ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
10 juillet 2008 ( *1 )
Dans l’affaire C-156/07,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Consiglio di Stato (Italie), par décision du 24 octobre 2006, parvenue à la Cour le 21 mars 2007, dans la procédure
Salvatore Aiello e.a.
contre
Comune di Milano e.a.,
en présence de:
Euromilano SpA,
Metropolitana milanese SpA,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, M. J.-C. Bonichot (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,
avocat général: M. J. Mazák,
greffier: M. R. Grass,
la juridiction de renvoi ayant été informée que la Cour se propose de statuer par voie d’ordonnance motivée conformément à l’article 104, paragraphe 3, second alinéa, de son règlement de procédure,
l’avocat général entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 (JO L 73, p. 5, ci-après la «directive 85/337»). |
2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Aiello e.a. au Comune di Milano e.a. à propos de la réalisation d’une route reliant certains quartiers nord de Milan. |
Le cadre juridique
3 |
L’article 1er, paragraphe 2, de la directive 85/337 précise: «Au sens de la présente directive, on entend par: […] autorisation: la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet.» |
4 |
L’article 1er, paragraphe 4, de la directive 85/337 prévoit: «La présente directive ne concerne pas les projets destinés à des fins de défense nationale.» |
5 |
L’article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337 énonce: «La présente directive ne s’applique pas aux projets qui sont adoptés en détail par un acte législatif national spécifique, les objectifs poursuivis par la présente directive, y compris l’objectif de la mise à disposition d’informations, étant atteints à travers la procédure législative.» |
6 |
L’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 prévoit: «Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.» |
7 |
L’article 2, paragraphe 3, de la directive 85/337 prévoit: «Sans préjudice de l’article 7, les États membres peuvent, dans des cas exceptionnels, exempter en totalité ou en partie, un projet spécifique des dispositions prévues par la présente directive.» |
8 |
L’article 4 de la directive 85/337 prévoit: «1. Sous réserve de l’article 2, paragraphe 3, les projets énumérés à l’annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10. 2. Sous réserve de l’article 2, paragraphe 3, les États membres déterminent, pour les projets énumérés à l’annexe II:
si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10. Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b). 3. Pour l’examen cas par cas ou la fixation des seuils ou critères fixés en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III. 4. Les États membres s’assurent que les décisions prises par les autorités compétentes en vertu du paragraphe 2 sont mises à la disposition du public.» |
9 |
L’annexe I, point 7, sous c), de la directive 85/337 mentionne: «Construction d’une nouvelle route à quatre voies ou plus, ou alignement et/ou élargissement d’une route existante à deux voies ou moins pour en faire une route à quatre voies ou plus, lorsque la nouvelle route ou la section de route alignée et/ou élargie doit avoir une longueur ininterrompue d’au moins 10 kilomètres.» |
10 |
L’annexe II, point 10, sous e), de la directive 85/337 mentionne: «Construction de routes, […]» |
11 |
L’annexe III de la directive 85/337 énonce: «1. Caractéristiques des projets Les caractéristiques des projets doivent être considérées notamment par rapport:
[…]» |
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12 |
Par un décret du 15 novembre 2001, le président du Conseil des ministres de la République italienne a déclaré l’état d’urgence dans la ville de Milan en raison de la pollution résultant de la circulation automobile et de l’insuffisance du réseau routier existant. Par une ordonnance du 28 décembre suivant, le ministre de l’Intérieur a nommé le maire de Milan commissaire responsable de la mise en œuvre des mesures nécessaires pour faire face à cette situation. |
13 |
Dans le cadre de ses fonctions de commissaire en charge des questions de circulation et de mobilité dans la ville de Milan, le maire de cette ville a approuvé un programme de travaux, parmi lesquels figurait le projet de réalisation d’une voie reliant certains quartiers nord de Milan, d’une longueur de 1600 m. Le 29 octobre 2002, il a approuvé le projet définitif relatif à cette voie. |
14 |
M. Aiello et d’autres résidents de la zone concernée ont attaqué cette décision devant le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional de Lombardie). Ils ont, notamment, soutenu que la procédure suivie n’était pas conforme au droit communautaire du fait de l’absence d’évaluation des incidences du projet sur l’environnement. |
15 |
La juridiction saisie a rejeté ce recours, comme non fondé, et M. Aiello e.a. ont fait appel de ce jugement devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État). |
16 |
