ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

27 novembre 2008 ( *1 )

«Tarif douanier commun — Nomenclature combinée — Classement tarifaire — Positions 8101 et 8102 — Bris et cassage de barres de tungstène ou de molybdène ‘simplement obtenues par frittage’ — Tungstène et molybdène sous forme brute, y compris les barres simplement obtenues par frittage — Déchets et débris»

Dans l’affaire C-403/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Bundesfinanzhof (Allemagne), par décision du 31 juillet 2007, parvenue à la Cour le 31 août 2007, dans la procédure

Metherma GmbH & Co. KG

contre

Hauptzollamt Düsseldorf,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Ó Caoimh (rapporteur), président de chambre, faisant fonction de président de la septième chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues et U. Lõhmus, juges,

avocat général: M. P. Mengozzi,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juin 2008,

considérant les observations présentées:

pour Metherma GmbH & Co. KG, par Me W.-D. Glockner, Rechtsanwalt,

pour la Commission des Communautés européennes, par M. G. Wilms, en qualité d’agent,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des positions 8101 et 8102 de la nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Metherma GmbH & Co. KG (ci-après «Metherma») au Hauptzollamt Düsseldorf (bureau principal des douanes de Düsseldorf, ci-après le «HZA Düsseldorf») au sujet du refus de ce dernier d’accueillir la demande de Metherma tendant à obtenir une autorisation de transformation sous douane pour des barres de tungstène ou de molybdène obtenues par frittage, aux fins de la transformation de ces barres métalliques en déchets et en débris par bris manuel.

Le cadre juridique

Le régime de la transformation sous douane

3

Le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000 (JO L 311, p. 17, ci-après le «code des douanes»), instaure un certain nombre de régimes douaniers économiques dont, à ses articles 130 à 136, celui de la transformation sous douane.

4

Aux termes de l’article 130 du code des douanes:

«Le régime de la transformation sous douane permet de mettre en œuvre sur le territoire douanier de la Communauté des marchandises non communautaires pour leur faire subir des opérations qui en modifient l’espèce ou l’état et sans qu’elles soient soumises aux droits à l’importation ni aux mesures de politique commerciale, et de mettre en libre pratique aux droits à l’importation qui leur sont propres les produits résultant de ces opérations. […]»

5

L’article 132 dudit code prévoit que «[l]’autorisation de transformation sous douane est délivrée sur demande de la personne qui effectue ou fait effectuer la transformation».

6

L’article 133 du code des douanes dispose:

«L’autorisation n’est accordée que:

[…]

e)

dans le cas où sont remplies les conditions nécessaires pour que le régime puisse contribuer à favoriser la création ou le maintien d’une activité de transformation de marchandises dans la Communauté sans qu’il soit porté atteinte aux intérêts essentiels des producteurs communautaires de marchandises similaires (conditions économiques). […]»

7

L’article 551, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement no 2913/92 (JO L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 993/2001 de la Commission, du 4 mai 2001 (JO L 141, p. 1), prévoit que «[l]e régime de la transformation sous douane est applicable aux marchandises dont la transformation conduit à l’obtention de produits auxquels s’applique un montant de droits à l’importation inférieur au montant applicable aux marchandises d’importation».

8

En vertu de l’article 552, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 2454/93, tel que modifié par le règlement no 993/2001, lu en combinaison avec le numéro d’ordre 2 de la partie A de l’annexe 76 de ce même règlement tel que modifié, les conditions économiques applicables au régime de la transformation sous douane sont réputées remplies en cas de réduction de marchandises de toute espèce en déchets et en débris.

La nomenclature combinée

9

La convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, conclue à Bruxelles le 14 juin 1983, et son protocole d’amendement du 24 juin 1986 ont été approuvés au nom de la Communauté par la décision 87/369/CEE du Conseil, du 7 avril 1987 (JO L 198, p. 1).

10

Le règlement no 2658/87 a instauré une nomenclature des marchandises, dénommée «nomenclature combinée» (ci-après la «NC»), qui est fondée sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ci-après le «SH») dont elle reprend les positions et sous-positions à six chiffres, seuls les septième et huitième chiffres formant des subdivisions lui étant propres.

