CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 23 octobre 2008 ( 1 )

Affaire C-362/06 P

Markku Sahlstedt e.a.

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Protection des habitats naturels — Liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique boréale arrêtée par décision de la Commission — Recevabilité d’un recours en annulation introduit par des personnes physiques ou morales à l’encontre de cette décision»

1. 

La présente affaire a pour objet le pourvoi formé par plusieurs propriétaires fonciers ( 2 ) et une association d’exploitants agricoles et forestiers ( 3 ) (ci-après, ensemble, les «requérants») à l’encontre de l’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 22 juin 2006, Sahlstedt e.a./Commission ( 4 ).

2. 

Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a rejeté le recours en annulation introduit par les requérants contre la décision 2005/101/CE de la Commission, du 13 janvier 2005, arrêtant, en application de la directive 92/43/CEE du Conseil ( 5 ), la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique boréale ( 6 ). En effet, à l’issue de son examen relatif à la recevabilité du recours, le Tribunal a considéré que les requérants ne sont pas directement concernés par la décision litigieuse, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE et a donc rejeté leur recours.

3. 

La condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par un acte communautaire pour être recevable à agir dans le cadre d’un recours en annulation requiert deux éléments. Premièrement, l’acte attaqué doit produire directement des effets sur la situation juridique du requérant. Deuxièmement, cet acte ne doit laisser aucun pouvoir d’appréciation aux autorités nationales chargées de sa mise en œuvre ( 7 ). Dans l’ordonnance attaquée, le Tribunal a jugé que ces deux éléments n’étaient pas réunis.

4. 

Dans le cadre du présent pourvoi, la Cour est donc amenée à examiner les effets sur la situation juridique des requérants d’une décision qui classe certains territoires en sites d’importance communautaire. Elle est également invitée à apprécier l’étendue des pouvoirs d’appréciation dont les États membres disposent dans la mise en œuvre d’une telle décision.

5. 

Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour d’accueillir ce pourvoi, d’annuler l’ordonnance attaquée et de statuer définitivement sur la recevabilité du recours introduit en première instance.

6. 

Nous soutiendrons, en effet, que le Tribunal a commis une erreur de droit dans le cadre de son examen de la recevabilité du recours, en jugeant que les requérants ne sont pas directement concernés par la décision litigieuse.

7. 

Nous exposerons les raisons pour lesquelles nous considérons, au contraire, qu’une telle décision, qui classe en sites d’importance communautaire des terrains sur lesquels les propriétaires fonciers possèdent des droits, affecte leur situation juridique et ne laisse qu’une marge d’appréciation très limitée aux États membres chargés de la mise en œuvre de celle-ci. Nous indiquerons, ensuite, pourquoi les propriétaires fonciers sont également, à notre avis, individuellement concernés par la décision litigieuse et pourquoi MTK doit aussi être déclarée recevable à agir.

I — Le cadre juridique et factuel

8.

La directive vise à créer un réseau écologique européen cohérent, dénommé «Natura 2000». Ce réseau doit permettre de favoriser le maintien et le rétablissement des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire des États membres de la Communauté européenne ( 8 ).

9.

Ledit réseau est constitué de «zones spéciales de conservation». Aux termes de l’article 1er, sous l), de la directive, une zone spéciale de conservation est «un site d’importance communautaire désigné par les États membres par un acte réglementaire, administratif et/ou contractuel où sont appliquées les mesures de conservation nécessaires au maintien ou au rétablissement, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et/ou des populations des espèces pour lesquels le site est désigné».

10.

Ces zones sont désignées au terme d’une procédure en trois étapes visée à l’article 4 de la directive.

11.

Dans le cadre de la première étape, les États membres proposent à la Commission des Communautés européennes une liste de sites d’importance communautaire se trouvant sur leur territoire en vue de la protection des types d’habitats naturels ou des espèces de la faune ou de la flore visées par la directive. Cette liste est accompagnée de tous les renseignements utiles non seulement d’ordre scientifique et écologique ( 9 ), géographique ( 10 ), mais également d’ordre économique et social ( 11 ) et doit être transmise à la Commission dans les trois ans suivant la notification de la directive.

12.

Puis, dans une deuxième étape, la Commission, agissant dans le cadre d’une procédure faisant intervenir un comité ad hoc ( 12 ), adopte la liste des sites sélectionnés comme sites d’importance communautaire. Cette liste est établie dans un délai de six ans après la notification de la directive.

13.

Enfin, la troisième étape est décrite à l’article 4, paragraphe 4, de la directive. Elle marque l’issue de la procédure de désignation des zones spéciales de conservation.

14.

Cette disposition prévoit qu’une fois qu’un site d’importance communautaire a été retenu par la Commission, «l’État membre concerné désigne ce site comme zone spéciale de conservation».

15.

En outre, aux termes de l’article 4, paragraphe 5, de la directive, dès qu’un site est inscrit sur la liste des sites d’importance communautaire, il est soumis aux dispositions de l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive.

16.

L’article 6 de la directive fixe le régime que les États membres devront adopter pour assurer la conservation et la gestion des sites Natura 2000.

17.

L’article 6, paragraphe 1, de la directive prévoit un régime de conservation général que les États membres doivent instaurer pour les zones spéciales de conservation. Ce régime peut prendre la forme de mesures réglementaires, administratives ou contractuelles et, le cas échéant, de plans de gestion.

18.

À la différence de cette disposition, l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive est applicable, dès qu’un site est inscrit sur la liste des sites d’importance communautaire.

19.

Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, de la directive, les États membres doivent prendre toutes les mesures appropriées pour éviter la détérioration des habitats et les perturbations touchant les espèces protégées. Cette disposition est donc essentiellement préventive.

20.

L’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive fixe, quant à lui, les conditions dans lesquelles des plans ou des projets susceptibles d’affecter l’intégrité d’un site peuvent être autorisés.

A — La décision litigieuse

21.

La décision litigieuse arrête, en application de la directive, la liste des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique boréale. Cette liste a été adoptée conformément à l’article 4, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive.

22.

Parmi les sites d’importance communautaire retenus dans la liste figurant à l’annexe I de la décision litigieuse se trouvent les sites suivants:

A

B

C

D

E

Code du [SIC (1)]

Dénomination du [SIC]

*

Superficie du [SIC] (en ha)

Longueur du [SIC] (en km)

Coordonnées géographiques du [SIC]

 

 

 

 

 

Longitude

Latitude

[…]

FI0100040

Nuuksio

*

5 643

 

E 24 29

N 60 19

[…]

FI0100050

Haaviston alueet

*

59

 

E 24 24

N 60 32

[…]

FI0200011

Varesharju

*

271

 

E 23 42

N 60 26

[…]

FI0900 013

Hietasyrjänkangas-Sirkkaharju

 

378

 

E 25 59

N 62 29

 (1)  Site d’importance communautaire.

23.

Les sites visés par la décision litigieuse intègrent les terrains des propriétaires fonciers ( 13 ).

II — La procédure devant le Tribunal

24.

Le 18 avril 2005, les requérants ont introduit un recours devant le Tribunal visant à obtenir l’annulation partielle ou intégrale de la décision litigieuse.

25.

La Commission a, par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 juillet 2005, soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

26.

Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 27 septembre 2005, la République de Finlande a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

III — L’ordonnance attaquée

27.

