ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

30 avril 2009 ( *1 )

«Recours en annulation — Décision du Parlement européen du 24 mai 2007 sur la vérification des pouvoirs de Beniamino Donnici — Député au Parlement européen — Vérification des pouvoirs d’un membre du Parlement — Nomination d’un député résultant du désistement de candidats — Articles 6 et 12 de l’acte de 1976»

Dans les affaires jointes C-393/07 et C-9/08,

ayant pour objet des recours en annulation au titre de l’article 230 CE, introduits respectivement les 1er août et 22 juin 2007,

République italienne, représentée initialement par M. I. M. Braguglia, puis par M. R. Adam, en qualité d’agents, assistés de M. P. Gentili, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l’affaire C-393/07,

soutenue par:

République de Lettonie,

partie intervenante,

Beniamino Donnici, demeurant à Castrolibero (Italie), représenté par Mes M. Sanino, G. M. Roberti, I. Perego et P. Salvatore, avvocati,

partie requérante dans l’affaire C-9/08,

soutenu par:

République italienne,

contre

Parlement européen, représenté par MM. H. Krück, N. Lorenz et L. Visaggio, en qualité d’agents, assistés de M. E. Cannizzaro, professeur, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par:

Achille Occhetto, demeurant à Rome (Italie), représenté par Mes P. De Caterini et F. Paola, avvocati,

partie intervenante,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, MM. T. von Danwitz (rapporteur), E. Juhász, G. Arestis et J. Malenovský, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 mars 2009,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par leurs recours, la République italienne et M. Donnici demandent à la Cour d’annuler la décision 2007/2121 (REG) du Parlement européen, du 24 mai 2007, relative à la vérification des pouvoirs de M. Donnici, laquelle déclare non valide le mandat de membre du Parlement européen de ce dernier (ci-après la «décision attaquée»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

L’acte de 1976

2

Les articles 1er, 2, 6 à 8, 12 et 13 de l’acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO L 278, p. 1), tel que modifié et renuméroté par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 (JO L 283, p. 1, ci-après l’«acte de 1976»), prévoient:

«Article premier

[…]

3.   L’élection se déroule au suffrage universel direct, libre, et secret.

Article 2

En fonction de leurs spécificités nationales, les États membres peuvent constituer des circonscriptions pour l’élection au Parlement européen ou prévoir d’autres subdivisions électorales, sans porter globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin.

Article 6

1.   Les membres du Parlement européen votent individuellement et personnellement. Ils ne peuvent être liés par des instructions ni recevoir de mandat impératif.

[…]

Article 7

1.   La qualité de membre du Parlement européen est incompatible avec celle de:

membre du gouvernement d’un État membre,

membre de la Commission des Communautés européennes,

juge, avocat général ou greffier de la Cour de justice des Communautés européennes ou du Tribunal de première instance,

membre du directoire de la Banque centrale européenne,

membre de la Cour des comptes des Communautés européennes,

médiateur des Communautés européennes,

membre du Comité économique et social de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique,

membre de comités ou organismes créés en vertu ou en application des traités instituant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique en vue de l’administration de fonds communautaires ou d’une tâche permanente et directe de gestion administrative,

membre du conseil d’administration, du comité de direction ou employé de la Banque européenne d’investissement,

fonctionnaire ou agent en activité des institutions des Communautés européennes ou des organes ou organismes qui leur sont rattachés ou de la Banque centrale européenne.

2.   À partir de l’élection au Parlement européen en 2004, la qualité de membre du Parlement européen est incompatible avec celle de membre d’un parlement national.

[…]

Article 8

Sous réserve des dispositions du présent acte, la procédure électorale est régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales.

Ces dispositions nationales, qui peuvent éventuellement tenir compte des particularités dans les États membres, ne doivent pas globalement porter atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin.

Article 12

Le Parlement européen vérifie les pouvoirs des membres du Parlement européen. À cet effet, il prend acte des résultats proclamés officiellement par les États membres et statue sur les contestations qui pourraient être éventuellement soulevées sur la base des dispositions du présent acte, à l’exclusion des dispositions auxquelles celui-ci renvoie.

Article 13

1.   Un siège devient vacant quand le mandat d’un membre du Parlement européen expire en cas de sa démission ou de son décès ou de déchéance de son mandat.

2.   Sous réserve des autres dispositions du présent acte, chaque État membre établit les procédures appropriées pour que, au cas où un siège devient vacant, ce siège soit pourvu pour le reste de la période quinquennale visée à l’article 3.

3.   Lorsque la législation d’un État membre établit expressément la déchéance du mandat d’un membre du Parlement européen, son mandat expire en application des dispositions de cette législation. Les autorités nationales compétentes en informent le Parlement européen.

4.   Lorsqu’un siège devient vacant par démission ou décès, le président du Parlement européen en informe sans retard les autorités compétentes de l’État membre concerné.»

Le règlement intérieur du Parlement européen

3

Les articles 3 et 4 du règlement intérieur du Parlement européen (ci-après le «règlement intérieur») sont ainsi libellés:

«Article 3

Vérification des pouvoirs

[…]

3.   Sur la base d’un rapport de sa commission compétente, le Parlement procède sans délai à la vérification des pouvoirs et statue sur la validité du mandat de chacun de ses membres nouvellement élus, ainsi que sur les contestations éventuelles présentées conformément aux dispositions de l’[acte de 1976], à l’exclusion de celles fondées sur les lois électorales nationales.

4.   Le rapport de la commission compétente est fondé sur la communication officielle par chaque État membre de l’ensemble des résultats électoraux précisant le nom des candidats élus, ainsi que celui des remplaçants éventuels avec leur ordre de classement tel qu’il résulte du vote.

Le mandat d’un député ne pourra être validé qu’après que celui-ci a effectué les déclarations écrites exigées par le présent article ainsi que par l’annexe I du présent règlement.

