ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

23 avril 2009 (*)

«Manquement d’État – Marchés publics – Directive 2004/18/CE –Procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services – Transposition incorrecte ou incomplète – Non-transposition dans le délai prescrit»

Dans l’affaire C‑292/07,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 15 juin 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. B. Stromsky, D. Kukovec et M. Konstantinidis, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par Mme D. Haven, puis par M. J.-C. Halleux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. M. Ilešič, A. Tizzano, A. Borg Barthet et E. Levits (rapporteur), juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme R. Şereş, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 décembre 2008,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que, en ne prenant pas – et, subsidiairement, en ne communicant pas à la Commission – toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114, et – rectificatif –, JO 2004, L 351, p. 44), tel que modifiée par le règlement (CE) n° 2083/2005 de la Commission, du 19 décembre 2005 (JO L 333, p. 28, ci-après la «directive 2004/18»), le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 80 de cette directive.

 Le cadre juridique

 La directive 2004/18

2        Le premier considérant de la directive 2004/18 est rédigé comme suit:

«À l’occasion de nouvelles modifications, apportées aux directives 92/50/CEE du Conseil du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services [(JO L 209, p. 1)], 93/36/CEE du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures [(JO L 199, p. 1)] et 93/37/CEE du Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux [(JO L 199, p. 54)], modifications nécessaires pour répondre aux exigences de simplification et de modernisation formulées aussi bien par les pouvoirs adjudicateurs que par les opérateurs économiques dans le cadre des réponses au Livre vert adopté par la Commission le 27 novembre 1996, il convient, dans un souci de clarté, de procéder à leur refonte dans un seul texte. La présente directive est fondée sur la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier la jurisprudence relative aux critères d’attribution, qui précise les possibilités pour les pouvoirs adjudicateurs de répondre aux besoins de la collectivité publique concernée, y compris dans les domaines environnemental et/ou social, pour autant que ces critères soient liés à l’objet du marché, ne confèrent pas une liberté de choix illimitée au pouvoir adjudicateur, soient expressément mentionnés et respectent les principes fondamentaux visés au considérant 2.»

3        Le deuxième considérant de cette même directive énonce:

«La passation des marchés conclus dans les États membres pour le compte de l’État, des collectivités territoriales et d’autres organismes de droit public doit respecter les principes du traité, notamment les principes de la libre circulation des marchandises, de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services, ainsi que les principes qui en découlent, comme l’égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence. Toutefois, en ce qui concerne les marchés publics dépassant un certain montant, il est recommandé d’élaborer des dispositions en matière de coordination communautaire des procédures nationales de passation de ces marchés qui soient fondées sur ces principes de manière à garantir leurs effets ainsi qu’une mise en concurrence effective des marchés publics. Par conséquent, ces dispositions de coordination devraient être interprétées conformément aux règles et principes précités ainsi qu’aux autres règles du traité.»

4        Le dixième considérant de la directive 2004/18 est libellé dans les termes suivants:

«Un contrat ne peut être considéré comme un marché public de travaux que si son objet vise spécifiquement à réaliser des activités visées à l’annexe I, même si le contrat peut comprendre d’autres services nécessaires à la réalisation de ces activités. Les marchés publics de services, notamment dans le domaine des services de gestion de propriétés, peuvent, dans certains cas, inclure des travaux. Toutefois, ces travaux, pour autant qu’ils sont accessoires et ne constituent, donc, qu’une conséquence éventuelle ou un complément à l’objet principal du contrat, ne peuvent justifier la classification du contrat comme marché public de travaux.»

5        Aux termes du quarante-sixième considérant de la directive 2004/18:

«L’attribution du marché devrait être effectuée sur la base de critères objectifs qui assurent le respect des principes de transparence, de non-discrimination et d’égalité de traitement et qui garantissent l’appréciation des offres dans des conditions de concurrence effective. […]

Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement lors de l’attribution des marchés, il convient de prévoir l’obligation – consacrée par la jurisprudence – d’assurer la transparence nécessaire pour permettre à tout soumissionnaire d’être raisonnablement informé des critères et des modalités qui seront appliqués pour identifier l’offre économiquement la plus avantageuse. […]»

6        L’article 1er de cette directive est intitulé «Définitions». Il dispose en son paragraphe 2, sous b):

«Les ‘marchés publics de travaux’ sont des marchés publics ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution de travaux relatifs à une des activités mentionnées à l’annexe I ou d’un ouvrage, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. Un ‘ouvrage’ est le résultat d’un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique.»

7        L’article 5 de ladite directive prévoit:

«Lors de la passation de marchés publics par les pouvoirs adjudicateurs, les États membres appliquent dans leurs relations des conditions aussi favorables que celles qu’ils réservent aux opérateurs économiques des pays tiers en application de l’accord sur les marchés publics conclu dans le cadre des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (ci-après dénommé ‘l’Accord’). À cette fin, les États membres se consultent sur les mesures à prendre en application de l’Accord, au sein du comité consultatif pour les marchés publics visé à l’article 77.»

8        Aux termes de l’article 9 de cette même directive:

«1.      Le calcul de la valeur estimée d’un marché public est fondé sur le montant total payable, hors TVA, estimé par le pouvoir adjudicateur. Ce calcul tient compte du montant total estimé, y compris toute forme d’option éventuelle et les reconductions du contrat éventuelles.

Si le pouvoir adjudicateur prévoit des primes ou des paiements au profit des candidats ou soumissionnaires, il en tient compte pour calculer la valeur estimée du marché.

[…]

8.      Pour les marchés publics de services, la valeur à prendre comme base pour le calcul de la valeur estimée du marché est, le cas échéant, la suivante:

a)      pour les types de services suivants:

         i)     services d’assurance: la prime payable et les autres modes de rémunération;

         […]

         iii) marchés impliquant la conception: honoraires, commissions payables et autres modes de rémunération.

[…]»

9        L’article 23 de la directive 2004/18 énonce en son paragraphe 2:

«Les spécifications techniques doivent permettre l’accès égal des soumissionnaires et ne pas avoir pour effet de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture des marchés publics à la concurrence.»

10      L’article 30 de cette directive, intitulé «Cas justifiant le recours à la procédure négociée avec publication d’un avis de marché», est rédigé dans les termes suivants:

«[...]

2.      Dans les cas visés au paragraphe 1, les pouvoirs adjudicateurs négocient avec les soumissionnaires les offres soumises par ceux-ci afin de les adapter aux exigences qu’ils ont indiquées dans l’avis de marché, dans le cahier des charges et dans les documents complémentaires éventuels et afin de rechercher la meilleure offre conformément à l’article 53, paragraphe 1.

3.      Au cours de la négociation, les pouvoirs adjudicateurs assurent l’égalité de traitement de tous les soumissionnaires. En particulier, ils ne donnent pas, de manière discriminatoire, d’information susceptible d’avantager certains soumissionnaires par rapport à d’autres.

4.      Les pouvoirs adjudicateurs peuvent prévoir que la procédure négociée se déroule en phases successives de manière à réduire le nombre d’offres à négocier en appliquant les critères d’attribution indiqués dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges. Le recours à cette faculté est indiqué dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges.»

11      L’article 31, point 1), sous c), de la directive 2004/18 prévoit que les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer les marchés publics de travaux, de fournitures et de services en recourant à la procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché:

«dans la mesure strictement nécessaire, lorsque l’urgence impérieuse, résultant d’événements imprévisibles pour les pouvoirs adjudicateurs en question, n’est pas compatible avec les délais exigés par les procédures ouvertes, restreintes ou négociées avec publication d’un avis de marché visées à l’article 30. Les circonstances invoquées pour justifier l’urgence impérieuse ne doivent en aucun cas être imputables aux pouvoirs adjudicateurs».

12      L’article 38, paragraphe 1, de cette directive énonce:

«En fixant les délais de réception des offres et des demandes de participation, les pouvoirs adjudicateurs tiennent compte en particulier de la complexité du marché et du temps nécessaire pour préparer les offres, sans préjudice des délais minimaux fixés par le présent article.»

13      L’article 43 de ladite directive dispose:

«Pour tout marché, tout accord-cadre et toute mise en place d’un système d’acquisition dynamique, les pouvoirs adjudicateurs établissent un procès-verbal comportant au moins:

[…]

d)      les motifs du rejet des offres jugées anormalement basses;

[…]»

14      L’article 44 de cette même directive prévoit:

«1.      L’attribution des marchés se fait sur la base des critères prévus aux articles 53 et 55, compte tenu de l’article 24, après vérification de l’aptitude des opérateurs économiques non exclus en vertu des articles 45 et 46, effectuée par les pouvoirs adjudicateurs conformément aux critères relatifs à la capacité économique et financière, aux connaissances ou capacités professionnelles et techniques visés aux articles 47 à 52 et, le cas échéant, aux règles et critères non discriminatoires visés au paragraphe 3.

2.      Les pouvoirs adjudicateurs peuvent exiger des niveaux minimaux de capacités, conformément aux articles 47 et 48, auxquels les candidats et les soumissionnaires doivent satisfaire.

L’étendue des informations visées aux articles 47 et 48 ainsi que les niveaux minimaux de capacités exigés pour un marché déterminé doivent être liés et proportionnés à l’objet du marché.

Ces niveaux minimaux sont indiqués dans l’avis de marché.

