ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

6 octobre 2009 ( *1 )

«Pourvois — Ententes — Limitation du commerce parallèle de médicaments — Article 81, paragraphe 1, CE — Restriction de la concurrence par objet — Réglementations nationales des prix — Substitution des motifs — Article 81, paragraphe 3, CE — Contribution à la promotion du progrès technique — Contrôle — Charge de la preuve — Motivation — Intérêt à agir»

Dans les affaires jointes C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P,

ayant pour objet quatre pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduits respectivement, pour les deux premières affaires, le 11 décembre 2006 et, pour les deux affaires suivantes, les et ,

GlaxoSmithKline Services Unlimited, anciennement Glaxo Wellcome plc, établie à Brentford (Royaume-Uni), représentée par M. I. Forrester, QC, ainsi que par Mes S. Martínez Lage, abogado, A. Komninos, dikigoros, et A. Schulz, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. T. Christoforou, F. Castillo de la Torre et E. Gippini Fournier, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

soutenue par:

République de Pologne, représentée par Mmes E. Ośniecka-Tamecka, M. Kapko et K. Majcher, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

European Association of Euro Pharmaceutical Companies (EAEPC), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes M. Hartmann-Rüppel et W. Rehmann, Rechtsanwälte,

Bundesverband der Arzneimittel-Importeure eV, établie à Mülheim an der Ruhr (Allemagne), représentée par Me W. Rehmann, Rechtsanwalt,

Spain Pharma SA, établie à Madrid (Espagne),

Asociación de exportadores españoles de productos farmacéuticos (Aseprofar), établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes M. Araujo Boyd et J. Buendía Sierra, abogados,

parties intervenantes en première instance (C-501/06 P),

et

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. T. Christoforou, F. Castillo de la Torre et E. Gippini Fournier, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par:

République de Pologne, représentée par Mmes E. Ośniecka-Tamecka, M. Kapko et K. Majcher, en qualité d’agents,

partie intervenante au pourvoi,

les autres parties à la procédure étant:

GlaxoSmithKline Services Unlimited, anciennement Glaxo Wellcome plc, établie à Brentford (Royaume-Uni), représentée par M. I. Forrester, QC, ainsi que par Mes A. Komninos, dikigoros, et A. Schulz, Rechtsanwalt,

partie requérante en première instance,

European Association of Euro Pharmaceutical Companies (EAEPC), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me M. Hartmann-Rüppel, Rechtsanwalt,

Bundesverband der Arzneimittel-Importeure eV, établie à Mülheim an der Ruhr (Allemagne),

Spain Pharma SA, établie à Madrid (Espagne),

Asociación de exportadores españoles de productos farmacéuticos (Aseprofar), établie à Madrid (Espagne),

parties intervenantes en première instance (C-513/06 P),

et

European Association of Euro Pharmaceutical Companies (EAEPC), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes M. Hartmann-Rüppel et W. Rehmann, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

GlaxoSmithKline Services Unlimited, anciennement Glaxo Wellcome plc, établie à Brentford (Royaume-Uni), représentée par M. I. Forrester, QC,

partie requérante en première instance,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. T. Christoforou, F. Castillo de la Torre et E. Gippini Fournier, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Bundesverband der Arzneimittel-Importeure eV, établie à Mülheim an der Ruhr (Allemagne),

Spain Pharma SA, établie à Madrid (Espagne),

Asociación de exportadores españoles de productos farmacéuticos (Aseprofar), établie à Madrid (Espagne),

parties intervenantes en première instance (C-515/06 P),

et

Asociación de exportadores españoles de productos farmacéuticos (Aseprofar), établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes M. Araujo Boyd et J. Buendía Sierra, abogados,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

GlaxoSmithKline Services Unlimited, anciennement Glaxo Wellcome plc, établie à Brentford (Royaume-Uni), représentée par M. I. Forrester, QC, et Me A. Schulz, Rechtsanwalt,

partie requérante en première instance,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. T. Christoforou, F. Castillo de la Torre et E. Gippini Fournier, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

European Association of Euro Pharmaceutical Companies (EAEPC), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me M. Hartmann-Rüppel, Rechtsanwalt,

Bundesverband der Arzneimittel-Importeure eV, établie à Mülheim an der Ruhr (Allemagne),

Spain Pharma SA, établie à Madrid (Espagne),

parties intervenantes en première instance (C-519/06 P),

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. A. Ó Caoimh, J. Klučka (rapporteur), U. Lõhmus et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: Mme V. Trstenjak,

greffier: M. K. Malaček, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 mars 2009,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 juin 2009,

rend le présent

Arrêt

1

Par leurs pourvois, la société GlaxoSmithKline Services Unlimited (ci-après «GSK») (C-501/06 P), la Commission des Communautés européennes (C-513/06 P), l’European Association of Euro Pharmaceutical Companies (EAEPC) (C-515/06 P) et l’Asociación de exportadores españoles de productos farmacéuticos (Aseprofar) (C-519/06 P) demandent à la Cour l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services/Commission (T-168/01, Rec. p. II-2969, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a annulé les articles 2 à 4 de la décision 2001/791/CE de la Commission, du , relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE [Affaires: IV/36.957/F3 Glaxo Wellcome (notification), IV/36.997/F3 Aseprofar et Fedifar (plainte), IV/37.121/F3 Spain Pharma (plainte), IV/37.138/F3 BAI (plainte) et IV/37.380/F3 EAEPC (plainte)] (JO L 302, p. 1, ci-après la «décision litigieuse»), et a rejeté pour le surplus le recours formé par GSK.

2

Par ladite décision, la Commission avait estimé que Glaxo Wellcome SA (ci-après «GW»), filiale de GSK, avait enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE en concluant avec les grossistes espagnols un accord opérant une distinction entre les prix facturés aux grossistes en cas de revente de médicaments remboursables aux pharmacies ou aux hôpitaux sur le territoire national et les prix les plus élevés facturés en cas d’exportation des médicaments vers n’importe quel autre État membre. La Commission avait, en outre, rejeté la demande d’exemption dudit accord au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

Les antécédents du litige

3

Les faits à l’origine du présent litige, tels qu’ils sont exposés aux points 8 à 21 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

4

GSK est une société de droit britannique établie à Brentford (Royaume-Uni). Elle appartient au groupe GlaxoSmithKline, qui est l’un des principaux producteurs mondiaux de produits pharmaceutiques. GW, société de droit espagnol établie à Madrid (Espagne), a pour activités principales le développement, la production et la commercialisation de médicaments en Espagne.

5

Par lettre du 6 mars 1998, GW a notifié un document intitulé «Conditions générales de vente de spécialités pharmaceutiques appartenant à [GW] et à ses filiales aux magasins grossistes autorisés» (ci-après l’«accord») à la Commission, en vue d’obtenir une attestation négative ou une exemption au titre du règlement no 17 du Conseil, du , premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204). Par lettre du , GSK a adressé une notification complémentaire.

6

L’accord s’applique à 82 médicaments destinés à être vendus aux grossistes établis en Espagne, avec lesquels GW noue des relations commerciales en dehors de tout réseau de distribution. Ces derniers peuvent les destiner à la revente aux hôpitaux espagnols ou aux officines pharmaceutiques espagnoles, qui les délivrent alors aux patients sur présentation d’une prescription médicale. Ils peuvent également les destiner à la revente dans d’autres États membres, par le biais du commerce parallèle, auquel ils se livrent en raison de l’existence de différentiels de prix. Parmi lesdits 82 médicaments en figurent huit présentés par GSK comme étant particulièrement susceptibles de faire l’objet d’un commerce parallèle, principalement entre l’Espagne et le Royaume-Uni.

7

Pour ces mêmes 82 médicaments, l’article 4 de l’accord prévoit deux prix différents et dispose:

«A)

Conformément aux dispositions des paragraphes 1, premier alinéa, et 2 de l’article 100 de la loi 25/1990, du 20 décembre 1990, sur le médicament (BOE no 306, du ), le prix des produits pharmaceutiques de [GW] et de ses filiales ne saurait, en aucun cas, dépasser le prix industriel maximal fixé par les autorités espagnoles compétentes en matière de santé lorsque les deux conditions déterminant l’application desdites dispositions légales sont remplies, à savoir:

les produits pharmaceutiques susmentionnés sont financés par les fonds de la sécurité sociale espagnole ou par des fonds publics espagnols,

les produits pharmaceutiques achetés sont ensuite commercialisés au niveau national, c’est-à-dire par l’intermédiaire des pharmacies ou des hôpitaux espagnols.

B)

Si l’une de ces conditions n’est pas remplie (c’est-à-dire dans tous les cas où la législation espagnole autorise les laboratoires à fixer librement le prix de leurs produits pharmaceutiques), [GW] et ses filiales fixent le prix de leurs produits pharmaceutiques selon des critères économiques réels, objectifs et non discriminatoires et indépendamment de la destination du produit déterminée par l’acheteur. En particulier, [GW] et ses filiales appliquent à leurs produits pharmaceutiques le prix qui, sur la base de leurs études économiques internes, avait été initialement proposé aux autorités espagnoles compétentes en matière de santé et mis à jour d’une manière objective en fonction de l’augmentation du coût de la vie, conformément aux dispositions des paragraphes 1, premier alinéa, et 2 de l’article 100 de [ladite loi 25/1990] et aux autres lois espagnoles antérieures concernant la fixation du prix des médicaments.»

8

Par lettre du 6 mars 1998, GW a envoyé le projet d’accord à 89 grossistes établis en Espagne, dont 75, représentant plus de 90 % des ventes totales de GW en Espagne durant l’année 1998, l’ont par la suite signé. Ledit accord est entré en vigueur le .

9

La légalité de ce dernier a été contestée, notamment par l’Aseprofar, devant l’autorité espagnole de la concurrence et les juridictions espagnoles.