Le Parlement, sur la base d’un rapport de sa commission compétente, peut à tout moment se prononcer sur toute contestation concernant la validité du mandat de l’un de ses membres.

5.   Lorsque la nomination d’un député résulte du désistement de candidats figurant sur la même liste, la commission chargée de la vérification des pouvoirs veille à ce que ce désistement soit intervenu conformément à l’esprit et à la lettre de l’[acte de 1976], ainsi que de l’article 4, paragraphe 3, du présent règlement.

[…]

Article 4

Durée du mandat parlementaire

[…]

3.   Tout député démissionnaire notifie sa démission au président, ainsi que la date à laquelle celle-ci prend effet, qui ne doit pas dépasser les trois mois suivant la notification; cette notification prend la forme d’un procès-verbal rédigé en présence du secrétaire général ou de son représentant, signé par lui et le député concerné et soumis sans délai à la commission compétente qui l’inscrit à l’ordre du jour de sa première réunion suivant réception de ce document.

Si la commission compétente estime que la démission est incompatible avec l’esprit ou la lettre de l’[acte de 1976], elle en informe le Parlement, afin que celui-ci décide de constater ou non la vacance.

Dans le cas contraire, la constatation de la vacance intervient à compter de la date indiquée par le député démissionnaire dans le procès-verbal de démission. Il n’y a pas de vote du Parlement en la matière.

[…]

9.   Le Parlement se réserve, dans le cas où l’acceptation du mandat ou sa résiliation paraissent entachées, soit d’inexactitude matérielle, soit de vice du consentement, de déclarer non valable le mandat examiné ou de refuser de constater la vacance du siège.»

Le statut des députés au Parlement européen

4

Aux termes du quatrième considérant de la décision 2005/684/CE, Euratom du Parlement européen, du 28 septembre 2005, portant adoption du statut des députés au Parlement européen (JO L 262, p. 1, ci-après le «statut des députés»), «[l]a liberté et l’indépendance du député, qui sont consacrées à l’article 2, devraient être réglementées. Elles ne figurent dans aucun texte du droit primaire. Les déclarations par lesquelles des députés s’engagent à se démettre de leur mandat à un moment donné, ou les actes en blanc au sujet de la démission, qui peuvent être utilisés à loisir par tel ou tel parti, devraient être considérés comme incompatibles avec la liberté et l’indépendance du député, et ne devraient par conséquent avoir aucune force juridique contraignante».

5

En outre, le cinquième considérant du statut des députés précise que l’article 3, paragraphe 1, dudit statut reprend intégralement les dispositions de l’article 6, paragraphe 1, de l’acte de 1976.

6

Enfin, les articles 2 et 30 du statut des députés disposent:

«Article 2

1.   Les députés sont libres et indépendants.

2.   Les accords relatifs à une démission du mandat avant l’expiration ou à la fin d’une législature sont nuls et non avenus.

Article 30

Le présent statut entre en vigueur le premier jour de la législature du Parlement européen qui débute en 2009.»

La réglementation nationale

7

La loi no 18, du 24 janvier 1979, relative aux élections des représentants italiens au Parlement européen (GURI no 29, du 30 janvier 1979, p. 947, ci-après la «loi du 24 janvier 1979»), porte sur l’élection des membres italiens du Parlement. Elle prévoit que les parlementaires sont élus au suffrage universel et au scrutin de liste direct, libre et secret. Les sièges sont répartis entre les listes à la proportionnelle, suivant les modalités prévues par cette loi, et le nombre de sièges est attribué aux diverses circonscriptions, cinq en tout, sur la base des résultats du dernier recensement général de la population.

8

L’article 20 de la loi du 24 janvier 1979 prévoit que les bureaux électoraux des diverses circonscriptions ont notamment pour tâche de déterminer le classement des candidats de chaque liste sur la base des résultats individuels. Les résultats sont transmis à l’Ufficio elettorale nazionale per il Parlamento europeo presso la Corte di cassazione (bureau électoral national pour le Parlement européen auprès de la Cour de cassation, ci-après le «bureau électoral italien»). Conformément à l’article 21 de cette loi, le bureau électoral italien a pour tâche de déterminer le nombre de votes recueillis sur le plan national par chaque liste, de procéder à la répartition des sièges entre les listes sur la base du nombre de votes pour chaque liste et de ventiler les sièges ainsi attribués à chaque liste entre les diverses circonscriptions. Ce bureau rédige, conformément à l’article 22 de ladite loi, un procès-verbal devant être transmis au secrétariat du Parlement.

9

La loi du 24 janvier 1979 contient, en outre, une réglementation détaillée de la subrogation à son article 41, selon lequel le candidat élu dans plusieurs circonscriptions doit déclarer au bureau électoral italien la circonscription pour laquelle il veut opter. Pour la circonscription non choisie, ce bureau proclame élu le candidat qui suit immédiatement le dernier élu. En outre, un siège devenu vacant pendant la durée du mandat est attribué par le bureau électoral italien au candidat de la même liste et circonscription qui suit le dernier élu.

10

Conformément à l’article 46 de cette loi, le bureau électoral italien communique au secrétariat du Parlement les subrogations intervenues sur la base des jugements et des arrêts qui ont irrévocablement tranché les litiges y afférents, corrige, le cas échéant, le résultat des élections et remplace les candidats illégitimement proclamés par ceux qui ont le droit de l’être, en en informant les intéressés et le secrétariat du Parlement.

Les faits à l’origine du litige et la décision attaquée

11

Lors de l’élection des membres du Parlement qui a eu lieu les 12 et 13 juin 2004, M. Donnici s’est porté candidat sur la liste commune Società Civile — Di Pietro Occhetto. Cette liste a obtenu deux sièges, le premier dans la circonscription de l’Italie méridionale et le second dans la circonscription de l’Italie Nord-occidentale. M. Di Pietro, arrivé en tête dans les deux circonscriptions, a opté pour la circonscription de l’Italie méridionale.