À l’issue de son examen relatif à la recevabilité de la requête, le Tribunal a considéré que les requérants n’étaient pas directement concernés par la décision litigieuse au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE et a, en conséquence, rejeté leurs recours.

28.

Le Tribunal a, tout d’abord, rappelé les termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE selon lesquels «[t]oute personne physique ou morale peut former […] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement».

29.

Après avoir constaté que les requérants n’étaient pas les destinataires de la décision litigieuse, le Tribunal a donc examiné si celle-ci les concernait directement et individuellement.

A — Sur le point de savoir si les propriétaires fonciers sont directement concernés

30.

Après avoir rappelé, aux points 52 et 53 de l’ordonnance attaquée, la jurisprudence de la Cour en la matière, le Tribunal a examiné les effets de la décision litigieuse sur la situation juridique des propriétaires fonciers, personnes physiques ( 14 ). Il a retenu ce qui suit:

«54

Le Tribunal estime qu’il ne peut être considéré que la décision [litigieuse], qui désigne, comme sites d’importance communautaire, des zones du territoire finlandais dans lesquelles les requérants [les propriétaires fonciers, personnes physiques] possèdent des terrains, produit, par elle-même, des effets sur la situation juridique des requérants [les propriétaires fonciers, personnes physiques]. La décision [litigieuse] ne contient aucune disposition quant au régime de protection des sites d’importance communautaire, telle des mesures de conservation ou des procédures d’autorisation […] Elle n’affecte ainsi ni les droits et obligations des propriétaires de biens fonciers ni l’exercice de ces droits. Contrairement à ce que prétendent les requérants [les propriétaires fonciers, personnes physiques], l’inclusion de ces sites dans la liste des sites d’importance communautaire n’oblige nullement les opérateurs économiques ou les personnes privées.»

31.

Le Tribunal a, ensuite, examiné la seconde condition dégagée par la jurisprudence, selon laquelle la mise en œuvre de l’acte attaqué doit revêtir un caractère automatique et découler de la seule réglementation communautaire. Il a ainsi examiné, aux points 55 à 58 de l’ordonnance attaquée, le contenu des obligations incombant aux États membres en vertu des articles 4, paragraphes 4 et 5, et 6 de la directive. Le Tribunal en a déduit ce qui suit:

«59

À la lecture des obligations précitées, qui incombent aux États membres concernés une fois que les sites d’importance communautaire ont été désignés par la décision [litigieuse], il convient de constater qu’aucune de ces obligations n’est directement applicable aux requérants [les propriétaires fonciers, personnes physiques]. En effet, toutes ces obligations nécessitent un acte de la part de l’État membre concerné, afin qu’il précise de quelle manière il entend mettre en œuvre l’obligation en cause, qu’il s’agisse des mesures de conservation nécessaires (article 6, paragraphe 1, de la directive […]), des mesures appropriées pour éviter la détérioration du site (article 6, paragraphe 2, de la directive […]), ou de l’accord à donner par les autorités nationales compétentes à un projet susceptible d’affecter le site de manière significative (article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive […]).

60

Il ressort donc de la directive […], sur la base de laquelle la décision [litigieuse] a été prise, qu’elle lie l’État membre quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux autorités nationales la compétence quant aux mesures de conservation à entreprendre et des procédures d’autorisation à suivre. Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que la marge d’appréciation ainsi reconnue aux États membres doit s’exercer conformément aux objectifs de la directive […]»

32.

le Tribunal a donc conclu que les propriétaires fonciers, personnes physiques, n’étaient pas directement concernés par la décision litigieuse au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE et a jugé qu’il n’était donc pas nécessaire d’examiner s’ils étaient individuellement concernés par cet acte communautaire.

B — Sur le point de savoir si MTK est directement concernée

33.

Au point 61 de l’ordonnance attaquée, et au vu des conclusions qu’il avait tirées quant à l’intérêt direct des propriétaires fonciers, personnes physiques, le Tribunal a jugé que les membres de MTK ne pouvaient pas être considérés comme étant directement concernés par la décision litigieuse. Le Tribunal a également relevé que cette association n’avait pas démontré qu’elle avait un intérêt propre à la poursuite de l’action.

34.

Par conséquent, le Tribunal a rejeté le recours introduit par les requérants comme étant irrecevable.

IV — La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

35.

Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 septembre 2006, les requérants ont introduit le présent pourvoi.

36.

Le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission, par une ordonnance du président de la Cour du 16 janvier 2007.

37.

Par leur pourvoi, les requérants demandent à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée et de prononcer l’annulation de la décision litigieuse. Ils invitent également la Cour à condamner la Commission aux dépens des deux instances.

38.

La Commission, soutenue en ce sens par le Royaume d’Espagne, conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation des requérants aux dépens.

V — Le pourvoi

39.

Les requérants soulèvent trois moyens à l’appui de leur pourvoi, tirés, premièrement, d’un défaut de motivation de l’ordonnance attaquée, deuxièmement, d’une appréciation erronée du Tribunal selon laquelle ils ne sont pas directement concernés par la décision litigieuse au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE et, troisièmement, de l’absence d’une protection juridictionnelle effective.

A — Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation de l’ordonnance attaquée

1. Arguments des parties

40.

Les requérants, aux points 57 à 60 du pourvoi, soutiennent que le Tribunal a omis de répondre à l’argument relatif aux effets juridiques de l’obligation d’évaluation des plans, visée à l’article 6, paragraphe 3, de la directive. Selon eux, cet argument était pourtant clairement évoqué aux points 21 à 29 de leurs observations écrites déposées à la suite de l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

2. Appréciation

41.

Ce moyen a trait à l’exigence formelle de motivation. Il vise à faire sanctionner un défaut de motivation de l’ordonnance attaquée.

42.

En ce qui concerne les pourvois introduits contre les arrêts rendus par le Tribunal, la Cour a itérativement jugé que la question de savoir si le Tribunal a répondu aux moyens des parties et a motivé régulièrement son arrêt constitue une question de droit pouvant, en tant que telle, être invoquée dans le cadre d’un pourvoi ( 15 ).

43.

Il ressort d’une jurisprudence constante que la Cour n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle ( 16 ). S’agissant d’un recours fondé sur l’article 230 CE, l’exigence de motivation implique que le Tribunal examine les moyens d’annulation invoqués par le requérant et expose les raisons qui conduisent au rejet du moyen ou à l’annulation de l’acte attaqué.

44.

Toutefois, si le Tribunal n’est pas tenu de répondre dans le détail à chacun des arguments invoqués par le requérant, en particulier si ces derniers ne revêtent pas un caractère suffisamment clair et précis et ne reposent pas sur des éléments de preuve circonstanciés, la Cour considère que le Tribunal doit, à tout le moins, examiner toutes les violations de droits alléguées ( 17 ).

45.

Ces éléments rappelés, il convient d’apprécier si le Tribunal a omis de répondre à l’argument en cause soulevé par les requérants et, le cas échéant, s’il était tenu de répondre à cet argument.

46.

En l’occurrence, nous constatons que ces derniers ont présenté d’une manière claire les raisons pour lesquelles ils considèrent qu’ils sont directement concernés par la décision litigieuse. Ils ont, notamment, exposé d’une façon très détaillée, à la section 2.2 de leurs observations écrites ( 18 ), et, en particulier, aux points 21 à 29, les nouvelles charges qui pèsent désormais sur les propriétaires fonciers en raison de l’obligation d’évaluation des plans et des projets visée à l’article 6, paragraphe 3, de la directive.

