Mots clés
Sommaire

Mots clés

1. Concurrence — Procédure administrative — Droit à un procès équitable — Inapplicabilité de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme

(Art. 81 CE ; charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 47)

2. Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction et imposant des amendes — Caractère pénal — Absence

(Art. 81 CE et 229 CE; règlement nº 1/2003, art. 23, § 5, et 31)

3. Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Utilisation de déclarations d'autres entreprises ayant participé à l'infraction comme moyen de preuve — Admissibilité — Conditions

(Art. 81 CE et 82 CE)

4. Actes des institutions — Notification — Irrégularités — Effets — Suspension du délai de recours

(Art. 230, al. 5, CE, et 254, § 3, CE)

5. Concurrence — Règles de l'Union — Infractions — Imputation — Société mère et filiales — Unité économique — Critères d'appréciation — Présomption d'une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle-ci

(Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

6. Concurrence — Règles de l'Union — Infractions — Imputation — Société mère et filiales — Présomption d'une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues à 100 % par celle-ci

(Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

7. Droit de l'Union — Principes généraux du droit — Sécurité juridique — Légalité des peines — Portée

8. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Pouvoir d'appréciation conféré à la Commission par l'article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 — Violation du principe de légalité des peines — Absence — Caractère prévisible des modifications introduites par les lignes directrices

(Art. 229 CE; règlements du Conseil nº 17, art. 15, § 2, et nº 1/2003, art. 23, § 2, et 31; communications de la Commission 98/C 9/03 et 2002/C 45/03)

9. Concurrence — Règles de l'Union — Infractions — Amendes — Détermination — Critères — Élévation du niveau général des amendes

(Règlements nº 17, art. 15, § 2, et nº 1/2003, art. 23, § 2)

10. Concurrence — Amendes — Compétence propre de la Commission découlant du traité

(Art. 81 CE, 82 CE, 83, § 1 et 2, a) et d), CE, 202, 3e tiret, CE et 211, 1er tiret, CE; règlements du Conseil nº 17 et nº 1/2003)

11. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Application des lignes directrices pour le calcul des amendes — Violation du principe de non-rétroactivité des lois pénales — Absence

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23; communication de la Commission 98/C 9/03)

12. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Application des lignes directrices pour le calcul des amendes — Admissibilité — Violation des principes de protection de la confiance légitime, de transparence et de prévisibilité — Absence

(Communication de la Commission 1998/C 9/03)

13. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Application de la communication sur la coopération — Violation des principes de non-rétroactivité et de protection de la confiance légitime — Absence

(Communication de la Commission 2002/C 45/03)

14. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Non-imposition ou réduction de l'amende en contrepartie de la coopération de l'entreprise incriminée — Violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et des principes de la présomption d'innocence et de proportionnalité — Absence — Excès du pouvoir d'appréciation de la Commission dans l'adoption de la communication sur la coopération — Absence

(Art. 81 CE; charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 48; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 18 à 21 et 23; communication de la Commission 2002/C 45/03, points 11 et 23)

15. Droit de l'Union — Principes — Droits fondamentaux — Droit de propriété — Restrictions — Admissibilité

(Art. 81 CE, 82 CE et 295 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

16. Concurrence — Amendes — Lignes directrices pour le calcul des amendes — Nature juridique

(Communication de la Commission 98/C 9/03)

17. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Obligation de prendre en considération l'impact concret sur le marché — Absence — Rôle primordial du critère tiré de la nature de l'infraction

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

18. Concurrence — Amendes — Décision infligeant des amendes — Obligation de motivation — Portée

(Art. 253 CE; communication de la Commission 98/C 9/03)

19. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Obligation de prendre en considération la taille du marché — Absence

(Communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A, al. 2, 3e tiret)

20. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Prise en compte de la capacité économique effective de l'entreprise à créer un dommage — Obligation de fixer le montant de l'amende de manière proportionnelle à la taille de l'entreprise — Absence — Fixation du montant de l'amende en fonction d'une répartition des membres de l'entente en catégories — Conditions — Contrôle juridictionnel

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

21. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Circonstances atténuantes — Cessation de l'infraction avant l'intervention de la Commission — Cas d'une infraction grave — Exclusion

(Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3, 3e tiret)

22. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Circonstances atténuantes — Obligation de la Commission de prendre en compte un programme de mise en conformité aux règles de concurrence de l'entreprise concernée — Absence

(Art. 81 CE; règlement nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

23. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Réduction du montant de l'amende en contrepartie d'une coopération de l'entreprise incriminée

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 2002/C 45/03)

24. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Attitude de l'entreprise durant la procédure administrative — Appréciation du degré de la coopération fournie par chacune des entreprises participant à l'entente

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 2002/C 45/03)

25. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Marge d'appréciation réservée à la Commission — Limites — Respect du principe de proportionnalité — Conditions

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2)

Sommaire

1. Le principe selon lequel toute personne a droit à un procès équitable est un principe général du droit de l'Union, réaffirmé par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et garanti par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme. Ce principe s’inspire des droits fondamentaux qui font partie intégrante des principes généraux du droit de l'Union dont la Cour assure le respect en s’inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies notamment par la Cour européenne des droits de l'homme. Si, en adoptant une interprétation autonome de la notion d’ « accusation en matière pénale », les organes de la convention européenne des droits de l'homme ont jeté les bases d’une extension progressive de l’application du volet pénal de l’article 6 à des domaines qui ne relèvent pas formellement des catégories traditionnelles du droit pénal, telles que les sanctions pécuniaires infligées pour violation du droit de la concurrence, toutefois, s’agissant des catégories ne faisant pas partie du noyau dur du droit pénal, les garanties offertes par le volet pénal de cette disposition ne doivent pas nécessairement s’appliquer dans toute leur rigueur.

(cf. points 51-52)

2. Les décisions de la Commission infligeant des amendes pour violation du droit de la concurrence n’ont pas un caractère pénal. Ainsi, une procédure dans le cadre de laquelle la Commission adopte une décision constatant une infraction et imposant des amendes qui peut ultérieurement être soumise au contrôle du juge de l’Union satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme. Si la Commission n’est certes pas un tribunal au sens de l’article 6 de cette convention, elle est toutefois tenue de respecter les principes généraux du droit de l'Union au cours de la procédure administrative.

Par ailleurs, le contrôle exercé par le juge de l’Union sur les décisions de la Commission garantit qu’il soit satisfait aux exigences d’un procès équitable tel que consacré par l’article 6, paragraphe 1, de ladite convention. À cet égard, il est nécessaire que l’entreprise concernée puisse saisir de toute décision ainsi prise à son endroit un organe judiciaire de pleine juridiction, ayant notamment le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise. Or, lorsque le juge de l'Union contrôle la légalité d’une décision constatant une infraction à l’article 81 CE, il peut être appelé par les parties requérantes à procéder à un examen exhaustif tant de la constatation matérielle des faits que de leur appréciation juridique par la Commission. En outre, s’agissant des amendes, il dispose d’une compétence de pleine juridiction en vertu de l’article 229 CE et de l’article 31 du règlement nº 1/2003.

(cf. points 53-56)

3. Aucune disposition ni aucun principe général du droit de l'Union n'interdit à la Commission de se prévaloir à l'encontre d'une entreprise des déclarations d'autres entreprises. Si tel n'était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 81 CE et 82 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité. Toutefois, la déclaration d'une entreprise mise en cause pour avoir participé à une entente, dont l'exactitude est contestée par plusieurs entreprises incriminées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante des faits en cause sans être étayée par d'autres éléments de preuve.

(cf. point 57)

4. Les irrégularités dans la procédure de notification d’une décision sont extérieures à l’acte et ne peuvent donc le vicier. De telles irrégularités peuvent uniquement, dans certaines circonstances, empêcher que le délai visé à l’article 230, cinquième alinéa, CE pour l’introduction d’un recours ne commence à courir. Tel n'est pas le cas lorsque la requérante a eu incontestablement connaissance du contenu de la décision et a fait usage de son droit de recours dans le délai visé à cet article.

(cf. point 61)

5. Le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale font partie d’une même unité économique et, partant, forment une seule entreprise. Ainsi, le fait qu’une société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE permet à la Commission d’adresser une décision imposant des amendes à la société mère, sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction.

Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, d’une part, cette société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme solidairement responsable pour le paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché.

(cf. points 69-72, 82)

6. Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, l’imputation du comportement infractionnel de la filiale à sa société mère ne nécessite pas la preuve que la société mère influe sur la politique de sa filiale dans le domaine spécifique ayant fait l’objet de l’infraction. En revanche, les liens organisationnels, économiques et juridiques existant entre la société mère et sa filiale peuvent établir l’existence d’une influence de la première sur la stratégie de la seconde et, dès lors, justifier de les concevoir comme une seule entité économique. Ainsi, si la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère, elle est en mesure de tenir la société mère solidairement responsable pour le paiement de l’ame nde imposée à sa filiale, sauf si la société mère prouve que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché. En effet, ce n’est pas une relation d’instigation relative à l’infraction entre la société mère et sa filiale ni, à plus forte raison, une implication de la première dans ladite infraction, mais le fait qu’elles constituent une seule entreprise au sens de l’article 81 CE qui habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d’un groupe de sociétés.