12

M. Occhetto figurait en deuxième position sur les listes électorales compte tenu du nombre de votes obtenus dans les deux circonscriptions, devançant M. Donnici dans la circonscription de l’Italie méridionale et M. Chiesa dans celle de l’Italie Nord-occidentale. M. Di Pietro ayant opté pour le siège de la circonscription de l’Italie méridionale, M. Occhetto aurait dû être proclamé élu dans la circonscription de l’Italie Nord-occidentale. Toutefois, par déclaration écrite du 6 juillet 2004, parvenue le lendemain au bureau électoral italien, M. Occhetto, qui avait à l’époque un mandat au Sénat italien, a renoncé à l’élection au Parlement dans les deux circonscriptions.

13

À la suite de cette renonciation, le bureau électoral italien a, le 18 juillet 2004, proclamé élus M. Chiesa dans la circonscription de l’Italie Nord-occidentale ainsi que M. Di Pietro dans celle de l’Italie méridionale et a, le 12 novembre 2004, communiqué le nom de M. Donnici en tant que premier sur la liste des remplaçants de M. Di Pietro pour la circonscription de l’Italie méridionale, tandis que M. Occhetto, qui s’était désisté, ne figurait pas sur cette liste.

14

Lors des élections législatives des 9 et 10 avril 2006 en Italie, M. Di Pietro a été élu député au Parlement italien et a opté en faveur de son mandat national, avec effet à compter du 28 avril 2006. Cette fonction étant, conformément à l’article 7, paragraphe 2, de l’acte de 1976, incompatible avec la qualité de membre du Parlement, ce dernier a constaté la vacance du siège en cause.

15

Par déclaration du 27 avril 2006, adressée au bureau électoral italien, M. Occhetto, qui s’était porté candidat aux mêmes élections nationales mais n’avait pas été réélu, a révoqué sa renonciation du 6 juillet 2004 et a demandé à occuper le siège devenu vacant à la suite du choix de M. Di Pietro pour le Parlement national.

16

À la suite de cette déclaration, le bureau électoral italien a proclamé, le 8 mai 2006, l’élection de M. Occhetto en tant que membre du Parlement et communiqué à cette même date son nom au Parlement pour figurer comme remplaçant de M. Di Pietro.

17

Par son jugement du 21 juillet 2006, le Tribunale amministrativo regionale del Lazio a rejeté comme étant non fondé le recours en annulation introduit par M. Donnici contre cette proclamation.

18

M. Donnici a également contesté la proclamation de M. Occhetto en tant que député européen à la place de M. Di Pietro devant le Parlement. Cette contestation a été examinée par la commission des affaires juridiques du Parlement, lors de sa réunion du 21 juin 2006. Après avoir constaté que, conformément à l’article 12 de l’acte de 1976, cette contestation n’était pas recevable du fait qu’elle était fondée sur la loi électorale italienne, la commission des affaires juridiques a proposé, à l’unanimité, au Parlement, la validation du mandat de M. Occhetto. Le 3 juillet 2006, le Parlement a ratifié le mandat de M. Occhetto.

19

Par arrêt du 6 décembre 2006, le Consiglio di Stato a accueilli l’appel de M. Donnici contre le jugement du Tribunale amministrativo regionale del Lazio en annulant la proclamation de M. Occhetto comme membre du Parlement, à laquelle avait procédé le bureau électoral italien le Le Consiglio di Stato a constaté, notamment, que «la volonté populaire […] n’a jamais empêché aucun candidat de renoncer à l’élection» et que «le caractère indisponible du classement [électoral] interdi[t] […] au renonçant de revenir […] à sa guise dans le classement».

20

L’arrêt du Consiglio di Stato a acquis force de chose jugée à la suite de l’arrêt du 26 mars 2007 de la Corte suprema di cassazione, ayant déclaré le recours de M. Occhetto irrecevable en raison d’un vice de forme. Par requête du 19 avril 2007, M. Occhetto a saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une plainte, qui était, selon les indications du représentant de M. Occhetto lors de l’audience du 5 mars 2009, toujours pendante.

21

Le 29 mars 2007, le bureau électoral italien a pris acte de l’arrêt du Consiglio di Stato et a proclamé l’élection de M. Donnici comme membre du Parlement pour la circonscription de l’Italie méridionale, révoquant ainsi le mandat de M. Occhetto. Cette proclamation ayant été communiquée au Parlement, ce dernier en a pris acte dans le procès-verbal de la session plénière du 23 avril 2007 en vertu duquel M. Donnici siégeait au Parlement, mais seulement provisoirement et sous réserve de la décision ultérieure du Parlement sur la vérification de ses pouvoirs.

22

Entre-temps, par lettre du 5 avril 2007, M. Occhetto a soulevé une contestation et a demandé au Parlement de confirmer son mandat ainsi que de ne pas valider celui de M. Donnici. À la suite de cette contestation, le Parlement a soumis le mandat de M. Donnici à l’examen de sa commission juridique.

23

Le Parlement a pris, le 24 mai 2007, la décision attaquée, qui énonce:

«Le Parlement européen,

vu l’acte [de 1976],

vu les articles 3, 4 et 9 ainsi que l’annexe I de son règlement,

vu la communication officielle, par l’autorité nationale compétente italienne, de l’élection de Beniamino Donnici au Parlement européen,

vu la contestation reçue d’Achille Occhetto, le 25 mars 2007, concernant la validité de l’élection de Beniamino Donnici au Parlement européen,

vu le rapport de la commission des affaires juridiques (A6-0198/2007),

[…]

D.

considérant que les dispositions nationales relatives à la procédure électorale européenne doivent être conformes aux principes fondamentaux de l’ordre communautaire, et en particulier au droit communautaire primaire, ainsi qu’à l’esprit et à la lettre de l’acte [de 1976]; considérant que, pour ces raisons, les autorités nationales compétentes — législatives, administratives et juridictionnelles —, lorsqu’elles appliquent et/ou interprètent leurs dispositions nationales relatives à la procédure électorale européenne, ne peuvent pas ne pas tenir compte des principes du droit communautaire en matière électorale,

