ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

17 juillet 2008 ( *1 )

«Directive 2003/96/CE — Cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité — Article 14, paragraphe 1, sous a) — Exonération des produits énergétiques utilisés pour produire de l’électricité — Faculté de taxation pour des raisons ayant trait à la protection de l’environnement — Effet direct de l’exonération»

Dans l’affaire C-226/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Finanzgericht Düsseldorf (Allemagne), par décision du 27 avril 2007, parvenue à la Cour le 7 mai 2007, dans la procédure

Flughafen Köln/Bonn GmbH

contre

Hauptzollamt Köln,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka, A. Ó Caoimh (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 avril 2008,

considérant les observations présentées:

pour Flughafen Köln/Bonn GmbH, par Mes D. Schiebold et A. Richter, Rechtsanwälte,

pour le Hauptzollamt Köln, par M. O. Meyer, Oberregierungsrat, et M. K. Deutschmann, en qualité d’agent,

pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. Albenzio, avvocato dello Stato,

pour la Commission des Communautés européennes, par M. W. Mölls, en qualité d’agent,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO L 283, p. 51).

2

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Flughafen Köln/Bonn GmbH au Hauptzollamt Köln (autorité douanière de Cologne) au sujet du refus de cette dernière de rembourser la taxe payée par la première, au titre de l’année 2004, sur le gazole utilisé pour produire de l’électricité.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3

Les premier à sixième considérants de la directive 2003/96 sont libellés comme suit:

«(1)

Le champ d’application de la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales [(JO L 316, p. 12), telle que modifiée par la directive 94/74/CE du Conseil, du 22 décembre 1994 (JO L 365, p. 46)] et de la directive 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales [(JO L 316, p. 19), telle que modifiée par la directive 94/74], est limité aux huiles minérales.

(2)

L’absence de dispositions communautaires soumettant à une taxation minimale l’électricité et les produits énergétiques autres que les huiles minérales peut être préjudiciable au bon fonctionnement du marché intérieur.

(3)

Le bon fonctionnement du marché intérieur et la réalisation des objectifs des autres politiques communautaires nécessitent que des niveaux minima de taxation soient fixés au niveau communautaire pour la plupart des produits énergétiques, y compris l’électricité, le gaz naturel et le charbon.

(4)

D’importants écarts entre les niveaux nationaux de taxation de l’énergie appliqués par les États membres pourraient s’avérer préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur.

(5)

La fixation à des niveaux appropriés des minima communautaires de taxation peut permettre de diminuer les écarts actuels entre les niveaux nationaux de taxation.

(6)

Conformément à l’article 6 du traité [CE], les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques de la Communauté.»

4

L’article 1er de la directive 2003/96 dispose que les États membres taxent les produits énergétiques et l’électricité conformément à cette directive.

5

L’article 2, paragraphe 1, sous b), de ladite directive, lu en combinaison avec le paragraphe 5 du même article, prévoit que, aux fins de celle-ci, les termes «produits énergétiques» visent les produits «relevant des codes NC 2701, 2702 et 2704 à 2715 inclus», tels que figurant dans le règlement (CE) no 2031/2001 de la Commission, du 6 août 2001, modifiant l’annexe I du règlement (CEE) no 2658/87 du Conseil, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 279, p. 1), à savoir, notamment, le gazole, lequel relève de la position 2710 de ladite nomenclature combinée (ci-après la «NC»).

6

Selon l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2003/96, «[l]es niveaux de taxation que les États membres appliquent aux produits énergétiques et à l’électricité visés à l’article 2 ne peuvent être inférieurs aux niveaux minima prévus par la présente directive».

7

Les articles 7 à 10 de la directive 2003/96 prévoient que, à partir du 1er janvier 2004, les niveaux minima de taxation applicables aux carburants et aux combustibles ainsi qu’à l’électricité sont fixés conformément à l’annexe I de cette même directive.

