Conclusions de l'avocat général

Conclusions de l'avocat général

I – Introduction

1. La demande de décision à titre préjudiciel concerne la directive 85/337/CEE du Conseil concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (2) du 27 juin 1985, dans sa version originale (ci-après la «directive»). Il est question de mesures réalisées sur l’aéroport de Liège-Bierset (Belgique) favorisant son utilisation aux fins du transport de fret aérien et qui ont entraîné une augmentation des vols de nuit. En substance se pose la question des conditions auxquelles des modifications apportées à la structure d’un aéroport exigent une évaluation des incidences sur l’environnement, en particulier la question de savoir si, ce faisant, il faut prendre en considération une augmentation recherchée du trafic aérien.

II – Cadre juridique

2. L’article 1 er de la directive définit son objet ainsi que certaines notions:

«1. La présente directive concerne l’évaluation des incidences sur l’environnement des projets publics et privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2. Au sens de la présente directive, on entend par:

projet:

– la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages,

– d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol;

maître d’ouvrage:

soit l’auteur d’une demande d’autorisation concernant un projet privé, soit l’autorité publique qui prend l’initiative à l’égard d’un projet;

autorisation:

la décision de l’autorité ou des autorités compétentes qui ouvre le droit du maître d’ouvrage de réaliser le projet.

[…]»

3. L’article 2, paragraphe 1, définit l’objectif de la directive:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences.

Ces projets sont définis à l’article 4.»

4. L’article 3 décrit l’objet de l’évaluation des incidences sur l’environnement:

«L’évaluation des incidences sur l’environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée, en fonction de chaque cas particulier et conformément aux articles 4 à 11, les effets directs et indirects d’un projet sur les facteurs suivants:

– l’homme, la faune et la flore,

– le sol, l’eau, l’air, le climat et le paysage,

– l’interaction entre les facteurs visés aux premier et deuxième tirets,

– les biens matériels et le patrimoine culturel.»

5. L’article 4 définit les projets à évaluer:

«1. Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les projets appartenant aux classes énumérées à l’annexe I sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10.

2. Les projets appartenant aux classes énumérées à l’annexe II sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10, lorsque les États membres considèrent que leurs caractéristiques l’exigent. À cette fin, les États membres peuvent notamment spécifier certains types de projets à soumettre à une évaluation ou fixer des critères et/ou des seuils à retenir pour pouvoir déterminer lesquels, parmi les projets appartenant aux classes énumérées à l’annexe II, doivent faire l’objet d’une évaluation conformément aux articles 5 à 10.»

6. Les aéroports sont mentionnés à l’annexe I, au point 7:

«Construction d’autoroutes, de voies rapides […], de voies pour le trafic à grande distance des chemins de fer ainsi que d’aéroports ( 2 ) dont la piste de décollage et d’atterrissage a une longueur de 2 100 mètres ou plus.

[…]

( 2 ) La notion d’“aéroports” au sens de la présente directive correspond à la définition donnée par la convention de Chicago de 1944 constituant l’Organisation de l’aviation civile internationale (annexe 14).»

7. L’annexe 14 de la convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale contient des règles pour l’ensemble du domaine dans lequel se déplacent les avions tant au décollage qu’à l’atterrissage, c’est-à-dire pour les pistes de décollage et d’atterrissage, les voies de circulation et l’espace aérien aux abords des aéroports.

8. L’annexe II, point 10, sous d), de la directive mentionne des aéroports plus petits:

«Construction de routes, de ports (y compris de ports de pêche) et d’aérodromes (projets qui ne figurent pas à l’annexe I)»

9. Les modifications de projets sont visées par l’annexe II, point 12:

«Modification des projets figurant à l’annexe I ainsi que projets de l’annexe I qui servent exclusivement ou essentiellement au développement et à l’essai de nouvelles méthodes ou produits et qui ne sont pas utilisés pendant plus d’un an.»

10. L’article 5 précise les données à fournir dans le cadre de l’évaluation des incidences sur l’environnement:

«1. Dans le cas des projets qui, en application de l’article 4, doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, conformément aux articles 5 à 10, les États membres adoptent les mesures nécessaires pour assurer que le maître d’ouvrage fournisse, sous une forme appropriée, les informations spécifiées à l’annexe III, dans la mesure où:

a) les États membres considèrent que ces informations sont appropriées à un stade donné de la procédure d’autorisation et aux caractéristiques spécifiques d’un projet spécifique ou d’un type de projet et des éléments de l’environnement susceptibles d’être affectés;

b) les États membres considèrent que l’on peut raisonnablement exiger d’un maître d’ouvrage de rassembler les données compte tenu, entre autres, des connaissances et des méthodes d’évaluation existantes.

2. Les informations à fournir par le maître d’ouvrage, conformément au paragraphe 1, comportent au minimum:

– une description du projet comportant des informations relatives à son site, à sa conception et à ses dimensions,

– une description des mesures envisagées pour éviter et réduire des effets négatifs importants et, si possible, y remédier,

– les données nécessaires pour identifier et évaluer les effets principaux que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement,

– un résumé non technique des informations visées aux premier, deuxième et troisième tirets.

[…]»

11. Les données visées à l’article 5, paragraphe 1, sont précisées à l’annexe III:

«1. description du projet, y compris en particulier:

– une description des caractéristiques physiques de l’ensemble du projet et exigences en matière d’utilisation du sol lors des phases de construction et de fonctionnement,

– une description des principales caractéristiques des procédés de fabrication, par exemple sur la nature et les quantités des matériaux utilisés,

– une estimation des types et quantités des résidus et des émissions attendus (pollution de l’eau, de l’air et du sol, bruit, vibration, lumière, chaleur, radiation, etc.) résultant du fonctionnement du projet proposé.

