CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN MAZÁK

présentées le 31 mars 2009 ( 1 )

Affaire C-269/07

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d’Allemagne

«Manquement d’État — Libre circulation des travailleurs — Règlement (CEE) n o  1612/68 — Primes d’épargne-pension — Assujettissement intégral à l’impôt»

I — Introduction

1.

La présente affaire introduite au titre de l’article 226 CE concerne certains aspects de la législation allemande relative à l’impôt sur le revenu adoptée dans l’objectif d’encourager la constitution de pensions privées, communément appelées « pensions Riester » ou « Riesterrente » ( 2 ) . La décision de la République fédérale d’Allemagne d’encourager la constitution de pensions volontaires, au moyen d’incitations financières, était justifiée par les changements démographiques et par la pression sur le régime national de la sécurité sociale. Les pensions Riester sont donc destinées à compléter les pensions versées par le régime national de la sécurité sociale.

2.

Dans sa requête, la Commission des Communautés européennes conteste trois aspects de la législation sur les pensions Riester figurant aux articles 79 à 99 de la loi fédérale relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz, ci-après l’ « EStG » )  ( 3 ) . La Commission a donc demandé à la Cour de constater que, en adoptant et en conservant les dispositions en matière de pension vieillesse complémentaire figurant aux articles 79 à 99 de l’EStG, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 39 CE et de l’article 7 du règlement (CEE) n o  1612/68  ( 4 ) ainsi qu’en vertu des articles 12 CE et 18 CE, dans la mesure où ces dispositions:

a)

refusent aux travailleurs frontaliers (et à leurs conjoints) le bénéfice de la prime dès lors qu’ils ne sont pas intégralement assujettis à l’impôt;

b)

interdisent d’utiliser le capital subventionné pour un logement en propriété à des fins d’habitation personnelle, dès lors que celui-ci n’est pas situé en Allemagne;

c)

prévoient que la subvention doit être remboursée en cas de cessation de l’assujettissement intégral à l’impôt.

3.

En outre, la Commission a demandé que la République fédérale d’Allemagne soit condamnée aux dépens.

4.

La République fédérale d’Allemagne conclut au rejet du recours de la Commission et à la condamnation de celle-ci aux dépens.

II — Le cadre juridique

A — La législation communautaire

5.

L’article 7 du règlement n o  1612/68 dispose que:

« 1.    Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé en chômage.

2.    Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux. »

B — La législation nationale

6.

L’article 1 er de l’EStG s’énonce comme suit:

« (1)    Des personnes physiques qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire national sont intégralement assujetties.

[…]

(3)    Sur demande, les personnes physiques, qui n’ont ni domicile ni résidence habituelle sur le territoire national, sont traitées comme intégralement assujetties si elles perçoivent des revenus allemands au sens de l’article 49, à condition toutefois que ces revenus soient soumis à l’impôt allemand sur le revenu à concurrence de 90 % au moins ou que la fraction des revenus non soumis à l’impôt en Allemagne ne dépasse pas 6136  euros par année civile. […] »

7.

Aux termes de l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG, les affiliés au régime national de pensions de la sécurité sociale peuvent déduire annuellement, au titre des dépenses exceptionnelles et jusqu’à concurrence d’un certain plafond, les cotisations d’épargne-pension majorées de la prime allouée en vertu des articles 79 et suivants. Selon ladite disposition, outre les affiliés au régime national de pensions de la sécurité sociale, d’autres catégories de personnes peuvent être considérées comme des assurés au titre de ce régime. L’article 10 a, paragraphe 2, de l’EStG règle le rapport entre la déduction des sommes versées au fonds de pension complémentaire au titre des dépenses exceptionnelles et la prime prévue par la loi, en prévoyant l’application du régime le plus avantageux pour le contribuable.

8.

L’article 79 de l’EStG, intitulé « Bénéficiaires de la prime » , prévoit que:

« Les contribuables entièrement assujettis qui sont bénéficiaires au sens de l’article 10 a, paragraphe 1, ont droit à une prime à l’épargne-pension (prime). Dans le cas des couples mariés qui satisfont aux conditions de l’article 26, paragraphe 1, et où un seul conjoint est bénéficiaire en vertu du premier tiret, l’autre conjoint peut également bénéficier de la prime dès lors qu’il existe un contrat d’épargne-pension établi à son nom. »

9.

L’article 26 de l’EStG exige que le conjoint d’un bénéficiaire soit, en principe, également traité comme un assujetti illimité à l’impôt sur le revenu en Allemagne.

10.

L’article 83 de l’EStG, intitulé « Prime à l’épargne-pension » , dispose que:

« Une prime qui se compose d’une indemnité de base (article 84) et d’un supplément pour enfants (article 85) est accordée en fonction des cotisations versées au titre de l’épargne-pension. »

11.

L’article 92, sous a), de l’EStG dispose en substance que le bénéficiaire de la prime d’épargne-pension peut utiliser au moins 10000  euros du capital constitué au titre d’un contrat d’épargne-pension et subventionné en vertu de l’article 10 a pour l’acquisition ou la construction d’un logement en propriété utilisé à des fins d’habitation personnelle sur le territoire national. Le montant maximal pouvant être utilisé est limité à 50000  euros.

12.

L’article 93 de l’EStG, intitulé « Affectation dommageable » , prévoit que, en cas d’affectation dommageable du capital d’épargne-pension subventionné, le bénéficiaire doit rembourser la prime perçue ainsi que les sommes déduites au titre des dépenses exceptionnelles visées à l’article 10 a de l’EStG. L’article 94 de l’EStG établit la procédure d’une telle affectation dommageable.

13.

L’article 95, paragraphe 1, de l’EStG prévoit en substance que les articles 93 et 94 de l’EStG s’appliquent mutatis mutandis, dès lors que le bénéficiaire quitte son domicile ou sa résidence habituelle sur le territoire national et n’y est donc plus assujetti à l’impôt de manière illimitée, ou en l’absence d’une demande conformément à l’article 1 er , paragraphe 3, de l’EStG. L’article 95, paragraphe 2, de l’EStG dispose que, sur demande du bénéficiaire, la restitution du montant à rembourser est différée jusqu’au début de la phase de versement. Le moratoire est prolongé dès lors qu’une fraction de 15 % au moins des prestations versées au titre du contrat d’épargne-pension est utilisée pour le remboursement.

III — La procédure précontentieuse

14.

Par une mise en demeure du 16 décembre 2003 , la Commission a informé la République fédérale d’Allemagne de ses doutes sur la conformité au droit communautaire des trois aspects précités de la législation sur les pensions Riester. La République fédérale d’Allemagne a répondu à cette mise en demeure par une lettre du 19 février 2004 , dans laquelle elle conteste que la législation en cause soit contraire au droit communautaire.

15.

Le 19 décembre 2005 , la Commission a envoyé à la République fédérale d’Allemagne un avis motivé dans lequel elle a réitéré et confirmé les termes de sa lettre de mise en demeure et a invité cet État membre à prendre, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis motivé, les mesures nécessaires pour s’y conformer. N’étant pas satisfaite de la réponse des autorités allemandes à cet avis motivé, la Commission a décidé d’introduire le présent recours par une requête inscrite au registre de la Cour le 6 juin 2007 .

IV — Le recours

A — Le premier grief

1. Arguments des parties

16.

La Commission fait valoir que l’article 79 de l’EStG, en ce qu’il prévoit l’octroi d’une prime d’encouragement à l’épargne-pension aux contribuables assujettis à l’impôt de manière illimitée en Allemagne, constitue une discrimination déguisée fondée sur la nationalité incompatible avec l’article 39 CE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68. Elle souligne la genèse de l’introduction de la prime et le fait que celle-ci a été introduite dans le but de subventionner les versements aux fonds d’épargne-pension, et donc de soutenir les particuliers dans la constitution d’une pension complémentaire afin de compléter la pension nationale de la sécurité sociale.

17.

La Commission considère en substance que la prime à l’épargne-pension constitue un « avantage social » au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 tel que l’interprète la Cour dans sa jurisprudence. Selon la Commission, la prime à l’épargne-pension en cause est « généralement » accordée aux intéressés en raison de leur qualité objective de travailleurs. L’adoption de mesures destinées à préparer la retraite constitue une partie intégrante de la vie professionnelle. La Commission considère donc que la prime à l’épargne-pension est, notamment, destinée à compléter cette base économique.

18.

La Commission affirme que la République fédérale d’Allemagne n’a pas contesté le fait que ce sont principalement les titulaires d’un contrat de travail qui bénéficient de la pension nationale de la sécurité sociale et qu’ils sont donc les principaux bénéficiaires de la prime à l’épargne-pension. Le fait qu’il existe d’autres bénéficiaires démontre uniquement que l’objectif social poursuivi à l’égard des travailleurs à été étendu à d’autres personnes placées dans une situation analogue au regard du régime national de pensions de la sécurité sociale. La Commission fait valoir que la prime, mentionnée dans une partie de l’EStG distincte des dispositions relatives à la possibilité de déduire, au titre de dépenses exceptionnelles et dans une certaine limite, les versements à l’épargne-pension, constitue une aide minimale qui n’est pas progressive par rapport aux revenus et qui a été adoptée dans le but de protéger les individus particulièrement affectés par la réforme du régime national de pensions de la sécurité sociale, à savoir ceux qui ont des revenus modestes ou une famille nombreuse. Cette structure non monolithique garantit que les conjoints qui n’exercent pas d’activité professionnelle disposent d’un droit propre à la prime à l’épargne-pension conformément à l’article 79, paragraphe 2, de l’EStG.

19.

