CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 13 mars 2008 ( 1 )

Affaire C-277/06

Interboves GmbH

contre

Hauptzollamt Hamburg-Jonas

«Directive 91/628/CEE — Restitutions à l’exportation — Protection des animaux en cours de transport — Transport maritime des bovins entre deux points géographiques de la Communauté — Véhicule chargé sur un bateau sans déchargement des animaux — Temps de repos de 12 heures — Obligation»

I — Introduction

1.

Par le présent renvoi préjudiciel, le Finanzgericht Hamburg (Allemagne) demande à la Cour d’interpréter le point 48.7, sous a) et b), de l’annexe de la directive 91/628/CEE du Conseil, du 19 novembre 1991, relative à la protection des animaux en cours de transport et modifiant les directives 90/425/CEE et 91/496/CEE ( 2 ), telle que modifiée par la directive 95/29/CE du Conseil, du 29 juin 1995 ( 3 ) (ci-après la «directive 91/628»).

2.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Interboves GmbH (ci-après «Interboves») au Hauptzollamt Hamburg-Jonas (ci-après le «Hauptzollamt») à propos du refus de ce dernier d’accorder à Interboves une restitution à l’exportation de bovins vivants demandée au mois de juin 2002, au motif que la durée de transport (maritime) de ces animaux aurait excédé celle prévue au point 48.7, sous b), de l’annexe de la directive 91/628.

II — Le cadre juridique

3.

L’article 33, paragraphe 9, du règlement (CE) no 1254/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine ( 4 ), subordonne le paiement de la restitution à l’exportation d’animaux vivants au respect des dispositions prévues par la législation communautaire concernant le bien-être des animaux et, en particulier, la protection des animaux en cours de transport.

4.

Le 18 mars 1998, la Commission des Communautés européennes a adopté le règlement (CE) no 615/98, du 18 mars 1998, portant modalités particulières d’application du régime des restitutions à l’exportation en ce qui concerne le bien-être des animaux vivants de l’espèce bovine en cours de transport ( 5 ). Ce règlement, qui a été adopté sur la base du règlement (CEE) no 805/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine ( 6 ), en particulier son article 13, paragraphe 9 ( 7 ), et précédant le règlement no 1254/1999, est resté en vigueur jusqu’au 13 avril 2003, date à partir de laquelle il a été remplacé par le règlement (CE) no 639/2003 de la Commission, du 9 avril 2003, portant modalités d’application en vertu du règlement no 1254/1999 en ce qui concerne les exigences en matière de bien-être des animaux vivants de l’espèce bovine en cours de transport pour l’octroi de restitutions à l’exportation ( 8 ). Le règlement no 615/98 s’appliquait ainsi aux déclarations d’exportation introduites antérieurement à l’adoption du règlement no 639/2003  ( 9 ), dont celle en cause dans l’affaire au principal.

5.

L’article 1er du règlement no 615/98 prévoit que, pour l’application de l’article 13, paragraphe 9, deuxième alinéa, du règlement no 805/68, le paiement des restitutions à l’exportation d’animaux vivants de l’espèce bovine est subordonné au respect, au cours du transport des animaux jusqu’à leur premier déchargement dans l’État tiers de destination finale, des dispositions de la directive 91/628 et des dispositions du règlement no 651/98.

6.

Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, de la directive 91/628, il y a lieu d’entendre par:

«[…]

b)

‘transport’ tout mouvement d’animaux, effectué par un moyen de transport qui comprend le chargement et le déchargement des animaux;

[…]

g)

‘voyage’ le déplacement du lieu de départ au lieu de destination;

h)

‘durée de repos’ une période continue au cours du voyage pendant laquelle les animaux ne sont pas déplacés grâce à un moyen de transport;

[…]»

7.

Le chapitre I de l’annexe de la directive 91/628 prévoit, à son point A. 2, sous d), que, au cours du transport, les animaux doivent être abreuvés et recevoir une alimentation appropriée aux intervalles fixés au chapitre VII de la même annexe.

8.

Le point 48 figurant au chapitre VII de l’annexe de la directive 91/628 concerne en particulier les durées de voyage et de repos. Ce chapitre dispose:

«[…]

2.

