Affaire C-357/06

Frigerio Luigi & C. Snc

contre

Comune di Triuggio

(demande de décision préjudicielle, introduite par

le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia)

«Directive 92/50/CEE — Marchés publics de services — Législation nationale limitant l’attribution des services publics locaux d’intérêt économique aux sociétés de capitaux — Compatibilité»

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 18 décembre 2007 

Sommaire de l'arrêt

1.     Rapprochement des législations — Procédures de passation des marchés publics de services — Directive 92/50 — Opérateurs économiques

(Directive du Conseil 92/50, art. 26, § 1 et 2)

2.     Droit communautaire — Effet direct — Disposition du traité directement applicable — Obligations des juridictions nationales

1.     L'article 26, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/50, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, telle que modifiée par la directive 2001/78, s'oppose à des dispositions nationales qui empêchent des candidats ou des soumissionnaires habilités, en vertu de la législation de l'État membre concerné, à fournir le service en question, y compris ceux qui sont constitués en groupements de prestataires de services, de présenter des offres dans une procédure de passation de marché public de services dont la valeur dépasse le seuil d'application de la directive 92/50, au seul motif que ces candidats ou ces soumissionnaires n'ont pas la forme juridique correspondant à une catégorie déterminée de personnes morales, à savoir celle des sociétés de capitaux.

(cf. points 22, 29 et disp.)

2.     Il appartient à la juridiction nationale de donner à une disposition de droit interne, dans toute la mesure où une marge d'appréciation lui est accordée par son droit national, une interprétation et une application conformes aux exigences du droit communautaire et, pour autant qu'une telle interprétation conforme ne soit pas possible, de laisser inappliquée toute disposition du droit interne qui serait contraire à ces exigences.

(cf. points 28, 29 et disp.)







ARRÊT DE LA COUR (quatrième chambre)

18 décembre 2007 (*)

«Directive 92/50/CEE – Marchés publics de services – Législation nationale limitant l’attribution des services publics locaux d’intérêt économique aux sociétés de capitaux – Compatibilité»

Dans l’affaire C‑357/06,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (Italie), par décision du 16 juin 2006, parvenue à la Cour le 30 août 2006, dans la procédure

Frigerio Luigi & C. Snc

contre

Comune di Triuggio,

en présence de:

Azienda Servizi Multisettoriali Lombarda – A.S.M.L. SpA,

LA COUR (quatrième chambre),

composée de M. G. Arestis, président de la huitième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. E. Juhász (rapporteur), J. Malenovský et T. von Danwitz, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 octobre 2007,

considérant les observations présentées:

–       pour Frigerio Luigi & C. Snc, par Me M. Boifava, avvocato,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par MM. C. Zadra et X. Lewis, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 26 de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), telle que modifiée par la directive 2001/78/CE de la Commission, du 13 septembre 2001 (JO L 285, p. 1, ci-après la «directive 92/50»), de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), des articles 39 CE, 43 CE, 48 CE et 81 CE, de l’article 9 de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE, du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32, ci-après la «directive 75/442»), ainsi que de l’article 7 de la directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2006, relative aux déchets (JO L 114, p. 9).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Frigerio Luigi & C. Snc (ci-après «Frigerio»), société en nom collectif de droit italien, au Comune di Triuggio au sujet de l’attribution d’un contrat de gestion du service de propreté urbaine.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3       La directive 92/50 vise à coordonner les procédures de passation des marchés publics de services. Selon son deuxième considérant, elle concourt à l’établissement progressif du marché intérieur, qui comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée.

4       Le sixième considérant de cette directive énonce notamment qu’il est nécessaire d’éviter les entraves à la libre circulation des services et que, dès lors, les prestataires de services peuvent être soit des personnes physiques, soit des personnes morales.

5       Aux termes du vingtième considérant de ladite directive, pour éliminer les pratiques qui restreignent la concurrence en général et la participation aux marchés des ressortissants d’autres États membres en particulier, il est nécessaire d’améliorer l’accès des prestataires de services aux procédures de passation des marchés.

6       L’article 26 de la directive 92/50 est libellé comme suit:

«1.      Les groupements de prestataires de services sont autorisés à soumissionner. La transformation de tels groupements dans une forme juridique déterminée ne peut être exigée pour la présentation de l’offre, mais le groupement retenu peut être contraint d’assurer cette transformation lorsque le marché lui a été attribué.