3.      Dans les procédures restreintes, les procédures négociées avec publication d’un avis de marché et dans le dialogue compétitif, les pouvoirs adjudicateurs peuvent restreindre le nombre de candidats appropriés qu’ils inviteront à soumissionner, à négocier ou à dialoguer, à condition qu’un nombre suffisant de candidats appropriés soit disponible. Les pouvoirs adjudicateurs indiquent dans l’avis de marché les critères ou règles objectifs et non discriminatoires qu’ils prévoient d’utiliser, le nombre minimal de candidats qu’ils prévoient d’inviter et, le cas échéant, le nombre maximal.

Dans la procédure restreinte, le nombre minimum est de cinq. Dans la procédure négociée avec publication d’un avis de marché et le dialogue compétitif, le nombre minimum est de trois. En tout état de cause, le nombre de candidats invités doit être suffisant pour assurer une concurrence réelle.

Les pouvoirs adjudicateurs invitent un nombre de candidats au moins égal au nombre minimum prédéfini. Lorsque le nombre de candidats satisfaisant aux critères de sélection et aux niveaux minimaux est inférieur au nombre minimal, le pouvoir adjudicateur peut continuer la procédure en invitant le ou les candidats ayant les capacités requises. Dans le cadre de cette même procédure, le pouvoir adjudicateur ne peut pas inclure d’autres opérateurs économiques n’ayant pas demandé de participer ou des candidats n’ayant pas les capacités requises.

4.      Lorsque les pouvoirs adjudicateurs recourent à la faculté de réduire le nombre de solutions à discuter ou d’offres à négocier, prévue à l’article 29, paragraphe 4, et à l’article 30, paragraphe 4, ils effectuent cette réduction en appliquant les critères d’attribution qu’ils ont indiqués dans l’avis de marché, dans le cahier des charges ou dans le document descriptif. Dans la phase finale, ce nombre doit permettre d’assurer une concurrence réelle, pour autant qu’il y ait un nombre suffisant de solutions ou de candidats appropriés.»

15      Aux termes de l’article 46, premier alinéa, de la directive 2004/18:

«Tout opérateur économique désireux de participer à un marché public peut être invité à justifier de son inscription au registre de la profession ou au registre du commerce ou à fournir une déclaration sous serment ou un certificat, tels que précisés à l’annexe IX A pour les marchés publics de travaux, à l’annexe IX B pour les marchés publics de fournitures et à l’annexe IX C pour les marchés publics de services, et conformément aux conditions prévues dans l’État membre où il est établi.»

16      L’article 48, paragraphe 2, de cette directive dispose:

«Les capacités techniques des opérateurs économiques peuvent être justifiées d’une ou de plusieurs des façons suivantes, selon la nature, la quantité ou l’importance, et l’utilisation des travaux, des fournitures ou des services:

[…]

f)      pour les marchés publics de travaux et de services et uniquement dans les cas appropriés, l’indication des mesures de gestion environnementale que l’opérateur économique pourra appliquer lors de la réalisation du marché;

[…]»

17      Aux termes de l’article 55 de la directive 2004/18:

«1.      Si, pour un marché donné, des offres apparaissent anormalement basses par rapport à la prestation, le pouvoir adjudicateur, avant de pouvoir rejeter ces offres, demande, par écrit, les précisions sur la composition de l’offre qu’il juge opportunes.

Ces précisions peuvent concerner notamment:

[…]

d)      le respect des dispositions concernant la protection et les conditions de travail en vigueur au lieu où la prestation est à réaliser;

e)      l’obtention éventuelle d’une aide d’État par le soumissionnaire.

[…]

3.      Le pouvoir adjudicateur qui constate qu’une offre est anormalement basse du fait de l’obtention d’une aide d’État par le soumissionnaire ne peut rejeter cette offre pour ce seul motif que s’il consulte le soumissionnaire et si celui-ci n’est pas en mesure de démontrer, dans un délai suffisant fixé par le pouvoir adjudicateur, que l’aide en question a été octroyée légalement. Le pouvoir adjudicateur qui rejette une offre dans ces conditions en informe la Commission.»

18      L’article 67, paragraphe 2, de la directive 2004/18, figurant dans le titre IV de celle-ci, intitulé «Règles applicables aux concours dans le domaine des services», est libellé comme suit:

«Le présent titre s’applique:

a)      aux concours organisés dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public de services;

b)      aux concours avec primes de participation et/ou paiements aux participants.

Dans les cas visés au point a), on entend par ‘seuil’, la valeur estimée hors TVA du marché public de services, y compris les éventuelles primes de participation et/ou paiements aux participants.

Dans les cas visés au point b), on entend par seuil le montant total des primes et paiements, y compris la valeur estimée hors TVA du marché public de services qui pourrait être passé ultérieurement aux termes de l’article 31, paragraphe 3, si le pouvoir adjudicateur n’exclut pas une telle passation dans l’avis de concours.»

19      L’article 68 de cette directive énonce:

«Le présent titre ne s’applique pas:

a)      aux concours de services au sens de la directive 2004/17/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JO L 134, p. 1),] qui sont organisés par des pouvoirs adjudicateurs exerçant une ou plusieurs des activités visées aux articles 3 à 7 de ladite directive et qui sont organisés pour la poursuite de ces activités, ni aux concours exclus du champ d’application de ladite directive.

Toutefois, la présente directive continue à s’appliquer aux concours de services qui sont passés par des pouvoirs adjudicateurs exerçant une ou plusieurs des activités visées à l’article 6 de la directive 2004/17/CE et passés pour ces activités, aussi longtemps que l’État membre concerné se prévaut de la faculté visée à l’article 71 de ladite directive pour en différer l’application;

[…]»

20      L’article 72 de ladite directive dispose:

«Lorsque les concours réunissent un nombre limité de participants, les pouvoirs adjudicateurs établissent des critères de sélection clairs et non discriminatoires. Dans tous les cas, le nombre des candidats invités à participer aux concours doit tenir compte du besoin d’assurer une concurrence réelle.»

21      Aux termes de l’article 74, paragraphe 1, de cette même directive, relatif aux décisions du jury:

«Le jury dispose d’une autonomie de décision ou d’avis.»

22      L’annexe I de la directive 2004/18 énumère les activités visées à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de celle-ci, en faisant référence notamment aux codes du vocabulaire commun pour les marchés publics (Common Procurement Vocabulary, CPV), établi par le règlement (CE) n° 2195/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 5 novembre 2002 (JO L 340, p. 1), et à leur description en fonction de la nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne, établie par le règlement (CEE) n° 3037/90 du Conseil, du 9 octobre 1990 (JO L 293, p. 1), telle que révisée par le règlement (CE) n° 29/2002 de la Commission, du 19 décembre 2001 (JO L 6, p. 3, ci-après la «NACE» et les «codes NACE»).

23      L’annexe IX de cette directive reproduit la liste des registres professionnels ainsi que les déclarations et certificats correspondant dans quinze États membres.

 La réglementation nationale

 La loi du 24 décembre 1993

24      L’article 1er, § 1er, premier alinéa, de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services (Moniteur belge du 22 janvier 1994, p. 1308), telle que modifiée par la loi portant des dispositions diverses du 23 décembre 2005 (Moniteur belge du 30 décembre 2005, p. 57301, ci-après la «loi du 24 décembre 1993»), dispose:

«Les marchés publics de travaux, de fournitures et de services au nom des pouvoirs adjudicateurs visés à l’article 4 sont passés avec concurrence et à forfait, suivant les modes prévus au titre II du présent livre, mais sous réserve de ce qui est prévu au § 2 du présent article et à l’article 2.»

25      L’article 5 de cette loi prévoit:

«Au sens du [...] titre [II, relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services], on entend par:

[…]

–      marché public de fournitures: le contrat à titre onéreux conclu entre un fournisseur et un pouvoir adjudicateur et ayant pour objet l’acquisition, par contrat d’achat ou d’entreprise, la location, la location-vente ou le crédit-bail, avec ou sans option d’achat, de produits. Ce contrat peut comporter à titre accessoire des travaux de pose et d’installation;

[…]»

26      L’article 20 de ladite loi énonce:

«Le concours de projets est une procédure permettant à un pouvoir adjudicateur d’acquérir un plan ou un projet, sur la base d’un choix effectué par un jury. Ce concours donne lieu soit à l’attribution d’un marché public de services, soit, après un appel à la concurrence, au choix d’un ou de plusieurs projets, avec ou sans octroi de primes aux lauréats.»

27      L’annexe 1 de la loi du 24 décembre 1993 décrit les activités professionnelles concernées par les marchés publics de travaux en se référant aux codes NACE en vigueur au moment de l’adoption de cette loi.

 L’arrêté royal du 8 janvier 1996

28      L’arrêté royal du 8 janvier 1996 relatif aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics (Moniteur belge du 26 janvier 1996, p. 1523), tel que modifié par l’arrêté royal du 12 janvier 2006 (Moniteur belge du 27 janvier 2006, p. 4528, ci-après l’«arrêté royal du 8 janvier 1996») comporte notamment des dispositions relatives, respectivement, aux marchés publics de travaux (titre I, articles 1 à 26), aux marchés publics de fournitures (titre II, articles 27 à 52) et aux marchés publics de services (titre III, articles 53 à 81).

29      L’article 2 de cet arrêté royal traite du calcul du montant des marchés publics de travaux.

30      S’agissant de ce type de marchés publics, l’article 6, § 4, dispose:

«Pour l’adjudication restreinte, l’appel d’offres restreint et la procédure négociée avec publicité lors du lancement de la procédure au sens de l’article 17, § 3, de la loi [du 24 décembre 1993], les candidats sélectionnés doivent être invités simultanément, par écrit, à présenter leur offre.