10

Par ailleurs, des plaintes, selon lesquelles l’accord enfreignait l’article 81, paragraphe 1, CE, ont été présentées à la Commission notamment par l’EAEPC et l’Aseprofar.

11

Le 8 mai 2001, la Commission a adopté la décision litigieuse qui prévoit:

«Article premier

[GW] a enfreint l’article 81, paragraphe 1, du traité en concluant avec les grossistes espagnols un accord opérant une distinction entre les prix facturés aux grossistes en cas de revente de médicaments remboursables aux pharmacies ou aux hôpitaux sur le territoire national et les prix les plus élevés facturés en cas d’exportation des médicaments vers n’importe quel autre État membre.

Article 2

La demande d’exemption de l’accord décrit à l’article 1er, au titre de l’article 81, paragraphe 3, du traité CE, introduite par [GW] est rejetée par la présente.

Article 3

[GW] met fin immédiatement à l’infraction mentionnée à l’article 1er, si elle ne l’a pas déjà fait. Elle s’abstient à l’avenir de reprendre toute mesure constitutive de cette infraction et d’adopter toute mesure ayant un objet ou un effet équivalent.

Article 4

[GW] informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, des mesures qu’elle aura prises pour s’y conformer.

[…]»

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

12

Il ressort des points 22 à 37 de l’arrêt attaqué que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 juillet 2001, GSK a introduit un recours contre la décision litigieuse. Par actes déposés au même greffe les et , l’EAEPC et l’Aseprofar ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission, au titre de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice et de l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Par ordonnance du , le président de la première chambre du Tribunal a fait droit à ces demandes d’intervention.

13

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé:

«1)

Les articles 2, 3, et 4 de la décision [litigieuse] sont annulés.

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

3)

[GSK] supportera la moitié de ses propres dépens et la moitié des dépens de la Commission, y compris ceux afférents aux interventions.

4)

La Commission supportera la moitié de ses propres dépens et la moitié des dépens de [GSK], y compris ceux afférents aux interventions.

5)

L’[Aseprofar], […], l’[EAEPC], […] supporteront chacun leurs propres dépens.»

Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

14

Par son pourvoi, GSK demande à la Cour:

d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où il rejette le recours en annulation qu’elle a formé à l’encontre de l’article 1er de la décision litigieuse ou de prendre toute autre mesure qui s’avérerait appropriée, et

de condamner la Commission aux dépens de GSK.

15

Dans son mémoire en réponse, la Commission a également formé un pourvoi incident. Elle demande à la Cour:

de rejeter le pourvoi de GSK dans son intégralité;

d’annuler les points 1 et 3 à 5 du dispositif de l’arrêt attaqué;

de juger définitivement le litige en rejetant le recours en annulation dans l’affaire T-168/01 comme non fondé, et

de condamner GSK aux dépens de la Commission afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

16

Dans son mémoire en réponse au pourvoi incident, GSK demande à la Cour de déclarer ledit pourvoi irrecevable ou non fondé, ou irrecevable et non fondé ainsi que de condamner la Commission aux dépens.

17

Par son pourvoi, la Commission formule les mêmes trois dernières demandes que celles formulées dans son mémoire en réponse et dans son pourvoi incident dans l’affaire C-501/06 P, à savoir:

annuler les points 1 et 3 à 5 du dispositif de l’arrêt attaqué;

juger définitivement le litige en rejetant le recours en annulation dans l’affaire T-168/01 comme non fondé, et

condamner GSK aux dépens de la Commission afférents à la procédure de première instance et au pourvoi.

18

Par son pourvoi, l’EAEPC demande à la Cour:

d’annuler l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal a annulé la décision litigieuse, et

de condamner GSK aux dépens de première instance et du pourvoi.

19

Par son pourvoi, l’Aseprofar demande à la Cour:

d’écarter le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué;

de rendre une décision définitive dans l’affaire T-168/01 en rejetant intégralement la demande de GSK et en confirmant la décision litigieuse;

d’écarter les points 3 à 5 du dispositif de l’arrêt attaqué, et

de condamner GSK aux dépens de première instance et du pourvoi.

20

Par ordonnance en date du 17 décembre 2008, le président de la Cour a décidé de joindre les affaires C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

Sur les pourvois

21

Par souci de clarté et compte tenu de leur similarité, certains moyens invoqués par les requérantes sont examinés séparément et d’autres font l’objet d’un examen de manière groupée.

Sur la recevabilité

Sur la recevabilité des moyens des pourvois autonomes relatifs à l’article 81, paragraphe 1, CE invoqués par l’Aseprofar et la Commission soutenue par la République de Pologne

— Argumentation des parties

22

GSK soutient que les pourvois de la Commission et de l’Aseprofar ainsi que le mémoire en intervention de la République de Pologne sont, pour l’essentiel, irrecevables. Par ces pièces, leurs auteurs contesteraient la motivation et non le dispositif de l’arrêt attaqué relatif à l’article 81, paragraphe 1, CE. GSK relève que les moyens contre les motifs de la partie de l’arrêt attaqué relative à l’article 81, paragraphe 1, CE ne sauraient en aucun cas avoir un effet sur le point 2 du dispositif dudit arrêt qui confirme l’article 1er de la décision litigieuse en ce sens que l’accord constituait une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE. GSK soutient que, en application de la jurisprudence relative à la recevabilité des pourvois, tous les moyens visant à remettre en cause la motivation du Tribunal relative à l’article 81, paragraphe 1, CE sont irrecevables.

— Appréciation de la Cour

23

Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’existence d’un intérêt à agir d’un requérant suppose que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (ordonnances du 25 janvier 2001, Lech-Stahlwerke/Commission, C-111/99 P, Rec. p. I-727, point 18, et du , Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C-503/07 P, Rec. p. I-2217, point 48 et jurisprudence citée).

24

En l’occurrence, la Commission et l’Aseprofar soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son appréciation relative à l’objet anticoncurrentiel de l’accord, mais demandent à la Cour de maintenir le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, en procédant à une substitution de motifs.

25

Dans ces conditions, ainsi que le relève à juste titre GSK, il est constant que les moyens invoqués par la Commission et l’Aseprofar ne sauraient, d’une part, leur procurer un bénéfice et, d’autre part, être susceptibles d’avoir une influence sur le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, lequel confirme la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE.

26

Par conséquent, il y a lieu de déclarer irrecevables les pourvois autonomes de la Commission et de l’Aseprofar en ce qu’ils sont dirigés contre la partie des motifs de l’arrêt attaqué relative à l’article 81, paragraphe 1, CE.

Sur l’irrecevabilité du pourvoi incident de la Commission invoquée par GSK

— Argumentation des parties

27

GSK indique, en premier lieu, que le pourvoi incident est irrecevable au motif que la Commission a déjà introduit un pourvoi contre l’arrêt attaqué dans l’affaire C-513/06 P. Selon elle, le pourvoi et le pourvoi incident constituent deux branches d’une alternative qui ne pourraient pas être ouvertes cumulativement.

28

En deuxième lieu, le pourvoi incident, en ce qu’il est identique au pourvoi dans l’affaire C-513/06 P, serait constitutif d’un abus de procédure et serait, à ce titre, irrecevable. Selon GSK, dès lors que les deux actes concernent un litige qui oppose les mêmes parties, tendent aux mêmes fins et se fondent sur les mêmes moyens, l’acte ultérieur, à savoir le pourvoi incident, serait irrecevable.

29

En troisième lieu, le pourvoi incident serait irrecevable en ce qu’il conteste certaines parties de l’arrêt attaqué qui font droit aux conclusions de la Commission. L’irrecevabilité serait manifeste, dès lors qu’un moyen dirigé contre des motifs d’un arrêt attaqué qui sont sans influence sur le dispositif de celui-ci est inopérant et doit, dès lors, être rejeté.

30

La Commission soutient notamment que la plupart des arguments relatifs à l’article 81, paragraphe 1, CE se rapportent à des questions concernant le paragraphe 3 du même article, car ils portent sur les spécificités alléguées au marché qui sont pertinentes pour ces deux paragraphes. En outre, elle fait valoir que ces arguments devraient se comprendre comme des arguments en réponse à ceux qui sont avancés dans le pourvoi de GSK. La Commission ajoute qu’aucun texte ne rend irrecevable l’introduction d’un pourvoi incident dans l’hypothèse où un pourvoi autonome aurait déjà été introduit.

— Appréciation de la Cour

31

S’agissant de l’argument selon lequel la Commission ne pourrait introduire cumulativement un pourvoi et un pourvoi incident dès lors que cela constituerait notamment un abus de procédure, il convient de relever que, en premier lieu, il ne ressort aucunement du libellé de l’article 116 du règlement de procédure de la Cour qu’une partie ne peut introduire cumulativement un pourvoi et un pourvoi incident contre un même arrêt du Tribunal et ce indépendamment de la circonstance que plusieurs affaires sont relatives à cet arrêt et que ces affaires ont été jointes. En second lieu, malgré la jonction des affaires C-501/06 P et C-513/06 P, celles-ci n’ont pas perdu leur caractère autonome.

32

Dès lors, l’argument de GSK ne peut être retenu.

33

S’agissant de l’argument selon lequel le pourvoi incident serait irrecevable au motif que son auteur conteste la motivation de certaines parties de l’arrêt attaqué et non le point 2 du dispositif dudit arrêt, il y a lieu de relever que, de la même manière que pour un pourvoi, l’existence d’un intérêt à agir d’un requérant suppose que le pourvoi incident soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté.

34

Toutefois, ainsi que le relève Mme l’avocat général au point 52 de ses conclusions, la Commission a indiqué au cours de la procédure que son argumentation dans le cadre du pourvoi incident visait surtout à répondre au pourvoi de GSK. Selon la Commission, une telle argumentation doit donc être considérée non pas comme un pourvoi incident, au sens de l’article 116, paragraphe 1, premier tiret, deuxième cas de figure, du règlement de procédure de la Cour, mais comme une demande de rejet du pourvoi formé par GSK au sens de l’article 116, paragraphe 1, premier tiret, premier cas de figure, dudit règlement.