2.      Les candidats ou soumissionnaires qui, en vertu de la législation de l’État membre où ils sont établis, sont habilités à prester le service en question ne peuvent être rejetés seulement du fait qu’ils auraient été tenus, en vertu de la législation de l’État membre où le marché est attribué, d’être soit des personnes physiques, soit des personnes morales.

3.      Toutefois, les personnes morales peuvent être obligées d’indiquer, dans leurs offres ou leurs demandes de participation, les noms et les qualifications professionnelles des personnes qui sont chargées de l’exécution du service en question.»

7       La directive 92/50 a été abrogée, à l’exception de son article 41, avec effet au 31 janvier 2006 et remplacée par la directive 2004/18. Le libellé de l’article 26 de la directive 92/50 a été repris en substance à l’article 4 de la directive 2004/18.

 La réglementation nationale

8       Le décret législatif n° 267 portant texte unique des lois sur l’organisation des entités locales (testo unico delle leggi sull’ordinamento degli enti locali), du 18 août 2000 (supplément ordinaire à la GURI n° 227, du 28 septembre 2000), tel que modifié par le décret-loi n° 269 portant des dispositions urgentes pour favoriser le développement et pour la correction de la situation des finances publiques (disposizioni urgenti per favorire lo sviluppo e per la correzione dell’andamento dei conti pubblici), du 30 septembre 2003 (supplément ordinaire à la GURI n° 229, du 2 octobre 2003), converti en loi, après modification, par la loi n° 326, du 24 novembre 2003 (supplément ordinaire à la GURI n° 274, du 25 novembre 2003, ci‑après le «décret législatif n° 267/2000»), réglemente notamment les modalités d’attribution des marchés relatifs à l’exploitation des services publics locaux d’intérêt économique. L’article 113, paragraphe 5, dudit décret législatif dispose:

«La prestation de services s’opère selon la réglementation du secteur et dans le respect de la réglementation de l’Union européenne, en attribuant l’exploitation du service:

a)      à des sociétés de capitaux sélectionnées au moyen d’une procédure d’appel d’offres;

b)      à des sociétés à capital mixte public et privé, dans lesquelles l’associé privé a été choisi au moyen d’une procédure d’appel d’offres garantissant le respect des dispositions internes et communautaires en matière de concurrence d’après les lignes directrices adoptées par les autorités compétentes dans des actes ou des circulaires spécifiques;

c)      à des sociétés à capital entièrement public à condition que la ou les collectivités publiques titulaires du capital social exercent sur la société un contrôle analogue à celui exercé sur leurs propres services et que la société réalise l’essentiel de son activité avec la ou les collectivités publiques qui la contrôlent.»

9       En ce qui concerne le secteur spécifique des déchets, l’article 2, paragraphe 6, de la loi régionale de la Région de Lombardie n° 26 portant réglementation des services locaux d’intérêt économique général [–] Normes en matière de gestion des déchets, de l’énergie, de l’utilisation du sous-sol et des ressources hydriques (disciplina dei servizi locali di interesse economico generale. Norme in materia di gestione dei rifiuti, di energia, di utilizzo del sottosuolo e di risorse idriche), du 12 décembre 2003 (supplément ordinaire au Bollettino Ufficiale della Regione Lombardia n° 51, du 16 décembre 2003, ci-après la «loi régionale n° 26»), prévoit:

«La prestation des services est confiée à des sociétés de capitaux choisies par voie de procédure d’appel d’offres ou de procédures compatibles avec la réglementation nationale et communautaire en matière de concurrence; [...]»

10     Aux termes de l’article 198, paragraphe 1, du décret législatif n° 152 portant sur des normes en matière environnementale (norme in materia ambiente), du 3 avril 2006 (supplément ordinaire à la GURI n° 88, du 14 avril 2006):

«[…] les communes continuent la gestion des déchets urbains et des déchets assimilés destinés à l’élimination en régime de monopole dans les formes indiquées à l’article 113, paragraphe 5, du décret législatif [n° 267/2000].»

 Le cadre factuel et les questions préjudicielles

11     Par la décision n° 53, du 29 novembre 2005 (ci-après la «décision n° 53»), le conseil municipal du Comune di Triuggio a attribué, pour une durée de cinq ans à partir du 1er juillet 2006, la gestion du service de propreté urbaine sur le territoire municipal à Azienda Servizi Multisettoriali Lombarda – A.S.M.L. SpA (ci-après «ASML»).

