CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 4 septembre 2008 ( 1 )

Affaire C-209/07

Competition Authority

contre

Beef Industry Development Society Ltd et Barry Brothers (Carrigmore) Meats Ltd

Table des matières

 

I — Introduction

 

II — Cadre juridique

 

III — Faits, procédure au principal et question préjudicielle

 

A — Les faits

 

B — La procédure devant les autorités irlandaises de la concurrence et la procédure juridictionnelle au principal

 

C — Question préjudicielle

 

IV — Procédure devant la Cour

 

V — Arguments des parties

 

VI — Appréciation juridique

 

A — Notion de restriction de concurrence par objet

 

1. Contenu, structure et application de l’article 81 CE

 

a) Structure de l’article 81 CE

 

b) Application de l’article 81 CE

 

2. Restriction de concurrence par objet

 

a) Critère de la restriction de concurrence par objet

 

b) La notion de restriction de concurrence par objet est-elle limitée aux restrictions évidentes de la concurrence?

 

c) Existe-t-il une liste limitative des restrictions de concurrence par objet?

 

d) Contexte juridique et économique

 

3. Conclusion

 

B — Des accords tels que les contrats BIDS ont-ils une restriction de concurrence pour objet?

 

1. Restriction de la liberté des parties de déterminer de manière autonome la politique qu’elles entendent suivre sur le marché

 

2. Altération des conditions du marché

 

a) Réduction de 25 % de la capacité de production de l’ensemble du secteur de la transformation

 

b) Sorties du marché

 

c) Versement de contributions

 

d) Dispositions en matière d’utilisation et de disposition

 

e) Conclusion

 

3. Prise en considération des objectifs poursuivis par les contrats BIDS

 

4. Conclusion

 

C — Appréciation finale des éléments d’un accord tel que les contrats BIDS

 

VII — Conclusion

«Concurrence — Article 81, paragraphe 1, CE — Notion d’‘accord ayant pour objet de restreindre la concurrence’ — Accord de réduction de capacités de production — Viande bovine»

I — Introduction

1.

Le présent renvoi préjudiciel porte sur l’interprétation de la notion de restriction de la concurrence par objet de l’article 81, paragraphe 1, CE. Le litige a pour toile de fond économique les surcapacités, constatées par la juridiction de renvoi, qui affectent le secteur de la transformation de la viande bovine en Irlande (ci-après le «secteur de la transformation»). Le secteur de la transformation se procure des bovins auprès des établissements d’élevage, les abat, les désosse et vend ensuite la viande sur le territoire national et à l’étranger. Les transformateurs souhaitent réduire les surcapacités par le biais d’accords.

2.

La juridiction nationale interroge la Cour sur le point de savoir si la notion de restriction de concurrence par objet de l’article 81, paragraphe 1, CE doit être interprétée en ce sens qu’elle inclut les accords des transformateurs. La question préjudicielle est ainsi doublement limitée. D’une part, il s’agit seulement d’accords ayant pour objet de restreindre la concurrence, à l’exclusion d’accords ayant pour effet de restreindre la concurrence. D’autre part, la question est uniquement de savoir si les accords relèvent du principe d’interdiction des accords restrictifs de concurrence prévu à l’article 81, paragraphe 1, CE; il n’y a pas lieu d’examiner si, en raison de leurs effets positifs, les accords sont susceptibles d’être malgré tout compatibles avec le marché commun en application de l’article 81, paragraphe 3, CE.

II — Cadre juridique

3.

En vertu de l’article 81, paragraphe 1, CE, tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à:

a)

fixer de façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction;

b)

limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements;

c)

répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement;

d)

appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence;

e)

subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats,

sont incompatibles avec le marché commun et interdits.

4.

Toutefois, selon l’article 81, paragraphe 3, CE, les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, peuvent être déclarées inapplicables:

à tout accord ou catégorie d’accords entre entreprises,

à toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises,

et

à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées

qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans:

a)

imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;

b)

donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence.

5.

L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité ( 2 ), dispose:

«1.   Les accords, décisions et pratiques concertées visés à l’article 81, paragraphe 1, du traité qui ne remplissent pas les conditions de l’article 81, paragraphe 3, du traité sont interdits, sans qu’une décision préalable soit nécessaire à cet effet.

2.   Les accords, décisions et pratiques concertées visés à l’article 81, paragraphe 1, du traité qui remplissent les conditions de l’article 81, paragraphe 3, du traité ne sont pas interdits, sans qu’une décision préalable soit nécessaire à cet effet.»

III — Faits, procédure au principal et question préjudicielle

A — Les faits

6.

Les surcapacités qui, selon la décision de renvoi, touchent le secteur de la transformation en Irlande sont notamment le résultat d’une politique qui a par le passé fortement encouragé la construction et l’équipement des installations de transformation sans tenir compte de la demande réelle de viande bovine. De plus, le volume des bovins à transformer était autrefois sujet à de fortes variations saisonnières. Lors des pics, les transformateurs devaient ainsi faire face à des entrées importantes de produit à transformer. Entre-temps, l’élevage bovin a perdu son caractère saisonnier. Certes, des variations saisonnières d’une certaine ampleur peuvent encore être observées, mais la capacité globale des installations de transformation continue toutefois de dépasser, même lors des pointes, d’environ 32 % les entrées de produit à transformer.

7.

Étant donné que le secteur de la viande bovine joue un rôle important dans l’économie irlandaise, le gouvernement irlandais et les représentants du secteur de la transformation ont commandé une étude à un cabinet de consultants. L’objet de cette étude était d’identifier les mesures susceptibles d’augmenter à long terme la rentabilité de tous les opérateurs du secteur de la viande bovine en Irlande.

8.

L’étude de marché publiée en 1998 a constaté l’existence d’importantes surcapacités dans le secteur de la transformation et a annoncé que celles-ci conduiraient à une baisse de la rentabilité de l’ensemble du secteur de la transformation. Ce pronostic reposait essentiellement sur le raisonnement suivant: le bénéfice du transformateur serait essentiellement fonction de la différence entre, d’un côté, le prix d’achat de la bête et les frais de transformation et, de l’autre, le prix de vente de la viande. Le montant du bénéfice dépendrait notamment du degré d’utilisation des installations de transformation et de l’existence de surcapacités. Une utilisation plus intense des capacités permettrait de réaliser des économies d’échelle, ce qui réduit les coûts de transformation. Les surcapacités stimuleraient la concurrence des transformateurs lors de la vente de la viande bovine et entraîneraient par conséquent une baisse des prix. L’étude annonce en outre que la baisse de rentabilité des transformateurs conduira à terme un certain nombre d’entre eux à quitter le marché.

9.

La solution proposée par l’étude de marché est de réduire le nombre d’opérateurs dans le secteur de la transformation, à l’aide d’un dispositif d’indemnisation qui les inciterait à quitter le marché. L’étude de marché a souligné les économies qui en résulteraient pour l’ensemble du secteur de la transformation et les a chiffrées à 18 millions de livres irlandaises (IEP); des mesures de rationalisation accompagnant ce dispositif pourraient permettre d’économiser 14 millions d’IEP supplémentaires.

10.

Un groupe de travail sur la viande bovine (Beef Task Force) qui avait été mis en place par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation (Minister for Agriculture and Food) a établi un rapport en 1999, dans lequel il rejoignait les conclusions de l’étude de marché et invitait le secteur de la transformation à les mettre en œuvre.

11.

En juin 2002, des transformateurs ont créé la Beef Industry Development Society Ltd (BIDS). Les membres actuels de la BIDS produisent environ 93 % de la viande bovine commercialisée en Irlande. L’objet social de la BIDS est de mettre en œuvre l’étude de marché du cabinet de consultants et le rapport du groupe de travail sur la viande bovine. À cette fin, la BIDS a élaboré un accord (ci-après l’«accord BIDS») qui a pour objectif de réduire en un an la capacité totale du secteur de la transformation de 25 %. Pour cela, l’accord BIDS a prévu le dispositif suivant:

12.

Une partie des transformateurs, qui sont membres de la BIDS (ci-après les «sortants»), s’engagent contractuellement envers la BIDS à sortir du secteur de la transformation, à fermer leurs exploitations et à observer une clause de non-concurrence pendant deux ans (ci-après les «contrats de sortie»). Les contrats de sortie doivent en outre inclure l’engagement de ne pas employer pendant cinq ans les terrains des exploitations fermées à une activité de transformation de viande bovine (ci-après la «restriction en matière d’utilisation») et de ne vendre à des transformateurs en Irlande les équipements destinés à la transformation primaire de bovins que pour servir d’équipements de secours ou de pièces de rechange, ou de les vendre en-dehors de l’Irlande (ci-après la «restriction en matière de disposition»). Il n’est pas prévu qu’un transformateur puisse fermer seulement quelques-unes de ses installations de transformation. La BIDS a déjà conclu un contrat de sortie avec le transformateur Barry Brothers (Carrigmore) Meats Ltd (ci-après «Barry Brothers»).

13.

En compensation, il est prévu que les sortants seront indemnisés par la BIDS. Au niveau interne, les indemnités seront financées par les membres de la BIDS qui restent dans le secteur de la transformation (ci-après les «restants»).

14.

Le montant des contributions acquittées par les restants est échelonné: il est de 2 euros par tête lorsque les transformateurs ne dépassent pas leur volume habituellement abattu, et passe à 11 euros par animal abattu au-delà de ce volume. Le volume habituellement abattu correspond au volume abattu moyen d’un transformateur au cours des trois dernières années précédant la mise en œuvre de l’accord BIDS.

B — La procédure devant les autorités irlandaises de la concurrence et la procédure juridictionnelle au principal

15.