8

Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96:

«1.   Outre les dispositions générales de la directive 92/12/CEE [du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1), telle que modifiée par la directive 2000/47/CE du Conseil, du 20 juillet 2000 (JO L 193, p. 73)] concernant les utilisations exonérées de produits imposables, et sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent les produits suivants de la taxation, selon les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et claire de ces exonérations et d’empêcher la fraude, l’évasion ou les abus:

a)

les produits énergétiques et l’électricité utilisés pour produire de l’électricité et l’électricité utilisée pour maintenir la capacité de produire de l’électricité. Toutefois, les États membres peuvent taxer ces produits pour des raisons ayant trait à la protection de l’environnement et sans avoir à respecter les niveaux minima de taxation prévus par la présente directive. Dans ce cas, la taxation de ces produits n’entre pas en ligne de compte dans le niveau minimum de taxation de l’électricité visé à l’article 10.»

9

L’article 21, paragraphe 5, troisième alinéa, de la directive 2003/96 dispose ce qui suit:

«Une entité qui produit de l’électricité pour son propre usage est considérée comme un distributeur. Nonobstant les dispositions de l’article 14, paragraphe 1, [sous] a), les États membres peuvent exonérer les petits producteurs d’électricité, pour autant qu’ils taxent les produits énergétiques utilisés pour produire cette électricité.»

10

L’article 28, paragraphes 1 à 3, de la directive 2003/96 énonce:

«1.   Les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 décembre 2003. Ils en informent immédiatement la Commission.

2.   Ils appliquent les présentes dispositions à partir du 1er janvier 2004, à l’exception des dispositions de l’article 16 et de l’article 18, paragraphe 1, que les États membres peuvent appliquer à partir du 1erjanvier 2003.

3.   Lorsque les États membres adoptent leurs dispositions nationales, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.»

11

Aux termes de l’article 30 de ladite directive:

«Nonobstant l’article 28, paragraphe 2, les directives 92/81/CEE et 92/82/CEE sont abrogées le 31 décembre 2003.»

La réglementation nationale

12

La loi relative à la taxe sur les huiles minérales (Mineralölsteuergesetz), du 21 décembre 1992 (BGBl. 1992 I, p. 2185, ci-après la «loi relative à la taxe sur les huiles minérales»), telle qu’en vigueur au moment des faits au principal, comportait, notamment, les dispositions suivantes:

«Article 1er — Définitions

1)   Les huiles minérales sont soumises, sur le territoire fiscal, à la taxe sur les huiles minérales […]

2)   Les huiles minérales au sens de la présente loi sont:

[…]

4.

les marchandises de la position 2710 de la [NC]

Article 2 — Taux normal, définitions.

1)   La taxe s’élève

[…]

4.

pour 1000 litres de gazole de la sous-position 27100069 de la [NC]

a)

d’une teneur en soufre de plus de 10 mg/kg, à 485,70 euros,

b)

d’une teneur maximale en soufre de 10 mg/kg, à 470,40 euros […]»

13

La loi relative à la taxe sur l’électricité (Stromsteuergesetz), du 24 mars 1999 (BGBl. 1999 I, p. 378), telle qu’en vigueur au moment des faits au principal, prévoyait, à son article 9, paragraphe 1, point 3, que l’électricité produite dans des installations d’une puissance électrique nominale maximale de deux mégawatts était, moyennant le respect de certaines conditions, exonérée de cette taxe.

14

La loi relative à la taxe sur l’énergie (Energiesteuergesetz), du 15 juillet 2006 (BGBl. 2006 I, p. 1534, ci-après la «loi relative à la taxe sur l’énergie»), entrée en vigueur le 1er août 2006, a abrogé à compter de cette date, en se référant explicitement à la directive 2003/96, la loi relative à la taxe sur les huiles minérales. Elle prévoit, notamment, les dispositions suivantes:

«Article 1er — Territoire fiscal, produits énergétiques

1)   Les produits énergétiques sont soumis, sur le territoire fiscal, à la taxe sur l’énergie. […]

2)   Les produits énergétiques au sens de la présente loi sont:

[…]

2.

les marchandises des positions […] 2704 à 2715 de la [NC]

[…]

Article 2 — Taux de la taxe

1)   La taxe s’élève

[…]

4.

pour 1000 litres de gazole des sous-positions 27101941 à 27101949 de la [NC]

a)

d’une teneur en soufre de plus de 10 mg/kg, à 485,70 euros,

b)

d’une teneur maximale en soufre de 10 mg/kg, à 470,40 euros.

