ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

18 décembre 2008 ( *1 )

«Marque communautaire — Procédure d’opposition — Demande de marque communautaire figurative Torre Albéniz — Marque communautaire figurative antérieure TORRES — Motif relatif de refus — Absence de risque de confusion»

Dans l’affaire T-287/06,

Miguel Torres, SA, établie à Vilafranca del Penedés (Espagne), représentée par Mes E. Armijo Chávarri, M. Baz de San Ceferino et A. Castán Pérez-Gómez, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. O. Mondéjar Ortuño et Mme J. García Murillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) intervenant devant le Tribunal, étant

Bodegas Peñalba Lopez, SL, établie à Aranda de Duero (Espagne), représentée par Mes J. Calderón Chavero, T. Villate Consonni et M. Yañez Manglano, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 27 juillet 2006 (affaire R 597/2004-2), relative à la procédure d’opposition entre Miguel Torres, SA et Bodegas Peñalba Lopez, SL,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij (rapporteur), président, D. Šváby et V. Vadapalas, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 octobre 2006,

vu le mémoire en réponse de l’Office déposé au greffe du Tribunal le 30 janvier 2007,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 22 janvier 2007,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu la désignation d’un autre juge pour compléter la chambre à la suite de l’empêchement d’un de ses membres,

à la suite de l’audience du 10 janvier 2008,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1

Le 1er juin 1999, Mme Mª del Pilar Pérez Albéniz Iglesias a demandé l’enregistrement d’une marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après « l’Office »), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2

La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3

Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 32, 33 et 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

classe 32 : « Bières, eaux minérales et autres boissons non alcooliques, sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

classe 33 : « Vins » ;

classe 39 : « Services d’entreposage, distribution, transport, dépôt, emballage et empaquetage de marchandises diverses ».

4

Au cours de la procédure devant l’Office, la demande de marque a été cédée à l’intervenante, Bodegas Peñalba López, SL. Cette dernière l’a limitée aux produits de la classe 33 et aux services de la classe 39.

5

La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 72/00, du 11 septembre 2000.

6

Le 11 décembre 2000, la requérante, Miguel Torres, SA, a formé une opposition contre la demande de marque communautaire, au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

7

L’opposition était fondée sur les enregistrements antérieurs suivants :

enregistrement communautaire no 2783 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 1er février 1999 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières)] :

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enregistrement communautaire no 376681 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 27 septembre 1999 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières)] :

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enregistrement communautaire no 376947 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 14 septembre 1999 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières)] :

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enregistrement communautaire no 462267 de la marque verbale VIÑA LAS TORRES, effectué le 3 février 1999 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières)] ;

enregistrement communautaire no 466839 de la marque verbale GRAN TORRES, effectué le 1er février 1999 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières)] ;

enregistrement communautaire no 466896 de la marque verbale TORRES 10, effectué le 1er février 1999 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières)] ;

enregistrement communautaire no 466912 de la marque verbale 5 TORRES, effectué le 1er février 1999 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières)] ;

enregistrement espagnol no 2234398 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 20 septembre 1999 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières)] :

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enregistrement espagnol no 18132 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 7 janvier 1911 pour les produits relevant de la classe 33 (vins) :

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enregistrement espagnol no 35802 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 8 avril 1920 pour les produits relevant de la classe 33 [brandys, eaux de vie et liqueurs (à l’exception des vins)] :

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enregistrement espagnol no 149441 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 13 octobre 1947 pour les produits relevant des classes 30, 32 et 33 (vins, œnologie, moûts, bières et vinaigres) :

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enregistrement espagnol no 1677345 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 5 octobre 1992 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières) et notamment le brandy] :

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enregistrement espagnol no 1751690 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 20 juillet 1993 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières) et notamment le brandy] :

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enregistrement espagnol no 1677346 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 3 mars 1995 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières) et notamment le brandy] :

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enregistrement espagnol no 1718386 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 5 avril 1994 pour des produits relevant de la classe 33 (brandy) :

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enregistrement espagnol no 1787982 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 3 avril 1996 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières)] :

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enregistrement espagnol no 397808 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 11 mai 1963 pour les produits relevant des classes 1, 30, 32 et 33 (vins mousseux, œnologie, vins, moûts, bières, vinaigres et tartre pour le traitement des vins) :

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enregistrement espagnol no 400056 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 17 janvier 1963 pour les produits relevant de la classe 33 (tout type de vins, à l’exception des vins blancs de table, extra secs, ayant des caractéristiques analogues à celles du Rhin) :

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enregistrement espagnol no 529931 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 2 septembre 1968 :

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enregistrement espagnol no 592542 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 21 septembre 1971 pour les produits relevant de la classe 33 (vins) :

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enregistrement espagnol no 592543 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 8 janvier 1972 pour les produits relevant de la classe 33 (vins) :

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enregistrement espagnol no 1119998 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 20 juin 1986 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières)] :

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enregistrement espagnol no 1119999 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 5 février 1987 pour les produits relevant de la classe 33 (vins) :

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enregistrement espagnol no 1172809 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 5 janvier 1989 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières)] :