[…]

4. Une description ( 1 ) des effets importants que le projet proposé est susceptible d’avoir sur l’environnement résultant:

– du fait de l’existence de l’ensemble du projet,

– de l’utilisation des ressources naturelles,

– de l’émission des polluants, de la création de nuisances ou de l’élimination des déchets,

et la mention par le maître d’ouvrage des méthodes de prévisions utilisées pour évaluer les effets sur l’environnement.

[…]

( 1 ) Cette description devrait porter sur les effets directs et, le cas échéant, sur les effets indirects secondaires, cumulatifs, à court, moyen et long terme, permanents et temporaires, positifs et négatifs du projet.»

12. D’après les informations communiquées par la juridiction de renvoi, la directive a été transposée de manière largement littérale dans le droit interne applicable.

III – Faits, procédure et questions préjudicielles

13. La procédure au principal concerne un recours introduit par les riverains de l’aéroport de Liège-Bierset en Belgique. Cet aéroport dispose déjà depuis longtemps d’une piste d’atterrissage de plus de 2 100 mètres. Après avoir fait établir une expertise économique par un tiers, la Région wallonne a décidé d’y développer une activité de fret aérien 24 heures sur 24.

14. La Région wallonne et la Société de développement et de promotion de l’aéroport de Liège-Bierset (ci-après la «SAB») ont conclu une convention avec des entreprises de fret aérien. La Cour n’a pas obtenu d’autres informations quant à la première convention conclue à une date indéterminée avec la société Cargo Airlines Ltd (ci‑après la «CAL»). Cependant, la convention conclue le 26 février 1996 (ci-après la «convention») avec la société de transport express TNT (ci-après «TNT») a été décrite en détails.

15. Les riverains déclarent que cette convention prévoit “entre autres choses” les éléments suivants:

– la piste principale (23L/05R) de l’aéroport sera rendue totalement opérationnelle sur toute sa longueur et sera équipée d’un système d’atterrissage;

– la piste d’atterrissage parallèle (23R) sera équipée au plus tard le 1 er  mars 1996;

– la piste parallèle 23L/05R sera élargie à 45 mètres et correspondra aux normes pour la manœuvre d’un Airbus 300;

– la piste 23 ML sera équipée de deux sorties supplémentaires pour vitesses élevées et la tour A.T.C. (Air Traffic Control Tower) sera déplacée;

– directement en face de l’installation principale de tri de TNT prendra place un nouvel espace de parking de 18 ha;

– la zone de parking sera élargie en direction du hangar pour l’attente des avions et sera reliée à la nouvelle sortie pour vitesses élevées;

– une tour de contrôle sera construite et un centre d’alimentation en carburant avec une capacité minimale d’1 million de litres sera maintenu, avec la possibilité pour TNT d’en demander l’extension;

– l’aéroport sera ouvert 24 heures sur 24, 365 jours par an et une source électrique appropriée pour les activités de TNT (environ 2 000 ampères), avec une réserve supplémentaire pour garantir un approvisionnement ininterrompu en énergie, sera disponible, ce qui rendra nécessaire l’autorisation de deux cabines électriques de haute tension de 15 kV.

16. Les premiers vols de nuit ont été effectués en 1996 par la CAL. TNT a commencé à opérer des vols de nuit en mars 1998.

17. Les riverains se plaignent de fortes nuisances sonores, principalement la nuit, et de leurs conséquences pour le sommeil et la santé. Ils réclament, en vertu de la responsabilité civile, le dédommagement du préjudice qu’ils ont subi par l’utilisation des infrastructures mentionnées dans la convention, ainsi que l’interdiction de leur utilisation.

18. Ils font valoir qu’aucune évaluation des incidences sur l’environnement n’a été réalisée avant l’octroi des permis de bâtir et des licences d’exploitation nécessaires à la réalisation des travaux prévus dans la convention. L’absence d’une évaluation des incidences sur l’environnement entraînerait l’illégalité des autorisations nécessaires à la réalisation de cette convention et donc, dans le même temps, l’illégalité des infrastructures mentionnées dans ces autorisations et de leur utilisation.

19. Le tribunal de première instance de Liège a fait partiellement droit au recours; en deuxième instance, la cour d’appel de Liège l’a rejeté. La cour d’appel a déclaré, entre autres, que la directive visait et définissait la notion d’aéroport par rapport à la longueur de sa piste, et non par rapport aux installations situées à côté de la piste telles que des hangars ou une tour de contrôle. La piste n’aurait toutefois pas été substantiellement modifiée. En outre, l’annexe I de la directive concernerait la «construction» d’un aéroport, et l’annexe II concernerait la modification d’un projet de l’annexe I, c’est-à-dire la modification de la construction.

20. Les riverains ont formé un pourvoi contre l’interprétation de la notion de projet par la cour d’appel.

21. Par conséquent, la cour de cassation saisit la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1) Une convention liant les pouvoirs publics et une entreprise privée, signée dans le but d’amener cette entreprise à s’installer sur le site d’un aéroport muni d’une piste d’une longueur de plus de 2 100 mètres, comportant la description précise des travaux d’infrastructure qui seront réalisés relativement à l’aménagement de la piste, sans que celle-ci soit allongée, et à la construction d’une tour de contrôle en vue de permettre le vol d’avions gros porteurs 24 heures par jour et 365 jours par an, et qui prévoit des vols tant nocturnes que diurnes à partir de l’installation de cette entreprise, constitue-t-elle un projet au sens de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, telle qu’elle était d’application avant sa modification par la directive 97/11/CEE du Conseil, du 3 mars 1997?