La circonstance que la société mère n'a pas donné à ses filiales d'instructions qui auraient permis ou encouragé des contacts contraires à l'article 81 CE et n'en a pas eu connaissance ne constitue pas un élément susceptible de démontrer l'autonomie desdites filiales. La circonstance que les filiales auraient pris part à des infractions distinctes, de caractère différent, dans quatre pays différents, ne saurait pas non plus renverser la présomption de responsabilité dès lors que la Commission ne s'est pas fondée sur un éventuel parallélisme entre les infractions constatées pour imputer à la société mère le comportement de ses filiales. De même, le fait que la société mère a adopté un code de conduite visant à empêcher les violations par ses filiales du droit de la concurrence et des lignes directrices y relatives, d'une part, ne change rien à la réalité d'une infraction constatée à son égard et, d'autre part, ne permet pas de démontrer que lesdites filiales déterminaient de manière autonome leur politique commerciale. Au contraire, la mise en oeuvre dudit code suggère plutôt un contrôle effectif par la société mère de la politique commerciale de ses filiales.

(cf. points 82, 85, 87-88)

7. Le principe de légalité des peines est un corollaire du principe de sécurité juridique, lequel constitue un principe général du droit de l'Union et exige, notamment, que toute réglementation de l'Union, en particulier lorsqu’elle impose ou permet d’imposer des sanctions, soit claire et précise, afin que les personnes concernées puissent connaître sans ambiguïté les droits et obligations qui en découlent et puissent prendre leurs dispositions en conséquence.

Le principe de légalité des peines, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union se trouvant à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres, a également été consacré par différents traités internationaux, et notamment à l’article 7 de la convention européenne des droits de l'homme.

Ce principe exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment. Cette condition se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et au besoin à l’aide de l’interprétation qui en est donnée par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale. En outre, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la clarté de la loi s’apprécie au regard non seulement du libellé de la disposition pertinente, mais également des précisions apportées par une jurisprudence constante et publiée.

Ce principe s’impose tant aux normes de caractère pénal qu’aux instruments administratifs spécifiques imposant ou permettant d’imposer des sanctions administratives. Il s’applique non seulement aux normes qui établissent les éléments constitutifs d’une infraction, mais également à celles qui définissent les conséquences qui découlent d’une infraction aux premières.

L’article 7, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme n’exige pas que les termes des dispositions en vertu desquelles sont infligées ces sanctions soient à ce point précis que les conséquences pouvant découler d’une infraction à ces dispositions soient prévisibles avec une certitude absolue. En effet, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le fait qu’une loi confère un pouvoir d’appréciation ne se heurte pas en soi à l’exigence de prévisibilité, à condition que l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir se trouvent définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir à l’individu une protection adéquate contre l’arbitraire. À cet égard, outre le texte de la loi elle-même, la Cour européenne des droits de l'homme tient compte de la question de savoir si les notions indéterminées utilisées ont été précisées par une jurisprudence constante et publiée.

(cf. points 95-97, 99)

8. En ce qui concerne la légalité de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003 au regard du principe de légalité des peines, le législateur de l'Union n’a pas attribué à la Commission une marge d’appréciation excessive ou arbitraire pour la fixation des amendes pour infraction aux règles de la concurrence.

En effet, premièrement, cette disposition limite l’exercice de ladite marge d'appréciation en instaurant des critères objectifs auxquels la Commission doit se tenir. À cet égard, d’une part, le montant de l’amende susceptible d’être imposée connaît un plafond chiffrable et absolu, calculé en fonction de chaque entreprise, pour chaque cas d’infraction, de sorte que le montant maximal de l’amende pouvant être infligée à une entreprise donnée est déterminable à l’avance. D’autre part, cette disposition impose à la Commission de fixer les amendes dans chaque cas d’espèce en prenant en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

Deuxièmement, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en ce qui concerne les amendes infligées en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, la Commission doit respecter les principes généraux du droit, tout particulièrement les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

Troisièmement, aux fins d’assurer la prévisibilité et la transparence de son action, l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation est également limité par les règles de conduite qu’elle s’est fixées dans la communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes et dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA. À cet effet, lesdites communication et lignes directrices, d’une part, énoncent des règles de conduite dont la Commission ne saurait se départir sous peine de se voir sanctionner au titre d’une violation des principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement et la protection de la confiance légitime, et, d’autre part, assurent la sécurité juridique des entreprises concernées en déterminant la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003.

Par ailleurs, l’adoption par la Commission desdites lignes directrices puis des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 1/2003, dans la mesure où elle s’est inscrite dans le cadre légal imposé par l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et par l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, a uniquement contribué à préciser les limites de l’exercice du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant déjà de ces dispositions, sans qu’il puisse en être déduit une insuffisance initiale de la détermination par le législateur de l'Union des limites de la compétence de la Commission dans le domaine en cause.