Au cours de l’élaboration de ce programme, la BIDS a cherché à se mettre d’accord avec la Competition Authority irlandaise (ci-après l’«Autorité»). Les 5 et 26 juin 2003, l’Autorité a signifié à la BIDS qu’elle estimait que l’accord BIDS et le contrat de sortie conclu avec Barry Brothers (ci-après, l’accord BIDS et le contrat de sortie conclu avec Barry Brothers seront ensemble désignés en tant que «contrats BIDS») n’étaient pas compatibles avec le droit de la concurrence irlandais. Le 30 juin 2003, l’Autorité a demandé à la High Court de déclarer que les contrats BIDS violaient l’article 81 CE.

16.

Par jugement du 27 juillet 2006, la High Court a rejeté cette demande de l’Autorité au motif que les contrats BIDS ne relèveraient pas de l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE. Selon elle, les contrats BIDS n’ont pas pour objet de restreindre la concurrence, parce qu’ils ne portent ni sur un accord de prix, ni sur une répartition des clients, ni sur une limitation de la production au sens de l’article 81, paragraphe 1, sous a) à c), CE. Elle considère que la réduction de la capacité globale n’est pas assimilable à une limitation de la production. Elle estime par ailleurs que les contrats BIDS n’ont pas pour effet de restreindre la concurrence, une réduction de la capacité globale de 25 % n’étant de nature à limiter la concurrence que si elle conduit à une pénurie de capacités qui entraîne une augmentation des prix. Partant du postulat qu’à l’avenir la production globale de viande bovine ne va pas augmenter en Irlande, mais va plutôt avoir tendance à baisser, la High Court considère que la transformation de tous les bovins est garantie, même si la capacité globale est réduite de 25 %. De même, il n’y a pas lieu, selon elle, de s’attendre à une hausse des prix. En effet, même si le montant des contributions vient renchérir les coûts de transformation des transformateurs, l’hypothèse d’une augmentation des prix pourrait être écartée en raison notamment des économies d’échelle réalisées par les restants grâce à la réduction de la capacité globale, et de la puissance de négociation des clients des transformateurs.

17.

Pour la High Court, les restrictions en matière d’utilisation et de disposition ne sont pas non plus constitutives d’une restriction à la concurrence. Elle considère que, s’il n’est certes pas raisonnable, économiquement parlant, de construire de nouvelles installations de transformation dans la situation actuelle du marché, des concurrents potentiels conservent toutefois la possibilité d’entrer sur le marché en rachetant des installations de transformation (c’est-à-dire à des restants ou à des transformateurs qui ne sont pas membres de la BIDS).

18.

En conclusion, elle considère que les contrats BIDS ne sont pas contestables au point de pouvoir être qualifiés de restriction de la concurrence par objet.

19.

La High Court a par ailleurs estimé que, étant donné que la BIDS n’a pas démontré que les consommateurs se verraient attribuer une part équitable du profit, les conditions de l’article 81, paragraphe 3, CE ne sont pas remplies, ce qui serait toutefois sans importance, dès lors que les accords ne relèvent pas du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE.

20.

L’Autorité a attaqué la décision de la High Court auprès de la Supreme Court.

C — Question préjudicielle

21.

La Supreme Court estime que l’affaire soulève une question d’interprétation à propos de l’article 81, paragraphe 1, CE et que cette question est déterminante pour la décision au principal. Elle a donc, conformément à l’article 234 CE, posé la question préjudicielle suivante à la Cour:

«Lorsqu’une juridiction constate à suffisance de droit que:

a)

il existe des surcapacités dans le secteur de la transformation de la viande bovine, lesquelles sont évaluées à environ 32 %, sur la base de la production maximale;

b)

les effets de ces surcapacités auront des conséquences graves sur la rentabilité du secteur dans son ensemble à moyen terme;

c)

alors, ainsi que cela a été établi, que les effets des excédents ne se sont pas encore fait sentir à un degré significatif, que des consultants indépendants ont indiqué qu’à moyen terme ces surcapacités ne devraient pas pouvoir être éliminées par le jeu normal du marché, mais qu’au fur et à mesure elles vont entraîner des pertes très importantes et aboutir finalement à ce que des transformateurs quittent le secteur;

d)

des transformateurs représentant approximativement 93 % du marché de l’offre de viande bovine du secteur ont convenu de prendre des mesures en vue d’éliminer les surcapacités et sont disposés à payer des prélèvements destinés au financement d’indemnisations au profit des transformateurs acceptant de cesser leur production, et que

ces transformateurs, qui représentent dix entreprises, constituent une personne morale (Society)[ ( 3 )] dans le but de mettre en œuvre un accord présentant les caractéristiques suivantes:

1)

les exploitations[ ( 4 )] qui abattent et transforment 420000 animaux par an, représentant approximativement 25 % des capacités actives concluront un accord avec les entreprises restantes[ ( 5 )] en vue de quitter le secteur dans les conditions suivantes;

2)

les sortants souscriront une clause de non-concurrence valable pour une durée de deux ans, portant sur la transformation du bétail dans toute l’Irlande;

3)

les exploitations des sortants seront fermées;

4)

les terrains des exploitations fermées ne seront pas employés à une activité de transformation de viande bovine pendant cinq ans;

5)

une indemnisation sera versée aux sortants en plusieurs fois, au moyen de prêts consentis par les restants à la société;

6)

des prélèvements volontaires seront payés à la société par tous les restants à un taux de 2 euros par tête du volume habituellement abattu, exprimé en pourcentage, et de 11 euros par tête du volume abattu au-delà de ce volume;

7)

les prélèvements serviront à rembourser les prêts, et les prélèvements prendront fin avec le complet remboursement des prêts;

8)

les équipements des sortants employés à la transformation première de la viande bovine ne seront vendus à des restants que pour servir d’équipements de secours ou de pièces de rechange, ou seront vendus hors d’Irlande;

9)

la liberté des restants en ce qui concerne la production, les prix, les conditions de vente, l’importation et l’exportation, les augmentations de capacités ou d’autres points ne sera pas affectée,

et qu’il est convenu qu’un tel accord est susceptible, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, d’avoir un effet appréciable sur le commerce entre les États membres, un tel accord doit-il être considéré comme ayant pour objet, distingué de son effet, d’empêcher, de restreindre, ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun et, par conséquent, comme incompatible avec l’article 81, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne?»

IV — Procédure devant la Cour

22.

La décision de renvoi est parvenue au greffe de la Cour le 20 avril 2007. La BIDS, l’Autorité, le gouvernement belge et la Commission des Communautés européennes ont déposé des observations écrites. Lors de l’audience du 4 juin 2008, l’Autorité, la BIDS et la Commission ont complété leur exposé.

V — Arguments des parties

23.

La BIDS, l’Autorité, le Royaume de Belgique et la Commission sont d’accord sur les points suivants: l’article 81, paragraphe 1, CE établit une distinction entre les restrictions de concurrence par objet et les restrictions de concurrence par effet. Il n’est pas nécessaire de prouver qu’une restriction de concurrence par objet produit un effet. Pour établir l’existence d’une restriction de concurrence par objet, il convient de prendre en considération non seulement le contenu de l’accord, mais aussi son contexte juridique et économique.

24.

Les parties sont en désaccord sur ce qu’il convient d’entendre par restriction de concurrence par objet et sur le point de savoir si les contrats de la BIDS relèvent de cette définition, étant précisé que la BIDS défend la thèse selon laquelle les contrats BIDS ne seraient pas constitutifs d’une restriction de concurrence par objet, tandis que l’Autorité, le Royaume de Belgique et la Commission prétendent le contraire.

25.

La BIDS assimile les restrictions de concurrence par objet aux restrictions caractérisées de la concurrence et aux accords par nature restrictifs de concurrence. La BIDS considère que cette catégorie d’accords doit faire l’objet d’une interprétation étroite et qu’elle ne comprend qu’un nombre limité de restrictions graves de la concurrence, telles que les accords de prix, les limitations de la production ou la répartition des marchés ou des clients. La restriction de concurrence par objet se limiterait exclusivement à des accords présentant un tel degré d’évidence et de nocivité.

26.

La BIDS estime que les contrats BIDS ne sont pas constitutifs d’une restriction de concurrence par objet. L’examen de leur contexte juridique et économique ferait clairement apparaître qu’ils ne relèvent pas de la catégorie des restrictions de concurrence par objet. La BIDS s’appuie en particulier sur les constatations de la High Court quant à l’absence de limitation de la production globale et d’augmentation des prix à l’avenir, ainsi que sur l’arrêt GlaxoSmithKline Services/Commission, qui imposerait de tenir compte de telles circonstances ( 6 ). Elle fait en outre observer qu’il n’y a pas de restriction de la liberté des restants en matière de quotas de production, de parts de marché et de prix. Elle souligne également que les contrats BIDS poursuivent l’objectif légitime de la réduction des surcapacités. Le paiement de contributions, les clauses de non-concurrence et les restrictions d’utilisation et de disposition seraient des mesures nécessaires pour atteindre cet objectif. Enfin, elle précise qu’elle n’a pas agi en secret.

27.

Selon la BIDS, une prise en compte de ces éléments fait apparaître que les contrats BIDS ne sont ni évidents ni anticoncurrentiels au point de pouvoir être rangés dans la catégorie des restrictions de concurrence par objet.

28.

Pour l'Autorité, il y a restriction de concurrence par objet en cas de restrictions évidentes ou caractérisées de la concurrence, mais il n’existe pas de catalogue exhaustif de celles-ci. Elle considère qu’il n’est pas nécessaire de rechercher quels sont les buts poursuivis par les parties et qu’il n’est pas possible de déduire de l’arrêt GlaxoSmithKline Services/Commission ( 7 ) des conclusions intéressant la présente procédure.

29.

Selon l’Autorité, le contenu des contrats BIDS révèle que ceux-ci ont pour objet de restreindre la concurrence. La sortie planifiée de transformateurs du secteur dans des proportions équivalant à environ 25 % de la capacité globale serait constitutive d’une limitation de la production ou, à tout le moins, d’une limitation de la capacité également restrictive de la concurrence. L’Autorité attire en outre l’attention sur l’augmentation des prix due au montant des contributions, sur les restrictions en matière d’utilisation et de disposition imposées aux sortants et sur le fait que les restants ne sont pas nécessairement les transformateurs les plus performants. Ces éléments des contrats BIDS sont, d’après elle, également qualifiables de restrictions de concurrence par objet.

