ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)
8 octobre 2008
Affaire F-44/07
Florence Barbin
contre
Parlement européen
« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Procédure d’attribution des points de mérite au Parlement européen – Illégalité des instructions régissant cette procédure – Examen comparatif des mérites »
Objet : Recours, introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA, par lequel Mme Barbin demande l’annulation de la décision du Parlement européen, du 16 octobre 2006, lui attribuant un seul point de mérite au titre de l’exercice 2005.
Décision : Le recours est rejeté. Chaque partie supporte ses propres dépens.
Sommaire
1. Fonctionnaires – Promotion – Examen comparatif des mérites
(Statut des fonctionnaires, art. 43 et 45)
2. Exception d’illégalité – Portée – Actes dont l’illégalité peut être excipée
(Art. 241 CE)
1. L’examen comparatif des mérites en vue de l’attribution, à un fonctionnaire, de points de mérite ne peut être mené qu’au sein de sa direction générale d’affectation, au vu du nombre limité de points de mérite disponibles par direction générale et compte tenu du fait que chaque fonctionnaire d’une direction ou d’un service ayant vocation à la promotion concourt avec tous les autres fonctionnaires de sa direction ou de son service pour un nombre limité de points de mérite. La direction générale désignée pour attribuer les points de mérite est celle où le fonctionnaire a passé la plus longue période d’affectation au cours de l’année de référence.
(voir points 44 et 45)
Référence à :
Tribunal de première instance : 8 mars 2006, Lantzoni/Cour de justice, T‑289/04, RecFP p. I‑A‑2‑39 et II‑A‑2‑171, points 68 et 69 ; 27 septembre 2006, Lantzoni/Cour de justice, T‑156/05, RecFP p. I‑A‑2‑189 et II‑A‑2‑969, points 52 et 53
2. La portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. L’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question.
(voir point 61)
Référence à :
Cour : 31 mars 1965, Macchiorlati Dalmas/Haute Autorité, 21/64, Rec. p. 227, 245 ; 13 juillet 1966, Italie/Conseil et Commission, 32/65, Rec. p. 563, 594
Tribunal de première instance : 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, Rec. p. II‑1047, point 57 ; 3 février 2000, Townsend/Commission, T‑60/99, RecFP p. I‑A‑11 et II‑45, point 53
Tribunal de la fonction publique : 28 juin 2006, Sanchez Ferriz/Commission, F‑19/05, RecFP p. I‑A‑1‑41 et II‑A‑1‑135, point 57
ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
8 octobre 2008 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Procédure d’attribution des points de mérite au Parlement européen – Illégalité des instructions régissant cette procédure – Examen comparatif des mérites »
Dans l’affaire F‑44/07,
ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,
Florence Barbin, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté initialement par Mmes A. Lukošiūtė et R. Ignătescu, en qualité d’agents, puis par Mmes C. Burgos, A. Lukošiūtė et R. Ignătescu, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de M. P. Mahoney, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Tagaras, juges,
greffier : M. R. Schiano, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 avril 2008,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 14 mai 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 15 mai suivant), Mme Barbin demande l’annulation de la décision du 16 octobre 2006 par laquelle le Parlement européen lui a attribué un seul point de mérite au titre de l’exercice 2005.
Cadre juridique
2 L’article 5, paragraphe 5, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :
« Les fonctionnaires appartenant au même groupe de fonctions sont soumis à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière. »
3 L’article 43 du statut dispose :
« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution conformément à l’article 110. […] »
4 L’article 45, paragraphe 1, du statut dispose :
« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f) et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »
5 Par décision du 6 juillet 2005, le Parlement a adopté des dispositions générales d’exécution relatives à la mise en œuvre de l’article 43 du statut, de l’article 15, paragraphe 2, et de l’article 87, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents (ci-après les « DGE »).
6 Selon l’article 1er, paragraphes 1 et 2, des DGE, les fonctionnaires font l’objet d’un rapport de notation établi chaque année.