12     Par la même décision, ledit conseil s’est engagé à acquérir un portefeuille d’actions permettant à l’administration communale de «devenir associée à tous les effets et de restructurer et de réglementer, tant du point de vue organisationnel que du point de vue fonctionnel, les relations avec [ASML], afin de conférer [au Comune di Triuggio] un pouvoir d’orientation et de contrôle sur l’entreprise analogue à celui exercé sur ses propres services».

13     Frigerio, qui avait assuré la gestion du service en question du 1er janvier 1996 au 30 juin 2006 en association temporaire avec une autre société en nom collectif de droit italien, a introduit un recours à l’encontre de la décision n° 53 devant le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia (tribunal administratif régional de la Région de Lombardie). Dans le cadre de ce recours, elle a fait valoir que le conseil municipal du Comune di Triuggio n’était pas en droit d’attribuer directement le marché en question mais était tenu de procéder à un appel d’offres, conformément à la législation communautaire applicable en matière de marchés publics et à l’article 113, paragraphe 5, du décret législatif n° 267/2000.

14     Le Comune di Triuggio ainsi que ASML ont conclu au rejet de ce recours, mais également, à titre incident, à son irrecevabilité. À cet égard, ils soutiennent notamment que le recours est irrecevable en raison du défaut d’intérêt à agir de Frigerio, dès lors que celle-ci, qui est constituée sous la forme juridique d’une société de personnes (société en nom collectif), ne saurait prétendre à l’attribution du marché litigieux, étant donné que l’article 113, paragraphe 5, du décret législatif n° 267/2000 réserve aux seules sociétés de capitaux l’attribution des services publics locaux, tels que celui de la propreté urbaine.

15     C’est dans ces conditions que le Tribunale amministrativo regionale per la Lombardia a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      La disposition de l’article 4, paragraphe 1, de la directive [2004/18], ou celle analogue figurant au paragraphe 2 de l’article 26 de la directive [92/50] (si c’est ce dernier qui est considéré comme applicable), selon laquelle les candidats ou soumissionnaires qui, en vertu de la réglementation de l’État membre dans lequel ils sont établis, sont autorisés à fournir la prestation de services en cause ne peuvent être exclus au seul motif que, en vertu de la réglementation de l’État membre dans lequel le marché public a été adjugé, ils auraient dû être des personnes physiques ou des personnes morales, énonce-t-elle ou non un principe fondamental du droit communautaire susceptible de primer la limite formelle posée à l’article 113, paragraphe 5, du décret législatif n° 267/2000 et aux articles 2, paragraphe 6, et 15, paragraphe 1, de la loi régionale [n° 26], et susceptible, donc, de déployer son efficacité de façon à assurer la participation aux appels d’offres également aux candidats qui ne revêtent pas la forme de sociétés de capitaux?

2)      Pour le cas où la Cour n’estimerait pas que la réglementation susmentionnée constitue l’expression d’un principe fondamental du droit communautaire, la disposition de l’article 4, paragraphe 1, de la directive [2004/18], ou celle analogue du paragraphe 2 de l’article 26 de la directive [92/50] (si c’est ce dernier qui est considéré comme applicable), forme‑t-elle un corollaire implicite ou un ‘principe dérivé’ du principe de concurrence, pris en combinaison avec le principe de la transparence administrative et le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, et doit-elle par conséquent être considérée comme directement applicable et comme primant les dispositions nationales éventuellement non conformes prises par les États membres pour réglementer les procédures d’attribution de marchés publics de travaux échappant au champ d’application directe du droit communautaire?

3)      Les dispositions de l’article 113, paragraphe 5, du décret législatif n° 267/2000 ainsi que des articles 2, paragraphe 6, et 15, paragraphe 1, de la loi régionale [no° 26], sont-elles conformes aux principes communautaires découlant des articles 39 [CE] (principe de libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté), 43 [CE] (liberté d’établissement), 48 [CE] et 81 [CE] (ententes restrictives de la concurrence) […], et, au cas où elles seraient jugées non conformes, l’application des dispositions nationales en question doit-elle être exclue en ce qu’elles sont contraires aux dispositions communautaires d’applicabilité directe et primant les dispositions internes?