30.

Selon elle, les effets positifs des contrats BIDS sont à prendre en compte au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

31.

Dans l’interprétation qu’il donne de la notion de restriction de concurrence par objet, le Royaume de Belgique s’appuie sur la structure de l’article 81 CE. Étant donné que, depuis l’entrée en vigueur du règlement no 1/2003, il incombe aux entreprises d’évaluer elles-mêmes leurs accords, il conviendrait de souligner la différence entre l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 81, paragraphe 3, CE. L’examen effectué en application de l’article 81, paragraphe 1, CE porterait uniquement sur la présence d’une restriction de la concurrence, question qui est distincte de celle de savoir si un accord qui relève du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE peut être compatible avec le marché commun en vertu de l’article 81, paragraphe 3, CE.

32.

Selon le Royaume de Belgique, un accord qui cherche à rationaliser le secteur de la transformation et qui souhaite y parvenir en provoquant le départ de transformateurs représentant 25 % de la capacité globale est un accord qui vise à modifier les conditions du marché. Les contrats BIDS seraient ainsi constitutifs d’une restriction de concurrence par objet.

33.

La Commission remarque que la jurisprudence communautaire sur la notion de restriction de concurrence par objet a certes, dans les premiers temps, porté sur des affaires concernant des restrictions caractérisées, mais que les juridictions communautaires ont depuis lors également qualifié de restriction de concurrence par objet des accords qui poursuivaient des objectifs légitimes. La poursuite d’un objectif légitime ne ferait donc pas obstacle à la qualification de restriction de concurrence par objet et, partant, l’article 81, paragraphe 1, CE s’appliquerait également aux accords dont le but est de surmonter une crise. La Commission considère qu’une interprétation différente n’est pas compatible avec la structure de l’article 81 CE. Elle estime, en outre, qu’il n’est pas nécessaire que la restriction de concurrence soit évidente, pas plus qu’il n’importe que les contrats BIDS soient négociés et conclus secrètement ou publiquement.

34.

Pour ce qui est de l’appréciation des contrats BIDS, la Commission suit pour l’essentiel l’opinion de l’Autorité.

VI — Appréciation juridique

35.

Comme les parties ont une conception différente de la notion de restriction de concurrence par objet, je vais d’abord me pencher sur cette question (A), avant d’examiner si des accords tels que les contrats BIDS ont une restriction de concurrence pour objet (B). En conclusion, j’aborderai la manière dont les différents éléments de ces accords doivent être appréciés à l’aune, en particulier, de l’article 81, paragraphe 1, sous b), CE et de la disposition générale de l’article 81, paragraphe 1, CE (C).

A — Notion de restriction de concurrence par objet

36.

Certes, comme je l’ai fait observer au début des présentes conclusions, la question préjudicielle est limitée à l’interprétation de la notion de restriction de concurrence par objet de l’article 81, paragraphe 1, CE. Une telle interprétation ne saurait toutefois être opérée en faisant abstraction du contexte législatif dans lequel s’insère cette notion. Par conséquent, dans les développements qui suivent, je me pencherai dans un premier temps sur le contenu, la structure et l’application de l’article 81 CE (1), puis, dans un second temps, sur ce qu’il convient d’entendre par «restriction de concurrence par objet» (2).

1. Contenu, structure et application de l’article 81 CE

a) Structure de l’article 81 CE

37.

L’article 81, paragraphe 1, CE interdit en principe tous les accords entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet de restreindre de façon sensible le jeu de la concurrence ( 8 ). Le fait d’avoir une restriction de concurrence pour objet ou pour effet est une condition à caractère alternatif ( 9 ). Dès lors qu’il est établi qu’un accord a pour objet de restreindre la concurrence, la prise en considération de ses effets concrets est superflue ( 10 ). Il est par conséquent suffisant, pour que s’applique le principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE, qu’un accord ait une restriction de concurrence pour objet.

38.

Le principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE peut toutefois être déclaré inapplicable en vertu de l’article 81, paragraphe 3, CE. Quatre conditions doivent être cumulativement réunies pour cela, à savoir, premièrement, que l’accord permette d’atteindre un profit en contribuant à l’amélioration de la production ou de la distribution des produits ou à la promotion du progrès technique ou économique et, deuxièmement, que les utilisateurs se voient réserver une partie équitable de ce profit. Les troisième et quatrième conditions sont, respectivement, que l’accord n’impose pas aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, et qu’il n’ouvre pas la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

39.

L’article 81 CE prévoit ainsi une analyse en deux temps. Ainsi, un accord est compatible avec le marché commun s’il ne relève pas du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE ou si, bien que relevant de ce principe d’interdiction, il remplit les conditions de l’article 81, paragraphe 3, CE. La constatation du fait qu’un accord a pour objet de restreindre de concurrence et, partant, qu’il relève de l’article 81, paragraphe 1, CE ne permet pas de conclure de manière définitive que celui-ci est incompatible avec le marché commun. Il faut avoir cette différence entre l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 81, paragraphe 3, CE à l’esprit lors de l’examen tendant à établir si les conditions d’une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE sont réunies.

b) Application de l’article 81 CE

40.

Avant le 1er mai 2004, la distinction entre l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 81, paragraphe 3, CE jouait un rôle important sur le plan procédural. L’article 4, paragraphe 1, du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, relatif à l’application des articles [81] et [82] du traité ( 11 ), avait instauré un système d’interdiction sous réserve d’exemption: tout accord qui tombait sous le coup du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE et qui ne relevait pas d’un règlement d’exemption par catégorie devait être notifié à la Commission, qui seule pouvait exempter un tel accord du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE.

41.

L’entrée en vigueur du règlement no 1/2003 ( 12 ) a eu pour effet de remplacer ce système par un dispositif d’auto-évaluation. Les accords qui relèvent du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE, mais remplissent les conditions de l’article 81, paragraphe 3, CE ne sont pas interdits, sans qu’une décision préalable de la Commission soit nécessaire à cet effet ( 13 ). Il incombe désormais en principe aux entreprises concernées — en recourant éventuellement aux services d’un conseil juridique — d’examiner si les conditions de l’article 81, paragraphes 1, et 3, CE sont remplies ( 14 ).

2. Restriction de concurrence par objet

42.

L’objet de l’accord doit consister en une restriction de concurrence. Certes, il s’agit d’un critère difficile à saisir ( 15 ). L’article 81 CE protège la concurrence, en particulier au titre de sa fonction de formation d’un marché unique réalisant des conditions analogues à celles d’un marché intérieur et au titre de sa fonction de satisfaire de manière optimale les besoins des consommateurs ( 16 ). Pour établir si un accord porte atteinte à cet intérêt juridiquement protégé, les juridictions communautaires recherchent si celui-là restreint la liberté d’une ou de plusieurs entreprises de déterminer de manière autonome la politique qu’elles entendent suivre sur le marché commun (exigence d’autonomie), et si cette restriction de leur liberté affecte sensiblement les conditions du marché ( 17 ).

43.

Selon la jurisprudence des juridictions communautaires, il faut, pour déterminer si un accord a pour objet de restreindre la concurrence, se fonder sur le contenu de cet accord, tout en tenant compte de son contexte juridique et économique ( 18 ). Dans les développements qui suivent, je vais d’abord me pencher sur la question de savoir quel est le critère déterminant pour apprécier si un accord a une restriction de concurrence pour objet (a). Ensuite, je m’interrogerai sur le point de savoir si cette notion est limitée aux restrictions de concurrence évidentes (b) et s’il existe une liste limitative de restrictions de concurrence par objet (c). J’exposerai, pour terminer, quels sont les éléments du contexte juridique et économique qui peuvent être pertinents pour la présence d’une restriction de concurrence, et quels sont ceux qui ne le sont pas (d).

a) Critère de la restriction de concurrence par objet

44.

Comme son nom l’indique, la notion de restriction de concurrence par objet met d’abord l’accent sur la finalité de l’accord. Les juridictions communautaires ont retenu une finalité ou une tendance anticoncurrentielle, en particulier dans le cas des accords qui entraînent nécessairement une restriction de concurrence ( 19 ). Dans ce cas de figure, les parties ne sont fondamentalement pas admises à faire valoir que la restriction de concurrence n’était pas intentionnelle ou que l’accord poursuivait également un autre objectif ( 20 ).

45.

Cette jurisprudence ne signifie toutefois pas que la volonté des parties ne peut pas être prise en compte. Elle exprime seulement l’idée selon laquelle des entreprises qui agissent de manière rationnelle sont, dans un contexte donné, conscientes des conséquences vraisemblables de l’accord, si bien qu’elles sont supposées les avoir voulues, au moins dans une certaine mesure ( 21 ).

46.

En réalité, il ressort du caractère alternatif de la restriction de concurrence par objet et de la restriction de concurrence par effet à l’article 81, paragraphe 1, CE ( 22 ), de même que du fait que l’article 81, paragraphe 1, CE se présente, dans la branche de l’alternative que constitue la restriction de concurrence par objet, comme un délit de mise en danger potentielle («abstraktes Gefährdungsdelikt») ( 23 ), qu’il convient de ne pas se fonder exclusivement sur les conséquences qui découlent nécessairement de l’accord. La volonté des parties à cet accord peut, elle aussi, être prise en compte ( 24 ). Celle-ci peut être en particulier déduite de la genèse de l’accord ( 25 ).

b) La notion de restriction de concurrence par objet est-elle limitée aux restrictions évidentes de la concurrence?

47.