La durée de voyage des animaux des espèces visées au point 1 ne doit pas dépasser huit heures.

3.

La durée de voyage maximale visée au point 2 peut être prolongée si le véhicule servant au transport remplit les conditions supplémentaires suivantes:

quantité suffisante de litière étendue sur le sol du véhicule,

quantité de fourrage à bord du véhicule appropriée, en fonction des espèces d’animaux transportées et en fonction de la durée du voyage,

accès direct aux animaux,

possibilité d’une ventilation adéquate pouvant être adaptée en fonction de la température (intérieure et extérieure),

cloisons mobiles pour la création de compartiments,

dispositif permettant le branchement sur une adduction d’eau lors des arrêts,

quantité suffisante d’eau pour l’abreuvement des animaux pendant le voyage.

4.

Lorsqu’un véhicule routier remplissant les conditions énoncées au point 3 est utilisé, les intervalles d’abreuvement et d’alimentation ainsi que les durées de voyage et de repos sont les suivants:

[…]

d)

tous les autres animaux des espèces visées au point 1[ ( 10 )]  doivent bénéficier, après 14 heures de transport, d’un temps de repos suffisant, d’au moins 1 heure, notamment pour être abreuvés et si nécessaire alimentés. Après ce temps de repos, le transport peut reprendre pour une période de 14 heures.

5.

Après la durée de voyage fixée, les animaux doivent être déchargés, alimentés, abreuvés et bénéficier d’un temps de repos minimal de 24 heures.

[…]

7.

a)

Les animaux ne doivent pas être transportés par mer si la durée maximale de voyage dépasse celle prévue au point 2, sauf si les conditions prévues aux points 3 et 4, à l’exception des durées de voyage et des périodes de repos, sont respectées.

b)

En cas de transport maritime reliant de manière régulière et directe deux points géographiques de la Communauté, au moyen de véhicules chargés sur les bateaux sans déchargement des animaux, une durée de repos de 12 heures doit être prévue pour les animaux après leur débarquement au port de destination ou à proximité, sauf si la durée du transport maritime permet d’intégrer le voyage dans le schéma général des points 2 à 4.

8.

Les durées de voyage visées aux points 3, 4 et 7.b peuvent être prolongées de 2 heures dans l’intérêt des animaux, compte tenu en particulier de la proximité du lieu de destination.

[…]»

III — Les faits au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

9.

Le 12 juin 2002, Interboves a déclaré au Hauptzollamt l’exportation vers l’ex-République fédérale de Yougoslavie de 33 bovins vivants, sollicitant à ce titre l’octroi d’une restitution à l’exportation.

10.

Par décision du 23 juillet 2003, le Hauptzollamt a refusé la restitution, au motif que, pendant le transport des animaux, Interboves n’avait pas respecté le point 48.7, sous b), de l’annexe de la directive 91/628.

11.

Dans sa décision, le Hauptzollamt a expliqué que, d’après son analyse du plan de transport soumis par Interboves, les bovins auraient été transportés pour une durée de transport de 23 heures, à savoir 14 heures 30 minutes de transport par mer à bord d’un navire roulier entre Bari (Italie) et Igoumenitsa (Grèce) ainsi que 8 heures 30 minutes de transport routier jusqu’à Evzoni, poste-frontière entre la Grèce et l’ex-République yougoslave de Macédoine, sans qu’aucune période de repos ne soit intervenue. Considérant que le point 48.7, sous b), de l’annexe de la directive 91/628 établit que, après 14 heures de transport, une période de repos de 12 heures devrait être prévue après le débarquement au port de destination ou à sa proximité pour les animaux qui ont été transportés par mer entre deux points géographiques de la Communauté, au moyen de véhicules chargés sur les bateaux sans déchargement desdits animaux, le Hauptzollamt a donc refusé l’octroi de la restitution.

12.