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enregistrement espagnol no 1938607 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 5 mars 1996 pour les produits relevant de la classe 33 [boissons alcooliques (à l’exception des bières) et notamment le brandy] :

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enregistrement espagnol no 715533 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 11 novembre 1976 pour les produits relevant de la classe 33 (spiritueux et liqueurs) :

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enregistrement au Royaume-Uni B 857391 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 3 décembre 1963 pour les produits relevant de la classe 33 (vins) :

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enregistrement irlandais B 87182 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 17 juillet 1974 pour les produits relevant de la classe 33 (vins) :

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enregistrement suédois no 238430 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 31 juillet 1992 pour les produits relevant de la classe 33 (tous les produits, notamment les vins, les vins mousseux, le brandy et les liqueurs) :

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enregistrement finlandais no 33633 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 22 août 1977 pour les produits relevant de la classe 33 (vins, alcools et liqueurs) :

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enregistrement au Royaume-Uni no 113347 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 17 octobre 1995 :

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enregistrement danois no 1373 de la marque figurative représentée ci-après, effectué le 11 avril 1964 :

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8

L’opposition était fondée sur tous les produits couverts par les droits antérieurs et était dirigée uniquement contre les produits « vins » relevant de la classe 33 et couverts par la marque demandée.

9

Par décision du 18 mai 2004 et sur le fondement d’une comparaison effectuée entre la marque demandée et la marque communautaire figurative antérieure TORRES no 2783 (ci-après la « marque antérieure »), la division d’opposition a fait droit à l’opposition, estimant qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit dû à l’identité des produits désignés par ces marques, à certaines similitudes visuelles (représentation d’une tour et mot « torres ») et phonétiques (les syllabes « to » et « rre ») et à la notoriété de la marque antérieure.

10

Le 16 juillet 2004, l’intervenante a introduit un recours contre la décision de la division d’opposition.

11

Par décision du 27 juillet 2006 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’Office a annulé la décision de la division d’opposition, au motif que la condition de similitude entre les marques en conflit n’était pas remplie et qu’il n’y avait donc pas de risque de confusion entre celles-ci.

12

À cet égard, la chambre de recours a considéré notamment que le fait que le mot « torre » soit placé au début de la marque demandée ne conférait pas à celui-ci un caractère dominant par rapport aux autres éléments de ladite marque. En effet, le caractère distinctif de la marque demandée résulterait de l’unité logique et conceptuelle formée par la combinaison des deux termes, « torre » et « albéniz », et ce dernier singulariserait la tour, possédant ainsi un caractère dominant dans ladite marque (points 28 et 29 de la décision attaquée). La chambre de recours a également considéré que, si la notoriété d’une marque antérieure conforte le caractère distinctif de celle-ci, elle ne renforce pas, en toutes circonstances, celui de l’élément identique ou similaire d’une marque complexe de sorte que ce composant devient dominant dans l’impression d’ensemble produite par ladite marque, lorsque cet élément forme avec les autres composants une unité logique et conceptuelle indissociable, parfaitement différenciable et non associable à la marque antérieure qui jouit d’une notoriété (point 30 de la décision attaquée). Ensuite, la chambre de recours a considéré que les marques en conflit produisaient une impression globale différente, que la coïncidence de l’élément « torre » sur le plan phonétique était compensée par l’élément « albéniz » et que, sur le plan conceptuel, la perception du public pertinent variera selon qu’il connaît ou non le sens du terme « torre ». En effet, pour ceux qui comprennent la signification de ce terme, il existerait une différence conceptuelle, tandis que pour ceux qui ne perçoivent aucun sens dans le terme « torre », la similitude conceptuelle serait peu pertinente (points 35 à 37 de la décision attaquée).

Conclusions des parties

13

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner l’Office aux dépens.

14

L’Office conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

15

L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

En droit

Arguments des parties

16

À l’appui de son recours, la requérante avance un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

17

La requérante soutient que la chambre de recours a commis trois erreurs dans l’application des règles développées par la jurisprudence en ce qui concerne l’interprétation de cette disposition. En premier lieu, elle aurait méconnu la notoriété des marques antérieures lors de la détermination de l’élément dominant de la marque demandée et lors de l’examen du risque de confusion. En deuxième lieu, elle n’aurait pas procédé à cet examen sur le fondement de la perception du public pertinent (le consommateur moyen de l’Union européenne), mais uniquement sur la base de la perception d’un groupe minoritaire de consommateurs (les consommateurs espagnols, italiens et portugais). En troisième lieu, elle n’aurait pas tenu compte du fait que les marques de la requérante constituaient une « famille de marques » ou une « série de marques ».

18

Ce moyen est fondé sur quatre prémisses. Premièrement, la notoriété du signe TORRES dans l’ensemble de l’Union renforcerait le caractère distinctif de l’élément commun aux signes en conflit qui deviendrait dominant. Deuxièmement, eu égard à leurs éléments distinctifs et dominants, les signes en conflit présenteraient des ressemblances et des similitudes phonétiques et visuelles. Troisièmement, la notoriété du signe TORRES, ajoutée à l’identité des produits, renforcerait le ius prohibendi des marques antérieures dans l’appréciation du risque de confusion. Quatrièmement, le risque de confusion serait augmenté par l’existence d’une « famille de marques » contenant l’élément verbal « torres » et l’élément graphique d’une ou de plusieurs tours.