35

À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, les conclusions du mémoire en réponse tendent au rejet total ou partiel du pourvoi ou à l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal ou à ce qu’il soit fait droit, en tout ou en partie, aux conclusions présentées en première instance, à l’exclusion de toute conclusion nouvelle.

36

Or, il ne ressort nullement du libellé de ladite disposition que l’Aseprofar, l’EAEPC ou la Commission seraient privées de la possibilité d’invoquer des moyens de défense pour répondre aux moyens précis soulevés par GSK dans son pourvoi, pour expliquer les raisons pour lesquelles le Tribunal s’est trompé dans l’interprétation et l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE ainsi que pour exposer quelle devrait être l’interprétation de cette disposition.

37

Il s’ensuit que, en réponse au pourvoi introduit par GSK dans l’affaire C-501/06 P, la Commission, ainsi que l’Aseprofar et l’EAEPC, peuvent demander le rejet du pourvoi de GSK dirigé contre le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué.

38

Contrairement à ce que fait valoir GSK, la circonstance que la Commission ait exposé ses moyens de défense dans la partie de son mémoire en réponse intitulée «pourvoi incident» n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion. En effet, il est indéniable que l’on ne saurait s’attacher uniquement à l’intitulé formel de la partie dans laquelle la Commission a développé son argumentation sans tenir compte du contenu même de cette partie. Or, en l’espèce, indépendamment des termes choisis, il est manifeste que la partie «pourvoi incident» du mémoire en réponse est une demande de rejet du pourvoi.

39

Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité du pourvoi incident invoqué par GSK.

Sur le moyen relatif à l’article 81, paragraphe 1, CE invoqué par GSK

40

Il y a lieu de rappeler que c’est aux points 114 à 147 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a apprécié si pouvait être retenue la conclusion principale de la Commission, conclusion selon laquelle l’article 4 de l’accord est à considérer comme prohibé par l’article 81, paragraphe 1, CE dans la mesure où il a pour objet de restreindre le commerce parallèle.

41

Aux points 114 à 116 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que l’accord cherchait à instaurer un système de prix différenciés visant à limiter le commerce parallèle et qu’il doit en principe être considéré comme ayant pour objet de restreindre la concurrence.

42

Le Tribunal a toutefois, aux points 117 à 119 de l’arrêt attaqué, considéré que, compte tenu du contexte juridique et économique, cet objectif de limitation du commerce parallèle ne suffisait pas, à lui seul, pour présumer que l’accord avait un objet anticoncurrentiel. Au contraire, le Tribunal a estimé que l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE au cas d’espèce ne peut pas dépendre uniquement du fait que l’accord vise à limiter le commerce parallèle de médicaments ou à cloisonner le marché commun, éléments permettant de conclure qu’il affecte les échanges entre les États membres, mais requiert en outre une analyse destinée à déterminer s’il a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence sur le marché en cause, au détriment du consommateur final.

43

Au point 121 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que, s’il est acquis que le commerce parallèle bénéficie d’une certaine protection, ce n’est pas en tant que tel mais en tant qu’il favorise, d’une part, le développement des échanges et, d’autre part, le renforcement de la concurrence, c’est-à-dire, sous ce second aspect, en tant qu’il procure aux consommateurs finals les avantages d’une concurrence efficace en termes d’approvisionnement ou de prix. Selon le Tribunal, s’il est donc acquis qu’un accord visant à limiter le commerce parallèle doit en principe être considéré comme ayant pour objet de restreindre la concurrence, c’est en tant qu’il peut être présumé qu’il prive les consommateurs finals de ces avantages.

44

Or, le Tribunal a, au point 122 de l’arrêt attaqué, considéré que, compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel se déployait l’accord conclu par GSK, il ne pouvait pas être présumé qu’un tel accord privait les consommateurs finals de médicaments de tels avantages. En effet, il a estimé que les intermédiaires espagnols étaient susceptibles de conserver l’avantage que le commerce parallèle pouvait comporter en termes de prix, auquel cas celui-ci ne serait pas répercuté sur les consommateurs finals.

45

Au point 133 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a reproché à la Commission de n’avoir examiné, à aucun moment, la caractéristique spécifique et essentielle du secteur, qui tient au fait que les prix des produits en cause, soumis au contrôle des États membres, qui les fixent directement ou indirectement aux niveaux qu’ils jugent appropriés, s’établissent à des niveaux structurellement différents dans la Communauté européenne et, contrairement aux prix d’autres biens de consommation, demeurent en toute hypothèse soustraits, dans une mesure importante, au libre jeu de l’offre et de la demande. Il a estimé, au point 134 de l’arrêt attaqué, que cette circonstance faisait obstacle à ce qu’il puisse être présumé que le commerce parallèle avait une incidence sur les prix pratiqués auprès des consommateurs finals de médicaments pris en charge par les systèmes nationaux d’assurance maladie et leur apportait, à ce titre, un avantage sensible analogue à celui qui serait le sien si ces prix étaient déterminés par le jeu de l’offre et de la demande.

46

Sur la base de cette analyse, le Tribunal a, au point 147 de l’arrêt attaqué, finalement considéré que la conclusion principale de la Commission, selon laquelle l’article 4 de l’accord est à considérer comme prohibé par l’article 81, paragraphe 1, CE dans la mesure où il a pour objet de restreindre le commerce parallèle, ne peut pas être retenue. Les prix des médicaments en cause étant soustraits dans une large mesure au libre jeu de l’offre et de la demande du fait de la réglementation applicable et fixés ou contrôlés par les pouvoirs publics, il ne peut pas être d’emblée tenu pour acquis que le commerce parallèle tend à les faire baisser et à accroître ainsi le bien-être des consommateurs finals. L’analyse des termes de l’article 4 de l’accord, effectuée dans ce contexte, ne permet donc pas de présumer que cette stipulation, qui vise à limiter le commerce parallèle, tend ainsi à réduire le bien-être des consommateurs finals. Dans cette situation en grande partie inédite, le caractère restrictif de concurrence de cet accord ne peut, dès lors, pas être déduit de la seule lecture des termes dudit accord, effectuée dans le contexte de celui-ci, et les effets de ce dernier doivent nécessairement être envisagés, ne serait-ce que pour vérifier ce que cette lecture a permis à l’autorité régulatrice de pressentir.

Argumentation des parties

47

Par son pourvoi, GSK vise à obtenir l’annulation du point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté son recours visant à l’annulation de l’article 1er de la décision litigieuse. GSK soutient que le Tribunal s’est livré à une interprétation erronée de l’article 81, paragraphe 1, CE en considérant que l’accord produisait un effet anticoncurrentiel.

48

En revanche, selon elle, c’est à juste titre que le Tribunal a jugé que l’analyse de l’objet restrictif de l’accord au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE, opérée par la Commission, a été viciée par l’absence de prise en compte du contexte juridique et économique pertinent. Toutefois, elle soutient que le Tribunal aurait dû relever la même déficience quand il a examiné l’analyse des effets dudit accord.

49

De l’avis de GSK, le Tribunal aurait dû constater que l’accord ne pouvait pas avoir pour effet de restreindre la concurrence dans le sens d’une réduction du bien-être des consommateurs.

50

Dans leurs réponses au pourvoi de GSK, la Commission, l’Aseprofar et l’EAEPC contestent l’ensemble des arguments invoqués par GSK. Elles considèrent que, par l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu à juste titre à la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE.

51

Tout en concluant ainsi au rejet du moyen relatif à l’article 81, paragraphe 1, CE, invoqué par GSK, elles estiment toutefois que le Tribunal a commis diverses erreurs de droit dans l’appréciation de l’objet anticoncurrentiel de l’accord. Elles font valoir qu’une analyse du contexte juridique et économique, conforme aux principes dégagés par la jurisprudence de la Cour, aurait dû conduire le Tribunal à conclure que l’accord était anticoncurrentiel par son objet. Le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué étant, selon elles, néanmoins fondé, elles demandent à la Cour une substitution de motifs à cet égard.

52

Dans son mémoire en réponse au pourvoi de GSK, la Commission soutient en particulier que le Tribunal s’est livré à une interprétation et à une application erronées de la notion d’«objet», figurant à l’article 81, paragraphe 1, CE.

53

Selon la Commission, d’une part, la Cour et le Tribunal ont toujours jugé que les accords qui tendent à restreindre le commerce parallèle à l’intérieur de la Communauté ont pour objet de restreindre la concurrence. D’autre part, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait non seulement posé une norme juridique restrictive pour la protection du commerce parallèle, mais l’aurait aussi appliquée de manière erronée et incomplète sans fournir de motivation suffisante. Elle relève que, aux points 117 à 122 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que le commerce parallèle entre les États membres doit être protégé seulement «en tant qu’il favorise, d’une part, le développement des échanges et, d’autre part, le renforcement de la concurrence». Or, elle reproche au Tribunal d’ignorer le développement des échanges dans la suite de son raisonnement, d’interpréter le renforcement de la concurrence comme exigeant que le commerce parallèle procure aux consommateurs finals les avantages d’une concurrence efficace en termes d’approvisionnement ou de prix et d’avoir omis tout examen des avantages en termes d’approvisionnement apportés par le commerce parallèle.

Appréciation de la Cour

54

Dès lors que la Commission, l’Aseprofar et l’EAEPC soutiennent que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son appréciation relative à l’objet anticoncurrentiel de l’accord et demandent à la Cour de maintenir le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué en procédant à une substitution de motifs, il y a lieu d’examiner leurs arguments avant ceux invoqués par GSK au soutien de son pourvoi.