11

La NC ainsi que les taux des droits autonomes et conventionnels et les unités statistiques supplémentaires figurent à l’annexe I de ce règlement.

12

Conformément à l’article 12, paragraphe 1, dudit règlement, tel que modifié par le règlement (CE) no 254/2000 du Conseil, du 31 janvier 2000 (JO L 28, p. 16), la Commission des Communautés européennes adopte chaque année un règlement reprenant la version complète de la NC et des taux des droits de douane, telle qu’elle résulte des mesures arrêtées par le Conseil de l’Union européenne ou par la Commission. Ce règlement est applicable à partir du 1er janvier de l’année suivante.

13

Ainsi, l’annexe I du règlement no 2658/87 a été remplacée notamment, avec effet au 1er janvier 2001, par l’annexe du règlement (CE) no 2388/2000 de la Commission, du 13 octobre 2000 (JO L 264, p. 1).

14

La deuxième partie de la NC, telle qu’elle découle de ce dernier règlement, comprend une section XV, intitulée «Métaux communs et ouvrages en ces métaux», laquelle comporte plusieurs chapitres dont le chapitre 81, intitulé «Autres métaux communs; cermets; ouvrages en ces matières».

Les dispositions de la NC relatives au tungstène

15

La position 8101 de la NC, figurant au chapitre 81 de celle-ci, est libellée comme suit: «Tungstène (wolfram) et ouvrages en tungstène, y compris les déchets et débris». Elle est divisée en deux catégories, à savoir «Poudres» (sous-position 81011000) et «autres».

16

Dans la version de la NC découlant du règlement no 2388/2000, cette dernière catégorie «autres» comprend notamment la sous-position 810191, ainsi libellée: «Tungstène sous forme brute, y compris les barres simplement obtenues par frittage; déchets et débris». Cette sous-position est elle-même divisée en les sous-positions 81019110 et 81019190, dont les libellés sont, respectivement, «Tungstène sous forme brute, y compris les barres simplement obtenues par frittage» ainsi que «Déchets et débris».

Les dispositions de la NC relatives au molybdène

17

La position 8102 de la NC, qui figure également au chapitre 81 de cette dernière, est libellée «Molybdène et ouvrages en molybdène, y compris les déchets et débris» et se divise en deux catégories, à savoir «Poudres» (sous-position 81021000) et «autres».

18

Dans la version de la NC découlant du règlement no 2388/2000, cette dernière catégorie «autres» comprend la sous-position 810291, ainsi libellée: «Molybdène sous forme brute, y compris les barres simplement obtenues par frittage; déchets et débris». Cette dernière sous-position est elle-même divisée en les sous-positions 81029110 et 81029190, dont les libellés sont, respectivement, «Molybdène sous forme brute, y compris les barres simplement obtenues par frittage» ainsi que «Déchets et débris».

L’interprétation de la NC

19

Les règles générales pour l’interprétation de la NC, qui figurent dans la première partie, titre I, A, de celle-ci, disposent notamment:

«Le classement des marchandises dans la nomenclature combinée est effectué conformément aux principes ci-après.

1.

Le libellé des titres de sections, de chapitres ou de sous-chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des notes de sections ou de chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et notes, d’après les règles suivantes.

[…]

6.

Le classement des marchandises dans les sous-positions d’une même position est déterminé légalement d’après les termes de ces sous-positions et des notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d’après les règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette règle, les notes de sections et de chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires.»

20

Aux termes de la note 8, sous a), figurant à la section XV de la NC, il est entendu par «déchets et débris»«les déchets et débris métalliques provenant de la fabrication ou de l’usinage des métaux et les ouvrages en métaux définitivement inutilisables en tant que tels par suite de bris, découpage, usure ou autres motifs».