Cette invitation comporte au moins:

1°      a)     le cahier spécial des charges et les documents complémentaires ou, le cas échéant, l’adresse du service auquel le cahier spécial des charges et les documents complémentaires peuvent être demandés et la date limite d’introduction de cette demande;

         b)     le cas échéant, le montant dû pour l’obtention de ces documents et les modalités de paiement de cette somme;

2°      a)     la date limite de réception des offres;

         b)     l’adresse à laquelle elles doivent être transmises;

         c)     la ou les langues dans lesquelles elles doivent être rédigées;

3°      la référence à l’avis de marché;

4°      l’indication des documents à joindre éventuellement, soit à l’appui des déclarations vérifiables fournies par le candidat conformément au modèle d’avis figurant à l’annexe 2, B, III, 2 et 3, soit en complément aux renseignements prévus à ces annexes;

5°      le ou les critères d’attribution s’ils ne figurent pas dans l’avis.»

31      Les articles 32, § 4, et 58, § 4, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 contiennent des dispositions identiques en ce qui concerne, respectivement, les marchés publics de fournitures et les marchés publics de services.

32      S’agissant des marchés publics de travaux, l’article 7, premier alinéa, de cet arrêté royal prévoit:

«Lorsque les offres ne peuvent être établies qu’après examen d’une documentation volumineuse, ou à la suite d’une visite des lieux, ou après consultation sur place de documents annexés au cahier spécial des charges, les délais prévus aux articles 5 et 6, § 2, doivent être prolongés de façon adéquate.»

33      Le premier alinéa des articles 33 et 59 dudit arrêté royal contient une disposition identique en ce qui concerne, respectivement, les marchés publics de fournitures et les marchés publics de services.

34      S’agissant des marchés publics de travaux, l’article 9 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 est rédigé dans les termes suivants:

«Pour tout marché passé, le pouvoir adjudicateur dresse un procès-verbal mentionnant au moins:

1°      le nom et l’adresse du pouvoir adjudicateur, l’objet et le prix du marché;

2°      les noms des soumissionnaires ou des candidats retenus et la justification de ce choix;

3°      les noms des candidats ou soumissionnaires exclus et les motifs de leur rejet;

4°      le nom de l’adjudicataire et la motivation du choix de son offre ainsi que, si elle est connue, la part du marché qu’il a l’intention de sous-traiter;

5°      en cas de recours à la procédure négociée avec ou sans publicité lors du lancement de la procédure, la justification des circonstances visées à l’article 17, § 2 ou § 3, de la loi, propres à motiver le recours à cette procédure.

Ce procès-verbal, ou les principaux points de celui-ci, sont transmis à la Commission européenne à sa demande.»

35      Les articles 35 et 61 de cet arrêté royal contiennent des dispositions identiques en ce qui concerne, respectivement, les marchés publics de fournitures et les marchés publics de services.

36      Les articles 16, 18 et 19 dudit arrêté royal définissent les critères de sélection des soumissionnaires en cas d’adjudication publique ou d’appel d’offres général en ce qui concerne les marchés publics de travaux.

37      Ledit article 16 dispose en son dernier alinéa:

«Les entrepreneurs des autres États membres de la Communauté européenne et, selon les dispositions et conditions de l’acte international les concernant, les entrepreneurs de pays tiers au sens de l’article 24, qui répondent aux qualifications requises, doivent être traités dans les mêmes conditions que les entrepreneurs nationaux. Cette disposition ne s’applique pas aux travaux déclarés secrets ou dont l’exécution doit s’accompagner de mesures particulières de sécurité conformément à des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, ou lorsque la protection des intérêts essentiels de la sécurité du pays l’exige.»

38      Le dernier alinéa des articles 42 et 68 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 contiennent des dispositions similaires à l’égard des fournisseurs et des prestataires de services d’autres États membres et de pays tiers en ce qui concerne, respectivement, les marchés publics de fournitures et les marchés publics de services.

39      Les articles 18 et 19 de cet arrêté royal énumèrent les éléments que peuvent invoquer les entrepreneurs pour justifier de leur capacité financière et économique.

40      S’agissant des marchés publics de travaux, l’article 20, § 2, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 énonce:

«Le pouvoir adjudicateur peut exiger des candidats ou des soumissionnaires la remise de la preuve de leur inscription au registre professionnel ou du commerce conformément aux conditions prévues par la législation du pays où ils sont établis.»

41      Les articles 46, § 2, et 72, § 2, dudit arrêté royal contiennent une disposition identique en ce qui concerne, respectivement, les marchés publics de fournitures et les marchés publics de services.

42      L’article 24 de ce même arrêté royal prévoit:

«Pour les marchés publics de travaux dont le montant estimé hors taxe sur la valeur ajoutée est égal ou supérieur à 5.278.000 EUR, les pays suivants, selon les dispositions et conditions de l’acte international les concernant, bénéficient de l’application des titres II et III du livre premier de la loi [du 24 décembre 1993] et du présent arrêté:

1°      l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège, en application de l’Accord sur l’Espace économique européen;

2°      le Canada, la Corée, les États-unis d’Amérique, Israël, le Japon et la Suisse, en application de l’Accord relatif aux marchés publics conclu dans le cadre de l’Accord général sur les Tarifs douaniers et le Commerce.»

43      Les articles 50 et 79 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 contiennent des dispositions identiques en ce qui concerne, respectivement, les marchés publics de fournitures et les marchés publics de services dont le montant estimé, hors taxe sur la valeur ajoutée, est égal ou supérieur, selon le cas, à 211 000 euros ou à 137 000 euros.

44      Aux termes de l’article 28 de cet arrêté royal, s’agissant des marchés publics de fournitures:

«[…]

Lorsque des marchés présentent un caractère de régularité ou sont destinés à être renouvelés au cours d’une période donnée, le montant estimé se réfère:

1°      soit au montant réel total des contrats successifs analogues passés au cours des douze mois ou de l’exercice précédent, corrigé, si possible, pour tenir compte des modifications en quantité ou en valeur qui surviendraient au cours des douze mois suivant le marché initial;

2°      soit au montant estimé total des marchés successifs au cours des douze mois suivant la première livraison ou au cours de l’exercice si celui-ci est supérieur à douze mois.

Lorsque des lots sont prévus pour l’acquisition de fournitures homogènes, le montant estimé total des lots doit être pris en compte.

Lorsque des options sont prévues, le montant total maximum de l’achat, de la location, de la location-vente, du crédit-bail, y compris les options, doit être pris en compte comme base de calcul.

[…]»

45      Les articles 42, 44 et 45 dudit arrêté royal définissent les critères de sélection des soumissionnaires en cas d’adjudication publique ou d’appel d’offres général en ce qui concerne les marchés publics de fournitures.

46      L’article 54 du même arrêté royal concerne la fixation du montant estimé des marchés publics de services. Il prévoit:

«Le montant estimé des marchés publics de services inclut la rémunération totale estimée du prestataire de services.

Aux fins de calcul de ce montant, sont pris en compte:

1°      pour les services d’assurances, la prime payable;

2°      pour les services bancaires et autres services financiers, les honoraires, commissions, intérêts et tous autres modes de rémunération;

3°      pour les services impliquant la conception, les honoraires ou la commission.

En cas de services nouveaux consistant dans la répétition de services similaires au sens de l’article 17, § 2, 2°, b, de la loi [du 24 décembre 1993], sont pris en compte le montant total estimé du marché initial ainsi que le montant total estimé pour la suite des services.

[…]

Le montant estimé des marchés de services à passer sans indication d’un prix total se détermine comme suit:

[…]

Lorsque des marchés présentent un caractère de régularité ou sont destinés à être renouvelés au cours d’une période donnée, le montant estimé se réfère :

1°      soit au montant réel total des marchés analogues passés pour la même catégorie de services au cours des douze mois ou de l’exercice précédent, corrigé pour tenir compte des modifications en quantité ou en valeur qui surviendraient au cours des douze mois suivant le premier marché;

2°      soit au montant estimé total des marchés au cours des douze mois suivant la première prestation, ou pendant la durée du marché si celle-ci est supérieure à douze mois.

Lorsque des options sont prévues, le montant total maximum, y compris les options, doit être pris comme base de calcul.

Lorsqu’un marché a pour objet des services visés à l’annexe 2, A, et à l’annexe 2, B, de la loi [du 24 décembre 1993], il est passé conformément à la présente section lorsque la valeur des services visés à l’annexe 2, A, dépasse celle des services visés à l’annexe 2, B.

Lorsqu’un marché a pour objet des fournitures et des services, il est passé conformément au présent titre lorsque la valeur des services dépasse celle des fournitures.

[…]»

47      Les articles 68, 70 et 71 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 définissent les critères de sélection des soumissionnaires en cas d’adjudication publique ou d’appel d’offres général en ce qui concerne les marchés publics de services.

48      Aux termes de l’article 76, § 2, de cet arrêté royal:

«Lorsque le concours de projets est organisé dans le cadre d’une procédure de passation de marché public de services dont le montant estimé est égal ou supérieur au montant prévu à l’article 53 du présent arrêté et dans tous les cas de concours où le montant total des primes et paiements à verser aux participants est égal ou supérieur aux montants prévus à l’article 53, un avis de concours de projets est publié au Journal officiel des Communautés européennes. Le pouvoir adjudicateur doit être à même de faire la preuve de la date de l’envoi.

Cet avis de concours est également publié au Bulletin des Adjudications suivant le même modèle d’avis.