Quatrièmement, en vertu de l’article 229 CE et de l’article 31 du règlement nº 1/2003, le juge de l'Union statue avec une compétence de pleine juridiction sur les recours intentés à l’encontre des décisions de la Commission fixant une amende et peut ainsi tant annuler ces dernières que supprimer, réduire ou majorer l’amende infligée. De ce fait, la pratique administrative connue et accessible de la Commission est soumise à l’entier contrôle du juge de l’Union. Ce contrôle a permis, par une jurisprudence constante et publiée, de préciser les notions indéterminées que pouvait contenir l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17, puis l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003. Ainsi, un opérateur avisé peut, en s’entourant au besoin d’un conseil juridique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l’ordre de grandeur des amendes qu’il encourt pour un comportement donné. Le fait que cet opérateur ne puisse, à l’avance, connaître avec précision le niveau des amendes que la Commission infligera dans chaque espèce ne saurait constituer une violation du principe de légalité des peines.

(cf. points 101-102, 105-108)

9. En matière d’augmentation du niveau des amendes à la suite de l’adoption des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, la Commission peut adapter à tout moment le niveau des amendes si l’application efficace des règles de la concurrence de l'Union l’exige, une telle altération d’une pratique administrative pouvant alors être considérée comme objectivement justifiée par l’objectif de prévention générale des infractions aux règles de la concurrence de l'Union. L’augmentation du niveau des amendes ne saurait donc, en soi, être considérée comme illégale au regard du principe de légalité des peines, dès lors qu’elle reste dans le cadre légal défini par l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et par l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003.

(cf. point 112)

10. En matière de compétence de la Commission pour imposer des amendes pour infractions aux règles de la concurrence de l'Union, le pouvoir d’infliger de telles amendes ne saurait être considéré comme appartenant originairement au Conseil, qui l’aurait transféré ou en aurait délégué l’exécution à la Commission, au sens de l’article 202, troisième tiret, CE. Conformément aux dispositions des articles 81 CE, 82 CE, 83, paragraphes 1 et 2, sous a) et d), CE et 202, troisième tiret, CE, ce pouvoir relève du rôle propre dévolu à la Commission de veiller à l’application du droit de l'Union, ce rôle ayant été précisé, encadré et formalisé, s’agissant de l’application des articles 81 CE et 82 CE, par les règlements nº 17 et nº 1/2003. Le pouvoir d’infliger des amendes que ces règlements attribuent à la Commission découle donc des prévisions du traité lui-même et vise à permettre l’application effective des interdictions prévues auxdits articles.

(cf. point 115)

11. Le principe de non-rétroactivité des lois pénales, consacré à l'article 7 de la convention européenne des droits de l'homme, constitue un principe général du droit de l'Union dont le respect s'impose lorsque des amendes sont infligées pour infraction aux règles de la concurrence, et exige que les sanctions prononcées correspondent à celles qui étaient fixées à l'époque où l'infraction a été commise. L’adoption de lignes directrices susceptibles de modifier la politique générale de concurrence de la Commission en matière d’amendes peut, en principe, relever du champ d’application du principe de non-rétroactivité.

En ce qui concerne le respect du principe de non-rétroactivité par les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, l'augmentation du niveau des amendes demeure dans le cadre légal fixé par l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, en ce que les lignes directrices prévoient expressément, en leur point 5, sous a), que les amendes imposées ne peuvent en aucun cas dépasser le plafond de 10 % du chiffre d’affaires prévu par lesdites dispositions.

La principale innovation desdites lignes directrices consiste à prendre comme point de départ du calcul un montant de base, déterminé à partir de fourchettes prévues à cet égard, ces fourchettes reflétant les différents degrés de gravité des infractions, mais n’ayant, comme telles, pas de rapport avec le chiffre d’affaires pertinent. Cette méthode repose ainsi essentiellement sur une tarification, quoique relative et souple, des amendes.

Le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées par les règlements nº 17 et nº 1/2003, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de la concurrence de l'Union. Au contraire, l’application efficace des règles de la concurrence exige que la Commission puisse à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique.

Il en découle que les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières. Par conséquent, lesdites entreprises doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d’élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé.

Dans ces conditions, lesdites lignes directrices ne violent pas le principe de non-rétroactivité en ce qu’elles auraient conduit à l’imposition d’amendes plus élevées que celles imposées dans le passé ou que les limites de la prévisibilité auraient été dépassées. Les lignes directrices et, en particulier, la nouvelle méthode de calcul des amendes qu’elles comportent, à supposer que cette dernière ait eu un effet aggravant quant au niveau des amendes infligées, étaient en effet raisonnablement prévisibles.