21

La note de sous-positions figurant sous le chapitre 81 de la NC énonce que la note 1 du chapitre 74 de celle-ci, définissant les «barres, profilés, fils, tôles, bandes et feuilles», s’applique mutatis mutandis audit chapitre 81. Selon le point d) de cette note 1, il est entendu par le terme «barres»:

«les produits laminés, filés, étirés ou forgés, non enroulés, dont la section transversale pleine et constante sur toute leur longueur est en forme de cercle, d’ovale, de carré, de rectangle, de triangle équilatéral ou de polygone convexe régulier […]. Les produits de section transversale carrée, rectangulaire, triangulaire ou polygonale peuvent présenter des angles arrondis sur toute leur longueur. L’épaisseur des produits de section transversale rectangulaire […] excède le dixième de la largeur. On considère également comme tels les produits de mêmes formes et dimensions, obtenus par moulage, coulage ou frittage, lorsqu’ils ont reçu postérieurement à leur obtention une ouvraison supérieure à un ébarbage grossier, pourvu que cette ouvraison n’ait pas pour effet de conférer à ces produits le caractère d’articles ou d’ouvrages repris ailleurs.

Sont toutefois à considérer comme cuivre sous forme brute du no 7403, les barres à fil et les billettes qui ont été appointées ou autrement ouvrées à leurs extrémités, pour faciliter simplement leur introduction dans les machines destinées à les transformer en fil machine ou en tubes, par exemple [les ‘profilés’ et les ‘fils’ ainsi que les ‘tôles, bandes et feuilles’ et les ‘tubes et tuyaux’]».

Les notes explicatives du SH

22

Le Conseil de coopération douanière, devenu l’Organisation mondiale des douanes, institué par la convention internationale conclue à Bruxelles le 15 décembre 1950, approuve, dans les conditions fixées à l’article 8 de la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, les notes explicatives et les avis de classement adoptés par le comité du SH. À la date des faits au principal, la version applicable de ces notes était celle résultant de la mise à jour no 11, effectuée au cours du mois de février 2001 (ci-après les «notes explicatives du SH»).

23

Il ressort de la note explicative du SH relative à la position 81.01 de celui-ci que le tungstène est obtenu sous forme de métal en poudre qui est comprimé en lingots ou en barres prismatiques qui, à leur tour, sont disposés dans un four électrique à atmosphère d’hydrogène. Au cours de cette dernière opération, la chaleur intense développée amène la cohésion des particules de poudre en masse solide et résistante, sans qu’il y ait désagrégation des barres. Ces dernières sont, ensuite, martelées mécaniquement, puis transformées, par laminage, étirage ou tréfilage, en feuilles, en barres de sections plus réduites ou en fils. Le tungstène sert à la fabrication, notamment, de filaments pour lampes à incandescence, mais ce métal est «cependant le plus souvent employé sous forme de ferrotungstène du chapitre 72 [du SH] dans la préparation d’aciers spéciaux».

24

La dernière partie de la note explicative du SH relative à ladite position 81.01 indique notamment que cette position «couvre le tungstène (wolfram):

A)

sous forme de poudre;

B)

sous forme brute, en masses, lingots ou barres obtenus par frittage ainsi qu’à l’état de déchets ou débris (pour ces derniers, se reporter à la note explicative du no 72.04);

C)

sous forme de demi-produits, c’est-à-dire en barres obtenues autrement que par frittage, tiges, profilés, tôles, bandes, feuilles ou fils;

D)

sous forme d’ouvrages […]».

25

Quant au molybdène, il ressort de la note explicative du SH relative à la position 81.02 de celui-ci notamment que, selon la méthode d’obtention utilisée, ce métal se présente soit à l’état compact, soit en poudre, qui se travaille selon la même méthode que celle utilisée pour le tungstène. Ce métal est employé sous forme de ferromolybdène, relevant du chapitre 72 du SH, dans la préparation d’aciers. Cette note explicative indique également que, comme la métallurgie du tungstène et celle du molybdène ont de nombreux points en commun et que les usages de ces métaux sont souvent semblables, les dispositions de la dernière partie de la note explicative du SH relative à la position 81.01 de celui-ci sont également applicables au molybdène.

26

La note explicative du SH relative à la position 72.04 du SH, intitulée «Déchets et débris de fonte, de fer ou d’acier (ferrailles); déchets lingotés en fer ou en acier», se lit comme suit:

«[…]

La présente position comprend les déchets et débris de fonte, de fer ou d’acier tels que définis dans la note 8 a) de la section XV [du SH].