47.

Cet argument est présenté à l’appui du moyen relatif à l’intérêt direct des requérants. Il ne s’agit pas d’un moyen de droit distinct de celui-ci, comme tend à le démontrer la synthèse jointe par les requérants à leurs observations ainsi que le résumé des moyens invoqués au soutien du pourvoi ( 19 ).

48.

Le raisonnement du Tribunal relatif à l’intérêt direct des propriétaires fonciers, personnes physiques, figure aux points 54 et 59 de l’ordonnance attaquée rédigés comme suit:

«54

Le Tribunal estime qu’il ne peut être considéré que la décision [litigieuse] […] produit, par elle-même, des effets sur la situation juridique des requérants [les propriétaires fonciers, personnes physiques]. La décision [litigieuse] ne contient aucune disposition quant au régime de protection des sites d’importance communautaire, telle des mesures de conservation ou des procédures d’autorisation […] Elle n’affecte ainsi ni les droits et obligations des propriétaires de biens fonciers ni l’exercice de ces droits. Contrairement à ce que prétendent les requérants [les propriétaires fonciers, personnes physiques], l’inclusion de ces sites dans la liste des sites d’importance communautaire n’oblige nullement les opérateurs économiques ou les personnes privées.

[…]

59

À la lecture des obligations précitées, qui incombent aux États membres concernés une fois que les sites d’importance communautaire ont été désignés par la décision [litigieuse], il convient de constater qu’aucune de ces obligations n’est directement applicable aux requérants [les propriétaires fonciers, personnes physiques]. En effet, toutes ces obligations nécessitent un acte de la part de l’État membre concerné, afin qu’il précise de quelle manière il entend mettre en œuvre l’obligation en cause, qu’il s’agisse des mesures de conservation nécessaires (article 6, paragraphe 1, de la directive […]), des mesures appropriées pour éviter la détérioration du site (article 6, paragraphe 2, de la directive […]), ou de l’accord à donner par les autorités nationales compétentes à un projet susceptible d’affecter le site de manière significative (article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive […]).»

49.

Au point 61 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal en a ainsi déduit que MTK ne pouvait, dès lors, pas être directement concernée.

50.

Une simple lecture de l’ordonnance attaquée suffit pour constater que le Tribunal s’est prononcé sur le moyen relatif à l’intérêt direct des requérants. Il est vrai que le Tribunal n’a pas examiné, avec beaucoup de détails, les effets de l’article 6, paragraphe 3, de la directive sur la situation juridique des propriétaires fonciers. Nous ne pouvons que regretter la concision de ses motifs sur ce point, dans la mesure où le Tribunal statue, nous le rappelons, sur une fin de non-recevoir d’ordre public.

51.

Néanmoins, nous pensons que la motivation de l’ordonnance attaquée permet à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel et permet, en outre, aux requérants de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal a jugé qu’ils n’étaient pas directement concernés par la décision litigieuse. Ainsi qu’il ressort clairement de l’ordonnance attaquée, le Tribunal est en effet parti du constat que la décision litigieuse ne contient aucune disposition relative au régime de protection visé à l’article 6 de la directive et laisse, en outre, une marge d’appréciation aux États membres chargés de sa mise en œuvre.

52.

Nous proposons donc à la Cour de déclarer le premier moyen non fondé.

B — Sur le deuxième moyen, tiré d’une appréciation erronée du Tribunal quant à l’intérêt direct des propriétaires fonciers

1. Arguments des parties

53.

Les requérants soutiennent que le Tribunal a jugé à tort qu’ils n’étaient pas directement concernés par la décision litigieuse au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE et de la jurisprudence de la Cour. Selon eux, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’examen des deux conditions requises par la jurisprudence selon lesquelles, d’une part, l’acte litigieux doit affecter la situation juridique du requérant et, d’autre part, la mise en œuvre de celui-ci doit revêtir un caractère purement automatique ( 20 ).

54.

En ce qui concerne la première condition, les requérants soutiennent que le Tribunal a procédé à une interprétation erronée de l’article 6 de la directive en ce qu’il a considéré que la décision litigieuse n’engendrait aucun effet juridique direct à leur égard.

55.

D’une part, la décision litigieuse entraînerait inévitablement le classement des sites sélectionnés comme sites d’importance communautaire en zones spéciales de protection. Ladite décision réglerait donc définitivement la question de l’inclusion de ces sites dans le réseau Natura 2000.

56.

D’autre part, la décision litigieuse engendrerait une interdiction de détérioration des sites classés comme sites d’importance communautaire ainsi qu’une obligation d’évaluation des plans et des projets susceptibles d’être mis en œuvre sur ces sites, tel que ceci est prévu à l’article 6, paragraphe 3, de la directive. Le fait que la décision litigieuse ne comporte pas en elle-même d’obligations ou de restrictions concernant l’usage des propriétés serait sans incidence.

57.

Au soutien de cette conclusion, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir examiné les effets juridiques de la décision litigieuse en ne tenant pas compte des différentes étapes de la procédure de sélection des sites.

58.

En ce qui concerne la seconde condition, les requérants font valoir que le Tribunal a également interprété d’une façon erronée l’article 6 de la directive en ce qu’il a considéré que la naissance des effets juridiques engendrés par la décision litigieuse nécessitait des mesures de la part de l’État membre dans le cadre desquelles ils disposaient d’un pouvoir d’appréciation.

59.

La Commission soutient, quant à elle, que l’ordonnance attaquée est conforme à la jurisprudence de la Cour relative à l’article 230, quatrième alinéa, CE. Selon elle, la décision litigieuse ne concernerait pas directement les requérants, puisqu’elle ne contiendrait aucune disposition quant au régime de protection que les États membres doivent adopter sur la base de la directive. En outre, l’article 6, paragraphe 3, de la directive, comme la décision litigieuse, n’empêcherait nullement les requérants de mettre en œuvre des projets immobiliers, sylvicoles ou agricoles dans les zones spéciales de conservation. Le libellé de cette disposition serait clair et n’exigerait que l’application de procédures d’évaluation et l’organisation d’une consultation par les autorités nationales compétentes avant l’approbation du projet. Enfin, la Commission n’estime pas nécessaire de répondre aux arguments des requérants selon lesquels la décision litigieuse les concernerait aussi individuellement.

60.

Le Royaume d’Espagne, intervenant au soutien des conclusions de la Commission, ajoute que la décision litigieuse ne fait que constater un état de fait, à savoir la réunion de conditions environnementales particulières sur un territoire déterminé. Il précise, en outre, que les effets de l’article 6, paragraphe 3, de la directive ne résultent pas de la décision litigieuse, mais de la déclaration de zone spéciale de conservation effectuée par les États membres.

2. Appréciation

61.

La décision litigieuse, conformément à son article 2, a uniquement pour destinataires les États membres. Les personnes physiques, en l’occurrence celles qui comptent parmi les propriétaires fonciers, ou les personnes morales, en l’espèce la fondation MTK:n säätiö, qui souhaitent introduire un recours en annulation contre cette décision doivent donc satisfaire aux conditions fixées à l’article 230, quatrième alinéa, CE. Elles doivent, par conséquent, démontrer que celle-ci les concerne directement et individuellement. Si la décision litigieuse ne remplit pas ces conditions, le recours introduit contre celle-ci par une personne physique ou une personne morale est irrecevable.

62.

Tel est l’objet du présent litige.

63.