La publication dans le Bulletin des Adjudications ne peut avoir lieu avant la date de l’envoi de l’avis à l’Office des publications officielles des Communautés européennes, et doit faire mention de cette date. Elle ne peut pas contenir de renseignements autres que ceux publiés au Journal officiel des Communautés européennes

49      Selon l’article 110, § 3, troisième alinéa, de cet arrêté royal:

«Lors de la vérification de prix apparemment anormalement bas, le pouvoir adjudicateur peut prendre en considération des justifications fondées sur des critères objectifs tenant à l’économie du procédé de construction ou de fabrication ou de la prestation de services, ou aux solutions techniques choisies, ou aux conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire pour exécuter le marché, ou à l’originalité du produit, du projet ou de l’ouvrage proposé par le soumissionnaire.»

50      L’article 122 bis de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 prévoit:

«En cas de procédure négociée avec publicité, lorsque le montant du marché atteint le montant pour la publicité européenne et que l’attribution se fait au soumissionnaire qui a remis l’offre économiquement la plus avantageuse du point de vue du pouvoir adjudicateur, ce dernier précise la pondération relative de chacun des critères d’attribution. Cette pondération peut éventuellement être exprimée dans une fourchette dont l’écart maximal doit être approprié. Si une telle pondération n’est pas possible pour des raisons démontrables, les critères sont mentionnés dans un ordre décroissant d’importance.»

51      L’annexe 2, B, de cet arrêté royal présente le modèle type d’un avis de marché. Dans les rubriques III.2.2 et III.2.3 d’un tel avis, le pouvoir adjudicateur doit préciser le niveau minimal éventuellement requis en ce qui concerne les capacités économiques, financières et techniques.

52      Dans la rubrique IV.1.3 de cet avis, le pouvoir adjudicateur doit indiquer s’il est susceptible de recourir à une procédure de négociation en phases successives afin de réduire le nombre des solutions ou des offres à négocier.

53      L’annexe 3, A, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 contient le modèle type d’un avis de concours. Conformément à ce modèle, le pouvoir adjudicateur doit préciser, à la rubrique IV.1 d’un tel avis, le type de procédure ainsi que le nombre envisagé de participants au concours. Conformément à la rubrique IV.5.3 de cet avis, ce pouvoir doit indiquer si un contrat de services fera suite au concours. Ledit pouvoir doit de même mentionner à la rubrique IV.5.4 de cet avis si la décision du jury est contraignante.

 La procédure précontentieuse

54      N’ayant pas reçu d’information concernant la transposition de la directive 2004/18 en droit belge à l’issue du délai prescrit à l’article 80 de cette dernière, la Commission a, conformément à l’article 226 CE, mis le Royaume de Belgique en demeure de présenter ses observations par une lettre adressée le 27 mars 2006.

55      Dans sa réponse communiquée le 1er juin 2006, cet État membre a informé la Commission de ce que des mesures de transposition étaient en préparation.

56      Estimant que le Royaume de Belgique n’avait pas pris les mesures nécessaires à la transposition de la directive 2004/18 et constatant que, en tout cas, de telles mesures ne lui avaient pas été communiquées, la Commission a émis le 18 octobre 2006 un avis motivé invitant cet État membre à se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.

57      Par diverses lettres parvenues à la Commission les 15 décembre 2006 ainsi que 16 et 27 février 2007, le Royaume de Belgique a notamment communiqué à la Commission le texte de la loi du 15 juin 2006 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services (Moniteur belge du 15 février 2007, p. 7355, ci-après la «loi du 15 juin 2006») ainsi que celui de la loi du 16 juin 2006 relative à l’attribution, à l’information aux candidats et soumissionnaires et au délai d’attente concernant les marchés publics et certains marchés de travaux, de fournitures et de services (Moniteur belge du 15 février 2007, p. 7388), qui visent à transposer la directive 2004/18.

58      Cependant, considérant que la situation demeurait insatisfaisante, eu égard notamment au fait que l’arrêté royal devant fixer la date d’entrée en vigueur des dispositions de fond de ces lois n’avait pas été adopté, la Commission a décidé, conformément à l’article 226 CE, d’introduire le présent recours.

59      Par lettre du 17 juin 2008, la Cour a, en application de l’article 54 bis du règlement de procédure, demandé, d’une part, à la Commission d’indiquer de manière exhaustive les dispositions de la directive 2004/18 qu’elle considérait comme non transposées en droit belge et, d’autre part, au Royaume de Belgique de vérifier la correspondance entre les dispositions de droit belge dont il alléguait qu’elles ont opéré la transposition de cette directive et les dispositions de celle-ci qui auraient été ainsi transposées. Les parties ont communiqué leur réponse au greffe de la Cour, respectivement, les 4 et 3 septembre 2008.

 Sur le recours

 Sur l’étendue du recours

60      Dans sa requête, la Commission demandait à la Cour de constater que le Royaume de Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2004/18 du fait d’une absence totale de transposition de celle-ci en droit interne.

61      Dans son mémoire en défense, le Royaume de Belgique, renvoyant à certaines dispositions nationales adoptées, pour les unes, préalablement à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé et, pour les autres, postérieurement à cette date, a allégué qu’il avait assuré une transposition partielle des dispositions de la directive 2004/18 et que, à ladite date, seuls les articles 23, 30, 45, paragraphe 1, 48, paragraphe 5, 49, 50, 53, 57 et 59 de celle-ci n’étaient pas transposés en droit interne.

62      Sur le fondement de ces indications, la Commission a considéré, dans son mémoire en réplique, que le Royaume de Belgique restait toujours en défaut d’avoir transposé entièrement ou correctement l’article 1er de la directive 2004/18 lu en combinaison avec l’annexe I de celle-ci ainsi que les articles 5, 9, 12, 13, 16, 20, 21, 23 à 25, 30, 31, 38, 40, 43 à 46, 48 à 50, 55, 59, 63, 65, 67 à 69, 72 et 74 de cette directive.

63      Dans son mémoire en duplique, s’appuyant sur l’arrêté royal du 23 novembre 2007 modifiant la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics et à certains marchés de travaux, de fournitures et de services et certains arrêtés royaux pris en exécution de cette loi (Moniteur belge du 7 décembre 2007, p. 60372, ci-après l’«arrêté royal du 23 novembre 2007»), le Royaume de Belgique a estimé que l’ensemble des dispositions de ladite directive nécessitant encore d’être transposées en droit interne l’étaient désormais.

64      Dans sa réponse aux questions écrites adressées aux parties par la Cour et au cours de l’audience, la Commission s’est désistée d’une partie des griefs précédemment formulés et a limité son recours au défaut de transposition ou à la transposition défaillante des dispositions suivantes de la directive 2004/18: article 1er paragraphe 2, sous b), lu en combinaison avec l’annexe I, article 5, article 9, paragraphes 1, seconde phrase, et 8, sous a), i) et iii), article 23, paragraphe 2, article 30, paragraphes 2 à 4, article 31, paragraphe 1, sous c), article 38, paragraphe 1, article 43, premier alinéa, sous d), article 44, paragraphes 2, deuxième alinéa, 3 et 4, article 46, premier alinéa, article 48, paragraphe 2, sous f), article 55, paragraphes 1, second alinéa, sous d) et e), et 3, article 67, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, article 68, sous a), premier alinéa, article 72 et article 74, paragraphe 1.

 Sur le fond

65      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, comme l’a fait observer à juste titre la Commission lors de l’audience, la loi du 24 décembre 1993 et l’arrêté royal du 8 janvier 1996, dont se prévaut principalement le Royaume de Belgique, ont été adoptés afin de transposer non pas la directive 2004/18, mais les directives régissant précédemment les procédures de passation de marchés publics, à savoir les directives 92/50, 93/36 et 93/37.

66      Or, la directive 2004/18, qui, ainsi qu’il ressort de son premier considérant, modifie ces procédures afin de répondre aux exigences de simplification et de modernisation formulées par les pouvoirs adjudicateurs et par les opérateurs économiques, présente d’importantes différences par rapport aux directives qu’elle a remplacées, de sorte que la législation nationale ayant transposé ces dernières ne saurait, a priori, refléter les nouvelles dispositions et précisions insérées par le législateur communautaire dans la directive 2004/18.

67      Néanmoins, afin d’examiner le bien-fondé des griefs formulés par la Commission, il convient de procéder à une comparaison des dispositions de la directive 2004/18 avec les mesures législatives, réglementaires et administratives nationales par lesquelles le Royaume de Belgique estime avoir transposé celle-ci.

68      À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, chacun des États membres destinataires d’une directive a l’obligation de prendre, dans son ordre juridique national, toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer le plein effet de cette directive, conformément à l’objectif qu’elle poursuit (voir, notamment, arrêts du 26 juin 2003, Commission/France, C‑233/00, Rec. p. I‑6625, point 75, et du 30 novembre 2006, Commission/Luxembourg, C‑32/05, Rec. p. I‑11323, point 32).

69      En second lieu, la transposition en droit interne d’une directive n’exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de celle-ci dans une disposition légale expresse et spécifique, et peut, en fonction de son contenu, se satisfaire d’un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de cette directive d’une manière suffisamment claire et précise (voir en ce sens, notamment, arrêt du 20 octobre 2005, Commission/Royaume-Uni, C‑6/04, Rec. p. I‑9017, points 21 et 24, ainsi que du 24 juin 2008, Commission/Luxembourg, C‑272/07, point 10).

70      Toutefois, la Cour a itérativement jugé que les dispositions d’une directive doivent être mises en œuvre avec la précision et la clarté requises afin de satisfaire pleinement à l’exigence de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/Royaume-Uni, point 27, et du 24 juin 2008, Commission/Luxembourg, point 11).

71      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les différents griefs soulevés par la Commission.