2) Les travaux de modification apportés à l’infrastructure d’un aéroport existant en vue de l’adapter à une augmentation projetée du nombre de vols nocturnes et diurnes, sans allongement de la piste, correspondent-ils à la notion de projet, pour lequel une étude d’incidences s’impose au sens des articles 1 er , 2 et 4 de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985, telle qu’elle était d’application avant sa modification par la directive 97/11/CEE du Conseil, du 3 mars 1997?

3) L’augmentation projetée de l’activité d’un aéroport n’étant pas directement visée par les annexes de la directive 85/337/CEE, l’État membre doit-il néanmoins tenir compte de cette augmentation, lorsqu’il examine l’effet potentiel sur l’environnement des modifications apportées aux infrastructures de cet aéroport en vue d’accueillir ce surcroît d’activité?»

22. Ont participé à la procédure écrite et à la procédure orale, du côté des riverains de l’aéroport, les parties Abraham e.a., Beaujean e.a. et Descamps e.a., avec des arguments distincts, ainsi que les intimées SAB et TNT, le Royaume de Belgique, la République tchèque et la Commission des Communautés européennes.

IV – Appréciation en droit

23. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, et de l’annexe I, point 7, de la directive, l’autorisation de la construction d’aéroports ayant une piste de décollage et d’atterrissage d’une longueur de 2 100 mètres et plus suppose obligatoirement une évaluation des incidences sur l’environnement.

24. Les modifications apportées à de tels projets ou la construction d’autres aéroports ne sont pas obligatoirement soumises à une évaluation en application de l’article 4, paragraphe 2, et de l’annexe II, points 10 et 12, de la directive, mais uniquement lorsque les États membres considèrent que leurs caractéristiques l’exigent. À cette fin, les États membres peuvent notamment spécifier certains types de projets à soumettre à une évaluation ou fixer des critères et/ou des seuils à retenir pour pouvoir déterminer lesquels, parmi les projets appartenant aux classes énumérées à l’annexe II, doivent faire l’objet d’une évaluation.

25. Selon une jurisprudence constante, l’article 4, paragraphe 2, de la directive reconnaît aux États membres une marge d’appréciation qui est limitée par l’obligation prévue à l’article 2, paragraphe 1, de la directive de soumettre les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, à une évaluation de leurs incidences (3) .

26. Dans ce cadre, les questions de la cour de cassation concernent, d’une part, la signification de la convention relative à l’adaptation de l’aéroport aux exigences du fret aérien, et, d’autre part, la question de savoir si les modifications apportées à un aéroport qui ne concernent pas la piste peuvent être considérées comme un projet devant être soumis à une évaluation et si les activités de l’aéroport doivent être prises en considération lors de l’évaluation de ces incidences sur l’environnement.

27. Étant donné que l’interprétation et l’application de la directive doivent viser l’objectif fixé à l’article 2, paragraphe 1, qui est que, avant l’octroi d’une autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation de leurs incidences (4), il convient de répondre aux questions dans l’ordre inverse.

28. Par conséquent, nous examinerons tout d’abord, à la section A, la question de savoir si les activités d’un aéroport, ou leur augmentation, doivent être prises en considération lors de l’évaluation de leurs incidences sur l’environnement. À la lumière de la réponse à cette question, nous examinerons ensuite, à la section B, la deuxième question, à savoir dans quelle mesure les modifications apportées à un aéroport doivent être considérées comme un projet devant être soumis à une évaluation au sens de la directive. Enfin, à la section C, nous examinerons la première question, qui concerne une particularité des mesures litigieuses. En effet, ces dernières ont tout d’abord été fixées dans une convention. Par conséquent se pose la question de savoir comment il convient de classer la convention dans le système d’évaluation de la directive, en particulier la question de savoir si les mesures convenues devaient éventuellement faire l’objet d’une évaluation au regard de leurs incidences sur l’environnement.

A – Sur la troisième question préjudicielle

29. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi souhaiterait savoir si, d’après la directive, le trafic aérien sur un aéroport, ou son augmentation, fait partie des incidences sur l’environnement à prendre en considération. Cette question est motivée par l’argument selon lequel les modifications apportées à l’infrastructure de l’aéroport de Liège-Bierset auraient entraîné une augmentation des activités sur cet aéroport.

30. Les doutes de la cour de cassation reposent sur le fait que l’augmentation des activités d’un aéroport n’est pas expressément mentionnée dans la directive. Dans le même temps, il ressort clairement des dispositions de la directive qu’elle doit être prise en considération.

31. En effet, d’après l’article 3 de la directive, l’évaluation des incidences sur l’environnement s’étend aux effets directs et indirects d’un projet. Les dispositions relatives aux données que doit fournir le maître d’ouvrage en application de l’article 5, paragraphe 1, de la directive indiquent qu’il faut interpréter largement la notion d’effet indirect et que cette dernière englobe notamment aussi les incidences du fonctionnement d’un projet. Ainsi, la note de bas de page concernant l’annexe III, point 4, stipule que la description des incidences devrait porter sur les effets directs et, le cas échéant, sur les effets indirects secondaires, cumulatifs, à court, à moyen et à long terme, permanents et temporaires, positifs et négatifs du projet. D’après l’annexe III, point 1, troisième tiret, de la directive, les incidences englobent notamment le type et la quantité des résidus et des émissions attendus résultant du fonctionnement du projet, c’est-à-dire des activités qui s’y déroulent.

