Conclusions de l'avocat général

Conclusions de l'avocat général

I – Introduction

1. Les juridictions nationales sont-elles tenues de mettre en œuvre des dispositions de droit communautaire directement applicables, même lorsque le droit interne ne leur a conféré aucune compétence expresse à cet effet? Telle est la question fondamentale que la juridiction irlandaise du travail, la Labour Court, Dublin, soumet à la Cour dans le contexte des règles communautaires régissant l’emploi à durée déterminée contenues dans l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée (2) .

2. Par ailleurs, la Labour Court souhaite obtenir des précisions quant à l’interprétation de deux dispositions centrales de cet accord-cadre, qui contiennent, d’une part, le principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée et, d’autre part, des mesures visant à prévenir le recours abusif aux relations de travail à durée déterminée successives. La Labour Court demande en outre quelle est la portée de son obligation d’interprétation conforme à la directive de la législation nationale.

3. C’est le recours aux relations de travail à durée déterminée par des employeurs du secteur public qui est cause dans la présente affaire, tout comme auparavant dans les affaires Adeneler e.a., Marrosu et Sardino, Vassallo et Del Cerro Alonso. La Cour a déjà précisé, dans ces affaires, que de telles relations de travail relèvent elles aussi du champ d’application de l’accord-cadre (3) .

II – Cadre juridique

A – Droit communautaire

4. La directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (4), forme le cadre juridique du droit communautaire de la présente affaire. Cette directive met en œuvre l’accord-cadre, conclu le 18 mars 1999 entre trois organisations interprofessionnelles à vocation générale [la Confédération européenne des syndicats (CES), le Centre européen de l’entreprise publique (CEP) et l’Union des confédérations de l’industrie et des employeurs d’Europe (UNICE)] et joint à l’annexe de ladite directive.

5. L’accord-cadre vise dans son ensemble à énoncer les «principes généraux et prescriptions minimales relatifs aux contrats et aux relations de travail à durée déterminée» et à «améliorer la qualité du travail à durée déterminée en garantissant l’application du principe de non- discrimination et [à] établir un cadre pour prévenir les abus découlant de l’utilisation de relations de travail ou de contrats à durée déterminée successifs» (5) .

6. Á cet égard, l’accord-cadre est fondé sur la considération selon laquelle «les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs» (6) . Toutefois, il reconnaît en même temps que «les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs, occupations et activités qui peuvent convenir à la fois aux travailleurs et aux employeurs» (7) . En outre, les auteurs de l’accord-cadre partent du principe que «l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée basée sur des raisons objectives est un moyen de prévenir les abus» (8) .

7. La clause 1 de l’accord-cadre définit l’objet dudit accord:

«Le présent accord-cadre a pour objet:

a) d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination;

b) d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.»

8. La clause 4 de l’accord-cadre définit de la manière suivante le principe de non-discrimination:

«1. Pour ce qui concerne les conditions d’emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d’une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu’ils travaillent à durée déterminée, à moins qu’un traitement différent soit justifié par des raisons objectives.

2. Lorsque c’est approprié, le principe du ‘’pro rata temporis‘’ s’applique.

3. Les modalités d’application de la présente clause sont définies par les États membres, après consultation des partenaires sociaux, et/ou par les partenaires sociaux, compte tenu de la législation communautaire et [de] la législation, des conventions collectives et pratiques nationales.

4. Les critères de périodes d’ancienneté relatifs à des conditions particulières d’emploi sont les mêmes pour les travailleurs à durée déterminée que pour les travailleurs à durée indéterminée, sauf lorsque des critères de périodes d’ancienneté différents sont justifiés par des raisons objectives».

9. La clause 5 de l’accord-cadre a trait aux mesures visant à prévenir l’utilisation abusive de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs:

«1. Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes:

a) des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail;

b) la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs;

c) le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée:

a) sont considérés comme “successifs”;

b) sont réputés conclus pour une durée indéterminée».

10. Enfin, la clause 8, point 5, de l’accord-cadre est ainsi rédigée:

«La prévention et le règlement des litiges et plaintes résultant de l’application du présent accord sont traités conformément à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales.»

11. La directive 1999/70 laisse aux États membres le soin de définir les termes employés dans l’accord-cadre, sans y être définis de manière spécifique, en conformité avec le droit/ou les pratiques nationaux, à condition que lesdites définitions respectent le contenu de l’accord-cadre (9) . Cette manière de procéder vise à prendre en compte la situation dans chaque État membre et les circonstances de secteurs et d’occupations particuliers, y compris les activités de nature saisonnières (10) .

12. L’article 3 de la directive 1999/70 fixe la date d’entrée en vigueur de celle-ci au jour de sa publication au journal officiel des Communautés européennes , c’est-à-dire au 10 juillet 1999.