La Commission considère que, en tout état de cause, la notion d’avantage social couvre, selon la jurisprudence, les avantages reconnus à un bénéficiaire en raison de sa résidence sur le territoire national. Cette jurisprudence est applicable à la présente procédure. De plus, le fait que l’octroi de la prime soit conditionné à la conclusion par le bénéficiaire d’un contrat d’épargne-pension n’implique pas que cet avantage ne soit pas lié à son statut objectif de travailleur ou de résident. Les avantages sociaux sont régulièrement soumis à des conditions qui traduisent leur objectif social. Cette approche correspond également à l’objectif de l’article 7 du règlement n o  1612/68, qui est de faciliter la mobilité des travailleurs à l’intérieur de la Communauté. Les travailleurs en provenance des autres États membres sont généralement placés dans la même position que les travailleurs allemands au regard des dispositions régissant la préparation de la retraite et sont affectés de la même manière par la réduction du niveau du régime allemand de pensions de la sécurité sociale au profit duquel ils acquittent des cotisations. À cet égard, il convient de rappeler l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement (CEE) n o  1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971 , relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté  ( 5 ) , selon lequel, du point de vue de la sécurité sociale, la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre. Cette règle couvre le cas de figure des frontaliers qui exercent des activités assujetties aux cotisations de sécurité sociale dans l’État d’emploi sous réserve qu’ils ne soient pas également employés dans leur État membre de résidence. Selon la Commission, l’article 79 de l’EStG établit toutefois une distinction entre les travailleurs résidant en Allemagne et les travailleurs frontaliers en faisant dépendre l’octroi de la prime de l’assujettissement illimité du bénéficiaire à l’impôt en Allemagne. En vertu des termes de l’article 1 er de l’EStG, cette condition est synonyme d’une exigence de résidence en Allemagne et exclut donc les travailleurs frontaliers. Compte tenu du fait que la majorité des non-résidents ne sont pas des nationaux, cette condition constitue donc une discrimination déguisée sur le fondement de la nationalité. La Commission relève également que les travailleurs frontaliers en provenance de France ou d’Autriche n’ont pas la possibilité d’opter pour une imposition en Allemagne au titre de l’article 1 er , paragraphe 3, de l’EStG en vertu des conventions de prévention de la double imposition entre la République fédérale d’Allemagne et ces deux États membres.

20.

S’agissant de l’argument du gouvernement allemand tiré de l’absence d’obligation de conclure des contrats d’épargne-pension, la Commission répond que la classification en tant qu’avantage social n’est pas subordonnée à l’existence d’éléments caractérisant une prestation de sécurité sociale, et particulièrement à l’élément obligatoire, ce dernier faisant défaut, en règle générale, aux avantages sociaux. Un système volontaire peut toutefois compléter un système d’assurance obligatoire comme dans le cas d’espèce, dans lequel la prime à l’épargne-pension est destinée à la constitution d’une pension complémentaire de la pension nationale de la sécurité sociale.

21.

La Commission considère que, contrairement à la position défendue par la République fédérale d’Allemagne, la prime à l’épargne-pension ne constitue pas un avantage fiscal au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68. À cet égard, il y a lieu de noter que la prime n’affecte pas la partie « recettes » du budget de l’État, mais plutôt la partie « dépenses » . La Commission considère que, en tout état de cause, il est sans pertinence de savoir si la prime constitue un avantage « social » ou un avantage « fiscal » , puisque l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 garantit que les travailleurs frontaliers bénéficient également des avantages fiscaux.

22.

La Commission estime que l’arrêt Schumacker  ( 6 ) implique l’assimilation des travailleurs frontaliers aux résidents et non leur distinction. Lesdits travailleurs étant en l’espèce obligatoirement affiliés au régime de sécurité sociale allemand, ils se trouvent donc dans la même position que les travailleurs résidant en Allemagne au regard de leurs futurs droits à pension. En outre, la Commission fait remarquer que les travailleurs frontaliers en question perçoivent en général l’intégralité de leurs revenus en Allemagne. De plus, la Commission relève que la République fédérale d’Allemagne ne conteste pas le fait que la prime à l’épargne-pension fait partie intégrante de la réforme des pensions nationales de la sécurité sociale.

23.

En ce qui concerne l’argument de la République fédérale d’Allemagne tiré de la cohérence fiscale  ( 7 ) , la Commission estime qu’il est dénué de pertinence dans le contexte de la présente procédure. Le fait qu’une pension soit versée par un État membre aux résidents d’un autre État membre et que cette pension puisse être imposée par l’État membre de résidence tient au partage des compétences d’imposition convenu entre les deux États dans le cadre d’une convention visant à éviter la double imposition. La convention passée entre les États membres garantit donc la cohérence fiscale. De plus, lorsque des États membres ont conclu une convention visant à éviter la double imposition applicable à l’imposition des pensions, il ressort clairement de l’arrêt Wielockx  ( 8 ) que « [l]a cohérence fiscale n’est donc pas établie au niveau d’une même personne, par une corrélation rigoureuse entre la déductibilité des cotisations et l’imposition des pensions, mais elle est reportée à un autre niveau, celui de la réciprocité des règles applicables dans les États contractants » ( 9 ) .

24.

La Commission affirme que, en vertu de l’article 85 de l’EStG, le montant de la prime à l’épargne-pension dépend du nombre d’enfants à la charge de l’intéressé. La Commission considère que la condition que l’intéressé soit assujetti de manière illimitée à l’impôt en Allemagne pour pouvoir bénéficier de la prime en cause viole les articles 39, paragraphe 2, CE et 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68. De plus, l’article 79, paragraphe 2, de l’EStG prévoit un droit dérivé au bénéfice des conjoints des bénéficiaires de la prime, sous réserve que le conjoint soit également assujetti à l’impôt de manière illimitée en Allemagne. La Commission considère que, conformément à la jurisprudence constante en la matière  ( 10 ) , la condition de l’assujettissement illimité du conjoint d’un travailleur à l’impôt en Allemagne viole également les articles 39, paragraphe 2, CE et 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68.

25.

La République fédérale d’Allemagne considère, pour sa part, que la condition de l’assujettissement illimité à l’impôt en Allemagne, conformément à l’article 79, paragraphe 1, de l’EStG, ne constitue pas une violation de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 ou de l’article 39, paragraphe 2, CE.

26.

La République fédérale d’Allemagne relève que l’EStG prévoit deux instruments accordant des incitations fiscales pour la constitution de pensions complémentaires, à savoir la possibilité de déductions au titre de dépenses exceptionnelles en vertu de l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG et le droit à une prime à l’épargne-pension en vertu des articles 79 et suivants de l’EStG. La République fédérale d’Allemagne estime que, contrairement aux allégations de la Commission, la prime en question ne constitue pas un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68, mais bien un avantage fiscal.

27.

La République fédérale d’Allemagne fait également valoir que l’octroi de la prime à l’épargne-pension n’est pas lié au statut objectif de travailleur ou de résident du bénéficiaire.

28.

La République fédérale d’Allemagne considère donc que, conformément à l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG, auquel renvoie l’article 79 de ladite loi, le droit à la prime à l’épargne-pension ne dépend pas du statut de travailleur du bénéficiaire au regard du droit communautaire, puisque la prime est également accordée à des personnes qui ne sont pas salariées. En outre, un groupe non négligeable de travailleurs est contraint d’adhérer à des régimes d’assurance professionnelle spécifiques aux professions exercées par ces travailleurs (c’est le cas, par exemple, des médecins et des dentistes); ces travailleurs ne sont pas autorisés à déduire les versements au régime d’épargne-pension au titre de dépenses exceptionnelles en vertu de l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG et, par conséquent, ils ne bénéficient pas de la prime. De plus, le droit à la prime n’est pas lié à la résidence habituelle en Allemagne. La condition, prévue aux articles 10 a et 79 de l’EStG, d’être affilié au régime national de pensions de la sécurité sociale et d’être assujetti illimité à l’impôt en Allemagne n’est pas liée à une condition de domicile. À cet égard, la condition d’être assuré au régime national de pensions de la sécurité sociale conformément à l’article 10 a de l’EStG est liée au lieu d’emploi et non pas à la résidence comme cela ressort de l’article 13, paragraphe 2, sous a), du règlement n o  1408/71. En ce qui concerne la condition d’assujettissement illimité en Allemagne, elle n’est pas liée à la résidence dans cet État membre, puisque, conformément à l’article 1 er , paragraphe 3, de l’EStG, les travailleurs frontaliers peuvent demander à être assujettis illimités en Allemagne. De plus, pour pouvoir bénéficier de la prime, un particulier doit, à la différence des cotisations obligatoires au régime national de pensions de la sécurité sociale, conclure volontairement un contrat d’épargne-pension avec un assureur privé et procéder aux paiements exigés. Cette condition n’est pas liée au statut objectif de travailleur ou de résident du bénéficiaire. En outre, contrairement aux allégations de la Commission, l’objectif poursuivi par le législateur allemand lors de l’adoption de la mesure en cause ne saurait déterminer sa qualification juridique. Dans le but d’encourager la constitution de pensions complémentaires privées, le législateur allemand a choisi une solution fondée sur le droit fiscal, bien qu’il ait été guidé par des considérations sociales.

29.

Selon la République fédérale d’Allemagne, la prime en question est un avantage fiscal au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68. Les articles 79 et suivants de l’EStG prévoient que, pour pouvoir bénéficier de la prime en question, il faut être autorisé à procéder à la déduction des dépenses exceptionnelles au titre de l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG. La République fédérale d’Allemagne considère que ledit article 10 a constitue la disposition clé des incitations fiscales à la constitution d’une pension complémentaire. Cela ressort clairement de l’intitulé officiel de cette disposition ( « épargne-pension complémentaire » ) et du fait que l’article 10 a, paragraphe 1, auquel se réfère l’article 79 de l’EStG, en ce qui concerne le droit à la prime, définit le groupe de personnes bénéficiaires des incitations fiscales en question. De plus, le point 10 a de l’EStG vise le « régime le plus avantageux » qui détermine si un contribuable peut avoir droit à un allégement fiscal au titre des versements au fonds d’épargne-pension au-delà du montant de la prime à l’épargne-pension. La République fédérale d’Allemagne souligne le lien étroit existant entre la déduction au titre des dépenses exceptionnelles et la prime à l’épargne-pension, lien qui ne ressort pas seulement de manière évidente des références croisées figurant dans la législation elle-même, mais également du fait que la prime constitue une avance sur l’allégement fiscal qui résulte de la déduction au titre des dépenses exceptionnelles en vertu de l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG. La prime à l’épargne-pension permet donc à ses bénéficiaires d’obtenir, avant l’envoi de leur déclaration de revenus, une partie de l’allégement fiscal auquel ils ont droit du fait des versements à leur fonds d’épargne-pension. De plus, la prime à l’épargne-pension affecte la partie « recettes » du budget de l’État, puisque, les versements aux fonds d’épargne-pension étant exonérés d’impôt, cela diminue les recettes fiscales.

30.