[…]

3)   Par dérogation aux paragraphes 1 et 2, la taxe s’élève

1.

pour 1000 litres de gazole correctement marqué des sous-positions 27101941 à 27101949 de la [NC]

a)

d’une teneur en soufre de plus de 50 mg/kg,

jusqu’au 31 décembre 2008, à 61,35 euros,

à partir du 1er janvier 2009, à 76,35 euros,

b)

d’une teneur maximale en soufre de 50 mg/kg, à 61,35 euros,

[…]

lorsqu’ils sont utilisés comme combustible ou pour l’entraînement de turbines à gaz et de moteurs à combustion dans des installations bénéficiant d’un régime préférentiel au sens des articles 3 et 3a ou qu’ils sont livrés à ces fins […]

Article 3 — Installations bénéficiant d’un régime préférentiel

1)   Les installations bénéficiant d’un régime préférentiel sont des installations fixes

1.

dont l’énergie mécanique sert exclusivement à produire de l’électricité

[…]

Article 53 — Exemption fiscale pour la production d’électricité et la production combinée d’énergie et de chaleur

1)   Une exemption fiscale est accordée sur demande, sous réserve du paragraphe 2, pour les produits énergétiques dont il est attesté […] qu’ils ont été taxés et qui ont été utilisés

1.

pour produire de l’électricité dans des installations fixes

[…]

Si, dans le cas prévu à la première phrase, point 1, l’énergie mécanique produite dans l’installation sert également à d’autres fins que la production d’électricité, l’exemption fiscale n’est accordée que pour la proportion des produits énergétiques utilisée pour produire de l’électricité.

2)   Le paragraphe 1, première phrase, point 1, ne s’applique qu’aux installations d’une puissance nominale électrique supérieure à deux mégawatts.

3)   L’exemption est accordée à l’utilisateur des produits énergétiques.»

Le litige au principal et la question préjudicielle

15

La requérante au principal exploite l’aéroport de Cologne-Bonn (Allemagne). Pour l’alimentation des avions en électricité de bord, elle emploie des groupes électrogènes au sol. Afin de produire cette électricité, elle a utilisé, au cours de l’année civile 2004, 585642 l de gazole taxé.

16

Le 30 décembre 2005, ladite requérante a demandé au Hauptzollamt Köln le remboursement de cette taxe en se fondant sur l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96.

17

Le 18 janvier 2006, cette demande a été rejetée au motif, d’une part, que la loi relative à la taxe sur les huiles minérales ne prévoit pas de remboursement de la taxe en cas d’utilisation de gazole taxé pour produire de l’électricité et que, d’autre part, l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96 est dépourvu d’effet direct.

18

Après avoir mené en vain la procédure administrative à son terme, la requérante au principal a formé un recours devant le Finanzgericht Düsseldorf.

19

Dans la décision de renvoi, cette juridiction relève que, dans l’arrêt du 10 juin 1999, Braathens (C-346/97, Rec. p. I-3419, points 29 à 31), la Cour a admis l’effet direct de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/81. Or, le libellé du paragraphe introductif dudit article 8, paragraphe 1, correspondrait à celui du paragraphe introductif de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2003/96. En outre, l’article 8, paragraphe 1, sous b), de la directive 92/81 prévoirait, à l’instar de l’article 14, paragraphe 1, sous a), première phrase, de la directive 2003/96, une obligation d’exonération claire et précise.

20

Ladite juridiction se demande toutefois si le caractère inconditionnel et précis dudit article 14, paragraphe 1, sous a), est remis en cause par le fait que, selon la deuxième phrase de cette disposition, les États membres peuvent taxer les produits énergétiques «pour des raisons ayant trait à la protection de l’environnement». À cet égard, cette juridiction observe que, bien que ces raisons, qui ne sont certes pas définies par la directive 2003/96, semblent conférer au législateur national un pouvoir d’appréciation quant au choix des produits énergétiques qu’il décidera ou non de taxer, il reste tout à fait possible de constater si ce même législateur a ou non fait usage de la compétence qui lui a été ainsi conférée par ledit article 14, paragraphe 1, sous a). Or, dans les législations ayant par la suite modifié la loi relative à la taxe sur les huiles minérales ou dans les travaux préparatoires relatifs à celles-ci, rien n’indiquerait que le législateur national ait voulu maintenir, pour des raisons tenant à la protection de l’environnement, la taxation du gazole utilisé pour la production d’électricité. Le législateur national serait donc tout simplement resté inactif à cet égard et n’aurait pas transposé, dans les délais impartis, les dispositions de l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96. Cette transposition n’aurait eu lieu que lors de l’adoption de la loi relative à la taxe sur l’énergie, entrée en vigueur le 1er août 2006.