Conformément à une jurisprudence constante et ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 52 de l’ordonnance attaquée, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par l’acte attaqué requiert les deux éléments suivants. Premièrement, cet acte doit produire directement des effets sur la situation juridique du particulier. Deuxièmement, ledit acte ne doit laisser aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci doit donc avoir un caractère purement automatique et doit découler de la seule réglementation communautaire, sans application d’autres règles intermédiaires ( 21 ).

64.

Dans le cadre de la présente affaire, il convient donc d’examiner si ces deux conditions sont réunies.

a) En ce qui concerne la première condition, relative aux effets de la décision litigieuse sur la situation juridique des propriétaires fonciers

65.

Ainsi que nous l’avons indiqué, le Tribunal a considéré, au point 54 de l’ordonnance attaquée, que la décision litigieuse «qui désigne, comme sites d’importance communautaire, des zones du territoire finlandais dans lesquelles les requérants [propriétaires fonciers, personnes physiques,] possèdent des terrains[ ( 22 )] [ne] produit [pas], par elle-même, des effets sur la situation juridique [de ces derniers]». Selon lui, la décision litigieuse ne contiendrait aucune disposition quant au régime de protection des sites d’importance communautaire et n’affecterait ainsi ni les droits et obligations des propriétaires de biens fonciers ni l’exercice de ces droits. Ainsi, de l’avis du Tribunal, l’inclusion de ces sites dans la liste des sites d’importance communautaire n’obligerait nullement les opérateurs économiques ou les personnes privées.

66.

Nous ne partageons pas cette analyse.

67.

Nous considérons, au contraire, que la décision litigieuse entraîne, par elle-même, des conséquences directes sur la situation juridique des propriétaires fonciers, et ce même en l’absence de mesures de protection adoptées par l’État membre concerné.

68.

Contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, la décision litigieuse constitue bien un acte attaquable. Cette décision n’est pas un «acte déclaratoire» ou une simple mesure intermédiaire, puisqu’elle fixe définitivement la position de la Commission quant aux sites d’importance communautaire relevant du réseau Natura 2000 ( 23 ).

69.

La décision litigieuse constitue, en outre, un acte faisant grief. En classant en sites d’importance communautaire les terrains sur lesquels les propriétaires fonciers possèdent des droits, cette décision les prive de la faculté d’en disposer librement ( 24 ).

70.

En effet, ladite décision a pour conséquence d’assortir les droits des propriétaires fonciers de nouvelles restrictions qui n’existaient pas au moment où ceux-ci les ont acquis et qui rendent plus difficile leur exercice. En vertu de la décision litigieuse, les propriétaires fonciers ne peuvent plus exploiter ou vendre leurs terrains sans qu’il soit tenu compte du classement de leur propriété en sites d’importance communautaire. L’impact de la décision litigieuse sur leur situation peut donc se traduire par un préjudice de nature économique et social, à travers la diminution de la valeur des terrains ou encore la cessation totale ou partielle d’activités agricoles et forestières. Il peut également se manifester à travers une série de restrictions à l’exercice des prérogatives attachées à la propriété, puisque, une fois ces terrains classés en sites d’importance communautaire, ils sont grevés d’obligations nouvelles.

71.

D’une part, lesdits terrains sont classés, en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive, en zones spéciales de protection.

72.

D’autre part, les États membres sont tenus, selon l’article 4, paragraphe 5, de la directive, d’établir un régime de protection des sites visés par la décision litigieuse, et ce conformément aux dispositions de l’article 6, paragraphes 1 à 4, de la directive ( 25 ). Les États membres doivent, par exemple, adopter toutes les mesures de conservation nécessaires à la préservation des sites ( 26 ). Ils peuvent ainsi interdire certaines activités à l’intérieur des zones protégées, comme le défrichement et la déforestation, ou encore limiter les travaux de construction et d’exploitation. Les États membres doivent, en outre, soumettre tous les plans et tous les projets susceptibles d’affecter les sites d’importance communautaire, tels que des projets de prélèvement des eaux, à l’octroi d’une autorisation administrative préalable fondée sur une évaluation de leurs incidences sur le site concerné ( 27 ).

73.

Ces mesures sont autant de restrictions à l’exercice du droit de propriété et sont directement liées au classement en sites d’importance communautaire des terrains des propriétaires fonciers.

74.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Infront WM, précité, qui nous semble comparable, la Cour a admis l’affectation directe du requérant. L’acte attaqué était une décision de la Commission constatant la conformité avec le droit communautaire d’une réglementation britannique fixant, conformément à la directive 89/552/CEE ( 28 ), des exigences quant à la retransmission des événements majeurs par les organismes de radiodiffusion télévisuelle. La Cour a admis qu’une entreprise, en l’occurrence Infront WM AG, dont l’activité consistait en l’achat et la revente des droits de transmission d’événements sportifs, était directement concernée par cet acte dans la mesure où la réglementation adoptée par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et approuvée par ledit acte imposait à ces organismes un certain nombre de limites, lorsqu’ils envisageaient de retransmettre des événements désignés pour lesquels Infront WM AG avait acquis des droits exclusifs. La Cour a jugé que, «[d]ans la mesure où ces limites [étaient] liées aux conditions dans lesquelles [lesdits] organismes acquièrent les droits de retransmission […] auprès d’Infront [WM AG], les mesures prises par le Royaume-Uni et l’acte litigieux ont pour conséquence d’assortir les droits détenus par cette société de nouvelles restrictions qui n’existaient pas au moment où celle-ci a acquis lesdits droits de retransmission et qui rendent plus difficile l’exercice de ces derniers droits. Ainsi, l’acte litigieux affecte directement la situation juridique d’Infront [WM AG]» ( 29 ).

75.

Cette jurisprudence nous semble parfaitement transposable à notre affaire.

76.

Dans ces conditions et au vu de ces éléments, il nous semble que la décision litigieuse affecte bien directement la situation juridique des propriétaires fonciers.

77.

Il convient, à présent, d’examiner si les mesures d’application que nécessite la décision litigieuse sont purement automatiques ou si, au contraire, les autorités nationales conservent, à cet égard, un pouvoir discrétionnaire.

b) En ce qui concerne la seconde condition, relative à l’étendue du pouvoir d’appréciation des États membres dans la mise en œuvre de la décision litigieuse

78.

Il ressort d’une jurisprudence constante que, dans le cas où un acte communautaire est adressé à un État membre par une institution, si l’action que doit entreprendre l’État membre pour exécuter cet acte présente un caractère automatique ou si, d’une manière ou d’une autre, les conséquences dudit acte s’imposent sans équivoque, celui-ci concerne alors directement n’importe quelle personne qui est affectée par cette action ( 30 ).

79.

Dans le cas où il existe une mesure nationale d’exécution qui s’interpose entre l’acte attaqué et le requérant, la Cour considère qu’il ne s’agit pas, en soi, d’un facteur d’irrecevabilité du recours si cette mesure a un caractère purement automatique ou si son sens est prévisible et peut se déduire de la réglementation communautaire ( 31 ). La Cour a, par exemple, jugé que tel était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Infront WM, précité. Malgré l’existence d’une marge de manœuvre dans l’exécution de l’acte attaqué, la Cour a constaté que les autorités nationales ne jouissaient d’aucun pouvoir d’appréciation concernant le résultat à atteindre, puisque celui-ci était uniquement déterminé par cet acte ( 32 ).

80.