7 Aux termes de l’article 16, paragraphe 3, des DGE, « [l]a procédure d’attribution des points de mérite ainsi que les voies de recours du fonctionnaire contre l’attribution des points de mérite sont définies dans la décision du [b]ureau du 6 juillet 2005 relative à la politique de promotion et de programmation des carrières et dans les mesures d’application relatives à l’attribution des points de mérite et à la promotion arrêtées par le [s]ecrétaire général ».
8 Le 13 février 2006, le bureau du Parlement a abrogé la décision relative à la politique de promotion et de programmation des carrières du 6 juillet 2005, et a adopté une nouvelle décision relative à la politique de promotion et de programmation des carrières (ci-après la « décision relative à la promotion »).
9 Le point I.3, intitulé « Évaluation du mérite », de la décision relative à la promotion, est ainsi libellé :
« I.3.1 Le mérite du fonctionnaire/agent est évalué chaque année. Le rapport de notation constituant l’élément fondamental d’appréciation du mérite, il est impératif que le niveau annuel des points de mérite du noté soit en cohérence avec la notation obtenue pendant l’année de référence […]
Comme principe de base, chaque directeur général/responsable d’unité autonome reçoit un nombre total de points égal au nombre des fonctionnaires/agents, promouvables ou non, ayant au moins trois mois de service dans une institution européenne ou un organisme communautaire pendant l’année de référence multiplié par 2,1 […]. Le total obtenu est, le cas échéant, arrondi selon le principe mathématique. Le [s]ecrétaire général détient une réserve de points de mérite à laquelle il peut être fait appel afin notamment de corriger les distorsions dues au nombre restreint de fonctionnaires/agents dans un grade donné.
Tout fonctionnaire/agent visé au point I.3.5 ci-dessous qui est jugé méritant reçoit des points de mérite dans une fourchette de 1 à 3 points, étant entendu que le fonctionnaire non méritant ne reçoit pas de points.
[…] »
10 Le 10 mai 2006, le secrétaire général a adopté les mesures d’application relatives à l’attribution des points de mérite et à la promotion (ci-après les « mesures d’application »).
11 Le point I.2, sous a), des mesures d’application, intitulé « Points de mérite distribués aux entités fonctionnelles », est ainsi libellé :
« Chaque entité fonctionnelle [direction générale ou unité administrative autonome qui n’est pas constituée en direction générale] reçoit pour son effectif concerné par l’attribution de points, à l’exception des cas cités [sous] b) ci-dessous,
– un nombre de points égal au nombre des fonctionnaires/agents promouvables ou non, ayant au moins 3 mois de service […] dans une institution européenne ou un organisme communautaire pendant l’année de référence multiplié par 2,1, le total obtenu étant, le cas échéant, arrondi selon le principe mathématique,
– un nombre total de points égal au nombre des fonctionnaires/agents, ayant moins de 3 mois de service dans une institution européenne ou un organisme communautaire (cf. articles 1er bis et 1er ter du statut) pendant l’année de référence.
[…] »
12 Le point I.2, sous c), des mesures d’application, intitulé « Réserve du [s]ecrétaire général », est ainsi libellé :
« Le [s]ecrétaire général dispose d’une réserve de troisièmes points dont l’octroi est strictement limité,
– pour un grade donné dans un groupe de fonctions au sein d’une entité fonctionnelle, à un seul fonctionnaire, pour autant que le nombre de fonctionnaires du grade concerné soit égal ou inférieur à sept ;
– aux fonctionnaires détachés ou mis à disposition auprès d’une instance, dont le travail est difficilement comparable avec celui d’autres fonctionnaires. »
13 Aux termes du point I.3 des mesures d’application intitulé « Procédure d’attribution des points de mérite aux fonctionnaires/agents au sein des entités fonctionnelles […] » :
« a) Désignation de l’entité fonctionnelle compétente
L’entité fonctionnelle désignée pour attribuer les points de mérite est celle où le fonctionnaire/l’agent a passé la plus longue période d’affectation au cours de l’année de référence. En cas d’égalité entre les périodes, l’entité fonctionnelle de la dernière affectation attribuera les points de mérite.
