE) n o  318/2006 et qui dépasse le seuil établi conformément au paragraphe 2 du présent article, est considérée comme retirée au sens de l’article 19 dudit règlement ou, à la demande de l’entreprise concernée avant le 31 janvier 2007 , considérée en tout ou partie comme produite hors quota au sens de l’article 12 dudit règlement.

2.    Pour chaque entreprise, le seuil visé au paragraphe 1 est établi en multipliant le quota attribué à l’entreprise en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) n o  318/2006, par la somme des coefficients suivants:

a)

le coefficient fixé pour l’État membre concerné, à l’annexe I du présent règlement;

b)

le coefficient obtenu en divisant le total des quotas auxquels il a été renoncé pour la campagne de commercialisation 2006/2007 dans l’État membre concerné au titre de l’article 3 du règlement (CE) n o  320/2006 par le total des quotas fixés pour cet État membre à l’annexe III du règlement (CE) n o  318/2006. La Commission fixe ce coefficient au plus tard le 15 octobre 2006 .

Toutefois, lorsque la somme des coefficients dépasse 1,0000 , le seuil est égal au quota visé au paragraphe 1. »

III — Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

10.

Par décision du 26 juin 2006 portant sur l’octroi de quotas de production de sucre pour les campagnes de commercialisation 2006/2007 jusqu’à 2014/2015 inclus et par décision du portant sur l’octroi de quotas additionnels de sucre, la défenderesse a octroyé à la demanderesse un quota de sucre d’un total de 405812,4  tonnes ( 387326,4  tonnes augmentées de 18486,0  tonnes de quota de sucre additionnel). Par décision du , la défenderesse a fixé, en application de l’article 3 du règlement n o  493/2006, un seuil de production pour la production de sucre sous quota pour la campagne de commercialisation 2006/2007. Par ce retrait préventif du marché, elle a réduit le quota de la demanderesse de 57246,84  tonnes.

11.

La décision du directoire du secteur commercial I de l’Agrarmarkt Austria (personne morale de droit public, qui a été instituée par la défenderesse en tant qu’organisme liquidateur des aides, ci-après l’ « AMA » ) du 16 janvier 2007 a imposé à la demanderesse le versement de la première tranche du montant temporaire au titre de la restructuration pour la campagne de commercialisation 2006/2007, qui avait été calculée sur la base du quota initial.

12.

La demanderesse a formé un recours contre cette décision. Par décision du 16 avril 2007 , sur la validité de laquelle la juridiction de renvoi doit se prononcer dans la procédure au principal, la défenderesse a rejeté le recours au motif qu’il était non fondé.

13.

Il ressort de la décision de renvoi que le litige dans la procédure administrative porte sur la question de savoir si le montant au titre de la restructuration prévu à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n o  320/2006 doit être calculé sur la base du total des quotas attribués, ou si le quota sur la base duquel doit s’effectuer le calcul doit être diminué eu égard au seuil de production et au retrait préventif du marché afférent. D’après les arguments de la demanderesse, le montant au titre de la restructuration devrait être calculé uniquement sur une base de 348565,56  tonnes (c’est-à-dire sur la base du volume effectif de sucre produit sous quota) et non pas sur la base de 405812,4  tonnes (c’est-à-dire sur la base du quota initialement attribué et ensuite réduit), d’autant plus qu’elle n’a pas pu vendre sur le marché la différence de quantité en tant que sucre produit sous quota.

14.

Il convient de déduire de la décision de renvoi que la demanderesse est d’avis que l’inclusion, dans l’assiette du montant au titre de la restructuration à verser au titre de la campagne de commercialisation 2006/2007, de la différence de quantité qui n’est pas disponible pour la campagne de commercialisation 2006/2007 en raison de la diminution de quota prévue à l’article 3 du règlement n o  493/2006 est inadmissible au regard du droit communautaire, étant donné qu’elle viole le principe de proportionnalité prévu par le droit primaire ainsi que l’interdiction de discrimination visée à l’article 34, paragraphe 2, CE.

15.

La juridiction de renvoi part du principe que la défenderesse n’avait pas le droit d’introduire un recours en annulation en application de l’article 230 CE et, partant, pouvait invoquer l’illégalité d’un acte de droit communautaire dans la procédure au principal.

16.

Dans ce contexte, la juridiction de renvoi a suspendu la procédure et a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

« 1)

Convient-il d’interpréter l’article 11 du règlement (CE) n o  320/2006 du Conseil, du 20 février 2006 , en ce sens qu’un quota de sucre qui, par suite d’un retrait du marché à titre préventif en vertu de l’article 3 du règlement (CE) n o  493/2006 de la Commission, du , ne peut pas être utilisé intégralement doit faire partie intégrante du calcul du montant temporaire au titre de la restructuration?

2)

Pour le cas où la première question appelle une réponse affirmative:

 

L’article 11 du règlement (CE) n o  320/2006 est-il compatible avec le droit primaire, et en particulier avec le principe de non-discrimination qui se déduit de l’article 34 CE et avec le principe de confiance légitime? »

IV — Procédure devant la Cour

17.

L’ordonnance de renvoi, portant la date du 19 novembre 2007 , est parvenue au greffe de la Cour le .

18.

Des observations écrites ont été présentées par le Conseil de l’Union européenne, le gouvernement lituanien, ainsi que par la Commission, dans le délai prévu à l’article 23 du statut de la Cour de justice.

19.

Dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, la Cour a posé une question écrite à la Commission, à laquelle cette dernière a répondu.

20.

Étant donné qu’aucune des parties n’a demandé l’ouverture de la procédure orale, les conclusions dans la présente affaire ont pu être rédigées après l’assemblée générale de la Cour du 4 novembre 2008 .

V — Principaux arguments des parties

21.

Tant le Conseil que la Commission défendent l’opinion selon laquelle il convient d’interpréter l’article 11 du règlement n o  320/2006 en ce sens que les quotas de sucre qui n’ont pas pu être effectivement utilisés à la suite d’un retrait préventif du marché en application de l’article 3 du règlement n o  493/2006 doivent également être inclus dans le calcul du montant temporaire au titre de la restructuration.

22.

Le gouvernement lituanien défend une interprétation opposée. Selon cette interprétation, le mot « quota » figurant à l’article 11 du règlement n o  320/2006 doit être interprété en ce sens qu’il s’agit des quotas dont les entreprises disposent effectivement au cours de la campagne de commercialisation en cause, c’est-à-dire des quotas qui subsistent après le retrait préventif du marché.

23.

Le Conseil fait notamment valoir que seule l’interprétation qu’il propose de l’article 11 du règlement n o  320/2006 tient compte du libellé et de l’objet de cette disposition. Il en ressort clairement que le montant au titre de la restructuration doit être prélevé par tonne de quota attribué à une entreprise, seules étant exonérées du paiement total ou partiel du montant au titre de la restructuration les entreprises qui ont définitivement renoncé à leurs quotas ou à leur production. Les montants ainsi perçus étaient des recettes affectées destinées au financement des aides à la restructuration et garantissaient une stabilité et une neutralité financière au sens du législateur communautaire.

24.

En ce qui concerne la question de la validité de cette disposition, le Conseil fait observer que le retrait du marché poursuit un objectif légitime de la réforme de la politique agricole commune (PAC) dans le domaine du sucre, à savoir maintenir l’équilibre structurel des prix à un niveau proche du prix de référence. Il en irait de même avec l’article 3 du règlement n o  493/2006, dont la règle relative au retrait préventif du marché a été adoptée en tant que mesure transitoire afin d’améliorer l’équilibre du marché dans la Communauté sans créer de nouveaux stocks de sucre durant la campagne de commercialisation 2006/2007. De plus, l’effet négatif du retrait du marché pour une entreprise serait marginal en comparaison avec son effet global positif sur le marché du sucre dans la Communauté. Grâce à l’absence de surproduction, le niveau global des prix peut être maintenu à un niveau proche du prix de référence, ce dont profitent finalement toutes les entreprises qui restent sur le marché.

25.

Le Conseil conteste la violation de l’interdiction de discrimination, faisant observer que toutes les entreprises ont dû verser le montant au titre de la restructuration sur la base des quotas qui leur avaient été attribués. La répartition des quotas et leur gestion ultérieure par les États membres, ainsi que les coefficients appliqués en vertu de l’article 3 du règlement n o  493/2006 viseraient à diminuer dans une même proportion la surproduction dans chaque État membre afin de parvenir à un équilibre de production dans l’ensemble de la Communauté. Lorsque deux entreprises sont établies dans deux États membres, les faits sont différents et ne sauraient être traités de la même manière. En toute hypothèse, un traitement différent serait objectivement justifié par l’objet et la finalité du système des coefficients.

26.

En ce qui concerne l’interprétation de l’article 11 du règlement n o  320/2006, la Commission avance essentiellement les mêmes arguments que le Conseil.

27.

En ce qui concerne la question de la validité de cette disposition, la Commission constate tout d’abord que la demanderesse et la juridiction de renvoi n’ont exprimé aucun doute quant à la validité de l’objectif poursuivi par la réforme de 2006 dans le secteur du sucre. Par ailleurs, elle exprime l’opinion selon laquelle il est approprié et opportun que ne soient pas exonérées du montant au titre de la restructuration les quantités de sucre qui, du fait d’autres mécanismes de marché, en particulier celui du retrait du marché, ne peuvent certes pas être vendues au cours de la campagne de commercialisation concernée dans le cadre du régime des quotas, mais qui ne sont pas pour autant définitivement retirées du marché.

28.