 Sur le grief tiré d’une transposition défaillante de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18 lu en combinaison avec l’annexe I de celle-ci

–       Arguments des parties

72      Selon la Commission, la législation belge n’est pas conforme à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18, dans la mesure où l’annexe I de celle-ci, à laquelle renvoie cette disposition, n’est pas transposée en droit belge. En particulier, les références aux codes NACE figurant à l’annexe 1 de la loi du 24 décembre 1993 n’auraient pas été adaptées à celles figurant à l’annexe I de ladite directive.

73      Le Royaume de Belgique, tout en reconnaissant que les codes NACE tels que mentionnés à l’annexe I de la directive 2004/18 n’ont pas été repris dans la législation belge, considère que la notion de marché public de travaux recouvre en droit belge celle consacrée par ladite directive.

–       Appréciation de la Cour

74      L’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18 définit la notion de «marchés publics de travaux» comme visant des marchés publics ayant pour objet soit l’exécution, soit conjointement la conception et l’exécution de travaux relatifs à une des activités mentionnées à l’annexe I de cette directive ou d’un ouvrage, soit la réalisation par quelque moyen que ce soit d’un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur.

75      Il résulte de cette définition, lue en combinaison avec le dixième considérant de la directive 2004/18, qu’un contrat ne saurait être considéré comme un marché de travaux que si son objet concerne spécifiquement des activités visées à l’annexe I de cette directive (voir par analogie, s’agissant de la directive 93/37, arrêt du 21 février 2008, Commission/Italie, C‑412/04, Rec. p. I‑619, point 46).

76      Ladite annexe I a ainsi une fonction importante en ce qu’elle constitue la base sur laquelle il est possible de constater qu’un marché donné relève de la notion de «travaux» visée à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de la directive 2004/18.

77      Il s’ensuit qu’un État membre ne peut assurer une transposition correcte de cette disposition en se référant, dans sa législation, à une ancienne version de la NACE qui se distingue sensiblement de la version à laquelle se réfère la directive 2004/18.

78      En outre, il convient de préciser que le fait, souligné par l’État membre défendeur, que la version de la NACE à laquelle se réfère l’annexe I de cette directive a été modifiée après l’expiration du délai fixé à l’article 80 de cette dernière n’implique aucunement que les États membres sont libres de déterminer unilatéralement la définition de la notion communautaire de marchés de travaux.

79      Enfin, il y a lieu de relever que la loi du 15 juin 2006, communiquée par le Royaume de Belgique à la Commission en tant que transposition de la directive 2004/18, mais dont les dispositions substantielles ne sont pas entrées en vigueur, reprend, à son annexe 1, les codes NACE tels qu’ils figurent à l’annexe I de cette directive.

80      Dans ces conditions, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur le grief tiré d’une transposition défaillante de l’article 5 de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

81      Selon la Commission, les accords conclus au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont susceptibles, dans certaines circonstances, de conférer plus de droits aux opérateurs issus de pays tiers parties à ces accords que ne le fait la directive 2004/18 en ce qui concerne ceux des États membres. Partant, il serait indispensable de transposer l’article 5 de ladite directive en droit interne, ce que ne feraient pas les dispositions nationales invoquées par le Royaume de Belgique.

82      Cet État membre considère toutefois que les articles 16, dernier alinéa, 24, 42, dernier alinéa, 50, 68, dernier alinéa, et 79 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 procèdent à la transposition de l’article 5 de la directive 2004/18.

–       Appréciation de la Cour

83      Conformément au dernier alinéa des articles 16, 42 et 68 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996, les entreprises issues des États membres de la Communauté et, «selon les dispositions et conditions de l’acte international les concernant», celles issues des pays tiers parties aux accords conclus au sein de l’OMC doivent être traitées dans les mêmes conditions que les entreprises belges.

84      Partant, en prévoyant une égalité de traitement entre ces différents opérateurs économiques, la législation belge prescrit nécessairement que les entreprises issues des pays tiers parties aux accords conclus au sein de l’OMC ne peuvent disposer de conditions plus avantageuses que les entreprises issues des États membres.

85      Dans ces conditions, ce grief de la Commission n’est pas fondé.

 Sur le grief tiré d’une transposition défaillante de l’article 9, paragraphe 1, seconde phrase, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

86      Selon la Commission, en l’état actuel de la législation nationale invoquée par le Royaume de Belgique, s’agissant d’un marché public de fournitures, les reconductions éventuelles ne doivent pas être prises en compte pour le calcul de la valeur estimée d’un tel marché contrairement à ce que prévoit l’article 9, paragraphe 1, seconde phrase, de la directive 2004/18.

87      Le Royaume de Belgique considère que la notion de «reconduction» est recouverte par celle de «contrats successifs» telle qu’elle résulte de l’article 28, deuxième alinéa, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996. Cet État membre invoque en outre les articles 2 et 54 de cet arrêté royal.

–       Appréciation de la Cour

88      D’une part, s’agissant des dispositions invoquées par le Royaume de Belgique, il convient de constater que seul l’article 28 se rapporte aux marchés publics de fournitures. Toutefois, aucun alinéa de cet article ne vise expressément, s’agissant des méthodes de calcul de la valeur estimée de ces marchés publics, les reconductions de contrat.

89      D’autre part, contrairement à ce qu’affirme le Royaume de Belgique, il ne saurait être admis que les notions de contrats successifs et de reconduction de contrats se confondent, ni même que la première recouvre la seconde. Il convient d’ailleurs de relever que l’ article 37, paragraphe 2, de la loi du 15 juin 2006 est consacré à la notion de reconduction de contrat.

90      Or, les éléments, énoncés notamment à l’article 9 de la directive 2004/18, qui entrent dans l’évaluation du montant d’un marché public sont d’autant plus importants que ce montant conditionne l’application des règles contraignantes de passation des marchés publics édictées par cette directive. Dès lors, le renvoi en droit national à la notion de contrats successifs, qui, a priori, ne correspond pas forcément à celle de reconduction de contrat, n’instaure pas une situation juridique suffisamment précise et claire, et ne constitue par conséquent pas une transposition appropriée de la disposition de cette directive visée dans le présent grief.

91      Dans ces conditions, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur les griefs tirés d’une transposition défaillante de l’article 9, paragraphe 8, sous a), i) et iii), de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

92      La Commission considère que les dispositions de droit national invoquées par le Royaume de Belgique ne couvrent pas l’ensemble des éventualités prévues au point a) de l’article 9, paragraphe 8, de la directive 2004/18.

93      Pour le Royaume de Belgique, l’article 54, premier alinéa, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 établit le principe de la prise en compte de la rémunération totale pour estimer le montant d’un marché, tandis que le deuxième alinéa de cet article, qui est incriminé par la Commission, n’a qu’une valeur illustrative.

–       Appréciation de la Cour

94      Il convient de préciser que l’article 54, deuxième alinéa, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 a été adopté afin de transposer l’article 7, paragraphe 4, de la directive 92/50, qui limitait la prise en compte des «autres modes de rémunérations» au type de services couvert par le deuxième tiret de cette dernière disposition, à savoir les services bancaires, désormais repris à l’article 9, paragraphe 8, sous a), ii), de la directive 2004/18.

95      Le législateur communautaire ayant jugé utile de préciser dans la directive 2004/18 non seulement pour les services bancaires, mais également pour les types de services visés aux points i) et iii) de son article 9, paragraphe 8, sous a), que le montant estimé du marché public doit prendre en compte les «autres modes de rémunérations», le législateur national doit assurer une transposition précise desdites dispositions de cette directive, notamment pour prévenir le risque d’une interprétation a contrario de l’article 54, deuxième alinéa, 2°, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996.

96      Or, la présence d’un rappel général à l’article 54, premier alinéa, de cet arrêté royal, selon lequel le montant estimé des marchés de services inclut la rémunération totale du prestataire de services, ne permet pas d’écarter un tel risque et n’offre dès lors pas la sécurité juridique requise en ce qui concerne les règles spécifiques d’estimation de la valeur d’un marché public prévues à l’article 9, paragraphe 8, sous a), i) et iii), de la directive 2004/18.

97      Dans ces conditions, ces griefs de la Commission sont fondés.

 Sur le grief tiré du défaut de transposition de l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

98      Le Royaume de Belgique renvoie, pour la transposition de l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2004/18, aux articles 23 et 25 de l’arrêté royal du 23 novembre 2007.

99      La Commission considère que ces dispositions nationales ont été adoptées tardivement.

–       Appréciation de la Cour

100    Il convient de rappeler que l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (voir, notamment, arrêts du 6 décembre 2007, Commission/Allemagne, C‑258/05, Rec. p. I‑10517, point 15, et du 24 juin 2008, Commission/Luxembourg, précité, point 15).

101    Or, en l’espèce, il est constant que l’arrêté royal du 23 novembre 2007 auquel se réfère le Royaume de Belgique a été adopté après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.

102    Dans ces conditions, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur les griefs tirés d’une transposition défaillante de l’article 30, paragraphes 2 et 3, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

103    Dans le cadre de ces griefs, la Commission fait valoir que la transposition en droit national de l’article 30, paragraphes 2 et 3, de la directive 2004/18, qui n’aurait pas été réalisée en droit belge, revêt une importance toute particulière, du fait que ces dispositions se rapportent à la procédure négociée de passation de marché public.

104    Pour le Royaume de Belgique, lesdites dispositions ne constituent toutefois que le rappel général de la notion de procédure négociée et du principe d’égalité de traitement, et ne nécessitent par conséquent pas de mesures de transposition spécifiques.