(cf. points 118-119, 123-128, 133)

12. La Commission a publié les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA et y a énoncé la méthode de calcul qu’elle s’est imposée dans chaque cas d’espèce dans un souci de transparence et afin d'accroître la sécurité juridique des entreprises concernées. En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait s'en départir sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement et la protection de la confiance légitime. Les lignes directrices déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises. D’autre part, un opérateur avisé peut, en s’entourant au besoin d’un conseil juridique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l’ordre de grandeur des amendes qu’il encourt pour un comportement donné. Certes, un opérateur ne peut pas prévoir, au vu de ces lignes directrices, le montant précis de l’amende que la Commission infligera dans chaque cas d’espèce. Toutefois, en raison de la gravité des infractions que la Commission est appelée à sanctionner, les objectifs de répression et de dissuasion justifient d’éviter que les entreprises soient en mesure d’évaluer les bénéfices qu’elles retireraient de leur participation à une infraction en tenant compte, par avance, du montant de l’amende qui leur serait infligée en raison de ce comportement illicite

(cf. points 135-136, 201-202)

13. Ne viole ni le principe de non-rétroactvité ni celui de protection de la confiance légitime la prise en compte, lors de la détermination du montant d'amendes infligées pour infraction aux règles de la concurrence de l'Union, de la communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes. En effet, de ces deux principes, le premier ne s'oppose pas à l'application de lignes directrices ayant, par hypothèse, un effet aggravant quant au niveau des amendes à condition que la politique qu'elles mettent en œuvre soit raisonnablement prévisible. Quant au second, les opérateurs économiques ne sauraient placer leur confiance légitime dans le maintien d'une situation existante qui peut être modifiée par les institutions dans le cadre de leur pouvoir d’appréciation.

(cf. points 143-144)

14. S'il est vrai que, au titre des principes généraux du droit de l'Union, dont les droits fondamentaux font partie intégrante et à la lumière desquels tous les textes du droit de l'Union doivent être interprétés, les entreprises ont le droit de ne pas être contraintes par la Commission d’avouer leur participation à une infraction aux règles de concurrence, cette dernière n’est pas pour autant empêchée de tenir compte, dans la fixation du montant de l’amende, de l’aide qu'une entreprise, de son propre gré, lui a fournie aux fins d’établir l’existence de l’infraction. À cet égard, la coopération au titre de la communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes revêt un caractère purement volontaire de la part de l’entreprise concernée. Celle-ci n’est en effet en aucune manière contrainte de fournir des éléments de preuve concernant l’entente présumée. Le degré de coopération que l’entreprise souhaite offrir au cours de la procédure administrative relève donc exclusivement de son libre choix et n'est, en aucun cas, imposé par la communication sur la coopération. En outre, aucune disposition de cette communication n’exige de l’entreprise concernée qu’elle s’abstienne de contester ou de corriger des faits erronés présentés par une autre entreprise.

Cette communication ne méconnaît pas non plus le principe in dubio pro reo ou le principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la convention européenne des droits de l'homme, qui fait également partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence de la Cour, par ailleurs réaffirmée par l’article 6, paragraphe 2, UE, ainsi que par l’article 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, sont reconnus dans l’ordre juridique de l'Union. En effet, la coopération au titre de cette communication, d'une part, revêt un caractère purement volontaire de la part de l’entreprise concernée et n'implique aucune obligation pour l'entreprise de fournir des éléments de preuve, et, d'autre part, n'affecte pas l'obligation incombant à la Commission, qui a la charge de la preuve des infractions qu’elle constate, d’avancer des éléments de preuve propres à établir, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs de l’infraction. À cette fin, la Commission peut se fonder, sans violer le principe de la présomption d’innocence, non seulement sur des documents qu’elle a recueillis à l’occasion d’inspections au titre des règlements nº 17 et nº 1/2003 ou qu’elle a reçus en réponse à des demandes de renseignements au titre desdits règlements, mais également sur des éléments de preuve qu’une entreprise lui a volontairement soumis au titre de cette communication.

La communication sur la coopération ne méconnaît pas davantage le principe de proportionnalité. Cette communication apparaît comme un instrument approprié et indispensable pour établir l’existence des ententes horizontales secrètes et, partant, orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence. En effet, même si les instruments prévus aux articles 18 à 21 du règlement nº 1/2003, à savoir les demandes de renseignements et les inspections, constituent des mesures indispensables dans le cadre de la poursuite d’infractions au droit de la concurrence, les ententes secrètes sont souvent difficiles à détecter et à instruire sans la coopération des entreprises concernées. Ainsi, une partie à une entente souhaitant mettre fin à sa participation peut être dissuadée d’en informer la Commission en raison de l’amende élevée qu’elle risque de se voir infliger. En prévoyant l’octroi d’une immunité d’amendes ou d’une réduction d’amende significative aux entreprises fournissant à la Commission des éléments de preuve de l’existence d’une entente horizontale, la communication sur la coopération tend à éviter qu’une telle partie ne renonce à informer la Commission de l’existence d’une entente.