Premièrement, on ne peut garantir le financement des aides à la restructuration que si l’on dispose d’une base de calcul planifiable à l’avance. Deuxièmement, le renoncement aux quotas prévu à l’article 3 du règlement n o  493/2006 ne saurait être assimilé au retrait du marché en application de l’article 19 du règlement n o  318/2006. Dans le premier cas, il s’agit d’une mesure d’assainissement structurel du marché à plus long terme, alors que, dans le deuxième cas, il s’agit d’une mesure de soutien des prix à court terme. Troisièmement, les conséquences économiques de la prise en considération des quantités de sucre concernées par le retrait du marché dans la base de calcul du montant provisoire au titre de la restructuration seraient limitées. À cela s’ajouterait le fait que des entreprises telles que la demanderesse ont eu la possibilité de minimiser, voire d’éviter, les conséquences économiques directes du retrait du marché pour la campagne de commercialisation 2006/2007. Ainsi, le 3 février 2006 , par une communication publiée au Journal officiel de l’Union européenne ( 5 ) , la Commission a informé les producteurs de betteraves à sucre et les producteurs de sucre que, en raison de la situation prévisible du marché communautaire du sucre, elle pourrait faire usage, à titre de régime transitoire, de la possibilité d’instaurer un retrait du marché, pouvoir que lui a conféré le Conseil. Ainsi, le règlement n o  493/2006, par lequel la Commission a ordonné le retrait du marché pour la campagne de commercialisation 2006/2007, a été publié en mars 2006. En tant qu’unique producteur de sucre en Autriche, la demanderesse a eu la possibilité de réduire sa production pour la campagne de commercialisation en cause aux fins d’éviter le report des quantités de sucre retirées ou la vente des mêmes quantités hors quota.

29.

En ce qui concerne le grief tiré de la violation de l’interdiction de discrimination, la Commission explique que l’argumentation de la requérante concerne les coefficients de calcul prévus à l’article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n o  493/2006, alors que la question préjudicielle a exclusivement pour objet l’article 11, paragraphe 1, du règlement n o  320/2006. Indépendamment du fait que cette application du retrait du marché au cours de la campagne de commercialisation 2006/2007, fondée sur les pouvoirs conférés aux fins d’assurer la transition, ne fait pas en tant que telle l’objet de la décision de renvoi, la Commission est d’avis que l’effet différencié du régime ne constitue pas une inégalité de traitement ou que, le cas échéant, il peut être objectivement justifié. La prise en considération de l’abandon de quotas au niveau des États membres tient au fait que, dans le secteur du sucre, jusqu’à l’expiration du régime des quotas qui interviendra avec la campagne de commercialisation 2014/2015, les quotas de sucre sont attribués aux États membres et sont, ensuite, répartis par les États membres aux entreprises établies sur leur territoire. Le législateur communautaire a donc estimé que, au cours de la période transitoire, le meilleur moyen d’atteindre l’objectif de restructuration du marché dans le secteur du sucre était d’organiser le renoncement définitif aux quotas également dans un contexte national.

30.

Le gouvernement lituanien explique que l’article 11, paragraphe 1, du règlement n o  320/2006 ne définit pas clairement quels quotas attribués — c’est-à-dire les quotas initialement attribués ou ceux attribués après le retrait préventif du marché — sont visés. De plus, il est d’avis que l’on ne saurait déduire de l’article 11, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n o  320/2006 que les entreprises n’ayant pas libéré de quota doivent être taxées sur la base du volume initial, intégral, du quota.

31.

De plus, il affirme que les quantités de sucre retirées ne pouvaient pas être vendues en tant que quotas et que les possibilités prévues à l’article 19, paragraphe 3, du règlement n o  318/2006 ne permettent en aucune manière d’assimiler à un quota de sucre la quantité par laquelle le quota se trouve réduit du fait du retrait préventif.

32.

Si l’article 11 du règlement n o  320/2006 était interprété en ce sens que, pour calculer le montant temporaire au titre de la restructuration, il convient d’inclure dans la base de calcul un quota de sucre qui, par suite d’un retrait du marché à titre préventif en vertu de l’article 3 du règlement n o  493/2006, ne peut pas être utilisé intégralement, alors ce système de calcul du montant au titre de la restructuration entraînerait une charge financière d’une ampleur injustifiée et, par voie de conséquence, une taxation infondée des entreprises. Se référant à l’arrêt du 8 mai 2008 , Zuckerfabrik Jülich e.a.  ( 6 ) , le gouvernement lituanien fait observer que, en dépit du large pouvoir d’appréciation dont disposent les organes communautaires dans le domaine agricole, les producteurs ne doivent pas être taxés au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs de la taxation.

33.

Une telle interprétation aurait en outre pour conséquence une inégalité de traitement, d’autant plus que la mesure préventive s’effectuerait en appliquant des coefficients différents aux États membres et que la réduction des quotas pour les entreprises établies dans un État membre pourrait s’avérer plus stricte que pour les entreprises établies dans un autre État membre, et ce indépendamment de leur comportement. Il en résulterait une distorsion de concurrence dans le marché intérieur ainsi qu’une inégalité de traitement injustifiée des entreprises qui ne se seraient pas retirées du marché.

VI — Appréciation en droit

A — Observations préliminaires

34.

Par les règlements n o  318/2006 et n o  320/2006 du Conseil, ainsi que par le règlement n o  493/2006 de la Commission, le législateur communautaire a introduit une réforme radicale de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre. Avec le nouveau régime, qui est entré en vigueur le 1 er  juillet 2006 , c’est un système largement inchangé depuis près de 40 ans  ( 7 ) qui a été touché par la réforme générale de la PAC  ( 8 ) .

35.

Il vise à garantir des perspectives d’avenir à long terme pour la production de sucre dans l’Union européenne, à en encourager la compétitivité et l’orientation vers le marché, et à renforcer la position de l’Union européenne dans le round de négociations commerciales en cours. Les points centraux de la réforme sont une réduction du prix minimal garanti pour le sucre, des versements compensatoires pour les agriculteurs et un fonds de restructuration visant à inciter les producteurs de sucre moins compétitifs à se retirer de la production. Le régime de restructuration est financé par le prélèvement d’un montant spécifique de restructuration sur l’ensemble des quotas d’édulcorants.

36.

Le cœur de la présente affaire concerne l’examen en droit des modalités de calcul du montant au titre de la restructuration, que la demanderesse, en tant que redevable, remet en question. La demande de décision à titre préjudiciel doit être comprise en ce sens que la première question concerne une interprétation de l’article 11 du règlement n o  320/2006 en tant que base juridique communautaire pour l’adoption de la décision nationale attaquée, alors que la deuxième question préjudicielle porte sur l’examen de la validité de cette disposition.

B — Sur la première question

37.

En ce qui concerne la première question préjudicielle, il convient tout d’abord de rappeler que, selon les principes d’interprétation traditionnels, le texte d’une disposition constitue toujours le point de départ et en même temps la limite de toute interprétation  ( 9 ) . Font partie des autres méthodes d’interprétation, auxquelles doit recourir l’usager du droit, selon la jurisprudence de la Cour, pour déterminer le contenu d’une disposition de droit communautaire, l’interprétation systématique, téléologique et historique.

38.

En premier lieu, il ressort de l’article 11, paragraphe 1, du règlement n o  320/2006 que les « entreprises qui détiennent un quota » doivent verser par campagne de commercialisation un montant temporaire au titre de la restructuration « par tonne de quotas » . Cette disposition ne mentionne expressément pas la partie du quota pour laquelle le producteur a effectivement produit du sucre, ce qui est le point de départ manifeste de l’hypothèse de la demanderesse, mais l’ensemble du quota attribué à chaque entreprise  ( 10 ) . La Commission et le Conseil le font observer à juste titre. Cette disposition rattache ainsi l’obligation de verser le montant temporaire au titre de la restructuration exclusivement à l’octroi d’un quota pour la campagne de commercialisation en cause, sans opérer aucune différenciation d’aucune sorte ni s’inquiéter du sort de la quantité de sucre effectivement produite. Par conséquent, selon cette interprétation, les modifications ultérieures du quota sont sans importance pour le calcul du montant temporaire au titre de la restructuration.

39.

La seule exception figurant au deuxième alinéa de la même disposition, qui prévoit une exonération du versement d’un montant temporaire au titre de la restructuration, ne concerne exclusivement que les quotas « libérés par une entreprise à partir d’une campagne de commercialisation donnée conformément à l’article 3, paragraphe 1 » . On vise par là la libération définitive des quotas ou des parties de quotas en application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n o  320/2006, qui ne vise toutefois pas le retrait du marché prévu à l’article 19 du règlement n o  318/2006 et qui ne peut pas être assimilée à ce retrait.

40.

En effet, si l’on compare le mécanisme de la libération de quotas et celui de retrait du marché, il apparaît clairement qu’ils se distinguent fondamentalement l’un de l’autre tant par leur fonctionnement que par leur objectif. Alors que le premier mécanisme a pour objet la libération définitive des quotas, y compris la réduction ou la fermeture des installations de production, le deuxième implique uniquement le retrait temporaire du marché des quantités de sucre concernées, le stockage ou la vente des mêmes quantités hors quota. Cette différence dans le fonctionnement découle de l’objectif différent des dispositions applicables.

41.

L’abandon des quotas d’une manière socialement responsable et respectueuse de l’environnement par les producteurs de sucre les moins concurrentiels constitue un des moyens de la restructuration de l’industrie du sucre poursuivie par le règlement n o  320/2006. Il ressort du premier et du cinquième considérant de ce règlement que le paiement d’une aide à la restructuration adéquate aux entreprises sucrières dont la productivité est la plus faible doit proposer une incitation économique importante en vue d’abandonner la production de sucre sous quota et de renoncer aux quotas considérés. Selon la volonté du législateur communautaire, cette aide doit permettre deux choses, d’une part, une réduction de la production dans la mesure nécessaire pour parvenir à une situation de marché équilibrée dans la Communauté et, d’autre part, une réduction nette des capacités de production non rentables. Pour ce motif, ces montants sont qualifiés, au quatrième considérant de ce règlement, de « recettes affectées » , qui se distinguent des autres charges prévues dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre.