–       Appréciation de la Cour

105    Il convient de rappeler que la directive 2004/18 prévoit quatre procédures principales pour la passation de marchés publics. L’une d’entre elles est la procédure négociée, dont les modalités sont précisées aux articles 30 et 31 de cette directive.

106    Cette procédure, à laquelle il ne peut être recouru que dans des circonstances limitativement mentionnées par ladite directive, revêt, par rapport aux procédures ouverte et restreinte, un caractère exceptionnel (voir par analogie, s’agissant des directives 93/36 et 93/37, arrêt du 13 janvier 2005, Commission/Espagne, C‑84/03, Rec. p. I‑139, point 47). En effet, elle reconnaît aux pouvoirs adjudicateurs une marge d’appréciation plus grande que dans le cadre de ces deux dernières procédures.

107    Dans ce contexte, ainsi que l’a souligné la Commission, l’article 30, paragraphe 2, de la directive 2004/18 a pour effet de restreindre cette marge de manœuvre en énonçant que la négociation, qui est l’élément déterminant de la procédure de passation de marché public concernée, vise exclusivement à adapter les offres soumises aux exigences prévues dans l’avis de marché, dans le cahier des charges et dans les documents complémentaires éventuels, dans le but de rechercher la meilleure offre. Dès lors, cette disposition identifie l’objet ainsi que le but de la négociation dans le cadre de la procédure négociée.

108    En outre, l’article 30, paragraphe 3, de la directive 2004/18 impose aux pouvoirs adjudicateurs d’assurer l’égalité de traitement de tous les soumissionnaires durant la phase de négociation.

109    À ce titre, il est de jurisprudence constante que le respect du principe d’égalité de traitement s’impose aux pouvoirs adjudicateurs dans toute procédure de passation de marché public. Un tel devoir correspond à l’essence même de la directive 2004/18 (voir par analogie, s’agissant de la directive 93/37, arrêt du 16 décembre 2008, Michaniki, C‑213/07, non encore publié au Recueil, points 44 et 45).

110    Dès lors, eu égard aux spécificités de la procédure négociée et à l’importance du principe d’égalité de traitement dans le domaine des procédures de passation de marché public, le Royaume de Belgique ne saurait alléguer utilement que les dispositions de l’article 30, paragraphes 2 et 3, de la directive 2004/18 sont superfétatoires, de sorte qu’elles ne nécessiteraient pas de mesure de transposition spécifique. En effet, la définition des limites et de l’objectif de la négociation ainsi que l’obligation faite aux pouvoirs adjudicateurs d’assurer le respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires revêtent une importance toute particulière dans le cadre de la procédure négociée qui justifie une transposition spécifique de ces éléments en droit national.

111    Tel est, au demeurant, l’objet de l’article 26, § 3, de la loi du 15 juin 2006, qui n’est cependant pas entré en vigueur, qui reprend littéralement le texte de l’article 30, paragraphe 3, de la directive 2004/18.

112    Dans ces conditions, ces griefs de la Commission sont fondés.

 Sur le grief tiré d’une transposition défaillante de l’article 30, paragraphe 4, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

113    La Commission reproche au Royaume de Belgique de ne pas avoir transposé les conditions visées à l’article 30, paragraphe 4, de la directive 2004/18, à savoir, d’une part, l’obligation de mentionner dans l’avis de marché ou le cahier des charges la faculté de procéder en phases successives et, d’autre part, la réduction du nombre d’offres au cours de ces phases par application des critères d’attribution indiqués dans l’un ou l’autre de ces documents.

114    Le Royaume de Belgique considère que le modèle type d’avis de marché contenu à l’annexe 2, B, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996, et plus particulièrement la rubrique IV.1.3 de ce modèle, répond au premier des reproches de la Commission. Pour le surplus, cet État membre soutient que les conditions rappelées à l’article 30, paragraphe 4, de la directive 2004/18 sont inhérentes à la notion de marché négocié en droit belge, ainsi qu’en attesterait l’article 122 bis du même arrêté royal.

–       Appréciation de la Cour

115    Il convient de constater, premièrement, que le modèle type d’avis de marché figurant à l’annexe 2, B, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 contient, dans la rubrique IV.1.3, un espace dans lequel le pouvoir adjudicateur doit mentionner si la procédure négociée se déroulera en phases successives durant lesquelles le nombre des offres à négocier sera progressivement réduit. Partant, il y a lieu de rejeter le présent grief en tant qu’il se rapporte à cet aspect de l’article 30, paragraphe 4, de la directive 2004/18.

116    Deuxièmement, s’agissant de l’obligation prévue par cette disposition à l’égard du pouvoir adjudicateur quant à l’application des critères d’attribution indiqués dans l’avis de marché ou le cahier des charges en cas de réduction du nombre d’offres au cours des phases successives, force est de constater qu’aucune des dispositions invoquées par le Royaume de Belgique n’impose une telle obligation. Pourtant, eu égard aux spécificités de la procédure négociée en phases successives, qui amène un pouvoir adjudicateur à procéder en plusieurs étapes à la sélection des offres, il est fondamental de rappeler à chaque étape les critères d’attribution qui lient ledit pouvoir.

117    Dans cette mesure, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur le grief tiré d’une transposition défaillante de l’article 31, paragraphe 1, sous c), de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

118    La Commission considère que l’article 31, paragraphe 1, sous c), de la directive 2004/18 n’a fait l’objet d’aucune transposition en droit belge.

119    Le Royaume de Belgique invoque pour sa part six arrêts du Conseil d’État (Belgique) qui consacreraient, en ce qui concerne le recours à la procédure négociée, la condition visée par cette disposition et ôteraient dès lors toute nécessité de transposition au travers d’un texte national spécifique.

–       Appréciation de la Cour

120    Selon une jurisprudence constante, s’il est vrai que la transposition d’une directive n’exige pas nécessairement une action législative de chaque État membre, il est toutefois indispensable que le droit national en cause garantisse effectivement la pleine application de la directive concernée, que la situation juridique découlant de ce droit soit suffisamment précise et claire, et que les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et obligations, et, le cas échéant, de s’en prévaloir devant les juridictions nationales (arrêt du 9 septembre 2004, Commission/Espagne, C‑70/03, Rec. p. I‑7999, point 15 et jurisprudence citée).

121    En l’espèce, il y a lieu de préciser, à titre liminaire, que, des six arrêts du Conseil d’État invoqués par l’État membre défendeur, un seul reprend expressément la condition visée à l’article 31, paragraphe 1, sous c), de la directive 2004/18.

122    En outre, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, une jurisprudence, à la supposer établie, interprétant des dispositions de droit interne dans un sens estimé conforme aux exigences d’une directive ne saurait présenter la clarté et la précision requises pour satisfaire à l’exigence de sécurité juridique (voir arrêt du 10 mai 2001, Commission/Pays-Bas, C‑144/99, Rec. p. I‑3541, point 21).

123    Il convient d’ailleurs de relever que le législateur belge a estimé nécessaire de transposer littéralement l’article 31, paragraphe 1, sous c), de la directive 2004/18 à l’article 26, § 1, sous c), de la loi du 15 juin 2006, qui n’est cependant pas entré en vigueur.

124    Dans ces conditions, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur le grief tiré du défaut de transposition de l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

125    Selon la Commission, la législation belge ne contient pas de disposition conforme à l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2004/18, permettant une prolongation des délais de réception des demandes de participation et des offres en raison de la complexité du marché envisagé.

126    Le Royaume de Belgique invoque les articles 7, premier alinéa, 33, premier alinéa, et 59, premier alinéa, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 pour affirmer la transposition dudit article 38, paragraphe 1.

–       Appréciation de la Cour

127    L’article 38, paragraphe 1, de la directive 2004/18 prévoit l’obligation pour les pouvoirs adjudicateurs de tenir compte, d’une manière générale, pour la fixation des délais concernés, de la complexité du marché et du temps nécessaire pour préparer les offres. À cet égard, cette disposition a remplacé l’article 18, paragraphe 5, de la directive 92/50, qui instaurait une prolongation des délais eu égard à l’importance de la documentation liée à un marché, à la nécessité d’une visite des lieux ou à la consultation sur place de documents annexés au cahier des charges.

128    Or, les dispositions nationales invoquées par le Royaume de Belgique reprennent la disposition de la directive 92/50, sans intégrer la portée générale qu’a introduite le législateur communautaire à l’article 38, paragraphe 1, de la directive 2004/18. En effet, lesdites dispositions nationales prévoient seulement trois cas spécifiques de prolongation des délais de réception, dont ne fait pas partie l’hypothèse de la complexité du marché.

129    Dans ces conditions, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur le grief tiré du défaut de transposition de l’article 43, premier alinéa, sous d), de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

130    La Commission soutient que la législation belge ne comporte pas un élément fondamental parmi ceux devant apparaître dans les procès-verbaux visés à l’article 43 de la directive 2004/18, à savoir les motifs du rejet des offres jugées anormalement basses, mentionnés au premier alinéa, sous d), de cet article.

131    S’appuyant sur les articles 9, 35 et 61 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996, le Royaume de Belgique considère que cette disposition a été transposée en droit national.

–       Appréciation de la Cour

132    Force est de constater qu’aucune des dispositions invoquées par le Royaume de Belgique ne permet de considérer qu’un pouvoir adjudicateur rejetant une offre anormalement basse est contraint de mentionner dans le procès-verbal le motif pour lequel cette offre a été jugée telle.

133    En effet, lesdites dispositions indiquent que le caractère anormalement bas d’une offre est susceptible de constituer en lui-même une motivation suffisante pour rejeter celle-ci.