Si, en revanche, l’acte attaqué laisse un véritable choix à l’État membre destinataire, celui-ci ayant la possibilité d’agir ou de ne pas agir ou n’étant pas contraint d’agir dans un sens déterminé, alors, la Cour considère qu’un particulier ne saurait prétendre avoir une qualité directe pour le contester ( 33 ).

81.

Ainsi que nous l’avons indiqué, le Tribunal a examiné, aux points 55 à 58 de l’ordonnance attaquée, le contenu des obligations incombant aux États membres en vertu des articles 4, paragraphes 4 et 5, et 6 de la directive. Il en a déduit que toutes ces obligations nécessitent un acte de la part de l’État membre concerné, afin que celui-ci précise de quelle manière il entend les mettre en œuvre sur son territoire. Puis, le Tribunal a considéré ce qui suit:

«60

Il ressort donc de la directive […] sur la base de laquelle la décision [litigieuse] a été prise, qu’elle lie l’État membre quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux autorités nationales la compétence quant aux mesures de conservation à entreprendre et des procédures d’autorisation à suivre[ ( 34 )]. Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que la marge d’appréciation ainsi reconnue aux États membres doit s’exercer conformément aux objectifs de la directive […]»

82.

C’est sur cette dernière constatation que le Tribunal a rejeté le recours en annulation introduit par les propriétaires fonciers comme irrecevable.

83.

Nous ne partageons pas ce raisonnement pour les raisons suivantes.

84.

D’une part, nous rappelons que la décision litigieuse a une nature décisoire et s’impose intégralement aux États membres sans que ceux-ci ne puissent revenir sur le classement des terrains dans le réseau Natura 2000.

85.

D’autre part, dans la mise en œuvre de cette décision, les États membres ne disposent, selon nous, que d’une marge d’appréciation très limitée.

86.

Dans la présente affaire, le point sur lequel les parties sont en désaccord résulte du fait que la décision litigieuse nécessite des mesures d’exécution de la part des États membres afin d’être mise en œuvre. Or, ainsi que nous l’avons indiqué, l’existence d’une mesure nationale d’application, qui s’interpose entre l’acte attaqué et le requérant, ne constitue pas en soi une cause d’irrecevabilité du recours. Dans une telle situation, la Cour examine l’étendue de la marge d’appréciation dont disposent les États membres dans l’exécution de l’acte attaqué.

87.

Or, dans la présente affaire, ces mesures d’exécution sont fixées par une directive qui a, par définition, pour vocation de laisser une marge d’appréciation aux États membres. Nous rappelons, en effet, que, conformément à l’article 249, troisième alinéa, CE, les États membres sont tenus par le résultat à atteindre, mais disposent d’une certaine latitude quant à la forme et aux moyens auxquelles ils ont recours à cette fin ( 35 ).

88.

En l’occurrence, la question est donc de savoir si, au regard des prescriptions de la directive, les États membres disposent d’une marge d’appréciation suffisante dans la mise en œuvre de la décision litigieuse, leur permettant d’agir ou de ne pas agir, ou s’ils sont, au contraire, contraints d’agir dans un sens déterminé.

89.

La manière et les conditions dans lesquelles la décision litigieuse doit être mise en œuvre sont fixées aux articles 4, paragraphes 4 et 5, et 6 de la directive.

90.

Premièrement, une fois la liste des sites d’importance communautaire arrêtée par la Commission, les États membres sont tenus de désigner ces sites comme zones spéciales de conservation le plus rapidement possible et dans un délai maximal de six ans. Ainsi que l’ont relevé les requérants, les termes de l’article 4, paragraphe 4, de la directive sont clairs et les États membres ne disposent d’aucune marge d’appréciation à cet égard ( 36 ).

91.

Deuxièmement, conformément à l’article 4, paragraphe 5, de la directive, les États membres sont tenus d’appliquer le régime de protection visé à l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive aux sites inscrits sur la liste des sites d’importance communautaire ( 37 ). Comme l’a relevé la Cour dans l’arrêt Dragaggi e.a., précité, l’inscription d’un site sur la liste des sites d’importance communautaire et l’application des mesures de protection visées à ladite disposition sont expressément liées ( 38 ).

92.

Certes, les autorités nationales ne sont pas privées de toute marge de manœuvre pour mettre en œuvre l’article 6 de la directive et la décision litigieuse. En effet, pour remplir les obligations qui en découle, les autorités nationales peuvent prévoir un régime approprié de protection des sites, qui peut différer selon les exigences économiques, sociales et culturelles, ainsi que les particularités régionales et locales de chacun des États membres ( 39 ).

93.

Néanmoins, la marge d’appréciation qui leur est reconnue nous semble très restreinte.

94.

En effet, les autorités nationales doivent faire en sorte que les propriétaires des terrains classés en sites d’importance communautaire ne détériorent pas les habitats naturels se trouvant dans leur propriété et ne perturbent pas les espèces vivant dans cet espace dans une mesure contraire aux exigences de la directive. À cette fin, les autorités nationales doivent adopter des mesures de protection qui sont, selon nous, largement prévisibles et vont dans un sens que l’on peut facilement déterminer. Ces mesures doivent ainsi permettre de maintenir et de rétablir dans un «état de conservation favorable» les habitats naturels et les espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire ( 40 ). Elles doivent également permettre d’éviter tous les risques de détérioration et de perturbations des sites. Lesdites mesures constituent la mise en œuvre directe de la décision litigieuse. Ce sont celles-ci et, partant, en l’occurrence, la décision litigieuse, qui déterminent le résultat à atteindre. En ce qui concerne ce résultat, les autorités nationales ne jouissent donc d’aucune marge d’appréciation.

95.

Or, les atteintes portées aux situations juridiques des propriétaires fonciers sont dues à l’exigence de parvenir à ce résultat.

96.

En outre, les institutions communautaires fixent des limites de plus en plus étroites à la marge d’appréciation des autorités nationales compétentes.

97.

La Commission a ainsi édicté un guide d’interprétation de l’article 6 de la directive dans lequel elle indique la portée et le contenu de chacune des dispositions de celui-ci ( 41 ). Concernant, par exemple, la mise en œuvre de l’article 6, paragraphe 2, de la directive, la Commission précise le sens des notions de perturbations et de détérioration des sites et indique, notamment, aux États membres la façon dont il convient d’évaluer ces risques. La Commission fixe, en outre, les conditions et les délais dans lesquels les États membres sont alors tenus d’adopter des mesures de sauvegarde ( 42 ). En ce qui concerne, ensuite, la mise en œuvre de l’article 6, paragraphe 4, de la directive, la Commission précise ce qu’il faut entendre par «raisons impératives d’intérêt public majeur» et par «mesures compensatoires». Elle indique, entre autres, quand il convient d’envisager ces mesures, qui doit supporter leur coût et à qui les notifier.

98.

Par ailleurs, la Commission, à travers la procédure du recours en manquement, et la Cour, dans le cadre de son contrôle juridictionnel, exercent un contrôle très poussé des mesures adoptées par les États membres en vertu de l’article 6 de la directive. L’importance du contentieux relatif à la mise en œuvre de la directive le démontre. À cet égard, la Cour relève que l’exactitude de la transposition de la directive revêt «une importance particulière [dans la mesure où] la gestion du patrimoine commun est confiée, pour leur territoire respectif, aux États membres» ( 43 ). Selon elle et dans la mesure où la directive pose des «règles complexes et techniques», «les États membres sont spécialement tenus de veiller à ce que leur législation destinée à assurer la transposition de cette directive soit claire et précise, y compris en ce qui concerne les obligations essentielles de surveillance et de contrôle» ( 44 ).