La République fédérale d’Allemagne considère qu’il n’y a pas de traitement discriminatoire de situations comparables dans le cas présent. La République fédérale d’Allemagne relève que, en vertu d’une jurisprudence constante, une discrimination consiste dans l’application de règles différentes à des situations comparables ou bien dans l’application de la même règle à des situations différentes  ( 11 ) . De plus, la Cour a constaté dans l’arrêt Meindl que, « [e]n matière d’impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents dans un État ne sont, en règle générale, pas comparables, dans la mesure où le revenu perçu sur le territoire d’un État par un non-résident ne constitue le plus souvent qu’une partie de son revenu global, centralisé au lieu de sa résidence, et que la capacité contributive personnelle du non-résident, résultant de la prise en compte de l’ensemble de ses revenus et de sa situation personnelle et familiale, peut s’apprécier le plus aisément à l’endroit où il a le centre de ses intérêts personnels et patrimoniaux, ce qui correspond en général à sa résidence habituelle » ( 12 ) .

31.

La République fédérale d’Allemagne considère donc que, conformément à l’arrêt Schumacker  ( 13 ) , il appartient en principe à l’État de résidence et non à l’État d’emploi de tenir compte de la situation personnelle des travailleurs non-résidents. À cet égard, conformément à l’arrêt Gschwind  ( 14 ) , si un travailleur frontalier perçoit plus de 90 % de ses revenus en Allemagne, il peut choisir d’être assujetti à l’impôt de manière illimitée dans cet État membre et il peut donc procéder à une déduction au titre des dépenses exceptionnelles en vertu de l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG et bénéficier ainsi de la prime conformément aux articles 79 et suivants de l’EStG. De plus, si, en vertu des conventions visant à éviter la double imposition conclues entre la République fédérale d’Allemagne, d’une part, et la République française et la République d’Autriche, d’autre part, les travailleurs frontaliers sont assujettis à l’impôt dans leur État de résidence, c’est cet État qui doit tenir compte de la situation personnelle du travailleur et qui est compétent pour accorder des avantages fiscaux. La République fédérale d’Allemagne considère que, en l’absence d’un droit d’imposition, elle n’est pas tenue d’accorder un avantage fiscal destiné à encourager la constitution d’une pension complémentaire nonobstant le fait que des avantages analogues soient accordés ou non en France et en Autriche. En tout état de cause, la République fédérale d’Allemagne relève que tant la République française que la République d’Autriche accordent des primes d’encouragement pour la constitution d’une épargne-pension complémentaire de ce type.

32.

La République fédérale d’Allemagne allègue également qu’il n’existe pas de discrimination interdite, même si l’on prend en compte les critères fixés par la Cour pour l’octroi d’avantages sociaux. La Cour a jugé, dans l’arrêt Geven  ( 15 ) , qu’un avantage social pouvait n’être accordé qu’à ceux qui ont un lien suffisamment étroit avec la société allemande sans réserver cette prestation aux seules personnes qui résident en Allemagne. Le législateur allemand a donc entendu accorder des incitations fiscales à la constitution d’une épargne-pension complémentaire aux personnes qui présentent un lien suffisamment étroit avec la société allemande, sans exiger de manière stricte que ces incitations soient soumises à une condition de résidence sur le territoire national. L’absence d’une telle condition ressort des termes de l’article 1 er , paragraphe 3, de l’EStG qui permet à un travailleur frontalier de choisir d’être assujetti illimité à l’impôt en Allemagne et de bénéficier de la prime en question. La République fédérale d’Allemagne considère que les travailleurs frontaliers dont la situation est régie par une convention visant à éviter la double imposition ne présentent pas un lien suffisant avec cet État membre et sont donc pleinement liés à leur État de résidence au regard du droit.

33.

En ce qui concerne la prime accordée aux conjoints  ( 16 ) , la République fédérale d’Allemagne estime que l’article 79, paragraphe 2, de l’EStG ne méconnaît pas l’article 39, paragraphe 2, CE ou l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68, puisqu’un conjoint qui n’est pas résident en Allemagne peut bénéficier de la prime en question réservée à ceux qui sont assujettis illimités à l’impôt en Allemagne si les deux conjoints choissent l’assujettissement illimité dans cet État membre et sous réserve que 90 % des revenus communs des conjoints soient imposés en Allemagne et que leurs revenus imposés à l’étranger n’excèdent pas 12272  euros.

34.

La République fédérale d’Allemagne fait également valoir, à titre subsidiaire, que, si la Cour devait juger qu’il existe une discrimination indirecte, celle-ci serait justifiée par des raisons de cohérence fiscale. La prime accordée au titre de l’article 79 de l’EStG et la possibilité de procéder à une déduction au titre de dépenses exceptionnelles en vertu de l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG correspondent à un allégement fiscal ou à un avantage pour les versements au fonds d’épargne-pension. Cet avantage est contrebalancé par la possibilité pour la République fédérale d’Allemagne d’imposer à un stade ultérieur toutes les prestations perçues au titre des contrats d’épargne-pension en vertu de l’article 22, paragraphe 5, de l’EStG.

2. Analyse

35.

Dans ce grief, la Commission considère que l’article 79 de l’EStG méconnaît l’article 39 CE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68, puisque cet article exige que les travailleurs frontaliers et leurs conjoints soient assujettis illimités à l’impôt en Allemagne pour pouvoir bénéficier de la prime à l’épargne-pension prévue par cette disposition du droit national.

36.

Les arguments des parties concernant le présent grief se concentrent, premièrement, sur le point de savoir si la prime à l’épargne-pension doit être considérée comme un avantage social ou un avantage fiscal au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 et, deuxièmement, sur le point de savoir si l’exclusion des travailleurs frontaliers qui ne sont pas assujettis à l’impôt en Allemagne de manière illimitée du bénéfice de la prime constitue une discrimination indirecte sur le fondement de la nationalité de ces travailleurs, les parties s’accordant sur le fait que l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 est effectivement applicable à la prime en question.

37.

J’examinerai, en premier lieu, si l’épargne-pension doit être classée parmi les avantages sociaux ou les avantages fiscaux en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 avant d’examiner si la condition prévue à l’article 79 de l’EStG d’un assujettissement illimité à l’impôt en Allemagne pour pouvoir bénéficier de cette prime est discriminatoire ou non.

38.

À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a confirmé, lors de l’audience de plaidoiries du 17 décembre 2008 , que le présent grief porte uniquement sur la situation des travailleurs frontaliers imposables dans leur État membre de résidence. La Commission a indiqué, lors de cette audience, que le « premier grief est limité aux cas dans lesquels le droit d’imposition est accordé exclusivement aux États de résidence frontaliers » . La Commission a toutefois souligné que ce grief ne se limite pas aux seuls travailleurs en provenance de France et d’Autriche qui ne peuvent pas choisir d’être imposés en Allemagne au titre de l’article 1 er , paragraphe 3, de l’EStG. En outre, la Commission demande dans la présente procédure que la Cour déclare l’existence d’une violation uniquement au regard de la prime à l’épargne-pension et non de la possibilité de déduire certains versements aux fonds d’épargne-pension au titre de l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG.

39.

À ma connaissance, la Cour n’a pas rendu d’arrêt spécifique sur la différence existant entre les avantages prévus à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68. La Cour a toutefois constaté qu’il convient d’entendre par « avantages sociaux » , « tous [les avantages], liés ou non à un contrat d’emploi, [qui] sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national, et dont l’extension aux travailleurs ressortissants d’autres États membres apparaît dès lors comme apte à faciliter leur mobilité à l’intérieur de la Communauté » ( 17 ) . De plus, la Cour a constaté que la référence aux « avantages sociaux » dans cette disposition ne saurait être interprétée restrictivement  ( 18 ) .

40.

Pour pouvoir apprécier si la prime à l’épargne-pension constitue un avantage social ou un avantage fiscal, il est nécessaire d’examiner son objectif et les conditions dans lesquelles elle est accordée, et non pas seulement sa classification dans la législation nationale. Le fait que les dispositions concernant l’octroi de primes d’épargne-pension figurent dans la loi allemande relative à l’impôt sur le revenu n’est pas déterminante, selon moi, pour définir la nature juridique ou la qualification de cette prime, et donc pour trancher la question de savoir si elle doit être considérée comme un avantage social ou comme un avantage fiscal aux fins de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68.

41.

Il ressort des documents produits devant la Cour que la République fédérale d’Allemagne a cherché à encourager la constitution de pensions Riester par le biais de la prime à l’épargne-pension et par la possibilité de déduire des revenus imposables, au titre des dépenses exceptionnelles, les versements aux fonds d’épargne-pension. En outre, il est notoire que la mise en place du régime de pensions Riester était motivée par les changements démographiques que connaît l’Allemagne et par la nécessité de réformer le régime national de pensions de la sécurité sociale. Le régime de pensions Riester est donc destiné à compléter le régime national de pensions de la sécurité sociale dont le niveau des prestations sera réduit à l’avenir. Le régime de pensions Riester est donc destiné directement aux personnes affectées par la réforme du régime national de pensions de la sécurité sociale.

42.

Selon moi, il ressort clairement du dossier de l’affaire, et cela n’a pas été contesté par la République fédérale d’Allemagne, que l’octroi des avantages pécuniaires litigieux  ( 19 ) s’explique par la volonté de garantir que les retraités perçoivent une pension de retraite adéquate à la fin de leur vie professionnelle. Je considère donc que l’octroi des primes d’encouragement en question est motivé par des considérations sociales.

43.

Si je partage l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel l’objectif social d’un avantage national est en soi insuffisant pour qualifier cet avantage d’ « avantage social » au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68, je considère toutefois, à la lumière de la jurisprudence de la Cour, que l’objectif poursuivi par la République fédérale d’Allemagne en accordant la prime à l’épargne-pension joue en faveur de sa qualification comme avantage social. À cet égard, je relève que la Cour a déjà jugé que la notion d’ « avantages sociaux » au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement 1612/68 inclut le revenu garanti aux personnes âgées par la législation d’un État membre  ( 20 ) .

44.

La conclusion d’un contrat d’épargne-pension et les versements à ce fonds sont clairement volontaires par nature. Selon moi, et contrairement aux arguments avancés par la République fédérale d’Allemagne, il n’en demeure pas moins que, en dépit de la nature volontaire du régime de pensions Riester, la prime à l’épargne-pension accordée au titre de l’article 79 de l’EStG constitue toutefois une prime d’encouragement prévue en droit allemand pour garantir aux bénéficiaires, même si cela relève à l’origine de leur propre initiative, la perception d’un revenu suffisant durant leur vieillesse. Je considère qu’il serait, en principe, contraire à l’objectif et à l’esprit des règles communautaires sur la libre circulation des travailleurs qu’un avantage ne puisse pas être considéré comme un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 du simple fait de la nature volontaire du régime qui accorde cet avantage  ( 21 ) .

45.