134    Or, l’article 43, premier alinéa, sous d), de la directive 2004/18 requiert une motivation plus détaillée d’une telle décision de rejet. Ce faisant, le législateur communautaire a entendu limiter le pouvoir d’appréciation des pouvoirs adjudicateurs en ce qui concerne de telles décisions eu égard à l’objectif de transparence que cette directive vise à atteindre, ainsi qu’il ressort de son deuxième considérant.

135    Dans ces conditions, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur le grief tiré du défaut de transposition de l’article 44, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

136    La Commission considère qu’aucune disposition de droit belge ne prévoit que l’étendue des informations demandées en ce qui concerne les capacités économiques, financières, techniques et professionnelles ainsi que les niveaux de capacité exigés pour un marché déterminé soient liés et proportionnés à l’objet de celui-ci, conformément à l’article 44, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2004/18.

137    Le Royaume de Belgique fait valoir que cette disposition est transposée par les articles 18, 19, 44, 45, 70 et 71 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 ainsi que par l’annexe 2, B, de cet arrêté royal, eu égard en particulier aux rubriques III.2.2 et III.2.3 du modèle type d’avis de marché constituant cette annexe.

–       Appréciation de la Cour

138    Il convient de noter que les dispositions de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 invoquées par le Royaume de Belgique concernent les modalités de justification des capacités financière et économique des soumissionnaires. Les rubriques du modèle type d’avis de marché constituant l’annexe 2, B, de cet arrêté royal, mentionnées par cet État membre, renvoient, quant à elle, aux modes d’appréciation des capacités économique, financière et technique.

139    Dès lors, force est de constater que, en droit belge, rien n’oblige un pouvoir adjudicateur à mettre l’étendue et la pertinence des informations demandées en rapport avec l’objet du marché.

140    Or, cette exigence, telle que prévue à l’article 44, paragraphe 2, de la directive 2004/18, revêt une importance toute particulière, puisque, au travers des informations à fournir, c’est la faculté même de participer à une procédure de passation qui est appréciée.

141    Dans ces conditions, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur les griefs tirés d’une transposition défaillante de l’article 44, paragraphes 3 et 4, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

142    La Commission fait valoir que l’article 44, paragraphes 3 et 4, de la directive 2004/18 n’a pas été transposé de façon satisfaisante par le Royaume de Belgique. D’une part, la législation belge n’imposerait aux pouvoirs adjudicateurs ni d’indiquer dans les avis de marché les critères objectifs et non discriminatoires qu’ils envisagent d’utiliser pour réduire le nombre de candidats ni de ne réduire le nombre d’offres que sur le fondement de ces critères. D’autre part, aucune disposition de cette législation ne prévoirait que le nombre réduit d’offres retenues doit permettre d’assurer une concurrence réelle.

143    Le Royaume de Belgique invoque les articles 16, 18, 19, 42, 44, 45, 68, 70 et 71 de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 ainsi que certaines rubriques du modèle type d’avis de marché constituant l’annexe 2, B, de cet arrêté royal.

–       Appréciation de la Cour

144    Parmi les dispositions invoquées par le Royaume de Belgique au titre de la transposition de l’article 44, paragraphes 3 et 4, de la directive 2004/18, l’annexe 2, B, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996, et plus particulièrement la rubrique IV.1.2 du modèle type d’avis de marché constituant cette annexe, conduit le pouvoir adjudicateur à indiquer les critères objectifs de sélection des candidats qu’il doit appliquer.

145    Toutefois, lesdites dispositions ne contiennent aucune restriction de la marge de manœuvre des pouvoirs adjudicateurs liée à l’impératif que le nombre de candidats finalement retenu permette d’assurer une concurrence réelle. Or, ainsi qu’il ressort des deuxième et quarante-sixième considérants de la directive 2004/18, la garantie de conditions de concurrence effective en matière de marchés publics est un objectif fondamental de cette directive. Le rappel de cette exigence est d’autant plus nécessaire que la phase préalable de sélection des offres ne saurait conduire à ce que le nombre de candidats finalement retenus soit si réduit qu’aucune concurrence effective ne soit possible.

146    Dans cette mesure, ces griefs de la Commission sont fondés.

 Sur le grief tiré d’un défaut de transposition de l’article 46, premier alinéa, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

147    Selon la Commission, la législation belge ne prévoit pas, contrairement à l’article 46, premier alinéa, de la directive 2004/18, qu’un entrepreneur puisse justifier de son habilitation à exercer l’activité professionnelle concernée par la présentation d’une déclaration sous serment ou d’un certificat conformes aux précisions contenues dans les annexes IX A à IX C de cette directive, lesquelles ne seraient, en outre, pas transposées dans cette législation.

148    Le Royaume de Belgique considère que ledit article 46, premier alinéa, est transposé par les articles 20, § 2, 46, § 2, et 72, § 2, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996. S’agissant desdites annexes IX A à IX C, celles-ci ne nécessiteraient pas d’être transposées, dans la mesure où elles ne seraient ni complètes ni actualisées.

–       Appréciation de la Cour

149    Il convient de relever que, d’une part, s’agissant des moyens permettant à un opérateur économique de justifier de son habilitation à exercer l’activité professionnelle concernée, les dispositions nationales invoquées par le Royaume de Belgique sont plus restrictives que l’article 46, premier alinéa, de la directive 2004/18, puisqu’elles ne permettent pas qu’une telle justification soit fournie au moyen d’une déclaration sous serment ou d’un certificat.

150    Or, les dispositions communautaires en matière de procédures de passation de marchés publics visent à ouvrir les marchés auxquels elles s’appliquent à la concurrence communautaire, en favorisant la manifestation d’intérêt la plus large possible parmi les opérateurs économiques (voir, en ce sens, s’agissant de la directive 93/38, arrêt du 5 octobre 2000, Commission/France, C‑16/98, Rec. p. I‑8315, point 108), de sorte qu’un opérateur économique ne saurait être dissuadé de participer à une telle procédure en raison du caractère limité des moyens à sa disposition pour justifier de son habilitation.

151    D’autre part, s’agissant des annexes IX A à IX C de la directive 2004/18, auxquelles se réfère son article 46, le Royaume de Belgique ne saurait exciper de ce que, à la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, celles-ci ne concernaient que quinze États membres pour justifier une absence de transposition de ces annexes en droit belge. En effet, le caractère contraignant des dispositions desdites annexes est indépendant du fait que le législateur communautaire n’a pas donné d’indications en ce qui concerne les autres États membres.

152    Dans ces conditions, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur le grief tiré d’un défaut de transposition de l’article 48, paragraphe 2, sous f), de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

153    Le Royaume de Belgique renvoie, pour la transposition de l’article 48, paragraphe 2, sous f), de la directive 2004/18, aux articles 12 et 16 de l’arrêté royal du 23 novembre 2007.

154    La Commission considère que ces dispositions nationales ont été adoptées tardivement.

–       Appréciation de la Cour

155    Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence exposée au point 100du présent arrêt, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé.

156    Dès lors qu’il est constant que l’arrêté royal du 23 novembre 2007 a été adopté après l’expiration de ce délai, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur le grief tiré d’un défaut de transposition de l’article 55, paragraphe 1, second alinéa, sous d), de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

157    Selon la Commission, la législation belge ne mentionne pas une des catégories de précisions sur la composition de l’offre que l’article 55, paragraphe 1, second alinéa, prévoit que le pouvoir adjudicateur peut demander au soumissionnaire ayant présenté une offre apparaissant anormalement basse, à savoir celle relative au respect des dispositions concernant la protection du travail et les conditions de travail en vigueur au lieu où la prestation est à réaliser, figurant au point d) de cette disposition.

158    Le Royaume de Belgique considère que l’article 55, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2004/18 consiste dans une liste exemplative qui ne nécessite pas de mesure de transposition.

–       Appréciation de la Cour

159    Il convient d’observer que, premièrement, si la liste contenue à l’article 55, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2004/18 n’est pas exhaustive, elle n’est toutefois pas purement indicative, et ne laisse donc pas les pouvoirs adjudicateurs libres de déterminer quels sont les éléments pertinents à prendre en considération avant d’écarter une offre apparaissant anormalement basse.

160    Deuxièmement, l’article 110, § 3, troisième alinéa, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 transpose seulement les cas de figures visés aux points a) à c) de l’article 55, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2004/18. Ce faisant, il a été adopté afin d’assurer la transposition de l’article 37, deuxième alinéa, de la directive 92/50, dont le contenu a précisément été complété par l’article 55, paragraphe 1, second alinéa, sous d), de la directive 2004/18.

161    Le législateur communautaire ayant estimé utile de mentionner dans cette dernière disposition une précision supplémentaire et, ainsi, de limiter davantage la marge de manœuvre des pouvoirs adjudicateurs en ce qui concerne le rejet d’une offre anormalement basse, le législateur national a l’obligation d’assurer une transposition de ce point.

162    Or, la législation nationale invoquée par le Royaume de Belgique n’assure pas cette transposition.

163    Dans ces conditions, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur les griefs tirés du défaut de transposition de l’article 55, paragraphes 1, second alinéa, sous e), et 3, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

164    Par ces griefs, qu’il convient d’examiner conjointement, la Commission fait valoir que la législation belge ne contenait, à l’expiration du délai prescrit dans l’avis motivé, aucune disposition opérant la transposition de l’article 55, paragraphes 1, second alinéa, sous e), et 3, de la directive 2004/18.

165    Le Royaume de Belgique invoque à cet égard l’article 26 de l’arrêté royal du 23 novembre 2007.

–       Appréciation de la Cour

166    Ainsi qu’il a été rappelé aux points 100 et 155 du présent arrêt, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé.