55

En premier lieu, il convient de rappeler que l’objet et l’effet anticoncurrentiel d’un accord sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour apprécier si un tel accord relève de l’interdiction énoncée à l’article 81, paragraphe 1, CE. Or, selon une jurisprudence constante depuis l’arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, Rec. p. 337), le caractère alternatif de cette condition, marqué par la conjonction «ou», conduit à la nécessité de considérer en premier lieu l’objet même de l’accord, compte tenu du contexte économique dans lequel il doit être appliqué. Au cas cependant où l’analyse de la teneur de l’accord ne révélerait pas un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, il conviendrait alors d’en examiner les effets et, pour le frapper d’interdiction, d’exiger la réunion des éléments établissant que le jeu de la concurrence a été, en fait, soit empêché, soit restreint, soit faussé de façon sensible. Il ressort également de la jurisprudence qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les effets d’un accord dès lors que l’objet anticoncurrentiel de ce dernier est établi (voir, en ce sens, arrêt du , T-Mobile Netherlands e.a., C-8/08, Rec. p. I-4529, points 28 et 30).

56

En second lieu, l’examen prioritaire des arguments relatifs à l’objet anticoncurrentiel de l’accord par rapport à ceux relatifs à son effet anticoncurrentiel se justifie d’autant plus que, si l’erreur de droit invoquée par la Commission, l’Aseprofar et l’EAEPC est avérée, il y aurait lieu de rejeter le pourvoi de GSK visant les motifs de l’arrêt attaqué relatifs à l’effet anticoncurrentiel de l’accord.

57

Il convient, par conséquent, de vérifier si l’appréciation du Tribunal quant à l’existence d’un objet anticoncurrentiel de l’accord, telle que mentionnée aux points 41 à 46 du présent arrêt, est conforme aux principes dégagés par la jurisprudence en la matière.

58

À cet égard, il y a lieu de souligner que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier le caractère anticoncurrentiel d’un accord, il convient de s’attacher notamment à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 1983, IAZ International Belgium e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 25, ainsi que du , Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C-209/07, Rec. p. I-8637, points 16 et 21). En outre, bien que l’intention des parties ne constitue pas un élément nécessaire pour déterminer le caractère restrictif d’un accord, rien n’interdit à la Commission ou aux juridictions communautaires d’en tenir compte (voir, en ce sens, arrêt IAZ International Belgium e.a./Commission, précité, points 23 à 25).

59

Dans le domaine du commerce parallèle, la Cour a déjà eu l’occasion de juger que, en principe, des accords visant à interdire ou limiter ledit commerce ont pour objet d’empêcher la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 1er février 1978, Miller International Schallplatten/Commission, 19/77, Rec. p. 131, points 7 et 18, ainsi que du , BMW Belgium e.a./Commission, 32/78, 36/78 à 82/78, Rec. p. 2435, points 20 à 28 et 31).

60

Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 155 de ses conclusions, ce principe, selon lequel un accord visant à limiter le commerce parallèle constitue une «restriction de la concurrence par objet», s’applique au secteur pharmaceutique.

61

La Cour a d’ailleurs jugé à cet égard, dans le cadre de l’application de l’article 81 CE et dans une affaire ayant trait au secteur pharmaceutique, qu’un accord entre producteur et distributeur qui tendrait à reconstituer les cloisonnements nationaux dans le commerce entre les États membres pourrait être de nature à contrarier l’objectif du traité visant à réaliser l’intégration des marchés nationaux par l’établissement d’un marché unique. À plusieurs reprises, la Cour a ainsi qualifié des accords visant à cloisonner les marchés nationaux selon les frontières nationales ou rendant plus difficile l’interpénétration des marchés nationaux, notamment ceux visant à interdire ou à restreindre les exportations parallèles, d’accords ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens dudit article du traité (arrêt du 16 septembre 2008, Sot. Lélos kai Sia e.a., C-468/06 à C-478/06, Rec. p. I-7139, point 65 et jurisprudence citée).

62

En ce qui concerne l’affirmation du Tribunal selon laquelle s’il est acquis qu’un accord visant à limiter le commerce parallèle doit en principe être considéré comme ayant pour objet de restreindre la concurrence, c’est en tant qu’il peut être présumé qu’il prive les consommateurs finals des avantages d’une concurrence efficace en termes d’approvisionnement ou de prix, il y a lieu de relever que ni le libellé de l’article 81, paragraphe 1, CE ni la jurisprudence ne permettent de corroborer une telle affirmation.

63

D’une part, il ne ressort aucunement de cette disposition que seuls les accords privant les consommateurs de certains avantages pourraient avoir un objet anticoncurrentiel. D’autre part, il importe de souligner, que la Cour a jugé que l’article 81 CE vise, à l’instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. Dès lors, la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’un accord ne saurait être subordonnée à ce que les consommateurs finals soient privés des avantages d’une concurrence efficace en termes d’approvisionnement ou de prix (voir, par analogie, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, points 38 et 39).

64

Il s’ensuit que, en subordonnant l’existence d’un objet anticoncurrentiel à la preuve que l’accord comporte des inconvénients pour les consommateurs finals et en ne concluant pas à l’existence d’un tel objet à l’égard dudit accord, le Tribunal a commis une erreur de droit.

65

Il convient cependant de rappeler que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit communautaire, mais que le dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cet arrêt (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 1992, Lestelle/Commission, C-30/91 P, Rec. p. I-3755, point 28, ainsi que du , Ojha/Commission, C-294/95 P, Rec. p. I-5863, point 52).

66

Tel est le cas en l’espèce. Il suffit de relever en effet que, par le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, le Tribunal a confirmé l’article 1er de la décision litigieuse par lequel la Commission avait conclu que l’accord enfreignait l’article 81, paragraphe 1, CE. Dès lors, il n’y pas lieu d’annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué.

67

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le pourvoi de GSK comme étant non fondé en ce qu’il tend à démontrer que l’accord était compatible avec l’article 81, paragraphe 1, CE.

Sur les moyens relatifs à l’article 81, paragraphe 3, CE invoqués par la Commission, l’EAEPC, l’Aseprofar et la République de Pologne

68

Tant dans son pourvoi que dans son mémoire en réponse, la Commission invoque plusieurs moyens relatifs à l’article 81, paragraphe 3, CE. Certains moyens et certaines de leurs branches sont analogues aux moyens invoqués par l’EAEPC et/ou l’Aseprofar dans leurs pourvois respectifs, ainsi que par la République de Pologne dans son mémoire en intervention. La Commission et l’EAEPC invoquent par ailleurs des moyens relatifs à l’article 81, paragraphe 3, CE, qui leur sont propres.

Sur le moyen de la Commission tiré d’une dénaturation du contexte juridique et économique dans lequel l’accord s’insère

69

La Commission renvoie à ses arguments relatifs à l’article 81, paragraphe 1, CE, aux termes desquels elle a critiqué les points de l’arrêt attaqué portant sur le contexte juridique et économique pris en compte par le Tribunal, à savoir les points 122 et 124 à 137 de l’arrêt attaqué. Elle soutient que le paragraphe 3 de ce même article a été appliqué de manière erronée, sur la base de fausses spécificités du secteur pharmaceutique.

70

Elle ajoute que le Tribunal a, au point 104 de l’arrêt attaqué, jugé que la coexistence des différentes réglementations étatiques dans le secteur des médicaments est susceptible de fausser la concurrence. Or, ce qui ne serait, aux termes dudit point, qu’une possibilité deviendrait une réalité au point 276 du même arrêt, où le Tribunal a considéré que le jeu de la concurrence est faussé par la présence des réglementations étatiques.

71

GSK indique avoir répondu à cette question dans le cadre de son analyse du moyen relatif à l’article 81, paragraphe 1, CE.

72

Il convient tout d’abord de constater que, au point 122 de l’arrêt attaqué, le Tribunal fait référence à la situation dans laquelle l’avantage que le commerce parallèle comporte en termes de prix ne serait pas répercuté sur les consommateurs finals, en évoquant une hypothèse et non une réalité, ce qui ne saurait constituer une dénaturation du contexte juridique et économique pris en compte dans les présentes affaires.

73

Ensuite, il ne ressort pas de la lecture des points 124 à 137 de l’arrêt attaqué relatifs à un tel contexte qu’une dénaturation de celui-ci ait été commise par le Tribunal. Auxdits points, le Tribunal dresse les principales caractéristiques de ce contexte, lesquelles sont reprises au demeurant de la décision litigieuse.

74

Enfin, le Tribunal a, au point 104 de l’arrêt attaqué, considéré que la coexistence des différentes réglementations étatiques était susceptible de fausser la concurrence, lorsqu’il a été examiné si cette coexistence rendait l’article 81, paragraphe 1, CE inapplicable. Le Tribunal a, au point 105 du même arrêt, relevé que ladite disposition était inapplicable uniquement lorsque le secteur, dans lequel l’accord examiné intervient, était soumis à une réglementation excluant la possibilité d’une concurrence susceptible d’être empêchée, faussée ou restreinte par cet accord.

75

Le Tribunal n’avait pas à constater, à ce stade du raisonnement, si les réglementations en question faussaient ou non effectivement la concurrence, contrairement à ce qu’il a ensuite constaté au point 276 de l’arrêt attaqué. Il n’existe donc pas de contradiction de motifs à cet égard.

76

Il convient donc de rejeter le moyen de la Commission comme non fondé.

Sur les moyens de la Commission, de l’EAEPC, de l’Aseprofar et de la République de Pologne, tirés d’une application erronée de l’attribution de la charge de la preuve, du niveau de preuve requis ainsi que de la notion de «promotion du progrès technique»

77

Le moyen de la Commission, tiré d’une application erronée de l’attribution de la charge de la preuve, du niveau de preuve requis ainsi que de la notion de «promotion du progrès technique», est articulé en cinq branches dont le contenu de certaines est analogue à celui des moyens invoqués par l’EAEPC, l’Aseprofar et la République de Pologne.