b) Mission du collège des notateurs
Les points de mérite sont attribués par chaque responsable d’entité fonctionnelle lors d’une réunion du collège des notateurs de l’entité. Le collège peut entendre les autres supérieurs hiérarchiques qui ont contribué à l’élaboration de la notation annuelle des fonctionnaires/agents de l’entité. Il assure la cohérence entre l’évaluation résultant du dernier exercice de notation et les points de mérite.
L’attribution des points s’effectue grade par grade au sein de chaque catégorie/groupe de fonctions en respectant le régime statutaire et sur la base d’un examen comparatif des mérites, selon le processus suivant :
– identification des fonctionnaires/agents non méritants qui ne reçoivent aucun point ;
– attribution d’office d’un point aux autres fonctionnaires/agents et de deux points à ceux qui sont davantage méritants ;
– attribution d’un troisième point, selon la disponibilité, aux fonctionnaires dont le mérite le justifie. Le collège des notateurs doit s’efforcer de ne pas privilégier une catégorie/groupe de fonctions par rapport à une autre et de respecter le principe d’égalité des chances entre hommes et femmes ;
– établissement de la liste d’éventuelles demandes de recours à la réserve du [s]ecrétaire général ;
[…] »
14 En vertu du point I.4 des mesures d’application intitulé « Information et voies de recours du fonctionnaire/agent avant la décision définitive d’attribution des points de mérite » :
« Proposition d’attribution de points de mérite par le responsable de l’entité fonctionnelle
Chaque fonctionnaire/agent reçoit du secrétariat central de son entité fonctionnelle, par courrier papier ou électronique, une invitation à venir retirer en mains propres dans les cinq jours ouvrables, contre signature d’un accusé de réception, la proposition d’attribution de points de mérite qui le concerne. Passé ce délai, le secrétariat central envoie la proposition au domicile du fonctionnaire/de l'agent sous pli recommandé avec accusé de réception.
Sur la fiche contenant la proposition figurent le nombre de points pour l’année de référence ainsi que les modalités et le délai de saisine du [c]omité des rapports [...]
Saisine du [c]omité des [r]apports
Pour le cas où le fonctionnaire/l'agent serait en désaccord avec la proposition, s’il le souhaite, il peut en saisir le [c]omité des rapports. Cette voie de recours doit s’exercer préalablement à l’éventuelle introduction d’une réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut.
[…] »
15 Le point I.5 des mesures d’application, intitulé « Rôle du [c]omité des rapports dans le cadre de l’exercice annuel d’attribution des points de mérite », dispose :
« Le [c]omité des rapports est appelé à rendre son avis sur :
– chaque recours individuel dont il est saisi ;
– les points attribués au [p]résident du [c]omité du personnel.
Le [c]omité informe le responsable de l’entité fonctionnelle concernée chaque fois qu’il est saisi d’un recours individuel.
Il rend ses avis sur les recours individuels dans un délai d’un mois à compter de la date de la saisine et les communique aux intéressés, aux responsables d’entité fonctionnelle concernés et au [d]irecteur général du [p]ersonnel. Ces avis indiquent en conclusion si le recours est fondé ou non.
[…] »
16 Enfin, le point I.6 des mesures d’application, intitulé « Décision définitive d’attribution des points de mérite », prévoit :
« La décision définitive d’attribution des points est prise par le responsable de l’entité fonctionnelle à la lumière des avis du [c]omité des rapports sur les recours individuels introduits par le personnel de son entité et après décision du [s]ecrétaire général concernant les points de sa réserve. Toute décision s’écartant de l’avis du [c]omité des rapports doit être motivée.
La décision définitive, le cas échéant motivée, est communiquée au fonctionnaire/à l’agent selon la procédure décrite au premier alinéa du point I.4 ci-dessus.