42.

La restructuration de l’industrie du sucre vise à atteindre les objectifs de politique à long terme de la Communauté, qui, selon le premier considérant du règlement n o  320/2006, consistent à aligner le régime communautaire de production et de commerce du sucre sur les exigences internationales  ( 11 ) et à garantir la compétitivité du secteur à l’avenir.

43.

En revanche, le retrait du marché est un instrument de soutien des prix, qui, d’après l’article 19, paragraphe 1, et le vingt-deuxième considérant du règlement n o  318/2006, vise à maintenir un équilibre structurel à un niveau de prix proche du prix de référence. Il en va de même avec l’article 3 du règlement n o  493/2006, dont la règle du retrait préventif du marché, selon le sixième considérant de ce règlement, a été adoptée en tant que mesure transitoire afin d’améliorer l’équilibre du marché dans la Communauté sans créer de nouveaux stocks de sucre durant la campagne de commercialisation 2006/2007.

44.

Par conséquent, il convient de répondre à la première question préjudicielle en ce sens qu’il convient d’interpréter l’article 11, paragraphe 1, du règlement n o  320/2006 en ce sens qu’un quota de sucre qui, par suite d’un retrait du marché à titre préventif en vertu de l’article 3 du règlement n o  493/2006, ne peut pas être utilisé intégralement doit faire partie intégrante du calcul du montant temporaire au titre de la restructuration.

C — Sur la deuxième question

45.

Dans une procédure préjudicielle en application de l’article 234, premier alinéa, sous b), CE, qui concerne l’examen de la validité d’une norme de droit communautaire dérivé, la juridiction nationale, par sa question préjudicielle, délimite l’étendue de l’examen de la Cour  ( 12 ) .

46.

Ainsi que nous l’avons mentionné au départ, la deuxième question vise littéralement l’examen de la compatibilité de l’article 11 du règlement n o  320/2006 avec le droit de rang supérieur, plus précisément avec le principe communautaire de la protection de la confiance légitime et avec l’interdiction de discrimination découlant de l’article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE. Toutefois, il convient de constater que les considérations figurant dans la décision de renvoi, y compris les griefs avancés par la demanderesse dans le cadre de la procédure au principal  ( 13 ) concernent intégralement le principe de proportionnalité et l’interdiction de discrimination.

47.

Une lecture raisonnable de la demande de décision à titre préjudiciel fait apparaître que la juridiction de renvoi demande en fait un examen de la validité de l’article 11 du règlement n o  320/2006 avec les deux principes précités. C’est pourquoi nous proposons une reformulation de la deuxième question préjudicielle en ce sens.

1. Violation présumée du principe de proportionnalité

a) Le pouvoir d’appréciation du législateur communautaire dans le cadre de la PAC

48.

Selon le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire et qui a été plusieurs fois confirmé par la jurisprudence de la Cour, entre autres dans le domaine de la PAC, les actes des institutions communautaires ne doivent pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause. Ce faisant, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante; de plus, les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés  ( 14 ) .

49.

Par ailleurs, la Cour a, dans le même temps, constaté que le législateur communautaire dispose en matière de PAC d’un large pouvoir d’appréciation qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 34 CE à 37 CE lui attribuent. Par conséquent, la mise en œuvre de la PAC, notamment dans le secteur du sucre, lui impose d’apprécier des situations économiques complexes ainsi que de prendre des décisions de nature économique, politique et sociale  ( 15 ) . Par conséquent, la Cour a déclaré que le contrôle du juge communautaire doit se limiter à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir, ou si l’autorité en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation  ( 16 ) .

50.

De l’avis de la Cour, en ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur communautaire en matière de politique agricole commune, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure  ( 17 ) . Ainsi, il s’agit de savoir non pas si la mesure adoptée par le législateur était la seule ou la meilleure possible, mais si elle était manifestement inappropriée  ( 18 ) .

51.

Toutefois, ainsi que l’a déclaré à juste titre l’avocat général Sharpston dans les conclusions qu’elle a présentées le 14 juin 2007 dans l’affaire Zuckerfabrik Jülich e.a.  ( 19 ) , on ne saurait comprendre cette jurisprudence en ce sens que la Cour a voulu donner carte blanche au législateur communautaire. La Cour n’a en aucune façon exclu un contrôle judiciaire sur l’exercice par les institutions communautaires de leur large pouvoir d’appréciation. Si ce contrôle devait avoir une quelconque importance, la Cour doit pouvoir intervenir dans certains cas, par exemple lorsque les producteurs sont taxés de manière disproportionnée en raison de charges excessives.

52.

Ci-après, il nous faudra examiner si, compte tenu de l’ensemble des circonstances présentées à la Cour, l’obligation pour les producteurs de payer le montant au titre de la restructuration en application de l’article 11 du règlement n o  320/2006 est appropriée pour parvenir à l’objectif poursuivi ou s’il faut y voir une charge disproportionnée pesant sur les producteurs.

b) Détermination de la portée de l’examen

53.

Sans expliquer en détail les doutes qu’il nourrit quant à la validité de l’article 11 du règlement n o  320/2006, le juge de renvoi se réfère, dans sa décision de renvoi, à l’argumentation de la demanderesse relative à la prétendue violation du principe de proportionnalité. Cette dernière fait valoir en substance que le sucre produit au-delà du seuil de production ne peut en toute hypothèse pas être vendu en tant que sucre sous quota. Du fait que le montant au titre de la restructuration est calculé pour l’ensemble du quota, c’est-à-dire sans tenir compte du quota retiré du marché en raison du retrait préventif, le prix de référence net effectif se situerait en dessous de 505,50  euros pour les producteurs et devrait être atteint par la vente de volumes de quotas réduits. De plus, le quota retiré servirait de premier quota pour la prochaine campagne de commercialisation 2007/2008 et serait donc à nouveau utilisé pour le calcul du montant au titre de la restructuration. À titre de dernier argument, la demanderesse fait valoir que, contrairement à l’objectif du règlement visé au quatrième considérant, à savoir octroyer des avantages aux entreprises qui sont tenues de payer le montant au titre de la restructuration, cela entraîne au contraire que le paiement du montant au titre de la restructuration ne bénéficie jamais aux entreprises ayant des quotas réduits.

54.

Il convient, tout d’abord, de constater que la demanderesse et la juridiction de renvoi ne remettent pas en cause la légitimité des objectifs poursuivis par la réforme de 2006 de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre. N’est pas non plus remis en question le caractère approprié du mécanisme d’incitation financière instauré par le législateur communautaire, au moyen duquel les producteurs de sucre non rentables doivent être incités à libérer définitivement des quotas. Est tout aussi peu remis en question le fait que le régime de restructuration doit être financé par les entreprises qui restent sur le marché et qui bénéficient en fin de compte de la restructuration.

55.

Indépendamment de ces considérations, il nous semble approprié et opportun que le montant au titre de la restructuration soit versé exclusivement par les entreprises qui ont l’intention et qui sont susceptibles de poursuivre la production de sucre dans des conditions de concurrence, d’autant plus qu’elles profitent en définitive du retrait des concurrents moins productifs et de l’assainissement du marché qui s’ensuit. Il est tout aussi approprié et opportun que les entreprises moins performantes qui sont disposées à se retirer définitivement de la production de sucre en libérant ou en renonçant à leurs quotas soient exonérées de cette obligation et qu’elles obtiennent en lieu et place une aide à la restructuration adéquate. En ce sens, l’attribution d’un quota en application de l’article 11 du règlement n o  320/2006 convient en tant que point de départ pour le fondement de l’obligation de verser le montant au titre de la restructuration.

56.

La question principale qui se pose en effet dans la présente affaire est de savoir si, eu égard à l’objectif de restructuration, on peut considérer comme disproportionné le fait de ne pas exclure du montant au titre de la restructuration les quantités de sucre qui ne peuvent être vendues dans le cadre du régime des quotas au cours de la campagne de commercialisation concernée en raison d’autres mécanismes, notamment celui du retrait du marché.

c) Appréciation des arguments avancés

i) Nécessité d’une base de calcul planifiable à l’avance

57.

Le Conseil et la Commission font valoir en premier lieu la nécessité d’une base de calcul planifiable à l’avance pour garantir l’autofinancement du système de restructuration. L’objectif du montant temporaire au titre de la restructuration, à savoir faire droit à l’ensemble des demandes d’aide, ne devrait pas être miné par un élément d’insécurité, comme l’insuffisance des moyens financiers. Si l’on devait inclure dans cette base de calcul non pas l’ensemble des quotas attribués, mais uniquement les quantités de sucre effectivement produites dans le cadre des quotas ou même les quantités de sucre faisant l’objet du retrait du marché, cet objectif ne pourrait pas être atteint et il faudrait le cas échéant rejeter certaines demandes.

58.

À titre complémentaire, la Commission fait observer que la circonstance que le montant au titre de la restructuration concerne les quotas abstraitement attribués et non pas les quotas effectivement produits découle de la considération que les aides à la restructuration que les entreprises obtiennent pour la libération définitive de leurs quotas sont versées indépendamment du fait que ces entreprises n’auraient pas pu épuiser une partie de ces quotas au cours d’une campagne de commercialisation en raison d’un retrait du marché.

59.