Il ressort de ce qui a été dit jusqu’à présent que la catégorie des restrictions de concurrence par objet ne peut pas être réduite aux accords qui restreignent la concurrence de manière évidente. Dès lors qu’il convient de tenir compte non seulement du contenu d’un accord, mais aussi de son contexte juridique et économique, sa qualification en tant que restriction de concurrence par objet ne saurait dépendre du fait que cet objet est reconnaissable du premier coup d’œil ou qu’il ne se révèle qu’à travers un examen détaillé des circonstances et de la volonté des parties ( 26 ).

c) Existe-t-il une liste limitative des restrictions de concurrence par objet?

48.

À mon avis, la notion de restriction de concurrence par objet ne peut pas non plus être réduite à une liste limitative. L’emploi du terme «notamment» à l’article 81, paragraphe 1, CE suffit à indiquer que l’énumération de l’article 81, paragraphe 1, sous a) à e), CE n’épuise pas les hypothèses de restriction de concurrence au sens de cette disposition. Par conséquent, la notion de restriction de concurrence par objet ne peut pas être limitée aux exemples de l’article 81, paragraphe 1, sous a) à c), CE ( 27 ).

49.

Ensuite, la notion de restriction de concurrence par objet ne peut pas être réduite à la fixation des prix, à la répartition des marchés ou au contrôle des débouchés. Le fait que de nombreuses décisions des juridictions communautaires aient traité de ces types de restrictions de concurrence ne signifie pas que des accords ayant un propos différent ne puissent pas avoir une restriction de concurrence pour objet ( 28 ).

d) Contexte juridique et économique

50.

J’ai déjà fait observer qu’il convenait, lors de l’examen visant à établir si un accord a une restriction de concurrence pour objet, de tenir compte non seulement de son contenu, mais aussi de son contexte juridique et économique ( 29 ). Cette règle doit être prise au sérieux, mais il serait erroné de la comprendre comme une porte ouverte à tous les éléments susceptibles de jouer en faveur de la compatibilité d’un accord avec le marché commun. En réalité, il ressort de la structure de l’article 81 CE que les éléments du contexte juridique et économique qui entrent en ligne de compte au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE sont uniquement ceux qui sont de nature à faire douter de l’existence d’une restriction de la concurrence ( 30 ).

51.

Je souhaite maintenant exposer trois cas de figure dans lesquels le contexte factuel et juridique d’un accord  peut conduire à infirmer ou, à tout le moins, à faire douter de la présence d’une restriction de concurrence ( 31 ).

52.

Le premier cas de figure concerne des situations dans lesquelles une restriction de la liberté des entreprises de déterminer leur politique de manière autonome ne produit pas d’effets pertinents sur le plan de la concurrence. Tel peut être le cas lorsqu’il n’est pas certain que les entreprises parties à l’accord soient en concurrence ( 32 ). Il peut également s’agir de cas dans lesquels il n’est même pas certain qu’il existe une concurrence suffisante, susceptible d’être restreinte par l’accord ( 33 ).

53.

Le deuxième cas de figure concerne les situations dans lesquelles un accord a des effets ambivalents sur la concurrence. Si un accord cherche à encourager la concurrence, par exemple à renforcer la concurrence sur un marché, à ouvrir un marché ou à permettre l’entrée d’un nouveau concurrent sur un marché, la limitation de l’exigence d’autonomie qui est nécessaire pour atteindre ce but peut, dans le cadre d’une analyse d’ensemble, céder le pas à l’objectif de stimulation de la concurrence ( 34 ).

54.

Le troisième cas de figure concerne les restrictions accessoires qui sont nécessaires à la poursuite d’un objectif principal ( 35 ). Aux fins de la présente procédure préjudicielle, cette catégorie doit donner lieu à la distinction suivante: si l’objectif principal poursuivi ne relève pas du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE, parce qu’il est neutre sur le plan de la concurrence ou qu’il la favorise, les restrictions accessoires qui sont nécessaires pour atteindre cet objectif n’en relèvent pas non plus ( 36 ). Dans ces cas, une restriction de concurrence ne saurait être retenue. Par contre, il y a restriction de concurrence dès lors que l’objectif principal poursuivi relève du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE ( 37 ).

55.

Les éléments qui ne sont pas de nature à faire naître un doute sur la présence d’une restriction de la concurrence, telle l’amélioration de la production grâce à des économies d’échelle, ne peuvent — même lorsque, en définitive, ils jouent en faveur de la compatibilité d’un accord avec l’article 81 CE — entrer en ligne de compte qu’au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, et non au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE ( 38 ).

56.

Cette distinction ressort du libellé même de l’article 81, paragraphe 3, CE, qui établit que les effets de ce type sont à prendre en compte au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Cette distinction repose sur l’idée suivante: dans sa conception d’ensemble, l’article 81 CE recherche la satisfaction optimale des besoins des consommateurs ( 39 ). L’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 81, paragraphe 3, CE prennent toutefois en compte des aspects différents de ce bien-être des consommateurs. L’article 81, paragraphe 1, CE interdit en principe ( 40 ) les accords qui restreignent la concurrence entre les opérateurs du marché et donc en particulier sa fonction consistant à satisfaire de manière optimale les consommateurs en leur fournissant des produits au prix le plus faible possible ( 41 ) ou des produits innovants ( 42 ). De tels accords portent directement atteinte au bien-être des consommateurs et, partant, sont en principe interdits.

57.

L’article 81, paragraphe 3, CE reconnaît toutefois que des accords qui restreignent la concurrence entre les opérateurs du marché conduisent, entre autres, à une baisse des coûts de production et que cette baisse des coûts de production peut indirectement contribuer au bien-être des consommateurs ( 43 ). Cependant, comme la baisse des coûts de production bénéficie d’abord directement aux producteurs ( 44 ), la compatibilité d’un tel accord avec le marché commun est, à l’article 81, paragraphe 3, CE, subordonnée entre autres à la condition que les consommateurs profitent des économies réalisées. Le législateur communautaire a transposé cette idée dans le droit de la preuve en exigeant des parties à un accord restrictif de concurrence qu’elles démontrent que les conditions de l’article 81, paragraphe 3, CE sont réunies, et en particulier que les consommateurs en ont, eux aussi, tiré profit ( 45 ).

58.

Pour ces raisons, des éléments qui ne sont pas de nature à faire naître un doute sur la présence d’une restriction de la concurrence, telle la rationalisation de la production grâce à des économies d’échelle, ne peuvent — même lorsque, en définitive, ils jouent en faveur de la compatibilité d’un accord avec l’article 81 CE — entrer en ligne de compte qu’au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, et non au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE ( 46 ).

3. Conclusion

59.

Il ressort de ce qui précède que l’on ne saurait suivre la conception restrictive de la BIDS. La notion de restriction de concurrence par objet ne suppose pas une restriction évidente de la concurrence. Par ailleurs, il n’y a pas de liste limitative des restrictions de concurrence par objet. Le contexte juridique et économique ne doit être pris en considération que dans la mesure où il est de nature à faire douter de la présence d’une restriction de la concurrence. D’autres éléments, même s’ils doivent être appréciés positivement au regard du marché commun, n’entrent en ligne de compte qu’au stade de l’article 81, paragraphe 3, CE.

B — Des accords tels que les contrats BIDS ont-ils une restriction de concurrence pour objet?

60.

Il convient de retenir à titre préliminaire que l’article 81, paragraphe 1, CE est applicable à l’activité et aux produits du secteur de la transformation ( 47 ). Comme je l’ai précédemment exposé ( 48 ), le schéma d’analyse pour déterminer si des accords tels que les contrats BIDS ont une restriction de concurrence pour objet est le suivant: il convient d’abord d’examiner si de tels accords entraînent nécessairement des restrictions de concurrence ou s’ils tendent à restreindre la liberté des parties de déterminer de manière autonome la politique qu’elles entendent suivre sur le marché (1) et, de ce fait, à altérer les conditions du marché (2). À la suite de cela, j’examinerai dans le cadre d’une analyse d’ensemble si les éléments restrictifs de concurrence sont nécessaires pour atteindre un objectif favorisant la concurrence ou un objectif principal qui ne relève pas du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE (3).

1. Restriction de la liberté des parties de déterminer de manière autonome la politique qu’elles entendent suivre sur le marché

61.

Des accords tels que les contrats BIDS impliquent une restriction de la liberté des sortants et des restants de déterminer de manière autonome leur politique sur le marché. Il est prévu, en particulier, que les sortants, dans le contrat de sortie, s’engagent à sortir du marché, à respecter une clause de non-concurrence et à observer des restrictions quant à l’utilisation et à la disposition des installations mises hors service ( 49 ). Aux termes de l’accord BIDS, les restants doivent, de leur côté, s’engager à verser des contributions.

2. Altération des conditions du marché

62.

Il est nécessaire que ces limitations de l’exigence d’autonomie conduisent à une altération des conditions du marché. À ce propos, il convient d’attirer l’attention sur le fait que le rôle de la Cour dans le cadre d’un recours préjudiciel n’est pas en principe de contrôler les constatations de fait opérées par les juridictions nationales. Il ne lui incombe pas davantage d’examiner si la Supreme Court est liée par les constatations de la High Court. Par contre, la Cour a pour mission d’interpréter le droit communautaire de telle manière que la juridiction nationale de renvoi soit en mesure de l’appliquer correctement. À ce titre, il lui incombe de déterminer quels sont les éléments de fait qui présentent de l’importance pour l’application du droit communautaire, et quels sont ceux qui n’en ont pas.

63.

Le point de savoir si un accord altère les conditions du marché peut être établi par le biais d’une comparaison entre deux situations hypothétiques ( 50 ).

64.

Le premier terme de cette comparaison (la «première hypothèse de comparaison») consiste à imaginer la situation telle qu’elle serait sans les contrats BIDS. Les points a) à d) de la question préjudicielle, en particulier, permettent de se faire une idée sur cette question. Je déduis du point c) de la question préjudicielle et du dossier de l’affaire que, jusqu’à présent, les transformateurs n’ont pas encore quitté le marché dans des proportions significatives et que, sans l’accord BIDS, les sorties du marché n’atteindraient pas, du moins à court terme, 25 % de la capacité de production de l’ensemble du secteur de la transformation.

