ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

23 avril 2009 (*)

«Manquement d’État – Législation sur des aliments pour animaux et les denrées alimentaires – Règlement (CE) n° 882/2004 – Insuffisance des effectifs affectés aux services préposés aux contrôles vétérinaires»

Dans l’affaire C‑331/07,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 16 juillet 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme H. Tserepa-Lacombe et M. F. Erlbacher, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par Mme S. Charitaki et M. I. Chalkias, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. K. Schiemann, J. Makarczyk (rapporteur), P. Kūris et L. Bay Larsen, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 novembre 2008,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en n’ayant pas pris les mesures réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer, d’une part, à l’obligation, prévue à l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement (CE) n° 882/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relatif aux contrôles officiels effectués pour s’assurer de la conformité avec la législation sur les aliments pour animaux et les denrées alimentaires et avec les dispositions relatives à la santé animale et au bien-être des animaux (JO L 165, p. 1, et rectificatif JO L 191, p. 1), de disposer d’un personnel dûment qualifié et expérimenté en nombre suffisant pour pouvoir exécuter les contrôles officiels et s’acquitter des obligations de contrôle de manière efficace et effective et, d’autre part, à l’obligation, prévue aux dispositions pertinentes de la législation communautaire en matière vétérinaire, de se doter du personnel nécessaire pour pouvoir effectuer lesdits contrôles, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu desdites dispositions.

 Le cadre juridique

2        L’article 1er, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 882/2004 dispose:

«1.      Le présent règlement établit des règles générales applicables à la réalisation des contrôles officiels destinés à vérifier le respect des règles visant notamment:

a)      à prévenir ou éliminer les risques qui pourraient survenir, soit directement, soit à travers l’environnement, pour les êtres humains et les animaux, ou à réduire ces risques à un niveau acceptable,

et

b)      à garantir des pratiques loyales en ce qui concerne le commerce des aliments pour animaux et des denrées alimentaires et la protection des intérêts des consommateurs, y compris l’étiquetage des aliments pour animaux et des denrées alimentaires et toute autre forme d’information destinée aux consommateurs.

[…]

3.      Le présent règlement n’affecte pas les dispositions communautaires spécifiques relatives aux contrôles officiels.»

3        Aux termes de l’article 2, point 1, dudit règlement, on entend par «‘contrôle officiel’: toute forme de contrôle effectué par l’autorité compétente ou par la Communauté pour vérifier le respect de la législation relative aux aliments pour animaux et aux denrées alimentaires ainsi que des dispositions concernant la santé animale et le bien-être des animaux».

4        L’article 3, paragraphe 1, du même règlement énonce les obligations générales concernant l’organisation des contrôles officiels et prévoit, en particulier, que les États membres veillent à ce que des contrôles officiels soient effectués régulièrement et en fonction du risque et à une fréquence adéquate pour atteindre les objectifs visés par ce règlement, en tenant compte des éléments précisés à ladite disposition.

5        Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004:

«Les autorités compétentes veillent:

[…]

c)      à posséder des laboratoires d’une capacité appropriée pour effectuer les examens ainsi qu’un personnel dûment qualifié et expérimenté en nombre suffisant pour pouvoir exécuter les contrôles officiels et s’acquitter des obligations de contrôle de manière efficace et effective, ou à avoir accès à ces laboratoires».

6        Le règlement n° 882/2004 a notamment abrogé, avec effet au 1er janvier 2006, les directives 89/397/CEE du Conseil, du 14 juin 1989, relative au contrôle officiel des denrées alimentaires (JO L 186, p. 23), et 93/99/CEE du Conseil, du 29 octobre 1993, relative à des mesures additionnelles concernant le contrôle officiel des denrées alimentaires (JO L 290, p. 14). L’article 2 de cette dernière directive disposait:

«Les États membres veillent à ce que les autorités compétentes disposent ou puissent disposer d’un nombre suffisant d’agents dûment qualifiés et expérimentés, en particulier dans des disciplines telles que la chimie, la chimie alimentaire, la médecine vétérinaire, la médecine, la microbiologie alimentaire, l’hygiène alimentaire, la technologie alimentaire et le droit afin que les contrôles visés à l’article 5 de la directive [89/397] puissent s’effectuer convenablement.»

7        L’article 5 de la directive 89/397 énonçait:

«Le contrôle consiste en une ou plusieurs des opérations suivantes, conformément aux conditions prévues aux articles 6 à 9 et en fonction de la recherche envisagée:

1)      inspection,

2)      prélèvement d’échantillons et analyse,

3)      contrôle de l’hygiène du personnel,

4)      examen du matériel scriptural et documentaire,

5)      examen des systèmes de vérification éventuellement mis en place par l’entreprise et des résultats qui en découlent.»