13. En vertu de l’article 2, premier alinéa, de la directive 1999/70, les États membres sont tenus de mettre «en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 10 juillet 2001» ou de s’assurer, au plus tard à cette date, «que les partenaires sociaux ont mis en place les dispositions nécessaires par voie d’accord». S i nécessaire, un délai supplémentaire d’une année au maximum peut être accordé aux États membres après consultation des partenaires sociaux, conformément à l’article 2, deuxième alinéa, de la directive, pour tenir compte de difficultés particulières ou d’une mise en œuvre par convention collective. Toutefois, dans le cas de l’Irlande, il n’a pas été fait usage de cette possibilité.

14. Outre la directive 1999/70 et l’accord-cadre, il convient de citer également les dispositions sociales du traité CE, à savoir les articles 137 CE et 139 CE.

15. L’article 137 CE est ainsi rédigé (extraits):

«1. En vue de réaliser des objectifs visés à l’article 136, la Communauté soutient et complète l’action des États membres dans les domaines suivants:

[...]

b) les conditions de travail,

[...]

2. À cette fin, le Conseil:

[...]

b) peut arrêter, dans les domaines visés au paragraphe 1, points a) à i), par voie de directives, des prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres. Ces directives évitent d’imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu’elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises.

[...]

5. Les dispositions du présent article ne s’appliquent ni aux rémunérations, ni au droit d’association, ni au droit de grève, ni au droit de lock-out.»

16. En outre, l’article 139 CE édicte notamment les dispositions suivantes:

«1. Le dialogue entre partenaires sociaux au niveau communautaire peut conduire, si ces derniers le souhaitent, à des relations conventionnelles, y compris des accords.

2. La mise en œuvre des accords conclus au niveau communautaire intervient soit selon les procédures et les pratiques propres aux partenaires sociaux et aux États membres, soit, dans les matières relevant de l’article 137, à la demande conjointe des parties signataires, par une décision du Conseil sur proposition de la Commission.

[...]»

B – Législation nationale

Loi de 2003 relative à la protection des salariés à durée déterminée

17. La directive 1999/70 a été transposée en droit irlandais par la loi n° 29/2003 relative à la protection des salariés à durée déterminée (11) (ci-après la «loi de 2003»). Cette loi est entrée en vigueur le 14 juillet 2003.

18. Il résulte des dispositions combinées des articles 6, paragraphe 1, et 2, paragraphe 1, de la loi de 2003 que les salariés à durée déterminée ne peuvent pas être traités de manière plus défavorable que des salariés permanents comparables en matière de rémunération et de pension. Toutefois, en matière d’assurance vieillesse l’interdiction de traitement plus défavorable édictée à l’article 6, paragraphe 5, de la loi de 2003 ne s’applique qu’aux salariés à durée déterminée dont la durée hebdomadaire normale de travail est au moins égale à 20 % de la durée normale de travail d’un salarié permanent comparable.

19. L’article 9, paragraphe 1, de la loi de 2003 prévoit que le contrat de travail à durée déterminée d’un salarié qui, à la date d’adoption de cette loi ou postérieurement à cette date, a achevé sa troisième année d’emploi ininterrompue au service d’un employeur ne peut être renouvelé qu’une seule fois et pour une période d’un an au maximum. En vertu de l’article 9, paragraphe 3, de cette même loi, toute condition insérée dans un contrat de travail en violation du paragraphe 1 est invalide (12), et le contrat de travail en cause s era réputé conclu à durée indéterminée.

20. Un employeur peut déroger aux obligations précitées énoncées aux articles 6 et 9 de la loi de 2003 lorsque cela est justifié par des raisons objectives (13) . L’article 7 de ladite loi précise quelles raisons peuvent être réputées objectives.

21. L’article 14 de la loi de 2003 prévoit qu’une demande à l’encontre d’un employeur fondée sur une violation de ladite loi doit être soumise en première instance à un Rights Commissioner (14) ; cette demande peut être présentée par un salarié ou – si celui-ci y consent – par un syndicat dont ce salarié est membre. Le Rights Commissioner statue après avoir entendu les parties, et peut ordonner les mesures prévues à l’article 14, paragraphe 2, de la loi. Il est habilité notamment à condamner l’employeur au paiement d’une réparation équitable pouvant atteindre deux ans de salaire du demandeur.

22. L’article 15 de la loi de 2003 prévoit que les parties peuvent faire appel de la décision du Rights Commissioner devant la Labour Court. Un pourvoi contre l’arrêt de la Labour Court, limité aux questions de droit, peut ensuite être formé devant la High Court. L’arrêt de la High Court of Justice est définitif.

23. Selon les indications de la juridiction de renvoi, tant le Rights Commissioner que la Labour Court ne sont habilités à statuer que si la loi leur a donné compétence à cet effet. Aucune de ces deux juridictions n’est expressément compétente pour statuer sur une prétention fondée sur une disposition de droit communautaire directement applicable, à moins qu’elle n’entre dans le champ d’application d’une législation qui donne elle-même compétence au Rights Commissioner et à la Labour Court.