Il est incontesté dans la présente procédure que la prime à l’épargne-pension est accordée, entre autres, aux individus qui ne peuvent pas être considérés comme des travailleurs au sens de l’article 39 CE et que certains travailleurs ne peuvent pas bénéficier de la prime dans les faits parce qu’ils relèvent de régimes de pensions autres que le régime national de pensions de la sécurité sociale et ne sont donc pas affectées par la réforme de ce dernier. Toutefois, il ressort des documents produits devant la Cour que ce sont principalement les travailleurs salariés qui bénéficient d’une pension nationale de la sécurité sociale et qui sont donc visés en premier lieu par les fonds de pension Riester; ils sont en définitive les principaux bénéficiaires de la prime à l’épargne-pension  ( 22 ) . L’absence de corrélation parfaite entre les bénéficiaires potentiels de la prime à l’épargne-pension et la définition de travailleur au sens de l’article 39 CE, telle qu’elle est interprétée par la Cour dans sa jurisprudence, n’ôte rien au fait que, selon moi, la prime est, conformément aux termes utilisés par la Cour dans sa jurisprudence, « généralement » accordée aux travailleurs nationaux en raison de leur statut objectif de travailleurs et qu’elle vise à garantir que ces travailleurs perçoivent un revenu suffisant durant leur retraite, à la lumière de la réforme du régime national de pensions de la sécurité sociale  ( 23 ) . Je considère donc que la prime à l’épargne-pension est généralement accordée, comme le fait valoir la Commission, aux individus du fait de leur statut objectif de travailleurs.

46.

Dans son argumentation, la République fédérale d’Allemagne a cherché à démontrer que la prime à l’épargne-pension constitue un avantage fiscal plutôt qu’un avantage social, puisque la prime est liée, de manière irrémédiable, à la possibilité de déduire, dans une certaine limite, au titre des dépenses exceptionnelles en vertu de l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG les sommes versées à l’épargne-pension. En réalité, la République fédérale d’Allemagne allègue que la prime ne constitue qu’une simple avance sur l’allégement fiscal postérieur qui est appréciée conformément à l’article 10 a, paragraphe 2, de l’EStG. Je considère toutefois que, s’il existe des liens manifestes entre la prime à l’épargne-pension et la possibilité de déduire les sommes versées au fonds d’épargne-pension, notamment parce qu’elles ont été toutes deux justifiées par la réforme du régime national de pensions de la sécurité sociale, la prime constitue une aide minimale versée à l’épargne-pension  ( 24 ) du bénéficiaire indépendamment de ses revenus. Selon moi, la possibilité de déduire les sommes versées au fonds d’épargne-pension jusqu’à un certain plafond, au titre des dépenses exceptionnelles en vertu de l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG, constitue un avantage distinct et supplémentaire qui peut être obtenu en fonction du niveau des revenus du bénéficiaire et qui, d’un point de vue économique, est distinct de la prime à l’épargne-pension.

47.

Je considère donc que la prime à l’épargne-pension en cause dans la présente procédure constitue un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68.

48.

Dans la mesure où je considère donc que la prime à l’épargne-pension en cause dans la présente procédure constitue un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68, je vais examiner la question de la discrimination dans cette optique et non pas d’un point de vue fiscal.

49.

En ce qui concerne la question de la discrimination, il y a lieu de rappeler que la règle de l’égalité de traitement inscrite tant à l’article 39 CE qu’à l’article 7 du règlement n o  1612/68 prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat. À moins qu’elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi, une disposition de droit national doit être considérée comme indirectement discriminatoire dès lors qu’elle est susceptible, par sa nature même, d’affecter davantage les travailleurs migrants que les travailleurs nationaux et qu’elle risque, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers  ( 25 ) .

50.

Il s’ensuit que, en vertu de l’article 7 du règlement n o  1612/68, un travailleur migrant bénéficie des mêmes avantages sociaux que les travailleurs nationaux. En vertu d’une jurisprudence constante, la notion de travailleur visée par cette disposition recouvre les travailleurs frontaliers qui peuvent se prévaloir de cette disposition au même titre que n’importe quel autre travailleur visé par celle-ci  ( 26 ) .

51.

Dans son argumentation, la Commission allègue que, en vertu des termes de l’article 1 er de l’EStG, la condition d’un assujettissement illimité à l’impôt en Allemagne est synonyme d’une condition de résidence dans cet État membre, ce qui exclut en réalité les travailleurs frontaliers du bénéfice de la prime à l’épargne-pension. Alors que la République fédérale d’Allemagne conteste cette affirmation de la Commission, cet État membre admet en fait dans son argumentation qu’il existe une distinction entre les travailleurs résidents et les travailleurs frontaliers en provenance de France et d’Autriche au regard de l’octroi de la prime, puisque ces travailleurs ne peuvent pas opter pour un assujettissement illimité à l’impôt en Allemagne. En ce qui concerne les autres travailleurs frontaliers, il ressort des documents produits devant la Cour que ces travailleurs, qui ne sont pas résidents ou ne sont pas domiciliés en Allemagne, ne peuvent pas bénéficier de la prime à l’épargne-pension, à moins qu’ils ne choisissent d’être assujettis à l’impôt de manière illimitée en Allemagne en vertu de l’article 1 er , paragraphe 3, de l’EStG.

52.

Je considère donc que, en principe, les non-résidents sont exclus du bénéfice de la prime. De plus, contrairement aux allégations de la République fédérale d’Allemagne, je ne considère pas que la possibilité pour certains travailleurs frontaliers d’opter pour l’assujettissement illimité à l’impôt en Allemagne en vertu de l’article 1 er , paragraphe 3, de l’EStG affecte cette conclusion. En tout état de cause, le choix de l’assujettissement illimité en Allemagne n’est possible que si 90 % des revenus du travailleur en cause sont imposables en Allemagne et que ses revenus non imposables en Allemagne ne dépassent pas 6136  euros  ( 27 ) . Selon moi, compte tenu des conditions strictes imposées aux travailleurs frontaliers en question pour pouvoir bénéficier du statut d’assujetti illimité en Allemagne, je considère tout du moins que ces travailleurs sont en effet exclus du bénéfice de la prime à l’épargne-pension du fait de leur État de résidence. Compte tenu du fait que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, les non-résidents sont le plus souvent des non-nationaux  ( 28 ) , je considère donc que la Commission a établi dans la présente procédure que les travailleurs allemands satisfont plus facilement à la condition d’un assujettissement illimité à l’impôt en Allemagne, prévue à l’article 79 de l’EStG, pour pouvoir bénéficier d’un avantage social que les travailleurs frontaliers des autres États membres et que cette condition constitue par conséquent une discrimination indirecte interdite par l’article 39, paragraphe 2, CE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68.

53.

En outre, contrairement à l’argumentation de la République fédérale d’Allemagne, je ne pense pas que l’arrêt Geven  ( 29 ) , concernant l’absence d’un lien suffisamment étroit avec la société de l’État membre qui accorde l’avantage fiscal, soit applicable à la présente affaire.

54.

La prime à l’épargne-pension est un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68, accordé dans le cadre des réformes du régime allemand de pensions de la sécurité sociale. Il ressort des termes des articles 10 a, paragraphe 1, et 79 de l’EStG qu’un travailleur frontalier doit, notamment, être assuré au titre du régime allemand de pensions de la sécurité sociale pour pouvoir bénéficier de la prime. Cette condition, qui ne fait l’objet d’aucune contestation de la part de la Commission, garantit que les travailleurs frontaliers en question soient tenus d’acquitter des cotisations au régime allemand de sécurité sociale. De plus, je souhaiterais souligner le fait que les travailleurs frontaliers sont tout autant affectés par les réformes du régime allemand de la sécurité sociale que les travailleurs résidant ou assujettis de manière illimitée en Allemagne  ( 30 ) . Selon moi, les travailleurs frontaliers en cause dans la présente affaire présentent donc un lien suffisamment étroit avec la société allemande pour bénéficier de l’avantage social en question  ( 31 ) .

55.

À la lumière des considérations qui précèdent, je considère également que la condition qu’un travailleur frontalier soit assujetti illimité à l’impôt en Allemagne pour pouvoir bénéficier du complément à la prime d’épargne-pension au titre de l’article 85 de l’EStG en fonction du nombre d’enfants à charge du travailleur est discriminatoire et viole les articles 39, paragraphe 2, CE et 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68.

56.

En outre, il découle de la jurisprudence de la Cour  ( 32 ) que le conjoint d’un travailleur qui relève du champ d’application du règlement n o  1612/68 peut demander à bénéficier d’un avantage social. En effet, le conjoint d’un travailleur est un bénéficiaire indirect du traitement égalitaire accordé au travailleur migrant  ( 33 ) . Compte tenu du fait que la condition d’un assujettissement illimité à l’impôt en Allemagne équivaut en général à une condition de résidence qui est naturellement plus facile à respecter pour les travailleurs allemands ou leurs conjoints, qui résident le plus souvent en Allemagne, que pour les travailleurs ressortissants d’autres États membres ou leurs conjoints, qui résident plus fréquemment dans un autre État membre  ( 34 ) , je considère que la condition qu’un travailleur frontalier et son conjoint soient assujettis à l’impôt de manière illimitée en Allemagne conformément à l’application combinée des articles 79 et 26 de l’EStG, pour que le conjoint puisse bénéficier de la prime à l’épargne-pension, viole également l’article 39, paragraphe 2, CE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  612/68.

57.

Je propose donc que la Cour déclare que, en adoptant et en conservant les dispositions en matière de pension de retraite complé mentaire figurant aux articles 79 à 99 l’EStG, la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 39 CE et de l’article 7 du règlement n o  1612/68 ainsi qu’en vertu des articles 12 CE et 18 CE, dans la mesure où ces dispositions refusent aux travailleurs frontaliers et à leurs conjoints le bénéfice de la prime, dès lors qu’ils ne sont pas assujettis de manière illimitée à l’impôt dans cet État membre.

B — Le deuxième grief

1. Arguments des parties

58.

Selon la Commission, en vertu de l’article 92 a de l’EStG, le bénéficiaire d’une prime à l’épargne-pension peut, dans certaines limites, utiliser le capital subventionné pour l’acquisition ou la construction d’un logement à des fins d’habitation personnelle sous réserve que le bien se situe sur le territoire allemand. La Commission estime que cette condition limite la mesure dans laquelle il peut être fait usage de l’avantage social, puisque les travailleurs frontaliers ne peuvent pas utiliser le capital en cause pour un logement dans un autre État membre. Selon la Commission, le traitement défavorable des travailleurs frontaliers constitue une discrimination indirecte sur le fondement de la nationalité et viole l’article 39, paragraphe 2, CE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68. La Commission relève également que l’interdiction de la discrimination en question n’est pas soumise à une règle de minimis. En tout état de cause, la Commission allègue que l’usage temporaire d’une somme allant jusqu’à 50000  euros peut, dans certaines circonstances, représenter un avantage non négligeable. En outre, la Commission considère que la République fédérale d’Allemagne a admis que l’avantage en question facilite l’acquisition d’un logement.