 La procédure précontentieuse

8        Depuis 1998, l’Office alimentaire et vétérinaire (OAV) a effectué plusieurs missions en Grèce en vue de vérifier l’efficacité des systèmes de contrôle mis en place par les autorités grecques en application de la législation communautaire en matière vétérinaire.

9        Lors de ces missions, l’OAV a constaté un manque important de personnel affecté aux activités de contrôle prévues par ladite législation, au niveau tant de l’administration centrale que des directions des administrations départementales. En raison de ce manque, l’OAV a notamment conclu que les contrôles nécessaires ne pouvaient être effectués, que des programmes d’éradication ainsi que de lutte contre des maladies animales risquaient de ne pas aboutir et que les normes en matière de bien-être des animaux n’étaient pas respectées.

10      Par lettre du 5 mai 2003, le ministère du Développement rural et des Aliments a informé la Commission de l’adoption d’un plan d’action prévoyant le recrutement d’un personnel vétérinaire supplémentaire (ci-après le «plan d’action»).

11      Considérant, à la suite de nouvelles missions de l’OAV, que le personnel vétérinaire n’avait pas significativement augmenté, la Commission a, par lettre du 15 mai 2004, mis la République hellénique en demeure de présenter ses observations. La Commission considérait que cet État membre avait enfreint, d’une part, l’article 2 de la directive 93/99, lu conjointement avec l’article 5 de la directive 89/397, et, d’autre part, les exigences spécifiques en matière de contrôles et de supervision prévues par certaines dispositions de la législation communautaire en matière vétérinaire issues de directives dont la liste était annexée à cette lettre de mise en demeure.

12      Le 13 juillet 2004, la République hellénique a répondu à ladite lettre en faisant état des mesures prises ou à prendre dans le cadre du plan d’action.

13      La Commission a alors, le 18 octobre 2004, émis un avis motivé invitant la République hellénique à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à celui-ci dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

14      Le 20 décembre 2004, la République hellénique a répondu audit avis motivé, d’une part, en faisant de nouveau état des mesures prises ou à prendre dans le cadre du plan d’action et, d’autre part, en indiquant que l’application en Grèce de la législation communautaire en matière vétérinaire était garantie et que sa mise en œuvre avait permis de faire face aux épizooties rencontrées jusqu’alors, de les contenir au territoire national et d’en limiter les effets sur les cheptels.

15      Considérant que le personnel vétérinaire demeurait en nombre insuffisant pour effectuer les contrôles prévus par ladite législation, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur le recours

 Argumentation des parties

16      La Commission fait valoir que, en ne remédiant pas à l’insuffisance des effectifs affectés aux services préposés aux contrôles vétérinaires, la République hellénique a développé une pratique administrative présentant un certain degré de constance et de généralité de nature à compromettre l’application correcte et effective de la législation communautaire en matière vétérinaire.

17      À cet égard, d’une part, la Commission souligne que l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004 fait obligation aux États membres de disposer du personnel dûment qualifié et expérimenté en nombre suffisant pour pouvoir exécuter les contrôles officiels et s’acquitter de manière efficace et effective des obligations de contrôle résultant de ladite législation, sans préjudice de dispositions spécifiques relatives aux contrôles contenues dans d’autres actes de cette législation.

18      D’autre part, la Commission soutient que, en raison dudit manquement à l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004, un grand nombre de dispositions issues de la législation communautaire en matière vétérinaire, qui soit prévoient que des contrôles vétérinaires doivent être effectués, soit établissent des normes et des conditions qui présupposent l’existence de tels contrôles, ont également été méconnues.

19      En l’espèce, la Commission précise que, depuis 1998, l’OAV a effectué en Grèce un grand nombre de missions dans le cadre desquelles il a été constaté un manque important de personnel affecté aux différentes activités de contrôle prévues par ladite législation, à tous les niveaux administratifs. Selon elle, l’insuffisance en personnel vétérinaire était telle qu’elle compromettait la réalisation des contrôles nécessaires pour assurer l’application efficace de cette législation, le succès des programmes d’éradication et de lutte contre les maladies animales ainsi que le respect des normes en matière de bien-être des animaux.

20      En premier lieu, la République hellénique relève que, au cours de la phase précontentieuse, la Commission a fait notamment référence, au soutien de son second grief, à une liste de directives en mentionnant simplement les numéros, les titres et les références de publication de celles-ci. Ce ne serait que dans sa requête introductive d’instance que la Commission a finalement indiqué les articles ou les chapitres de ces directives qui auraient été violés. Partant, cet État membre estime que le recours de la Commission manque de précision et que, dès lors, il est irrecevable.