32. Certes, les données visées à l’article 5, paragraphe 1, et à l’annexe III de la directive ne sont nécessaires que si les États membres sont d’avis qu’elles sont importantes et qu’elles peuvent être raisonnablement exigées du maître d’ouvrage. La marge d’appréciation ainsi accordée aux États membres n’est toutefois pas illimitée(5) .

33. Dans un aéroport, les services aériens recherchés sont importants selon leur type et leur ampleur ainsi que les incidences sur l’environnement qui en résultent. De même, il faut en général exiger du maître d’ouvrage de fournir ces données. Par conséquent, renoncer aux données relatives aux services aériens ou aux incidences de services aériens augmentés serait incompatible avec la directive.

34. Les données relatives à une augmentation recherchée des services aériens qui doivent être ainsi fournies sont à prendre en considération dans le cadre de la procédure d’autorisation en application de l’article 8 de la directive.

35. En conséquence, il convient de répondre à la troisième question en ce sens que les effets d’une modification de l’infrastructure d’un aéroport sur l’environnement au sens de la directive englobent l’augmentation ainsi recherchée des activités de l’aéroport.

B – Sur la deuxième question préjudicielle

36. La deuxième question vise à déterminer si des modifications apportées à l’infrastructure d’un aéroport existant nécessitent une évaluation des incidences sur l’environnement si ces modifications n’impliquent aucun allongement de la piste de décollage et d’atterrissage. Elles portent donc sur la question de savoir au moyen de quels critères on doit déterminer si des modifications apportées à l’infrastructure d’un aéroport supposent une évaluation des incidences sur l’environnement.

Sur la construction d’un aéroport en application de l’annexe I, point 7, de la directive

37. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, et de l’annexe I, point 7, de la directive, la construction d’aéroports ayant une piste de décollage et d’atterrissage d’une longueur de 2 100 mètres et plus nécessite une évaluation des incidences sur l’environnement.

38. Bien que l’aéroport de Liège-Bierset existât déjà avant que les mesures en cause aient été conclues et mises en œuvre, Beaujean e.a. sont d’avis qu’il s’agissait de la construction d’un aéroport. La rénovation prévue de la piste principale, son aménagement avec un système d’atterrissage et l’élargissement de la piste parallèle à 45 mètres équivalaient à une nouvelle construction d’une piste. Les travaux auraient permis une importante augmentation des volumes de fret sur l’aéroport (d’un facteur 464 entre 1994 et 1998). Descamps e.a. défendent la même opinion et soulignent, par ailleurs, que les mesures auraient été la condition pour une exploitation de nuit de l’aéroport utilisé précédemment le jour.

39. Un arrêt de la Cour relatif à un projet de voies ferrées espagnoles contient des éléments militant en faveur du fait que, en dépit d’installations existantes, on peut être en présence d’un nouveau projet (6) . Dans cet arrêt, la Cour a constaté que le dédoublement d’une voie ferrée déjà existante ne devait pas être considéré comme une simple modification d’un projet antérieur au sens de l’annexe II, point 12, de la directive, mais comme la construction d’une voie pour le trafic ferroviaire à grande distance en application de l’annexe I, point 7. À cet égard, elle se fondait sur d’éventuelles incidences notables sur l’environnement de ce projet.

40. En principe, cette idée peut être transposée aux projets d’aéroports. Certes, l’annexe I, point 7, ne mentionne en tant que critère, outre la notion d’aéroports, que la longueur de la piste de décollage et d’atterrissage. Toutefois, les incidences sur l’environnement d’un aéroport qui sont pertinentes au regard de l’objectif de la directive dépendent également d’autres circonstances.

41. La longueur de la piste de décollage et d’atterrissage est déterminante pour le type d’avions qui peuvent utiliser l’aéroport et, par conséquent, pour les éventuelles incidences des décollages et des atterrissages. Des avions plus grands nécessitent des pistes plus longues.

42. Le nombre de mouvements d’avion possibles découle toutefois d’autres éléments de l’infrastructure, par exemple de l’équipement en systèmes électroniques d’assistance au décollage et à l’atterrissage, d’installations pour l’assistance au sol des avions, des places de stationnement disponibles ainsi que de la capacité de l’espace aérien.

43. L’intensité avec laquelle un aéroport est effectivement utilisé, c’est-à-dire la demande de services de transport aérien, dépend en outre de sa connexion au marché et de la situation concurrentielle avec les autres prestataires de services comparables.

44. Par construction d’un terrain d’aviation, on ne peut toutefois comprendre que les mesures qui concernent au moins des parties du terrain. Les éléments qui font partie d’un terrain d’aviation découlent en premier lieu de la définition de l’annexe 14 de la convention sur l’aviation civile internationale, à laquelle renvoie l’annexe I, point 7, de la directive.

45. Étant donné que ces règles n’ont toutefois pas pour objet les incidences sur l’environnement des terrains d’aviation, mais leur sécurité, la notion d’aéroport au sens de la directive doit également inclure les installations pertinentes du point de vue environnemental qui ne sont pas visées par l’annexe 14 de la convention, mais qui sont indissociablement liées aux éléments centraux qui y sont définis. À cet égard, on pourrait surtout songer aux terminaux pour les passagers et le fret.

46. En revanche, ce n’est pas au terrain d’aviation que doivent être attribuées les installations qui seraient certes utilisées pour le trafic aérien, mais qui ont des liens plus étroits avec d’autres catégories de projet, comme les connexions routières au sol, les hôtels ainsi que les surfaces de bureaux et commerciales.

47. Il faut également opérer une distinction par rapport à la modification de la construction d’un aéroport en application de l’annexe II, point 12. Par conséquent, les mesures concernant un aéroport existant ne peuvent être qualifiées de construction d’un aéroport que si elles équivalent à une nouvelle construction au regard de leurs incidences sur l’environnement.