Par décision du 21 juin 2005, le Hauptzollamt a rejeté le recours administratif d’Interboves dirigé contre le refus de délivrer la restitution à l’exportation, estimant que la durée de la traversée maritime devait être considérée comme une prolongation du transport par route et non, comme l’a soutenu Interboves, que la durée de cette traversée ne devait pas être comptabilisée dans le temps de transport. Selon le Hauptzollamt, afin de vérifier si la durée totale de transport est conforme au point 48.7, sous b), de l’annexe de la directive 91/628, il convenait donc d’additionner la durée du transport maritime avec celle des périodes de transport routier antérieures et postérieures, ce qui équivaudrait, en l’espèce, à 32 heures et 45 minutes (soit 14 heures et 30 minutes de transport maritime et 18 heures 15 minutes de transport routier jusqu’à la destination finale).

13.

Le 21 juillet 2005, Interboves a introduit un recours en annulation de cette décision auprès du Finanzgericht Hamburg, en faisant valoir qu’elle avait respecté les dispositions de la directive 91/628.

14.

Estimant que la solution du litige dépendait de l’interprétation des dispositions du chapitre VII de l’annexe de la directive 91/628 sur lesquelles pouvaient, au demeurant, subsister certains doutes, le Finanzgericht Hamburg a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le point 48.7, sous a), […] de l’annexe [de] la directive 91/628 […] fixe-t-il l’exigence essentielle requise des transports (d’animaux) par mer, de sorte qu’en principe — et à condition que soient remplies les conditions des points 48.3 et 48.4 […] de l’annexe précitée — même dans le cas d’un transport d’animaux sur un transbordeur roulier (dit ‘roll-on/roll-off)’, les périodes de transport par route avant et après le transport par mer ne sont pas liées?

2)

Le point 48.7, sous b), […] de l’annexe [de] la directive 91/628 […] contient-il une disposition spéciale relative aux navires rouliers circulant dans la Communauté et s’appliquant cumulativement aux exigences du point 48.4, sous [d)], de sorte que, à l’arrivée du transbordeur au port de destination, c’est seulement si la durée du transport par mer a été contraire aux règles générales des points 48.2 à 48.4 […] de l’annexe [de] la directive — à savoir une durée maximale de 29 heures, [voir] le point 48.4, sous d) — que ne débute pas une nouvelle durée maximale de 29 heures et qu’il y a lieu de respecter un repos de 12 heures?»

15.

Conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice, Interboves, le Hauptzollamt, les gouvernements belge, grec et suédois ainsi que la Commission ont présenté des observations écrites. Ils ont été entendus en leurs plaidoiries lors de l’audience du 23 mai 2007, hormis le Hauptzollamt et gouvernement belge qui ne s’y sont pas fait représenter.

IV — Analyse

16.

Il y a lieu de rappeler que le point 48 figurant au chapitre VII de l’annexe de la directive 91/628 établit les règles concernant les intervalles d’abreuvement, d’alimentation ainsi que les durées de voyage et de repos des espèces animales énumérées à l’article 1er, paragraphe 1, point a), de cette directive dont les bovins, lors de leur transport, à l’exception du transport aérien.

17.

Le point 48.2 de ladite annexe précise que la durée du voyage ne doit pas dépasser 8 heures. Cette durée peut cependant être prolongée lorsque le véhicule remplit les conditions supplémentaires prévues au point 48.3 de la même annexe. Ainsi, lorsque le moyen de transport est un véhicule routier remplissant les conditions dudit point 48.3 — ce dont la juridiction de renvoi ne doute pas dans l’affaire au principal — le point 48.4, sous d), de l’annexe de la directive 91/628 établit que, après 14 heures de transport, les animaux doivent bénéficier d’au moins 1 heure de repos, notamment pour être alimentés et abreuvés, à la suite duquel le transport peut reprendre pour 14 heures. Ce même point 48.4, sous d), fixe donc la durée maximale de transport à 28 heures pour les véhicules routiers qui remplissent les conditions dudit point 48.3.

18.