21      En second lieu, la République hellénique conteste le bien-fondé des griefs de la Commission. Elle estime qu’une violation des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004 ne pourrait être invoquée que dans le cas où la Commission ferait valoir que l’État membre concerné dispose, manifestement et d’après les enseignements tant de la logique que de l’expérience commune, d’un personnel si réduit qu’il peut être considéré comme certain que, pour cette seule et unique raison, ledit État membre est dans l’impossibilité totale d’effectuer l’ensemble des contrôles requis. Or, la Commission n’aurait rien affirmé de tel et se serait bornée à exprimer des craintes générales, vagues et éventuelles. Par ailleurs, la République hellénique souligne que, au cours de la phase précontentieuse, elle a indiqué qu’elle disposait d’un plan d’action pour assurer l’application correcte de la législation communautaire en matière vétérinaire, dont le caractère approprié est démontré par les faits et, notamment, par la circonstance qu’elle a fait face avec succès aux épizooties et qu’elle n’a pas connu de crises alimentaires. À cet égard, cet État membre a précisé, lors de l’audience, que les autorités grecques, à l’occasion de l’alerte liée à la grippe aviaire, ont employé avec succès, notamment aux postes de contrôle frontaliers, les vétérinaires militaires.

 Appréciation de la Cour

 Sur la recevabilité du recours

22      Il y a lieu de relever, d’une part, que la directive 93/99, sur le fondement de laquelle la procédure d’infraction a notamment été ouverte, a été abrogée et remplacée par le règlement n° 882/2004, applicable à compter du 1er janvier 2006, et que le recours de la Commission repose, en particulier, sur certaines dispositions de ce règlement.

23      À cet égard, il convient de rappeler que, si les conclusions contenues dans la requête ne sauraient en principe être étendues au-delà des manquements allégués dans le dispositif de l’avis motivé et dans la lettre de mise en demeure, il n’en reste pas moins que, lorsqu’un changement du droit communautaire intervient au cours de la procédure précontentieuse, la Commission est recevable à faire constater un manquement aux obligations qui trouvent leur origine dans la version initiale d’un acte communautaire, par la suite modifiée ou abrogée, qui ont été maintenues par de nouvelles dispositions. En revanche, l’objet du litige ne saurait être étendu à des obligations résultant des nouvelles dispositions qui ne trouveraient pas leur équivalence dans la version initiale de l’acte concerné, sous peine de constituer une violation des formes substantielles de la régularité de la procédure constatant le manquement (voir arrêts du 9 novembre 1999, Commission/Italie, C‑365/97, Rec. p. I‑7773, points 36 et 39, ainsi que du 12 juin 2003, Commission/Italie, C‑363/00, Rec. p. I‑5767, point 22).

24      En l’espèce, il est constant que l’obligation pour les autorités compétentes des États membres de veiller à disposer d’un personnel dûment qualifié et expérimenté en nombre suffisant pour pouvoir exécuter les contrôles officiels et s’acquitter des obligations de contrôle de manière efficace et effective, telle qu’elle résulte désormais de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004, était déjà applicable en vertu de l’article 2 de la directive 93/99, lu conjointement avec l’article 5 de la directive 89/397.

25      Par le présent recours, la Commission est donc recevable à faire constater, notamment, que la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004.

26      D’autre part, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l’État membre concerné l’occasion, d’une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d’autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre des griefs formulés par la Commission (voir, notamment, arrêts du 27 novembre 2003, Commission/Finlande, C‑185/00, Rec. p. I‑14189, point 79, et du 8 avril 2008, Commission/Italie, C‑337/05, Rec. p. I‑2173, point 19).

27      La régularité de cette procédure constitue ainsi une garantie essentielle voulue par le traité CE pour assurer la protection des droits de l’État membre en cause. C’est seulement quand cette garantie est respectée que la procédure contradictoire devant la Cour peut permettre à celle-ci de juger si l’État membre a effectivement manqué aux obligations dont la violation est alléguée par la Commission (voir, notamment, arrêts du 5 juin 2003, Commission/Italie, C‑145/01, Rec. p. I‑5581, point 17, et du 8 avril 2008, Commission/Italie, précité, point 20).