65.

Le second terme de cette comparaison (ci-après la «seconde hypothèse de comparaison») consiste à imaginer la situation telle qu’elle serait en cas d’application des contrats BIDS. Il s’agit ici d’examiner si les contrats BIDS visent à restreindre la concurrence. Dans cette seconde hypothèse, il convient donc — comme je l’ai précédemment ( 51 ) exposé — de s’attacher aux effets qui découlent nécessairement des dispositions décrites aux points 1 à 9 de la question préjudicielle, ainsi qu’aux effets que les parties veulent atteindre au moyen de ces dispositions.

66.

Il convient de constater, à titre préliminaire, que l’accord BIDS est un accord horizontal, c’est-à-dire un accord entre des concurrents qui se situent au même niveau du marché. Le contrat de sortie se présente, lui aussi, comme un accord horizontal entre un transformateur et la BIDS, qui est un groupement de transformateurs.

a) Réduction de 25 % de la capacité de production de l’ensemble du secteur de la transformation

67.

L’objectif des contrats BIDS est de réduire, par le départ de transformateurs du marché, la capacité de production de l’ensemble du secteur de la transformation de 25 %. La sortie du marché des transformateurs et l’interdiction prévue d’utiliser leurs installations de transformation me semblent fondamentalement de nature à restreindre la concurrence entre les restants sur le marché ( 52 ).

68.

La concurrence ne joue pas uniquement lorsque les producteurs peuvent pleinement exploiter leurs capacités, mais aussi lorsqu’ils ont des surcapacités. Un producteur supporte des coûts fixes au titre de la mise à disposition et de l’entretien d’installations de production. Lorsque les installations de production sont faiblement utilisées, ces coûts fixes ont des répercussions plus importantes sur les coûts de production à l’unité qu’en cas d’utilisation intensive puisque, dans cette dernière hypothèse, la part des coûts fixes diminue dans les coûts de production à l’unité (phénomène dit des «économies d’échelle»). Le producteur a donc fondamentalement un intérêt à réaliser des économies d’échelle en utilisant ses installations de production au maximum de leur capacité ( 53 ).

69.

La BIDS met cela en cause, en s’appuyant sur les éléments suivants: la réduction des capacités globales ne conduit pas, selon elle, à une baisse de la production totale, pas plus que le prix des produits des transformateurs n’augmente. Elle prétend qu’il s’agit d’une réduction unique de la capacité de production de l’ensemble du marché. Avant de me pencher sur ces éléments, je souhaiterais de nouveau attirer l’attention sur le fait que, à ce stade de l’analyse, il n’est possible de prendre en considération que des éléments de nature à faire douter de l’existence d’une restriction de concurrence ( 54 ).

70.

Premièrement, il me semble que logiquement, à production globale constante ( 55 ), il y a en principe davantage de concurrence entre les opérateurs d’un marché connaissant de fortes surcapacités que sur un marché à faibles (ou sans) surcapacités. Sur un marché à fortes surcapacités, il est plus difficile, pour un producteur moyen, d’atteindre le même degré d’utilisation de ses installations de production que sur un marché à faibles surcapacités. Étant donné que les économies d’échelle baissent de manière concomitante au coefficient d’utilisation, un producteur moyen est soumis à une pression concurrentielle plus forte dans un marché à fortes surcapacités que dans un marché à faibles surcapacités. Les économistes reconnaissent le lien d’interdépendance entre surcapacités, économies d’échelle et pression concurrentielle ( 56 ).

71.

Je ne vois en l’espèce pas de raison qui s’oppose à l’existence de cette interdépendance. En particulier, le fait que les surcapacités soient le résultat d’une politique d’encouragement de la construction et du développement d’installations de transformation et d’une répartition plus équilibrée du produit d’amont à transformer, plutôt que d’une baisse de la demande, ne me semble pas significatif quant à l’existence de ce lien d’interdépendance. Le fait que l’étude de marché ait également constaté cette interdépendance me conforte en ce sens. L’absence de baisse de la production globale n’est donc en tant que telle pas de nature à écarter l’existence d’une restriction de la concurrence ( 57 ).

72.

Deuxièmement, le fait que les prix ne vont pas augmenter n’est à mon avis pas davantage de nature à exclure une restriction de concurrence. Il est ici seulement question de savoir si des accords tels que les contrats BIDS ont une restriction de concurrence pour objet. La présence d’une restriction de concurrence et les effets possibles d’une restriction de concurrence sur les prix sont deux questions qui doivent être distinguées l’une de l’autre, ne serait-ce que parce que les prix peuvent être influencés par toute une série de facteurs qui ne sont pas tous de nature à exclure l’existence d’une restriction de concurrence.

73.

Les augmentations de prix seraient en l’espèce prétendument exclues en raison des économies d’échelle réalisées grâce à l’amélioration de l’utilisation des capacités et au pouvoir des clients des transformateurs. Certes, il est possible que la réduction de la capacité de production de l’ensemble du secteur de la transformation entraîne, le cas échéant, des économies d’échelle. Celles-ci ne sont toutefois pas de nature à exclure l’existence d’une restriction de concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, mais, en tant qu’économies bénéficiant d’abord directement aux transformateurs, sont à prendre en compte au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE ( 58 ). La puissance de négociation des clients des transformateurs, même dans l’hypothèse où elle empêcherait les prix d’augmenter, n’est pas susceptible non plus de faire douter de l’existence d’une restriction de la concurrence et doit par conséquent être prise en compte au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE ( 59 ).

74.

Il n’y a pas non plus de comparaison possible entre la situation en l’espèce et les faits à l’origine de l’arrêt GlaxoSmithKline Services/Commission ( 60 ). Dans cette affaire — qui d’ailleurs concerne une réglementation de prix verticale —, les prix pratiqués auprès des consommateurs finals étaient déterminés dans une large mesure par des dispositions législatives et, ainsi, soustraits en grande partie aux effets de l’offre et de la demande ( 61 ). Dans un tel cas de figure, il peut y avoir des doutes quant au point de savoir si une réglementation verticale de prix est de nature à restreindre la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE ( 62 ). La présente affaire n’est cependant pas comparable, ne serait-ce que parce qu’il n’y a pas de dispositions législatives qui pourraient empêcher que des économies résultant du jeu de la concurrence entre les restants soient répercutées sur les consommateurs.

75.

En outre, le fait que les prix n’augmenteront pas n’exclut pas toute possibilité de concurrence efficace. Au contraire, dans un marché doté de fortes surcapacités et d’une production globale constante, le fait de baisser les prix est une mesure concurrentielle classique. Elle permet à un producteur de regrouper une part relativement importante de la demande sur ses produits et ainsi d’augmenter son coefficient d’utilisation des capacités et de réaliser des économies d’échelle ( 63 ). Par conséquent, le fait que les prix n’augmenteront pas n’est, en tant que tel, pas de nature à exclure l’existence d’une restriction de concurrence.

76.

Troisièmement, on ne comprend pas comment le fait qu’il s’agisse d’une réduction «en une seule fois» de la capacité globale serait susceptible d’exclure une restriction de la concurrence par réduction des capacités globales. On fera en outre observer que les effets des contrats de sortie et de l’accord BIDS sont loin d’être ponctuels. Ainsi, la clause de non-concurrence pour les sortants est valable pendant deux ans et les restrictions d’utilisation et de disposition le sont pendant cinq ans.

77.

En conclusion, je ne peux discerner ni dans les éléments qui ont été exposés par la BIDS ni dans d’autres éléments de l’affaire au principal de raison de douter du lien entre, d’une part, une réduction de 25 % de l’ensemble de la capacité de production du secteur de la transformation, résultant du départ de certains transformateurs et, d’autre part, une restriction de la concurrence. L’accord consiste en réalité en un rachat de concurrence. S’agissant d’une réduction de 25 % de la capacité globale, je n’ai aucun doute sérieux quant à l’effet sensible d’une telle mesure sur la concurrence. Sous réserve de l’analyse d’ensemble qu’il me reste à effectuer ci-après sous 3), j’en conclus que la réduction de 25 % de la capacité de production de l’ensemble du secteur de la transformation semble tendre à une restriction sensible de la concurrence ( 64 ).

b) Sorties du marché

78.

Ainsi que je l’ai précédemment ( 65 ) évoqué, je déduis du point c) de la question préjudicielle et du dossier de l’affaire que, jusqu’à présent, les transformateurs n’ont pas encore quitté le marché dans des proportions significatives et que, sans l’accord BIDS, les sorties du marché n’atteindraient pas, du moins à court terme, 25 % de la capacité de production de l’ensemble du secteur de la transformation.

79.

Dans un souci d’exhaustivité, je vais maintenant m’interroger à titre complémentaire sur le point de savoir s’il conviendrait de retenir une restriction de concurrence dans le cas où surviendrait, dans la première hypothèse de comparaison (sans accords tels que les contrats BIDS), un phénomène de sorties du marché d’une ampleur comparable, mais trouvant son origine dans les mécanismes du marché.

80.

En vertu de l’article 81, paragraphe 1, CE, toute restriction de l’exigence d’autonomie est interdite lorsqu’elle aboutit à des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des produits ou des prestations fournies, de l’importance et du nombre des entreprises et du volume dudit marché ( 66 ).

81.

Dans la première hypothèse de comparaison (sans contrats BIDS), la fonction de sélection de la concurrence aboutirait en principe au maintien sur le marché des transformateurs les plus performants, ou de ceux qui satisfont le mieux les exigences de leurs clients et en définitive des consommateurs. Si, dans la seconde hypothèse de comparaison (avec contrats BIDS), la sélection des restants se fait non par le jeu des mécanismes du marché, mais par le biais d’un accord entre les transformateurs, la fonction sélective de la concurrence est altérée. Cette conclusion est en particulier confortée par le fait que l’accord BIDS ne prévoit pas qu’un transformateur puisse fermer certaines de ses installations seulement. Ainsi, l’accord BIDS ne permet pas à un transformateur de fermer ses installations de transformation non rentables et de se maintenir sur le marché avec les installations rentables.