Particularités du droit irlandais de la fonction publique

24. Dans son ordonnance, la juridiction de renvoi souligne en outre les particularités du droit irlandais de la fonction publique.

25. En Irlande, les agents publics sont recrutés en qualité d’agents titulaires ou d’agents non titulaires.

26. Les agents titulaires sont recrutés par concours, la nomination d’employés à durée déterminée à des postes d’agents titulaires étant interdite. Les agents non titulaires en revanche sont recrutés soit par voie de concours, soit au niveau local, le cas échéant également pour une durée déterminée.

27. La réglementation irlandaise en vigueur en matière de droits à pension des agents publics prévoit des régimes distincts pour les agents titulaires et les agents non titulaires. Les règles régissant le licenciement des agents titulaires et des agents non titulaires sont elles aussi sensiblement différentes. Ces différences ont pour effet de garantir en pratique aux agents titulaires une sécurité de l’emploi sensiblement supérieure à celle des agents non titulaires. En revanche, d’autres disparités en vigueur antérieurement, par exemple en matière d’assurance maladie, ont été abrogées entre-temps.

III – Faits et procédure au principal

28. Impact est un syndicat qui défend les intérêts des agents publics en Irlande. Dans le litige au principal, Impact est opposé, en qualité de représentant de 91 de ses membres, à plusieurs ministères irlandais, auprès desquels les salariés concernés (ci-après également les «demandeurs») sont ou étaient employés comme agents non titulaires sur la base de relations de travail à durée déterminée successives de durées différentes.

29. Les relations de travail à durée déterminée des demandeurs ont toutes commencé avant le 14 juillet 2003 et se sont prolongées au-delà de cette date. Un certain nombre d’entre eux avaient accompli moins de trois années de service ininterrompu dans les différents ministères et se bornent à réclamer les mêmes conditions d’emploi que celles de salariés permanents comparables. D’autres demandeurs avaient effectué plus de trois années de service ininterrompu; outre des conditions d’emploi égales, ils revendiquent également des relations de travail à durée indéterminée.

30. Les contrats de travail à durée déterminée étaient utilisés soit pour couvrir des besoins temporaires, soit en raison de l’absence de garantie de financement durable des emplois en cause. La pratique générale des ministères concernés consistait à renouveler les contrats à durée déterminée pour des périodes comprises entre 12 et 24 mois. Toutefois, durant la période précédant immédiatement l’entrée en vigueur de la loi de 2003, le ministère des Affaires étrangères a prorogé, pour des durées déterminées allant jusqu’à 8 ans, les contrats de travail de certains demandeurs.

31. Devant la Rights Commissioner, les demandeurs, représentés par Impact, ont fait valoir une violation de leur droit à l’égalité de traitement, en particulier au motif qu’ils n’avaient pas bénéficié de la même rémunération et des mêmes droits à pension que les agents titulaires, lesquels sont selon eux des salariés permanents comparables. En outre, ils ont fait valoir que les prorogations successives de leurs contrats de travail à durée déterminée par les ministères concernés étaient abusives.

32. Pour la période allant du 10 juillet 2001 au 14 juillet 2003 – c’est-à-dire la période comprise entre l’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70 et la date de sa transposition effective en Irlande – les demandeurs ont fondé leurs prétentions sur les clauses 4 et 5 de l’accord-cadre en invoquant leur effet direct. Quant à la période postérieure au 14 juillet 2003, les demandeurs ont invoqué l’article 6 de la loi de 2003.

33. Les ministères concernés ont contesté la compétence de la Rights Commissioner pour connaître des demandes en cause pour autant qu’elles étaient basées sur la directive 1999/70. À cet égard, ils ont fait valoir que la Rights Commissioner ne pouvait statuer que sur des demandes fondées sur une violation du droit interne applicable. À titre subsidiaire, ils ont soutenu que les clauses 4 et 5 de l’accord-cadre n’étaient ni inconditionnelles ni suffisamment précises et ne pouvaient donc pas être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales. En outre, selon eux, un salarié à durée déterminée ne pouvait se fonder sur la clause 4 de l’accord-cadre pour prétendre à une rémunération et à une pension égales à celles d’un travailleur permanent comparable.

34. La Rights Commissioner s’est déclarée compétente, y compris pour la période comprise entre l’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70 et la date de sa transposition effective en Irlande. En outre, elle a jugé que le principe de non-discrimination en matière de conditions d’emploi énoncé dans la clause 4 de l’accord-cadre englobait également la rémunération et les droits à pension. Enfin, elle a considéré que la clause 4 dudit accord était directement applicable, mais pas la clause 5.

35. En conséquence, la Rights Commissioner n’a jugé fondés que les arguments des demandeurs qui n’étaient pas basés sur la clause 5 de l’accord-cadre. Selon elle, les ministères avaient violé les droits des demandeurs découlant tant de la législation nationale que de la directive 1999/70 en leur accordant des conditions d’emploi moins favorables que celles consenties aux salariés permanents comparables. Par salariés permanents comparables, la Rights Commissioner entendait les agents titulaires.