— Sur la première branche du moyen de la Commission

78

La Commission soutient que le Tribunal a appliqué de manière erronée la jurisprudence relative à l’attribution de la charge de la preuve et au niveau de preuve requis dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Elle critique le point 242 de l’arrêt attaqué, ainsi que les points 269 et 303 du même arrêt, qui renverraient à la jurisprudence, aux critères et aux principes applicables au contrôle des concentrations. Or, il n’existerait aucune analogie entre l’examen des effets anticoncurrentiels d’une concentration et celui de l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE.

79

Contrairement aux affaires de concentration dans lesquelles les parties notifiantes ne supportent, selon elle, aucune charge de la preuve particulière, il serait de jurisprudence constante que, dans le contexte de ladite disposition, il appartient aux entreprises intéressées de présenter à la Commission les éléments de preuve de nature à établir que l’accord remplit les conditions posées par cette disposition. La Commission invoque, à l’appui de sa démonstration, les arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, Rec. p. 429), ainsi que du , Ford-Werke et Ford of Europe/Commission (25/84 et 26/84, Rec. p. 2725).

80

En réponse, GSK se fonde sur l’arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, point 79), ainsi que sur l’ordonnance du , Unilever Bestfoods/Commission (C-552/03 P, Rec. p. I-9091, point 102), pour démontrer que le Tribunal n’a pas violé les règles applicables en matière de charge de la preuve. Selon elle, le Tribunal a fait, à deux reprises seulement, référence à la règle applicable aux concentrations, d’une part, à titre principal, afin de décrire le contrôle du Tribunal sur l’analyse effectuée par la Commission au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE et, d’autre part, à titre subsidiaire, pour y indiquer que, lorsque l’entreprise a apporté des éléments de preuve, il revient à la Commission de procéder à une analyse prospective.

81

Le Tribunal aurait seulement conclu que la Commission n’avait pas pris au sérieux les arguments de GSK, contrairement à ce qu’elle aurait dû faire. GSK souligne que le Tribunal a aussi fait référence à ses arrêts du 28 février 2002, Compagnie générale maritime e.a./Commission (T-86/95, Rec. p. II-1011), ainsi que du , Van den Bergh Foods/Commission (T-65/98, Rec. p. II-4653), qui visent l’article 81, paragraphe 3, CE. Lorsque l’entreprise a démontré que les conditions de cette disposition pouvaient raisonnablement s’appliquer, en avançant des arguments pertinents, fiables et vraisemblables, la Commission aurait l’obligation de réfuter lesdits arguments.

82

Il importe de relever d’une part que, aux points 233 à 236 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé la jurisprudence, les principes et les critères qui gouvernent la charge de la preuve et le niveau de preuve requis en matière de demande d’exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Il a souligné, à bon droit, que la personne qui se prévaut de cette disposition doit démontrer, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que les conditions requises pour bénéficier d’une exemption sont réunies (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, point 45).

83

La charge de la preuve incombe donc à l’entreprise qui demande à bénéficier de l’exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Toutefois, les éléments factuels invoqués par ladite entreprise peuvent être de nature à obliger l’autre partie à fournir une explication ou une justification, faute de quoi il est permis de conclure que la charge de la preuve a été satisfaite (voir, en ce sens, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 279).

84

D’autre part, le Tribunal a, aux points 240, 241, 243 et 244 de l’arrêt attaqué, rappelé les principes et les critères qui gouvernent son contrôle de la décision de la Commission prise en réponse à une demande d’exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Il a indiqué, à bon droit, que, saisi d’une demande d’annulation d’une telle décision, il se livre à un contrôle restreint quant au fond.

85

Une telle indication est en pleine conformité avec le principe selon lequel le contrôle que les juridictions communautaires exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 279).

86

Le Tribunal a aussi ajouté qu’il ne lui appartient pas de substituer son appréciation économique à celle de l’auteur de la décision dont il lui est demandé de contrôler la légalité.

87

Les rappels effectués ainsi par le Tribunal ne révèlent pas d’erreur de droit et ne permettent pas de conclure que les références jurisprudentielles, figurant au point 242 de l’arrêt attaqué, relatives à des affaires de concentration, ainsi que le libellé des points 269 et 303 du même arrêt, pourraient conduire à modifier l’attribution de la charge de la preuve ainsi que le niveau de preuve requis dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

88

La première branche du moyen invoqué par la Commission à cet égard doit donc être rejetée.

— Sur la deuxième branche du moyen de la Commission

89

La Commission critique les points 249 et 252 de l’arrêt attaqué et soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu’il est suffisant que l’entreprise, qui souhaite obtenir l’exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, démontre qu’il est probable que des gains d’efficacité puissent se produire.

90

Or, ce critère serait erroné au vu de la jurisprudence de la Cour. La Commission invoque notamment les arrêts précités de la Cour Consten et Grundig/Commission, ainsi que du Tribunal Compagnie générale maritime e.a./Commission, et Van den Bergh Foods/Commission, pour soutenir qu’il appartient à la partie notifiante d’établir que des avantages objectifs sensibles résultent de la restriction de concurrence.

91

GSK avance en réponse que les affaires citées par la Commission concernent des affaires de cartel et de commerce parallèle dans des secteurs autres que le secteur pharmaceutique, où les mesures en cause n’avaient pas généré de gains d’efficacité intrinsèques et où les entreprises n’avaient pas présenté d’arguments crédibles concernant l’existence de tels gains. En outre, l’approche du Tribunal reflèterait la pratique décisionnelle de la Commission dans des affaires antérieures, où celle-ci aurait reconnu qu’un accord est susceptible de générer des avantages [décision 2004/841/CE de la Commission, du 7 avril 2004, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE concernant l’affaire COMP/A.38284/D2 — Société Air France/Alitalia Linee Aeree Italiane SpA (JO L 362, p. 17)], pourrait avoir des gains d’efficacité [décision 2004/207/CE de la Commission, du , relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38.369 — T-Mobile Deustchland/O2 Germany: accord-cadre sur le partage de réseaux (JO 2004, L 75, p. 32)] ou que ses avantages […] sont évidents (décision 2003/778/CE de la Commission, du , relative à la procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/C.2-37.398 — Vente centralisée des droits commerciaux sur la Ligue des champions de l’UEFA (JO L 291, p. 25)].

92

Il y a lieu de relever que, au point 247 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé à bon droit que, pour être exempté au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, un accord doit contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique. Cette contribution s’identifie non pas à tous les avantages que les entreprises participant à cet accord ne retirent quant à leur activité, mais à des avantages objectifs sensibles, de nature à compenser les inconvénients qui en résultent pour la concurrence (voir, en ce sens, arrêt Consten et Grundig/Commission, précité, p. 502, 503).

93

Ainsi que Mme l’avocat général l’a souligné au point 193 de ses conclusions, une exemption accordée pour une période donnée peut nécessiter une analyse prospective de la concrétisation des avantages engendrés par l’accord et il suffit que la Commission parvienne, sur la base des éléments dont elle dispose, à la conviction que la probabilité que l’avantage objectif sensible se concrétise est suffisante pour présumer que l’accord comporte un tel avantage.

94

Le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit au point 249 de l’arrêt attaqué en jugeant que la démarche de la Commission peut impliquer de rechercher si, au vu des arguments de fait ou des éléments de preuve fournis, il apparaît plus probable soit que l’accord doit permettre d’obtenir des avantages objectifs sensibles, soit que tel n’est pas le cas.

95

Le Tribunal n’a pas davantage commis d’erreur de droit, au point 252 de l’arrêt attaqué, en relevant qu’il convenait de déterminer si la Commission a pu conclure que les arguments et les éléments de preuve de GSK, dont l’examen impliquait une analyse prospective, ne démontraient pas, avec un degré de probabilité suffisant, que l’article 4 de l’accord devait permettre l’obtention d’un avantage objectif sensible de nature à compenser l’inconvénient qu’il comportait pour la concurrence, en favorisant l’innovation.

96

La deuxième branche du moyen de la Commission doit donc être rejetée comme non fondée.

— Sur la troisième branche du moyen de la Commission et le deuxième moyen de l’EAEPC

97

La Commission critique les points 276 et 301, ainsi que 162 à 169 et 281 à 293, de l’arrêt attaqué. Elle soutient que le Tribunal a appliqué de manière erronée l’article 81, paragraphe 3, CE, en considérant que la nature structurelle des différences de prix conduit à aggraver la charge de la preuve et rend inutile l’examen de l’ampleur des éventuels gains d’efficacité. Selon la Commission, le Tribunal s’est montré exigeant envers elle pour l’examen des arguments de GSK, au motif que la situation à laquelle cette société était confrontée serait structurelle.

98

La Commission souligne notamment que, si comme l’affirme le Tribunal au point 284 de l’arrêt attaqué, le phénomène n’est structurel qu’en raison de l’existence, dans les différents États membres, de prix différents pour un même médicament, tout phénomène est alors structurel dans la mesure où il est assez rare de trouver un bien de consommation dont le prix est le même dans toute la Communauté. Selon elle, les problèmes du secteur pharmaceutique ne sont pas plus structurels que ceux des autres secteurs et elle n’a jamais considéré les fluctuations monétaires comme étant uniquement un important facteur aggravant un autre problème structurel. Enfin, l’étendue des obligations de la Commission en ce qui concerne l’appréciation des éléments de preuve ne pourrait dépendre du contexte réglementaire, contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal. Il existerait en cela une contradiction de motifs dans l’arrêt attaqué, dans la mesure où, au point 192 de celui-ci, le Tribunal a jugé par ailleurs que «le fait que le contexte juridique et économique dans lequel opèrent des entreprises contribue à restreindre la concurrence ne peut conduire à admettre que ces entreprises, en empêchant ou en restreignant la concurrence que ce contexte laisse subsister ou engendre, enfreignent à leur tour les règles de concurrence».

99

GSK rappelle les études qui expliquent, selon elle, les raisons pour lesquelles la recherche et le développement en matière pharmaceutique ne peuvent être financés qu’à partir des recettes courantes. Elle souligne les points de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal a repris les conclusions de la Commission considérées comme non argumentées, parcellaires et lapidaires.