28      En l’espèce, la République hellénique allègue que, dans le cadre de la phase précontentieuse, la Commission a mentionné, au soutien de son grief fondé sur un manquement à la réglementation communautaire en matière vétérinaire, certaines directives dont découlent, selon elle, des exigences spécifiques en matière de contrôles et de supervision, sans cependant viser explicitement les dispositions pertinentes de ces directives. Selon cet État membre, une telle imprécision entraîne l’irrecevabilité du présent recours.

29      Cependant, eu égard aux réponses de la République hellénique tant à la lettre de mise en demeure qu’à l’avis motivé de la Commission, selon lesquelles l’application de ladite réglementation était garantie et sa mise en œuvre avait permis de faire face aux épizooties rencontrées jusqu’alors, en les contenant au territoire grec et en limitant leurs effets, il y a lieu de constater que la circonstance mentionnée au point précédent du présent arrêt n’a pas privé cet État membre de la possibilité de faire utilement valoir ses moyens de défense à l’encontre du grief en question, après avoir appréhendé exactement la portée de celui-ci.

30      En conséquence, le recours de la Commission doit être déclaré recevable.

 Sur le fond

31      Il y a lieu de relever que, dans le cadre du présent recours, la Commission fait valoir un grief principal, tiré d’un manquement à l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004, ainsi qu’un grief accessoire, fondé sur une violation des dispositions spécifiques relatives aux contrôles officiels contenues dans la réglementation communautaire en matière vétérinaire. Dans les deux cas, la Commission soutient que la République hellénique a développé une pratique administrative présentant un certain degré de constance et de généralité de nature à compromettre l’application correcte et effective de ladite réglementation.

–       Observations liminaires

32      Il convient de rappeler, en premier lieu, que la Commission peut solliciter de la Cour le constat de manquements à des dispositions du droit communautaire en raison du fait qu’une pratique générale contraire à celles-ci aurait été adoptée par les autorités d’un État membre, en illustrant cette pratique par des situations spécifiques (voir, en ce sens, arrêts du 26 avril 2005, Commission/Irlande, C‑494/01, Rec. p. I‑3331, point 27, et du 25 octobre 2007, Commission/Irlande, C‑248/05, Rec. p. I‑9261, point 64).

33      En particulier, la Cour a jugé que, si un comportement étatique consistant dans une pratique administrative contraire aux exigences du droit communautaire peut être de nature à constituer un manquement au sens de l’article 226 CE, il faut que cette pratique administrative présente un certain degré de constance et de généralité (voir, notamment, arrêts du 27 avril 2006, Commission/Allemagne, C‑441/02, Rec. p. I‑3449, point 50; du 14 juin 2007, Commission/Finlande, C‑342/05, Rec. p. I‑4713, point 33, et du 25 octobre 2007, Commission/Irlande, précité, point 65).

34      En second lieu, dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 226 CE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est elle qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque (voir arrêt du 25 octobre 2007, Commission/Irlande, précité, point 66 et jurisprudence citée).

35      Toutefois, les États membres sont tenus, en vertu de l’article 10 CE, de faciliter à la Commission l’accomplissement de sa mission, qui consiste notamment, selon l’article 211 CE, à veiller à l’application des dispositions du traité ainsi que des dispositions prises par les institutions en vertu de celui-ci (voir, notamment, arrêts précités du 26 avril 2005, Commission/Irlande, point 42 et jurisprudence citée, ainsi que du 25 octobre 2007, Commission/Irlande, point 67).

36      Il s’ensuit notamment que, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître que les autorités de l’État membre défendeur ont développé une pratique répétée et persistante qui est contraire aux dispositions du droit communautaire, il incombe à cet État membre de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent (voir arrêt du 25 octobre 2007, Commission/Irlande, précité, point 69 et jurisprudence citée).

37      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient de procéder à l’examen des griefs invoqués par la Commission.

–       Sur le grief principal, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004

38      Il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004 fait notamment obligation aux autorités compétentes des États membres de veiller à posséder un personnel dûment qualifié et expérimenté en nombre suffisant pour pouvoir exécuter les contrôles officiels et s’acquitter des obligations de contrôle de manière efficace et effective.

39      En l’espèce, la Commission soutient que, en Grèce, les autorités compétentes ne disposent pas du personnel suffisant pour pouvoir exécuter de manière adéquate lesdits contrôles.

40      À cette fin, la Commission s’appuie sur les rapports rédigés par l’OAV à la suite de missions que celui-ci a réalisées en Grèce au cours des années 2001 à 2006.

41      Il en ressort notamment que l’OAV a constaté une insuffisance de personnel au sein des services vétérinaires, au niveau tant de l’administration centrale que des directions des administrations départementales, et que, en raison de cette insuffisance, les contrôles prévus par la réglementation communautaire en matière vétérinaire n’avaient pas pu, dans leur ensemble, être réalisés de manière efficace et effective.