19

Eu égard à la première prémisse, en premier lieu, la requérante fait valoir que, étant donné la notoriété et l’implantation du signe TORRES dans l’ensemble de l’Union, l’élément « torre » de la marque demandée est perçu par le consommateur pertinent comme l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par ladite marque.

20

Se référant à la jurisprudence et à la doctrine espagnoles, la requérante prétend que, de même que la notoriété d’une marque antérieure renforce sa protection et son caractère distinctif, elle renforce également le caractère distinctif de l’élément identique ou similaire d’une marque demandée qui est une marque composée.

21

En deuxième lieu, la requérante estime que l’affirmation de la chambre de recours, selon laquelle la marque demandée constitue une unité logique et conceptuelle indivisible, est pertinente seulement en Espagne, au Portugal et en Italie, lieux où la signification des marques en conflit est comprise ou peut être comprise. Dans les autres pays où les marques TORRES sont également enregistrées, les mots « torre » et « albéniz » n’auraient aucune signification spécifique et pourraient donc difficilement être considérés comme formant une unité logique et conceptuelle propre.

22

La requérante souligne, à ce propos, que la position de la chambre de recours, en ce qui concerne l’unité logique et conceptuelle de la marque demandée, est en contradiction avec la position qu’elle a prise au point 29 de la décision attaquée, dans lequel il a été dit que c’était le terme « albéniz » qui singularisait la tour qu’elle désigne et qui jouait dès lors un rôle dominant et distinctif dans la marque demandée. En effet, la plus grande partie des consommateurs pertinents ne comprendraient pas la signification de ce terme ni ne l’associeraient au musicien espagnol Albéniz.

23

En troisième lieu, la requérante fait valoir que l’argument selon lequel la marque antérieure n’est pas identique à l’élément « torre » en raison de l’absence de la lettre « s » dans ce dernier est un argument faible, dans la mesure où la lettre « s » indique le pluriel, mais ne modifie aucunement le sens du substantif.

24

Enfin, elle considère que, si la position d’un des composants d’une marque complexe n’est pas un critère décisif pour déterminer l’élément dominant, l’emplacement a en tout cas un rôle à jouer dans l’appréciation des consommateurs qui connaissent le mot « torres » ou pour lesquels celui-ci est familier. Ces consommateurs auraient tendance à abréger la marque demandée et à prêter essentiellement attention au mot « torre ». En effet, la notoriété des marques antérieures TORRES et l’emplacement du mot « torre » au début de la marque demandée conduiraient le consommateur pertinent à prêter particulièrement attention à ce mot (« torre »).

25

Quant à la deuxième prémisse, la requérante effectue une comparaison effective des signes en conflit en se fondant, pour des motifs d’économie procédurale, sur celles comparées par la division d’opposition et par la chambre de recours dans leurs décisions respectives ; elle en déduit que les signes en conflit présentent des similitudes phonétiques et des ressemblances visuelles, sans pour autant comporter des différences conceptuelles susceptibles de neutraliser celles-ci.

26

Sur le plan visuel, la requérante fait valoir que, du fait de la nature spécifique du vin, l’impression globale des marques de ce produit est essentiellement déterminée par leurs éléments verbaux, les éléments figuratifs passant au second plan. Par conséquent, la similitude entre les marques en conflit, découlant de l’élément verbal commun « torre(s) », ne serait pas neutralisée par l’élément graphique (la représentation d’une tour) contenu dans la marque demandée. Sur ce dernier point, la requérante se fonde sur la jurisprudence du Tribunal pour constater que la quasi-totalité des étiquettes de boissons de la classe 33 présentes sur le marché comportent des éléments décoratifs dont il est difficile de se rappeler lorsque l’on demande le produit.

27

Ensuite, elle fait valoir que la représentation d’une tour, dans la marque demandée, figure dans toutes les marques antérieures de la requérante, dont certaines comportent, comme la marque demandée, la représentation d’une seule tour. En outre, la requérante rappelle que l’élément figuratif lui-même renforce l’élément verbal commun « torre(s) » par la représentation de l’image d’une tour.

28

Sur le plan phonétique, la requérante fait observer que la marque demandée contient la quasi-totalité de la marque antérieure, à l’unique différence de la lettre finale « s ». Elle soutient que la coïncidence des syllabes « to » et « rre(s) », accentuée par leur emplacement au début des deux marques en conflit, leur donne un pouvoir d’attraction plus fort qu’aux syllabes « al », « bé » et « niz ». En outre, les syllabes « to » et « rre(s) » seraient celles qui sont les plus difficiles à prononcer pour le consommateur pertinent, en raison du double « r », et donc celles qui raisonnablement iraient le plus capter son attention.