À cet égard, je tiens à préciser que la formule courante, également reprise par la juridiction de renvoi et par certaines des parties qui ont soumis des observations à la Cour, selon laquelle le point 48.4, sous d), de l’annexe de la directive 91/628 autoriserait une durée de transport maximale de 29 heures, n’est qu’une interprétation imprécise de la règle 14 + 1 + 14 prévue à cette disposition ( 11 ). En effet, la règle dudit point 48.4, sous d), établit uniquement une période maximale de transport par route de 28 heures, entrecoupée d’une période minimale de repos d’1 heure, ces deux périodes cumulées constituant la durée minimale du voyage de 29 heures. Par conséquent, la durée d’un voyage pourrait, par exemple, être de 50 heures, à savoir deux périodes (maximales) de transport de 14 heures chacune, entrecoupées d’une période de repos de 22 heures.

19.

S’agissant du transport maritime, le point 48.7, sous a), de l’annexe de la directive 91/628 renvoie à la règle fixée au point 48.2 (soit une durée maximale de voyage de 8 heures), sauf si les conditions prévues aux points 48.3 et 48.4 de la même annexe, à l’exception des durées de voyage et de repos, sont respectées. Il s’ensuit, à la lecture même du texte du point 48.7, sous a), de l’annexe de la direction 91/628 que la durée minimale de voyage de 29 heures prévue audit point 48.4, sous d), ne s’applique pas, en règle générale, au transport maritime. Ce mode de transport comprend, à tout le moins, et ainsi que toutes les parties qui ont soumis des observations à la Cour l’ont indiqué, le transport par navire spécialisé remplissant des conditions de confort assimilées à celles existant dans une étable (appelé communément «navire-étable»).

20.

Par ailleurs, le point 48.7, sous b), de l’annexe de la directive 91/628 précise que, pour le transport reliant de manière régulière et directe deux points géographiques de la Communauté européenne, au moyen de véhicules chargés sur les bateaux sans déchargement des animaux (ci-après le «transport par navire roulier»), une durée de repos de 12 heures doit être prévue pour les animaux après leur débarquement au port de destination ou à proximité, sauf si la durée du transport maritime permet d’intégrer le voyage dans le schéma général des points 48.2 à 48.4.

21.

Dans le cadre de sa première question préjudicielle, le juge de renvoi s’interroge, en substance et en premier lieu, sur la possibilité de qualifier le transport par navire roulier, visé au point 48.7, sous b), de l’annexe de la directive 91/628, de transport maritime, au sens du point 48.7, sous a), de ladite annexe. Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative et en second lieu, le juge de renvoi se demande si, lorsque le transport par navire roulier s’insère entre deux périodes de transport par route, ces dernières ne sont pas liées entre elles, comme il le présuppose dans le cas d’un schéma de voyage identique lorsque la partie maritime est effectuée au moyen d’un navire-étable.

22.

Par sa seconde question, le juge de renvoi demande, en substance, si, après un transport par navire roulier dont la durée semble dépasser 14 heures, à savoir la période maximale de transport prévue au point 48.4, sous d), de l’annexe de la directive 91/628 préalablement à la durée minimale de repos d’1 heure, les animaux doivent bénéficier d’un repos de 12 heures en application dudit point 48.7, sous b), ou si, le transport par route peut procéder immédiatement après le débarquement, pour une durée maximale de 28 heures.

23.

Pour répondre à ces questions, il convient d’adopter une interprétation systématique et finaliste du point 48 de l’annexe de la directive 91/628 en ce qui concerne les conditions de voyage des bovins pendant le transport par route, pendant le transport par navire roulier et lorsqu’ils sont transportés au moyen d’un navire-étable.

24.

Ledit point 48 distingue les modes de transport en fonction des garanties qualitatives qu’ils offrent quant à la préservation de la santé des animaux, en l’occurrence des bovins.

25.

Ainsi, alors que la durée maximale de transport par route, prévue au point 48.4, sous d), de l’annexe de la directive 91/628 est de 28 heures, le transport maritime de bovins au moyen d’un navire-étable, visé au point 48.7, sous a), de la même annexe n’est subordonné à aucune durée maximale en raison de conditions de voyage sensiblement meilleures qu’il garantit aux animaux.

26.