100

Pour sa part, l’EAEPC critique l’arrêt attaqué au motif que c’était à GSK qu’il incombait de démontrer que toutes les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE étaient réunies et que les considérations générales invoquées par cette entreprise n’étaient pas suffisantes. Ce n’aurait pas été à la Commission de retenir comme avantages objectifs sensibles la promotion de l’innovation sur la seule base de ces considérations générales. L’EAEPC critique notamment le point 236 de l’arrêt attaqué au motif que l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, invoqué par le Tribunal, n’implique pas une application de la règle d’exonération de la charge de la preuve. La charge de la preuve applicable à l’article 81, paragraphe 3, CE ne serait transférée à la Commission que s’il a été fourni des éléments de preuve déterminés sous forme de présomption. Des arguments généraux, même se rapportant au contexte juridique et économique du secteur pharmaceutique, ne sauraient relever de telles présomptions.

101

En réponse, GSK soutient que le Tribunal a exigé à bon droit de la Commission qu’elle examine le contexte juridique et économique servant de base à l’argumentation et aux éléments de preuve de GSK. Les preuves produites par elle ne seraient pas générales et imprécises, mais souligneraient, au contraire, le contexte juridique et économique de base devant être pris en compte pour que l’analyse ait un sens. Enfin, le Tribunal aurait appliqué les règles en matière de charge de la preuve, en demandant à la Commission de procéder à un examen suffisamment approfondi des éléments de fait et de preuve lui ayant été présentés par GSK. Les preuves de GSK auraient été suffisantes pour établir que l’accord pouvait bénéficier d’une exemption.

102

Il y a lieu de rappeler que l’examen d’un accord, aux fins de déterminer si ce dernier contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique et si ledit accord engendre des avantages objectifs sensibles, doit être entrepris au vu des arguments de fait et des éléments de preuve fournis dans le cadre de la demande d’exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

103

Un tel examen peut nécessiter de prendre en compte les caractères et les éventuelles spécificités du secteur concerné par l’accord, si ces caractères et ces spécificités sont décisifs sur le résultat de l’examen. Il importe d’ajouter qu’une telle prise en compte ne signifie pas que la charge de la preuve soit renversée, mais assure seulement que l’examen de la demande d’exemption soit effectué à la lumière des arguments de fait et des éléments de preuve appropriés fournis par le demandeur.

104

Or, en jugeant, en substance, aux points 276 et 303 de l’arrêt attaqué que la Commission avait eu tort d’omettre de prendre en compte certains éléments soulignés par GSK dans sa demande, dont notamment les spécificités structurelles du secteur pharmaceutique en cause, et qu’une telle omission entachait d’un défaut d’examen la demande d’exemption présentée par GSK, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit à cet égard.

105

Par ailleurs, s’agissant de l’insuffisante motivation que la Commission invoque en ce qui concerne le point 292 de l’arrêt attaqué, lequel vise les écarts de prix et les variations de change, ladite institution soutient qu’il est impossible de déterminer, audit point, à quelle partie de sa communication COM(1998) 588 final, du 25 novembre 1999, concernant le marché unique des produits pharmaceutiques, il est fait référence. Toutefois, il suffit de se reporter au contenu de ladite communication, tel qu’il a été résumé par le Tribunal au point 264 de l’arrêt attaqué, et que la Commission ne conteste pas, pour identifier les deux points de cette communication relatifs aux écarts de prix et aux variations de change auxquels le Tribunal fait référence.

106

La troisième branche du moyen de la Commission et le deuxième moyen de l’EAEPC doivent donc être rejetés comme non fondés.

— Sur la quatrième branche du moyen de la Commission

107

La Commission critique les points 292 et 293 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal y aurait considéré que les fluctuations monétaires peuvent justifier une restriction de concurrence, ce qui constituerait une application erronée de l’article 81, paragraphe 3, CE.

108

La législation communautaire ne permettrait pas aux entreprises d’invoquer l’effet des fluctuations monétaires pour justifier des entraves au commerce parallèle.

109

Il convient de relever que, aux points critiqués de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas jugé qu’un accord restrictif de concurrence, destiné à compenser des fluctuations monétaires, pouvait être exempté au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

110

Le Tribunal a seulement constaté auxdits points:

«292

[Il] faut relever que le commerce parallèle est un phénomène qui peut se prolonger au-delà de la brève période appréhendée par la Commission non seulement en raison du caractère durable des écarts de prix qui le permettent, mais aussi du caractère cyclique des variations de change, pour autant qu’elles subsistent. La Commission en convient dans sa communication COM(1998) 588 final […]. Elle reconnaît également, dans sa défense, que les fluctuations monétaires restent une réalité en ce qui concerne les États membres qui ne sont pas passés à la troisième phase de l’[Union économique et monétaire] en 1999, au nombre desquels figure précisément le Royaume-Uni.

293

Dans ce contexte, l’échantillon de chiffres fourni par GSK est révélateur d’une tendance. L’interrogation de la Commission figurant au considérant 168 de la [décision litigieuse], quant au fait que le chiffre fourni par GSK au sujet de ses pertes de recettes brutes en 1998 pourrait être surestimé, ne remet pas en cause cette conclusion. En effet, le chiffre fourni à ce sujet les 14 décembre 1998 et reste supérieur à celui des deux années précédentes, ainsi qu’il ressort du considérant 67 de la [décision litigieuse]. En outre, l’explication de GSK selon laquelle le chiffre antérieurement fourni à ce sujet, le , était une estimation, tandis que le chiffre fourni en décembre 1998 et en février 2000 était réel et s’expliquait par le fait que [l’accord] avait été [appliqué] entre le printemps et l’automne de 1998, comme cela ressort des considérants 19, 23, 26, 64, 67 et 168 de la [décision litigieuse], était suffisamment crédible pour mériter un examen sérieux.»

111

La quatrième branche du moyen de la Commission doit donc être rejeté comme non fondé.

— Sur la cinquième branche du moyen de la Commission, soutenue par la République de Pologne, et la première branche du deuxième moyen de l’Aseprofar

112

La Commission critique les points 255, 269, 274, 281, 297 et 300 de l’arrêt attaqué. Elle considère que ledit arrêt appliquerait de manière erronée le lien de causalité nécessaire à l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE en considérant que la restriction de concurrence contribue à la promotion du progrès technique dès lors que l’augmentation des revenus profite au fabricant et non au grossiste. Elle souligne, à cet égard, qu’il convient de déterminer si la restriction contribue effectivement au progrès technique et non s’il en résulte une augmentation de revenus pouvant, si les entreprises le souhaitent, être investie dans la recherche et le développement. Il ne suffirait pas qu’une fraction de l’augmentation des revenus aille aux dépenses de recherche et de développement et qu’elle profite aux fabricants et non aux intermédiaires. La Commission ajoute que, contrairement à la position retenue dans l’arrêt du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission (45/85, Rec. p. 405), le Tribunal a, dans l’arrêt attaqué, considéré qu’il suffit qu’une fraction de l’augmentation des revenus aille aux dépenses de recherche et de développement pour que cette condition soit remplie. Elle estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en admettant que la condition relative à l’amélioration de la distribution des produits ou à la promotion du progrès technique puisse être remplie en l’absence de tout lien spécifique entre la restriction de concurrence et l’avantage revendiqué.

113

GSK répond en exposant le lien entre les bénéfices et l’investissement dans le domaine de la recherche et du développement. Ce lien devrait être analysé à la lumière d’études quantitatives globales sur une longue période, plutôt que sur quelques mois.

114

L’Aseprofar invoque également une erreur de la part du Tribunal à cet égard. Le raisonnement de GSK, selon lequel le commerce parallèle réduit ses bénéfices, et donc ses dépenses en recherche et développement et par voie de conséquence son innovation, serait hypothétique et général au point qu’il pourrait s’appliquer à toute restriction de concurrence, dans n’importe quel secteur intensif en recherche et développement. Le raisonnement fondé sur le prétendu lien de causalité entre le commerce parallèle et l’innovation serait erroné.

115

Au soutien de sa réponse, GSK expose le mode de financement de la recherche par les sociétés pharmaceutiques. Elle explique également que les patients demeurant au Royaume-Uni ne tirent pas profit du commerce parallèle de médicaments. L’Aseprofar offrirait une version simplificatrice et déformée de sa position. Le problème résiderait dans le fait que la Commission n’a pas pris la peine d’examiner si l’accord contenait «des avantages objectifs appréciables». Elle considère que les affirmations de l’Aseprofar, de nature factuelle, sont irrecevables et, en tout état de cause, infondées. Le Tribunal se serait contenté de noter que les arguments de GSK méritaient d’être étudiés.

116

Il importe de relever que, aux points 255 et 270 à 274 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est limité à présenter respectivement de quelle manière les arguments de GSK avaient été articulés et en quoi consistaient ceux relatifs à la perte d’efficacité attachée au commerce parallèle.

117

Au point 269 dudit arrêt, le Tribunal a par ailleurs, par le renvoi au point 242 du même arrêt, rappelé l’étendue de son contrôle sur l’appréciation portée par la Commission.

118

Aux points 281, 297 et 303 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a successivement considéré que la Commission n’avait pas pris en compte l’ensemble des éléments pertinents avancés par GSK en ce qui concerne la perte d’efficacité attachée au commerce parallèle, le gain d’efficacité procuré par l’article 4 de l’accord, avant de conclure que la décision litigieuse était entachée d’un défaut d’examen.

119

Or, il ne résulte pas de ces différents éléments qu’une quelconque erreur de droit ait été commise à cet égard. Aucune dénaturation des arguments de GSK et aucune erreur de droit quant à l’étendue du contrôle du Tribunal sur l’appréciation de la Commission ne peuvent être valablement démontrées.