21

Dans ces conditions, le Finanzgericht Düsseldorf a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 14, paragraphe 1, sous a), de la [directive 2003/96] doit-il être interprété en ce sens qu’une entreprise, qui a utilisé du gazole taxé relevant de la position 2710 de la [NC] pour produire de l’électricité et a demandé le remboursement de la taxe, peut invoquer directement cette disposition?»

Sur la question préjudicielle

22

Par sa question, la juridiction de renvoi demande si l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, en ce qu’il prévoit l’exonération des produits énergétiques utilisés pour produire de l’électricité de la taxation prévue par cette directive, a un effet direct, de sorte qu’il peut être invoqué par un particulier devant les juridictions nationales dans le cadre d’un litige, tel que celui au principal, l’opposant aux autorités douanières nationales, en vue d’écarter l’application d’une réglementation nationale qui serait incompatible avec cette disposition.

23

Selon une jurisprudence constante de la Cour, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État, soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte (voir, notamment, arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357, point 11; du 11 juillet 2002, Marks & Spencer, C-62/00, Rec. p. I-6325, point 25, ainsi que du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C-397/01 à C-403/01, Rec. p. I-8835, point 103).

24

Il est constant que, à l’époque des faits au principal, soit postérieurement à l’expiration du délai de transposition de la directive 2003/96 fixé à son article 28, paragraphe 1, à savoir le 31 décembre 2003, la République fédérale d’Allemagne n’avait pas adopté de mesures nationales spécifiques en vue de transposer cette directive en droit allemand. De telles mesures de transposition n’ont été adoptées que, ultérieurement, dans la loi relative à la taxe sur l’énergie, entrée en vigueur le 1er août 2006.

25

Il est également constant que la République fédérale d’Allemagne n’avait pas, à l’époque des faits au principal, mis en œuvre la faculté prévue à l’article 14, paragraphe 1, sous a), deuxième phrase, de la directive 2003/96, lui permettant d’introduire, par dérogation au régime d’exonération institué par la première phrase de cette disposition, un régime de taxation «pour des raisons ayant trait à la protection de l’environnement» en ce qui concerne les produits énergétiques, tels que le gazole, utilisés pour produire de l’électricité. Il n’est, en effet, pas contesté que le régime de taxation en vigueur dans cet État membre à cette époque n’était pas motivé par de telles raisons, mais qu’il se bornait à transposer, en droit national, le régime de taxation des huiles minérales prévu antérieurement par les directives 92/81 et 92/82.

26

Lors de l’audience, le gouvernement italien a cependant fait valoir que le délai de transposition indiqué à l’article 28, paragraphe 1, de la directive 2003/96 ne s’appliquait pas aux dispositions qui, à l’instar de l’article 14, paragraphe 1, sous a), deuxième phrase, de ladite directive, ouvrent un choix aux États membres.

27

Cette argumentation ne saurait toutefois être retenue. En effet, l’article 28, paragraphe 1, de la directive 2003/96 prévoit, aux termes d’un libellé dépourvu de toute ambiguïté, que les États membres adoptent les mesures nationales nécessaires pour se conformer à cette directive au plus tard le 31 décembre 2003, sans effectuer aucune distinction selon les dispositions de celle-ci. En outre, et en tout état de cause, il est constant que la loi relative à la taxe sur l’énergie, entrée en vigueur le 1er août 2006, en vue de transposer en droit allemand les dispositions de la directive 2003/96, n’a pas mis en œuvre la faculté prévue à l’article 14, paragraphe 1, sous a), deuxième phrase, de ladite directive, de sorte que la question de la durée du délai imparti aux États membres pour transposer cette dernière disposition ne saurait avoir aucune incidence sur les réponses à apporter à la juridiction de renvoi.