Entre ces deux extrêmes, se situe le transport par navire roulier, qui est au cœur des questions préjudicielles posées par le juge de renvoi. En effet, bien que les bovins ne soient pas déchargés du camion sur le navire comme dans le cas d’un transport au moyen d’un navire-étable, ils bénéficient de conditions plus respectueuses de leur santé que celles existant pendant le transport routier en raison des garanties supplémentaires fixées au point 26 figurant au chapitre I de l’annexe de la directive 91/628. Ainsi, alors que les bovins subissent de nombreux soubresauts pendant le transport routier, le point 26, sous i), dudit chapitre I prévoit un système de fixation des camions qui limite les mouvements du véhicule lors du transport par navire roulier. De même, alors que durant le transport routier les bovins ne peuvent être alimentés et/ou abreuvés que lors d’une période d’arrêt, ils peuvent, en revanche, continuer à l’être durant la traversée, conformément audit point 26, sous iii).

27.

Sans vouloir anticiper la réponse aux questions préjudicielles, il apparaît que le législateur communautaire a reconnu la spécificité du transport par navire roulier en établissant également au point 48.7, sous b), de l’annexe de la directive 91/628 des dispositions ad hoc, y compris relatives à la durée du transport, prenant en compte les conditions qualitatives de ce transport. J’examinerai plus loin dans les présentes conclusions les effets que ces conditions ont sur la détermination de la durée du transport par navire roulier.

28.

Cela étant, la mention, au point 26 des présentes conclusions, du point 26 figurant au chapitre I de l’annexe de la directive 91/628 m’entraîne immédiatement à répondre à la première branche de la première question qu’il ne fait aucun doute que le transport par navire roulier doit être qualifié de transport maritime. En effet, comme j’ai déjà eu l’occasion de le relever dans mes conclusions dans l’affaire Schwaninger Martin, précitées, le transport par navire roulier, malgré ses particularités, appartient au transport maritime ( 12 ). Au demeurant, le point 48.7, sous b), de l’annexe de la directive 91/628 se réfère à ce mode de transport comme étant un «transport maritime».

29.

Par conséquent, je crois qu’il peut être soutenu sans grande hésitation que ledit point 48.7, sous a), fixe les dispositions générales relatives au transport maritime, y compris le transport par navire roulier. Il en découle que ladite disposition s’applique à tous les types de transports maritimes qui remplissent les conditions établies aux points 48.2 à 48.4, à l’exception des durées de voyage et des périodes de repos.

30.

Pour répondre à l’intégralité de la première question posée par le juge de renvoi, il reste à clarifier si chacune des périodes de transport par route qui précède et suit le transport par navire roulier sont liées entre elles.

31.

À cet égard, la requérante au principal et la Commission défendent l’idée que les deux périodes de transport par route ne sont jamais liées. Le gouvernement suédois soutient, au contraire, qu’elles sont toujours liées entre elles, du fait qu’il s’agit d’un seul voyage ininterrompu. Ce gouvernement précise aussi que seule sa thèse serait conforme à la finalité de la directive 91/628.

32.

À mon sens, la question posée ne peut pas recevoir une réponse aussi catégorique. En définitive, comme je vais le démontrer ci-après, la nécessité de calculer cumulativement les deux périodes de transport par route doit être appréciée selon la durée du transport par navire roulier, c’est-à-dire si la durée de ce transport atteint ou non celle prévue au point 48.4, sous d), de l’annexe de la directive 91/628.

33.

J’ai déjà indiqué que le transport par navire roulier, malgré sa qualification de transport maritime, comporte des caractéristiques particulières. Ces caractéristiques ont été reconnues par le législateur communautaire dans les dispositions de la directive 91/628, notamment au point 48.7, sous b), de l’annexe de celle-ci. À cet égard, le renvoi opéré in fine par cette disposition au schéma général des points 48.2 à 48.4 de ladite annexe implique que, contrairement aux règles applicables au transport maritime en général [point 48.7, sous a)], la durée maximale de transport de 28 heures prévue au point 48.4, sous d), de la même annexe entre en ligne de compte dans l’hypothèse d’un transport de bovins par navire roulier. Il convient toutefois de préciser que, au cours du transport maritime, la période de repos visée audit point 48.4, sous d), n’a pas de sens. En effet, que ce soit dans les navires-étables ou que ce soit dans les navires rouliers les animaux peuvent continuer à être abreuvés et/ou alimentés, dans le premier cas, en raison de conditions proches de celles d’une étable, dans le second, du fait de l’existence et du respect des dispositions du point 26, sous iii), figurant au chapitre I de l’annexe de la directive 91/628, qui permettent de garantir aux animaux l’abreuvage et l’alimentation.