29

En ce qui concerne la différence conceptuelle, la requérante fait valoir qu’elle ne neutralise pas les similitudes phonétiques et, dans une moindre mesure, visuelles qui existent entre les marques en conflit. Dans la mesure où la majorité des consommateurs pertinents (les consommateurs autrichiens, allemands, néerlandais, du Royaume-Uni, belges, danois, français, etc.) ne connaissent pas la signification du mot « torre » ou de son pluriel « torres », la comparaison conceptuelle des signes serait peu importante. La seule évocation conceptuelle possible des signes en conflit dans ces territoires serait, précisément, celle de la marque antérieure, et ce en raison de son implantation, de sa notoriété et de sa présence dans les territoires pertinents et parce qu’il s’agirait du terme qui indique l’origine commerciale des produits correspondants.

30

À ce sujet, la requérante ajoute que, s’il est vrai que, pour les consommateurs espagnols, italiens et portugais, l’élément conceptuel constitue un facteur pertinent dans la comparaison des marques en conflit, la perception conceptuelle par ce groupe de consommateurs, quelle qu’elle soit, n’a pas d’incidence sur l’appréciation de la perception des marques par le plus grand nombre de consommateurs. Se référant à la jurisprudence du Tribunal, elle fait valoir que, en principe, l’existence d’un risque de confusion dans une partie de la Communauté européenne suffit pour que l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 puisse s’appliquer.

31

Enfin, la requérante se réfère à la jurisprudence du Tribunal pour soutenir que, dans le cas où l’un des deux seuls termes constituant une marque verbale est identique, sur le plan visuel et sur le plan phonétique, à l’unique terme constituant une marque verbale antérieure, et où ces termes, pris ensemble ou isolément, n’ont, sur le plan conceptuel, aucune signification pour le public concerné, les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble, sont normalement à considérer comme similaires au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

32

S’agissant de l’appréciation globale du risque de confusion, d’une part, la requérante estime que la reconnaissance de la notoriété du signe TORRES dans l’ensemble de l’Union implique une plus grande protection et un caractère distinctif plus fort des marques TORRES, un plus grand risque de confusion et une plus grande rigueur dans la comparaison de la marque antérieure avec la marque demandée.

33

D’autre part, l’identité existant entre les produits désignés par les marques en conflit renforcerait le jugement de similitude et de ressemblance entre les signes en conflit, ces marques étant présentes dans le même secteur de production, de commercialisation et de consommation.

34

Par ailleurs, la requérante fait valoir qu’il ne saurait être affirmé, comme le fait la chambre de recours, que le consommateur de vin est un consommateur spécialisé pouvant différencier les marques sans problème, car le vin est un produit consommé par des personnes venant de toutes les couches sociales et de différents niveaux culturels. Il y aurait des consommateurs spécialisés, mais d’autres achèteraient un vin parce que la marque leur est familière.

35

De même, la chambre de recours ne saurait nier tout effet aux arrêts des juridictions espagnoles dans des affaires semblables au cas d’espèce.

36

Enfin, la requérante soutient que le risque de confusion qui existe entre la marque demandée et les marques notoires de la requérante a été reconnu au niveau communautaire, dans un cas analogue, dans lequel se posait la question de la possibilité de coexistence des marques TORRES et de l’appellation d’origine constituée par l’expression « torres vedras ».

37

De plus et indépendamment du résultat de la comparaison entre la marque demandée et les marques antérieures, la requérante fait valoir que l’existence d’une « famille de marques » ou d’une « série de marques » contenant l’élément verbal « torres » et la représentation d’une ou de plusieurs tours augmente le risque de confusion entre les marques en conflit.

38

En effet, ces marques seraient toutes construites à partir de deux éléments communs : le mot « torres » et la représentation d’une ou de plusieurs tours ; certaines comprendraient également un élément additionnel afin d’identifier le produit concret en cause. La requérante met, ainsi, en évidence le fait que l’élément « torre » et la représentation d’une tour dans la marque demandée induisent naturellement le consommateur à considérer cette marque comme appartenant à la famille des marques de la requérante.

39

Se référant à l’arrêt du Tribunal du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI — Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE) (T-194/03, Rec. p. II-445), la requérante estime qu’elle a prouvé les deux conditions requises pour reconnaître l’incidence de l’existence d’une famille de marques sur le risque de confusion, à savoir, d’une part, l’usage et la présence sur le marché de toutes les marques appartenant à la famille et sur lesquelles se fonde l’opposition et, d’autre part, la présence, dans la marque demandée, de l’élément fondamental identifiant la famille des marques.

40

L’Office et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

Appréciation du Tribunal

41

Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, la marque demandée est refusée à l’enregistrement sur opposition du titulaire d’une marque antérieure lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée.

42

Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public pertinent puisse croire que les produits ou les services désignés par les marques en conflit proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce [arrêts de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, point 17, et du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI — Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T-162/01, Rec. p. II-2821, points 30 et 31].

43

Cette appréciation globale tient compte, notamment, de la connaissance de la marque sur le marché, ainsi que du degré de similitude des marques et des produits ou des services désignés. À cet égard, elle implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 17, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19).

44

En outre, la perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

45

En l’espèce, le public pertinent se compose des consommateurs moyens des États membres dans lesquels le signe antérieur bénéficie d’une protection.

46

L’identité des produits en cause n’est pas contestée par les parties.