99.

Ainsi, la Cour n’a pas hésité à préciser les modalités du mécanisme de protection visé à l’article 6, paragraphe 3, de la directive. Selon la Cour, une «évaluation appropriée», au sens de cette disposition, requiert des autorités nationales compétentes qu’elles identifient tous les aspects des plans qui sont projetés susceptibles d’affecter les objectifs de conservation du site concerné. Ensuite, selon la Cour, l’autorisation du plan ou du projet ne peut être octroyée qu’à la condition que les autorités nationales compétentes aient acquis la certitude qu’il est dépourvu d’effets préjudiciables pour l’intégrité du site concerné. Aussi, comme le précise la Cour, «lorsque subsiste une incertitude quant à l’absence d’effets préjudiciables […], l’autorité compétente devra refuser l’autorisation» ( 45 ). Comme l’ont relevé, à juste titre, les requérants, l’autorisation donnée sur la base de ces critères ne laisse donc qu’une marge d’appréciation très restreinte aux États membres ( 46 ).

100.

Il nous semble donc que, à partir du moment où la Commission a retenu un territoire comme site d’importance communautaire, les États membres n’ont pas d’autres choix que de désigner ce site comme une zone spéciale de conservation et d’adopter un régime de protection permettant la préservation dudit site, conformément aux exigences de la directive. Le fait que les États membres peuvent disposer d’une marge d’appréciation, aussi limitée soit-elle, quant aux mesures de conservation à adopter et quant aux procédures d’autorisation à suivre ne devrait pas avoir, selon nous, d’incidence sur les effets de la décision litigieuse en tant que telle.

101.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, nous sommes d’avis que les deux conditions requises par la jurisprudence pour qu’une personne physique ou morale soit directement concernée par un acte communautaire sont, en l’occurrence, satisfaites.

102.

Nous considérons donc que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que les propriétaires fonciers ne sont pas directement concernés par la décision litigieuse et nous proposons, par conséquent, à la Cour d’annuler l’ordonnance attaquée.

103.

Dans ces conditions, nous pensons qu’il n’y a pas lieu d’examiner le troisième moyen, tiré de l’absence d’une protection juridictionnelle effective.

104.

Nous considérons, en outre, que la Cour peut statuer définitivement sur la recevabilité du recours introduit en première instance par les requérants, et ce conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice ( 47 ).

VI — Sur la recevabilité du recours en annulation introduit en première instance

105.

Le Tribunal ne l’ayant pas apprécié dans l’ordonnance attaquée, nous allons donc examiner dans quelle mesure les propriétaires fonciers peuvent être individuellement concernés par la décision litigieuse. Une fois cette analyse menée, nous examinerons la recevabilité du recours en annulation introduit par MTK.

A — Sur la recevabilité du recours en annulation introduit par les propriétaires fonciers

1. Arguments des parties

106.

Dans son exception d’irrecevabilité soulevée dans le cadre de la première instance, la Commission soutient que les propriétaires fonciers ne sont pas individuellement concernés par la décision litigieuse. Elle relève, tout d’abord, que cette décision ne les affecte pas d’une façon telle qu’ils seraient privés de la jouissance de leur bien. Ladite décision ne leur conférerait aucun droit et ne leur imposerait aucune obligation. La Commission souligne, ensuite, que les sites visés par la décision litigieuse sont exclusivement définis sur la base de critère biologiques, conformément à l’article 1er, sous k), de la directive. À cet égard, la Commission estime qu’il est impossible d’identifier les propriétaires des sites classés comme sites d’importance communautaire sur la base de la décision litigieuse ou des données ayant servi à son élaboration. La Commission relève, enfin, que les sites visés par cette décision intéressent d’autres acteurs que les propriétaires fonciers, comme les entreprises de construction, les organisations non gouvernementales ou le «citoyen lambda».

107.

Les requérants considèrent, au contraire, qu’ils se trouvent bien dans une situation particulière, les distinguant par rapport à toute autre personne, dans la mesure où la décision litigieuse vise des terrains dont ils sont propriétaires et affecte leur situation juridique.

2. Appréciation

108.

Il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait ( 48 ).

109.

Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, lorsque la décision affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par ledit acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques ( 49 ). La Cour a relevé que tel était le cas lorsque la décision modifie les droits acquis par le particulier antérieurement à son adoption ( 50 ).

110.

Dans la présente affaire, nous considérons que les propriétaires fonciers font bien partie d’un cercle fermé dont les membres sont spécialement affectés par la décision litigieuse, et ce pour trois raisons.

111.

Premièrement, ils se trouvent dans une situation particulière, puisqu’ils détiennent des droits de propriété sur les sites visés par la décision litigieuse.

112.

Deuxièmement, les propriétaires fonciers étaient identifiables par la Commission au moment où elle a adopté cette décision. En effet, les sites visés par la décision litigieuse sont identifiés à partir de coordonnées géographiques (latitude et longitude). Ces données, qui sont proposées, transmises, puis validées par l’État membre, permettent d’identifier des parcelles sur lesquelles il existe des droits de propriété. Or, les droits de propriété de chacun d’entre nous sont enregistrés, en principe, par les autorités nationales dans des registres.

113.

Troisièmement, ainsi que nous l’avons démontré, la décision litigieuse affecte la situation juridique des propriétaires fonciers et, notamment, la libre disposition de leurs droits.

114.

Dans ces conditions, il nous semble que la recevabilité du recours en annulation introduit par ces derniers peut s’inscrire dans une jurisprudence bien établie de la Cour, selon laquelle un particulier est admis à contester la légalité d’un acte communautaire lorsque cet acte modifie les droits acquis par ce particulier antérieurement à son adoption.

115.

Ainsi que nous l’avons indiqué aux points 99 à 102 de nos conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Commission/Infront WM, précité, la Cour l’a jugé dans l’arrêt Toepfer et Getreide-Import Gesellschaft/Commission ( 51 ), dans lequel elle a admis, pour la première fois, qu’un particulier pouvait être individuellement concerné par une décision adressée à un État membre. Elle a également adopté cette solution dans l’arrêt Bock/Commission, précité, ainsi que dans les arrêts Agricola commerciale olio e.a./Commission et Savma/Commission ( 52 ). Dans l’arrêt CAM/Commission ( 53 ), la Cour a également admis qu’un particulier avait qualité à agir, lorsque la mesure attaquée porte sur une situation en cours au moment de son adoption et met en cause le bénéfice de droits acquis pour des opérations à venir. La Cour a également statué dans ce sens dans l’arrêt Commission/Infront WM, précité.

116.

En outre, lorsque le droit en cause figure au rang de droit fondamental dans l’ordre juridique communautaire, comme le droit de propriété ( 54 ), il est évident, selon nous, que la violation de celui-ci doit pouvoir faire l’objet d’un recours juridictionnel effectif devant le juge communautaire.

117.

Il nous semble que cette analyse trouve un support dans la jurisprudence communautaire et, notamment, dans l’arrêt Codorniu/Conseil ( 55 ). Dans cette affaire, une société de droit espagnol, titulaire de la marque Gran Cremant de Codorniu depuis l’année 1924, demandait l’annulation de l’article d’un règlement du Conseil lui interdisant, à terme, d’utiliser la mention «crémant». La Cour semble avoir admis la recevabilité de son recours, malgré le caractère normatif de l’acte attaqué, dans le souci de protéger le droit de propriété que la société possédait sur cette marque en vertu de la législation espagnole.