4)      Les dispositions de l’article 113, paragraphe 5, du décret législatif n° 267/2000 ainsi que des articles 2, paragraphe 6, et 15, paragraphe 1, de la loi régionale [n° 26] sont-elles conformes à la disposition de l’article 9, paragraphe 1, de la directive [75/442] ou à celle analogue de l’article 7, paragraphe 2, de la directive [2006/12] (si c’est ce dernier qui est considéré comme applicable), lesquelles disposent, respectivement, que ‘[...] tout établissement ou toute entreprise qui effectue les opérations visées à l’annexe II A [de la directive 75/442] doit obtenir une autorisation de l’autorité compétente visée à l’article 6 [de cette directive]’, et que ‘les plans visés au paragraphe 1 [de la directive 2006/12] (gestion des déchets) peuvent, par exemple, inclure: a) les personnes physiques ou morales habilitées à gérer les déchets [...]’?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les première et deuxième questions

16     À titre liminaire, il convient de relever que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure visée à l’article 234 CE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, toute appréciation des faits de la cause relève de la compétence du juge national (voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1998, Dumon et Froment, C‑235/95, Rec. p. I‑4531, point 25; du 11 juillet 2006, Chacón Navas, C-13/05, Rec. p. I‑6467, point 32, et du 8 novembre 2007, ING. AUER, C‑251/06, non encore publié au Recueil, point 19).

17     À cet égard, il ressort de la demande de décision préjudicielle, et notamment des première et deuxième questions, que la juridiction de renvoi se fonde sur la prémisse selon laquelle le marché en cause au principal relève d’une des directives communautaires de marchés publics de services, à savoir soit la directive 92/50, soit la directive 2004/18. Cette prémisse est en outre corroborée par des éléments soumis à la Cour, telle la décision n° 53, dont le texte est joint aux observations de Frigerio et qui fait apparaître que la valeur du marché en cause au principal dépasse le seuil d’application desdites directives. En outre, il ressort des observations présentées lors de l’audience que la contrepartie dudit marché provient du Comune di Triuggio, de sorte qu’il ne saurait être qualifié de concession de services.

18     Dans ces conditions, et eu égard au fait que ladite décision date du 29 novembre 2005, il convient de constater que la directive 92/50 s’applique ratione materiæ et ratione temporis aux faits de l’affaire au principal.

19     Dès lors, il y a lieu de reformuler les première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, en ce sens que la juridiction de renvoi demande, à titre principal, si l’article 26, paragraphe 2, de la directive 92/50 s’oppose aux dispositions nationales, telles que celles en cause au principal, qui limitent la présentation des offres dans une procédure de passation de marché public de services aux intéressés revêtant la forme juridique d’une société de capitaux. Subsidiairement, ladite juridiction s’interroge sur les conséquences d’une éventuelle réponse positive sur l’interprétation et l’application du droit national.

20     Conformément à l’article 26, paragraphe 2, de la directive 92/50, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent rejeter des candidats ou des soumissionnaires qui, en vertu de la législation de l’État membre où ils sont établis, sont habilités à fournir un service donné au seul motif qu’ils auraient été tenus, en vertu de la législation de l’État membre où le marché est attribué, d’être soit des personnes physiques, soit des personnes morales.

21     Il découle de cette disposition que les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent pas non plus écarter des candidats ou des soumissionnaires habilités, en vertu de la législation de l’État membre concerné, à fournir le service en question, d’une procédure d’appel d’offres au seul motif que la forme juridique de ceux-ci ne correspond pas à une catégorie spécifique de personnes morales.

22     Il en résulte que ladite disposition s’oppose à toute réglementation nationale qui exclut des candidats ou des soumissionnaires habilités, en vertu de la législation de l’État membre concerné, à fournir le service en question de l’attribution des marchés publics de services dont la valeur dépasse le seuil d’application de la directive 92/50, au seul motif que ces candidats ou ces soumissionnaires n’ont pas la forme juridique correspondant à une catégorie déterminée de personnes morales.

23     Par conséquent, des dispositions nationales telles que celles en cause au principal, qui limitent l’attribution des marchés de services publics locaux d’intérêt économique dont la valeur dépasse le seuil d’application de la directive 92/50 à des sociétés de capitaux, n’est pas compatible avec l’article 26, paragraphe 2, de cette directive.

24     S’agissant des faits à l’origine du litige au principal, il ressort du dossier que Frigerio a introduit le recours au principal en tant que chef de file d’un groupement temporaire d’entreprises, lequel a assuré la gestion du service de propreté urbaine du Comune di Triuggio entre le 1er janvier 1996 et le 30 juin 2006.