E.

considérant que la conformité du désistement d’Achille Occhetto à l’esprit et à la lettre de l’acte [de 1976] doit être appréciée à la lumière de l’article 6 de ce dernier […] et considérant que la liberté et l’indépendance des députés constituent un réel principe clé,

F.

considérant que le statut des députés (en vigueur à partir de 2009) prévoit en son article 2, paragraphe 1, que ‘les députés sont libres et indépendants’; que le paragraphe 2 de cet article, qui apparaît comme une suite naturelle du paragraphe 1, énonce que ‘les accords relatifs à une démission du mandat avant l’expiration ou à la fin d’une législature sont nuls et non avenus’,

G.

considérant que ces dispositions du statut des députés ne font qu’expliciter les principes de liberté et d’indépendance déjà contenus dans l’acte [de 1976] […],

[…]

K.

considérant que la portée juridique de l’article 6 de l’acte [de 1976] fait également rentrer dans son champ d’application les candidats qui figurent officiellement dans l’ordre de classement postélectoral, et ce dans l’intérêt du Parlement européen, sachant que de tels candidats composent potentiellement ledit Parlement,

L.

considérant que le désistement de l’élection présenté par Achille Occhetto est le résultat d’une volonté découlant d’un accord, […] et que, par conséquent, ce désistement doit être considéré comme incompatible avec la lettre et l’esprit de l’acte [de 1976] et par conséquent nul,

M.

considérant que la nullité du désistement d’Achille Occhetto fait tomber l’élément de fait et de droit à la base de l’existence et de la validité du mandat de son successeur Beniamino Donnici,

[…]

O.

considérant que le [Consiglio di Stato], par arrêt définitif ayant force de chose jugée, a annulé la proclamation d’Achille Occhetto comme député au Parlement européen,

P.

considérant que, sur la base de l’article 12 de l’acte [de 1976], c’est le Parlement européen — et le Parlement européen seul — qui vérifie les pouvoirs de ses membres, élus au suffrage universel; que cette prérogative fondamentale du Parlement européen ne saurait être mise à mal, et encore moins rendue caduque, par une disposition émise par les autorités nationales en opposition flagrante avec les normes et les principes pertinents du droit communautaire et cela même dans le cas où cette disposition a été adoptée de manière définitive par un organe juridictionnel suprême de cet État, comme c’est le cas de l’arrêt du [Consiglio di Stato] en question; […]

Q.

considérant que le Parlement européen peut légitimement récuser la validité du mandat de Beniamino Donnici et, parallèlement, ignorer la décision du [Consiglio di Stato], laquelle est contraire à l’esprit et à la lettre de l’acte [de 1976], ce qui le conduit à maintenir le mandat d’Achille Occhetto,

1.

déclare non valide le mandat de député au Parlement européen de Beniamino Donnici dont l’élection a été communiquée par l’autorité nationale compétente,

2.

confirme la validité du mandat d’Achille Occhetto,

[…]»

Les procédures devant les juridictions communautaires et les conclusions des parties

24

Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 22 juin 2007, enregistrée sous le numéro T-215/07, M. Donnici a introduit un recours en annulation contre la décision attaquée qui lui avait été notifiée le 29 mai 2007. Par ordonnance du 13 décembre 2007, Donnici/Parlement (T-215/07, Rec. p. II-5239), le Tribunal s’est dessaisi de l’affaire T-215/07 au profit de la Cour afin que celle-ci puisse statuer sur le recours en annulation. Celui-ci a été inscrit au registre de la Cour sous le numéro C-9/08. Par ordonnance du président de la Cour du 21 février 2008, M. Occhetto a été admis à intervenir au soutien des conclusions du Parlement et la République italienne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de M. Donnici.

25

Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 14 août 2007, le Parlement avait soulevé une exception au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal tendant à ce que l’avis de son service juridique du 2 mai 2007 produit à l’annexe A.11 de la requête de M. Donnici soit retiré du dossier. Par ordonnance du 29 janvier 2009, la Cour a accueilli la demande du Parlement et a réservé à l’arrêt au fond la décision sur la demande de M. Donnici d’ordonner, par mesure d’instruction, la production dudit avis juridique.

26

Par requête déposée au greffe de la Cour le 1er août 2007, enregistrée sous le numéro C-393/07, la République italienne a également introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée qui lui avait été notifiée le 28 mai 2007. Par ordonnance du président de la Cour du 1er février 2008, la République de Lettonie a été admise à intervenir dans cette affaire au soutien des conclusions de la République italienne. La République de Lettonie n’a participé ni à la procédure écrite ni à la procédure orale.

27

Par ordonnance du président de la quatrième chambre du 30 janvier 2009, les deux recours en annulation ont été joints aux fins de la procédure orale ainsi que de l’arrêt.

28

Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 22 juin 2007, enregistré sous le numéro T-215/07 R, M. Donnici a demandé le sursis à l’exécution de la décision attaquée. Le juge des référés, remplaçant le président du Tribunal, a accueilli cette demande et décidé, par ordonnance du 15 novembre 2007, Donnici/Parlement (T-215/07 R, Rec. p. II-4673), le sursis à l’exécution de la décision attaquée.

29

Par ordonnance du président de la Cour du 13 janvier 2009, Occhetto et Parlement/Donnici [C-512/07 P(R) et C-15/08 P(R), Rec. p. I-1)], les pourvois en référé de M. Occhetto et du Parlement contre ladite ordonnance ont été rejetés.