82.

Il me semble, sous réserve de l’analyse d’ensemble qu’il me reste à effectuer ci-après sous 3), que cette atteinte à la fonction de sélection de la concurrence tend à une restriction de la concurrence ( 67 ).

c) Versement de contributions

83.

Il convient, tout d’abord, de constater que le versement de contributions empêche les restants de disposer librement des sommes correspondantes et augmente leurs coûts de transformation. Du fait de cette augmentation des coûts de transformation, les restants atteignent plus rapidement le seuil déficitaire. Une restriction de concurrence peut en découler, dans l’hypothèse où les montants versés au titre des contributions auraient des effets sensibles sur le comportement des restants sur le marché ( 68 ). Il incombe par conséquent à une juridiction nationale d’examiner si les contributions, indépendamment de leur montant, peuvent avoir des effets sensibles sur le comportement des restants sur le marché.

84.

Par ailleurs, l’augmentation du montant de la contribution au-delà du volume habituellement abattu est de nature à conduire à une restriction de concurrence entre les restants. Certes, la BIDS a présenté la contribution comme étant un simple «prix» à payer au titre de la reprise des parts de marché des sortants par les restants. Les restants devraient encore se battre pour les conquérir, chacun d’entre eux supportant ce faisant un coût de 11 euros. Partant, la concurrence entre les restants ne serait pas restreinte.

85.

Il suffit ici de faire observer qu’une telle réglementation conduit nécessairement à protéger les restants en ce qui concerne leur part de marché habituelle. Un restant qui a déjà atteint son volume habituellement abattu (transformateur à rendement supérieur) et est en concurrence avec un restant qui n’a pas encore atteint son volume habituellement abattu (transformateur à rendement inférieur) est pénalisé de 9 euros par rapport à ce dernier, tant que celui-ci n’a pas atteint son volume habituellement abattu. Par conséquent, l’échelonnement de la contribution a tendance à protéger chaque restant dans le cadre de son volume habituellement abattu. Cependant, les restants ne sont pas en concurrence qu’en ce qui concerne la conquête des parts de marché libérées par les sortants, mais aussi dans le cadre des volumes habituellement abattus. L’échelonnement des contributions est ainsi constitutif d’une restriction supplémentaire à la concurrence en ce qui concerne le volume habituellement abattu. Si un transformateur peut, en se fondant sur les conditions du marché, supposer que la production globale va à l’avenir stagner ou chuter ( 69 ), il peut par ailleurs prévoir très exactement à partir de quel moment il dépasse son volume habituellement abattu.

86.

Il est indifférent, pour les raisons précitées ( 70 ), que les contributions n’entraînent ni de réduction de la production globale ni d’augmentation des prix. Le fait que les contributions soient en principe limitées à un an n’est pas non plus susceptible d’exclure de manière générale la possibilité de retenir une restriction de concurrence. De telles circonstances peuvent, le cas échéant, être prises en compte au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

d) Dispositions en matière d’utilisation et de disposition

87.

Les dispositions en matière d’utilisation et de disposition sont, dans la mesure où leur objet est d’empêcher que les sortants entrent de nouveau sur le marché, une mesure qui assure l’effectivité et donc renforce les effets des sorties du marché. Je renvoie à ce propos à mes précédents développements ( 71 ).

88.

Par ailleurs, les restrictions d’utilisation et de disposition peuvent aussi tendre à dissuader la concurrence potentielle de la part de tiers qui ne sont pas membres de la BIDS. S’il est établi que la construction de nouvelles installations de transformation n’est pas raisonnable, économiquement parlant, dans les conditions actuelles du marché ( 72 ), des restrictions d’utilisation et de disposition, telles qu’elles sont prévues dans les contrats BIDS, me semblent être fondamentalement de nature à restreindre la concurrence potentielle provenant de tiers.

89.

Or, la concurrence potentielle est, elle aussi, protégée par l’article 81, paragraphe 1, CE ( 73 ). Dès lors qu’il est établi que, par le passé, de nouveaux concurrents ont pu pénétrer avec succès sur le marché, il ne semble pas purement hypothétique que cela puisse se reproduire à l’avenir ( 74 ). Par conséquent, il y a de bonnes raisons de penser que les dispositions en matière d’utilisation et de disposition restreignent l’accès au marché de concurrents potentiels.

90.

La question de savoir si des concurrents tiers potentiels ont d’autres possibilités d’accéder au marché ne peut, de mon point de vue, jouer un rôle qu’au niveau de l’appréciation de l’effet sensible de la restriction de concurrence. Étant donné qu’environ 25 % des capacités de production totales doivent être frappées d’une interdiction d’utilisation et de disposition, il semble très vraisemblable que la restriction de concurrence ait un effet sensible.

91.

Il incombe donc à une juridiction nationale d’examiner s’il existe des concurrents potentiels susceptibles d’entrer sur le marché et si ceux-ci pourraient avoir de l’intérêt à recourir à cette fin aux installations de transformation des sortants.

92.

Ensuite, les restants ne peuvent pas utiliser les établissements fermés pour développer leur capacité. Cette interdiction représente, elle aussi, une restriction de concurrence, surtout lorsque la construction de nouvelles installations de transformation n’est pas raisonnable, économiquement, dans les conditions actuelles du marché ( 75 ).

93.

Pour les raisons précédemment ( 76 ) citées, il est indifférent que les dispositions en matière d’utilisation et de disposition n’entraînent ni de réduction de la production globale ni d’augmentation des prix.

e) Conclusion

94.

Par conséquent, sous réserve de la prise en considération d’un objectif des contrats BIDS qui favorise la concurrence, ou d’un objectif principal qui ne soulève aucune objection du point de vue concurrentiel, je conclus à titre intermédiaire qu’au moins les trois éléments suivants de l’accord, à savoir la réduction envisagée de 25 % de l’ensemble de la capacité de production du secteur de la transformation résultant du départ de certains transformateurs, l’échelonnement des contributions et les restrictions d’utilisation et de disposition, entraînent nécessairement une restriction de concurrence.

95.

Par pur souci d’exhaustivité, je souhaite à cet égard attirer l’attention sur le fait que la BIDS n’a pas agi sous la contrainte de l’État ( 77 ). La circonstance que l’étude de marché ait été financée par le gouvernement irlandais et que le groupe de travail sur la viande bovine ait invité le secteur de la transformation à mettre cette étude de marché en œuvre n’est pas assimilable à une contrainte étatique.

3. Prise en considération des objectifs poursuivis par les contrats BIDS

96.

La BIDS prétend que les contrats BIDS ont pour but de restreindre les surcapacités et de réaliser des économies d’échelle. Elle affirme que le système de contributions et les restrictions d’utilisation et de disposition, en particulier, sont justifiés au regard de cet objectif légitime.

97.

Premièrement, je souhaite rappeler ici que le présent examen porte exclusivement sur le point de savoir si un accord a une restriction de concurrence pour objet. L’examen en vertu de l’article 81, paragraphe 1, CE ne porte pas sur la question de savoir si la restriction de concurrence est évidente ou contestable au point de pouvoir être comparée à une entente caractérisée.

98.

Deuxièmement, il convient de considérer que, en vertu d’une jurisprudence constante, la circonstance qu’un secteur traverse une crise conjoncturelle ou structurelle ne fait pas obstacle à l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE ( 78 ).

99.

Troisièmement, en vertu de la jurisprudence de la Cour, le fait que l’accord poursuive un but légitime n’exclut pas, en principe, la présence d’une restriction de concurrence par objet ( 79 ).

100.

Il n’en va autrement, selon la jurisprudence de la Cour précédemment citée ( 80 ), que lorsqu’un accord poursuit un objectif qui soit favorise la concurrence, soit est neutre par rapport à la concurrence. Aucune de ces conditions n’est en l’espèce remplie, l’objectif d’augmenter la rentabilité de l’ensemble du secteur de la transformation par le biais d’une réduction de 25 % des surcapacités aboutissant nécessairement à une restriction de la concurrence ( 81 ).

101.

Quatrièmement, l’objectif de la BIDS consiste à obtenir des avantages en termes de production par le biais d’économies d’échelle. Il ressort toutefois de l’articulation de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 81, paragraphe 3, CE qu’un tel objectif ne peut être pris en compte qu’au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE ( 82 ).

4. Conclusion

102.

En conclusion, il convient de retenir qu’un accord tel que les contrats BIDS a une restriction de concurrence pour objet.

C — Appréciation finale des éléments d’un accord tel que les contrats BIDS

103.

Je vais maintenant exposer comment il convient d’apprécier les différents éléments d’accords tels que les contrats BIDS par rapport au cas de figure visé à l’article 81, paragraphe 1, sous b), CE et par rapport à la clause générale de l’article 81, paragraphe 1, CE.

104.

Il est vrai que certaines réserves me semblent de mise quant à une catégorisation excessive des restrictions de la concurrence. Le contenu d’un accord doit toujours être examiné en tenant compte de son contexte juridique et économique. La présente affaire montre à mon avis qu’une approche consistant à comparer un accord avec des exemples caractérisés de restrictions graves de la concurrence n’est pas toujours pertinente et qu’elle peut même détourner de la question proprement dite de savoir s’il y a restriction de concurrence par objet. De plus, comme les cas de figure envisagés à l’article 81, paragraphe 1, sous a) à e), CE constituent une liste non limitative d’exemples, une telle catégorisation n’est d’ailleurs pas absolument nécessaire. Juridiquement, il suffit en réalité d’examiner si les éléments constitutifs de la clause générale sont réunis dans le cas d’espèce.

105.