47

Il ressort de la jurisprudence que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2006, Torres/OHMI — Bodegas Muga (Torre Muga), T-247/03, non publié au Recueil, point 45, et la jurisprudence citée].

48

Il est en outre de jurisprudence constante que ne peuvent être considérées comme étant similaires une marque complexe et une autre marque, identique ou présentant une similitude avec l’un des composants de la marque complexe, que lorsque celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe. Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (voir arrêt Torre Muga, précité, point 46, et la jurisprudence citée).

49

Cependant, il convient de ne pas prendre en considération uniquement l’un des composants d’une marque complexe et de le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer une telle comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble (voir arrêt Torre Muga, précité, point 47, et la jurisprudence citée).

50

En l’espèce, la marque antérieure est constituée du mot « torres », écrit en lettres majuscules et situé au-dessus d’un blason sur lequel sont représentées trois tours, tandis que la marque demandée est formée de la représentation d’une tour en dessous de laquelle figure l’expression « torre albéniz », écrite en italique et dans une police de caractères particulière.

51

Aux fins de la comparaison des signes litigieux, la requérante a présenté divers arguments tendant à faire reconnaître que le mot « torre » constituait l’élément dominant de la marque demandée. Eu égard à l’incidence de cette question sur l’appréciation de la similitude des signes, il convient d’examiner ces arguments avant de procéder à la comparaison des signes en conflit.

Sur le caractère dominant de l’élément « torre » dans la marque demandée

52

S’agissant de l’incidence que la reconnaissance de la notoriété du signe TORRES pourrait avoir sur la recherche de l’élément dominant de la marque demandée et, par conséquent, sur la similitude des marques en conflit, il convient de considérer que la notoriété d’une marque antérieure peut, selon le cas, renforcer le caractère distinctif de l’élément identique ou similaire d’une marque complexe de sorte que celui-ci devient son élément dominant.

53

Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce.

54

S’agissant, tout d’abord, de l’allégation de la requérante selon laquelle la notoriété des marques antérieures TORRES dans l’ensemble de l’Union ainsi que l’emplacement du mot « torre » au début de la marque demandée conduiraient le consommateur pertinent à prêter particulièrement attention à ce mot et à négliger les autres éléments formant la marque demandée, il convient de relever que, si, afin d’apprécier le caractère dominant d’un ou de plusieurs éléments d’une marque complexe, la position relative des différents composants dans la configuration d’une telle marque peut, de manière accessoire, être prise en compte [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI — Hukla Germany (MATRATZEN), T-6/01, Rec. p. II-4335, point 35], cette position relative ne confère pas, en toutes circonstances, un caractère dominant à un élément d’une marque rendant négligeables, dans l’impression d’ensemble, les autres éléments composant cette marque (arrêt Torre Muga, précité, point 50).

55

En l’espèce, il y a lieu de considérer que le fait que le terme « torre » se situe en première position dans la marque demandée ne rend pas le terme situé en deuxième position, à savoir « albéniz », négligeable dans l’impression d’ensemble produite par ladite marque, notamment sur les plans phonétique et conceptuel. Au contraire, le caractère distinctif de la marque demandée résulte, de manière déterminante, de la combinaison des termes « torre » et « albéniz », qui forment, ensemble, une unité logique et conceptuelle propre. Partant, même si la marque antérieure bénéficiait d’une notoriété, on ne peut pas nier l’existence des autres éléments qui forment la marque demandée.

56

En effet, il y a lieu de constater que rien ne permet de considérer que le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé négligera systématiquement la seconde partie de l’élément verbal d’une marque au point de n’en mémoriser que la première partie, comme l’a fait valoir la requérante.

57

Tel est plus particulièrement le cas dans le secteur des boissons alcooliques, où les consommateurs sont habitués à ce que les produits soient fréquemment désignés par les marques comprenant plusieurs éléments verbaux (arrêt Torre Muga, précité, points 52 et 53).

58

En l’espèce, il y a lieu de relever que le signe antérieur notoire TORRES n’est pas identique à l’élément « torre » de la marque demandée, du fait que ce dernier ne se termine pas par la lettre « s ». Ensuite, il convient de tenir compte de ce que, d’une part, l’élément verbal « torre » de la marque demandée fait l’objet d’un usage courant pour désigner les produits concernés et, d’autre part, ce mot est combiné avec l’élément « albéniz » de telle sorte qu’il forme avec ce dernier une unité logique et conceptuelle déterminante quant à la capacité de la marque demandée à distinguer les produits qu’elle désigne. Ces circonstances ne permettent pas de considérer que le mot « torre » rend les autres composants de la marque complexe négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, quand bien même cet élément présenterait un certain degré de similitude avec le signe fortement distinctif TORRES (voir, en ce sens, arrêt Torre Muga, précité, point 57).