25     À cet égard, il y a lieu de préciser qu’il résulte également de l’article 26, paragraphe 1, de la directive 92/50 que les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent pas exiger la transformation de groupements de prestataires de services en une forme juridique déterminée aux fins de la présentation d’une offre.

26     De plus, il n’est pas contesté devant la Cour que, selon la législation italienne, Frigerio était habilitée à prester le service de propreté urbaine sous sa forme juridique, c’est-à-dire en tant que société en nom collectif. À cet égard, la juridiction de renvoi indique notamment que Frigerio est inscrite au registre des personnes habilitées à exercer des activités dans le domaine des déchets.

27     Ainsi qu’il a été relevé au point 19 du présent arrêt, la juridiction de renvoi s’interroge également, à titre subsidiaire, sur les conséquences d’un constat de non-conformité de dispositions nationales telles que celles en cause au principal, avec la directive 92/50.

28     Il suffit de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence établie, la juridiction nationale est tenue de donner à une disposition de droit interne, dans toute la mesure où une marge d’appréciation lui est accordée par son droit national, une interprétation et une application conformes aux exigences du droit communautaire. Si une telle application conforme n’est pas possible, la juridiction nationale a l’obligation d’appliquer intégralement le droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci confère aux particuliers, en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire du droit interne (voir, en ce sens, arrêts du 4 février 1988, Murphy e.a., 157/86, Rec. p. 673, point 11, ainsi que du 11 janvier 2007, ITC, C‑208/05, Rec. p. I‑181, points 68 et 69).

29     Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 26, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/50 s’oppose à des dispositions nationales telles que celles en cause au principal, qui empêchent des candidats ou des soumissionnaires habilités, en vertu de la législation de l’État membre concerné, à fournir le service en question, y compris ceux qui sont constitués en groupements de prestataires de services, de présenter des offres dans une procédure de passation de marché public de services dont la valeur dépasse le seuil d’application de la directive 92/50, au seul motif que ces candidats ou ces soumissionnaires n’ont pas la forme juridique correspondant à une catégorie déterminée de personnes morales, à savoir celle des sociétés de capitaux. Il appartient à la juridiction nationale de donner à une disposition de droit interne, dans toute la mesure où une marge d’appréciation lui est accordée par son droit national, une interprétation et une application conformes aux exigences du droit communautaire, et, pour autant qu’une telle interprétation conforme ne soit pas possible, de laisser inappliquée toute disposition du droit interne qui serait contraire à ces exigences.

 Sur les troisième et quatrième questions

30     Par ses troisième et quatrième questions, la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur la conformité de dispositions nationales telles que celles en cause au principal avec les articles 39 CE, 43 CE, 48 CE et 81 CE ainsi qu’avec la directive 75/442 et la directive 2006/12.

31     Dès lors que, comme il ressort du point 18 du présent arrêt, les faits de la cause au principal relèvent du champ d’application de la directive 92/50 et que l’interprétation de cette directive fournit les éléments nécessaires pour permettre à la juridiction de renvoi de trancher l’affaire dont elle est saisie, l’examen des dispositions communautaires susmentionnées présenterait un intérêt purement hypothétique. Par conséquent, conformément à une jurisprudence constante, il n’y a pas lieu de répondre aux troisième et quatrième questions (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2005, Mangold, C‑144/04, Rec. p. I‑9981, points 36 et 37, ainsi que du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, Rec. p. I‑6057, points 42 et 43).

 Sur les dépens

32     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) dit pour droit:

L’article 26, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, telle que modifiée par la directive 2001/78/CE de la Commission, du 13 septembre 2001, s’oppose à des dispositions nationales, telles que celles en cause au principal, qui empêchent des candidats ou des soumissionnaires habilités, en vertu de la législation de l’État membre concerné, à fournir le service en question, y compris ceux qui sont constitués en groupements de prestataires de services, de présenter des offres dans une procédure de passation de marché public de services dont la valeur dépasse le seuil d’application de la directive 92/50, au seul motif que ces candidats ou ces soumissionnaires n’ont pas la forme juridique correspondant à une catégorie déterminée de personnes morales, à savoir celle des sociétés de capitaux. Il appartient à la juridiction nationale de donner à une disposition de droit interne, dans toute la mesure où une marge d’appréciation lui est accordée par son droit national, une interprétation et une application conformes aux exigences du droit communautaire, et, pour autant qu’une telle interprétation conforme ne soit pas possible, de laisser inappliquée toute disposition du droit interne qui serait contraire à ces exigences.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.