Selon nous, les considérations de politique budgétaire avancées ainsi que le renvoi à la nécessité d’un autofinancement du système de restructuration constituent des arguments suffisamment concluants à l’appui d’un calcul du montant au titre de la restructuration sur la base des quotas abstraitement attribués. Cette manière de procéder garantit, d’une part, la stabilité des recettes du fonds de restructuration, et, d’autre part, également l’équilibre financier entre recettes et dépenses, ce qui est non seulement un principe central du droit budgétaire de la Communauté, mais est en outre indispensable  ( 20 ) si l’on considère que les aides à la restructuration auxquelles a droit en principe chaque producteur sont calculées également sur la base de quotas abstraitement attribués. Si l’on veut éviter une augmentation unilatérale des coûts accompagnée dans le même temps d’un financement insuffisant du fonds de restructuration, il est donc logique de fixer des critères de calcul uniformes pour le montant au titre de la restructuration et pour les aides à la restructuration.

60.

De plus, répondant à une question écrite de la Cour par une lettre du 11 décembre 2008 , à laquelle était joint un inventaire des recettes et des dépenses estimées et effectives du fonds de restructuration, la Commission a apporté la preuve que l’autofinancement du système de restructuration est garanti, les dépenses ne dépassant pas excessivement les recettes prévues et effectivement perçues  ( 21 ) .

ii) Caractère temporaire du retrait du marché

61.

En outre, le Conseil et la Commission font observer les différences entre le retrait du marché en tant que régime de soutien des prix à court terme et la libération des quotas en tant que mesure d’assainissement structurel du marché à plus long terme. Ainsi qu’ils le démontrent à juste titre, un retrait du marché n’a en aucune façon pour conséquence la perte définitive du quota  ( 22 ) . Certes, il est vrai qu’une entreprise ne peut pas vendre dans le cadre du régime des quotas au cours de la campagne de commercialisation concernée les quantités de sucre faisant l’objet du retrait du marché. Cependant, elle conserve cette partie du quota. Il lui est donc loisible soit de vendre cette partie du quota sur le marché mondial  ( 23 ) , soit de la reporter sur la campagne de commercialisation suivante. Dans ce dernier cas, le quota peut à nouveau être épuisé dans le cadre du régime des quotas, étant donné que la quantité concrète de sucre qui a été retirée au cours de la première campagne de commercialisation vaut comme première production de la campagne de commercialisation qui suit. Cela découle expressément de l’article 19, paragraphe 3, du règlement n o  318/2006.

62.

Contrairement à l’opinion de la demanderesse, telle que décrite dans la décision de renvoi  ( 24 ) , cela ne fait pas naître de charges supplémentaires pour les producteurs de sucre en raison de l’obligation de verser le montant prévu à l’article 11 du règlement n o  320/2006, étant donné que le mécanisme de retrait du marché prévu à l’article 3 du règlement n o  493/2006, d’après les explications de la Commission, n’entraîne pas que le même quota soit taxé au cours de deux campagnes de commercialisation consécutives. Au contraire, chaque campagne de commercialisation est envisagée de manière isolée, de sorte que, au cours de chaque campagne de commercialisation, la totalité des quotas attribués est soumise au montant temporaire au titre de la restructuration. À cet égard, il importe peu que la quantité concrète de sucre soit du sucre produit au cours de la première campagne de commercialisation ou au cours d’une campagne ultérieure.

iii) Conséquences économiques prévisibles pour les producteurs concernés

63.

Par ailleurs, le Conseil et la Commission déclarent que les conséquences économiques éventuellement négatives de l’inclusion des quantités de sucre concernées par le retrait du marché dans la base de calcul du montant temporaire au titre de la restructuration restent dans les limites, et sont en toute hypothèse compensées par les avantages liés à un retrait du marché.

64.

Certes, il convient d’approuver la demanderesse lorsqu’elle affirme qu’il ne saurait être exclu que le sucre produit au-delà du seuil de production en raison du retrait du marché, qui ne peut être vendu en tant que sucre sous quota au cours de la première campagne de commercialisation qui suit, ne pourra pas toujours atteindre le prix de référence. Par ailleurs, à cet égard, le Conseil fait observer que, depuis que le prix d’intervention a été supprimé par la réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre en 2006, le règlement n o  318/2006 ne garantit plus la vente à un prix de référence. De plus, l’article 18, paragraphe 2, de ce règlement prévoit que le prix d’intervention pour le sucre sous quota s’élève à 80 % et non pas à 100 % du prix de référence.

65.

Par conséquent, un producteur ne pourra pas compter sur le fait d’obtenir toujours le prix de référence. En définitive, la vente de sucre dépend de plusieurs facteurs économiques. En premier lieu, le prix du marché effectif est fonction en effet de l’offre et de la demande, de sorte qu’un producteur pourra obtenir également un prix plus élevé que le prix de référence pour les quantités de sucre faisant l’objet du retrait du marché.

66.

De plus, il convient d’approuver le Conseil et la Commission lorsqu’ils soutiennent qu’un retrait du marché bénéficie en fin de compte aux producteurs. Ainsi que nous l’avons déjà exposé  ( 25 ) , le mécanisme du retrait du marché vise à maintenir le prix du sucre à un niveau proche du prix de référence, c’est-à-dire à un niveau supérieur au prix d’intervention. Ce faisant, d’éventuelles pertes découlant directement du retrait du marché seront en toute hypothèse compensées indirectement par une augmentation générale du prix du sucre sous quota, que peut précisément entraîner cette mesure.

67.

Il convient de rejeter, au motif qu’elle est indéfendable, l’affirmation de la demanderesse selon laquelle le retrait du marché concerne en premier lieu les producteurs compétitifs. Il est plutôt exact que le retrait du marché concerne toutes les entreprises auxquelles des quotas ont été attribués. Ce critère de rattachement est toutefois neutre en tant que tel, étant donné qu’il n’opère pas de différenciation selon la performance et la compétitivité des entreprises concernées. Par conséquent, toutes les entreprises sont soumises aux mêmes conditions de concurrence, indépendamment de leur compétitivité respective. Par conséquent, le grief tiré d’une discrimination et d’une distorsion de la concurrence perd tout fondement.

68.

Indépendamment de cela, les entreprises, telles que la demanderesse, ne sont pas libérées, dans leur propre intérêt, de l’obligation de respecter un devoir général de diligence  ( 26 ) , qui leur impose notamment l’obligation de prévenir les conséquences économiques désavantageuses qui découleraient éventuellement d’un retrait du marché. Relève de ce devoir de diligence l’adoption de toutes les mesures nécessaires, y compris une adaptation adéquate de la production, dès que s’annonce un retrait du marché sur la base des communications de la Commission. Ainsi, par une communication parue le 3 février 2006 au Journal officiel  ( 27 ) , la Commission a fait savoir que, en raison de la situation prévisible du marché communautaire dans le secteur du sucre pour la campagne de commercialisation 2006/2007, elle pourrait faire usage de la possibilité d’un retrait du marché en tant que mesure transitoire, pouvoir que lui a conféré le Conseil. Le règlement n o  493/2006, par lequel la Commission a ordonné le retrait du marché pour cette campagne de commercialisation, a été publié en mars 2006. Par conséquent, à cette date, la demanderesse aurait pu réduire sa production à un volume approprié pour la campagne de commercialisation en cause  ( 28 ) , afin d’éviter un report des quantités de sucre retirées ou la vente des mêmes quantités hors quota.

d) Conclusion

69.

Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le législateur communautaire, lorsqu’il a fixé les modalités de calcul du montant au titre de la restructuration, a pris en considération l’ensemble des aspects essentiels, y compris les avantages et les désavantages pour les entreprises.

70.

L’utilisation du quota abstraitement attribué en application de l’article 11 du règlement n o  320/2006 en tant que base pour le calcul du montant au titre de la restructuration n’est pas manifestement inappropriée et n’entraîne pas une charge disproportionnée pour les producteurs, compte tenu de l’objectif de restructuration de l’industrie du sucre et du large pouvoir d’appréciation reconnu au législateur communautaire dans le domaine de la PAC.

2. Prétendue violation de l’interdiction de discrimination

a) Détermination de la portée de l’examen

71.

D’après la jurisprudence constante de la Cour, le principe d’interdiction de toute discrimination entre producteurs ou consommateurs de la Communauté, consacré à l’article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié  ( 29 ) . Les mesures que comporte l’organisation commune des marchés, et notamment ses mécanismes d’intervention, ne sauraient donc être différenciées, selon les régions et autres conditions de production ou de consommation, qu’en fonction de critères objectifs qui assurent une répartition proportionnée des avantages et des désavantages entre les intéressés, sans distinguer entre les territoires des États membres  ( 30 ) .

72.

S’agissant du contrôle judiciaire des conditions de mise en œuvre de l’interdiction de discrimination visée à l’article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, le législateur communautaire dispose en matière de PAC, ainsi que nous l’avons déjà dit, d’un large pouvoir d’appréciation qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 34 CE à 37 CE du traité lui attribuent  ( 31 ) .

73.

Les doutes que nourrit le juge de renvoi quant à la validité de l’article 11 du règlement n o  320/2006 reposent sur les arguments que la demanderesse a présentés dans le cadre de la procédure au principal et qui sont reproduits dans la décision de renvoi. D’après ces arguments, la demanderesse au principal se considère désavantagée à la suite du retrait préventif du marché en ce que le retrait du marché ne s’applique pas de manière uniforme à toutes les entreprises, mais est déterminé en appliquant des coefficients différents pour les États membres. De l’avis de la demanderesse au principal, l’inégalité de traitement réside dans le fait que des entreprises situées dans les États membres plus durement touchés par le retrait peuvent vendre proportionnellement moins de sucre au prix de référence. Cette inégalité de traitement ne serait que renforcée par le calcul du montant au titre de la restructuration à partir du quota attribué, étant donné que les entreprises concernées devraient vendre la production de sucre qui leur reste à un prix de référence net davantage réduit.