36. Au vu de l’article 14, paragraphe 2, de la loi de 2003, la Rights Commissioner a accordé aux demandeurs des compensations pécuniaires allant de 2 000 à 40 000 euros. En outre, elle a enjoint aux différents ministères de consentir aux demandeurs des conditions d’emploi équivalentes à celles dont bénéficient les salariés permanents comparables. Enfin, elle a reconnu à certains demandeurs le droit à un contrat à durée indéterminée à des conditions qui ne soient pas moins favorables que celles applicables à des salariés permanents comparables.

37. Les ministères concernés ont fait appel de la décision de la Rights Commissioner devant la Labour Court, Dublin. Impact a introduit un appel incident contre cette décision, dans la mesure où elle déclarait que la clause 5 de l’accord-cadre n’était pas directement applicable.

IV – Demande de décision préjudicielle et procédure devant la Cour

38. Par ordonnance du 12 juin 2006, parvenue à la Cour le 19 juin 2006, la Labour Court, Dublin, a sursis à statuer et saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1) Lorsqu’ils tranchent un litige en première instance en vertu d’une disposition de droit interne ou qu’ils statuent sur l’appel formé contre une telle décision, les Rights Commissioners et la Labour Court sont-ils tenus en vertu d’un principe de droit communautaire (en particulier les principes d’équivalence et d’effectivité) d’appliquer une disposition directement applicable de la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée dans des circonstances où:

– le Rights Commissioner et la Labour Court n’ont pas reçu expressément compétence à cet effet en vertu du droit interne de l’État membre concerné, y compris les dispositions de droit interne transposant la directive;

– les particuliers peuvent saisir la High Court d’autres demandes découlant du fait que leur employeur n’a pas appliqué la directive à leur situation particulière; et où

– les particuliers peuvent saisir les juridictions ordinaires compétentes d’autres demandes à l’encontre de l’État membre concerné, en vue d’obtenir réparation du dommage qu’ils ont subi du fait que cet État n’a pas transposé la directive dans les délais?

2) En cas de réponse affirmative à la première question:

a) La clause 4, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu par la CES, l’UNICE et le CEEP et annexé à la directive 1999/70/CE est-elle inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par les particuliers devant leurs juridictions nationales?

b) La clause 5, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu par la CES, l’UNICE et le CEEP et annexé à la directive 1999/70/CE est-elle inconditionnelle et suffisamment précise pour pouvoir être invoquée par les particuliers devant leurs juridictions nationales?

3) Eu égard aux réponses de la Cour à la première question et à la deuxième question, sous b):

la clause 5, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu par la CES, l’UNICE et le CEEP et annexé à la directive 1999/70/CE interdit-elle à un État membre agissant en qualité d’employeur de renouveler un contrat de travail à durée déterminée pour une durée allant jusqu’à huit ans durant la période postérieure à la date à laquelle ladite directive aurait dû être transposée et antérieure à l’adoption de la législation de transposition, lorsque:

– le contrat avait toujours été renouvelé jusque-là pour des périodes plus courtes, et que l’employeur a besoin des services du salarié pour une période excédant la durée de prorogation habituelle;

– le renouvellement du contrat pour cette période plus longue a pour effet d’empêcher un particulier de bénéficier pleinement de l’application de la clause 5 de l’accord-cadre lors de sa transposition en droit interne; et que

– il n’existe pas de raisons objectives étrangères au statut du salarié en tant que travailleur à durée déterminée de nature à justifier un tel renouvellement?

4) En cas de réponse négative à la première question ou à la deuxième question:

le Rights Commissioner et la Labour Court sont-ils tenus en vertu d’une disposition de droit communautaire (et en particulier de l’obligation d’interpréter le droit interne à la lumière du texte et de la finalité d’une directive, de manière à atteindre le résultat visé par celle-ci) d’interpréter les dispositions de droit interne adoptées en vue de transposer la directive 1999/70 du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée en ce sens qu’elles rétroagissent à la date à laquelle ladite directive aurait dû être transposée, lorsque:

– le libellé de la disposition de droit interne n’exclut pas expressément une telle interprétation, mais que

– une règle de droit interne régissant l’interprétation des lois exclut une telle application rétroactive à moins qu’il n’existe une indication claire et dénuée d’ambiguïté en sens contraire?

5) En cas de réponse affirmative à la première question ou à la quatrième question:

les ‘’conditions d’emploi‘’ auxquelles la clause 4 de l’accord-cadre annexé à la directive 1999/70 fait référence comprennent-elles les conditions d’un contrat de travail relatives aux rémunérations et pensions?»

39. Dans la procédure devant la Cour, ont présenté des observations écrites et orales, outre Impact et les ministères irlandais défendeurs au principal, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission des Communautés européennes. Par ailleurs, le gouvernement néerlandais a présenté des observations écrites.