Pour des entreprises et leurs conseils juridiques, la formation de catégories peut toutefois se révéler utile, en particulier dans le contexte du système d’auto-évaluation désormais en vigueur. Par conséquent, je propose à la Cour de classer les restrictions de concurrence par objet précédemment identifiées dans les catégories suivantes:

106.

La réduction de la capacité globale est en soi une restriction de concurrence qui relève de la clause générale de l’article 81, paragraphe 1, CE. La question de savoir si elle est en outre qualifiable de limitation de la production au sens de l’article 81, paragraphe 1, sous b), CE ( 83 ) peut ici être laissée en suspens. Dans la mesure où — comme en l’espèce — la restriction de la capacité globale est atteinte au moyen de la sortie du marché de transformateurs particuliers, c’est-à-dire au moyen de l’arrêt de leur production, il y a également limitation de la production au sens de l’article 81, paragraphe 1, sous b), CE. Plusieurs éléments me semblent indiquer que cette condition ne vise pas nécessairement exclusivement la limitation de la production globale, mais qu’il peut également s’agir d’une limitation de la production d’un seul opérateur du marché: premièrement, la manière même dont est libellé l’article 81, paragraphe 1, sous b), CE; deuxièmement, une mise en parallèle avec les autres cas de figure envisagés; troisièmement, la finalité de la disposition. L’objectif de protection de l’article 81, paragraphe 1, CE, qui est de préserver la concurrence dans sa fonction de satisfaire de manière optimale les besoins des consommateurs en leur fournissant un produit au prix le plus bas possible, me semble en effet opérer dès lors qu’un acteur du marché restreint ou cesse totalement sa production.

107.

L’échelonnement des contributions est de nature à dissuader un restant de développer sa part de marché au détriment de la part de marché habituelle d’un autre restant. Par conséquent, il est lui aussi constitutif d’une limitation de la production.

108.

Les restrictions d’utilisation et de disposition sont également de nature à limiter l’augmentation de la production qu’un transformateur pourrait atteindre en augmentant sa capacité, et doivent par conséquent être, elles aussi, qualifiées de limitation de la production.

VII — Conclusion

109.

Au regard de ce qui précède, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle de la Supreme Court de la manière suivante:

«Un accord qui a le contenu exposé dans la question préjudicielle a, dans les conditions que celle-ci décrit, une restriction de concurrence pour objet et, partant, n’est pas compatible avec l’article 81, paragraphe 1, CE, pour autant que les autres conditions de cette disposition sont remplies.»


( 1 ) Langue originale: l’allemand.

( 2 ) JO 2003, L 1, p. 1.

( 3 ) Il s’agit de la BIDS.

( 4 ) L’expression entre parenthèses «les sortants» n’a pas été reproduite.

( 5 ) L’expression entre parenthèses «les restants» n’a pas été reproduite.

( 6 ) Arrêt du 27 septembre 2006 (T-168/01, Rec. p. II-2969).

( 7 ) Précité.

( 8 ) Voir texte intégral de l’article 81, paragraphe 1, CE au point 3 des présentes conclusions.

( 9 ) Arrêt du 30 juin 1966, Société technique minière (56/65, Rec. p. 337, 359).

( 10 ) Ibidem et arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, Rec. p. 429, 496).

( 11 ) JO 1962, L 13, p. 204.

( 12 ) Le règlement no 1/2003 est entré en vigueur le 1er mai 2004.

( 13 ) Article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1/2003.

( 14 ) Le schéma d’analyse en deux temps de l’article 81 CE joue toutefois un rôle dans le cadre de la répartition de la charge de la preuve. Aux termes de l’article 2 du règlement no 1/2003, il incombe à la partie ou à l’autorité qui se prévaut du principe d’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE de prouver que ses conditions d’application sont remplies, tandis que la partie qui invoque l’inapplicabilité de ce principe d’interdiction doit apporter la preuve des conditions de l’article 81, paragraphe 3, CE.

( 15 ) Sur la notion de restriction de la concurrence, voir Bellamy & Child, European Community Law of Competition, Oxford, 6e édition, 2008, nos 2.062 à 2.120; Wish, R., Competition Law, London, 5e édition, 2003, p. 106 à 128, ainsi que Faull, J., et Nikpay, A., The EC Law of Competition, Oxford, 1999, points 2.56 à 2.99.

( 16 ) Arrêts du 25 octobre 1977, Metro/Commission (26/76, Rec. p. 1875, point 20); du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C-49/92 P, Rec. p. I-4125, point 117), et du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax (C-238/05, Rec. p. I-11125, point 52); sur l’aspect, en particulier, du bien-être du consommateur, voir Leupold, H., et Weidenbach, G., «Neues zum Verhältnis zwischen Art. 81 Abs. 1 und Art. 81 Abs. 3 EG-Vertrag?», Wirtschaft und Wettbewerb, 2006, p. 1003, 1008, note 28 avec des références supplémentaires.

( 17 ) Voir arrêts précités Commission/Anic Partecipazioni, point 117, et Asnef-Equifax, point 52. Voir arrêt de principe sur la question des effets sensibles, du 9 juillet 1969, Völk (5/69, Rec. p. 295, points 5 à 7).

( 18 ) Arrêts Société technique minière, précité note 9; du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission (29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, points 25 à 28, en particulier point 26), et GlaxoSmithKline Services/Commission, précité, point 110.

( 19 ) Arrêts du 1er février 1978, Miller/Commission (19/77, Rec. p. 131, point 7), et CRAM et Rheinzink/Commission, précité, points 25 à 28.

( 20 ) Arrêts du 8 novembre 1983, IAZ International Belgium e.a./Commission (96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 24); Miller/Commission, précité, point 7, et CRAM et Rheinzink/Commission, précité, points 25 à 28.

( 21 ) Ainsi que l’avocat général Tizzano l’a constaté à juste titre au point 77 de ses conclusions dans l’affaire General Motors/Commission (arrêt du 6 avril 2006, C-551/03 P, Rec. p. I-3173), les parties ne peuvent pas, de surcroît, se prévaloir de ne pas avoir eu connaissance de l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE (ignoratia legis non excusat). Voir aussi Emmerich, V., dans Immenga et Mestmäcker, Wettbewerbsrecht, tome I, Munich, 4e édition, 2007.

( 22 ) Voir point 37 des présentes conclusions.

( 23 ) Voir conclusions du juge Vesterdorf faisant fonction d’avocat général, dans l’affaire Rhône-Poulenc/Commission (arrêt du 24 octobre 1991, T-1/89, Rec. p. II-867, II-945).

( 24 ) Voir point 78 des conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire General Motors/Commission, précitée; Odudu, O., «Interpreting Art. 81 (1): object as subjective intention», European Law Review, 2001, p. 61, 62.

( 25 ) Point 78 des conclusions de l’avocat général Tizzano, précitées.

( 26 ) Voir arrêt IAZ International Belgium e.a./Commission, précité, point 24, dans lequel la Cour a analysé le système de contrôle au moyen de labels de conformité. Il ressort également de l’arrêt General Motors/Commission, précité, points 60, 64 et 65, que la restriction de concurrence ne doit pas obligatoirement revêtir un caractère évident. L’arrêt du 15 septembre 1998, European Night Services e.a./Commission (T-374/94, T-375/94, T-384/94 et T-388/94, Rec. p. II-3141, point 136), va dans le même sens. Le fait que le Tribunal ait constaté dans cet arrêt qu’un examen du contexte juridique et économique n’était pas nécessaire dans le cas d’un accord comportant des restrictions patentes de la concurrence comme la fixation des prix, la répartition du marché ou le contrôle des débouchés ne fait que montrer que la prise en compte du contexte juridique et économique peut revêtir une forme sommaire dans des cas évidents. On ne saurait toutefois en déduire que la notion de restriction de concurrence par objet est limitée à ces cas évidents de restriction de la concurrence.

( 27 ) Voir, dans le même sens: Aicher, J., et Schumacher, F., dans Grabitz et Hilf, Das Recht der Europäischen Union, tome 2, Munich, 34e fascicule de mise à jour, janvier 2008, article 81, point 1; Bellamy & Child, op. cit., note 402 sous le point 2.097, qui font à juste titre observer que d’autres accords peuvent aussi avoir une restriction de concurrence pour objet. Wish, R., op. cit., p. 106, relève lui aussi qu’il s’agit d’une énumération à caractère illustratif.

( 28 ) Voir Wish, R., op. cit., p. 112 à 114. Bien que cet ouvrage défende une conception très restrictive de la notion de restriction de concurrence par objet [il n’est pas certain que l’article 81, paragraphe 1, CE connaisse une catégorie de restrictions de concurrence par nature (ibidem, p. 116 et 117)], il maintient expressément que la liste de ces accords n’est pas limitative. L’articulation entre l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 81, paragraphe 3, CE plaide également contre une limitation de la notion à ce type de restrictions de la concurrence. L’article 81, paragraphe 1, CE consiste seulement à examiner si l’accord a pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence. La constatation du fait qu’un accord a pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence ne permet pas de tirer des conclusions définitives quant à sa compatibilité avec le marché commun. L’accord en question peut en effet être compatible avec le marché commun en vertu de l’article 81, paragraphe 3, CE. Des accords qui ont pour objet la fixation de prix, la répartition des marchés ou le contrôle des débouchés se caractérisent toutefois par un caractère particulièrement nocif. Par conséquent, ils ne sont en général pas compatibles avec le marché commun. Toutefois, quiconque limite la notion de restriction de concurrence par objet à ces types particulièrement nocifs d’accords méconnaît qu’il peut y avoir également des restrictions de concurrence par objet compatibles avec le marché commun en vertu de l’article 81, paragraphe 3, CE. Une telle approche n’est de mon point de vue pas compatible avec la structure de l’article 81 CE. Voir, à ce propos, également Bellamy & Child, op. cit., note 291 sous le point 2.069.

( 29 ) Voir point 43 des présentes conclusions.