42      Eu égard au nombre de missions réalisées régulièrement par l’OAV au cours de la période concernée et à la constance des constatations consignées dans les rapports élaborés par cet organisme, il y a lieu de considérer que la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître que les autorités nationales ont développé une pratique présentant un certain degré de constance et de généralité qui est contraire aux dispositions de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004.

43      Dans ces conditions, ainsi qu’il est rappelé au point 36 du présent arrêt, il incombait à la République hellénique de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent.

44      Or, force est de constater que, si la République hellénique conteste le bien-fondé du grief principal de la Commission, elle n’a pas, en revanche, présenté d’éléments tendant à réfuter de manière substantielle et détaillée les données reprises des rapports de l’OAV concernant l’insuffisance de personnel au sein des services vétérinaires, données que la Commission a invoquées au soutien de son recours.

45      En outre, ledit État membre développe une interprétation erronée de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004. En effet, il découle des termes mêmes de cette disposition que, pour qu’un manquement à celle-ci puisse être constaté, il est suffisant qu’une partie des contrôles ne puisse pas être effectuée de manière efficace et effective en raison du manque de personnel affecté à la réalisation de ceux-ci.

46      Par ailleurs, la circonstance qu’aucune crise alimentaire n’est survenue au cours de la période concernée et que les autorités compétentes ont pu faire face avec succès aux épizooties est sans pertinence aux fins d’apprécier l’existence dudit manquement. Une telle circonstance ne saurait, en tant que telle, démontrer qu’il a été satisfait à l’obligation de disposer d’un personnel en nombre suffisant pour pouvoir exécuter les contrôles officiels, telle qu’elle résulte de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004.

47      Quant au plan d’action mentionné au point 10 du présent arrêt, à supposer qu’il ait été de nature à répondre aux préoccupations exprimées par la Commission au cours de la phase précontentieuse, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce plan ait été mis en œuvre avant l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé. Or, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai mentionné dans l’avis motivé et, par conséquent, les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêts du 17 janvier 2008, Commission/Allemagne, C‑152/05, Rec. p. I‑39, point 15, et du 8 mai 2008, Commission/Portugal, C‑233/07, point 31).

48      Partant, il y a lieu de considérer que la République hellénique n’est pas parvenue à réfuter de manière substantielle et détaillée les données invoquées par la Commission au soutien de son grief relatif à la violation de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004.

49      Dans ces conditions, il convient de considérer que le grief principal de la Commission est fondé.

–       Sur le grief accessoire, tiré de la violation des dispositions spécifiques relatives aux contrôles officiels issues de la réglementation communautaire en matière vétérinaire

50      La Commission entend également faire constater que, en raison du manque de personnel dûment qualifié et expérimenté en nombre suffisant, la République hellénique a méconnu les dispositions spécifiques relatives aux contrôles officiels contenues dans la réglementation communautaire en matière vétérinaire.

51      D’une part, ainsi qu’il est rappelé au point 34 du présent arrêt, dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 226 CE, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué.

52      D’autre part, il importe de relever que l’article 1er, paragraphe 3, du règlement n° 882/2004 dispose que celui-ci n’affecte pas les dispositions communautaires spécifiques relatives aux contrôles officiels. Il en découle notamment que ces dispositions spécifiques s’appliquent nonobstant celles de ce règlement. Partant, un éventuel manquement à de telles dispositions spécifiques ne saurait se déduire du seul manquement aux dispositions du règlement n° 882/2004.

53      Or, force est de constater que la Commission ne fournit aucun élément tendant à démontrer l’existence d’une pratique administrative présentant un certain degré de constance et de généralité contraire aux dispositions spécifiques relatives aux contrôles officiels contenues dans la réglementation communautaire en matière vétérinaire.

54      Dans ces conditions, il convient de rejeter le grief accessoire de la Commission.

55      En conséquence, il y a lieu de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures nécessaires pour remédier à l’insuffisance des effectifs affectés aux services préposés aux contrôles vétérinaires en Grèce, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 882/2004.

 Sur les dépens

56      Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et celle-ci ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas pris toutes les mesures nécessaires pour remédier à l’insuffisance des effectifs affectés aux services préposés aux contrôles vétérinaires en Grèce, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 2, sous c), du règlement (CE) n° 882/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relatif aux contrôles officiels effectués pour s’assurer de la conformité avec la législation sur les aliments pour animaux et les denrées alimentaires et avec les dispositions relatives à la santé animale et au bien-être des animaux.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.