V – Appréciation

A – Sur la première question: obligation d’appliquer des dispositions de droit communautaire d’effet direct en l’absence de compétence expresse

Remarque liminaire

40. Par sa première question, la Labour Court souhaiterait savoir en substance si une juridiction nationale est tenue d’appliquer des dispositions de droit communautaire d’effet direct lorsque la législation nationale ne lui a conféré aucune compétence expresse en ce sens, mais qu’elle est compétente pour appliquer une loi nationale ayant transposé ces dispositions en droit interne et que, autrement, les particuliers ne pourraient invoquer directement ces mêmes dispositions que devant d’autres juridictions nationales et à des conditions moins favorables.

41. Cette question peut sembler inhabituelle de prime abord. Pour mieux la comprendre, il est nécessaire d’avoir un aperçu du système de compétence juridictionnelle en Irlande.

42. Selon les indications de la juridiction de renvoi, la compétence des Rights Commissioners et de la Labour Court en Irlande est limitée aux pouvoirs qui leur sont conférés par la loi. Toutefois, aucun d’eux n’est expressément compétent pour statuer sur des demandes fondées sur une disposition du droit communautaire ayant un effet direct, à moins que cette disposition n’entre dans le champ d’application de la législation qui leur donne compétence.

43. C’est sur ce fondement que les ministères concernés ont contesté, en leur qualité de défendeurs au principal, la compétence de la Rights Commissioner et de la Labour Court pour statuer sur les recours formés par les demandeurs, pour autant qu’ils sont directement fondés sur la directive 1999/70.

44. Cette question de compétence revêt une importance pratique pour la période antérieure au 14 juillet 2003, où la directive 1999/70 n’avait pas encore été transposée en droit irlandais. Or, c’est précisément pour cette période que les demandeurs invoquent directement cette directive et l’accord-cadre qui y est annexé.

L’autonomie procédurale des États membres et ses limites

45. Ni la directive 1999/70 ni l’accord-cadre ne contiennent de règles de compétence propres qui permettent de trancher des litiges relatifs à des prétentions découlant de ces textes. Au contraire, la clause 8, point 5, de l’accord-cadre fait expressément référence, à cet égard, à la législation, aux conventions collectives et aux pratiques nationales.

46. Il s’ensuit que, pour répondre à la question posée à la Cour, il convient de prendre comme point de départ le principe de l’ autonomie procédurale des États membres (15) : selon une jurisprudence constante, en l’absence d’une réglementation communautaire, c’est à l’ordre juridique interne de chaque État membre qu’il appartient de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la pleine sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (16) .

47. Aux fins de cette autonomie procédurale, il n’appartient pas à la Cour d’intervenir dans la solution des problèmes de compétence que peut soulever, sur le plan de l’organisation judiciaire nationale, la qualification de certaines situations juridiques fondées sur le droit communautaire (17) .

48. Toutefois, il découle de l’obligation de loyauté communautaire (article 10 CE) que les États membres – y compris les juridictions nationales – sont tenus d’assurer, dans le cadre de leur autonomie procédurale, la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (18) ; c’est aux États membres qu’il appartient d’assurer, dans chaque cas , une protection effective de ces droits (19) .

49. Ces règles sont l’expression du principe de protection juridictionnelle effective, lequel constitue, en vertu d’une jurisprudence constante, un principe général du droit communautaire qui fait partie intégrante des droits fondamentaux protégés par la Communauté (20), et qui, à ce titre, doit être respecté également par les États membres dans le domaine d’application du droit communautaire (21) .

50. Cependant, pour protéger efficacement, dans chaque cas, les droits individuels conférés par le droit communautaire, il faut garantir aux particuliers un accès approprié aux juridictions nationales. Cet accès est déterminé principalement par les règles régissant la compétence juridictionnelle ainsi que par les modalités procédurales régissant les différentes voies de recours disponibles. À cet égard, il n’existe aucune différence substantielle entre règles de compétence et règles de procédure: une organisation défavorable de la procédure peut en effet entraver aussi gravement l’accès des particuliers aux juridictions nationales que des règles de compétence défavorables.

51. Tant les règles de compétence que les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ( principe de l’équivalence ) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire ( principe de l’effectivité ) (22) .

52. C’est sur la base de ces critères d’équivalence et d’effectivité qu’il convient de vérifier s’il est compatible avec le droit communautaire, dans une affaire telle que celle en cause en l’espèce, d’écarter la compétence de la juridiction irlandaise du travail (qui est composée des Rights Commissioners et de la Labour Court) pour se prononcer sur les demandes fondées directement sur la directive 1999/70 et sur l’accord-cadre et afférentes à la période antérieure au 14 juillet 2003, et de renvoyer les demandeurs devant les juridictions irlandaises ordinaires pour obtenir gain de cause.

53. À cet égard, il appartient à la juridiction de renvoi, qui seule a une connaissance directe des modalités procédurales applicables aux actions en justice du droit interne, de vérifier si dans l’affaire en cause les principes d’équivalence et d’effectivité ont été respectés. Toutefois, aux fins de l’appréciation à laquelle la juridiction de renvoi devra procéder, la Cour peut lui fournir les indications nécessaires quant aux règles qu’impose le droit communautaire (23) .