Enfin, c’est sans outrepasser les pouvoirs qu’elle tire du règlement nº 1/2003 que la Commission s’est dotée de règles de conduite dans la communication sur la coopération destinées à la guider dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en matière de fixation des amendes, aux fins de tenir compte notamment du comportement des entreprises au cours de la procédure administrative et ainsi de mieux garantir l’égalité de traitement entre les entreprises concernées. En effet, la Commission a la faculté, mais non l’obligation, d’imposer une amende à une entreprise auteur d’une violation de l’article 81 CE. En outre, l'article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 1/2003 n’énumère pas de manière limitative les critères dont la Commission peut tenir compte pour fixer le montant de l’amende. Le comportement de l’entreprise au cours de la procédure administrative peut donc faire partie des éléments dont il y a lieu de tenir compte lors de cette fixation.

(cf. points 149-150, 153, 155, 160, 162-163, 168-169, 171, 174-176)

15. Les compétences de la Communauté doivent être exercées dans le respect du droit international. Le droit de propriété est protégé non seulement par le droit international, mais fait partie également des principes généraux du droit de l'Union. Toutefois, la primauté du droit international sur le droit de l'Union ne s’étend pas au droit primaire et, en particulier, aux principes généraux dont font partie les droits fondamentaux. À cet égard, le droit de propriété n'apparaît pas comme une prérogative absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage du droit de propriété, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti. Étant donné que l’application des articles 81 CE et 82 CE constitue un des aspects de l’intérêt public communautaire, des restrictions peuvent être apportées, en application de ces articles, à l’usage du droit de propriété, à condition qu’elles ne soient pas démesurées et ne portent pas atteinte à la substance même de ce droit.

(cf. points 187-190)

16. Si les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre, dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement. En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu'elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s'autolimite dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d'une violation de principes généraux du droit, tels que l'égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime. En outre, lesdites lignes directrices déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s'est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes et assure, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises.

(cf. points 200-202)

17. La gravité des infractions au droit de la concurrence de l'Union doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte.

Conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, la Commission doit, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’infraction, procéder à un examen de l’impact concret sur le marché uniquement lorsqu’il apparaît que cet impact est mesurable. Pour apprécier cet impact, il appartient à la Commission de se référer au jeu de la concurrence qui aurait normalement existé en l’absence d’infraction. Ainsi, dès lors que les requérantes ne démontrent pas que l'impact concret des ententes aurait été mesurable, la Commission n'est pas obligée de tenir compte de l'impact concret des infractions aux fins de l'appréciation de leur gravité. L’effet d’une pratique anticoncurrentielle n’est, en effet, pas un critère déterminant dans l’appréciation de la gravité d’une infraction. Des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent avoir plus d’importance que ceux relatifs auxdits effets, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions intrinsèquement graves telles que la répartition des marchés. C’est ainsi que la nature de l’infraction joue un rôle primordial, notamment, pour caractériser les infractions de « très graves ». Il résulte de la description des infractions très graves par lesdites lignes directrices que des accords ou des pratiques concertées visant notamment à la répartition des marchés peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de « très graves », sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particuliers et sans que l’absence de prise en considération de l’impact concret des infractions ne puisse engendrer une violation du principe de la présomption d’innocence.

Dans ces conditions, indépendamment de la structure prétendument variée des ententes, par leur nature même, les infractions aux règles de la concurrence constatées dans une décision de la Commission figurent parmi les violations les plus graves de l’article 81 CE dès lors qu’elles ont pour objet une collusion secrète entre concurrents pour se partager les marchés ou geler les parts de marché en se rép artissant les projets de vente et d’installation d’ascenseurs et/ou d’escaliers mécaniques neufs, et pour ne pas se faire concurrence en ce qui concerne l’entretien et la modernisation d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques. Outre la grave altération du jeu de la concurrence qu’elles entraînent, ces ententes, en ce qu’elles obligent les parties à respecter des marchés distincts, souvent délimités par les frontières nationales, provoquent l’isolement de ces marchés, contrecarrant ainsi l’objectif principal du traité d’intégration du marché communautaire. Aussi des infractions de ce type, en particulier lorsqu’il s’agit d’ententes horizontales, sont-elles qualifiées de particulièrement graves ou d’infractions patentes.