74.

Le Conseil et la Commission ont fait observer, à juste titre, que les considérations de la demanderesse au principal concernaient essentiellement l’instrument du retrait préventif du marché visé à l’article 3 du règlement n o  493/2006, alors que la deuxième question préjudicielle a en fait pour objet la validité de l’article 11 du règlement n o  320/2006. De l’avis de la Commission, la question de la validité déférée par la juridiction de renvoi devrait être considérée comme sans objet, d’autant plus que l’on ne saurait déduire de cette disposition aucune particularité pour le mécanisme du retrait du marché. Malgré cela, nous sommes d’avis que les considérations de la demanderesse au principal sont parfaitement pertinentes pour l’examen de la deuxième question préjudicielle. Compte tenu des circonstances de l’affaire au principal, les conséquences du calcul du montant au titre de la restructuration sur la base du quota attribué ne seront pas déterminées avec précision si, dans le même temps, les effets du retrait du marché sur les producteurs de sucre sont occultés. De plus, toutes les parties à la procédure ont présenté des observations sur ce thème, élargissant ainsi la portée du contrôle judiciaire dans la procédure préjudicielle.

75.

Par conséquent, dans le cadre de l’examen de ce grief, la Cour doit prendre en considération les observations de la demanderesse au principal, dans la mesure où elles concernent la validité de l’article 11 du règlement n o  320/2006.

b) Examen d’une violation de l’interdiction de discrimination

76.

Il convient tout d’abord de préciser que le versement du montant temporaire au titre de la restructuration prévu au paragraphe 1 de cette disposition ne constitue pas une violation de l’interdiction de discrimination, étant donné que toutes les entreprises restant sur le marché du sucre doivent verser ce montant sur la base des quotas qui leur ont été attribués. Par ailleurs, la demanderesse ne conteste pas non plus qu’il ne faut pas faire appel aux entreprises qui ont définitivement libéré leurs quotas pour financer le fonds de restructuration.

i) Fonctionnement du système des coefficients

77.

Avant d’examiner le grief tiré de l’application non uniforme et donc prétendument discriminatoire du retrait du marché, il convient de préciser le fonctionnement ainsi que le sens et l’objet du système des coefficients.

78.

Par l’article 44 du règlement n o  318/2006, le Conseil a conféré à la Commission le pouvoir d’adopter des mesures pour faciliter la transition de la situation du marché au cours de la campagne de commercialisation 2005/2006 à celle de la campagne de commercialisation 2006/2007, notamment en réduisant la quantité pouvant être produite sous quota. Relève de ces mesures le retrait préventif du marché réglé à l’article 3 du règlement n o  493/2006.

79.

Le seuil ainsi déterminé se calcule, conformément au paragraphe 2 de cette disposition, en multipliant le quota attribué à l’entreprise en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  318/2006 par la somme de deux coefficients mentionnés à l’article 3, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n o  493/2006. Il s’agit, tout d’abord, des coefficients qui sont déterminés à l’annexe I du règlement (CE) n o  493/2006, qui, d’après les explications de la Commission, est une combinaison de l’application de l’article 10, paragraphe 6, du règlement (CE) n o  1260/2001  ( 32 ) avec la méthode prévue à l’article 19 du règlement n o  318/2006 pour le retrait du marché. Le deuxième coefficient tient compte des efforts déployés par les États membres au cours de la campagne de commercialisation 2006/2007, dans le cadre du régime de restructuration du règlement n o  320/2006, pour libérer définitivement des quotas, et il a été fixé par la Commission par le règlement (CE) n o  1541/2006  ( 33 ) .

80.

Les observations de la demanderesse concernent visiblement l’application des coefficients prévus à l’article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n o  493/2006.

81.

Selon les observations concordantes de la Commission et de la demanderesse  ( 34 ) , l’application de ce quota pour la campagne de transition 2006/2007 a pour conséquence que, plus de quotas ont été définitivement libérés en application de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n o  320/2006, plus le seuil pour la campagne de commercialisation 2006/2007 sera élevé. En d’autres termes, l’application de ce coefficient pour la campagne de transition 2006/2007 implique que les entreprises situées dans un État membre dans lequel on a définitivement renoncé à moins de quotas pour la campagne de commercialisation 2006/2007 peuvent vendre moins de volume de sucre dans le cadre du régime des quotas que si elles étaient situées dans un État membre dans lequel on a définitivement renoncé à davantage de quotas.

ii) Appréciation

— Cadre de référence pertinent

82.

La détermination du seuil de retrait est précédée d’un calcul complexe, dans le cadre duquel on tient compte des coefficients précités, mais également du quota finalement attribué aux entreprises en cause. L’attribution du quota individuel est à nouveau effectuée par les États membres en cause, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  318/2006, sur la base du quota national fixé par le Conseil.

83.

Étant donné que, dans le cadre de la détermination de la charge pesant sur les entreprises individuelles en raison du retrait du marché, tant des éléments de droit communautaire que des éléments de droit national jouent un rôle, se pose la question de savoir si le cadre de référence pour l’appréciation de la question de l’inégalité de traitement dont aurait été victime l’entreprise concernée doit être déterminé au niveau de la Communauté ou des États membres en cause.

84.

Selon la jurisprudence de la Cour, les États membres doivent respecter le principe consacré à l’article 34, paragraphe 2, CE lorsqu’ils transposent une réglementation de droit communautaire, et notamment lorsque cette réglementation leur laisse le choix entre plusieurs modalités d’application ou plusieurs options  ( 35 ) . Par conséquent, l’interdiction de discrimination en tant que norme de droit objective ne s’applique pas uniquement au législateur communautaire, auquel il s’adresse en premier lieu, mais également aux États membres, dans la mesure où ces derniers interviennent, par exemple sur la base d’un pouvoir conféré par un règlement communautaire ou en exécution d’un tel règlement  ( 36 ) .

85.

En ce qui concerne la présente affaire, nous sommes d’avis que le cadre de référence pour apprécier l’existence d’une inégalité de traitement doit être déterminé au niveau de la Communauté et non pas au niveau des États membres. Selon nous, ce qui est déterminant, c’est la question de savoir à quel organe décisionnel doit être en fin de compte imputée l’inégalité de traitement. Certes, il convient d’abonder dans le sens de la Commission lorsqu’elle affirme que le pouvoir d’attribuer des quotas visé à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  318/2006 octroie effectivement aux États membres en cause un certain pouvoir d’appréciation afin de poser des choix de politique industrielle. Du point de vue juridique, on est toutefois en fin de compte en présence d’un acte imputable au législateur communautaire, d’autant plus que le Conseil et la Commission, en fixant des coefficients et des quotas spécifiques aux États, ont déterminé la base pour une diminution homogène de la surproduction dans l’ensemble des États membres. La marge de manœuvre des États membres, par exemple dans le cadre d’une nouvelle attribution et d’une réduction des quotas, que mentionne la Commission, ne peut pas faire oublier le fait que, en fin de compte, c’est le législateur communautaire qui a adopté les décisions en cause relatives à la structure du marché du sucre. Il a élaboré une organisation du marché dans le domaine du sucre pour l’ensemble de la Communauté, dans le cadre de laquelle il peut utiliser divers mécanismes d’adaptation de la production, dont fait également partie le retrait préventif du marché litigieux, prévu à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n o  493/1006.

86.

Par conséquent, le cadre de référence pour apprécier la question de l’existence d’une inégalité de traitement doit être déterminé au niveau de la Communauté. C’est pourquoi, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, il est en principe juridiquement possible de comparer la situation de la demanderesse avec celle d’une entreprise établie dans un autre État membre.

— Inégalité de traitement

87.

De l’avis de la demanderesse, le système des coefficients entraîne une inégalité de traitement des producteurs. À cet égard, elle mentionne un cas hypothétique qu’elle a imaginé, qui doit illustrer l’effet de ce système décrit au point 81 des présentes conclusions  ( 37 ) .

88.

Au moyen de ce cas hypothétique, la demanderesse effectue une comparaison des effets d’une réduction inégale des quotas dans deux États membres de la même taille, avec les mêmes quotas, qui seraient répartis, dans chaque cas, en parts égales entre deux entreprises du pays. Lorsque, dans un des États membres, une des deux entreprises de production de sucre arrête totalement ou partiellement sa production et renonce à son quota conformément à l’article 3 du règlement n o  320/2006, l’autre entreprise de cet État membre, qui maintient intégralement le volume de sa production de sucre, serait indirectement favorisée par l’attitude de la première entreprise. Par rapport aux entreprises comparables de l’autre État membre, dans lequel aucune des deux entreprises ne renoncerait à sa production ni ne la limiterait, son quota serait moins fortement réduit à la suite du renoncement à son quota de la seconde entreprise, sans qu’elle puisse influencer cet état de choses. Si on les compare avec les entreprises comparables d’autres États membres, les entreprises des États membres plus fortement touchés par la réduction pourraient vendre proportionnellement moins de sucre au prix de référence de 631,9  euros au cours de la campagne de commercialisation 2006/2007. De l’avis de la demanderesse, il conviendrait d’y voir une discrimination au sens de l’article 34, paragraphe 2, CE.

89.