59.

Contrairement à l’allégation de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle la condition affecte autant les travailleurs migrants que les travailleurs allemands, la Commission considère que les travailleurs frontaliers ne déménagent généralement pas en Allemagne. De plus, il est exceptionnel que les travailleurs allemands acquièrent un logement en dehors de leur État membre. Dans l’arrêt Ritter-Coulais  ( 35 ) , la Cour a constaté que les non-résidents sont plus souvent propriétaires d’un logement situé en dehors du territoire allemand que les résidents. La Commission indique également que la Cour n’a pas suivi les conclusions présentées par l’avocat général dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hartmann  ( 36 ) , puisque la Cour a confirmé la jurisprudence constante selon laquelle les travailleurs frontaliers ont droit aux avantages sociaux.

60.

La Commission considère que, contrairement à ce qu’allègue la République fédérale d’Allemagne, étendre le bénéfice de l’avantage en question aux travailleurs frontaliers n’a pas d’effets négatifs sur le régime allemand de sécurité sociale.

61.

La Commission considère en outre que, contrairement à ce que fait valoir la République fédérale d’Allemagne, rien n’indique que la prime à l’épargne-pension constitue une mesure destinée à encourager la construction de logements. En tout état de cause, cet État membre ne conteste pas le fait que l’acquisition d’un logement à l’étranger dans une région frontalière a, en général, un effet positif sur la situation du logement en Allemagne. Il n’existe pas non plus de risque de conflit entre la politique du logement de la République fédérale d’Allemagne et celles des États membres frontaliers de celle-ci. La possibilité d’utiliser, au titre de l’article 92 a de l’EStG, une partie du capital en question pour un logement existe non seulement pour la construction, mais également pour l’acquisition d’un tel logement. En cas de surplus de logements dans la région frontalière d’un autre État membre, le travailleur serait davantage intéressé par l’achat que par la construction d’un logement aidant ainsi l’État membre à éliminer ce surplus.

62.

La République fédérale d’Allemagne considère que la possibilité, conformément à l’article 92 a de l’EStG, d’utiliser, dans certaines limites, le capital subventionné pour l’acquisition d’un logement uniquement sur le territoire national ne viole pas l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 ou l’article 39, paragraphe 2, CE.

63.

La République fédérale d’Allemagne considère que la restriction en question ne constitue pas une discrimination manifeste sur le fondement de la nationalité. La situation du logement est neutre du point de vue de l’acquéreur. En outre, la restriction en question ne constitue pas une discrimination indirecte, puisqu’elle affecte de la même manière les travailleurs allemands et les travailleurs des autres États membres. Ni les travailleurs allemands ni les travailleurs d’autres États membres domiciliés à l’étranger ne peuvent utiliser le capital pour acquérir ou construire un logement à l’étranger. La République fédérale d’Allemagne considère que la constatation faite dans l’arrêt Ritter-Coulais  ( 37 ) , selon laquelle les non-résidents sont plus souvent propriétaires de logements situés en dehors du territoire allemand que les résidents allemands, indique en fait qu’il n’y a pas de discrimination indirecte dans le cas présent. En l’espèce, les logements n’ont pas encore été construits ou acquis, alors que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ritter-Coulais, les mesures fiscales en cause concernaient des logements existants. Selon la République fédérale d’Allemagne, il est dans l’intérêt à long terme des travailleurs d’autres États membres qui travaillent en Allemagne d’acquérir un logement dans cet État membre pour la simple raison qu’ils possèdent déjà un logement à l’étranger et ne sont plus intéressés par de telles incitations. De plus, conformément aux conclusions de l’avocat général dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hartmann  ( 38 ) , l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 vise à garantir que les travailleurs étrangers bénéficient des mêmes avantages « sur le territoire national de l’État d’emploi » . Une mesure ne constitue pas une violation lorsqu’elle prévoit un avantage dont peuvent bénéficier à la fois les travailleurs allemands et les travailleurs étrangers sur le territoire national.

64.

La République fédérale d’Allemagne considère que la mesure en question ne constitue pas une restriction à la libre circulation des travailleurs, puisqu’elle n’a aucune influence sur le choix du lieu de travail. En juger autrement impliquerait que tous les avantages accordés dans l’État membre d’emploi et pas dans l’État membre de résidence constituent des restrictions à la libre circulation des travailleurs. En tout état de cause, les effets de l’article 92 a de l’EStG sur la libre circulation des travailleurs sont trop éloignés et trop indirects.

65.

À titre subsidiaire, la République fédérale d’Allemagne considère que la restriction ou la mesure discriminatoire peut être justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt public. Dans ses conclusions présentées dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Allemagne  ( 39 ) , l’avocat général Bot a considéré que la volonté d’accroître le parc immobilier allemand peut être considérée comme un impératif d’intérêt général  ( 40 ) . L’utilisation du capital de la prime à l’épargne-pension facilite la réalisation de cet intérêt public.

66.

De plus, le fait qu’une personne possède son logement garantit sa qualité de vie durant sa retraite et réduit le niveau des prestations supplémentaires versées par le régime de sécurité résultant des changements démographiques. Si les bénéficiaires possèdent leurs logements, ils ne devront pas payer un loyer élevé et ils soulageront ainsi le régime de sécurité sociale. La protection du régime de sécurité sociale est un objectif légitime en vertu de l’arrêt ITC  ( 41 ) . Contrairement aux allégations de la Commission, ces objectifs ne peuvent pas être réalisés par l’achat d’un logement dans une région frontalière d’un autre État membre.

67.

En ce qui concerne la politique de construction de logement, la République fédérale d’Allemagne estime que le droit communautaire n’oblige pas un État membre à étendre les avantages concernant l’acquisition et la construction d’un bien immobilier aux autres États membres. Les aides à la construction ne relèvent pas des compétences de la Communauté. De plus, la République fédérale d’Allemagne considère que l’extension du champ d’application de l’article 92 a de l’EStG peut affecter, voire perturber, la politique du logement d’un autre État membre.

2. Analyse

68.

Dans son deuxième grief, la Commission considère que l’article 92 a de l’EStG, qui interdit au bénéficiaire d’une prime à l’épargne-pension d’utiliser le capital subventionné de son épargne-pension pour acquérir ou faire construire un logement à des fins d’habitation personnelle, sauf si le bien se situe sur le territoire allemand, constitue une discrimination déguisée sur le fondement de la nationalité et viole l’article 39, paragraphe 2, CE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68. Lors de l’audience de plaidoiries, la Commission a déclaré que le présent grief concernait l’ensemble des travailleurs frontaliers, et pas uniquement ceux imposés dans leur État membre de résidence.

69.

Il n’est pas contesté que l’article 92 a de l’EStG ne permet pas aux travailleurs frontaliers d’utiliser, dans une certaine limite, le capital de leur épargne-pension pour faire construire ou acquérir un logement à des fins d’habitation personnelle sur le territoire d’un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne. Toutefois, le capital subventionné peut être utilisé pour faire construire ou acquérir un logement en Allemagne.

70.

Selon moi, l’article 92 a de l’EStG limite effectivement la possibilité pour les travailleurs frontaliers de bénéficier d’un avantage social au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68, puisque ces travailleurs ne peuvent pas utiliser le capital subventionné en question pour faire construire ou acquérir un logement à des fins d’habitation personnelle sur le territoire de leur État membre de résidence. S’il est exact, comme le fait valoir la République fédérale d’Allemagne, que ni les travailleurs allemands ni les travailleurs d’autres États membres domiciliés à l’étranger ne peuvent utiliser le capital pour y acquérir ou y faire construire un logement et que l’article 92 a de l’EStG ne vise pas spécifiquement les non-résidents, ces derniers sont, selon moi, davantage susceptibles de souhaiter acquérir ou faire construire un logement en dehors du territoire allemand que les citoyens résidents  ( 42 ) .

71.

Je considère, par conséquent, que la restriction en question constitue une discrimination indirecte sur le fondement de la nationalité. À mon avis, l’article 92 a de l’EStG désavantage les travailleurs frontaliers en Allemagne qui souhaitent acquérir ou faire construire un logement à des fins d’habitation personnelle sur le territoire d’un autre État membre et il est donc, en principe, contraire à l’article 39 CE et à l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68. En outre, je ne suis pas d’avis que la discrimination en question n’a aucun effet pratique sur les travailleurs frontaliers, puisqu’elle les prive dans les faits de la possibilité d’emprunter  ( 43 ) jusqu’à 50000  euros du capital de l’épargne-pension sans intérêt pour faire construire ou pour acquérir un logement dans un État membre autre que la République fédérale d’Allemagne  ( 44 ) .

72.

Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la condition en question peut être justifiée et si elle est proportionnée à l’objectif poursuivi.

73.

La République fédérale d’Allemagne allègue en effet que la condition, prévue à l’article 92 a de l’EStG, que le logement se trouve sur le territoire national est justifiée par l’objectif de garantir une offre adéquate de logements. Selon moi, à la lumière de l’arrêt Commission/Allemagne  ( 45 ) , si l’objectif de satisfaire la demande de logements constitue un objectif d’intérêt public, la condition que le logement se situe en Allemagne, prévue à l’article 92 a de l’EStG, est disproportionnée par nature eu égard au fait que cet objectif est également atteint si les travailleurs frontaliers continuent de résider dans un autre État membre plutôt qu’en Allemagne  ( 46 ) . De plus, en ce qui concerne l’allégation de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle l’extension de la possibilité d’utiliser le capital de l’épargne-pension pour l’acquisition ou la construction d’un logement au territoire d’autres États membres perturberait la politique du logement de ces derniers, j’estime que le risque en cause doit être considéré comme hypothétique, puisque la République fédérale d’Allemagne n’a fourni aucune preuve d’un possible conflit ou d’une perturbation potentielle de cette nature.

74.