48. Par conséquent, pour les mesures effectuées dans des terrains d’aviation existants qui doivent être considérées comme une construction d’un aéroport entrent en particulier en ligne de compte les allongements manifestes des pistes qui rendent l’aéroport utilisable par des types d’avions ayant des incidences sur l’environnement nettement plus importantes, ou de nouveaux équipements des pistes qui entraînent de nouvelles routes aériennes au décollage et à l’atterrissage.

49. On ne peut pas non plus toutefois exclure que, dans des cas exceptionnels, des mesures qui ne concernent pas directement la longueur et l’équipement des pistes augmentent à ce point la capacité de l’aéroport qu’elles équivalent à une nouvelle construction. Si, à l’origine, l’aéroport recevait déjà peu de vols à l’arrivée en raison d’une insuffisance des capacités de services et de places de stationnement, des capacités supplémentaires dans ces domaines peuvent entraîner une augmentation importante du volume de trafic. Cela vaut notamment pour les mesures qui destinent d’anciens terrains militaires avec de longues pistes à un usage civil.

50. Sur la base des informations dont dispose la Cour, on ne peut pas déterminer si les mesures en cause à l’aéroport de Liège-Bierset ont atteint l’ampleur d’une nouvelle construction. Ce qui est important, c’est de savoir si les mesures ont à ce point augmenté la capacité de l’aéroport que les incidences sur l’environnement de l’extension doivent être assimilées à une nouvelle construction.

51. À cet égard, il convient d’examiner notamment l’argument selon lequel c’est précisément en raison de ces mesures que le volume de fret a augmenté d’un facteur 464 et qu’une exploitation de nuit a été possible. En particulier, une extension des périodes d’exploitation peut avoir d’importantes incidences sur l’environnement.

52. En résumé, il convient de constater que la modification de l’infrastructure d’un aéroport existant avec une piste de décollage et d’atterrissage d’une longueur de 2 100 mètres et plus doit être considérée comme une construction d’un terrain d’aviation au sens de l’a nnexe I, point 7, et que, par conséquent, elle doit être obligatoirement soumise à une évaluation des incidences sur l’environnement si, au regard de ces incidences sur l’environnement, elle équivaut à une nouvelle construction.

Sur la modification d’un terrain d’aviation en application de l’annexe II, point 12, et de l’annexe I, point 7, de la directive

53. Si les mesures litigieuses ne doivent pas être considérées comme une construction d’un aéroport au sens de l’annexe I, point 7, de la directive, une obligation de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement peut découler des dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 2, et de l’annexe II, point 12, de la directive. Ces dernières supposent en premier lieu que les mesures doivent être considérées comme une modification d’un projet en application de l’annexe I.

54. Le Royaume de Belgique, la SAB et TNT défendent toutefois, en insistant beaucoup, l’avis selon lequel les modifications de terrains d’aviation existants ne sont pas visées par la directive. La formulation de l’annexe I, point 7, et de l’annexe II, point 12 – la modification de la construction d’un terrain d’aviation avec une piste de décollage et d’atterrissage d’une longueur de 2 100 mètres et plus –, indique que seule une modification au cours du processus initial de construction a été visée. Si l’on avait voulu viser également une modification d’un terrain d’aviation achevé, l’annexe I, point 7, de n’aurait pas mentionné la construction d’un terrain d’aviation, mais uniquement le terrain d’aviation, ce qui a été le cas pour d’autres types de projets en application de l’annexe I: par exemple, les raffineries, les centrales thermiques ou les installations d’élimination des déchets.

55. Cette interprétation, que la Commission, la République tchèque et les riverains de l’aéroport ne suivent pas, n’est toutefois pas obligatoire. L’objet et la finalité de la directive exigent plutôt de comprendre l’utilisation de la notion de «construction» comme se référant au fait qu’un projet au sens de la directive, conformément à la définition du projet figurant à l’article 1 er , paragraphe 2, englobe la construction d’installations ou d’autres interventions dans le milieu naturel et le paysage, et non pas la simple modification de l’utilisation d’installations existantes (7) .

56. Il ressort des articles 1 er , paragraphe 1, 2, paragraphe 1, ainsi que du premier, du cinquième, du sixième, du huitième et du onzième considérant que l’objectif principal de la directive est que les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement avant l’octroi d’une autorisation (8) .

57. Cet objectif ne serait pas atteint si l’évaluation, dans le cas de projets d’infrastructures de transport mentionnés à l’annexe I, point 7, en particulier les terrains d’aviation, était exclusivement limitée au processus de construction original. Les mesures postérieures à la construction d’un terrain d’aviation peuvent également avoir des incidences notables sur l’environnement.

58. Par conséquent, non seulement la Cour part de manière générale de l’idée que le champ d’application de la directive est très étendu et que sa finalité est très large (9), mais elle interprète également de manière large notamment la notion de modification d’un projet en application de l’annexe II, point 12. Elle l’a étendue à des projets de l’annexe II, bien que l’annexe II, point 12, ne mentionne exclusivement que les projets de l’annexe I (10) .

59. Dans l’arrêt WWF e.a., elle a appliqué cette jurisprudence à la restructuration d’un terrain d’aviation qui n’atteignait pas la dimension nécessaire pour une évaluation obligatoire des incidences sur l’environnement en application de l’annexe I, point 7, ni avant ni après la modification. La restructuration de cet aéroport ne pouvait pas être exclue a priori du champ d’application de la directive, indépendamment de possibles incidences sur l’environnement (11) .