Selon nous, il suffit de faire observer qu’aucune des parties ne conteste sérieusement que l’application du système des coefficients entraîne l’effet décrit ci-dessus. Par conséquent, on ne saurait exclure que deux entreprises établies dans deux États membres différents soient affectées de manière différente par un retrait du marché, selon l’importance de la part de l’entreprise, établie dans l’État membre en cause, qui renonce définitivement à sa production. Si l’on part de l’hypothèse, ainsi que le défend visiblement la demanderesse, que les entreprises concernées sont égales  ( 38 ) , à tout le moins d’un point de vue formel, il existe effectivement, dans de telles circonstances, un traitement différent.

— Justification

90.

Se pose la question de savoir si une telle inégalité de traitement potentielle des entreprises dans un État membre par rapport aux autres entreprises peut être objectivement justifiée.

91.

Il convient, tout d’abord, de constater que le mécanisme du retrait du marché, si l’on tient compte précisément de son fonctionnement et de sa finalité, est un mécanisme qui autorise une différenciation dans des cas particuliers. À l’inverse de ce que laisse entendre la demanderesse, la détermination du seuil de retrait implique une différenciation non pas selon le territoire des États membres, mais selon les conditions de production prévalant sur le territoire en cause. Le mécanisme de retrait du marché conçu par le législateur communautaire se caractérise en effet par le fait qu’il tient compte, dans une certaine mesure, des particularités de la production de sucre dans l’État membre en cause. Cela est permis tant par le fonctionnement du système des coefficients décrit ci-dessus que par la répartition des quotas individuels, qui a été largement laissée à l’appréciation des États membres. Ainsi, les critères appliqués pour une différenciation sont autorisés au sens de la jurisprudence  ( 39 ) .

92.

En ce qui concerne l’examen de l’existence d’un motif légitime pour une inégalité de traitement, il convient de se référer à la jurisprudence de la Cour  ( 40 ) , selon laquelle, lorsqu’elle intervient sur le marché, la Commission jouit d’une liberté d’appréciation importante, exclusive de tout automatisme, qui doit s’exercer à la lumière des objectifs de la PAC que fixe le règlement applicable en cause portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre. La Cour en a tiré la conclusion que, en contrôlant la légalité de l’exercice d’une telle liberté, les juridictions ne sauraient substituer leurs appréciations en la matière à celles de l’autorité compétente, mais doivent se limiter à examiner si ces dernières seraient entachées d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir. La même conclusion doit s’appliquer au cas du contrôle judiciaire portant sur une inégalité de traitement imputable à la Commission  ( 41 ) .

93.

Aux fins d’examiner la question de la justification, c’est la déclaration de la Commission  ( 42 ) qui nous semble tout d’abord pertinente, lorsqu’elle déclare que le législateur communautaire a voulu tenir compte des différences entre les efforts de restructuration du marché du sucre déployés par les divers États membres, ainsi que d’autres situations particulières dans certains États membres.

94.

Nous considérons tout aussi pertinente la déclaration du Conseil  ( 43 ) selon laquelle, dans le cadre des dispositions d’application, la Commission a créé les coefficients qui visent à faire baisser la surproduction dans une même proportion dans tous les États membres et, dans le même temps, à atteindre un équilibre de production dans l’ensemble de la Communauté. De l’avis du Conseil, les instruments de régulation du marché, tels que le retrait du marché, doivent également être appliqués de manière différenciée, selon les circonstances, pour parvenir à un équilibre structurel dans la Communauté. Si les entreprises établies dans un État membre renoncent volontairement à leurs quotas, alors cet État membre a déjà fait baisser la production à un certain niveau. Dans les États membres où les quotas de production sont totalement épuisés, il faut en revanche, selon l’argument du Conseil, recourir au mécanisme de retrait du marché pour faire baisser proportionnellement le quota de production attribué à l’État membre concerné.

95.

L’objectif d’une réduction proportionnelle des quotas de production attribués en tenant compte de la production de sucre dans chaque État membre aux fins d’une stabilisation uniforme des prix dans l’ensemble de la Communauté permet, selon nous, de parfaitement justifier une approche différenciée lors de l’application du retrait du marché, étant donné que, premièrement, cela tient compte du principe de l’unité du marché intérieur européen, qui exige des prix communs pour les produits réglementés  ( 44 ) , et que, deuxièmement, un retrait du marché bénéficie en fin de compte à l’ensemble des producteurs de sucre dans la Communauté, y compris à la demanderesse.

96.

En revanche, on ne saurait reprocher au législateur communautaire d’avoir choisi, dans l’exercice de sa prérogative décisionnelle, pour réguler le retrait du marché, une approche différenciée, qui tient compte des circonstances prévalant dans chaque État membre, avant tout de la répartition individuelle des quotas par entreprise en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  318/2006, ainsi que de la part des quotas définitivement libérés en application de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n o  320/2006.

97.

Une approche différenciée s’impose, d’une part, pour des motifs organisationnels, étant donné que les États membres, en raison de leur connaissance précise des structures et des conditions de production en cause, sont plus à même d’apprécier l’éligibilité des producteurs de sucre selon des critères de fond déterminés, tels que la spécialisation régionale  ( 45 ) et la compétitivité. Par la taxation de la production de sucre en mettant l’accent sur certains éléments, les États membres contribuent en définitive également au respect de l’objectif de restructuration.

98.

D’autre part, il convient de se ranger à l’opinion du Conseil selon laquelle il s’impose de fixer un seuil de retrait bas différent selon la quantité de quotas définitivement abandonnés. Compte tenu de la nécessité de réduire proportionnellement la production de sucre dans l’ensemble de la Communauté, il semble justifié de fixer le seuil de retrait à un niveau plus élevé dans les États membres dans lesquels la production a déjà été réduite à un certain niveau. En revanche, dans un État membre dans lequel on n’a pas recouru à la possibilité d’abandon des quotas en contrepartie d’un soutien financier, il est nécessaire de fixer le seuil de retrait à un niveau inférieur.

99.

Après avoir apprécié l’ensemble des faits et des arguments présentés à la Cour, nous sommes parvenu à la conclusion que rien ne permet de conclure que l’application du système de coefficients litigieux, dans le cas de la fixation d’un seuil de retrait, serait entachée d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir. Cette mesure ne permet pas non plus de conclure que le législateur communautaire a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

100.

Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter l’existence d’une violation de l’interdiction de discrimination découlant de l’article 34, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE.

VII — Conclusion

101.

À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de justice de répondre comme suit aux questions préjudicielles déférées par le Verwaltungsgerichtshof:

« 1)

Il convient d’interpréter l’article 11 du règlement (CE) n o  320/2006 du Conseil, du 20 février 2006 , instituant un régime temporaire de restructuration de l’industrie sucrière dans la Communauté européenne et modifiant le règlement (CE) n o  1290/2005 relatif au financement de la politique agricole commune, en ce sens qu’un quota de sucre qui, par suite d’un retrait du marché à titre préventif en vertu de l’article 3 du règlement (CE) n o  493/2006 de la Commission, du , portant mesures transitoires dans le cadre de la réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, et modifiant les règlements (CE) n o  1265/2001 et (CE) n o  314/2002, ne peut pas être utilisé intégralement, doit faire partie intégrante du calcul du montant temporaire au titre de la restructuration.

2)

L’article 11 du règlement n o  320/2006 est compatible avec le droit primaire, et en particulier avec le principe de non-discrimination qui se déduit de l’article 34 CE et avec le principe de proportionnalité. »


( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) JO L 58, p. 42 .

( 3 ) JO L 58, p. 1 .

( 4 ) JO L 89, p. 11 .

( 5 ) Communication de la Commission aux producteurs de betteraves à sucre et de sucre ( JO 2006, C 27, p. 8 ).

( 6 ) C-5/06 et C-23/06 à C-36/06, Rec. p. I-3231 .

( 7 ) Jusqu’à aujourd’hui, les organisations communes de marché dans le secteur du sucre étaient caractérisées par un système de soutien des prix et l’attribution de quotas. Près de 70 % des produits agricoles produits dans la Communauté (par exemple les céréales, le sucre, les produits laitiers, la viande, certains types de fruits et légumes ainsi que le vin de table) font l’objet d’une réglementation en matière de soutien des prix (voir Brú Purón, C. M., Exégesis conjunta de los tratados vigentes y constitucional europeos , Cizur Menor, 2005, article 34, p. 777). Le régime des quotas instauré en 1967 avec l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre permet de maintenir des prix relativement élevés sans engendrer des excédents. Initialement, le régime des quotas ne devait avoir qu’un caractère temporaire et devait expirer en 1975, mais il a toutefois été plusieurs fois prolongé. Il est devenu ensuite plus flexible pour permettre une augmentation des quotas au bénéfice des producteurs de sucre plus performants (voir Olmi, G., Politique agricole commune , Bruxelles, 1991, p. 173, ainsi que Priebe, R., dans Grabitz et Hilf, Das Recht der Europäischen Union , Munich, 2008, volume I, article 34, point 57).

( 8 ) Sur la réforme de la PAC décidée lors du Conseil européen du 26 mars 1999 à Berlin, qui a été lancée avec l’adoption de l’ « Agenda 2000 » , voir conclusions que nous avons présentées le dans l’affaire, Horvath (C-428/07, pendante devant la Cour), aux points 45 et suiv.