Le Consiglio di Stato a prescrit des mesures d’instruction desquelles il est résulté que, si le plan d’urbanisme général pour la commune de Milan de 1953 prévoyait la réalisation d’une voie destinée à permettre une liaison rapide entre des quartiers de la ville distants de plus de dix kilomètres, cet objectif avait finalement été abandonné au profit d’un projet différent, portant sur la réalisation de plusieurs voies distinctes. Deux rues auraient été réalisées, dont la première est celle à l’origine du litige au principal; la seconde constitue une voie distincte d’une longueur de 1300 m. |
17 |
Le Consiglio di Stato estime, dès lors, que le projet en cause au principal s’inscrit non dans le cadre de la réalisation d’une voie unique de plus de dix kilomètres qui relèverait de l’annexe I de la directive 85/337, qui énumère les projets pour lesquels une évaluation des incidences sur l’environnement est obligatoire, mais dans celui de la réalisation d’une voie relevant de l’annexe II de ce texte, qui mentionne simplement la construction de routes. |
18 |
Toutefois, le Consiglio di Stato se demande si le projet contesté ne devait pas être soumis à une telle évaluation en application, notamment, des dispositions combinées de l’article 4, de l’annexe II et de l’annexe III de la directive 85/337, au motif que ce projet s’insère dans une opération plus vaste de restructuration d’un ensemble de voies des quartiers concernés, de telle sorte qu’il aurait appartenu à l’autorité compétente de prendre en considération le «cumul» de différents projets, critère expressément prévu par ladite annexe III. Il a, dans ces conditions, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
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Sur les questions préjudicielles
19 |
Conformément à l’article 104, paragraphe 3, de son règlement de procédure, notamment lorsque la réponse à une question posée peut être clairement déduite de sa jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, statuer par voie d’ordonnance motivée. |
Sur la recevabilité
20 |
Le Comune di Milano estime que les questions soulevées par le Consiglio di Stato sont irrecevables parce que les deux projets de réalisation de routes auxquels ce dernier se réfère dans la décision de renvoi constituent des projets distincts et ne sont pas, de plus, de nature à avoir un effet cumulatif sur l’environnement. |
21 |
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée par l’article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir, notamment, arrêt du 10 mai 2001, Agorà et Excelsior, C-223/99 et C-260/99, Rec. p. I-3605, point 18). |
22 |
En l’espèce, la juridiction de renvoi a clairement indiqué que l’interprétation de plusieurs dispositions de la directive 85/337 lui était nécessaire, afin de déterminer si le projet de réalisation de la route en cause au principal devait être soumis à une évaluation de ses incidences sur l’environnement. |
23 |
En outre, le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit communautaire sollicitée par cette dernière n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, notamment, arrêt Agorà et Excelsior, précité, point 20). |
24 |
En l’occurrence, aucune de ces conditions n’est remplie. |
25 |
Il s’ensuit que la demande de décision préjudicielle est recevable. |
Sur le fond
26 |
Considérant que la réponse aux trois questions posées ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour a, conformément à l’article 104, paragraphe 3, second alinéa, de son règlement de procédure, informé la juridiction de renvoi qu’elle se proposait de statuer par voie d’ordonnance motivée et invité les intéressés visés à l’article 23 du statut de la Cour de justice à présenter leurs observations éventuelles à ce sujet. |
27 |
Aiello e.a et la Commission des Communautés européennes ont répondu à l’invitation de la Cour. La Commission a indiqué dans sa réponse qu’elle n’avait pas d’objection à ce que la Cour statue par voie d’ordonnance motivée. Aiello e.a. ont invoqué des arguments semblables à ceux soulevés dans leurs observations écrites et ont demandé qu’une audience soit fixée. Toutefois, ces éléments ne conduisent pas la Cour à écarter la voie procédurale envisagée. |
— Sur la première question
28 |
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 doit être interprété en ce sens que des projets susceptibles d’avoir une incidence notable sur l’environnement, mais qui ne sont pas mentionnés aux annexes I et II de cette directive, doivent néanmoins être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement conforme à celle prévue par ladite directive. |
29 |
L’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 prévoit que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, et qui doivent, de ce fait, être soumis à une évaluation en ce qui concerne ces incidences, sont définis à l’article 4 de cette directive. |
30 |
Ledit article 4 prévoit, à son paragraphe 1, que les projets relevant de l’annexe I de la directive 85/337 doivent être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement et, à son paragraphe 2, que, pour les projets relevant de l’annexe II de cette directive, il appartient aux États membres de déterminer s’il convient de les soumettre à une telle évaluation sur la base de certains seuils ou de certains critères. |
31 |
Il y a également lieu de rappeler que cet article réserve, dans les deux hypothèses rappelées au point précédent, l’application de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 85/337, qui permet aux États membres, dans des cas exceptionnels, d’exempter, en totalité ou en partie, un projet spécifique des exigences d’une évaluation. |