60. Étant donné que, ce faisant, même des modifications apportées à des terrains d’aviation plus petits relèvent en principe de la directive, cette dernière – ainsi que le souligne la Commission – doit d’autant plus s’appliquer à des modifications de terrains d’aviation plus grands, dont la construction devrait être obligatoirement soumise à une évaluation.

61. À la différence des mesures sur lesquelles portait l’arrêt WWF e.a., aucune piste n’a été toutefois allongée en l’espèce. Les mesures relatives à la piste se limitent manifestement à une remise en état, à un équipement avec un système d’atterrissage, à l’élargissement d’une piste parallèle et à la construction de deux sorties.

62. Par conséquent, la question préjudicielle vise exclusivement à savoir si, même sans allongement de la piste, on est en présence d’un projet devant être obligatoirement soumis à une évaluation. Le Royaume de Belgique, la SAB et TNT jugent cela exclu, étant donné que la directive mentionne comme unique critère d’un terrain d’aviation la longueur de sa piste.

63. Toutefois, cet indice ne sert – ainsi que le soutient la Commission – que pour la délimitation entre projets plus grands, qui doivent en toute hypothèse être soumis à une évaluation, et projets plus petits, qui ne nécessitent une évaluation que s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement (12) . Ce sont les possibles incidences, et non pas l’allongement d’une piste, qui sont par conséquent déterminantes du point de vue de l’obligation d’évaluation. Un allongement de la piste n’est qu’un indice important – le cas échéant, même obligatoire – des incidences notables sur l’environnement. Cependant, on ne saurait négliger d’autres points de vue d’un projet.

64. En résumé, il convient de constater que la modification de l’infrastructure d’un terrain d’aviation existant avec une piste de décollage et d’atterrissage d’une longueur de 2 100 mètres et plus, qui ne doit pas être assimilée à une nouvelle construction, doit faire l’objet d’une évaluation de ses incidences sur l’environnement en application de l’article 4, paragraphe 2, de l’annexe I, point 7, et de l’annexe II, point 12, de la directive si, en raison de sa nature, de ses dimensions ou de sa localisation, elle est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

C – Sur la première question préjudicielle

1. La convention en tant que projet

65. D’après le libellé de la première question, la juridiction de renvoi semble chercher à savoir si une convention peut être considérée comme un projet au sens de la directive.

66. Cependant, les parties sont à juste titre d’accord pour affirmer qu’une convention en tant que telle ne peut être assimilée à la construction d’installations immobilières ou autres, ou à une autre intervention dans la nature ou le paysage ainsi que le prévoit la définition du projet à l’article 1 er , paragraphe 2, de la directive et qu’elle n’est pas mentionnée dans les annexes I et II en tant que projet. Une convention peut avoir pour objet un tel projet, sa conclusion n’est en revanche pas un projet.

2. La convention en tant qu’autorisation

67. Certaines parties examinent toutefois la question de savoir si la convention est l’autorisation d’un projet. Si, en application de la directive, les incidences d’un projet sur l’environnement doivent être évaluées, cette évaluation doit être réalisée en application de l’article 2, paragraphe 1, avant l’autorisation du projet.

68. La République tchèque et la Commission considèrent qu’il est possible de considérer une convention comme une autorisation si, en droit interne, elle produit les mêmes effets qu’une autorisation. Par conséquent, en application de l’article 1 er , paragraphe 2, la convention devrait contenir la décision de l’autorité compétente ou des autorités compétentes sur la base de laquelle le maître d’ouvrage obtient le droit de réaliser le projet.

69. Selon Descamps e.a., TNT, la SAB et le Royaume de Belgique, la convention n’accorde toutefois pas un droit de construire. Les projets décrits nécessitaient plutôt des autorisations des pouvoirs publics. Cela aurait été expressément reconnu dans la convention.

70. En particulier, la Commission indique, par contre, une autre possibilité qui peut en principe aboutir à ce que l’on considère une convention comme une autorisation. La Cour a déduit de la systématique et de l’objectif de la directive qu’une décision d’autorisation peut consister en plusieurs étapes, qui, à leur tour, peuvent entraîner une obligation de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement (13) . Par conséquent, la nécessité d’autres autorisations n’exclut pas nécessairement qu’il faille procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement déjà à un stade antérieur, éventuellement déjà à la première étape (14) . Ainsi qu’il ressort du premier considérant, la directive a en effet pour objectif que les autorités compétentes prennent en considération les effets du projet en cause sur l’environnement le plus tôt possible (15) .

71. Selon cette jurisprudence, la directive vise également des actes qui relèvent de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement (16) . L’argument du Royaume de Belgique, de la SAB et de TNT, selon lequel une éventuelle applicabilité de la directive 2001/42 ratione materiae exclut une application de la directive en cause à la convention, ne saurait donc être fondé.

72. Par conséquent, il convient d’examiner si la convention peut être considérée comme une partie d’une procédure d’autorisation en plusieurs étapes.

73. Jusqu’à ce jour, la Cour a admis une procédure d’autorisation en plusieurs étapes au sens de la directive lorsque plusieurs décisions successives sont nécessaires au regard du droit national pour autoriser un projet (17) . Le Royaume de Belgique fait toutefois valoir – dans un autre contexte – que la convention n’est juridiquement pas une condition des travaux planifiés. Si cet argument est exact, la convention n’est pas une partie d’une procédure d’autorisation en plusieurs étapes au sens de la jurisprudence actuelle.

74. Par conséquent se pose la question de savoir si des étapes non prévues du processus de décision doivent également relever d’un point de vue juridique d’une procédure d’autorisation en plusieurs étapes.