( 9 ) En ce sens, Ehlers, D., Allgemeines Verwaltungsrecht (édité par H.-U. Erichsen e.a.), § 2 I 6, p. 59, point 14. Dans les conclusions qu’il a présentées le 28 septembre 2004 , dans l’affaire Schulte (arrêt du , C-350/03, Rec. p. I-9215 ), points 84 et suiv., l’avocat général Léger est parti en quelque sorte de l’hypothèse de la primauté de l’interprétation littérale lorsqu’il a déclaré que l’interprétation finaliste n’est utilisée que si différentes interprétations de la disposition litigieuse sont possibles, ou lorsqu’on ne peut que difficilement interpréter la disposition litigieuse uniquement au moyen de son libellé, en raison par exemple de son ambiguïté. Baldus, C., et Vogel, F., « Gedanken zur einer europäischen Auslegungslehre: grammatikalisches und historisches Element » , Fiat iustitia — Recht als Aufgabe der Vernunft, Festschrift für Peter Krause zum 70. Geburtstag , Berlin, 2006, p. 247 et suiv., ne contestent pas que l’interprétation littérale est le point de départ de l’interprétation de toute norme de droit communautaire. Ils font toutefois observer la difficulté de trouver une interprétation solide compte tenu du multilinguisme à l’intérieur de la Communauté, ce qui rend nécessaire un recours à d’autres méthodes d’interprétation, telles que l’interprétation téléologique et l’interprétation historique.

( 10 ) On ne saurait tirer aucune autre conclusion d’une comparaison des différentes versions linguistiques de cette disposition. Tant dans la version allemande ( « Unternehmen, denen eine Quote zugeteilt worden ist » ), que dans les versions danoise ( « virksomheder, der har fået tildelt en kvote » ), anglaise ( « undertakings to which a quota has been allocated» ), française ( « entreprises qui détiennent un quota » ), italienne ( « imprese a cui è stata assegnata una quota » ), portugaise ( « empresas às quais tiverem sido atribuídas quotas » ), néerlandaise ( « ondernemingen waaraan een quotum is toegekend» ), suédoise ( « företag som har tilldelats en kvot » ) et espagnole ( « empresas a las que se haya concedido una cuota » ), le critère de rattachement est le quota attribué à l’entreprise.

( 11 ) La réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre est également une réaction de la Communauté à une décision de l’organe de règlement des différends ( « Dispute Settlement Body » ) de l’Organisation mondiale du commerce du 28 avril 2005 (voir rapport de l’organe d’appel, European Communities — Export Subsidies on Sugar, affaires WT/DS265/AB/R, WT/DS266/AB/R et WT/DS283/AB/R), dans laquelle il a été constaté que la Communauté avait commis différentes violations de l’accord sur l’agriculture conclu dans le cadre des négociations commerciales multilatérales de l’Uruguay round ( « Agreement on Agriculture » ).

( 12 ) En ce sens, voir également Middecke, A., dans: Handbuch des Rechtsschutzes der Europäischen Union , 2 e édition, Munich, 2003, article 10, point 40, p. 227. Ainsi, le juge national peut par exemple limiter son renvoi à certains moyens de validité, sur lesquels la Cour appuiera ensuite son examen (voir arrêts du 29 mai 1997 , Rotexchemie, C-26/96, Rec. p. I-2817 , et du , Eurotunnel e.a., C-408/95, Rec. p. I-6315 ). Lenaerts, K., Arts, D., Maselis, I., Procedural Law of the European Union , 2 e édition, Londres, 2006, point 10-012, p. 361, partent manifestement aussi de l’hypothèse que la question déférée à titre préjudiciel est le point de départ pour déterminer la portée de l’examen dans le cadre d’une procédure préjudicielle portant sur la validité d’une norme de droit communautaire.

( 13 ) Un point de départ important pour l’interprétation d’une question préjudicielle qui porte sur l’examen de la validité d’une norme de droit communautaire et qui est formulée soit de manière générale, soit de manière imprécise est constitué des moyens invoqués par la requérante dans la procédure au principal (voir arrêt du 25 octobre 1978 , Royal Scholten Honig et Tunnel Refineries, 103/77 et 145/77, Rec. p. 2037 , points 16 et 17).

( 14 ) Arrêts du 13 novembre 1990 , Fedesa e.a. ( C-331/88, Rec. p. I-4023 , point 13); du , Crispoltoni e.a. ( C-133/93, C-300/93 et C-362/93, Rec. p. I-4863 , point 41); du , Jippes e.a. ( C-189/01, Rec. p. I-5689 , point 81), et du , Espagne/Conseil ( C-310/04, Rec. p. I-7285 , point 97).

( 15 ) En ce sens, voir arrêts du 29 octobre 1980 , Roquette Frères/Conseil ( 138/79, Rec. p. 3333 , point 25), et du , Eridania ( C-289/97, Rec. p. I-5409 , point 48), ainsi qu’arrêts du , ABNA e.a. ( C-453/03, C-11/04, C-12/04 et C-194/04, Rec. p. I-10423 , point 69), et Espagne/Conseil (précité à la note 14, point 96) ainsi que point 72 des conclusions présentées par l’avocat général Kokott, le , dans l’affaire Roquette Frères (arrêt du , C-441/05, Rec. p. I-1993 ).

( 16 ) Arrêts du 11 juillet 1989 , Schräder ( 265/87, Rec. p. 2237 , point 22); Fedesa e.a. (précité à la note 14, points 8 et 14); Eridania (précité à la note 15, point 49); Jippes e.a. (précité à la note 14, point 80); du , Espagne/Commission ( C-304/01, Rec. p. I-7655 , point 23); Espagne/Conseil (précité à la note 14, point 96); du , Geuting ( C-375/05, Rec. p. I-7983 , point 44), et du , Viamex Agrar Handel et ZVK ( C-37/06 et C-58/06, Rec. p. I-69 , point 34), ainsi que conclusions présentées par l’avocat général Kokott dans l’affaire Roquette Frères (conclusions précitées à la note 15, point 72).

( 17 ) Arrêts Fedesa e.a. (précité à la note de bas de page 14, point 14); Crispoltoni e.a. (précité à la note 14, point 83); Jippes e.a. (précité à la note 14, point 83); du 10 janvier 2006 , IATA et ELFAA ( C-344/04, Rec. p. I-403 , point 80); Espagne/Conseil (précité à la note 14, point 98) et Geuting (précité à la note 16, point 46).

( 18 ) Arrêts Jippes e.a. (précité à la note 14, point 83); Espagne/Conseil (précité à la note 14, point 99); Geuting (précité à la note 16, point 47). Ainsi que l’avocat général Sharpston l’a déclaré à juste titre au point 65 des conclusions qu’elle a présentées le 14 juin 2007 dans l’affaire Zuckerfabrik Jülich e.a. (arrêt précité à la note 6), on ne saurait comprendre cette jurisprudence comme si la Cour avait donné carte blanche au législateur communautaire. La Cour n’aurait pas exclu un contrôle du juge portant sur l’exercice par les institutions de leur large pouvoir d’appréciation. L’avocat général a défendu l’opinion selon laquelle la Cour doit pouvoir intervenir lorsque les producteurs supportent une charge manifestement disproportionnée.

( 19 ) Conclusions précitées point 65.

( 20 ) À cet égard, il convient tout d’abord de mentionner l’article 268, troisième alinéa, CE, qui consacre le principe de l’équilibre du budget communautaire. Selon cette disposition, le budget doit être équilibré, du point de vue comptable, en recettes et en dépenses. Par conséquent, il faut s’assurer que les dépenses prévues puissent être couvertes par les recettes disponibles [en ce sens, voir également Schoo, J., EU-Kommentar (édité par J. Schwarze), Baden-Baden, 2000, article 268, point 19, p. 2198].

Voir en outre Ackrill, R., The Common Agricultural Policy , Sheffield, 2000, p. 78, qui voit plutôt une règle dans le principe d’équilibre du budget communautaire. Par conséquent, un budget déficitaire ne serait pas autorisé. Cette règle devrait également être respectée dans le cadre de la PAC. La Banque européenne d’investissement peut certes accorder des crédits pour des projets d’investissement, mais non pas pour financer les dépenses communautaires. De l’avis de l’auteur, les auteurs des traités constitutifs avaient pour objectif de ne pas proposer à la Communauté, et notamment à la Commission, de solution simple pour le calcul des recettes et des dépenses.

Conformément au quatrième considérant, le montant au titre de la restructuration est certes une dépense affectée, mais cette circonstance ne libère toutefois pas les institutions communautaires de l’obligation de respecter ce principe. Dans sa proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, du 22 juin 2005 [COM(2005) 263, p. 9], la Commission mentionne expressément l’objectif d’autofinancement du régime de restructuration.

( 21 ) Il ressort de cet inventaire que les recettes pour la campagne de commercialisation 2006/2007 s’élevaient à 2145  millions d’euros. De leur côté, les recettes s’élevaient à 1358  millions d’euros. Ainsi, le bilan de la campagne de commercialisation 2006/2007 s’élevait à 787 millions d’euros, qui ont été utilisés pour le financement de la restructuration au cours des années ultérieures.

( 22 ) En ce sens, voir considérations figurant aux points 40 à 43 des présentes conclusions.

( 23 ) Certes, les systèmes de quotas ne limitent pas la production à certaines quantités en ce sens qu’ils interdisent des productions supplémentaires, mais par le fait qu’une surproduction entraîne des « sanctions » pour un producteur particulier (par exemple, interdiction de commercialisation dans la Communauté, paiement de charges) et rend ainsi toute extension de la production économiquement absurde. Il est toutefois important de mentionner que chaque système de quotas jusqu’à ce jour (notamment dans le secteur du sucre, de la pêche, du lait, des tomates transformées) applique certains critères d’appréciation selon les besoins du produit en cause. Certes, il existe des quotas de sucre également dans l’organisation du marché dans le secteur du sucre. Un dépassement du quota n’entraîne pas ici de charges. Le producteur n’a plutôt pas droit aux restitutions à l’exportation pour les quantités produites en sus [voir Van Rijn, T., Vertrag über die Europäische Union und Vertrag zur Gründung der Europäischen Gemeinschaft — Kommentar (édité par H. von der Groeben et J. Schwarze), volume 1, 6 e  édition, article 34, point 35, p. 1207].