( 30 ) Voir, à ce propos, en particulier arrêt du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission (C-235/92 P, Rec. p. I-4539, points 114 à 128).

( 31 ) Ces trois cas de figure ne peuvent certes pas être délimités avec suffisamment de précision pour que chaque cas particulier puisse être rattaché avec certitude à un seul d’entre eux. Il suffit toutefois, aux fins de la présente procédure, d’examiner si un accord peut être rangé dans au moins un des trois cas de figure.

( 32 ) Arrêt European Night Services e.a./Commission, précité: la concurrence potentielle n’a pas été prouvée.

( 33 ) Arrêt GlaxoSmithKline Services/Commission, précité, points 114 à 147: doutes quant aux effets sur la concurrence par les prix, étant donné que les prix applicables aux consommateurs finals sont, en raison de dispositions légales, soustraits dans une large mesure au jeu de l’offre et de la demande. Je reviendrai plus dans le détail sur cet arrêt aux points 74 et 75 des présentes conclusions.

( 34 ) Arrêts Société technique minière, précité, p. 360: accord d’un droit exclusif de vente pour permettre la pénétration d’un marché; Metro/Commission, précité, points 20 à 22: canaux de distribution adaptés à des produits de haute qualité et technicité, et du 8 juin 1982, Nungesser/Commission (258/78, Rec. p. 2015, points 44 à 58): octroi d’une licence ouverte pour la distribution d’une nouvelle technologie.

( 35 ) On peut citer comme exemples de restrictions accessoires des clauses de non-concurrence sans lesquelles la vente de l’entreprise n’aurait pas été possible (arrêt du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, points 19 et 20), des interdictions de participation ou des restrictions d’activité, dans la mesure où celles-ci sont nécessaires au fonctionnement d’une entreprise dont les statuts sont compatibles avec les règles communautaires de concurrence (arrêt du 15 décembre 1994, DLG, C-250/92, Rec. p. I-5641, points 30 à 45), ainsi que des restrictions d’activité nécessaires pour le respect des règles de déontologie des professions libérales (arrêt du 19 février 2002, Wouters e.a., C-309/99, Rec. p. I-1577, point 97), ou des réglementations antidopage (arrêt du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C-519/04 P, Rec. p. I-6991, points 42 à 44).

( 36 ) Ce qu’affirment à juste titre Bellamy & Child, op. cit., point 2.112.

( 37 ) Il n’est pas nécessaire, aux fins de la présente procédure, de se prononcer sur le point de savoir si c’est la notion de restriction accessoire qui s’applique dans ces cas (en ce sens, Bellamy & Child, op. cit.), ou seulement l’article 81, paragraphe 3, CE.

( 38 ) Arrêts du 10 mars 1992, Montedipe/Commission (T-14/89, Rec. p. II-1155, point 265); du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission (T-148/89, Rec. p. II-1063, point 109), et du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission (T-112/99, Rec. p. II-2459, points 72 à 74).

( 39 ) Leupold, H., et Weidenbach, G., op. cit., p. 1008, note 28, avec des références supplémentaires.

( 40 ) Voir Leupold, H., et Weidenbach, G., op. cit., p. 1008, 1009, qui qualifient ces fonctions d’«efficiences allocatives et dynamiques»; Odudu, O., «Art. 81 (3), Discretion and Direct Effect», European Competition Law Review, 2002, p. 20.

( 41 ) Cette fonction de la concurrence peut notamment être altérée par des accords sur les prix, sur des limitations de production [article 81, paragraphe 1, sous a), CE], ainsi que sur une répartition des marchés [article 81, paragraphe 1, sous c), CE].

( 42 ) Cette fonction de la concurrence peut notamment être altérée par des accords qui limitent les investissements [article 81, paragraphe 1, sous a), CE].

( 43 ) Ce que Leupold, H., et Weidenbach, G., op. cit., p. 1008, 1009 qualifient d’«efficiences productives»; Odudu, O., «Art. 81 (3), Discretion and Direct Effect», op. cit., p. 20.

( 44 ) Odudu, O., «Art. 81 (3), Discretion and Direct Effect», op. cit., p. 20.

( 45 ) Voir article 2, seconde phrase, du règlement no 1/2003.

( 46 ) Arrêts précités Montedipe/Commission, point 265; Tréfilunion/Commission, point 109, et M6 e.a./Commission, points 72 à 74.

( 47 ) La question préjudicielle porte certes sur l’interprétation de la notion de restriction de concurrence par objet de l’article 81, paragraphe 1, CE. Les accords tels que les contrats BIDS ne peuvent toutefois être constitutifs d’une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE que si l’article 81 CE leur est applicable. L’applicabilité de l’article 81 CE résulte en l’espèce de l’article 1er du règlement no 26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO 1962, 30, p. 993), tel que modifié par le règlement no 49 du Conseil, du 29 juin 1962, modifiant la date de mise en application de certains actes relatifs à la politique agricole commune (JO 1962, 53, p. 1571), et de l’article 2 du règlement no 26, tel que modifié par le règlement no 49. L’entrée en vigueur du règlement (CE) no 1184/2006 du Conseil, du 24 juillet 2006, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO L 214, p. 7), n’a rien changé à la situation juridique à cet égard.

( 48 ) Voir points 42 et 59 des présentes conclusions.

( 49 ) Cela distingue les contrats BIDS du cas de figure dans lequel les entreprises décident unilatéralement de sortir du marché.

( 50 ) Arrêt Société technique minière, précité, p. 359.

( 51 ) Voir points 42 et 59 des présentes conclusions.

( 52 ) Voir arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Atlantic Container Line e.a./Commission (T-395/94, Rec. p. II-875, point 56); voir, dans le même sens, Jürgens, R., Strukturkrisenkartelle im deutschen und europäischen Kartellrecht, Peter Lang, Frankfurt am Main, 2007, p. 95.

( 53 ) Sur les liens entre surcapacités, économies d’échelle et augmentation de la concurrence, voir Schulz, N., Wettbewerbspolitik, Tübingen, 2003, p. 84 à 86.

( 54 ) Voir points 50 à 58 des présentes conclusions.

( 55 ) La High Court est partie du principe que la production globale ne varierait pas de manière significative.

( 56 ) Sur les liens entre surcapacités, économies d’échelle et augmentation de la concurrence, voir Schulz, N., op. cit., p. 84 à 86.

( 57 ) L’exemple suivant permet en outre de prolonger «ad absurdum» la thèse de la BIDS: imaginons que, sur un marché doté d’un duopole, il existe de fortes surcapacités du côté de l’offre, et que l’un des deux offrants cesse sa production en accord avec l’autre offrant, sans que cela entraîne de réduction de la production globale; si l’on suit la thèse de la BIDS, un tel accord n’a pas de restriction de concurrence pour objet. Dans les faits, une telle modification de la structure du marché reviendrait toutefois à exclure la concurrence dans une large mesure, puisque l’offrant restant, étant en situation de monopole, ne serait exposé qu’à une concurrence potentielle.

( 58 ) Voir points 55 à 58 des présentes conclusions; Bellamy & Child, op. cit., point 3.029; Odudu, O., «Art. 81 (3), Discretion and Direct Effect», op. cit., p. 19; Leupold, H., et Weidenbach, G., op. cit., p. 1008 et 1009.

( 59 ) Sur le pouvoir de négociation des clients, voir arrêt Montecatini/Commission, précité, points 114 à 128. Selon le point 116 de cet arrêt, la requérante avait notamment fait valoir que le Tribunal n’avait pas considéré la force contractuelle supérieure des utilisateurs. Au point 127 du même arrêt, le Tribunal a constaté que de tels éléments ne peuvent présenter de l’importance que lorsque le contexte économique exclut toute possibilité de concurrence efficace.

( 60 ) Précité.

( 61 ) Ibidem, points 114 à 134.

( 62 ) Dans un tel cas, il convient d’examiner exactement si la fonction de la concurrence consistant à satisfaire de manière optimale le consommateur en lui fournissant un produit au prix le plus faible possible (voir, sur cette question, point 50 des présentes conclusions) est altérée.

( 63 ) Schulz, N., op. cit., p. 84 à 86.

( 64 ) Voir, en ce sens, Jürgens, R., op. cit., p. 95.

( 65 ) Voir point 64 des présentes conclusions.

( 66 ) Arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, points 116 et 117.

( 67 ) Dans ce sens, également, Jürgens, R., op. cit, p. 95.

( 68 ) Arrêt du 12 septembre 2000, Pavlov e.a. (C-180/98 à C-184/98, Rec. p. I-6451, points 90 à 97).

( 69 ) Il s’agit d’une constatation effectuée par la High Court.

( 70 ) Voir points 70 à 75 des présentes conclusions.

( 71 ) Voir points 67 à 77 des présentes conclusions.

( 72 ) Il s’agit d’une constatation effectuée par la High Court.

( 73 ) Arrêt du 28 février 1991, Delimitis (C-234/89, Rec. p. I-935, point 21).

( 74 ) La High Court avait attiré l’attention sur l’entrée sur le marché d’Exel Meats Limited.

( 75 ) Il s’agit d’une constatation effectuée par la High Court.

( 76 ) Voir points 70 à 75 des présentes conclusions.

( 77 ) En principe, il convient d’examiner cet élément seulement lorsqu’il est invoqué par l’entreprise concernée, voir arrêt Montecatini/Commission, précité, point 128.

( 78 ) Arrêts du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931, point 740), et du 13 décembre 2006, FNCBV e.a./Commission (T-217/03 et T-245/03, Rec. p. II-4987, point 90).

( 79 ) Arrêt IAZ International Belgium e.a./Commission, précité, points 22 à 25.

( 80 ) Voir points 52 à 55 des présentes conclusions.

( 81 ) Voir points 67 à 77 des présentes conclusions.

( 82 ) Voir points 55 à 57 des présentes conclusions.

( 83 ) Voir, à ce propos, arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, précité, point 56.