En ce qui concerne l’allégation de la République fédérale d’Allemagne concernant la préservation de son régime de sécurité sociale, il ressort de l’arrêt ITC  ( 47 ) que le risque d’atteinte grave à l’équilibre financier du système de sécurité sociale peut constituer, en lui-même, une raison impérieuse d’intérêt général. Toutefois, je considère qu’un tel risque d’instabilité financière n’a pas été établi dans la présente affaire. La République fédérale d’Allemagne n’a pas indiqué comment l’utilisation du capital subventionné de l’épargne-pension pour l’acquisition ou la construction d’un logement en dehors du territoire allemand pourrait porter atteinte à l’équilibre financier du régime allemand de sécurité sociale. L’absence d’une telle explication est particulièrement indicative compte tenu du fait qu’il ressort des documents produits devant la Cour que les travailleurs frontaliers ne peuvent bénéficier de la prime à l’épargne-pension que s’ils sont affiliés au régime allemand de pensions de la sécurité sociale.

75.

Je propose donc à la Cour de déclarer que la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 39 CE et de l’article 7 du règlement n o  1612/68 en refusant aux travailleurs frontaliers le droit d’utiliser le capital subventionné pour l’acquisition ou la construction d’un logement en propriété à des fins d’habitation personnelle, dès lors que celui-ci n’est pas situé sur le territoire de cet État membre.

C — Le troisième grief

1. Arguments des parties

76.

La Commission considère que l’obligation de rembourser la prime à l’épargne-pension, en vertu de l’application combinée des articles 93, 94 et 95 de l’EStG, viole l’article 39 CE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 ainsi que les articles 12 CE et 18 CE.

77.

En ce qui concerne les travailleurs, la Commission fait valoir que les dispositions du droit national en cause discriminent de manière indirecte les travailleurs frontaliers et les travailleurs migrants. Selon la Commission, les travailleurs frontaliers et les travailleurs migrants risquent davantage que les travailleurs allemands de cesser d’être assujettis à l’impôt de manière illimitée en Allemagne en quittant leur emploi dans ce pays afin de travailler dans un autre État membre. Les dispositions législatives en question peuvent aboutir à ce que les travailleurs frontaliers et les travailleurs migrants renoncent en premier lieu à la prime d’épargne-pension pour éviter tout remboursement.

78.

La Commission allègue également que les dispositions en cause restreignent la libre circulation des travailleurs. Par analogie avec l’arrêt de Lasteyrie du Saillant  ( 48 ) , elle affirme que les dispositions nationales en question désavantagent les ressortissants allemands qui quittent leur pays pour exercer leur droit à la libre circulation comparés à ceux qui restent en Allemagne. La Commission considère que, en cas de départ, la République fédérale d’Allemagne s’approprie certains avoirs de la personne concernée. Cela n’est pas le cas si le particulier reste en Allemagne.

79.

La Commission estime que, alors que les conditions de remboursement de la prime peuvent adoucir la sévérité des dispositions en cause, ces conditions ne changent rien au fait que la prime doit être remboursée. De plus, la Commission considère, en réponse à l’argument de la République fédérale d’Allemagne  ( 49 ) , que l’arrêt N  ( 50 ) n’est pas transposable à la présente affaire. Cet arrêt concernait les plus-values latentes de sociétés holdings qui, en cas de départ du territoire national avant leur réalisation, étaient imposées en l’absence de fourniture d’une garantie. La République fédérale d’Allemagne tente de démontrer que le sursis de paiement dans ce cas, sans être tenu de fournir une garantie, éliminerait la nature restrictive d’une obligation de payer associée au départ. La Commission observe toutefois que le sursis de paiement, sans obligation de fournir une garantie, jusqu’à la réalisation de la plus-value, aurait abouti à leur imposition comme si la personne était restée sur le territoire national. Une telle imposition est donc parfaitement normale, même lorsque la personne demeure sur le territoire national. En l’espèce, la prime à l’épargne-pension ne doit toutefois pas être remboursée si l’intéressé demeure sur le territoire national.

80.

En ce qui concerne l’allégation de la République fédérale d’Allemagne concernant l’absence de compétence pour imposer les personnes qui quittent l’Allemagne  ( 51 ) , la Commission observe que cet État membre invoque cet argument pour démontrer, premièrement, qu’il n’existe pas de discrimination et, deuxièmement, comme motif justificatif tiré de la cohérence fiscale.

81.

La Commission considère que, conformément à l’arrêt Wielockx  ( 52 ) et compte tenu de la nature réciproque des accords visant à éviter la double imposition, le fait que les personnes qui quittent l’Allemagne ne pourront plus être imposées dans cet État membre à l’avenir ne constitue pas une différence déterminante par rapport à ceux qui restent. La Commission relève également que les personnes qui restent en Allemagne ne sont pas imposées durant plusieurs décennies. Cela ne saurait être comparé à l’effet dissuasif de l’obligation de remboursement.

82.

La Commission considère également que l’absence de compétence de la République fédérale d’Allemagne pour imposer les personnes qui quittent l’Allemagne ne saurait être invoquée comme une justification tirée de la cohérence fiscale. La cohérence fiscale est maintenue par la répartition des compétences d’imposition convenue entre États dans les accords visant à éviter la double imposition.

83.

La Commission considère également que les dispositions en cause violent les articles 12 CE et 18 CE dans le cas des personnes en retraite et de celles qui n’ont jamais été parties à un contrat de travail.

84.

La Commission estime que l’obligation de remboursement litigieuse viole l’article 12 CE, puisqu’elle constitue une discrimination indirecte eu égard au fait qu’elle affecte principalement les ressortissants étrangers. Le nombre de ressortissants étrangers qui retournent dans leur pays d’origine pour y prendre leur retraite est beaucoup plus élevé que le nombre de ressortissants allemands qui prennent leur retraite à l’étranger. En outre, l’obligation de remboursement viole l’article 18 CE, puisqu’elle dissuade les citoyens de l’Union, quelle que soit leur nationalité, de transférer leur résidence vers un autre État membre.

85.

À l’audience de plaidoiries, la Commission a également indiqué que la République fédérale d’Allemagne avait méconnu l’objectif de la prime à l’épargne-pension et le fait que, sans les réformes du régime allemand de pensions de la sécurité sociale, les travailleurs qui ne sont plus assujettis à l’impôt en Allemagne de manière illimitée recevraient une pension complète qui ne serait pas imposée dans cet État membre.

86.

La République fédérale d’Allemagne allègue que l’article 95 de l’EStG ne méconnaît pas le principe de la libre circulation des travailleurs ou les articles 12 CE et 18 CE.

87.

Premièrement, l’obligation de rembourser la prime, dès lors que le bénéficiaire n’est plus assujetti à l’impôt allemand de manière illimitée, ne constitue pas, selon la République fédérale d’Allemagne, une véritable barrière à la libre circulation des travailleurs, puisqu’elle n’a pas pour effet de décourager les intéressés d’accepter un emploi à l’étranger ou de transférer leur domicile vers un autre État membre.

88.

La République fédérale d’Allemagne souligne le fait que, conformément à l’article 95, paragraphe 2, de l’EStG, le remboursement de la prime peut, sur demande, être repoussé jusqu’au moment où les prestations sont perçues au titre du contrat d’épargne-pension (au plus tôt à la fin de la soixantième année du bénéficiaire). De plus, même au moment des prestations versées par le fonds d’épargne-pension, le moratoire sans intérêts est prorogé sous réserve qu’au moins 15 % des sommes versées au titre du contrat d’épargne-pension soient utilisés pour le remboursement. De plus, l’intéressé est libéré de l’obligation de rembourser lorsqu’il redevient assujetti illimité à l’impôt en Allemagne.

89.

La République fédérale d’Allemagne allègue que le bénéficiaire de la prime n’est tenu qu’au remboursement de la prime prévue aux articles 79 et suivants de l’EStG et de l’allégement fiscal résultant de la déduction au titre des dépenses exceptionnelles en vertu de l’article 10 a de l’EStG. Par conséquent, à la différence de la situation qui prévalait dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts de Lasteyrie du Saillant  ( 53 ) et N  ( 54 ) , il n’existe en l’espèce aucune « taxe au départ » supplémentaire. En outre, la Cour a indiqué, dans l’arrêt N  ( 55 ) , que le sursis de paiement non soumis à l’obligation de constituer une garantie peut éliminer le caractère restrictif d’une obligation de payer liée au départ.

90.

La République fédérale d’Allemagne considère donc que, en se référant constamment à l’ « effet dissuasif » , la Commission exagère l’effet psychologique du remboursement sur les personnes qui décident de changer de lieu de travail ou de domicile.

91.

La République fédérale d’Allemagne considère également que les personnes qui ne sont plus assujetties à l’impôt de manière illimitée en Allemagne ne sont pas désavantagées financièrement comparées à celles qui conservent leur statut. Il n’y a donc pas d’inégalité de traitement. Conformément à l’article 22, paragraphe 5, de l’EStG, les prestations perçues au titre d’un contrat d’épargne-pension sont soumises à l’impôt sur le revenu en Allemagne si le bénéficiaire est assujetti de manière illimitée à l’impôt dans cet État membre. Si le bénéficiaire n’est pas assujetti de manière illimitée à l’impôt en Allemagne, les prestations perçues au titre d’un contrat d’épargne-pension n’y sont pas soumises à l’impôt, ce qui compense en effet l’obligation de remboursement en cause. À l’aide de nombreux exemples chiffrés, la République fédérale d’Allemagne fait valoir qu’une personne qui quitte le territoire national n’est pas désavantagée, mais plutôt avantagée en raison du fait que les prestations versées par le fonds d’épargne-pension ne sont pas imposées sur son territoire. De plus, l’avantage en question n’est pas éliminé par le fait que les prestations versées par le fonds de d’épargne-pension sont imposées dans l’État membre de résidence conformément aux conventions visant à éviter la double imposition. En général, ces prestations ne sont pas imposées ou ne le sont que partiellement dans l’État membre de résidence.

92.

La République fédérale d’Allemagne allègue également, à titre subsidiaire, que l’obligation de remboursement prévue à l’article 95 de l’EStG est justifiée par des raisons de cohérence fiscale.

2. Appréciation

93.

Dans son troisième grief, la Commission considère que l’obligation de rembourser la prime à l’épargne-pension lorsque le bénéficiaire n’est plus assujetti illimité à l’impôt en Allemagne, en vertu de l’application combinée des articles 93, 94 et 95 de l’EStG, viole l’article 39 CE et l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 ainsi que les articles 12 CE et 18 CE.

94.