Ces produits, communément appelés ferrailles, sont de nature très variées et se présentent habituellement sous les formes suivantes:

1)

Déchets obtenus au cours de la fabrication ou de l’usinage de la fonte, du fer ou de l’acier, par exemple les tournures, limailles, chutes de lingots, de billettes, de barres, de profilés.

[…]

La présente position ne comprend pas les produits susceptibles d’être utilisés soit pour leur usage primitif, tels quels ou après réparation, soit pour d’autres usages, ni les produits que l’on peut transformer en d’autres articles sans passer par la récupération du métal […]

Sont également exclus:

[…]

c)

Les morceaux provenant du bris des gueuses, saumons ou autres formes primaires de fontes brutes ou de fonte spiegel […]

[…]»

Le litige au principal et la question préjudicielle

27

Au cours du mois d’octobre 2001, Metherma a fait une demande d’autorisation de transformation sous douane pour des barres de tungstène ou de molybdène obtenues par frittage, aux fins de la transformation de ces barres de métal en déchets et en débris par bris manuel. Il apparaît que cette demande reposait notamment sur le fait que, en vertu de la NC, les «déchets et débris» étaient exemptés de droits de douane, alors que les taux du droit conventionnel applicables au tungstène et au molybdène sous forme brute, «y compris les barres simplement obtenues par frittage», étaient respectivement de 5 % et de 3 %.

28

Après avoir examiné plusieurs échantillons, l’établissement de contrôle et d’enseignement douanier de l’Oberfinanzdirektion Köln (direction régionale des finances de Cologne) a conclu que les barres de molybdène obtenues par frittage constituaient du molybdène sous forme brute et qu’il était impossible de transformer ces barres en déchets ou en débris en les cassant ou en les coupant, dès lors qu’elles pouvaient encore être utilisées, en particulier en vue de leur fonte.

29

Le HZA Düsseldorf s’est rangé à cet avis et a rejeté la demande d’autorisation de transformation sous douane présentée pour des formes brutes de tungstène ou de molybdène, telles que des lingots, des barres ou des grenailles obtenus par frittage.

30

Saisi d’un recours dirigé contre ce refus, le Finanzgericht a, en revanche, enjoint au HZA Düsseldorf de délivrer l’autorisation demandée. Le Finanzgericht a jugé que les conditions économiques auxquelles était soumise l’autorisation de transformation sous douane étaient remplies, dès lors que les barres obtenues par frittage allaient être transformées, par le bris manuel prévu, en déchets et en débris. En effet, selon lui, le bris des barres obtenues par frittage, qui exclut toute transformation ultérieure de celles-ci en tôles, en barres ou en fils, les rend définitivement inutilisables.

31

Dans son recours en «Revision» introduit devant la juridiction de renvoi, le HZA Düsseldorf fait valoir, d’une part, que les barres de métal obtenues par frittage constituent non pas des «ouvrages en métaux» au sens de la note 8, sous a), figurant à la section XV de la NC, mais des produits bruts. D’autre part, même après avoir été brisées, les barres en métal obtenues par frittage constitueraient encore du métal sous forme brute.

32

Selon la juridiction de renvoi, l’autorisation de transformation sous douane sollicitée par Metherma devrait être délivrée si les produits importés, à savoir les barres de tungstène ou de molybdène simplement obtenues par frittage, devaient, après avoir été cassées ou brisées, constituer des «déchets et débris». Il ne serait pas contesté devant cette juridiction que les autres conditions de délivrance d’une telle autorisation sont remplies.

33

Ladite juridiction indique qu’elle part du principe que les métaux en question, sous leur forme brute, ne peuvent être transformés en débris par cassage ou par bris. En brisant un lingot intégralement constitué de tungstène ou de molybdène, des fragments de ce métal sous forme brute seraient à nouveau obtenus, et non des débris.