120

Il y a lieu d’ajouter que, contrairement à ce que prétend la Commission, il ne résulte pas de l’arrêt Verband der Sachversicherer/Commission, précité, que l’existence d’un avantage objectif sensible suppose nécessairement que la totalité des moyens financiers supplémentaires soit investie dans la recherche et le développement.

121

La cinquième branche du moyen de la Commission et la première branche du deuxième moyen de l’Aseprofar doivent donc être rejetées comme non fondées.

Sur les moyens de la Commission et de l’EAEPC relatifs à une dénaturation du contenu de la décision litigieuse ainsi que sur le moyen de la Commission relatif à la possibilité de se référer à des événements passés

122

La Commission soutient, d’une part, que le Tribunal a dénaturé le contenu de la décision en jugeant qu’elle aurait examiné les gains d’efficacité dans un seul considérant de la décision litigieuse. La Commission estime, d’autre part, que le Tribunal a fait une mauvaise application de l’article 81, paragraphe 3, CE, en considérant qu’elle n’était pas en droit de se référer à des événements passés pour mener une analyse prospective.

123

La Commission critique le point 261 de l’arrêt attaqué, aux termes duquel le Tribunal a jugé qu’elle n’avait pas estimé nécessaire d’examiner en détail s’il était démontré que l’article 4 de l’accord engendrerait un gain d’efficacité, cette question n’étant abordée que ponctuellement, au point 156 des motifs de la décision litigieuse. Elle conteste également les points 299 et suivants du même arrêt aux termes desquels le Tribunal a jugé qu’elle ne pouvait pas estimer, de manière péremptoire et non argumentée, que les arguments de fait et les éléments de preuve présentés par GSK étaient à considérer comme demeurant de l’ordre de l’hypothétique.

124

Elle souligne que, dans la décision litigieuse, elle a traité du gain d’efficacité et indique avoir donné une description d’événements passés qui prouvent que le commerce parallèle n’a pas de lien évident avec les budgets de recherche et de développement. Ce serait à bon droit que la Commission s’est fondée sur des éléments qui se sont produits dans le passé, ainsi que sur des données relatives aux années postérieures à la décision litigieuse, contrairement à la position du Tribunal sur ce point.

125

GSK considère que, confronté à une décision dans laquelle la Commission refusait d’honorer ses arguments sérieux et vraisemblables par une réponse équitable et motivée, il n’était pas inapproprié et cela ne constituait certainement pas une erreur judiciaire que le Tribunal annule la décision litigieuse à cet égard.

126

Selon l’EAEPC, le Tribunal a divisé artificiellement l’argumentation de GSK en deux parties. Contrairement à ce que le Tribunal a estimé au point 255 de l’arrêt attaqué, l’argument de GSK tendant à démontrer que le commerce parallèle engendre une perte d’efficacité et que l’article 4 de l’accord engendre un gain d’efficacité n’aurait pas lieu d’être ainsi divisé en deux parties. Le Tribunal n’aurait pas été fondé de prétendre, au point 261 du même arrêt, que la Commission n’a pas examiné en détail la deuxième partie de l’argument de GSK relative audit article 4.

127

GSK avance que cet argument de l’EAEPC n’est ni approprié ni pertinent. Cet argument serait formaliste, le Tribunal ayant jugé, au point 262 de l’arrêt attaqué, que «l’examen consacré par la Commission à la perte d’efficacité attachée au commerce parallèle, à l’ampleur de cette perte d’efficacité et au gain d’efficacité attaché à l’article 4 [de l’accord] ne peut pas être tenu pour suffisant pour étayer les conclusions auxquelles la Commission est parvenue sur ces points». En tout état de cause, la décision litigieuse aurait été annulée en raison non pas de la construction de l’argumentation, mais de l’insuffisance de l’examen de la Commission. GSK ajoute que son argumentation s’est toujours articulée autour de deux axes, à savoir que le commerce parallèle se traduit par une perte d’efficacité et que l’article 4 de l’accord entraîne un gain d’efficacité, et ce serait à juste titre que le Tribunal a distingué ces deux aspects de son argumentation.

128

Il convient de constater, d’une part que, dans le cadre du contrôle exercé par le Tribunal sur la manière dont la Commission a examiné les arguments de fait et les éléments de preuve apportés par GSK pour démontrer l’existence d’un avantage objectif sensible, le Tribunal a, aux points 263 à 268 de l’arrêt attaqué, analysé en premier lieu la pertinence de ces arguments et éléments. En deuxième lieu, il a, aux points 269 à 280 de cet arrêt, abordé l’existence d’une perte d’efficacité attachée au commerce parallèle, avant de traiter en troisième lieu, aux points 281 à 293 dudit arrêt, de l’ampleur de cette perte d’efficacité. Enfin, en quatrième et dernier lieu, le gain d’efficacité attaché à l’article 4 de l’accord a été analysé aux points 294 à 303 du même arrêt.

129

Cet examen en quatre temps, préalable à la mise en balance, aux points 304 à 307 de l’arrêt attaqué, de l’avantage objectif sensible identifié dans la restriction de concurrence avec les inconvénients que cette même restriction engendre pour la concurrence, vise manifestement, pour les besoins des présentes affaires, à déterminer si la Commission a pu, à bon droit, conclure à l’absence d’avantage objectif sensible pour rejeter l’exemption au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

130

De cette manière, le Tribunal a exercé son contrôle tendant à déterminer si la Commission n’avait pas commis une erreur manifeste d’appréciation et il n’apparaît pas qu’une quelconque erreur de droit dans l’exercice d’un tel contrôle ait été commise.

131

Le Tribunal a pu considérer ainsi, au point 261 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait essentiellement examiné si le commerce parallèle engendrait une perte d’efficacité pour la concurrence et qu’elle n’avait pas estimé nécessaire de démontrer en détail si l’article 4 de l’accord engendrait un gain d’efficacité pour celle-ci. Il a donc conclu, au point 262 du même arrêt, que l’examen effectué par la Commission n’avait pas été suffisant.

132

D’autre part, s’agissant de la prise en compte d’événements passés, il suffit de constater, ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 247 de ses conclusions, que le Tribunal n’a pas exclu que la Commission puisse se fonder sur de tels événements, contrairement à ce que soutient cette dernière institution.

133

Les moyens de la Commission et de l’EAEPC, soulevés à cet égard, doivent donc être rejetés comme non fondés.

Sur les moyens de l’EAEPC tirés d’erreurs d’interprétation

134

L’EAEPC soutient que le Tribunal a mal interprété ou a omis d’interpréter les faits. Elle critique à cet égard, notamment, les points 275 et 277 de l’arrêt attaqué. Elle relève que la Commission avait analysé les arguments spécifiques de GSK et estimé, à juste titre, que celle-ci n’avait pas suffisamment démontré le lien de cause à effet entre la réduction du commerce parallèle résultant de l’insertion de l’article 4 de l’accord et le surcroît d’innovation résultant d’une augmentation des dépenses de recherche et de développement. Il résulterait de l’étude II de Frontier Economics, présentée par GSK, qu’«il n’a jamais été dit que le commerce parallèle serait le principal facteur en matière de recherche et développement». Le Tribunal aurait fondé son appréciation sur des faits inexacts, à savoir notamment celui selon lequel le consommateur final dans le secteur médical serait uniquement le patient, sans tenir compte du fait que le système national de santé serait aussi à considérer comme tel.

135

GSK répond, en substance, que l’élément principal du raisonnement du Tribunal se fonde sur la circonstance que, en dépit des effets restrictifs qui étaient perceptibles, ceux-ci n’apparaissaient pas de manière immédiate et ne pouvaient certainement pas être présumés compte tenu du cadre réglementaire du secteur pharmaceutique.

136

Il y a lieu de constater, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 280 de ses conclusions, qu’il ne ressort pas de l’arrêt attaqué, et notamment du point 277 de celui-ci, que le Tribunal a déduit de l’étude II de Frontier Economics qu’il existait un lien direct entre le commerce parallèle et les dépenses de recherche et de développement.

137

Il ne ressort pas davantage, notamment du point 275 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal a dénaturé la décision litigieuse en considérant que la Commission avait omis de s’engager dans un examen rigoureux des arguments factuels et des éléments de preuve présentés par GSK.

138

Ainsi qu’il a été déjà constaté, au point 130 du présent arrêt, le Tribunal a exercé son contrôle tendant à déterminer si la Commission n’avait pas commis une erreur manifeste d’appréciation et il n’apparaît pas qu’une quelconque erreur de droit dans l’exercice d’un tel contrôle ait été commise.

139

Il convient donc de rejeter les moyens de l’EAEPC tirés d’erreurs d’interprétation comme infondés.

Sur les moyens de la Commission et de l’Aseprofar tirés d’une interprétation erronée du niveau de contrôle juridictionnel applicable

140

La Commission articule son moyen en deux branches, dont le contenu de la seconde est, en substance, analogue à l’un des moyens invoqués par l’Aseprofar.

141

S’agissant de la première branche du moyen de la Commission, cette dernière soutient que, par l’arrêt attaqué, le Tribunal ne constate aucune insuffisance de motivation ni aucune erreur d’appréciation manifeste, mais crée une nouvelle catégorie d’erreur susceptible de contrôle, à savoir le «manque d’examen sérieux», qui serait inconnu par la jurisprudence relative au contrôle juridictionnel dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE. Elle renvoie aux points 269, 277, 281, 286 et 313 de l’arrêt attaqué. Selon elle, la Cour n’a jamais appliqué le motif de «manque d’examen sérieux» et le Tribunal n’a pas démontré l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. Une charge de la preuve et un niveau de preuve correctement définis auraient dû conduire le Tribunal au rejet du recours ou, à tout le moins, à expliquer où l’erreur manifeste d’appréciation avait été commise.

