Affaire C-353/06
Procédure engagée par
Stefan Grunkin et Dorothee Regina Paul
(demande de décision préjudicielle, introduite par l'Amtsgericht Flensburg)
«Droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres — Droit international privé en matière de nom patronymique — Rattachement, pour la détermination de la loi applicable, à la seule nationalité — Enfant mineur né et résidant dans un État membre et possédant la nationalité d’un autre État membre — Non-reconnaissance dans l’État membre dont il est ressortissant du nom acquis dans l’État membre de naissance et de résidence»
Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 24 avril 2008 I - 7642
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 14 octobre 2008 I - 7665
Sommaire de l'arrêt
Droit communautaire – Principes – Égalité de traitement – Discrimination en raison de la nationalité – Règles nationales de conflit des lois – Détermination du nom de famille
(Art. 12 CE)
Citoyenneté de l'Union européenne – Droit de libre circulation et de libre séjour sur le territoire des États membres – Règles nationales de conflit des lois – Détermination du nom de famille
(Art. 18 CE)
Dès lors qu’un enfant, ressortissant d’un État membre tout en séjournant légalement sur le territoire d’un autre État membre, et ses parents ne possèdent que la nationalité de cet État membre et que, pour l’attribution du nom patronymique, la règle de conflit de ce dernier se réfère à son droit matériel interne en matière de noms, la détermination du nom de cet enfant dans cet État membre et conformément à sa législation ne saurait constituer une discrimination en raison de la nationalité au sens de l’article 12 CE.
(cf. points 16-18, 20)
L’article 18 CE s’oppose à ce que les autorités d’un État membre, en appliquant le droit national qui rattache la détermination du nom patronymique exclusivement à la nationalité, refusent de reconnaître le nom patronymique d’un enfant tel qu’il a été déterminé et enregistré dans un autre État membre où cet enfant est né et réside depuis lors et qui, à l’instar de ses parents, ne possède que la nationalité du premier État membre. En effet, le fait d'être obligé de porter, dans l'État membre dont l'intéressé possède la nationalité, un nom différent de celui déjà atttribué et enregistré dans l'État membre de naissance et de résidence est susceptible d'entraver l'exercice du droit, consacré à l'article 18 CE, de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. À cet égard, une diversité de noms de famille est de nature à engendrer pour l’intéressé de sérieux inconvénients, notamment dans le domaine tant public que privé du fait que, n'ayant qu'une seule nationalité, il se verra délivrer par l'État dont il est ressortissant, seul compétent à cet effet, un passeport dans lequel figurera un nom différent de celui reçu dans l'État de naissance et de résidence. L'intéressé risque à cet égard de devoir dissiper des doutes concernant son identité et d'écarter des soupçons de fausse déclaration suscités par la divergence entre les deux noms patronymiques à chaque fois qu'il devra prouver son identité dans l'État membre de résidence. En outre, par rapport aux attestations, certificats et diplômes ou à tout autre document établissant un droit, toute divergence patronymique est susceptible de faire naître des doutes quant à l’authenticité des documents présentés ou à la véracité des données contenues dans ceux-ci.
Au vu du fait que l'intéressé portera un autre nom chaque fois qu'il franchit la frontière entre les deux États membres concernés, le rattachement à la nationalité, qui vise à garantir que le nom d’une personne puisse être déterminé de manière continue et stable, aboutira à un résultat contraire à celui recherché, de manière qu’il ne saurait justifier ce refus. L’objectif de maintenir les relations entre les membres d’une famille étendue, si légitime qu’il puisse paraître en tant que tel, ne mérite pas davantage de se voir attribuer une importance telle qu’il puisse justifier un tel refus. En outre, les considérations de facilité administrative qui ont conduit l’État membre dont l’intéressé possède la nationalité à interdire les noms de famille composés ne sauraient suffire pour justifier une telle entrave à la libre circulation, d'autant plus que l'interdiction en question n'apparaît pas comme absolue à la lumière de la législation de l'État membre concerné.
(cf. points 22, 23, 25-28, 31, 32, 36, 37 et disp.)