59

S’agissant, ensuite, de la prétendue contradiction entre, d’une part, la constatation de la chambre de recours selon laquelle l’expression contenue dans la marque demandée forme une unité logique et conceptuelle propre et, d’autre part, celle selon laquelle le terme « albéniz » occupe une position dominante et distinctive dans la marque demandée, il y a lieu de considérer que le public pertinent percevra la marque demandée comme une unité syntaxique, indépendamment de la compréhension de ce syntagme. Pour la partie de ce public, plus particulièrement espagnol, portugais ou italien, qui comprend la signification de ces termes ou expression, il est probable que le terme « torre » est moins significatif et que la deuxième partie de la marque demandée, introduisant une spécificité et évoquant un lieu ou une personne, est plus dominante.

60

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer, aux fins de la comparaison des signes litigieux, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en s’abstenant de relever que le terme « torre » était l’élément dominant dans l’impression produite par la marque demandée.

Sur la similitude visuelle

61

Du point de vue visuel, si la comparaison entre les signes en conflit révèle une coïncidence entre les cinq premières lettres de l’élément unique du signe TORRES et l’élément « torre » de la marque demandée, la chambre de recours a constaté, à juste titre, que les signes litigieux produisaient, chacun, une impression visuelle globale différente.

62

En effet, tout d’abord, il y a lieu d’observer que l’élément « torre » de la marque demandée n’est pas identique au signe TORRES, ce dernier se terminant par la lettre « s » indiquant le pluriel.

63

Ensuite, alors que la marque antérieure est constituée du mot « torres », écrit en lettres majuscules et situé au dessus d’un blason sur lequel sont représentées trois tours, la marque demandée est formée de la représentation d’une tour en dessous de laquelle figure l’expression « torre albéniz », écrite en italique et dans une police de caractères particulière.

64

S’il peut être considéré, ainsi que le fait valoir la requérante, que, dans la marque demandée, l’élément figuratif revêt un caractère subsidiaire par rapport à l’élément verbal, lequel est bien plus susceptible de différencier les produits désignés et de capter l’attention du consommateur, il convient de retenir que le seul élément verbal « torre albéniz » de la marque demandée est, en tout état de cause, suffisamment distinct du signe TORRES pour que, sur le plan visuel, les différences l’emportent sur les aspects similaires dans la perception du consommateur. Cette conclusion n’est pas altérée par le fait, invoqué par la requérante, que l’attention du public se concentrera au moins avec la même intensité sur la première partie de l’élément verbal de la marque demandée que sur la seconde partie de celui-ci.

Sur la similitude phonétique

65

Sur le plan phonétique, il convient d’observer que le signe antérieur consiste en un mot unique, composé des deux syllabes « to » et « rres », tandis que la marque demandée compte deux mots représentant un total de cinq syllabes, à savoir « to », « rre », « al », « bé » et « niz » . Dans ces conditions, la circonstance que la marque demandée contient la quasi-totalité de la marque antérieure, à la lettre finale « s » près, ne saurait l’emporter sur les différences phonétiques entre les signes pris chacun dans leur ensemble. Il y a donc lieu de considérer que la chambre de recours a retenu, à bon droit, que les signes litigieux étaient sur le plan phonétique clairement différents.

66

Cette appréciation n’est pas susceptible d’être infirmée par les autres arguments de la requérante sur ce point.

67

Même si l’existence d’une partie clairement similaire dans les deux marques en conflit ne peut être niée, il n’en reste pas moins que cette circonstance est neutralisée par des différences phonétiques manifestes entre les deux signes, que ce soit sur le plan du nombre de syllabes prononcées ou en ce qui concerne la présence du terme « albéniz ».

68

Il y a lieu, à cet égard, de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la coïncidence des syllabes « to » et « rre(s) », prétendument accentuée par leur emplacement au début des deux marques en conflit, leur donne un pouvoir d’attraction plus fort, ce qui serait encore renforcé par le fait que les syllabes « to » et « rre(s) » sont plus difficiles à prononcer que l’autre terme qui compose la marque demandée. Ainsi qu’il a été relevé au point 55 ci-dessus, les termes « torre » et « albéniz » forment une unité logique et conceptuelle propre. Or, aucun élément n’a été avancé pouvant amener à la conclusion que cette unité est susceptible de s’affaiblir significativement en la prononçant. De plus, la requérante n’a aucunement étayé l’argument selon lequel les syllabes « to » et « rre(s) » étaient celles qui sont les plus difficiles à prononcer, pour le consommateur pertinent, en raison du double « r ». À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la plupart des territoires pertinents, les mots comprenant un double « r » existent et, partant, aucune difficulté de prononciation de ce phonème n’est établie. En outre, il convient d’observer que la prononciation de la syllabe « bé », dans le mot « albéniz », est clairement accentuée et ne pourrait passer inaperçue dans l’ensemble phonétique produit par la prononciation de la marque demandée. Il en va de même pour la dernière syllabe « niz ».

Sur la similitude conceptuelle

69

Concernant la similitude conceptuelle, il y a lieu de distinguer l’impression produite par les signes litigieux dans les pays où les consommateurs connaissent la signification du mot « torre », à savoir l’Espagne, l’Italie et le Portugal, et l’impression produite dans les autres pays.