La Commission considère que la législation en cause affecte en premier lieu les travailleurs étrangers et viole ainsi l’article 39 CE, puisque le nombre de travailleurs étrangers qui quittent leur emploi en Allemagne pour aller travailler dans un autre État membre est plus important que celui des travailleurs allemands dans ce cas.

95.

En outre, la Commission fait valoir que la législation en cause viole l’article 12 CE, puisque le nombre de ressortissants étrangers qui retournent dans leur pays d’origine au terme de leur vie professionnelle en Allemagne est bien plus élevé que celui des retraités allemands qui prennent leur retraite à l’étranger.

96.

Selon moi, la législation en cause constitue une discrimination indirecte à l’égard des travailleurs frontaliers et des travailleurs migrants. Ces travailleurs, qui ne sont généralement pas des travailleurs allemands, sont davantage susceptibles de quitter leur emploi en Allemagne pour travailler dans un autre État membre et de ne plus être ainsi assujettis à l’impôt de manière illimitée en Allemagne que les travailleurs allemand. Il existe donc un risque que la législation en cause désavantage les travailleurs étrangers  ( 56 ) .

97.

En outre, je considère que la législation en cause constitue une discrimination indirecte à l’égard des citoyens de l’Union ressortissants d’États autres que l’Allemagne. Il est plus probable que les ressortissants étrangers retournent dans leur pays d’origine au terme de leur vie professionnelle en Allemagne et ne soient donc plus assujettis à l’impôt de manière illimitée dans cet État que des ressortissants allemands prennent leur retraite à l’étranger.

98.

La Commission estime également que l’obligation de remboursement dissuade certains travailleurs de faire usage de leur droit à la libre circulation.

99.

Dans l’arrêt ITC  ( 57 ) , la Cour a jugé que les dispositions nationales qui empêchent ou dissuadent un travailleur ressortissant d’un État membre de quitter son État d’origine pour exercer son droit à la libre circulation constituent, dès lors, des entraves à cette liberté, même si elles s’appliquent indépendamment de la nationalité des travailleurs concernés.

100.

Je suis d’avis que l’obligation de remboursement en cause restreint l’exercice, au titre de l’article 39 CE, du droit à la libre circulation des travailleurs allemands, puisqu’elle a un effet dissuasif sur ceux qui souhaitent travailler dans un autre État membre. Un tel travailleur, qui ne sera plus assujetti à l’impôt de manière illimitée en Allemagne, fait l’objet d’un traitement défavorable comparé à une personne qui continue de travailler en Allemagne et qui y demeure assujettie à l’impôt de manière illimitée. Le travailleur allemand qui souhaite travailler à l’étranger sera tenu, s’il n’est plus assujetti à l’impôt de manière illimitée en Allemagne du fait de son emploi à l’étranger, de rembourser la prime à l’épargne-pension, alors que, s’il ne fait pas usage de son droit à la libre circulation au titre de l’article 39 CE et continue de travailler en Allemagne, il ne sera pas soumis à cette obligation. Selon moi, cette différence de traitement est susceptible de décourager les travailleurs allemands de travailler à l’étranger.

101.

En ce qui concerne la violation des droits reconnus aux citoyens de l’Union au titre de l’article 18 CE, je considère que le raisonnement qui précède  ( 58 ) s’applique également aux ressortissants allemands qui souhaitent prendre leur retraite à l’étranger au terme de leur vie professionnelle. En vertu d’une jurisprudence constante, une réglementation nationale telle que celle de l’espèce, qui désavantage certains ressortissants nationaux du seul fait qu’ils ont exercé leur liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre, constitue une restriction aux libertés reconnues par l’article 18, paragraphe 1, CE à tout citoyen de l’Union  ( 59 ) .

102.

Je considère que les effets discriminatoires et restrictifs de la législation en cause, s’ils ont été sans aucun doute améliorés ou atténués par le calendrier et les conditions de remboursement fixées par la législation en cause, continuent néanmoins d’affecter les travailleurs ou les citoyens de l’Union qui ne sont plus assujettis illimités à l’impôt en Allemagne parce qu’ils ont transféré leur emploi ou leur résidence d’Allemagne vers un autre État membre  ( 60 ) . En outre, le fait que ces travailleurs ou ces citoyens de l’Union ne soient pas imposés en Allemagne sur les prestations versées par le fonds d’épargne-pension quand il arrive à terme n’élimine pas, comme le prétend la République fédérale d’Allemagne, la discrimination ou la restriction en cause. La République fédérale d’Allemagne indique elle-même dans son argumentation que la compétence pour imposer ces prestations a été accordée à d’autres États membres en vertu de conventions visant à éviter la double imposition conclues entre ces États membres et la République fédérale d’Allemagne. À mon avis, la République fédérale d’Allemagne ne peut pas se prévaloir du fait que les prestations versées par le fonds d’épargne-pension ne peuvent pas être imposées ou bien à un taux inférieur dans les autres États membres pour démontrer que la discrimination ou la restriction en cause a été éliminée. Ces circonstances ne font pas disparaître ladite discrimination ou restriction, mais peuvent simplement en atténuer les effets de manière fortuite.

103.

En outre, je ne pense pas que le principe de cohésion fiscale  ( 61 ) puisse être invoqué pour justifier l’obligation de remboursement litigieuse. Il semble que la cohérence fiscale soit garantie par les accords visant à éviter la double imposition conclus par la République fédérale d’Allemagne avec les autres États membres sur une base réciproque  ( 62 ) .

104.

Je note également que, selon moi, il n’existe pas de corrélation ou de lien strict entre l’octroi d’une prime à l’épargne-pension et la possibilité pour la République fédérale d’Allemagne d’imposer les futures prestations versées par les fonds d’épargne-pension une fois à terme  ( 63 ) .

105.

La prime à l’épargne-pension constitue un avantage social plutôt qu’un avantage fiscal au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 qui est versé, sous certains conditions, aux personnes affiliées en Allemagne au régime national de pensions de la sécurité sociale afin de leur fournir des incitations financières dans l’objectif de constituer leur propre épargne-pension en raison des réformes de l’ancien régime. Je ne vois donc aucune raison pour laquelle les travailleurs ou les citoyens de l’Union qui ne sont plus assujettis à l’impôt de manière illimitée en Allemagne, mais qui sont néanmoins affectés par les réformes du régime allemand de pensions de la sécurité sociale  ( 64 ) devraient être tenus de rembourser la prime à l’épargne-pension en vertu de l’article 95 de l’EStG.

106.

Je propose donc à la Cour de déclarer que la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 39 CE et de l’article 7 du règlement n o  1612/68 ainsi que des articles 12 CE et 18 CE en exigeant, en vertu de l’application combinée des articles 93, 94 et 95 de l’EStG, que la subvention soit remboursée en cas de cessation de l’assujettissement illimité à l’impôt dans cet État membre.

V — Dépens

107.

Conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne aux dépens et la République fédérale d’Allemagne ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

VI — Conclusion

108.

Je propose à la Cour de déclarer que:

1)

en adoptant et en conservant les dispositions en matière de pension de retraite complémentaire figurant aux articles 79 à 99 de la loi fédérale relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz), la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 39 CE et de l’article 7 du règlement (CEE) n o  1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968 , relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, ainsi que des articles 12 CE et 18 CE, dans la mesure où ces dispositions:

refusent aux travailleurs frontaliers et à leurs conjoints le bénéfice de la prime, dès lors qu’ils ne sont pas assujettis à l’impôt de manière illimitée dans cet État membre;

interdisent aux travailleurs frontaliers d’utiliser le capital subventionné pour l’acquisition ou la construction d’un logement à des fins d’habitation personnelle, dès lors que ce logement n’est pas situé en Allemagne;

prévoient le remboursement de la subvention en cas de cessation de l’assujettissement illimité à l’impôt dans cet État membre;

2)

la République fédérale d’Allemagne est condamnée à ses propres dépens ainsi qu’à ceux de la Commission des Communautés européennes.


( 1 ) Langue originale: l’anglais.

( 2 ) Les pensions Riester sont également désignées parfois sous les termes de « pensions du deuxième ou troisième pilier » .

( 3 ) Les dispositions de l’EStG en cause dans la présente affaire sont celles contenues dans la loi relative à la réforme du régime de retraite légal et à la promotion des retraites individuelles par capitalisation dite loi « Altersvermögensgesetz » du 5 juillet 2004 (Gesetz zur Reform der gesetzlichen Rentenversicherung und zur Förderung eines kapitalgedeckten Altersvorsorgevermögens, Bundesgesetzblatt 2004 I, p. 1427).

( 4 ) Règlement du Conseil, du 15 octobre 1968 , relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté ( JO L 257, p. 2 ), tel que modifié ultérieurement.

( 5 ) JO L 149, p. 2 , tel que modifié ultérieurement.

( 6 ) Arrêt du 14 février 1995 ( C-279/93, Rec. p. I-225 ).

( 7 ) Voir point 34 ci-dessous.

( 8 ) Arrêt du 11 août 1995 ( C-80/94, Rec. p. I-2493 ).

( 9 ) Voir point 24.

( 10 ) Arrêts du 30 septembre 1975 , Christini ( 32/75, Rec. p. 1085 ); du 16 décembre 1976 , Inzirillo ( 63/76, Rec. p. 2057 ); du 12 juillet 1984 , Castelli ( 261/83, Rec. p. 3199 ); du 20 juin 1985 , Deak ( 94/84, Rec. p. 1873 ); du 18 juin 1987 , Lebon ( 316/85, Rec. p. 2811 ); du 26 février 1992 , Bernini ( C-3/90, Rec. p. I-1071 ); du 27 mai 1993 , Schmid ( C-310/91, Rec. p. I-3011 ), et du 8 juin 1999 , Meeusen ( C-337/97, Rec. p. I-3289 ).

( 11 ) Voir arrêts Schumacker, précité note 6, point 30, et du 14 septembre 1999 , Gschwind ( C-391/97, Rec. p. I-5451 , point 21).

( 12 ) Arrêt du 25 janvier 2007 ( C-329/05, Rec. p. I-1107 , point 23).

( 13 ) Arrêt précité note 6.

( 14 ) Arrêt précité note 11.

( 15 ) Arrêt du 18 juillet 2007 ( C-213/05, Rec. p. I-6347 ).

( 16 ) Lorsqu’un conjoint n’est pas lui-même éligible à la prime à l’épargne-pension au titre de l’article 10 a, paragraphe 1, de l’EStG.