28

Dans ces circonstances, il convient d’examiner si, comme le font valoir la requérante au principal et la Commission, l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96 revêt, du point de vue de son contenu, d’une part, un caractère suffisamment précis et, d’autre part, un caractère inconditionnel, de sorte qu’il peut être invoqué directement par un particulier à l’encontre des autorités de l’État membre en cause en ce qui concerne une période pendant laquelle ce dernier était, après l’expiration du délai imparti à l’article 28, paragraphe 1, de ladite directive, en défaut d’avoir transposé cette directive dans son droit national.

29

S’agissant de la première condition, force est de constater que l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, en ce qu’il impose aux États membres l’obligation de ne pas soumettre à la taxation prévue par cette directive les produits énergétiques utilisés pour produire de l’électricité, est suffisamment précis, dès lors qu’il détermine avec clarté les produits relevant de l’exonération (voir, par analogie, arrêts du 19 janvier 1982, Becker, 8/81, Rec. p. 53, point 27, et Braathens, précité, point 31).

30

S’agissant de la seconde condition, il ressort de la jurisprudence que la circonstance qu’une disposition d’une directive offre une faculté de choix aux États membres n’exclut pas nécessairement que puisse être déterminé avec une précision suffisante, sur la base des seules dispositions de la directive, le contenu des droits ainsi conférés aux particuliers (voir, en se sens, arrêts Francovich e.a., précité, point 17, et du 4 décembre 1997, Kampelmann e.a., C-253/96 à C-258/96, Rec. p. I-6907, point 39).

31

Ainsi, il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère inconditionnel d’une obligation d’exonération ne saurait en rien être remis en cause par la marge d’appréciation réservée aux États membres par une formule introductive, telle que celle figurant à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2003/96, selon laquelle les exonérations sont accordées par lesdits États «selon les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et claire de ces exonérations et d’empêcher la fraude, l’évasion ou les abus». En effet, un État membre ne peut opposer à un contribuable, qui est en mesure d’établir que sa situation fiscale relève effectivement de l’une des catégories d’exonération énoncées par une directive, le fait que cet État n’a pas pris les dispositions destinées, précisément, à faciliter l’application de cette même exonération (voir, par analogie, arrêts Becker, précité, point 33; Braathens, précité, point 31; du 10 septembre 2002, Kügler, C-141/00, Rec. p. I-6833, point 52; du 6 novembre 2003, Dornier, C-45/01, Rec. p. I-12911, point 79, ainsi que du 17 février 2005, Linneweber et Akritidis, C-453/02 et C-462/02, Rec. p. I-1131, point 34).

32

Contrairement à ce que soutiennent la défenderesse au principal et le gouvernement italien, cette conclusion n’est pas infirmée par la possibilité pour les États membres, prévue à l’article 14, paragraphe 1, sous a), deuxième phrase, de la directive 2003/96, de taxer les produits en cause pour des raisons ayant trait à la protection de l’environnement. En effet, cette limitation à la règle de l’exonération n’a qu’un caractère éventuel et un État membre qui n’a pas utilisé cette faculté ne saurait invoquer sa propre omission pour refuser à un contribuable le bénéfice d’une exonération à laquelle celui-ci peut légitimement prétendre en vertu de la directive 2003/96 (voir, par analogie, arrêts précités Kügler, points 59 et 60, ainsi que Linneweber et Akritidis, point 35).

33

Il en résulte que l’obligation, prévue à l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, d’exonérer de la taxation prévue par ladite directive les produits énergétiques destinés à produire de l’électricité est suffisamment précise et inconditionnelle pour conférer aux particuliers le droit de s’en prévaloir devant le juge national en vue de s’opposer à une réglementation nationale incompatible avec elle.

34

Selon une jurisprudence constante, le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit communautaire est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions communautaires telles qu’elles ont été interprétées par la Cour (voir, notamment, arrêts du 9 février 1999, Dilexport, C-343/96, Rec. p. I-579, point 23; du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a., C-397/98 et C-410/98, Rec. p. I-1727, point 84, ainsi que Marks & Spencer, précité, point 30).