34

Cette juridiction précise toutefois que les sous-positions de la NC impliquant des taux du droit conventionnel de 5 % pour le tungstène et de 3 % pour le molybdène comprennent non seulement ces métaux sous leur forme brute, mais également les barres «simplement obtenues par frittage» desdits métaux.

35

Se poserait donc la question de savoir s’il doit être déduit du libellé des sous-positions de la NC concernées que des barres de métal «simplement obtenues par frittage», bien qu’elles soient issues d’une première transformation du métal, sont assimilables à la forme brute de ce métal, ce qui signifierait que même le cassage ou le bris ne pourrait les réduire en débris relevant des sous-positions de la NC impliquant une exemption des droits de douane, ou si, au contraire, il ressort dudit libellé que les barres de métal «simplement obtenues par frittage», bien qu’elles soient évoquées dans la même sous-position de la NC que le métal sous forme brute, sont déjà des «ouvrages en métaux» susceptibles d’êtres rendus inutilisables par cassage ou par bris.

36

Si cette dernière interprétation devait être retenue, la juridiction de renvoi estime que la question serait alors posée de savoir si les barres de tungstène ou de molybdène «simplement obtenues par frittage» peuvent être transformées en débris par cassage ou par bris, dès lors que cette opération exclut leur transformation ultérieure en tôles, en barres ou en fils, ou si la seule possibilité d’utilisation qui demeure après le cassage ou le bris, à savoir la fonte, dans le cadre de la production de l’acier, des fragments obtenus par frittage exclut que l’on retienne que les anciennes barres sont désormais définitivement «inutilisables en tant que [telles]» au sens de la note 8, sous a), figurant à la section XV de la NC.

37

Dans ces conditions, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Des barres de tungstène (wolfram) ou de molybdène ‘simplement obtenues par frittage’ relevant respectivement des sous-positions 81019400 et 81029400 de la [NC] peuvent-elles être transformées, par cassage ou par bris, en des débris relevant respectivement des sous-positions 81019700 et 81029700 de la [NC]?»

Sur la question préjudicielle

38

D’emblée, il y a lieu de relever que la décision nationale ayant consacré le classement tarifaire contesté au principal a été adoptée sous l’empire du règlement no 2388/2000. En effet, il ressort du dossier transmis à la Cour que Metherma a introduit sa demande d’autorisation le 5 octobre 2001 et que le HZA Düsseldorf l’a rejetée le 3 décembre 2001.

39

À cet égard, il convient de rappeler qu’un règlement précisant les conditions de classement dans une position ou sous-position tarifaire revêt un caractère constitutif et ne saurait sortir des effets rétroactifs (arrêts du 28 mars 1979, Biegi, 158/78, Rec. p. 1103, point 11, et du 7 juin 2001, CBA Computer, C-479/99, Rec. p. I-4391, point 31). Par ailleurs, la Cour peut être amenée à prendre en considération des normes de droit communautaire auxquelles le juge national n’a pas fait référence dans l’énoncé de sa question préjudicielle (voir, en ce sens, arrêts du 20 mars 1986, Tissier, 35/85, Rec. p. 1207, point 9; du 27 mars 1990, Bagli Pennacchiotti, C-315/88, Rec. p. I-1323, point 10; du 18 novembre 1999, Teckal, C-107/98, Rec. p. I-8121, point 39, et du 26 juin 2008, Wiedemann et Funk, C-329/06 et C-343/06, Rec. p. I-4635, point 45).

40

Dans ces conditions, ainsi que la Commission l’a suggéré à juste titre, la question préjudicielle doit être examinée au regard non pas des dispositions du règlement (CE) no 1810/2004 de la Commission, du 7 septembre 2004, modifiant l’annexe I du règlement no 2658/87 (JO L 327, p. 1), ainsi que le libellé de la décision de renvoi le laisse entendre, mais de celles du règlement no 2388/2000.