34.

Il s’ensuit que, lorsque la période de transport par navire roulier de 28 heures est atteinte les animaux bénéficieront, à l’arrivée au port de destination, d’une période de repos de 12 heures, conformément audit point 48.7, sous b). À cet égard, il convient de préciser que les 12 heures prévues à cette disposition ont la même fonction de «neutralisation» des périodes de transport effectuées préalablement à ce repos que la période de 24 heures visée au point 48.5 de l’annexe de la directive 91/628 applicable au transport par route. Cela implique que, après la période de repos de 12 heures suivant un transport par navire roulier d’une durée de 28 heures, une nouvelle période de transport peut commencer.

35.

Cette interprétation de la fonction de la période de repos de 12 heures est confirmée, d’une part, par le libellé du point 48.7, sous b), de l’annexe de la directive 91/628, lequel ne renvoie pas au point 48.5 de ladite annexe, et, d’autre part, par la nature du transport par navire roulier qui, comme il a déjà été explicité précédemment, offre des conditions qualitatives de voyage plus respectueuses de la santé des animaux que celles du transport par route.

36.

Dans le cas où le transport par navire roulier s’intercale entre deux périodes de transport par route, hypothèse visée par la juridiction de renvoi, le lien entre ces dernières est, à mon sens, conditionné par la durée du transport par navire roulier.

37.

Si la durée du transport par navire roulier atteint la durée maximale de 28 heures, la période de repos de 12 heures, dont les bovins doivent bénéficier, neutralise la durée de tout mode de transport antérieur s’étant écoulée précédemment.

38.

Si la durée du transport roulier n’atteint pas la durée maximale de 28 heures, les deux périodes de transport par route doivent être liées, en raison de la finalité poursuivie par la directive 91/628, à savoir la protection de la santé des animaux pendant le transport. En effet, défendre, dans ce cas de figure et à l’instar de la Commission, l’interprétation selon laquelle les périodes de transport par route ne seraient pas liées entre elles reviendrait à traiter plus favorablement une période de transport par navire roulier qu’une période de repos. Ainsi, alors qu’après une période de repos de 20 heures, précédée d’une durée de transport par route de 14 heures, la période de transport par route successive ne peut dépasser 14 heures, conformément au schéma général du point 48.4, sous d), de l’annexe de ladite directive admettre, dans un cas de figure similaire, qu’après un transport par navire roulier de 20 heures une période de transport maximale de 28 heures serait possible, sans prendre en considération la durée de transport par route ayant précédé celle effectuée par mer, reviendrait à méconnaître l’objectif poursuivi par la directive 91/628 de réduire autant que possible le transport des animaux sur de longues distances et donc de limiter la durée dudit transport dans l’intérêt de leur bien-être. L’importance de cet objectif a d’ailleurs été réitérée par la Cour dans l’arrêt du 23 novembre 2006, ZVK ( 13 ), en relation avec l’interprétation de la notion de «transport», au sens de la directive 91/628.

39.

L’interprétation consistant à lier les périodes de transport par route en fonction de la durée du transport par navire roulier garantit une protection proportionnée des animaux pendant le voyage en limitant autant que possible l’accumulation de longues durées de transport. Cette interprétation est, selon moi, conforme à l’objectif que le législateur communautaire a voulu atteindre, c’est-à-dire un niveau équivalent de protection des animaux durant leur transport, en tenant compte des différentes conditions qualitatives propres à chaque moyen de transport, de sorte à prévoir des règles adaptées à chacun de ces moyens, notamment celles relatives à la durée du transport.

40.

Partant, la thèse soutenue par le gouvernement suédois selon laquelle, pour garantir la préservation de la santé des animaux, il faudrait considérer qu’il existe un seul voyage ininterrompu ne me semble pas justifiée. Bien qu’il convienne d’admettre que le transport se développe durant un seul voyage ( 14 ), ce voyage se compose cependant de modes de transport différents soumis à des règles également différentes. De surcroît, l’argumentation exposée par le gouvernement suédois semble introduire un traitement discriminatoire de certains modes de transport, en l’occurrence le transport maritime, en trahissant la ratio de la directive 91/628.