( 17 ) Voir arrêt Geven, précité note 15, point 12; voir également arrêts du 14 janvier 1982 , Reina ( 65/81, Rec. p. 33 , point 12); du 27 mars 1985 , Hoeckx ( 249/83, Rec p. 973 , point 20); du 27 novembre 1997 , Meints ( C-57/96, Rec. p. I-6689 , point 39), et du 12 mai 1998 , Martínez Sala ( C-85/96, Rec. p. I-2691 , point 25).

( 18 ) Arrêt Meints, précité note 17, point 39.

( 19 ) Sous la forme d’une prime à l’épargne-pension et de la déductibilité des revenus imposables des versements au fond d’épargne-pension au titre des dépenses exceptionnelles.

( 20 ) Voir, par analogie, arrêts Castelli, précité note 10, et du 6 juin 1985 , Frascogna ( 157/84, Rec. p. 1739 ).

( 21 ) En outre, je considère que dans la présente affaire, dans laquelle la prime est accordée sur la base d’un régime volontaire qui a partiellement remplacé le régime de sécurité sociale obligatoire, il serait inconcevable de priver un travailleur d’un avantage au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68 uniquement parce qu’il est accordé dans le cadre d’un régime volontaire.

( 22 ) Dans son argumentation, la Commission a cité des statistiques de l’office allemand des statistiques (Statistisches Bundesamt) affirmant que 75 à 80 % des actifs sont des travailleurs salariés soumis à l’assurance sociale obligatoire.

( 23 ) Il convient de noter que le présent grief ne concerne que les travailleurs frontaliers et, de manière indirecte, leurs conjoints. La Commission n’a pas allégué que la République fédérale d’Allemagne devrait étendre le bénéfice de la prime à l’épargne-pension à d’autres catégories de personnes.

( 24 ) Il semble donc que, contrairement à la déduction au titre des dépenses exceptionnelles, la prime à l’épargne-pension s’intègre au capital de l’épargne-pension. En outre, la République fédérale d’Allemagne a indiqué dans son argumentation que, conformément à l’article 88 de l’EStG, le droit à la prime prend naissance à la simple expiration de l’année calendaire durant laquelle des versements ont été effectués au fonds d’épargne-pension.

( 25 ) Arrêt Meints, précité note 17, points 44 et 45.

( 26 ) Voir, à cet effet, arrêts Meints, précité note 17, point 50; Meeusen, précité note 10, point 21, et du 18 juillet 2007 , Hartmann ( C-212/05, Rec p. I-6303 , point 24).

( 27 ) Ce montant est multiplié par deux pour les couples mariés.

( 28 ) Arrêts Schumacker, précité note 6, point 28; du 27 juin 1996 , Asscher ( C-107/94, Rec. p. I-3089 , point 38); Hartmann, précité note 26, point 31, et Meeusen, précité note 10, points 23 et 24.

( 29 ) Arrêt précité note 15.

( 30 ) La République fédérale d’Allemagne a indiqué que les travailleurs frontaliers en provenance de France et d’Autriche qui sont imposables dans leur État membre de résidence sont susceptibles d’obtenir des primes d’encouragement similaires dans leur État de résidence. Je ne pense pas que la République fédérale d’Allemagne puisse se prévaloir du fait que ces travailleurs peuvent bénéficier de primes d’encouragement similaires, voire plus avantageuses, dans leur État membre de résidence pour démontrer qu’il n’existe pas de discrimination dans l’octroi d’un avantage social au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68. Il est utile de rappeler, à cet égard, que les travailleurs frontaliers en provenance de France et d’Autriche, qui acquittent des cotisations au régime allemand de sécurité sociale, sont directement affectés par la réforme de ce régime de la même manière que les travailleurs résidents. Ces travailleurs frontaliers doivent, par conséquent, avoir la possibilité de bénéficier de la prime à l’épargne-pension. Selon moi, il est également utile de relever que la Cour n’a pas suivi les conclusions présentées par l’avocat général Geelhoed dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hartmann selon lesquelles, « dans le contexte de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68, les travailleurs frontaliers bénéficient de l’égalité de traitement dans l’État membre où ils travaillent, en ce qui concerne l’octroi d’avantages sociaux, mais uniquement dans la mesure où ces avantages sont directement et exclusivement liés à l’emploi » (voir point 55 des conclusions et point 27 de l’arrêt, précité note 26). De plus, dans l’arrêt Hartmann, la Cour n’a pas examiné la question soulevée par les gouvernements allemand et du Royaume-Uni selon lesquels « permettre à un travailleur frontalier, ayant son domicile et son lieu de travail dans des États membres différents, de profiter des mêmes avantages sociaux dans les deux États membres et de les combiner serait injuste. Pour pallier ce risque et eu égard au fait que le règlement n o  1612/68 ne contient pas de règles de coordination destinées à éviter les cumuls de prestations, la possibilité d’ ‘ exporter ’ l’allocation d’éducation dans l’État membre de résidence du travailleur frontalier pourrait être exclue » (voir point 23 de l’arrêt précité note 26). En l’absence de législation communautaire en la matière et eu égard à l’extrême complexité des questions en cause, je ne pense pas que la Cour devrait appliquer de telles règles excluant le cumul.

( 31 ) Voir, par analogie, arrêt Hartmann, précité note 26, points 36 et 37.

( 32 ) Voir note 10 ci-dessus.

( 33 ) Voir, par analogie, arrêt Hartmann, précité note 26, points 24 et 25.

( 34 ) Ibidem, point 31.

( 35 ) Arrêt du 21 février 2006 ( C-152/03, Rec. p. I-1711 ).

( 36 ) Voir citation note 30 et point 63 ci-dessous.

( 37 ) Précité note 35.

( 38 ) Précité note 26.

( 39 ) Arrêt du 17 janvier 2008 ( C-152/05, Rec. p. I-39 ).

( 40 ) Voir point 86.

( 41 ) Arrêt du 11 janvier 2007 ( C-208/05, Rec. p. I-181 , points 38 à 42).

( 42 ) Voir, par analogie, arrêt Ritter-Coulais, précité note 35, point 36.

( 43 ) Voir article 92 a de l’EStG, concernant les conditions de remboursement du prêt.

( 44 ) En ce qui concerne les observations de la République fédérale d’Allemagne concernant les conclusions de l’avocat général dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Hartmann et selon lesquelles une mesure ne constitue pas une infraction lorsqu’elle fournit un avantage à la fois aux travailleurs allemands et aux travailleurs étrangers sur le territoire national (voir point 63 ci-dessus), il y a lieu d’indiquer que, comme le fait valoir la Commission, la Cour n’a pas suivi les conclusions de l’avocat général sur ce point. La Cour a jugé, premièrement, qu’un ressortissant d’un État membre qui, tout en maintenant son emploi dans cet État, a transféré son domicile dans un autre État membre et exerce, depuis, son activité professionnelle en tant que travailleur frontalier peut se prévaloir du statut de « travailleur migrant » au sens du règlement n o  1612/68. La Cour a également jugé que l’article 7, paragraphe 2, du règlement n o  1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, s’oppose à ce que le conjoint d’un travailleur migrant exerçant une activité professionnelle dans un État membre, sans emploi, résidant dans un autre État membre, soit exclu du bénéfice d’une allocation d’éducation, au motif qu’il n’a ni domicile ni résidence habituelle dans le premier État.

( 45 ) Précité note 39.

( 46 ) Voir points 27 et 28. Dans ses conclusions présentées dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Allemagne (précité note 39), l’avocat général Bot a indiqué que « l’acquisition ou la construction d’un logement sur le territoire d’un autre État membre par ces non-résidents, et notamment par les travailleurs frontaliers, contribuent à diminuer la demande de logements en Allemagne. Lesdits non-résidents ne pèseraient donc pas sur le marché allemand de l’immobilier et ne feraient pas pression sur la forte demande qui existe déjà » (voir point 93).

( 47 ) Précité note 41, point 43.

( 48 ) Arrêt du 11 mars 2004 ( C-9/02, Rec. p. I-2409 ).

( 49 ) Voir point 89 ci-dessous.

( 50 ) Arrêt du 7 septembre 2006 ( C-470/04, Rec. p. I-7409 ).

( 51 ) Voir, notamment, point 91 ci-dessous.

( 52 ) Précité note 8; voir également argumentation de la Commission au point 23 ci-dessus.

( 53 ) Précité note 48.

( 54 ) Précité note 50.

( 55 ) Voir point 36.

( 56 ) La Commission n’a pas produit de statistiques spécifiques sur les travailleurs, mais elle a indiqué dans sa requête que, entre 1991 et 2004, plus de 75 % des personnes qui ont quitté l’Allemagne pour s’installer à l’étranger était des ressortissants d’autres États.

( 57 ) Arrêt précité note 41, point 33.

( 58 ) Voir point 100 ci-dessus.

( 59 ) Arrêts du 18 juillet 2006 , De Cuyper ( C-406/04, Rec. p. I-6947 , point 39), et du 26 octobre 2006 , Tas-Hagen et Tas ( C-192/05, Rec. p. I-10451 , point 31).

( 60 ) L’événement qui cristallise l’obligation de rembourser est le changement d’État membre d’emploi du travailleur ou le changement de résidence du citoyen de l’Union et la perte de l’assujettissement illimité à l’impôt en Allemagne. Je suis donc pleinement convaincu par l’argument de la Commission selon lequel l’obligation de remboursement peut dissuader l’intéressé de demander à bénéficier de la prime, en premier lieu pour éviter le remboursement; voir point 77 ci-dessous.

( 61 ) La Cour a jugé que la nécessité de garantir la cohérence du régime fiscal peut justifier une réglementation de nature à restreindre les libertés fondamentales. Voir arrêts du 28 janvier 1992 , Bachmann ( C-204/90, Rec. p. I-249 , point 28), et du 28 janvier 1992 , Commission/Belgique ( C-300/90, Rec. p. I-305 , point 21).

( 62 ) Voir, à cet effet, arrêt Wielockx, précité note 8, points 23 à 26.

( 63 ) Dans les arrêts Bachmann et Commission/Belgique (précités note 61), la Cour a jugé qu’ « un lien direct existait entre la déductibilité des cotisations versées dans le cadre de contrats d’assurance contre la vieillesse et le décès et l’imposition des sommes perçues en exécution desdits contrats, lien qu’il convenait de préserver en vue de sauvegarder la cohérence du système fiscal en cause » . Voir arrêt du 12 décembre 2002 , de Groot ( C-385/00, Rec. p. I-11819 , point 108).

( 64 ) Puisque leurs futures pensions de retraite versées par le régime allemand de sécurité sociale seront, en principe, réduites du fait de la réforme de ce système.