41

Même s’il apparaît que Metherma, dans ses observations écrites, s’est fondée sur la version de la NC découlant du règlement no 1810/2004, celle-ci a par la suite expressément admis, lors de l’audience devant la Cour, que la version de la NC découlant du règlement no 2388/2000 trouve à s’appliquer dans l’affaire au principal. En outre, lors de cette audience, il a été considéré comme constant que, abstraction faite de leur numérotation et de leur ventilation, les dispositions de ces deux derniers règlements sont, du point de vue de leur libellé, identiques en ce qui concerne les sous-positions de la NC en cause en l’occurrence. Dans ces conditions, il convient de comprendre l’argumentation de Metherma, tant écrite qu’orale, comme visant les positions 8101 et 8102 de la NC telles qu’elles résultent du règlement no 2388/2000.

42

Il y a lieu de relever également que les sous-positions en question sont de même niveau et peuvent donc, conformément au point 6 des règles générales pour l’interprétation de la NC, être comparées.

43

Au vu de ce qui précède, il convient d’interpréter la question préjudicielle comme visant, en substance, à savoir si la NC, dans sa version applicable au cours de l’année 2001, soit celle résultant du règlement no 2388/2000, doit être interprétée en ce sens que des barres de tungstène ou de molybdène «simplement obtenues par frittage», relevant respectivement des sous-positions 81019110 et 81029110, peuvent être transformées, par cassage ou par bris, en des débris relevant respectivement des sous-positions 81019190 et 81029190.

44

Sur le fond, Metherma, en s’appuyant notamment sur les notes explicatives du SH, fait valoir essentiellement que, d’une part, des barres de tungstène ou de molybdène «simplement obtenues par frittage» ne sont pas assimilables à la forme brute des métaux en question et que, d’autre part, même s’il devait être admis qu’elles le sont, elles peuvent être transformées, par cassage ou par bris, en débris.

45

La Commission s’exprime en sens inverse et soutient que de telles barres doivent être considérées comme équivalentes à la forme brute des métaux en question et que le fait de briser ou de casser ces barres ne change rien à cet égard. Cette position rejoint, en substance, ainsi qu’il ressort du point 31 du présent arrêt, celle défendue dans l’affaire au principal par le HZA Düsseldorf, qui n’a pas soumis d’observations à la Cour.

46

Selon la jurisprudence constante de la Cour, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d’une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies par le libellé de la position de la NC et des notes de section ou de chapitre (voir arrêts du 1er juillet 1982, Wünsche, 145/81, Rec. p. 2493, point 12; du 27 avril 2006, Kawasaki Motors Europe, C-15/05, Rec. p. I-3657, point 38, et du 18 juillet 2007, FTS International, C-310/06, Rec. p. I-6749, point 27).

47

Par ailleurs, la destination du produit peut constituer un critère objectif de classification pour autant qu’elle soit inhérente audit produit, l’inhérence devant pouvoir s’apprécier en fonction des caractéristiques et des propriétés objectives de celui-ci (voir arrêts du 1er juin 1995, Thyssen Haniel Logistic, C-459/93, Rec. p. I-1381, point 13; du 5 avril 2001, Deutsche Nichimen, C-201/99, Rec. p. I-2701, point 20, et du 18 juillet 2007, Olicom, C-142/06, Rec. p. I-6675, point 18).

48

Il convient en outre de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, les notes explicatives élaborées, en ce qui concerne la NC, par la Commission et, en ce qui concerne le SH, par l’Organisation mondiale des douanes contribuent de façon importante à l’interprétation de la portée des différentes positions, sans toutefois avoir force obligatoire de droit (voir arrêts du 16 juin 1994, Develop Dr. Eisbein, C-35/93, Rec. p. I-2655, point 21, et du 11 janvier 2007, B.A.S. Trucks, C-400/05, Rec. p. I-311, point 28). La teneur desdites notes doit dès lors être conforme aux dispositions de la NC et ne saurait en modifier la portée (arrêts du 9 février 1999, ROSE Elektrotechnik, C-280/97, Rec. p. I-689, point 23; du 15 septembre 2005, Intermodal Transports, C-495/03, Rec. p. I-8151, point 48, et du 8 décembre 2005, Possehl Erzkontor, C-445/04, Rec. p. I-10721, point 20).