75. L’évaluation des incidences sur l’environnement a pour objectif que la décision relative à un projet soit adoptée en connaissant ses incidences sur l’environnement et sur la base de la participation du public. Cet examen des effets sur l’environnement permet d’éviter autant que possible les pollutions, plutôt que de les combattre ultérieurement, au sens du premier considérant de la directive et du principe de précaution visé à l’article 174, paragraphe 2, CE. La condition relative à la participation du public implique que cette participation peut encore influencer la décision sur le projet (18) .

76. Certes, la directive rattache formellement l’évaluation des incidences sur l’environnement à la notion d’autorisation, mais elle ne pourrait pas atteindre son objectif si une décision relative à un projet était déjà pratiquement adoptée avant qu’une procédure formelle d’autorisation n’ait été introduite.

77. Par conséquent, il convient de considérer la convention comme étant la première étape d’une procédure d’autorisation à plusieurs étapes si, et dans la mesure où, elle limite la marge d’appréciation des autorités nationales compétentes dans la procédure d’autorisation ultérieure.

78. À cet égard, la question de savoir si la marge d’appréciation reste formellement inchangée ne saurait seule importer, ainsi que le soutiennent plusieurs parties. On peut déjà mettre en doute l’existence d’une décision administrative indépendante et impartiale tenant pleinement compte d’une éventuelle évaluation des incidences sur l’environnement et des observations du public si les instances politiques responsables se sont clairement prononcées pour le projet. Même les dommages et intérêts prévus en cas d’absence d’autorisation – ainsi que cela est éventuellement prévu en vertu du point 8, sous c), ou du point 9 de la convention – peuvent limiter la marge d’appréciation.

79. La question de savoir si la convention sous cette forme limite la décision des autorités compétentes, ainsi que le soutiennent notamment Abraham e.a. ainsi que Beaujean e.a., est une question de droit national qu’il appartient aux juridictions nationales compétentes d’examiner.

3. La convention en tant que jonction de projets partiels

80. Si la convention n’affecte pas la marge d’appréciation des autorités compétentes en matière d’autorisation, elle peut néanmoins jouer une fonction dans le cadre de l’évaluation des incidences sur l’environnement, à laquelle il est à tout le moins fait allusion dans la décision de renvoi et qui est notamment soulignée dans l’argument avancé par Abraham e.a. La juridiction de renvoi songe en effet à la construction d’un ensemble d’installations qui modifient les structures importantes d’un aéroport ayant une piste d’une longueur de plus de 2 100 mètres (19) .

81. La question du caractère global de projets particuliers est donc intéressante, parce que les mesures individuelles convenues n’atteignaient manifestement pas à elles seules le seuil qui aurait rendu nécessaire une évaluation des incidences sur l’environnement. De même, les riverains de l’aéroport font valoir que les mesures considérées dans leur ensemble auraient des incidences importantes (nuisibles) sur l’environnement.

82. La Cour a déjà déclaré qu’il ne serait pas compatible avec la directive de ne considérer que de manière isolée plusieurs projets de même type ou différents tronçons d’une voie sans tenir compte de leur effet cumulatif (20) . Cela correspond à l’article 5, paragraphe 1, et à l’annexe III, point 4, qui exigent une description des effets cumulatifs sur l’environnement. Ces effets cumulatifs doivent être pris en considération dans le cadre de la décision portant sur le projet, en application de l’article 8.

83. En l’espèce, il est certes question de plusieurs projets partiels différents, qui sont toutefois reliés par la convention en un projet général qui a pour objectif de permettre à deux entreprises d’utiliser l’aéroport de Liège-Bierset pour certaines formes de transport de fret. Même si ces projets partiels ne font pas l’objet d’une décision d’autorisation commune, cela ne peut avoir pour résultat une prise en considération isolée des projets partiels. Dans le cadre de chaque décision, il faut plutôt envisager les effets cumulatifs des projets partiels dans le cadre du projet global et en tenir dûment compte.

84. Enfin, il convient de faire observer qu’une évaluation des incidences sur l’environnement, si elle devait s’imposer, ne devrait pas nécessairement concerner expressément la convention ou les projets partiels. On ne saurait exclure que les incidences sur l’environnement d’un trafic aérien augmenté, en ce compris l’utilisation de nuit de l’aéroport de Liège-Bierset, ont déjà fait l’objet d’une évaluation suffisante dans le cadre d’une autre procédure. À cet égard, les parties et la juridiction de renvoi mentionnent différentes décisions de planification et différents programmes. Si ces derniers étaient fondés sur une évaluation suffisante des incidences sur l’environnement avec la participation du public, une nouvelle évaluation n’aurait pas été nécessaire ultérieurement (21) .

4. Conclusion intermédiaire

85. En résumé, il convient de constater, en ce qui concerne la première question, qu’une convention entre l’État et une entreprise privée, par laquelle cette dernière doit être incitée à s’établir dans un aéroport ayant une piste d’une longueur de plus de 2 100 mètres, qui contient une description précise des travaux d’infrastructure qui doivent être réalisés pour l’aménagement de la piste – sans que cette dernière soit allongée – et la construction d’une tour de contrôle, pour permettre d’accueillir des avions de grande capacité 24 heures sur 24, 365 jours par an, et qui prévoit à la fois des vols de nuit et des vols de jour dès l’établissement de cette entreprise,

– n’est pas un projet au sens de la directive,

– mais, en tant que première étape d’une procédure d’autorisation en plusieurs étapes, peut nécessiter une évaluation des incidences sur l’environnement si, et dans la mesure où, elle limite la marge d’appréciation des autorités nationales compétentes dans la suite de la procédure d’autorisation, et

– associe les projets partiels en un projet global dont les incidences doivent être prises en considération de manière globale dans le cadre des autorisations partielles.