Sur la fiche contenant la décision figurent l’historique des points, le nombre définitif de points pour l’année de référence, le nouveau total de points, les modalités de réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, pour le cas où le fonctionnaire/l’agent serait en désaccord avec la décision […], ainsi que, le cas échéant, la motivation.
[…] »
Faits à l’origine du litige
17 La requérante a été employée par la Cour des comptes des Communautés européennes en qualité de fonctionnaire stagiaire à compter du 1er octobre 1994.
18 Par décision du 26 juin 1995, la requérante a été titularisée dans son emploi à compter du 1er juillet 1995.
19 Par décision du 19 mars 2001, la requérante a été promue au grade A 5 (renommé AD 11 à partir du 1er mai 2006) à compter du 1er avril 2001.
20 Par décision en date du 18 juillet 2003, la requérante a été transférée au Parlement.
21 Au cours de l’année 2004, la requérante s’est vue attribuer les fonctions de chef du service « Budget et finances » au sein de la direction des technologies et de l’information de la direction générale (DG) « Présidence ». À compter du 1er octobre 2005, elle a été affectée à l’unité « Planification et gestion financière » de la DG « Infrastructures et interprétation ».
22 Le 30 mars 2006, le rapport de notation de la requérante pour l’exercice 2005 a été établi par le premier notateur, lequel était le chef d’unité de la requérante lorsqu’elle travaillait à la DG « Présidence ».
23 Le 20 juin 2006, le directeur général de la DG « Présidence » a signé la proposition d’attribution des points de mérite relative à l’exercice 2005 pour les fonctionnaires de sa direction générale. Il était proposé d’attribuer un point de mérite à la requérante.
24 Le 30 juin 2006, la requérante a saisi le comité des rapports pour contester la proposition du directeur général de ne lui attribuer qu’un point de mérite.
25 Le 6 septembre 2006, le comité des rapports a rendu son avis. Ayant procédé à la comparaison du rapport de notation de la requérante pour l’exercice 2005, non seulement avec son rapport de notation pour l’exercice 2004 mais aussi avec le rapport de notation d’un de ses collègues, ayant le même grade, exerçant des fonctions comparables à la DG « Présidence » et ayant reçu deux points de mérites, le comité des rapports a constaté « d’une part que le rapport de notation 2005 [était] dans son ensemble plus positif que celui de l’exercice précédent, et, d’autre part, qu’il [était] d’un niveau équivalent à celui de son collègue ayant fait l’objet de la comparaison ». Pour ce motif, le comité des rapports a conclu que « l’attribution de deux points de mérite serait justifiée ».
26 Par un document daté du 16 octobre 2006, le directeur général de la DG « Présidence » a confirmé l’attribution d’un seul point de mérite à la requérante (ci-après la « décision d’attribution des points de mérite »). Dans ce document, le directeur général mentionnait notamment :
« Tout en me félicitant que Mme Barbin[…] ait pu bénéficier d’un changement de [direction générale], je considère que les appréciations de ses nouveaux supérieurs relatives aux trois derniers mois de l’année ne peuvent pas justifier un changement d’attribution de points. Je confirme donc l’attribution d’un point de mérite pour l’exercice 2005. »
27 Le 23 novembre 2006, la requérante a introduit une réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la décision d’attribution des points de mérite.
28 Par lettre du 23 février 2007, notifiée le 27 février suivant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté cette réclamation. Cette lettre comportait notamment les précisions suivantes :
« Votre rapport de notation pour l’exercice 2005 montre le bon niveau de vos compétences professionnelles.
Toutefois, j’ai relevé des commentaires légèrement négatifs de la part de votre premier notateur.