30

Par leurs recours, la République italienne ainsi que M. Donnici demandent à la Cour d’annuler la décision attaquée et de condamner le Parlement aux dépens. M. Donnici demande, à titre incident, au titre de l’article 241 CE, que l’article 3, paragraphe 5, du règlement intérieur soit déclaré illégal et, à titre subsidiaire, qu’il soit ordonné de verser au dossier de la présente procédure l’avis juridique du 2 mai 2007 du service juridique du Parlement. Le Parlement conclut au rejet des recours et à la condamnation de la République italienne ainsi que de M. Donnici aux dépens.

Sur les recours

31

Dans l’affaire C-393/07, la République italienne soulève cinq moyens tirés respectivement de ce que la décision attaquée aurait violé les articles 6, 8, 12 et 13 de l’acte de 1976 ainsi que 6 UE, l’article 2 du statut des députés, les articles 199 CE ainsi que 3 et 4 du règlement intérieur, les articles 6 UE ainsi que 10 CE et 230 CE et, enfin, de ce que cette décision serait entachée d’un défaut de motivation.

32

Dans l’affaire C-9/08, M. Donnici soulève deux moyens tirés, premièrement, de la violation des articles 12 de l’acte de 1976 et 3, paragraphe 1, du règlement intérieur, du principe d’indépendance, de l’interdiction du mandat impératif ainsi que de l’autorité de la chose jugée et, deuxièmement, du défaut de motivation de la décision attaquée.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

33

La République italienne et M. Donnici font valoir, en substance, que le Parlement aurait dû se contenter, conformément à l’article 12 de l’acte de 1976, de prendre acte de la proclamation de l’élection de M. Donnici effectuée par le bureau électoral italien. Cet article 12 ne permettrait pas au Parlement de s’écarter de ladite proclamation en raison de la prétendue incompatibilité de celle-ci avec le droit communautaire. De même, le Parlement ne pourrait se fonder, dans le cadre d’une décision statuant sur des contestations, que sur des dispositions de l’acte de 1976 à l’exclusion des autres dispositions du droit communautaire, y compris les principes généraux de celui-ci.

34

Quant à l’article 6 de l’acte de 1976, ils soutiennent qu’il s’applique aux seuls députés et non aux candidats non élus, de sorte que cet article ne couvre pas la renonciation de M. Occhetto exprimée le 6 juillet 2004 lorsqu’il n’était pas député au Parlement. Ledit article visant, selon son libellé, uniquement l’exercice du mandat parlementaire, les événements de la procédure électorale et le comportement des candidats non élus antérieurement à leur nomination en tant que députés ne seraient pas couverts par celui-ci.

35

En revanche, le Parlement, soutenu par M. Occhetto, estime qu’il lui incombe, en vertu de l’article 12 de l’acte de 1976, de veiller à ce que la proclamation effectuée par les autorités nationales respecte le droit communautaire en général et, notamment, les principes établis par l’acte de 1976. Cette compréhension de ses compétences serait reflétée par les articles 3, paragraphes 4 et 5, 4, paragraphes 3 et 9, de son règlement intérieur ainsi que par sa pratique en la matière. Lorsque la procédure électorale concourt à sa formation, il serait évident qu’il existe un niveau réglementaire communautaire établissant un standard minimal propre à éviter toute distorsion résultant de la disparité des procédures nationales, devant être garanti par le Parlement. Par contre, si le Parlement devait se limiter, lors de l’exercice de ses compétences, à l’examen des incompatibilités au sens de l’article 7 de l’acte de 1976, sa compétence serait dépourvue de véritable contenu.

36

Le Parlement, soutenu par M. Occhetto, fait valoir qu’il a, en cas de violation flagrante des principes fondamentaux de l’acte de 1976, tels que le libre mandat parlementaire consacré à l’article 6 de cet acte ainsi que les principes du suffrage universel et proportionnel selon les articles 1er et 2 dudit acte, le droit et même le devoir de ne pas donner suite à cette violation en prenant acte du résultat de la procédure nationale, sinon sa propre décision de validation serait entachée d’illégalité. La primauté du droit communautaire imposerait au Parlement de laisser inappliquée la désignation d’un candidat effectuée par les autorités nationales se trouvant en violation flagrante du droit communautaire.

37

L’article 6 de l’acte de 1976 protégerait également le candidat élu. Sinon, la garantie conférée par cet article ne s’appliquerait pas à des actes, comme en l’espèce la renonciation exprimée par M. Occhetto motivée par un accord électoral, qui empêchent que le mandat voulu par les électeurs se réalise. Cette interprétation dudit article 6 serait corroborée par l’article 2 du statut des députés ainsi que par l’article 3 du protocole additionnel no 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

38

En outre, le Parlement fait valoir que l’applicabilité dudit article 6 au cas d’espèce découle déjà du fait que M. Occhetto siégeait au Parlement lorsque les autorités nationales lui ont notifié le remplacement de l’intéressé par M. Donnici.

Appréciation de la Cour

39

Le premier moyen soulève la question de l’étendue des pouvoirs dont dispose le Parlement lors de la vérification des mandats de ses membres en vertu de l’article 12 de l’acte de 1976. Ainsi, afin d’examiner la validité de la décision attaquée, il convient essentiellement d’analyser l’ampleur des pouvoirs que cette disposition attribue au Parlement. Or, l’article 12 de cet acte suppose, en tout état de cause, que la décision du Parlement se fonde sur une disposition de cet acte au sujet de laquelle une contestation peut être soulevée. Le Parlement invoquant à cet égard principalement l’article 6 de l’acte de 1976, il y a lieu de déterminer, tout d’abord, si cette disposition est, par principe, applicable en l’espèce.

— Sur l’applicabilité de l’article 6 de l’acte de 1976

40

L’article 6, paragraphe 1, de l’acte de 1976 dispose que les membres du Parlement votent individuellement et personnellement et ne peuvent être liés par des instructions ni recevoir de mandat impératif.