49

En l’occurrence, en ce qui concerne le point de savoir si des barres de tungstène et de molybdène «simplement obtenues par frittage» sont assimilables à la forme brute de ces métaux, Metherma soutient tout d’abord que les termes «forme brute» visent en l’occurrence plutôt «les formes, les éléments formés ou le formage du matériau».

50

Cette interprétation ne saurait être retenue. En effet, il résulte du libellé des sous-positions de la NC pertinentes en l’occurrence et du contexte dans lesquelles elles sont énoncées que les termes «forme brute», tels qu’ils sont repris dans ces sous-positions, renvoient non pas aux dimensions des objets métalliques en cause, mais à leur état essentiellement non ouvré. Une telle interprétation ressort de manière particulièrement claire de certaines versions linguistiques du règlement no 2388/2000, telles que les versions danoise («ubearbejdet»), anglaise («unwrought»), italienne («greggio»), finnoise («muokkaamaton») et suédoise («i obearbetad form»).

51

Metherma considère par ailleurs que les barres de tungstène et de molybdène «simplement obtenues par frittage» ne peuvent être assimilées à la forme brute de ces métaux car, moyennant le frittage, le tungstène et le molybdène acquièrent d’autres propriétés qui font d’eux des produits et, partant, des «ouvrages en métaux».

52

Certes, eu égard aux notes explicatives du SH relatives aux positions 81.01 et 81.02 de celui-ci, il pourrait éventuellement être admis que, par le frittage, le tungstène et le molybdène en poudre acquièrent des propriétés supplémentaires, telles que la malléabilité. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il ressort de ces mêmes notes, les barres de tungstène ou de molybdène simplement obtenues par frittage résultent de «la cohésion des particules de poudre en masse solide et résistante, sans qu’il y ait désagrégation des barres». Ainsi qu’il ressort notamment de la dernière partie de la note explicative du SH relative à ladite position 81.01, en l’absence d’ouvraison ou de transformation ultérieure de telles barres, le fait que, en raison du frittage, le tungstène ou le molybdène se présentent non plus sous forme de poudre, mais sous forme de masse solide, ne saurait, en tant que tel, avoir pour conséquence de faire regarder les métaux en question comme ne se présentant plus sous leur forme brute, à tout le moins aux fins de l’application de la NC.

53

En tout état de cause, ainsi que la Commission l’a relevé, il ressort du libellé même des sous-positions 81019110 et 82019110 de la NC, telles qu’elles se présentaient à la date des faits au principal, que la forme brute des métaux en question comprenait, aux fins de la NC, «les barres simplement obtenues par frittage». Or, il est constant que, ainsi qu’il ressort des termes de la question posée par la juridiction de renvoi ainsi que des points 32, 35 et 51 du présent arrêt, dans le litige au principal, sont en cause de telles barres.

54

Il s’ensuit que, étant donné que les barres de tungstène et de molybdène «simplement obtenues par frittage» correspondent à la forme brute de ces métaux aux fins, respectivement, des positions 8101 et 8102 de la NC, de telles barres ne sauraient être considérées comme relevant également de la notion d’«ouvrages en ces métaux» au sens desdites positions.

55

Or, selon Metherma, qu’il s’agisse, dans le litige au principal, de la forme brute des métaux en question ou d’ouvrages en ces métaux, il n’en demeure pas moins que les barres de tungstène ou de molybdène «simplement obtenues par frittage» pourraient être rendues définitivement inutilisables en tant que telles par bris ou par découpage. En effet, de telles barres fragmentées ne pourraient plus, selon Metherma, être transformées en tôles, en barres ou en fils. À ce dernier égard, Metherma se réfère à la note 8, sous a), figurant à la section XV de la NC, selon laquelle il serait entendu par «déchets et débris», notamment, les ouvrages en métaux rendus définitivement inutilisables en tant que tels par suite de bris ou de découpage.

56

Dans la mesure où cette argumentation repose sur la prémisse que les barres de tungstène ou de molybdène simplement obtenues par frittage constituent, dans leur état intact, des ouvrages en ces métaux, elle ne saurait être retenue, puisqu’il ressort du point 54 du présent arrêt que de telles barres relèvent de la forme brute du tungstène ou du molybdène aux fins, respectivement, des positions 8101 et 8102 de la NC.