167    Or, il est constant que l’arrêté royal du 23 novembre 2007 a été adopté après l’expiration dudit délai.

168    Dans ces conditions, ces griefs de la Commission sont fondés.

 Sur les griefs tirés d’un défaut de transposition de l’article 67, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

169    Par ces griefs, la Commission soutient que l’article 67, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, de la directive 2004/18 n’est pas transposé en droit belge. En effet, d’une part, la législation belge ne prévoirait pas que, pour fixer le seuil à prendre en considération en cas de concours organisé dans le cadre d’une procédure de passation d’un marché public de services, la valeur estimée de ce marché doit inclure les éventuelles primes de participation et/ou paiements aux participants. D’autre part, cette législation n’envisagerait pas non plus que, pour fixer le seuil à prendre en considération en cas de concours avec primes de participation et/ou paiements aux participants, il y a lieu d’ajouter au montant total de ces primes et paiements la valeur du marché public de services qui pourrait être passé ultérieurement.

170    Le Royaume de Belgique considère que les dispositions de la directive 2004/18 visées par le présent grief ont été transposées en droit national par l’article 76, § 2, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 ainsi que par l’annexe 3, A, du même arrêté royal.

–       Appréciation de la Cour

171    Il convient de constater, d’une part, que, alors que l’article 67, paragraphe 2, de la directive 2004/18 vise à définir le champ d’application des règles relatives aux concours dans le domaine des services, l’article 76, § 2, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 détermine les cas dans lesquels un avis de concours doit être publié au Journal officiel des Communautés européennes. Partant, cette disposition nationale, n’ayant pas le même objet que ledit article 67, paragraphe 2, ne saurait valoir transposition adéquate de ce dernier.

172    D’autre part, le modèle type d’avis constituant l’annexe 3, A, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 comporte certes une rubrique IV.5.3 qui permet au pouvoir adjudicateur d’indiquer si le soumissionnaire retenu se verra attribuer un contrat de services à la suite du concours principal. Il ne résulte toutefois pas de cette annexe que la valeur estimée de ce contrat doit être prise en compte pour déterminer le seuil du marché public concerné.

173    Dans ces conditions, ces griefs de la Commission sont fondés.

 Sur le grief tiré d’un défaut de transposition de l’article 68, sous a), premier alinéa, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

174    La Commission souligne la nécessité de prévoir, conformément à l’article 68, sous a), premier alinéa, de la directive 2004/18, que sont exclus du champ d’application de cette directive les concours de services au sens de la directive 2004/17. En effet, en l’absence d’une telle règle, un même marché public serait susceptible d’être soumis cumulativement aux règles de ces deux directives. Or, la législation belge ne comporterait aucune disposition ayant cette portée.

175    Le Royaume de Belgique considère que la transposition dudit article 68, sous a), premier alinéa, n’est pas nécessaire, tout risque d’application cumulative des directives susmentionnées étant écarté par la structure de la législation belge, telle qu’articulée par la loi du 24 décembre 1993, organisée en deux livres.

–       Appréciation de la Cour

176    Le Royaume de Belgique se contente de renvoyer à la structure de la législation nationale pour alléguer l’absence de nécessité de transposer spécifiquement l’article 68 de la directive 2004/18.

177    Force est toutefois de constater qu’il n’a pas démontré concrètement en quoi la structure de la législation belge permettrait d’éviter tout risque de confusion dans l’application des règles issues des directives 2004/17 et 2004/18. Or, ces dernières comportant des régimes juridiques sensiblement différents, il est indispensable d’assurer une transposition spécifique de la disposition écartant tout risque d’application cumulative desdites directives.

178    Dans ces conditions, ce grief de la Commission est fondé.

 Sur les griefs tirés d’un défaut de transposition de l’article 72 de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

179    Selon la Commission, aucune des dispositions de l’article 72 de la directive 2004/18 n’a été transposée par le Royaume de Belgique. En effet, la législation belge ne comporterait pas de règle en ce qui concerne les critères de sélection des participants à un concours. À tout le moins, cette législation n’édicterait pas que ces critères doivent être clairs et non discriminatoires. En outre, dans les conditions spécifiques relatives à la sélection des concurrents dans le cadre d’un concours dans le domaine des marchés publics de services, ladite législation n’obligerait pas les pouvoirs adjudicateurs à assurer que, au travers du nombre de candidats invités à participer à un tel concours, une concurrence réelle soit garantie.

180    Pour le Royaume de Belgique, les dispositions visées par ces griefs n’évoquent qu’un principe fondamental rappelé aux articles 1er et 20 de la loi du 24 décembre 1993 et ne nécessitent pas de mesure de transposition spécifique. Au demeurant, la rubrique IV.5.4 du modèle type constituant l’annexe 3, A, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 exige du pouvoir adjudicateur qu’il indique le nombre envisagé de participants retenus ou leurs nombres minimal et maximal.

–       Appréciation de la Cour

181    Au travers de l’article 72, première phrase, de la directive 2004/18, le législateur communautaire a entendu, dans le cadre spécifique des concours dans le domaine des marchés publics de services et lorsque le nombre des participants est limité, rappeler l’obligation, pour les pouvoirs adjudicateurs, d’établir, pour la sélection des participants, des critères clairs et non discriminatoires.

182    Partant, s’il est vrai que, dans le cadre des concours, cette obligation s’impose généralement, ledit article 72, première phrase, concerne une situation bien définie pour laquelle il est important de rappeler les conditions auxquelles doivent satisfaire les critères de sélection.

183    Dans ce contexte, l’article 72, seconde phrase, de la directive 2004/18 souligne le caractère déterminant du nombre de candidats invités à participer au concours. En effet, une telle disposition vise à éviter que la phase préalable de sélection des candidats ne se confonde in fine avec la phase finale d’attribution du marché et que toute concurrence réelle lors de cette dernière phase disparaisse.

184    À cet égard, l’obligation faite aux pouvoirs adjudicateurs d’indiquer, le cas échéant, le nombre envisagé de participants retenus ou leurs nombres minimal et maximal, telle qu’elle découle de la rubrique IV.5.4 du modèle type constituant l’annexe 3, A, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996, ne saurait valoir transposition adéquate de la restriction de la marge de manœuvre desdits pouvoirs à laquelle procède l’article 72, seconde phrase, de la directive 2004/18. Une telle indication n’assure en effet nullement que le nombre de candidats invités soit suffisamment élevé pour assurer une concurrence réelle.

185    Dans ces conditions, ces griefs de la Commission sont fondés.

 Sur le grief tiré d’un défaut de transposition de l’article 74, paragraphe 1, de la directive 2004/18

–       Arguments des parties

186    Selon la Commission, la législation belge ne prévoit pas que le jury dispose, conformément à l’article 74, paragraphe 1, de la directive 2004/18, d’une autonomie de décision ou d’avis.

187    Le Royaume de Belgique considère que la rubrique IV.5.4 du modèle type d’avis constituant l’annexe 3, A, de l’arrêté royal du 8 janvier 1996 constitue la transposition dudit article 74, paragraphe 1.

–       Appréciation de la Cour

188    Force est de constater que la législation invoquée par le Royaume de Belgique en tant que transposition de l’article 74, paragraphe 1, de la directive 2004/18 se rapporte à la qualité des membres du jury et se limite à prévoir que le pouvoir adjudicateur doit mentionner si la décision du jury est contraignante ou non.

189    Dès lors, ladite législation ne garantit pas l’autonomie de décision ou d’avis du jury. Or, en l’absence d’une telle garantie, c’est la raison même de l’intervention du jury qui est susceptible d’être remise en cause.

190    Dans ces conditions, ce grief de la Commission est fondé.

191    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en n’ayant pas pris les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour transposer, ou pour transposer de façon complète et/ou correcte, l’article 1er, paragraphe 2, sous b), lu en combinaison avec l’annexe I, ainsi que l’article 9, paragraphes 1, seconde phrase, et 8, sous a), i) et iii), l’article 23, paragraphe 2, l’article 30, paragraphes 2 à 4, l’article 31, paragraphe 1, sous c), l’article 38, paragraphe 1, l’article 43, premier alinéa, sous d), l’article 44, paragraphes 2, deuxième alinéa, 3 et 4, l’article 46, premier alinéa, l’article 48, paragraphe 2, sous f), l’article 55, paragraphe 1, second alinéa, sous d) et e), et 3, l’article 67, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, l’article 68, sous a), premier alinéa, l’article 72 et l’article 74, paragraphe 1, de la directive 2004/18, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de celle-ci.

192    Il y a lieu de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

193    Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      En n’ayant pas pris les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour transposer, ou pour transposer de façon complète et/ou correcte, l’article 1er, paragraphe 2, sous b), lu en combinaison avec l’annexe I, ainsi que l’article 9, paragraphes 1, seconde phrase, et 8, sous a), i) et iii), l’article 23, paragraphe 2, l’article 30, paragraphes 2 à 4, l’article 31, paragraphe 1, sous c), l’article 38, paragraphe 1, l’article 43, premier alinéa, sous d), l’article 44, paragraphes 2, deuxième alinéa, 3 et 4, l’article 46, premier alinéa, l’article 48, paragraphe 2, sous f), l’article 55, paragraphes 1, second alinéa, sous d) et e), et 3, l’article 67, paragraphe 2, deuxième et troisième alinéas, l’article 68, sous a), premier alinéa, l’article 72 et l’article 74, paragraphe 1, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, telle que modifiée par le règlement (CE) n° 2083/2005 de la Commission, du 19 décembre 2005, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de celle-ci.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le français.