41

Comme il ressort du libellé dudit article, il se réfère expressément aux «membres du Parlement» et concerne l’exercice du mandat de parlementaire. Qui plus est, ce même article fait mention de la prérogative de vote desdits membres, prérogative qui, par sa nature, ne peut pas être associée à la qualité de candidat proclamé officiellement dans l’ordre de classement postélectoral (voir ordonnance Occhetto et Parlement/Donnici, précitée, point 41).

42

Force est de constater que l’article 6 de l’acte de 1976, eu égard à son libellé clair, ne s’applique pas à des actes ayant pour objet la renonciation d’un candidat élu, comme en l’occurrence celle exprimée par M. Occhetto à sa position de remplaçant de M. Di Pietro.

43

Les arguments avancés à cet égard par le Parlement ne permettent pas de s’écarter de cette interprétation.

44

Notamment, il ne saurait être reconnu au Parlement une compétence générale pour apprécier la légalité des procédures électorales des États membres au regard de l’ensemble des principes prétendument sous-jacents à l’article 6 de l’acte de 1976, tels que les déduit le Parlement en particulier de l’article 3 du protocole additionnel no 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, au moyen d’une interprétation large de cet article 6 à la lumière de ces principes (voir, en ce sens, ordonnance Occhetto et Parlement/Donnici, précitée, point 43).

45

En effet, une telle interprétation dudit article 6 méconnaîtrait la décision prise par ses auteurs en transformant cette disposition relative à l’exercice du mandat, malgré son champ d’application précisément circonscrit, en une règle de compétence régissant la procédure électorale, ce domaine étant, conformément à l’article 8 de l’acte de 1976, régi, en principe, par les dispositions nationales.

46

S’agissant de l’article 2 du statut des députés, auquel le Parlement fait référence pour soutenir son interprétation de l’article 6 de l’acte de 1976, il importe de signaler, tout d’abord, que ce statut n’était pas en vigueur à l’époque des faits en cause. En outre, le quatrième considérant du statut des députés énonce que «[l]a liberté et l’indépendance du député, qui sont consacrées à l’article 2, devraient être réglementées» puisqu’elles «ne figurent dans aucun texte du droit primaire» et le cinquième considérant de celui-ci précise que l’article 3, paragraphe 1, de ce statut reprend intégralement les dispositions de l’article 6, paragraphe 1, de l’acte de 1976. Il en découle que l’article 2 du statut des députés ne constitue pas une codification dudit article 6 (voir, en ce sens, ordonnance Occhetto et Parlement/Donnici, précitée, point 44).

47

En outre, le Parlement ne peut, conformément au principe de hiérarchie des normes, se fonder sur une disposition de son règlement intérieur et sa prétendue pratique en cette matière pour effectuer une interprétation contra legem de l’article 6 de l’acte de 1976 (voir, en ce sens, ordonnance Occhetto et Parlement/Donnici, précitée, point 45).

48

En effet, force est de constater que le règlement intérieur est un acte d’organisation interne ne pouvant instituer au profit du Parlement des compétences qui ne sont pas expressément reconnues par un acte normatif, en l’occurrence par l’acte de 1976 (voir arrêt du 21 octobre 2008, Marra, C-200/07 et C-201/07, Rec. p. I-7929, point 38). Il s’ensuit a fortiori que la prétendue pratique institutionnelle ne saurait déroger audit article 6.

49

Il résulte de ce qui précède que la renonciation exprimée par M. Occhetto à sa position sur la liste des remplaçants ne relève pas du champ d’application de l’article 6 de l’acte de 1976, de sorte que cet article ne pouvait servir de base pour une contestation dans le cadre de la vérification des pouvoirs des membres du Parlement au titre de l’article 12 de cet acte et que, dès lors, le Parlement ne pouvait fonder la décision attaquée sur une violation dudit article 6.

— Sur la violation de l’article 12 de l’acte de 1976

50

Après avoir constaté que l’article 6 de l’acte de 1976 ne pouvait fonder la décision attaquée, se pose la question de savoir si cette décision peut être basée sur une violation des principes de suffrage universel et proportionnel consacrés aux articles 1er et 2 de l’acte de 1976, comme le fait valoir le Parlement. En se référant à une violation desdits principes, le Parlement s’est reconnu un pouvoir de vérifier si la proclamation officielle de M. Donnici comme membre du Parlement est intervenue dans le respect desdites exigences. Il convient donc d’examiner si l’article 12 de cet acte attribue au Parlement une telle compétence lors de la vérification des mandats de ses membres.

51

L’article 12 de l’acte de 1976 dispose que le Parlement, aux fins de la vérification des pouvoirs de ses membres, prend acte des résultats proclamés officiellement par les États membres et statue sur les contestations qui pourraient être éventuellement soulevées sur la base des dispositions du présent acte, à l’exclusion des dispositions auxquelles celui-ci renvoie.

52

Les termes de cet article 12 révèlent que le pouvoir de vérification dont dispose le Parlement, en vertu de la première phrase dudit article, est soumis à deux restrictions importantes figurant à la seconde phrase de celui-ci (voir, en ce sens, ordonnances du 15 novembre 2007, Donnici/Parlement, précitée, point 71, ainsi que Occhetto et Parlement/Donnici, précitée, points 31 et 32).

53

Selon la première partie de la seconde phrase de l’article 12 de l’acte de 1976, le Parlement «prend acte des résultats proclamés officiellement par les États membres». En outre, la compétence particulière du Parlement pour trancher les contestations soulevées, énoncée dans la seconde partie de la seconde phrase dudit article, est également limitée ratione materiæ aux seules contestations «qui pourraient être éventuellement soulevées sur la base de ces dispositions [de l’acte de 1976] à l’exclusion des dispositions nationales auxquelles celui-ci renvoie».