(cf. points 198, 214-215, 221-223, 234-235, 254)

18. En matière de décisions de la Commission constatant une infraction aux règles de la concurrence de l'Union et imposant des amendes, les exigences de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation sont remplies lorsque, dans sa décision, la Commission indique les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, sans être tenue d’y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende. Dès lors que, dans la décision attaquée, la Commission expose que les montants de départ des amendes ont été déterminés en tenant compte de la nature des infractions et de l’étendue du marché géographique concerné et qu'elle a analysé la gravité des infractions par rapport aux caractéristiques des participants en procédant, pour chaque infraction, à une différenciation des entreprises concernées en fonction de leurs chiffres d’affaires pour les produits faisant l’objet de l’entente dans le pays concerné par l’infraction, les éléments d’appréciation qui ont permis à la Commission de mesurer la gravité des infractions constatées sont suffisamment exposés dans la décision attaquée dans le respect de l'article 253 CE.

(cf. points 203, 240, 243-245)

19. En matière de décisions de la Commission constatant une infraction aux règles de la concurrence de l'Union et imposant des amendes, la taille du marché concerné n’est en principe pas un élément obligatoire, mais uniquement un élément pertinent parmi d’autres pour apprécier la gravité de l’infraction, la Commission n’étant, d’ailleurs, pas obligée de procéder à une délimitation du marché concerné ou à une appréciation de la taille de celui-ci dès lors que l’infraction en cause a un objet anticoncurrentiel. En effet, les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA ne prévoient pas que le montant des amendes est calculé en fonction du chiffre d’affaires global ou du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises sur le marché concerné. Toutefois, elles ne s’opposent pas non plus à ce que de tels chiffres d’affaires soient pris en compte dans la détermination du montant de l’amende afin que soient respectés les principes généraux du droit de l'Union et lorsque les circonstances l’exigent.

Dans ces conditions, ne revêtent pas un caractère excessif des montants de départ d'amendes qui ont été fixés pour une infraction commise au Luxembourg représentant la moitié du seuil minimal qui est normalement prévu par les lignes directrices pour une infraction très grave.

(cf. points 247-248)

20. Dans le cadre du calcul du montant des amendes infligées au titre de l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui incombent à la Commission en vertu de cette disposition. En effet, dans le cadre de sa marge d’appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres aux entreprises concernées afin de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine efficacité des règles de la concurrence de l'Union. Ainsi, selon les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, pour une infraction de gravité donnée, il peut convenir, dans les cas impliquant plusieurs entreprises comme les cartels, de pondérer le montant de départ général pour établir un montant de départ spécifique tenant compte du poids, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature. En particulier, il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs.

Par ailleurs, le droit de l'Union ne contient pas de principe d’application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée à l’importance de l’entreprise sur le marché des produits faisant l’objet de l’infraction.

Enfin, en ce qui concerne l'appréciation de la gravité de l'infraction en fonction du classement des membres d'une entente en catégories, pour vérifier si une telle répartition est conforme aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, le juge de l'Union, dans le cadre de son contrôle de légalité de l’exercice du pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose en la matière, doit se limiter à contrôler que cette répartition est cohérente et objectivement justifiée. En outre, selon les lignes directrices pour le calcul des amendes susmentionnées, le principe d’égalité de sanction pour un même comportement peut conduire à l’application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation obéisse à un calcul arithmétique.

(cf. points 255-258, 263, 265)

21. Une circonstance atténuante ne peut être accordée au titre du point 3, troisième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA dans le cas où l’infraction a déjà pris fin avant la date des premières interventions de la Commission. Il ne peut logiquement être question d’une circonstance atténuante, au sens de ladite disposition, que si les entreprises en cause ont été incitées à arrêter leurs comportements anticoncurrentiels par les interventions de la Commission. La finalité de cette disposition est d’encourager les entreprises à cesser leurs comportements anticoncurrentiels immédiatement lorsque la Commission entame une enquête à cet égard, de sorte qu’une réduction d’amende à ce titre ne saurait être appliquée dans le cas où l’infraction a déjà pris fin avant la date des premières interventions de la Commission. En effet, l’application d’une réduction dans de telles circonstances ferait double emploi avec la prise en compte de la durée des infractions pour calculer le montant des amendes.

(cf. point 274)

22. L’adoption, par une entreprise ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, d’un programme de mise en conformité n’oblige pas la Commission à octroyer une réduction de l’amende en raison de cette circonstance. En outre, s’il est certes important qu’une entreprise prenne des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit de la concurrence de l'Union soient commises à l’avenir par des membres de son personnel, la prise de telles mesures ne change rien à la réalité de l’infraction constatée. La Commission n’est donc pas tenue de retenir un tel élément comme circonstance atténuante, d’autant plus lorsque les infractions constatées dans la décision attaquée constituent une violation manifeste de l’article 81 CE.

(cf. point 282)

23. La communication sur l'immunité d'amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes constitue un instrument destiné à préciser, dans le respect du droit de rang supérieur, les critères que la Commission compte appliquer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation dans la fixation des amendes infligées pour infraction aux règles de la concurrence de l'Union. Il en résulte une autolimitation de ce pouvoir qui n'est toutefois pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission.