32 |
Par ailleurs, l’article 1er de la directive 85/337 prévoit, à son paragraphe 4, que celle-ci ne concerne pas les projets destinés à des fins de défense nationale et, à son paragraphe 5, qu’elle ne s’applique pas aux projets qui sont adoptés en détail par un acte législatif national spécifique, les objectifs poursuivis par ladite directive étant considérés comme atteints à travers la procédure législative. |
33 |
En tout état de cause, il convient également de rappeler que le champ d’application de la directive 85/337 est étendu et son objectif très large (voir arrêts du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a., C-72/95, Rec. p. I-5403, point 31, ainsi que du 16 septembre 2004, Commission/Espagne, C-227/01, Rec. p. I-8253, point 46), et c’est dans cet esprit qu’elle doit être mise en œuvre. |
34 |
Par conséquent, eu égard aux points 29 à 32 de la présente ordonnance, il y a lieu de répondre à la première question posée que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337 doit être interprété en ce sens qu’il n’exige pas que tout projet qui est susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement soit soumis à la procédure d’évaluation que cette directive prévoit, mais que seuls doivent l’être ceux qui sont mentionnés aux annexes I et II de ladite directive, dans les conditions prévues à l’article 4 de celle-ci et sous réserve des articles 1er, paragraphes 4 et 5, ainsi que 2, paragraphe 3, de cette même directive. |
— Sur la deuxième question
35 |
Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les critères de sélection mentionnés à l’annexe III de la directive 85/337 s’imposent aux États membres lorsque ces derniers déterminent, en application de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive, pour les projets relevant de l’annexe II de celle-ci, sur la base d’un examen au cas par cas ou sur la base des seuils ou des critères qu’ils fixent, si ces projets doivent être soumis à la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement. |
36 |
À cet égard, la Cour a déjà jugé que, si les États membres ont la possibilité de fixer les critères et/ou les seuils permettant de déterminer quels projets relevant de l’annexe II de la directive 85/337, dans sa version initiale, doivent faire l’objet d’une telle évaluation, leur marge d’appréciation trouve ses limites dans l’obligation, énoncée à l’article 2, paragraphe 1, de ladite directive, de soumettre à une étude d’incidences les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation (voir, notamment, arrêt du 23 novembre 2006, Commission/Italie, C-486/04, Rec. I-11025, point 53). |
37 |
En vertu de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 85/337, il appartient aux États membre de déterminer eux-mêmes dans quels cas les projets énumérés à l’annexe II de cette directive doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, alors que ceux figurant dans l’annexe I de celle-ci doivent toujours faire l’objet d’une telle procédure. |
38 |
La même disposition laisse aux États membres deux possibilités. La première est de décider au cas par cas si un projet visé à ladite annexe II doit faire l’objet de cette évaluation. La seconde est de déterminer, de manière générale et abstraite, en fonction de seuils ou de critères, les projets figurant à cette annexe qui feront obligatoirement l’objet de ladite évaluation. |
39 |
Il résulte du texte même de l’article 4, paragraphe 3, de la directive 85/337 que celle-ci impose aux États membres, dans l’un comme dans l’autre cas, l’obligation de tenir compte des critères de sélection pertinents définis à l’annexe III de cette directive, c’est-à-dire de ceux de ces critères qui, compte tenu des caractéristiques du projet concerné, doivent être mis en œuvre. |
40 |
Dès lors, il y a lieu de répondre à la deuxième question posée que les critères de sélection pertinents mentionnés à l’annexe III de la directive 85/337 s’imposent aux États membres lorsqu’ils déterminent, pour les projets relevant de l’annexe II de celle-ci, soit sur la base d’un examen au cas par cas, soit sur la base des seuils ou des critères qu’ils fixent, si le projet concerné doit être soumis à la procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement. |
— Sur la troisième question
41 |
Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande à la Cour, en substance, de préciser si la réglementation italienne en cause au principal assure une transposition correcte de l’article 4 de la directive 85/337, alors que cette réglementation ne prévoit pas le critère du cumul avec d’autres projets, pourtant mentionné à l’annexe III de cette directive, en tant que critère de sélection à prendre en compte lorsque l’autorité nationale compétente détermine si des projets relevant de l’annexe II de ladite directive doivent être soumis à l’évaluation des incidences sur l’environnement. |
42 |
Selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 234 CE, sur la compatibilité de normes de droit interne avec les dispositions du droit communautaire. En revanche, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui permettent à celle-ci d’apprécier la compatibilité de normes de droit interne avec la réglementation communautaire (arrêt du 6 mars 2007, Placanica e.a., C-338/04, C-359/04 et C-360/04, Rec. p. I-1891, point 36 ainsi que jurisprudence citée). |