( 24 ) Voir p. 9 de la décision de renvoi.

( 25 ) Voir point 40 des présentes conclusions.

( 26 ) Lors de l’examen de la validité d’un règlement, la Cour a déjà invoqué un devoir de diligence des personnes concernées sous la forme de l’obligation d’éviter un préjudice (arrêt du 14 mars 1973 , Westzucker, 57/72, Rec. p. 321 , point 20).

( 27 ) Dans la communication de la Commission aux producteurs de betteraves à sucre et de sucre du 3 février 2006 ( JO C 27, p. 8 ), il est indiqué ceci:  « La Commission attire l’attention des producteurs de betteraves à sucre et de sucre sur la situation du marché communautaire du sucre prévue pour la campagne de commercialisation 2006/2007. En raison, notamment, des stocks accumulés pendant la campagne 2004/2005 et des règles et limites de l’Organisation Mondiale du Commerce en matière d’exportation, la campagne de commercialisation 2006/2007 pourrait commencer avec des disponibilités de sucre en stock assez importantes face à des possibilités d’écoulement moindres qu’auparavant. Dans ces conditions, la réforme de l’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre et la restructuration de la production sucrière qui sera mise en œuvre dans ce cadre ne seront pas assez avancées pour assurer l’équilibre du marché dès la campagne 2006/2007. Il n’est donc pas exclu que la Commission soit amenée à prendre des mesures particulières de gestion à l’égard des betteraves à sucre semées pour une récolte en 2006/2007. Ces mesures, à établir au titre de mesures transitoires dans le cadre des pouvoirs qui pourraient être conférés à la Commission par le Conseil, pourraient notamment concerner l’importance de la production éligible sous quota pour la campagne 2006/2007 et les dispositions relatives à l’écoulement du sucre C produit pendant la campagne 2005/2006 » .

( 28 ) Conformément à l’article 1 er , paragraphe 2, du règlement n o  318/2006, la campagne de commercialisation pour l’ensemble des produits mentionnés au paragraphe 1 commence le 1 er  octobre et se termine le 30 septembre de l’année suivante. Toutefois, en application de l’article 1 er , paragraphe 2, deuxième alinéa, la campagne de commercialisation 2006/2007 débute le 1 er  juillet 2006 et s’achève le .

( 29 ) Dans une jurisprudence constante, la Cour a déclaré que l’interdiction de discrimination prévue par le droit communautaire à l’article 34, paragraphe 2, CE est l’expression spécifique du principe général d’égalité, qui fait partie des principes fondamentaux du droit communautaire et qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’une telle différenciation ne soit objectivement justifiée. Sur l’interdiction générale de discrimination, et également sur l’interdiction spécifique de discrimination, voir arrêts du 19 octobre 1977 , Ruckdeschel e.a. ( 117/76 et 16/77, Rec. p. 1753 , point 7) et Moulins et Huileries de Pont-à-Mousson et Providence agricole de la Champagne ( 124/76 et 20/77, Rec. p. 1795 , point 16); du , Koninklijke Scholten-Honig et De Bijenkorf ( 125/77, Rec. p. 1991 , point 26) et Royal Scholten-Honig et Tunnel Refineries (précité à la note 13, point 26); du , Salumi e.a. ( 66/79, 127/79 et 128/79, Rec. p. 1237 , point 14); du , Klensch e.a. ( 201/85 et 202/85, Rec. p. 3477 , point 9); du , Espagne/Conseil ( 203/86, Rec. p. 4563 , point 25); du , Wuidart e.a. ( C-267/88 à C-285/88, Rec. p. I-435 , point 13); du , Kühn ( C-177/90, Rec. p. I-35 , point 18); du , Herbrink ( C-98/91, Rec. p. I-223 , point 27); du , Fishermen’s Organisations e.a. ( C-44/94, Rec. p. I-3115 , point 46); du , EARL de Kerlast ( C-15/95, Rec. p. I-1961 , point 35); du , Allemagne/Conseil ( C-122/95, Rec. p. I-973 , point 62); du , Karlsson e.a. ( C-292/97, Rec. p. I-2737 , point 39); du , Niemann ( C-14/01, Rec. p. I-2279 , point 49); du , Espagne/Conseil ( C-87/03 et C-100/03, Rec. p. I-2915 , point 48); du , Belgique et Forum 187/Commission ( C-182/03 et C-217/03, Rec. p. I-5479 , point 170); du , Pologne/Conseil ( C-273/04, Rec. p. I-8925 , point 86), ainsi que les conclusions que nous avons présentées le dans l’affaire Horvath (précitée à la note 8, points 99 et suiv.).

( 30 ) Arrêts du 20 septembre 1988 , Espagne/Conseil (précité à la note 29, point 25); du , Hierl ( C-311/90, Rec. p. I-2061 , point 18), et du , Allemagne/Conseil ( C-280/93, Rec. p. I-4973 , point 67).

( 31 ) Arrêt Wuidart e.a. (précité à la note 29, point 41).

( 32 ) Règlement du Conseil, du 19 juin 2001 , portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre ( JO L 178, p. 1 ).

( 33 ) Règlement du 13 octobre 2006 , fixant le coefficient permettant d’établir le seuil de retrait visé à l’article 3 du règlement n o  493/2006 ( JO L 283, p. 22 ).

( 34 ) Voir p. 6 de la décision de renvoi.

( 35 ) Voir arrêts Klensch e.a. (précité à la note 29, point 10); du 11 juillet 1989 , Cornée e.a. ( 196/88 à 198/88, Rec. p. 2309 , points 20 et suiv.); du , Wachauf ( 5/88, Rec. p. 2609 , point 19), et du , Graff ( C-351/92, Rec. p. I-3361 , points 17 et 18).

( 36 ) En ce sens, Van Rijn, T., précité (note 22), article 34 CE, point 59.

( 37 ) Voir p. 7 de la décision de renvoi.

( 38 ) Un point de vue formel ne dit toutefois rien sur la question de savoir si les entreprises concernées sont effectivement égales du point de vue matériel. Par ailleurs, compte tenu des particularités d’un cas individuel (par exemple production, demande, situation économique et taille de l’entreprise), cela sera rarement ou pratiquement jamais le cas. Ainsi que le déclare à juste titre Schwarze, J., European Administrative Law , 1 re édition, Luxembourg, 2006, p. 548, l’égalité ne saurait jamais être absolue, mais uniquement partielle et seulement en ce qui concerne certaines caractéristiques et certains rapports. Un jugement qui confirme ou exclut l’égalité de deux objets à comparer ne saurait revendiquer qu’une validité relative. De l’avis de l’auteur, affirmer que deux objets sont absolument identiques serait totalement illogique. En ce qui concerne la présente affaire, la demanderesse n’a présenté aucun argument ou critère à l’appui de son opinion selon laquelle elle serait dans la même situation que les autres entreprises produisant du sucre concernées.

( 39 ) Voir point 71 des présentes conclusions.

( 40 ) Voir arrêt Westzucker (précité à la note 26, point 14).

( 41 ) Voir arrêts du 29 février 1996 , France et Irlande/Commission ( C-296/93 et C-307/93, Rec. p. I-795 , point 31), et du , National Farmers’ Union e.a. ( C-354/95, Rec. p. I-4559 , point 50). Thiele, G., EU/EGV Kommentar (édité par C. Calliess et M. Ruffert), article 34, point 57, p. 684, se réfère à la liberté d’appréciation du législateur communautaire dans le domaine de la PAC et part de l’hypothèse qu’une décision politique ne peut être remise en cause pour ce motif que si elle semble entachée d’une erreur manifeste, compte tenu des connaissances dont il disposait au moment d’adopter la décision. Iliopouliou, A., « Le principe d’égalité et de non-discrimination » , Droit Administratif Européen (édité par J.-B. Auby et J. Dutheil de la Rochere), Bruxelles, 2007, p. 446, déclare que la Cour met en général en lumière une certaine réserve et que, dans le cadre de l’appréciation d’une situation économique complexe, elle se réfère au large pouvoir d’appréciation des institutions communautaires.

( 42 ) Voir point 53 des observations de la Commission.

( 43 ) Voir point 45 des observations du Conseil.

( 44 ) Voir Halla-Heißen, I., et Nonhoff, F., Marktordnungsrecht — Marktordnungswaren im grenzüberschreitenden Warenverkehr , Cologne, 1997, p. 34. Selon ces derniers, les règlements adoptés sur la base des objectifs de la PAC permettent de dégager trois principes fondamentaux essentiels: unité du marché, préférence communautaire et solidarité financière. L’unité du marché implique, tout d’abord, la libre circulation des produits agricoles entre les États membres. Les droits de douane et les obstacles commerciaux, ainsi que les subventions d’États membres particuliers pour leur agriculture, qui peuvent entraîner une distorsion de concurrence, doivent être exclus. D’un point de vue pratique, la question de savoir si les échanges commerciaux s’effectuent à l’intérieur d’un État membre ou dans le marché intérieur ne doit pas faire de différence. La condition à ce principe serait tout d’abord des prix et des règles de concurrence communs.

( 45 ) Dans l’arrêt Eridania (précité à la note 15, point 20), la Cour a déclaré que le Conseil était fondé à répartir les quotas fixés entre les entreprises individuelles sur la base de leur production effective. Une telle répartition des charges répond, en effet, au principe de la spécialisation régionale, principe à la base même du marché commun et qui veut que la production puisse s’effectuer dans le lieu économiquement le plus approprié. Elle est, en outre, conforme au principe de solidarité des producteurs, étant donné que la production constitue un critère légitime pour apprécier à la fois la puissance économique des producteurs et les bénéfices qu’ils tirent du système.