Ainsi, la Commission bénéficie d’une large marge d’appréciation lorsqu’elle est appelée à évaluer si des éléments de preuve fournis par une entreprise ayant exprimé son souhait de bénéficier de la communication sur la coopération apportent une valeur ajoutée significative au sens du point 21 de ladite communication.

De même, la Commission, après avoir constaté que des éléments de preuve présentent une valeur ajoutée significative au sens du point 21 de la communication sur la coopération, dispose d’une marge d’appréciation lorsqu’elle est appelée à déterminer le niveau exact de la réduction du montant de l’amende à accorder à l’entreprise concernée. En effet, le point 23, sous b), premier alinéa, de la communication sur la coopération prévoit des fourchettes pour la réduction du montant de l’amende pour les différentes catégories d’entreprises visées. Eu égard à ladite marge d’appréciation, seul un excès manifeste de cette marge est susceptible d’être censuré par le juge de l'Union.

Dans ces conditions, la Commission n'excède pas manifestement sa marge d'appréciation lorsqu'elle considère comme n'ayant pas une valeur ajoutée significative une déclaration se limitant à corroborer, dans une certaine mesure, une déclaration dont la Commission disposait déjà, dès lors qu'une telle déclaration ne facilite pas la tâche de cette dernière de manière significative et est, partant, insuffisante pour justifier une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération.

(cf. points 295-296, 298-300, 309, 311)

24. Dans le cadre de l'appréciation de la coopération fournie par les membres d’une entente lors de la procédure administrative, la Commission ne saurait méconnaître le principe d’égalité de traitement. En effet, dès lors que les situations des différentes entreprises, sanctionnées par une amende pour infraction aux règles de la concurrence de l'Union, ne sont pas comparables, c’est sans commettre une violation du principe d’égalité de traitement que la Commission octroie à certaines entreprises, selon la valeur ajoutée de leur coopération respective, des réductions du montant des amendes et refuse à une autre entreprise le bénéfice d’une telle réduction au titre de la communication sur l'immunité d'amende et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes. À cet égard, l’appréciation de la valeur ajoutée d’une coopération s’effectue en fonction des éléments de preuve déjà en la possession de la Commission. Ainsi, lorsqu'une entreprise fournit des éléments de preuve qui ne sont pas déterminants pour établir l'existence d'une entente mais qui renforcent tout simplement la capacité de la Commission à établir l'infraction en corroborant les éléments de preuve déjà en sa possession, ou lorsqu'une telle entreprise ne communique à la Commission les éléments de preuve ayant une valeur ajoutée significative que plusieurs mois après les communications d'autres entreprises et ne communique pas en tout cas des preuves documentaires contemporaines, c'est sans excéder de manière manifeste sa marge d'appréciation que la Commission fixe la réduction du montant de l'amende pour une telle entreprise à un pourcentage très faible.

(cf. points 313, 315, 319, 335-336, 344, 347)

25. En ce qui concerne le respect du principe de proportionnalité dans le cadre de la détermination du montant des amendes pour infraction aux règles de la concurrence de l'Union, de telles amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux buts visés, c’est-à-dire par rapport au respect des règles de concurrence, et le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci. En outre, dans la détermination du montant des amendes, la Commission est fondée à prendre en considération la nécessité de garantir à celles-ci un effet suffisamment dissuasif.

À cet égard, premièrement, des ententes consistant principalement en une collusion secrète entre concurrents pour se partager les marchés ou geler les parts de marché en se répartissant les projets de vente et d’installation d’ascenseurs et/ou d’escaliers mécaniques neufs, et pour ne pas se faire concurrence en ce qui concerne l’entretien et la modernisation d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques, constituent des infractions figurant, par leur nature même, parmi les violations les plus graves de l’article 81 CE.

Deuxièmement, la Commission, lors du calcul du montant des amendes, peut prendre en considération, notamment, la taille et la puissance économique de l’unité économique agissant en qualité d’entreprise au sens de l’article 81 CE. Toutefois, l’entreprise pertinente à prendre en considération ne correspond pas à chaque filiale ayant participé à l'infraction, mais à la société mère et à ses filiales. Troisièmement, s’agissant de la proportionnalité des amendes par rapport à la taille et à la puissance économique des unités économiques concernées, la Commission est liée par le plafond de 10 % visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement nº 1/2003, lequel a pour objectif d’éviter que les amendes soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise. Or, un montant total d'amendes représentant environ 2 % du chiffre d’affaires consolidé de l'entreprise concernée au cours de l’exercice social précédent l’adoption de la décision attaquée ne saurait être considéré comme disproportionné par rapport à la taille de cette entreprise.

(cf. points 367-370)