43 |
En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que la juridiction nationale cherche à savoir si les États membres, lorsqu’ils transposent la directive 85/337 dans leur ordre juridique interne, sont tenus d’adopter une disposition rappelant l’obligation de respecter le critère du cumul du projet concerné avec d’autres projets, mentionné à l’annexe III de cette directive, lorsqu’il s’agit d’apprécier si un projet relevant de l’annexe II de celle-ci doit être soumis à l’évaluation de ses incidences sur l’environnement prévue par ladite directive. |
44 |
À cet égard, il convient d’emblée de rappeler que chacun des États membres destinataires d’une directive a l’obligation de prendre, dans son ordre juridique national, toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer le plein effet de cette directive, conformément à l’objectif qu’elle poursuit (arrêt du 30 novembre 2006, Commission/Luxembourg, C-32/05, p. I-11323, point 32). |
45 |
La Cour a également jugé que les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises, afin qu’il soit satisfait à l’exigence de la sécurité juridique, qui requiert que, au cas où cette directive vise à créer des droits pour les particuliers, les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits (arrêt du 4 décembre 1997, Commission/Italie, C-207/96, Rec. p. I-6869, point 26). |
46 |
En l’espèce, l’article 4 de la directive 85/337 doit être interprété en ce sens qu’il impose à l’autorité compétente de tenir compte des critères de sélection pertinents mentionnés à l’annexe III de cette directive, lorsqu’il s’agit d’apprécier si un projet relevant de l’annexe II de celle-ci doit être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, soit lorsque cette appréciation se fait au cas par cas, soit lorsque l’État membre concerné a opté pour une réglementation générale. |
47 |
Lorsqu’un État membre choisit de déterminer de manière générale et abstraite, comme cela lui est permis par la directive 85/337, les projets relevant de l’annexe II de cette directive qui devront faire l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement, il lui appartient d’établir la liste de ces projets en faisant application, selon le cas, de l’un ou de plusieurs des critères pertinents de ladite annexe III. Le critère du cumul peut ainsi, dans les cas où il est pertinent, être utilisé pour soumettre un type de projet à une telle évaluation, compte tenu de la réalisation de celui-ci avec d’autres projets, le cas échéant en prenant en considération la réalisation de l’ensemble de ces projets au cours d’une période de temps déterminée. |
48 |
Lorsqu’un État membre opte, au contraire, en tout ou en partie, pour la détermination au cas par cas des projets relevant de l’annexe II de la directive 85/337 qui doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, il lui appartient de faire en sorte que les autorités nationales compétentes tiennent compte des différents critères énumérés à l’annexe III de cette directive dès lors qu’ils ont une pertinence eu égard aux caractéristiques du projet concerné. |
49 |
À cet effet, il est loisible à cet État membre de renvoyer, par la législation nationale, aux critères de ladite annexe III. Il lui est également possible d’intégrer ces critères dans sa législation, en prévoyant expressément que les autorités compétentes devront s’y référer afin de déterminer, au cas par cas, si un projet relevant de l’annexe II de la directive 85/337 doit faire l’objet d’une évaluation des incidences sur l’environnement. |
50 |
En tout état de cause, lorsqu’un État membre choisit cette manière de procéder, il ne saurait, sans manquer à ses obligations communautaires, exclure explicitement ou implicitement un ou plusieurs critères de l’annexe III de la directive 85/337, dès lors que chacun de ceux-ci peut, selon le projet relevant de l’annexe II de cette directive qui est concerné, être pertinent pour savoir si une procédure d’évaluation des incidences sur l’environnement doit être organisée. Une telle exclusion pourrait, en effet, selon les caractéristiques de l’ordre juridique national dont il s’agit, soit dissuader, soit même empêcher l’autorité nationale compétente de prendre en compte le ou les critères en question. |
51 |
Il y a, dès lors, lieu de répondre à la troisième question posée que, lorsqu’un État membre opte pour la détermination au cas par cas de ceux des projets relevant de l’annexe II de la directive 85/337 qui doivent faire l’objet d’une évaluation de leurs incidences sur l’environnement, il doit, soit par un renvoi de ses règles nationales à l’annexe III de cette directive, soit en reprenant dans ses règles nationales les critères que celle-ci énumère, faire en sorte que l’ensemble de ceux-ci puissent effectivement être pris en compte dès lors que l’un ou l’autre d’entre eux est pertinent pour le projet concerné, sans pouvoir explicitement ou implicitement en exclure. |
Sur les dépens
52 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit: |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: l’italien.