54

D’une part, contrairement à ce que soutient le Parlement, il résulte du texte même de l’article 12 de l’acte de 1976 que cet article ne confère pas au Parlement la compétence pour trancher des contestations soulevées sur la base du droit communautaire dans son ensemble. D’après le libellé clair dudit article, celui-ci vise seulement les «contestations […] soulevées sur la base des dispositions du présent acte» (voir, en ce sens, ordonnance Occhetto et Parlement/Donnici, précitée, point 32).

55

D’autre part, l’exercice consistant à «prendre acte des résultats proclamés officiellement» signifie que le Parlement était tenu de se fonder, aux fins de sa propre décision lors de la vérification des pouvoirs de ses membres, sur la proclamation effectuée le 29 mars 2007 par le bureau électoral italien à la suite de l’arrêt du Consiglio di Stato du 6 décembre 2006. En effet, cette proclamation résulte d’un processus décisionnel conforme aux procédures nationales, par lequel les questions juridiques liées à ladite proclamation ont été définitivement tranchées et constitue, dès lors, une situation juridique préexistante. Or, la Cour a déjà jugé que l’utilisation de l’expression «prendre acte» dans le contexte de l’acte de 1976 doit être interprétée comme indiquant l’absence totale de marge d’appréciation du Parlement en la matière (voir, en ce sens, arrêt du 7 juillet 2005, Le Pen/Parlement, C-208/03 P, Rec. p. I-6051, point 50).

56

Cette interprétation de l’expression «prendre acte» figurant à l’article 12, paragraphe 2, de l’acte de 1976, dans sa version originale, selon lequel les États membres informent le Parlement, qui en prend acte, d’une vacance d’un siège résultant de l’application des dispositions nationales, vaut également pour la même expression figurant à l’article 12 de l’acte de 1976 dans sa version actuelle. Si l’article 12, paragraphe 2, de l’acte de 1976, dans sa version originale, exclut toute marge d’appréciation du Parlement même en cas de déchéance du mandat d’un de ses membres résultant de l’application de dispositions nationales ayant une incidence sur la composition existante de cette institution, cette absence de pouvoir de décision vaut à plus forte raison pour la vérification, conformément à l’article 12 de l’acte de 1976, des pouvoirs des membres du Parlement proclamés officiellement par les États membres. En effet, dans ce cadre, il s’agit de la désignation, par les autorités nationales, des futurs membres du Parlement conformément à la procédure électorale qui est régie, comme il ressort expressément de l’article 8 de l’acte de 1976, par les dispositions nationales.

57

Il en découle que le Parlement n’est pas en mesure de remettre en cause la régularité même de la proclamation effectuée par le bureau électoral national. L’article 12 de l’acte de 1976 n’autorise pas non plus le Parlement à refuser de prendre acte d’une telle proclamation s’il estime être en présence d’une irrégularité (voir, en ce sens, ordonnance du 15 novembre 2007, Donnici/Parlement, précitée, point 75).

58

Cette interprétation de l’article 12 de l’acte de 1976 est confortée par une lecture de celui-ci à la lumière des dispositions pertinentes du traité CE ainsi que par le cadre réglementaire dans lequel s’insère ledit article.

59

À cet égard, il convient de relever que, conformément aux articles 5, premier alinéa, CE, 7, paragraphe 1, second alinéa, CE ainsi que 189, premier alinéa, CE, le Parlement exerce les pouvoirs et agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par les traités.

60

En outre, selon l’article 8 de l’acte de 1976, «la procédure électorale est régie, dans chaque État membre, par les dispositions nationales» sous réserve des dispositions de l’acte de 1976. Dès lors, si les États membres sont tenus de respecter les dispositions de l’acte de 1976 en ce qu’elles prévoient certaines modalités électorales, il n’en demeure pas moins que c’est à eux qu’appartient, en définitive, la tâche d’organiser, selon la procédure fixée par leurs dispositions nationales, les élections et, dans ce cadre, de procéder également au dépouillement des votes et à la proclamation officielle des résultats électoraux (ordonnance du 15 novembre 2007, Donnici/Parlement, précitée, point 74).

61

Enfin, l’article 13, paragraphe 2, de l’acte de 1976 dispose que les États membres établissent des procédures appropriées afin de pourvoir aux sièges devenus vacants.

62

Dès lors, conformément à ce cadre réglementaire, la procédure électorale pour l’élection des membres du Parlement, qui a eu lieu les 12 et 13 juin 2004, ainsi que pour la nomination des remplaçants pour des sièges devenus vacants restait régie dans chaque État membre par les dispositions nationales pertinentes, en l’occurrence la loi du 24 janvier 1979 (voir, en ce sens, ordonnance du 15 novembre 2007, Donnici/Parlement, précitée, point 66).

63

Par ailleurs, en l’absence de réglementation communautaire en cette matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que le justiciable tire du droit communautaire pour autant, d’une part, que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des droits qui trouveraient leur origine dans l’ordre juridique interne (principe d’équivalence) et, d’autre part, qu’elles ne rendent pas impossible ou excessivement difficile, en pratique, l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2006, Eman et Sevinger, C-300/04, Rec. p. I-8055, point 67).

64

Or, le Parlement n’a pas fait valoir que les dispositions procédurales italiennes se heurteraient à ces principes d’équivalence et d’effectivité. En outre, même à supposer une telle hypothèse, il n’en résulterait pas que le Parlement serait habilité à remplacer les actes relevant des autorités nationales compétentes par ses propres appréciations.

65

En revanche, veiller au respect, par les États membres, des dispositions du traité ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de celui-ci, incombe, notamment, à la Commission, qui est habilitée, en vertu de l’article 226 CE, à introduire devant la Cour une procédure en manquement si elle estime qu’un État membre a manqué à ses obligations. En outre, le contrôle du respect de ces dispositions est assuré par la procédure conformément à l’article 234 CE qui s’insère dans le cadre du contentieux électoral sur le plan national.