41.

Je ne peux donc souscrire ni à la position défendue notamment par la Commission selon laquelle les périodes de transport par route antérieure et postérieure à la période de transport par navire roulier ne sont jamais liées ni à celle proposée par le gouvernement suédois selon laquelle ces périodes seraient toujours liées dans le cadre d’un seul voyage ininterrompu. En revanche, il convient, à mon sens, de répondre à la seconde branche de la première question posée par la juridiction de renvoi en ce sens que le lien entre la période de transport par route qui précède et celle qui suit une période de transport par navire roulier dépend de la question de savoir si la durée maximale de ce transport fixée au point 48.4, sous d), de l’annexe de la directive 91/628 conformément au renvoi opéré par le point 48.7, sous b), de cette annexe, est atteinte.

42.

L’analyse développée ci-dessus et la réponse que je viens de donner à la première question permettent aussi, pour l’essentiel, de résoudre la seconde question posée par la juridiction de renvoi.

43.

À cet égard, je tiens à rappeler que, par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si, après un transport par navire roulier dont la durée semble dépasser 14 heures, c’est-à-dire la période maximale de transport prévue audit point 48.4, sous d), les animaux doivent bénéficier d’un repos de 12 heures en application dudit point 48.7, sous b), ou si le transport par route peut s’opérer immédiatement après leur débarquement pour une durée maximale de 28 heures.

44.

Comme je l’ai indiqué précédemment, après un transport par navire roulier dont la durée n’atteint pas 28 heures, une nouvelle période de transport peut commencer, en tenant toutefois compte de l’existence éventuelle d’une période de transport par route qui précède le transport par navire roulier.

45.

En l’espèce, il ressort de la décision de renvoi que le transport par route qui a précédé le transport par navire roulier a été neutralisé par une période de repos de plus de 24 heures (conformément au point 48.5 de l’annexe de la directive 91/628) et que le problème qui se pose devant la juridiction de renvoi est de savoir si, à la suite d’un transport par navire roulier d’une durée prétendument excessive (14 heures et 30 minutes), peut débuter une nouvelle période de transport. Or, ainsi que mes développements relatifs à la première question préjudicielle l’ont démontré, un transport par route peut avoir lieu immédiatement après l’arrivée au port de destination d’un navire roulier dont la durée de trajet n’a pas atteint 28 heures. Par ailleurs, la réserve que j’ai précédemment formulée, qui se rapporte à la nécessité de lier les périodes de transport par route entre elles, n’a pas de pertinence dans l’affaire au principal en raison de la neutralisation de la période de transport par route précédant le transport par navire roulier.

46.

J’ajoute, à toutes fins utiles, que l’alternative visée par la juridiction de renvoi consistant à appliquer une période de repos de 12 heures après une période de transport par navire roulier de 14 heures doit être rejetée non seulement pour la raison qui vient d’être exposée, mais également pour d’autres motifs tenant à l’interprétation systématique de la directive 91/628. En particulier, cette interprétation reviendrait à traiter plus favorablement un transport par route d’une durée de 14 heures, lequel, conformément au point 48.4, sous d), de l’annexe de la directive 91/628, ne doit être suivi que d’une période de repos «d’au moins 1 heure», par rapport à un transport par navire roulier, qui devrait être suivi d’une période de repos de 12 heures, alors même que ce dernier mode de transport assure aux animaux des conditions qualitatives de voyage plus respectueuses de leur santé que celles du transport par route ( 15 ).

47.