Le principe d’effectivité

54. Il convient de vérifier d’abord, au regard du principe d’effectivité, si l’exercice des droits découlant pour les demandeurs de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre ne serait pas impossible en pratique ou excessivement difficile si, pour la période antérieure au 14 juillet 2003, l’accès à la juridiction irlandaise du travail leur était refusé et qu’on les invite à utiliser les voies de droit devant les juridictions irlandaises ordinaires.

55. Le seul fait que dans un État membre certaines actions ne puissent être intentées devant toutes les juridictions nationales, mais soient réservées à une juridiction déterminée, ne constitue pas en soi de violation du principe d’effectivité. Au contraire, une certaine spécialisation au sein du système juridictionnel peut correspondre à un besoin légitime; elle contribue à une organisation optimale de l’administration de la justice et se manifeste dans de nombreux États membres sous les formes les plus diverses.

56. Pour autant que l’on puisse voir, les justiciables auraient en tout cas la faculté d’invoquer directement, en principe, les dispositions de la directive 1999/70 ou de l’accord-cadre devant les juridictions ordinaires irlandaises. En effet, d’après les indications de la juridiction de renvoi, les demandeurs pourraient poursuivre l’État irlandais, en sa qualité d’employeur, devant ces juridictions et solliciter ainsi directement la protection juridictionnelle en raison de la violation alléguée des droits que leur confère la directive (24) ; leurs droits ne se résumeraient nullement à une protection juridictionnelle subsidiaire sous forme d’actions en dommages et intérêts contre l’État irlandais pour transposition tardive de la directive 1999/70 (25) .

57. Cependant, la présente affaire a ceci de particulier que les demandeurs font valoir leurs prétentions fondées sur le droit communautaire à l’égard de leur employeur tant pour la période antérieure au 14 juillet 2003 – c'est-à-dire avant la transposition de la directive 1999/70 en droit irlandais – que pour la période postérieure à cette date.

58. Certes, les demandeurs font découler leurs prétentions au titre de la période antérieure au 14 juillet 2003 directement de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre, alors que, pour la période postérieure à cette date, ils se fondent sur la loi de 2003 adoptée en vue de transposer la directive. Toutefois, indépendamment de ces bases juridiques formellement distinctes, ils revendiquent, aussi bien pour la période antérieure au 14 juillet 2003 que pour la période postérieure à cette date, la même protection en tant que salariés à durée déterminée, protection qui, en dernière analyse, demeure fondée sur la directive 1999/70.

59. Si les demandeurs ne pouvaient invoquer directement la directive 1999/70 pour la période antérieure à sa transposition que devant les tribunaux irlandais ordinaires, à exclusion de la juridiction irlandaise du travail, ils seraient obligés en pratique d’engager deux procédures parallèles pour obtenir la protection à laquelle ils peuvent prétendre en vertu du droit communautaire: une première procédure devant les juridictions ordinaires pour la période précédant la transposition – tardive – de la directive en droit irlandais, suivie d’une deuxième procédure devant la juridiction du travail pour la période ultérieure.

60. Les ministères irlandais défendeurs objectent que les demandeurs auraient pu éviter une telle double contrainte si, d’emblée, ils n'avaient saisi que les juridictions irlandaises ordinaires. Ils prétendent que les compétences de la juridiction irlandaise du travail sont facultatives (26), de sorte que les demandeurs n'étaient pas tenus de s'adresser à la Rights Commissioner et à la Labour Court pour la période à compter du 14 juillet 2003. Au contraire, ils auraient pu faire valoir toutes leurs prétentions devant les juridictions irlandaises ordinaires, qu'elles portent sur la période antérieure ou sur la période postérieure au 14 juillet 2003.

61. À l’audience, Impact s’est fermement opposé à ces dernières déclarations. Il estime qu'en vertu de la loi de 2003 la compétence de la juridiction irlandaise du travail revêt un caractère obligatoire. À ce jour en tout cas, la saisine des tribunaux ordinaires dans des litiges en matière d'emploi à durée déterminée n'aurait eu aucune importance pratique.

62. Il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur ce différend relatif à l’interprétation du droit interne. En effet, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions communautaires et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi (27) . En l’espèce, l’ordonnance de renvoi laisse entendre que la loi de 2003 confère un caractère obligatoire à la compétence de la juridiction irlandaise du travail (28) .

63. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les demandeurs devraient effectivement intenter deux procès devant des juridictions différentes pour bénéficier pleinement de la protection à laquelle ils ont droit en vertu de la directive 1999/70 et de l'accord-cadre en leur qualité de salariés à durée déterminée. Une telle double contrainte, comportant deux procès, avec les particularités et les risques qui s’y attachent, rendrait excessivement difficile pour les demandeurs la mise en œuvre effective de la protection que leur garantit le droit communautaire en tant que salariés à durée déterminée. Une telle situation n’est pas compatible avec le principe d’effectivité.