En outre, j’ai procédé à la comparaison de votre rapport de notation avec ceux de vos collègues de votre [d]irection générale], du même grade, ayant obtenu deux points de mérite. Tout en tenant compte de vos responsabilités professionnelles, j’ai constaté que les rapports de ces collègues étaient de haut niveau, sans commentaire négatif […] »
Conclusions et procédure
29 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– dire pour droit que le point I.2, sous c), des mesures d’application est illégal ;
– annuler la décision d’attribution des points de mérite ;
– condamner le Parlement aux dépens.
30 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer irrecevable l’exception d’illégalité dirigée contre le point I.2, sous c), des mesures d’application ;
– rejeter le recours comme non fondé ;
– statuer sur les dépens comme de droit.
31 Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 12 mars 2008, les affaires F‑44/07 et F‑81/07, Barbin/Parlement, ont été jointes aux fins de la procédure orale.
En droit
1. Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision d’attribution des points de mérite
32 À l’appui de ses conclusions, la requérante soulève trois moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’obligation de motivation, deuxièmement, de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation des articles 5 et 45 du statut, ainsi que des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, et troisièmement, de l’illégalité du point I.2, sous c), des mesures d’application.
Sur la violation de l’obligation de motivation
Arguments des parties
33 La requérante soutient que le Parlement a méconnu l’obligation de motivation qui lui incombait en vertu, en particulier, du point I.6 des mesures d’application, selon lequel la décision du directeur général relative à l’attribution des points de mérite doit être motivée, lorsque le directeur général s’écarte de l’avis du comité des rapports.
34 En défense, le Parlement conclut au rejet du moyen, en faisant valoir que la motivation contenue dans la décision d’attribution des points de mérite ainsi que dans la réponse à la réclamation satisferait aux exigences de la jurisprudence établie en la matière.
Appréciation du Tribunal
35 Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’obligation de motivation a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte. Il s’ensuit que l’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit communautaire, auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22, et du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, point 39 ; arrêts du Tribunal de première instance du 20 mars 1991, Pérez-Mínguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 73, et du 18 mars 1997, Picciolo et Caló/Comité des régions, T‑178/95 et T‑179/95, RecFP p. I‑A‑51 et II‑155, point 33).
36 En l’espèce, il est constant que, dans son avis du 6 septembre 2006, le comité des rapports a constaté que l’attribution à la requérante de deux points de mérite serait justifiée. Toutefois, le directeur général de la DG « Présidence » a décidé de ne pas se conformer à cet avis, et de n’accorder à la requérante qu’un point de mérite.
37 Dans la décision d’attribution des points de mérite, le directeur général de la DG « Présidence » a relevé que, en dépit de l’amélioration constatée lors des derniers mois de l’exercice, les prestations de l’intéressée ne justifiaient pas l’attribution d’un deuxième point de mérite.
38 Par suite, il y a lieu d’estimer que le Parlement a exposé de façon suffisamment détaillée les raisons pour lesquelles il n’a pas attribué un deuxième point de mérite à la requérante, satisfaisant ainsi à l’obligation de motivation qui incombait à l’administration. Il peut en être déduit que le Parlement ne partage pas l’opinion du comité des rapports, au motif que les mérites de la requérante n’étaient pas équivalents mais légèrement inférieurs à ceux de tous ses collègues de même grade.
39 Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être écarté comme non fondé.
Sur la violation des articles 5 et 45 du statut, des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, ainsi que sur l’erreur manifeste d’appréciation
40 Le moyen est subdivisé en deux branches. Dans la première branche, la requérante expose que l’AIPN n’aurait pas comparé ses mérites à ceux des autres fonctionnaires, tant au sein de l’institution dans son ensemble qu’au sein de sa nouvelle direction générale d’affectation. Dans la deuxième branche, la requérante fait valoir que l’attribution à son profit d’un deuxième point de mérite aurait été justifiée au regard de l’avis du comité des rapports, lequel a estimé que son rapport de notation était équivalent à celui d’un fonctionnaire ayant obtenu deux points de mérite. Elle ajoute qu’en décidant de ne pas lui attribuer un deuxième point de mérite, l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation et a méconnu les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.