Eu égard à ce qui précède, je propose de répondre aux questions préjudicielles en ce sens que, premièrement, le point 48.7, sous a), de l’annexe de la directive 91/628 régit les exigences essentielles applicables au transport maritime, y compris le transport par navire roulier visé au point 48.7, sous b), de ladite annexe. Deuxièmement, le lien entre la période de transport par route qui précède et celle qui suit une période de transport par navire roulier dépend de la question de savoir si la durée maximale de ce transport fixée au point 48.4, sous d), de l’annexe de la directive 91/628, conformément au renvoi opéré par le point 48.7, sous b), de ladite annexe, est atteinte. En conséquence, lorsque la durée de transport par navire roulier n’atteint pas la durée maximale de 28 heures, une période de transport par route peut commencer immédiatement à l’arrivée au port de destination. Pour calculer la durée de cette période conformément à la directive 91/628, il y a lieu de prendre en considération la durée de la période de transport par route qui a précédé celle du transport par navire roulier, à moins qu’une période de repos d’au moins 24 heures, en application du point 48.5 de l’annexe de la directive 91/628, ait neutralisé la période de transport par route antérieure au trajet maritime. Il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier si, dans l’affaire au principal, le voyage en cause satisfait aux conditions susmentionnées.

V — Conclusion

48.

À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles qui lui ont été soumises par le Finanzgericht Hamburg de la manière suivante:

«1)

Le point 48.7, sous a), de l’annexe de la directive 91/628/CEE du Conseil, du 19 novembre 1991, relative à la protection des animaux en cours de transport et modifiant les directives 90/425/CEE et 91/496/CEE, telle que modifiée par la directive 95/29/CE du Conseil, du 29 juin 1995, doit être interprété en ce sens qu’il régit les exigences essentielles applicables au transport maritime, y compris le transport reliant de manière régulière et directe deux points géographiques de la Communauté européenne, au moyen de véhicules chargés sur les bateaux sans déchargement des animaux, visé au point 48.7, sous b), de ladite annexe.

2)

Le lien entre la période de transport par route qui précède et celle qui suit une période de transport reliant de manière régulière et directe deux points géographiques de la Communauté européenne, au moyen de véhicules chargés sur les bateaux sans déchargement des animaux, dépend de la question de savoir si la durée maximale de ce transport fixée au point 48.4, sous d), de l’annexe de la directive 91/628, telle que modifiée par la directive 95/29, conformément au renvoi opéré par le point 48.7, sous b) de la même l’annexe, est atteinte.

En conséquence, lorsque la durée du transport reliant de manière régulière et directe deux points géographiques de la Communauté européenne, au moyen de véhicules chargés sur les bateaux sans déchargement des animaux, n’atteint pas la durée maximale de 28 heures, une période de transport par route peut commencer immédiatement à l’arrivée au port de destination. Pour calculer la durée de cette période conformément à la directive 91/628, telle que modifiée par la directive 95/29, il y a lieu de prendre en considération la durée de la période de transport par route qui a précédé le transport reliant de manière régulière et directe deux points géographiques de la Communauté européenne, au moyen de véhicules chargés sur les bateaux sans déchargement des animaux, à moins qu’une période de repos d’au moins 24 heures, en application du point 48.5 de l’annexe de ladite directive, ait neutralisé la période de transport par route antérieure au trajet maritime.

Il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier si, dans l’affaire au principal, le voyage en cause satisfait aux conditions susmentionnées.»


( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) JO L 340, p. 17.

( 3 ) JO L 148, p. 52.

( 4 ) JO L 160, p. 21.

( 5 ) JO L 82, p. 19.

( 6 ) JO L 148, p. 24.

( 7 ) La rédaction de l’article 13, paragraphe 9, deuxième alinéa, du règlement no 805/68 était identique à celle de l’article 33, paragraphe 9, du règlement no 1254/1999.

( 8 ) JO L 93, p. 10.

( 9 ) Voir article 9 du règlement no 639/2003.

( 10 ) Il s’agit des bovins, à l’exception des veaux.

( 11 ) Voir mes conclusions présentées le 28 février 2008 dans l’affaire Schwaninger Martin (C-207/06), pendante devant la Cour (note 7).

( 12 ) Point 26.

( 13 ) C-300/05, Rec. p. I-11169, point 19.

( 14 ) Je rappelle que, selon l’article 2, sous g), de la directive 91/628, un voyage se définit comme le «déplacement du lieu de départ au lieu de destination».

( 15 ) Voir également, en ce sens, mes conclusions dans l’affaire Schwaninger Martin, précitées (points 31 à 35).