64. Toutefois, même si la compétence de la juridiction irlandaise du travail devait n'être que facultative, il faudrait en tout cas prendre en considération la circonstance qu'il s'agit là de la juridiction spécialisée à laquelle le législateur irlandais a précisément confié, lors de la transposition de la directive 1999/70, la tâche de résoudre les litiges suscités par les relations de travail à durée déterminée. La saisine d'une telle juridiction spécialisée doit permettre une mise en œuvre complète de la protection que ladite directive confère aux salariés à durée déterminée. En substance, il s'agit toujours de la même protection, qu'elle découle directement ou seulement indirectement – par le biais de la loi nationale de transposition – de la directive (29) .

65. Une séparation des compétences juridictionnelles aux fins de l’application de la directive, d’une part, et de sa loi nationale de transposition, d’autre part, rendrait sensiblement plus difficile, pour les salariés concernés, la mise en œuvre effective de la protection prescrite par le droit communautaire. L’effet direct du droit communautaire, qui, en cas de carence des autorités nationales, contribue à la réalisation effective des droits des particuliers découlant du droit communautaire (30), en serait lui aussi amoindri.

66. Le principe d'effectivité exige que, devant un tribunal à qui il incombe d'appliquer les dispositions nationales de transposition d’une directive, on puisse obtenir également l’exécution des droits découlant directement de cette directive pour des périodes antérieures à sa transposition.

Le principe d’équivalence

67. Le principe d’équivalence est une manifestation du principe général d’égalité de traitement et de non-discrimination qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (31) .

68. Ainsi que nous l’avons déjà exposé, les recours formés par les demandeurs devant la juridiction irlandaise du travail visent à mettre en œuvre la protection que leur garantit le droit communautaire en leur qualité de salariés à durée déterminée (32) . Comme nous l’avons déjà mentionné, il s’agit, aussi bien pour la période antérieure au 14 juillet 2003 que pour la période postérieure à cette date, de la même protection, qui repose en dernière analyse sur la directive 1999/70, qu'elle découle directement ou seulement indirectement – par le biais de la loi nationale de transposition – de ladite directive.

69. Par conséquent, si, pour obtenir la reconnaissance d’une partie de leurs droits – c'est-à-dire les droits relatifs à la période antérieure au 14 juillet 2003 –, les demandeurs sont obligés d’introduire des actions devant les juridictions ordinaires contre leur employeur, il y a lieu justement – et contrairement à la thèse des ministères défendeurs – de vérifier si de telles actions sont équivalentes aux voies de recours qui doivent être formées devant la juridiction du travail. En effet, les voies de recours en question visent toutes deux à mettre en œuvre la même protection, découlant de la directive 1999/70, pour les salariés à durée déterminée, et le principe d'équivalence commande que les conditions d'un recours fondé directement sur la directive ne soient pas moins favorables que les conditions d'un recours fondé sur la loi nationale de transposition.

70. À cet effet, la juridiction de renvoi doit examiner tant l’objet que les caractéristiques essentielles des recours prétendument similaires prévus par la législation nationale; elle doit replacer les modalités procédurales respectives dans leur contexte global, c'est-à-dire tenir compte de la place des dispositions applicables dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités devant les diverses instances nationales (33) .

71. Il y a par exemple violation du principe d’équivalence lorsqu’un justiciable qui invoque un droit qui lui a été conféré par l’ordre juridique communautaire s’expose à des frais et à des délais supplémentaires par rapport à ce qui lui serait imposé s’il se contentait de faire valoir une prétention fondée sur le droit interne (34) .

72. D’après les indications contenues dans l’ordonnance de renvoi, il existe dans la présente affaire des différences nettes entre les recours que des salariés à durée déterminée tels que les demandeurs peuvent former auprès d’un Rights Commissioner et de la Labour Court, d’une part, et les tribunaux irlandais ordinaires, d’autre part, à l’encontre de leur employeur.

73. Ainsi, la juridiction de renvoi présente les procédures devant les tribunaux irlandais ordinaires comme étant sensiblement plus formalistes, plus complexes, plus coûteuses et plus longues. Ces procédures donnent lieu à la perception de frais de justice, la partie qui succombe peut être condamnée aux dépens et les parties ne peuvent être représentées ni par des syndicats ni par des associations patronales, mais exclusivement par des avocats (35) . Au contraire, la saisine du Rights Commissioner et de la Labour Court est régie par une procédure plus simple, dans laquelle les parties peuvent se faire représenter par une personne de leur choix, en particulier par un syndicat ou par une association patronale; de plus, il n’y a ni dépens ni frais de justice.

74. Certes, les ministères irlandais défendeurs ont partiellement contesté devant la Cour cette présentation et appréciation des règles procédurales irlandaises. Sur ce point toutefois, il suffit de relever qu’il n’appartient pas à la Cour de juger, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, si l’interprétation que la juridiction de renvoi donne des dispositions de droit national est correcte (36) . Au contraire, il incombe à la Cour de prendre en compte, dans le cadre de la répartition des compétences entre les juridictions communautaires et nationales, le contexte factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions préjudicielles, tel que défini par la décision de renvoi (37) .