118.

Cette jurisprudence nous semble parfaitement transposable à la présente affaire, puisque les droits des propriétaires fonciers ont été acquis avant l’adoption de la décision litigieuse.

119.

C’est pourquoi, au vu de l’ensemble de ces éléments, nous sommes d’avis qu’ils sont individuellement concernés par cette décision.

120.

Les propriétaires fonciers satisfont donc aux conditions fixées à l’article 230, quatrième alinéa, CE pour introduire un recours en annulation contre une telle décision. Nous proposons, par conséquent, à la Cour de déclarer leur recours recevable.

121.

Il y a lieu, à présent, d’examiner la recevabilité du recours en annulation introduit par MTK à l’encontre de la décision litigieuse.

B — Sur la recevabilité du recours en annulation introduit par MTK

122.

Ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, MTK représente les intérêts de 163000 exploitants agricoles et forestiers, dont ceux des propriétaires fonciers ( 56 ).

123.

La recevabilité d’une action introduite par une association de défense d’intérêts collectifs devant le juge communautaire découle également de l’article 230, quatrième alinéa, CE. Cette disposition, nous le rappelons, subordonne le recours en annulation de toute personne physique ou morale à l’encontre d’une décision dont elle n’est pas la destinataire à la double condition que cette décision la concerne directement et individuellement.

124.

Une association de défense d’intérêts collectifs n’est donc recevable à demander l’annulation d’une décision dont elle n’est pas la destinataire que si cette décision la concerne elle-même ou ses membres directement et individuellement. Conformément à une jurisprudence constante, une association n’est pas recevable à agir contre un tel acte au nom de la défense d’intérêts généraux et collectifs des membres qu’elle représente ( 57 ). Ceci permet ainsi d’éviter que, par la création d’une telle association, des particuliers puissent contourner les exigences procédurales de l’article 230, quatrième alinéa, CE ( 58 ).

125.

Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, une association, telle que MTK, n’est donc recevable à introduire un recours en annulation contre une décision de la Commission que dans deux cas de figure. Premièrement, son recours est recevable si les membres qu’elle représente ou certains d’entre eux ont eux-mêmes qualité pour agir ( 59 ). Dans ce cas, l’association est alors considérée comme se substituant à ses membres. Deuxièmement, son recours peut aussi être admissible si elle peut faire valoir un intérêt propre à la poursuite de l’action. La jurisprudence admet que tel peut être le cas, lorsque la position de négociatrice de l’association a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée ( 60 ).

126.

Dans le cadre du présent litige, les requérants soutiennent que le recours introduit par MTK est recevable, puisque la majeure partie de ses membres ont eux-mêmes qualité pour agir.

127.

Nous partageons également cet avis.

128.

En effet, il nous semble que, par le présent recours, MTK entend défendre les intérêts individuels de certains de ses membres et, en particulier, ceux des propriétaires fonciers. Or, ainsi que nous l’avons démontré, nous pensons que ces membres sont directement et individuellement concernés par la décision litigieuse. Le recours de MTK nous paraît donc recevable en ce qu’elle les représente.

129.

Au regard de la jurisprudence de la Cour, cet élément nous paraît suffisant pour justifier la recevabilité du recours de MTK.

130.

Au vu de ces considérations, nous proposons donc à la Cour de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission à l’encontre du recours introduit par les requérants devant le Tribunal.

131.

Nous invitons, en outre, la Cour à renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur le bien-fondé du recours et à réserver les dépens ( 61 ).

VII — Conclusion

132.

Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer de la manière suivante:

«1)

L’ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 22 juin 2006, Sahlstedt e.a./Commission (T-150/05), est annulée.

2)

L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission des Communautés européennes devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes est rejetée.

3)

L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes afin qu’il statue sur le bien-fondé du recours.

4)

Les dépens sont réservés.»


( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) Parmi ces propriétaires fonciers, nous comptons treize personnes physiques ainsi qu’une fondation dénommée MTK:n säätiö (ci-après les «propriétaires fonciers»).

( 3 ) Il s’agit de la Maa- ja metsätaloustuottajain keskusliitto MTK ry (ci-après «MTK»). Cette association représente les intérêts de 163000 exploitants agricoles et forestiers.

( 4 ) T-150/05, Rec. p. II-1851, ci-après l’«ordonnance attaquée».

( 5 ) Directive du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7), telle que modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003 (JO L 284, p. 1, ci-après la «directive»).

( 6 ) JO L 40, p. 1, ci-après la «décision litigieuse».

( 7 ) Voir, notamment, arrêt du 13 mars 2008, Commission/Infront WM (C-125/06 P, Rec. p. I-1451, point 47 et jurisprudence citée).

( 8 ) Premier et troisième à sixième considérants.

( 9 ) Tels que la classification des populations animales selon les critères ornithologiques visés à l’annexe I de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1), mais aussi les informations relatives aux oiseaux migrateurs régulièrement présents sur le site et non visés à cette annexe, la classification des mammifères, des reptiles, des amphibiens, des poissons, des invertébrés ainsi que des plantes visés à l’annexe II de la directive et les autres espèces importantes de la flore et de la faune non visées à cette annexe.

( 10 ) Tels que la localisation du site et la carte de celui-ci.

( 11 ) Il est ainsi recommandé aux États membres de communiquer les «[i]nformations sur les impacts et les activités humaines menés sur le site et aux alentours». À cette fin, les États membres sont invités à fournir les renseignements sur les activités liées, notamment, à l’agriculture et aux forêts, à la pêche, à la chasse et à la cueillette, à l’urbanisation, à l’industrialisation, au transport et à la communication [voir point 6.1 et appendice E de la décision 97/266/CE de la Commission, du 18 décembre 1996, concernant le formulaire d’information d’un site proposé comme site Natura 2000 (JO 1997, L 107, p. 1, et spécialement p. 37)].

( 12 ) Articles 20 et 21 de la directive. Ce comité, présidé par le représentant de la Commission, est composé des représentants des États membres.

( 13 ) Certaines propriétés foncières sont visées et identifiées au point 6.2.2.7 de la requête introductive d’instance.

( 14 ) Il nous semble que, dans son analyse, le Tribunal n’a pas examiné la situation juridique de la fondation MTK:n säätiö, qui est également, nous le rappelons, propriétaire de terrains visée par la décision litigieuse.

( 15 ) Voir, notamment, arrêts du 20 novembre 1997, Commission/V (C-188/96 P, Rec. p. I-6561, point 24), et du 7 mai 1998, Somaco/Commission (C-401/96 P, Rec. p. I-2587, point 53).

( 16 ) Voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission (C-167/06 P, point 22 et jurisprudence citée).

( 17 ) Idem.

( 18 ) Nous nous référons aux observations écrites déposées à la suite de l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission en première instance.

( 19 ) Voir, respectivement, points 68 à 70 des observations écrites et page 4 du pourvoi.

( 20 ) Points 8 à 56 du pourvoi.

( 21 ) Voir arrêt Commission/Infront WM, précité (point 47 et jurisprudence citée).

( 22 ) Souligné par nos soins.

( 23 ) Arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, Rec. p. 2639, point 10).