70

S’agissant des pays dans lesquels les consommateurs connaissent la signification du mot « torre », la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les idées suggérées par le terme « torres » et l’expression « torre albéniz » étaient différentes. Alors que le mot « torres » évoque, tout du moins pour le public espagnol, l’idée de tours, au pluriel, le deuxième mot de la marque demandée est associé au célèbre musicien espagnol. S’il existe un certain degré de similitude, l’utilisation fréquente du terme « torre » pour désigner les produits en cause en Espagne, en Italie et au Portugal conduira néanmoins les consommateurs de ces pays à ne pas ignorer l’élément « albéniz » contenu dans la marque demandée et, partant, à percevoir davantage la différence conceptuelle entre les signes litigieux.

71

En revanche, dans les pays où la signification du mot « torre » n’est pas connue, la similitude conceptuelle présente une pertinence limitée, ainsi que la requérante et l’Office le relèvent.

72

À cet égard, la requérante fait valoir que la majorité des consommateurs européens ne comprend pas la signification du mot « torre » et qu’il ne saurait être retenu, sur la base de la perception d’une minorité du public destinataire, que les signes en conflit présentent des différences conceptuelles. Il convient cependant d’observer que le fait que la comparaison des signes litigieux sur le plan conceptuel présente une pertinence limitée dans la majorité des pays de l’Union ne fait pas obstacle à ce que, dans les pays où la signification de ce mot est connue par le public, les différences conceptuelles entre les signes en cause soient prises en considération.

73

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a conclu à bon droit que les différences entre les signes litigieux étaient prédominantes sur les plans visuel et phonétique pour l’ensemble des consommateurs concernés, ainsi que du point de vue conceptuel pour les publics espagnol, italien et portugais. En effet, il résulte de la comparaison entre les signes litigieux que ceux-ci produisent une impression globale différente. La seule coïncidence entre les cinq premières lettres du signe antérieur et l’élément « torre » contenu dans la marque demandée ne modifie pas la constatation selon laquelle, dans l’impression d’ensemble, les différences entre les signes l’emportent sur les faibles éléments de similitude.

Sur l’appréciation globale du risque de confusion

74

Eu égard aux différences entre les signes en conflit, la chambre de recours a considéré, à bon droit, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre eux, en dépit de l’identité des produits concernés. En effet, dans le cadre d’une appréciation globale des marques en cause, les différences visuelle, phonétique et, éventuellement, conceptuelle des signes en conflit sont suffisantes pour empêcher, malgré l’identité des produits visés et le fait qu’ils appartiennent au même secteur de production et de commercialisation, que les ressemblances entre les signes en conflit entraînent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur concerné (voir, en ce sens, arrêt Torre Muga, précité, point 71, et la jurisprudence citée).

75

S’agissant de la notoriété du signe TORRES dans l’ensemble des territoires pertinents, il y a lieu de considérer que celle-ci n’est pas susceptible de remettre en cause cette conclusion. S’il est de jurisprudence constante que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important, il convient de souligner qu’un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude entre les signes. Ainsi, la notoriété d’une marque est un élément qui, loin de donner lieu, en lui-même, à un risque de confusion, doit être pris en compte pour apprécier si la similitude entre les signes ou entre les produits et les services est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion (voir arrêt Torre Muga, précité, point 72, et la jurisprudence citée).

76

En l’espèce, si la chambre de recours a reconnu la notoriété du signe TORRES en Espagne, ou bien même dans les autres États membres dans lesquels il jouit d’une protection, la comparaison entre les signes litigieux a cependant révélé que l’impression globale produite par la marque demandée différait dans une large mesure de celle produite par la marque antérieure. Dans ces circonstances, le caractère distinctif élevé du signe antérieur résultant de la connaissance qu’en a le public sur le marché ne saurait, à lui seul, renverser la conclusion selon laquelle il n’existe pas de risque de confusion.

77

Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par l’argument de la requérante faisant référence à l’appellation d’origine contenant l’expression « torres vedras » et selon lequel le législateur communautaire aurait reconnu plus particulièrement qu’une dénomination composée des termes « torres » et « vedras » pouvait être confondue avec les marques TORRES, malgré l’existence du second mot, « vedras », et pour cette raison aurait inséré l’article 23 bis dans le règlement (CEE) no 3201/1990 de la Commission, du 16 octobre 1990, portant modalités d’application pour la désignation et la présentation des vins et des moûts de raisins (JO L 309, p. 1), afin d’éviter cette possibilité. À cet égard, il y a lieu de constater que la réglementation à laquelle la requérante fait référence concerne les dispositions relatives aux vins de qualité produits dans les régions déterminées (v.q.p.r.d.) et celles prévoyant la désignation et la présentation des vins, plus particulièrement l’étiquetage. Or, s’il est vrai que le législateur communautaire a reconnu un possible risque de confusion avec certaines marques notoires lors de l’apparition d’un nouveau vin de qualité de la catégorie v.q.p.r.d. et précisé, par conséquent, la manière dont doit être indiqué le nom de la région déterminée sur l’étiquetage, il n’empêche que la requérante n’a pas, par cette référence, sérieusement mis en avant qu’il existait un risque de confusion dans le cas d’espèce et que, donc, une marque demandée contenant le mot « torre » devait être refusée.