57

Metherma conteste, dans ce contexte, l’interprétation à laquelle se livre la juridiction de renvoi, selon laquelle une forme brute de tungstène ou de molybdène ne peut en principe être transformée en déchets et en débris. Elle soutient, d’une part, en renvoyant à la note explicative du SH relative à la position 81.01 de celui-ci, que seules peuvent être assimilées à la forme brute certaines formes solides des métaux en question, à savoir des particules de poudre comprimées en lingots ou en barres prismatiques. D’autre part, des déchets et débris pourraient également être obtenus à partir de formes brutes, ainsi qu’il ressortirait de la note explicative du SH relative à la position 72.04 de ce dernier, selon laquelle des déchets et débris se présenteraient sous la forme de «chutes de lingots».

58

Concernant le premier de ces arguments, il convient de rappeler que le libellé des sous-positions de la NC en cause au principal vise le tungstène ou le molybdène «sous forme brute, y compris les barres simplement obtenues par frittage». Il s’ensuit que ces métaux peuvent se présenter sous une forme brute autre que celle de barres ainsi obtenues. La possibilité que des fragments de barres de tungstène ou de molybdène «simplement obtenues par frittage» constituent également la forme brute des métaux en question n’est donc nullement exclue.

59

S’agissant du second de ces arguments, force est de relever que Metherma se fonde sur une lecture sélective de la note explicative du SH relative à la position 72.04 de celui-ci. En particulier, il ressort expressément de cette note que les débris tels que les chutes de lingots doivent résulter de la fabrication ou de l’usinage des métaux en question. Or, le bris manuel de la forme brute du tungstène et du molybdène en cause au principal ne saurait correspondre à ces termes.

60

Par ailleurs, il ressort des extraits des notes explicatives du SH relatives aux positions 81.01 et 81.02 du SH, repris aux points 24 et 25 du présent arrêt, que les barres de tungstène ou de molybdène simplement obtenues par frittage ne correspondent pas à des «produits» au sens de la note explicative du SH relative à la position 72.04 de celui-ci, selon laquelle la catégorie des déchets et débris ne comprend pas les produits susceptibles d’être utilisés soit pour leur usage primitif, tels quels ou après réparation, soit pour d’autres usages, ni les produits que l’on peut transformer en d’autres articles sans passer par la récupération du métal. Au demeurant, même si la thèse de Metherma selon laquelle les barres de tungstène ou de molybdène simplement obtenues par frittage pourraient constituer des «produits» devait être admise, il ressort notamment des indications fournies par la juridiction de renvoi, lesquelles n’ont pas été contestées par Metherma, que les barres cassées en cause au principal se prêtent en particulier, sans passer par la récupération des métaux en question, à la fonte dans le cadre de la production de l’acier.

61

Au vu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que la NC figurant à l’annexe I du règlement no 2658/87, dans sa version applicable au cours de l’année 2001, à savoir celle résultant du règlement no 2388/2000, doit être interprétée en ce sens que les barres de tungstène ou de molybdène «simplement obtenues par frittage» relèvent respectivement de ses sous-positions 81019110 et 81029110. De telles barres, relevant de la forme brute des métaux en question et non d’ouvrages en ces métaux, ne peuvent être transformées, par cassage ou par bris, en débris relevant respectivement des sous-positions 81019190 et 81029190 de ladite NC.

Sur les dépens

62

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit:

 

La nomenclature combinée figurant à l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, dans sa version applicable au cours de l’année 2001, à savoir celle résultant du règlement (CE) no 2388/2000 de la Commission, du 13 octobre 2000, modifiant l’annexe I du règlement no 2658/87, doit être interprétée en ce sens que les barres de tungstène ou de molybdène «simplement obtenues par frittage» relèvent respectivement de ses sous-positions 81019110 et 81029110. De telles barres, relevant de la forme brute des métaux en question et non d’ouvrages en ces métaux, ne peuvent être transformées, par cassage ou par bris, en débris relevant respectivement des sous-positions 81019190 et 81029190 de ladite nomenclature combinée.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.