( 24 ) Nous renvoyons aux termes exprimés par le professeur G. Isaac qui considère que «le requérant n’est directement concerné que si l’acte attaqué a par lui-même pour effet immédiat de le priver d’un droit ou de lui imposer une obligation, de telle sorte qu’il le met dans une situation analogue à laquelle il se trouverait s’il en était destinataire» (Isaac, G., Droit communautaire général, 7e édition, Colin, Paris, 1999, p. 266).

( 25 ) Voir arrêt du 13 janvier 2005, Dragaggi e.a. (C-117/03, Rec. p. I-167). La Cour a considéré, au point 21 de cet arrêt, que les mesures de protection visées à l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive s’imposent en ce qui concerne les sites qui, conformément à l’article 4, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive, sont inscrits sur la liste des sites sélectionnés comme sites d’importance communautaire arrêtée par la Commission selon la procédure visée à l’article 21 de la directive.

( 26 ) Article 6, paragraphes 1 et 2, de la directive.

( 27 ) Article 6, paragraphe 3, de la directive.

( 28 ) Directive du Conseil du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23), telle que modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 202, p. 60).

( 29 ) Points 47 à 52.

( 30 ) Arrêt du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission (C-386/96 P, Rec. p. I-2309, point 43 et jurisprudence citée), ainsi que ordonnance du Tribunal du 10 septembre 2002, Japan Tobacco et JT International/Parlement et Conseil (T-223/01, Rec. p. II-3259, point 46).

( 31 ) Voir, notamment, arrêts du 13 mai 1971, International Fruit Company e.a./Commission (41/70 à 44/70, Rec. p. 411, point 25), ainsi que du 23 novembre 1971, Bock/Commission (62/70, Rec. p. 897, points 7 et 8).

( 32 ) Points 59 à 63.

( 33 ) Voir, notamment, arrêt du 21 janvier 1999, France/Comafrica e.a. (C-73/97 P, Rec. p. I-185). Dans cette affaire, la Cour a jugé que le règlement (CE) no 3190/93 de la Commission, du 19 novembre 1993, fixant le coefficient uniforme de réduction pour la détermination de la quantité de bananes à attribuer à chaque opérateur des catégories A et B dans le cadre du contingent tarifaire pour 1994 (JO L 285, p. 28), ne concernait pas directement les opérateurs, puisqu’il revenait en réalité aux autorités nationales compétentes de fixer de façon définitive les quantités de bananes qu’ils seraient en droit d’importer au cours de cette période, sur la base de ce règlement.

( 34 ) Souligné par nos soins.

( 35 ) Voir, également, arrêt du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie (C-129/96, Rec. p. I-7411, point 45).

( 36 ) Voir section 2.2 du pourvoi.

( 37 ) Voir arrêt du 14 septembre 2006, Bund Naturschutz in Bayern e.a. (C-244/05, Rec. p. I-8445, point 35).

( 38 ) Point 24.

( 39 ) Voir, à cet égard, article 2, paragraphe 3, de la directive.

( 40 ) Voir articles 1er, sous e) et i), et 2, paragraphe 2, de la directive. Conformément à l’article 1er, sous e), de la directive, l’état de conservation d’un habitat naturel sera considéré comme favorable lorsque son aire de répartition naturelle ainsi que les superficies qu’il couvre au sein de cette aire sont stables ou en extension, que la structure et les fonctions spécifiques nécessaires à son maintien à long terme existent et sont susceptibles de perdurer dans un avenir prévisible et que l’état de conservation des espèces qui lui sont typiques est favorable au sens de l’article 1er, sous i), de la directive.

( 41 ) Ce guide est intitulé Gérer les sites Natura 2000 — Les dispositions de l’article 6 de la directive habitats (92/43/CEE), Luxembourg, 2000.

( 42 ) Voir, également, arrêts du 13 février 2003, Commission/Luxembourg (C-75/01, Rec. p. I-1585, points 41 et 42), ainsi que du 20 octobre 2005, Commission/Royaume-Uni (C-6/04, Rec. p. I-9017, points 29 à 39).

( 43 ) Arrêt Commission/Royaume-Uni, précité (point 25).

( 44 ) Ibidem (point 26).

( 45 ) Arrêt du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (C-127/02, Rec. p. I-7405, points 52 à 60).

( 46 ) Point 30 du pourvoi.

( 47 ) En vertu de cette disposition, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Dans ce cas, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

( 48 ) Voir, notamment, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, Rec. p. 197, spécialement p. 223); du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum (C-78/03 P, Rec. p. I-10737, point 33), et Commission/Infront WM, précité (point 70).

( 49 ) Voir, notamment, arrêts du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207, point 31); du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C-182/03 et C-217/03, Rec. p. I-5479, point 60), ainsi que Commission/Infront WM, précité (point 71).

( 50 ) Arrêt Commission/Infront WM, précité (point 72 et jurisprudence citée).

( 51 ) Arrêt du 1er juillet 1965 (106/63 et 107/63, Rec. p. 525).

( 52 ) Arrêts du 27 novembre 1984 (232/81, Rec. p. 3881, et 264/81, Rec. p. 3915).

( 53 ) Arrêt du 18 novembre 1975 (100/74, Rec. p. 1393).

( 54 ) Voir, notamment, arrêts du 26 novembre 1996, T. Port (C-68/95, Rec. p. I-6065, point 40), ainsi que du 10 juillet 2003, Booker Aquaculture et Hydro Seafood (C-20/00 et C-64/00, Rec. p. I-7411, point 67 et jurisprudence citée).

( 55 ) Arrêt du 18 mai 1994 (C-309/89, Rec. p. I-1853). Voir, au soutien de cette analyse, thèse de Cassia, P., L’accès des personnes physiques ou morales au juge de la légalité des actes communautaires, Dalloz, Paris, 2002, p. 752, points 968 et suiv.

( 56 ) Points 3 et 6 de la requête introductive d’instance et point 66 des observations écrites déposées par les requérants à la suite de l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

( 57 ) Arrêt du 14 décembre 1962, Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes e.a./Conseil (16/62 et 17/62, Rec. p. 901, 919 et 920); ordonnance du 18 décembre 1997, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission (C-409/96 P, Rec. p. I-7531, point 45); arrêt du Tribunal du 11 février 1999, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission (T-86/96, Rec. p. II-179, point 55), ainsi que ordonnance du Tribunal du 29 avril 1999, Unione provinciale degli agricoltori di Firenze e.a./Commission (T-78/98, Rec. p. II-1377, point 36).

( 58 ) Voir, en ce sens, analyse de Cassia, P., op. cit., points 1226 et suiv.

( 59 ) Arrêts de la Cour du 7 décembre 1993, Federmineraria e.a./Commission (C-6/92, Rec. p. I-6357, point 17); du Tribunal du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission (T-447/93 à T-449/93, Rec. p. II-1971, point 62); ainsi que ordonnance du Tribunal du 30 septembre 1997, Federolio/Commission (T-122/96, Rec. p. II-1559, point 61), et arrêt du 29 septembre 2000, CETM/Commission (T-55/99, Rec. p. II-3207, points 23 et 24).

( 60 ) Arrêts du 2 février 1988, Kwekerij van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, points 21 à 24), ainsi que du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313/90, Rec. p. I-1125, points 28 à 30).

( 61 ) Arrêt du 15 mai 2003, Pitsiorlas/Conseil et BCE (C-193/01 P, Rec. p. I-4837).