78

Enfin, quant à la critique de la requérante selon laquelle la chambre de recours nie tout effet aux arrêts des juridictions espagnoles, il convient de rappeler que la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement no 40/94, tel qu’interprété par le juge communautaire [arrêt du Tribunal du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI (Surface d’une plaque de verre), T-36/01, Rec. p. II-3887, point 34].

Sur l’argument tiré de la prétendue existence d’une « famille de marques »

79

En ce qui concerne l’argument de la requérante alléguant que ses marques antérieures constituent une « famille de marques » ou une « série de marques », susceptible d’augmenter le risque de confusion au regard de la marque demandée, il y a lieu de rappeler qu’une telle hypothèse a été reconnue dans l’arrêt Bainbridge, précité, et confirmé par l’arrêt de la Cour du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI (C-234/06 P, Rec. p. I-7333).

80

Selon cette jurisprudence, une « série » ou une « famille » de marques est caractérisée, notamment, lorsque soit ces marques antérieures reproduisent intégralement un même élément distinctif avec l’ajout d’un élément, graphique ou verbal, les différenciant l’une de l’autre, soit elles se caractérisent par la répétition d’un même préfixe ou suffixe extrait d’une marque originaire (arrêt Bainbridge, précité, point 123). En effet, dans une telle hypothèse, un risque de confusion peut être suscité par la possibilité d’association entre la marque demandée et les marques antérieures faisant partie de la série, lorsque la marque demandée présente avec ces dernières des similitudes susceptibles d’induire le consommateur à croire qu’elle fait partie de cette même série et, dès lors, que les produits qu’elle désigne ont la même origine commerciale que ceux couverts par les marques antérieures, ou une origine apparentée. Un tel risque d’association entre la marque demandée et les marques de série antérieures, susceptible d’entraîner une confusion sur l’origine commerciale des produits désignés par les signes en conflit, peut exister même lorsque la comparaison entre la marque demandée et les marques antérieures, prises chacune isolément, ne permet pas d’établir l’existence d’un risque de confusion directe (arrêt BAINBRIDGE, précité, point 124). En présence d’une « famille » ou d’une « série » de marques, le risque de confusion résulte plus précisément du fait que le consommateur peut se méprendre sur la provenance ou l’origine des produits ou des services couverts par la marque dont l’enregistrement est demandé et estime, à tort, que celle-ci fait partie de cette « famille » ou de cette « série » de marques (arrêt Il Ponte Finanziaria, précité, point 63).

81

Toutefois, selon la jurisprudence précitée, le risque de confusion tenant à l’existence d’une famille de marques antérieures ne peut être invoqué que si deux conditions sont cumulativement réunies. Premièrement, les marques antérieures faisant partie de la « famille » ou de la « série » doivent être présentes sur le marché. Deuxièmement, la marque demandée doit non seulement être semblable aux marques appartenant à la série, mais également présenter des caractéristiques susceptibles de s’y rattacher. Tel pourrait ne pas être le cas, par exemple, lorsque l’élément commun aux marques sérielles antérieures est utilisé dans la marque demandée dans une position différente de celle dans laquelle il figure habituellement dans les marques appartenant à la série ou avec un contenu sémantique distinct (arrêt BAINBRIDGE, précité, points 125 à 127).

82

En l’espèce, tout d’abord, il y a lieu de relever que l’élément commun des marques verbales et figuratives antérieures sur lesquelles se fonde l’opposition est constitué par le mot « torres » et/ou par la représentation, sous diverses formes, d’une pluralité de tours, lesquelles sont dans la quasi-totalité des cas, ainsi que la requérante l’a confirmé lors de l’audience, au nombre de trois. Il en résulte que l’élément constant des marques antérieures consiste, tant dans sa dimension verbale que dans sa dimension figurative, dans la présence d’une pluralité de tours.

83

Ensuite, il convient de constater que, au-delà du mot au pluriel « torres », et/ou de la représentation de trois tours, les marques antérieures ne présentent pas, sous une forme particulière et constante, de caractéristiques de nature à pouvoir conduire le consommateur pertinent à associer la marque demandée à l’ensemble des marques antérieures, conçu comme une « famille » ou une « série » de marques, et, ainsi, à se méprendre sur la provenance ou l’origine des produits couverts par celle-ci. En effet, tant dans sa dimension verbale que dans sa dimension figurative, le signe Torre Albéniz se distingue des marques antérieures par sa singularité décrite ci-dessus, et en particulier par l’ajout distinctif de l’élément « albéniz ».

84

Dès lors, dans la mesure où la seconde condition visée au point 81 ci-dessus n’est pas remplie, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante tiré de l’existence d’une famille de marques antérieures, sans qu’il soit nécessaire de vérifier, dans ce contexte, la présence des marques antérieures sur le marché. Il s’ensuit que la chambre de recours a estimé à juste titre qu’il n’y avait pas lieu de considérer que le terme « torre » pourrait être perçu par le consommateur pertinent comme se rattachant à la famille des marques TORRES.

85

Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en retenant qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les signes litigieux.

86

Par conséquent, le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

87

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’Office et de l’intervenante.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté

 

2)

Miguel Torres, SA est condamnée aux dépens.

 

Meij

Šváby

Vadapalas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 décembre 2008.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.