Sur la première branche du moyen, tirée de ce que la DG « Présidence » aurait méconnu son obligation de procéder à une comparaison des mérites de la requérante avec ceux des autres fonctionnaires de même grade de l’institution, et notamment avec ceux des fonctionnaires de la DG « Infrastructures et Interprétation »
– Arguments des parties
41 La requérante fait valoir qu’en procédant uniquement à un examen comparatif des mérites parmi les fonctionnaires de la DG « Présidence », et non parmi l’ensemble des fonctionnaires de même grade de l’institution, et notamment parmi les fonctionnaires de la DG « Infrastructures et Interprétation », à laquelle elle a été affectée trois mois au cours de l’exercice 2005, le directeur général de la DG « Présidence » aurait méconnu les dispositions de l’article 45, paragraphe 1, du statut. Il aurait ainsi également méconnu les dispositions de l’article 5, paragraphe 5, du statut, en ne garantissant pas à tous les fonctionnaires des conditions identiques de déroulement de carrière.
42 En défense, le Parlement soutient que la procédure d’attribution des points de mérite s’effectue strictement dans le cadre de la direction générale, et non dans celui de l’institution. Par suite, il n’y avait pas lieu de procéder à l’examen comparatif des mérites de l’ensemble des fonctionnaires de même grade de l’institution, ni de comparer les mérites de la requérante à ceux des fonctionnaires de la DG « Infrastructures et Interprétation ».
– Appréciation du Tribunal
43 Il convient de relever, s’agissant du dispositif d’attribution des points de mérite au Parlement, que, en vertu du point I.3.1 de la décision relative à la promotion, chaque directeur général reçoit, en fonction de l’effectif de sa direction générale, un nombre limité de points de mérite. S’ajoute à ce quota la réserve de points de mérite détenue par le secrétaire général. Chaque fonctionnaire du Parlement reçoit donc, à l’issue d’un examen comparatif des mérites, un nombre de points de mérite compris entre zéro et trois.
44 Il peut ainsi être déduit des dispositions susmentionnées de la décision relative à la promotion que l’examen comparatif des mérites en vue de l’attribution de points de mérite ne peut être mené qu’au sein de la direction générale, au vu du nombre limité de points de mérite disponibles par direction générale et compte tenu du fait que chaque fonctionnaire d’une direction ou d'un service ayant vocation à la promotion concourt avec tous les autres fonctionnaires de sa direction ou de son service pour un nombre limité de points de mérite (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 8 mars 2006, Lantzoni/Cour de justice, T‑289/04, RecFP p. I‑A‑2‑39 et II‑A‑2‑171, points 68 et 69, ainsi que du 27 septembre 2006, Lantzoni/Cour de justice, T‑156/05, RecFP p. II‑A‑2‑969, points 52 et 53).
45 Quant à l’argument de la requérante, selon lequel il y aurait lieu de comparer ses mérites à ceux des fonctionnaires de même grade de la DG « Infrastructures et Interprétation », il convient de relever qu’en vertu du point I.3, sous a), des mesures d’application, la direction générale désignée pour attribuer les points de mérite est celle où le fonctionnaire a passé la plus longue période d’affectation au cours de l’année de référence.
46 Il faut déduire de telles dispositions que, en l’espèce, la direction générale d’affectation de la requérante pour l’année 2005 était la DG « Présidence », dès lors que la requérante a travaillé neuf mois au cours de l’année 2005 dans cette direction générale, et uniquement trois mois au sein de la DG « Infrastructures et Interprétation ». Or, puisque le directeur général de la DG « Présidence » a reçu le quota de points de mérite relatif à l’effectif comprenant la requérante, il lui incombait, eu égard aux considérations qui précèdent, d’attribuer à la requérante les points de mérite au titre de l’année 2005, après avoir comparé les mérites des fonctionnaires de même grade au sein de ladite direction générale.
47 Dans une telle situation, la requérante n’est pas fondée à soutenir que ses mérites auraient dû être comparés à ceux des fonctionnaires extérieurs à la DG « Présidence ».