35

Il y a encore lieu de relever que, lors de l’audience, les parties au principal ont expliqué, en réponse à une demande de la Cour sur ce point, que l’électricité produite par la requérante au principal relevait, au moment des faits litigieux, du champ d’application de l’article 9, paragraphe 1, point 3, de la loi relative à la taxe sur l’électricité, du 24 mars 1999, telle qu’en vigueur à cette époque, lequel prévoyait, en substance, l’exonération de l’électricité produite par des entités dont les installations n’excédent pas un certain seuil de puissance électrique nominale.

36

Compte tenu de ces indications, la Commission et la défenderesse au principal ont dès lors soutenu, lors de cette même audience, qu’il ne serait pas conforme à la directive 2003/96 que les produits énergétiques utilisés par la requérante au principal pour produire de l’électricité soient exonérés, puisque l’électricité produite a également elle-même été exonérée. En effet, si, en vertu de l’article 21, paragraphe 5, troisième alinéa, de la directive 2003/96, les État membres peuvent, nonobstant l’article 14, paragraphe 1, sous a), de cette directive, exonérer l’électricité produite par les petits producteurs d’électricité, c’est à la condition explicite que les produits énergétiques utilisés à cette fin soient taxés. La requérante au principal a toutefois fait valoir, sur ce point, que la législation qui a transposé ladite directive au cours de l’année 2006 a précisément introduit un taux de taxation spécifique, lequel est substantiellement inférieur au taux général qui était en vigueur à l’époque des faits au principal.

37

À cet égard, il y a lieu de constater que, par sa question, la juridiction de renvoi s’est bornée à interroger la Cour sur l’interprétation de l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96 et que les éléments de fait et de droit susmentionnés, qui ont été soulevés et discutés pour la première fois lors de l’audience devant la Cour, ne figurent ni dans la décision de renvoi ni dans les observations écrites déposées par les intéressés, les parties principales ayant d’ailleurs confirmé, en réponse à une question de la Cour à ce sujet, que cet aspect du litige n’a été abordé à aucun moment au cours des débats au principal.

38

Dans ces conditions, en l’absence d’informations plus précises et détaillées sur ce point, la Cour estime qu’il ne ressort pas avec suffisamment d’évidence du dossier qui lui a été soumis que ces différents éléments sont susceptibles de revêtir un caractère pertinent pour la solution du litige au principal et, partant, être utiles à la juridiction de renvoi, laquelle, assumant la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, est la mieux placée pour apprécier la pertinence des questions qu’elle pose à la Cour au regard des particularités de l’affaire dont elle est saisie.

39

Il convient, dès lors, de répondre à la question posée que l’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96, en ce qu’il prévoit l’exonération des produits énergétiques utilisés pour produire de l’électricité de la taxation prévue par cette directive, a un effet direct en ce sens qu’il peut être invoqué par un particulier devant les juridictions nationales — en ce qui concerne une période pendant laquelle l’État membre concerné était en défaut d’avoir transposé dans le délai prescrit cette directive dans son droit national — dans le cadre d’un litige, tel que celui au principal, l’opposant aux autorités douanières de cet État, en vue d’écarter l’application d’une réglementation nationale qui serait incompatible avec cette disposition et, partant, d’obtenir le remboursement d’une taxe contraire à celle-ci.

Sur les dépens

40

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

 

L’article 14, paragraphe 1, sous a), de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité, en ce qu’il prévoit l’exonération des produits énergétiques utilisés pour produire de l’électricité de la taxation prévue par cette directive, a un effet direct en ce sens qu’il peut être invoqué par un particulier devant les juridictions nationales — en ce qui concerne une période pendant laquelle l’État membre concerné était en défaut d’avoir transposé dans le délai prescrit cette directive dans son droit national — dans le cadre d’un litige, tel que celui au principal, l’opposant aux autorités douanières de cet État, en vue d’écarter l’application d’une réglementation nationale qui serait incompatible avec cette disposition et, partant, d’obtenir le remboursement d’une taxe contraire à celle-ci.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.