66

Ce cadre réglementaire ne laisse pas apparaître que le Parlement dispose d’une compétence générale pour apprécier la conformité des procédures électorales des États membres et leur application au cas d’espèce à l’égard du droit communautaire. Il en découle que la compétence du Parlement se limite, dans le cadre de la vérification des pouvoirs de ses membres, aux prérogatives telles que définies de manière claire par les dispositions pertinentes de l’acte de 1976 (voir, en ce sens, ordonnance Occhetto et Parlement/Donnici, précitée, point 32).

67

Il en résulte qu’une interprétation de l’article 12 de l’acte de 1976 qui instituerait au profit du Parlement une compétence générale de contrôle de la proclamation officielle effectuée par les autorités des États membres serait non seulement contraire au libellé de cet article, mais également incompatible avec le principe consacré aux articles 5 CE et 7 CE selon lesquels les compétences de la Communauté et de ses institutions sont des compétences d’attribution (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2000, Allemagne/Parlement et Conseil, C-376/98, Rec. p. I-8419, point 83, ainsi que du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. p. I-6351, point 203 et jurisprudence citée).

68

Les arguments avancés par le Parlement et soutenus par M. Occhetto, rappelés aux points 34 à 37 du présent arrêt, ne sauraient remettre en cause cette interprétation de l’article 12 de l’acte de 1976 excluant toute compétence du Parlement pour s’écarter de la proclamation effectuée par le bureau électoral italien.

69

L’argument, avancé en premier lieu, selon lequel, en l’absence d’une compétence du Parlement pour contrôler les résultats proclamés par les États membres au regard du droit communautaire, les pouvoirs de vérification du Parlement en vertu de l’article 12 de l’acte de 1976 sont vides de contenu doit être écarté. En effet, il convient de souligner que le Parlement conserve toute compétence pour se prononcer dans le cadre de l’article 12 de l’acte de 1976 sur la situation d’un candidat élu possédant une des qualités incompatibles avec celle de membre du Parlement telles qu’elles sont énumérées à l’article 7 de l’acte de 1976 (voir ordonnance Occhetto et Parlement/Donnici, précitée, point 33).

70

En second lieu, quant à l’argument selon lequel le Parlement devrait être en mesure, pour garantir un standard minimal concernant la nomination de ses membres, d’écarter la proclamation effectuée par les autorités nationales qui se trouverait en opposition flagrante avec les principes fondamentaux de l’acte de 1976, il importe de rappeler qu’il appartient aux juridictions nationales de statuer, le cas échéant après un renvoi préjudiciel à la Cour au sens de l’article 234 CE, sur la légalité des dispositions et des procédures électorales nationales (ordonnance du 15 novembre 2007, Donnici/Parlement, précitée, point 93).

71

En l’espèce, un tel contrôle juridictionnel a effectivement eu lieu devant les juridictions italiennes compétentes en vertu de la loi du 24 janvier 1979. En effet, les questions juridiques liées à la proclamation officielle des résultats électoraux ont été définitivement tranchées, sur le plan national, par l’arrêt du Consiglio di Stato du 6 décembre 2006 ayant acquis force de chose jugée.

72

Enfin, le libellé clair de l’article 12 de l’acte de 1976 et la répartition des compétences en la matière opérée par celui-ci s’opposent à la constatation de l’existence d’une lacune dans la protection des droits électoraux des candidats aux élections au Parlement.

73

Pour cette raison, l’argument du Parlement tiré de ce que sa décision sur la vérification des pouvoirs serait elle-même entachée d’une illégalité s’il était obligé de fonder sa propre décision sur un acte national illégal, en l’occurrence la proclamation de M. Donnici par le bureau électoral italien, doit également être écarté.

74

En l’espèce, les compétences respectives du Parlement et des autorités nationales lors de la vérification des pouvoirs des membres du Parlement sont, à la différence de ce que soutient le Parlement en faisant référence à l’arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C-64/05 P, Rec. p. I-11389), clairement réparties entre les instances communautaires et les autorités nationales. À cet égard, le Parlement dispose uniquement, en vertu de l’article 12 de l’acte de 1976, de la compétence pour statuer sur les contestations qui pourraient éventuellement être soulevées sur la base des dispositions de cet acte à l’exclusion des dispositions auxquelles celui-ci renvoie, tandis qu’il incombe aux autorités nationales de proclamer les résultats établis en application des dispositions nationales conformes au droit communautaire.

75

Il ressort de ce qui précède que le Parlement était tenu, en vertu de l’article 12 de l’acte de 1976, de prendre acte de la proclamation effectuée par le bureau électoral italien sans avoir la compétence pour s’en écarter en raison des prétendues irrégularités affectant cet acte national. En déclarant, contrairement à cette proclamation, non valide le mandat de M. Donnici et en confirmant le mandat de M. Occhetto, la décision attaquée a violé l’article 12 de cet acte.

76

Eu égard à tout ce qui précède, la décision attaquée doit être annulée. Dans ces conditions, il n’est pas nécessaire pour la Cour de se prononcer sur les autres moyens invoqués par la République italienne et M. Donnici au soutien de leurs recours. Dès lors, les demandes de M. Donnici, formulées à titre subsidiaire, sont devenues sans objet.

Sur les dépens

77

En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La République italienne et M. Donnici ayant conclu à la condamnation du Parlement et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens de la présente procédure. En vertu du paragraphe 4, premier alinéa, du même article, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens et, en vertu du troisième alinéa du même paragraphe, la Cour peut décider qu’une partie intervenante, autres que celles mentionnées aux alinéas précédents, supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête:

 

1)

La décision 2007/2121 (REG) du Parlement européen, du 24 mai 2007, sur la vérification des pouvoirs de Beniamino Donnici, est annulée.

 

2)

Le Parlement européen est condamné aux dépens exposés par M. Donnici ainsi qu’à ceux exposés par la République italienne en tant que partie requérante.

 

3)

La République italienne en tant que partie intervenante, la République de Lettonie et M. Occhetto supportent leurs propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’italien.