48 Il s’ensuit que la première branche du moyen doit être écartée.
Sur la deuxième branche du moyen, tirée de l’erreur manifeste d’appréciation et de l’atteinte aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination
– Arguments des parties
49 La requérante souligne que, selon le comité des rapports, son rapport de notation est d’un niveau équivalent à celui de son collègue du même grade, de la même direction et exerçant des fonctions similaires, qui a obtenu deux points de mérite. La requérante en conclut qu’elle aurait dû recevoir un deuxième point de mérite, et qu’en ne lui attribuant qu’un seul point, le directeur général a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation et a méconnu les principes d’égalité de traitement des fonctionnaires et de non-discrimination.
50 Le Parlement conclut au rejet du moyen, pris dans sa deuxième branche. Il fait valoir que le rapport de notation de la requérante, qui contenait des commentaires légèrement négatifs, est d’une valeur inférieure à ceux des autres fonctionnaires de même grade de la direction, dès lors que ces rapports ne comportaient aucun commentaire négatif, et que, de ce fait, l’attribution d’un deuxième point de mérite à la requérante n’était pas justifiée.
– Appréciation du Tribunal
51 En l’espèce, dans son avis du 6 septembre 2006, le comité des rapports a estimé que le rapport de notation 2005 de la requérante était d’un niveau équivalent à celui d’un de ses collègues ayant obtenu deux points de mérite. L’appréciation à laquelle s’est livrée le comité des rapports se distingue toutefois de celle de l’administration. En effet, le notateur de la requérante a observé, dans le rapport de notation de l’intéressée, que celle-ci privilégiait la qualité du travail sur sa rapidité, qu’elle ne produisait que peu de procédures ou d’instructions générales écrites et, enfin, qu’elle était très attachée à ne pas accepter des responsabilités qui n’étaient pas complètement définies.
52 Compte tenu des commentaires légèrement négatifs que comportait ainsi le rapport de notation de la requérante, l’AIPN a considéré, dans la décision d’attribution des points de mérite puis dans le rejet de la réclamation, que l’attribution d’un deuxième point de mérite n’était pas justifiée.
53 Or, à défaut de recours introduit par la requérante, son rapport de notation 2005 est devenu définitif. Par conséquent, il y a lieu d’estimer que, compte tenu du niveau des performances professionnelles de la requérante, tel qu’il ressort du rapport de notation, le directeur général de la DG « Présidence » n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en ne lui attribuant qu’un seul point de mérite.
54 Par ailleurs, la requérante, en se fondant sur l’avis du comité des rapports, reproche à l’administration d’avoir méconnu le principe d’égalité de traitement. Or, dès lors que, ainsi qu’il vient d’être dit, l’avis du comité des rapports n’est pas déterminant pour apprécier les mérites de la requérante, l’argumentation de cette dernière ne peut qu’être rejetée.
55 Il s’ensuit que la deuxième branche du moyen doit être écartée.
56 Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation des articles 5 et 45 du statut, ainsi que des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination doit être écarté.
Sur l’illégalité du point I.2, sous c), des mesures d’application
Arguments des parties
57 La requérante soulève une exception d’illégalité à l’encontre du point I.2, sous c), des mesures d’application, aux termes desquelles le secrétaire général du Parlement disposerait d’une réserve de troisièmes points dont l’octroi serait limité, d’une part, pour un grade donné dans un groupe de fonctions au sein d’une entité fonctionnelle, à un seul fonctionnaire, pour autant que le nombre de fonctionnaires du grade concerné soit égal ou inférieur à sept, d’autre part, aux fonctionnaires détachés ou mis à disposition auprès d’une autre instance. Selon la requérante, une telle limite ferait obstacle à ce que soient corrigées les éventuelles erreurs commises dans l’attribution initiale des points de mérite. Ainsi, cette limite serait contraire aux dispositions de l’article 45 du statut, selon lesquelles le critère de toute promotion est le mérite, et méconnaîtrait également le principe d’égalité de traitement.