V – Conclusion

86. Nous proposons à la Cour de répondre comme suit:

«Sur la troisième question

Les effets d’une modification de l’infrastructure d’un aéroport sur l’environnement au sens de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, englobent l’augmentation ainsi recherchée des activités de l’aéroport.

Sur la deuxième question

La modification de l’infrastructure d’un terrain d’aviation existant avec une piste de décollage et d’atterrissage d’une longueur de 2 100 mètres et plus doit être considérée comme une construction d’un terrain d’aviation au sens de l’annexe I, point 7, de la directive 85/337 et, par conséquent, en application de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive doit obligatoirement faire l’objet d’une évaluation de ses incidences sur l’environnement si elle équivaut à une nouvelle construction au regard de ses incidences sur l’environnement.

Si la modification de l’infrastructure d’un terrain d’aviation existant avec une piste de décollage et d’atterrissage d’une longueur de 2 100 mètres et plus ne doit pas être assimilée à une nouvelle construction d’un aéroport, ses incidences sur l’environnement doivent faire l’objet d’une évaluation en application de l’article 4, paragraphe 2, de l’annexe I, point 7, et de l’annexe II, point 12, de la directive 85/337 si, en raison de sa nature, de ses dimensions ou de sa localisation, elle est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

Sur la première question

Une convention entre l’État et une entreprise privée, par laquelle cette dernière doit être incitée à s’établir dans un aéroport ayant une piste d’une longueur de plus de 2 100 mètres, qui contient une description précise des travaux d’infrastructure qui doivent être réalisés pour l’aménagement de la piste – sans que cette dernière soit allongée – et la construction d’une tour de contrôle, pour permettre d’accueillir des avions de grande capacité 24 heures sur 24, 365 jours par an, et qui prévoit à la fois des vols de nuit et des vols de jour dès l’établissement de cette entreprise,

– n’est pas un projet au sens de la directive,

– mais, en tant que première étape d’une procédure d’autorisation en plusieurs étapes, peut nécessiter une évaluation des incidences sur l’environnement si, et dans la mesure où, elle limite la marge d’appréciation des autorités nationales compétentes dans la suite de la procédure d’autorisation, et

– associe les projets partiels en un projet global dont les incidences doivent être prises en considération de manière globale dans le cadre des autorisations partielles».

(1) .

(2)  – JO L 175, p. 40.

(3)  – Arrêts du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a. (C-72/95, Rec. p. I-5403, point 50); du 21 septembre 1999, Commission/Irlande (C-392/96, Rec. p. I-5901, point 64); du 29 avril 2004, Commission/Portugal (C-117/02, Rec. p. I-5517, point 82); du 2 juin 2005, Commission/Italie (C-83/03, Rec. p. I-4747, point 19), et du 8 septembre 2005, Commission/Espagne (C-121/03, Rec. p. I-7569, point 87).

(4)  – Arrêt du 23 novembre 2006, Commission/Italie (C-486/04, Rec. p. I-11025, point 36). Voir, également, arrêts précités à la note 3.

(5)  – Arrêt du 19 septembre 2000, Linster (C-287/98, Rec. p. I-6917, point 37).

(6)  – Arrêt du 16 septembre 2004, Commission/Espagne (C-227/01, Rec. p. I-8253, points 46 et suiv.).

(7)  – En principe, les incidences sur l’environnement d’éventuelles utilisations ont déjà été examinées lors de la construction d’une installation, de sorte que les résultats de cette évaluation peuvent être utilisés au moment de se prononcer sur des modifications d’utilisation ultérieures.

(8)  – Voir arrêts Linster (précité à la note 5, point 52) et du 16 septembre 2004, Commission/Espagne (précité à la note 6, point 47), ainsi qu’arrêts précités à la note 3.

(9)  – Arrêts Kraaijeveld e.a. (précité à la note 3, points 31 et 39) et du 16 septembre 2004, Commission/Espagne (précité à la note 6, point 46).

(10)  – Arrêts Kraaijeveld e.a. (précité à la note 3, point 40) et du 16 septembre 1999, WWF e.a. (C‑435/97, Rec. p. I-5613, point 40).

(11)  – Arrêt WWF e.a. (précité à la note 10, point 49). Les conclusions présentées par l’avocat général Mischo le 29 avril 1999 dans la même affaire sont encore plus claires (point 43).

(12)  – Voir points 23 et suiv. ci-dessus.

(13)  – Arrêt du 4 mai 2006, Barker (C-290/03, Rec. p. I-3949, point 45).

(14)  – Arrêt du 7 janvier 2004, Wells (C-201/02, Rec. p. I-723, point 52).

(15)  – Arrêt Wells (précité à la note 14, point 51).

(16)  – JO L 197, p. 30.

(17)  – Arrêt Wells (précité à la note 14, point 52).

(18)  – Voir arrêt du 23 novembre 2005, Royaume-Uni/Commission (T-178/05, Rec. p. II‑4807, point 57), qui concerne la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32).

(19)  – Voir p. 154 de la décision de renvoi.

(20)  – Arrêts Commission/Irlande (précité à la note 3, point 76) et du 16 septembre 2004, Commission/Espagne (précité à la note 6, point 53).

(21)  – Voir arrêts du 11 août 1995, Commission/Allemagne (C-431/92, Rec. p. I-2189, points 41 et suiv.) et du 16 septembre 2004, Commission/Espagne (précité à la note 6, point 56).