142

GSK répond à cela que le Tribunal reproche à la Commission de n’avoir procédé à aucune appréciation de ses arguments détaillés et sérieux, ce qui ne modifierait pas la nature du contrôle juridictionnel qu’il doit effectuer. Le fait de ne pas avoir «apprécié» lesdits arguments entrerait dans le champ du contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

143

S’agissant de la seconde branche de son moyen, la Commission soutient, tout comme l’Aseprofar dans le cadre du moyen qu’elle soulève, que le Tribunal a excédé le juste niveau de contrôle juridictionnel en substituant sa propre appréciation économique à celle de la Commission, contrairement à ce qu’il a rappelé au point 243 de l’arrêt attaqué. La Commission critique notamment le point 278 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a jugé qu’elle «fait […] abstraction des arguments de GSK selon lesquels l’importance de ses bénéficies est à nuancer compte tenu de leur mode de comptabilisation». Une telle motivation serait tellement succincte qu’il serait de ce fait impossible de savoir à quoi le Tribunal se réfère.

144

L’Aseprofar ajoute que le Tribunal aurait dû contrôler l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation au lieu d’exprimer une opinion différente de celle de la Commission et de remplacer l’appréciation de la Commission par la sienne.

145

Pour les mêmes raisons que celles invoquées en ce qui concerne la première branche du moyen de la Commission, GSK conteste le fait que le contrôle opéré par le Tribunal ait pu conduire à substituer l’appréciation du Tribunal à celle de la Commission.

146

Ainsi qu’il a été déjà rappelé au point 85 du présent arrêt, les juridictions communautaires exercent un contrôle restreint sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission. Lesdites juridictions se limitent, à cet égard, à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, à l’exactitude matérielle des faits, à l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir.

147

Or, dans le cadre d’un tel contrôle, le Tribunal peut vérifier si la Commission a suffisamment motivé la décision litigieuse (voir, en ce sens, arrêts Remia e.a./Commission, précité, point 40, ainsi que du 28 mai 1998, Deere/Commission, C-7/95 P, Rec. p. I-3111, points 28 et 29).

148

C’est donc à bon droit que le Tribunal a pu vérifier la motivation de la décision litigieuse en ce qui concerne les arguments de fait et les éléments de preuve pertinents apportés par GSK au soutien de sa demande d’exemption.

149

Il importe, en outre, de relever que le Tribunal s’est limité à constater que la Commission n’avait pas pris en compte tous les arguments de fait et les éléments de preuve pertinents de GSK et n’a pas substitué ses motifs à ceux de la Commission pour l’octroi de l’exemption.

150

Le moyen de la Commission, pris en ses deux branches, ainsi que le moyen de l’Aseprofar, doivent donc être rejetés comme non fondés.

Sur les moyens de la Commission et de l’Aseprofar tirés d’une motivation insuffisante

151

La Commission soutient que la motivation du point 263 de l’arrêt attaqué serait insuffisante. Ce point énonce:

«Il convient de relever que les arguments de fait de GSK et les éléments de preuve présentés à leur appui paraissent pertinents, fiables et vraisemblables, eu égard à leur contenu […] qui est lui-même corroboré sur plusieurs aspects importants par des documents émanant de la Commission.»

152

La Commission précise que les points 265 et 266 de l’arrêt attaqué aggravent l’insuffisante motivation et souligne, à cet égard, que, si le Tribunal a jugé, notamment audit point 265, qu’«une partie [des] arguments [de GSK] et des analyses économiques figurant dans les éléments de preuve produits à leur appui, attestant ainsi de leur fiabilité et de leur vraisemblance» sont corroborés par la communication COM(1998) 588 final, il ne serait pas possible de déterminer lesquels de ces éléments sont effectivement corroborés.

153

La Commission ajoute que le dossier ne contient aucune preuve tendant à démontrer que GSK est empêchée d’augmenter son budget de recherche et de développement dans une proportion équivalente au très modeste manque à gagner causé par le commerce parallèle de ses produits.

154

Dans le même sens, l’Aseprofar soutient notamment que le Tribunal n’a pas expliqué les raisons pour lesquels l’élément central de la Commission était vicié, à savoir qu’il n’était pas démontré le lien de causalité entre le commerce parallèle et l’innovation.

155

À cet égard, l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal en vertu des articles 36 et 53, premier alinéa, du statut de la Cour de justice (voir arrêt du 2 avril 2009, Bouygues et Bouygues Télécom/Commission, C-431/07 P, Rec. p. I-2665, point 42) n’apparaît pas avoir été violée en l’espèce.

156

En effet, il importe de souligner que, aux points 255 à 259 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a repris les différents arguments de fait et les éléments de preuve présentés par GSK. Au point 261 du même arrêt, il a considéré que la Commission avait essentiellement examiné, dans la décision litigieuse, s’il était démontré que le commerce parallèle engendrait une perte d’efficacité, sans estimer nécessaire d’examiner s’il était aussi démontré que l’article 4 de l’accord engendrerait, pour sa part, un gain d’efficacité.

157

Le Tribunal a ajouté, au point 262 de l’arrêt attaqué, que, eu égard à la pertinence des arguments de fait et des éléments de preuve de GSK, l’examen de la Commission ne pouvait être tenu pour suffisant pour étayer ses conclusions.

158

Il a fait suivre cette considération, ainsi qu’il a été déjà indiqué au point 128 du présent arrêt, par une analyse de la pertinence des arguments de fait et des éléments de preuve de GSK ainsi que par une analyse de la perte d’efficacité attachée au commerce parallèle, de l’ampleur de cette perte d’efficacité, du gain d’efficacité attaché à l’article 4 de l’accord et de la mise en balance de ces différents aspects.

159

Il y a donc lieu de rejeter comme non fondés les moyens de la Commission et de l’Aseprofar invoqués à cet égard.

Sur les moyens de la Commission et de l’Aseprofar relatifs aux autres conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE

160

La Commission critique le point 309 de l’arrêt attaqué et considère que l’arrêt attaqué ne contient aucune motivation concernant la condition relative au «caractère indispensable» de la restriction.

161

L’Aseprofar soutient, par ailleurs, que le Tribunal a commis une erreur manifeste aux points 235 à 240 de l’arrêt attaqué, aux termes desquels il a déclaré que la Commission avait concentré son examen sur la première condition d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE. Le Tribunal n’aurait pas apprécié si était fondée l’analyse faite par la Commission des arguments selon lesquels une partie substantielle des gains d’efficacité serait répercutée sur les consommateurs qui pourraient ainsi en tirer avantage. De même, le Tribunal aurait dû examiner si la Commission avait commis une erreur manifeste en concluant que GSK n’avait pas démontré que sa restriction était indispensable à l’innovation. Par ailleurs, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal au point 315 de l’arrêt attaqué, la Commission n’aurait pas été tenue de réfuter les arguments qui n’ont pas été soulevés par GSK en ce qui concerne la condition relative à l’absence de restriction substantielle de concurrence.

162

GSK avance en réponse que l’objet du contrôle juridictionnel n’est pas de décider si la Commission aurait dû accorder une exemption. Au titre du règlement no 17, la Commission serait seule compétente pour procéder à cette appréciation, ce qui expliquerait que le Tribunal ait lié l’analyse des deuxième à quatrième conditions d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE à l’issue de celle de la première. Ce serait à juste titre que le Tribunal aurait conclu, au point 309 de l’arrêt attaqué, qu’«il ressort de la [décision litigieuse] et des débats que les conclusions sommaires auxquelles la Commission est parvenue au sujet de l’existence d’une répercussion sur l’utilisateur, du caractère indispensable de l’article 4 [de l’accord] et de l’absence d’élimination de la concurrence, reposent sur celle relative à l’existence d’un gain d’efficacité» et, au point 310 dudit arrêt, que «dans la mesure où cette dernière [conclusion] est entachée d’illégalité, en ce qu’elle porte sur l’existence d’une contribution à la promotion du progrès technique, ces conclusions sont elles-mêmes invalides».

163

En premier lieu, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l’auteur de la décision dont il lui est demandé de contrôler la légalité. En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 85 du présent arrêt, les juridictions communautaires exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission un contrôle restreint qui se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation des faits et de détournement de pouvoir.

164

Dans le cadre d’un tel contrôle, lorsque la Commission n’a pas fourni de motifs concernant l’une des conditions posées à l’article 81, paragraphe 3, CE, le Tribunal examine le caractère suffisant ou non de la motivation de la décision de la Commission relative à cette condition.

165

C’est précisément ce qu’a fait le Tribunal au point 309 de l’arrêt attaqué.

166

En second lieu, il convient de constater que le Tribunal n’a pas dénaturé le contenu du point 187 des motifs de la décision litigieuse en constatant que les conclusions de la Commission, qui avait estimé que l’article 4 de l’accord n’était pas indispensable, étaient insuffisantes, car fondées sur le constat que cette disposition n’engendrait pas d’avantage objectif sensible.

167

Les moyens de la Commission et de l’Aseprofar invoqués à cet égard doivent donc être rejetés comme non fondés.

168

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les pourvois introduits par GSK, l’EAEPC, l’Aseprofar et la Commission doivent être rejetés.

Sur les dépens

169

L’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, dudit règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le paragraphe 3, premier alinéa, de cette dernière disposition prévoit toutefois que la Cour peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. Quant au paragraphe 4, premier alinéa, de la même disposition, il énonce que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

170

En l’espèce, GSK, l’EAEPC, l’Aseprofar et la Commission ayant, chacune en ce qui la concerne, succombé en leurs moyens, il convient de les condamner à supporter leurs propres dépens afférents aux procédures respectives et de décider que la République de Pologne supporte ses propres dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:

 

1)

Les pourvois introduits par GlaxoSmithKline Services Unlimited, anciennement Glaxo Wellcome plc, la Commission des Communautés européennes, l’European Association of Euro Pharmaceutical Companies (EAEPC) et l’Asociación de exportadores españoles de productos farmacéuticos (Aseprofar) sont rejetés.

 

2)

Chaque partie supporte ses propres dépens afférents aux procédures respectives.

 

3)

La République de Pologne supporte ses propres dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’anglais.