58 En défense, le Parlement constate à titre principal que la réclamation introduite par la requérante n’invoquerait aucunement la prétendue illégalité du point I.2, sous c), des mesures d’application, et ne contiendrait pas non plus le moindre élément dont il aurait pu déduire, même en s’efforçant de l’interpréter dans un esprit d’ouverture, que la requérante entendait invoquer ce moyen.
59 Le Parlement expose par ailleurs qu’il n’existerait aucun lien juridique direct entre la décision d’attribution des points de mérite et les instructions dont la légalité est contestée par voie d’exception, dès lors que les dispositions invoquées par la requérante sont relatives à l’attribution d’un troisième point de mérite, alors que l’intéressée revendique uniquement l’attribution d’un deuxième point.
60 À titre subsidiaire, le Parlement soutient que le moyen doit être écarté comme étant non fondé puisque le secrétaire général peut octroyer un point supplémentaire de mérite s’il estime qu’une réclamation introduite devant lui est fondée.
Appréciation du Tribunal
61 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. L’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Macchiorlati Dalmas/Haute Autorité, 21/64, Rec. p. 227, 245, et du 13 juillet 1966, Italie/Conseil et Commission, 32/65, Rec. p. 563, 594 ; arrêts du Tribunal de première instance du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, Rec. p. II‑1047, point 57, et du 3 février 2000, Townsend/Commission, T‑60/99, RecFP p. I‑A‑11 et II‑45, point 53 ; arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Sanchez Ferriz/Commission, F‑19/05, RecFP p. I‑A‑1‑41 et II‑A‑1‑135, point 57).
62 En l’espèce, la requérante soulève une exception d’illégalité à l’encontre du point I.2, sous c), des mesures d’application, selon lequel le secrétaire général dispose d’une réserve de troisièmes points dont l’octroi est limité à un nombre restreint de fonctionnaires.
63 Toutefois, il peut être déduit du point I.3, sous b), des mesures d’application que seuls les fonctionnaires ayant obtenu deux points de mérite sont éligibles à l’attribution d’un troisième point de mérite de la réserve du secrétaire général.
64 La requérante n’ayant pas obtenu un deuxième point de mérite, elle ne pouvait prétendre à l’attribution d’un troisième point de la réserve du secrétaire général.
65 Il s’ensuit que l’exception d’illégalité soulevée par la requérante vise une disposition qui ne présente aucun lien juridique direct avec la décision d’attribution des points de mérite. Dès lors, elle doit être rejetée comme irrecevable.
66 Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation doivent être rejetées.
2. Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal dise pour droit que le point I.2, sous c), des mesures d’application est illégal
67 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des conclusions qui visent en réalité à faire reconnaître par le Tribunal le bien-fondé de certains des moyens invoqués à l’appui des conclusions en annulation sont irrecevables pour la raison qu’il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut, de faire des déclarations en droit (arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Jaenicke Cendoya/Commission, 108/88, Rec. p. 2711, points 8 et 9 ; arrêts du Tribunal de première instance du 3 mars 1993, Peroulakis/Commission, T‑69/91, Rec. p. II‑185, point 14 ; du 30 novembre 1993, Vienne/Parlement, T‑15/93, Rec. p. II‑1327, point 13, et du 16 mai 2006, Magone/Commission, T‑73/05, RecFP p. II‑A‑2‑485, point 15).
68 Dès lors, les conclusions susmentionnées, qui tendent à ce que le Tribunal dise pour droit que le point I.2, sous c), des mesures d’application est illégal, sont irrecevables et doivent être rejetées.
69 Il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée.
Sur les dépens
70 En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.
71 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Chaque partie supporte ses propres dépens.
Mahoney |
Boruta |
Tagaras |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 octobre 2008.
Le greffier |
Le président |
W. Hakenberg |
P. Mahoney |
Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu
* Langue de procédure : le français.