75. Au vu de l’exposé de la juridiction de renvoi, les voies de recours devant les juridictions irlandaises ordinaires qui s’offrent au demandeur dans la présente affaire apparaissent globalement moins avantageuses que celles que l’on peut former devant le Rights Commissioner et la Labour Court. En particulier, elles impliquent pour les personnes se trouvant dans la situation des demandeurs un risque financier plus élevé et ne leur permettent pas de se faire représenter en justic e par des syndicats.

76. Par conséquent, les intéressés seraient traités plus défavorablement lorsqu’ils font valoir des prétentions fondées directement sur le droit communautaire pour la période antérieure à la date de transposition de la directive 1999/70 que lorsqu’ils font valoir des prétentions fondées sur la loi irlandaise de transposition pour la période postérieure à cette date.

77. Dans la mesure où l'on considère la compétence de la juridiction irlandaise du travail comme étant obligatoire pour la période à compter du 14 juillet 2003, on peut voir également un traitement plus défavorable de salariés tels que les demandeurs dans le fait que – ainsi que nous l’avons déjà mentionné dans un autre contexte (38) – ils seraient obligés en pratique d’engager deux procédures parallèles pour obtenir la protection à laquelle ils peuvent prétendre en vertu du droit communautaire: une première procédure devant les juridictions ordinaires pour la période précédant la transposition de la directive 1999/70 en droit irlandais, et une seconde devant la juridiction du travail pour la période ultérieure. Si en revanche ils fondaient leurs demandes uniquement sur la loi de 2003, à l’exclusion du droit communautaire, un seul procès serait nécessaire, pour lequel la voie de recours devant la juridiction irlandaise du travail se trouverait en tout état de cause ouverte.

78. Le traitement plus défavorable aux demandeurs ne saurait être justifié au motif qu’il n’existait pas, avant le 14 juillet 2003, de loi irlandaise de transposition de la directive 1999/70 qui aurait pu donner compétence à la juridiction du travail. En effet, un État membre ne peut opposer aux particuliers sa défaillance lors de la transposition d’une directive en droit interne (39) .

79. Par conséquent, constituerait une violation du principe d’équivalence le fait de dénier aux demandeurs, pour la période antérieure au 14 juillet 2003, l’accès à la juridiction irlandaise du travail et de les renvoyer devant les juridictions irlandaises ordinaires.

Conséquences juridiques

80. Au vu des considérations qui précèdent, il y aurait donc violation tant du principe d’effectivité que du principe d’équivalence si des salariés tels que les demandeurs étaient renvoyés devant les tribunaux irlandais ordinaires pour la période antérieure au 14 juillet 2003 et que l’accès à la juridiction du travail irlandaise leur soit dénié.

81. Il découle de l’obligation de loyauté communautaire (article 10 CE) que la juridiction de renvoi doit interpréter les dispositions relatives à sa propre compétence ainsi que les modalités procédurales applicables aux recours dont elle est saisie, de manière à garantir, dans toute la mesure du possible, une protection juridictionnelle effective des droits que les particuliers tirent de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre (40) .

82. Ainsi qu’il ressort de l’ordonnance de renvoi, la Labour Court estime que la présente affaire se prête à une telle interprétation conforme au droit communautaire de sa compétence qui lui permettrait de se déclarer compétente non seulement pour la période à compter du 14 juillet 2003, mais également pour la période antérieure à cette date, et de mettre ainsi en œuvre les dispositions d’effet direct de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre.

83. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi est tenue, conformément aux principes d’équivalence et d’effectivité, d’appliquer, dans le litige au principal, les dispositions d’effet direct de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre, afin d’assurer, dans chaque cas, une protection effective des droits individuels découlant de ces dispositions (41) .

Conclusion intermédiaire

84. En conséquence, la conclusion intermédiaire suivante s’impose:

En vertu des principes d’équivalence et d’effectivité, une juridiction nationale est tenue d’appliquer des dispositions de droit communautaire d’effet direct, bien que la législation nationale ne lui ait conféré aucune compétence expresse en ce sens, mais qu’elle est compétente pour appliquer une loi nationale postérieure ayant transposé ces dispositions en droit interne et que, par ailleurs, les particuliers ne peuvent invoquer directement ces mêmes dispositions, pour la période antérieure à l’adoption de la loi nationale de transposition, que devant d’autres juridictions nationales et à des conditions moins favorables.

B – Sur la deuxième question: examen de l’effet direct des clauses 4 et 5 de l’accord-cadre

85. La deuxième question n’est posée que dans l’hypothèse où, ainsi que nous l’avons proposé (42), il est répondu affirmativement à la première question. Par cette deuxième question, la juridiction de renvoi souhaiterait savoir si les clauses 4, points 1, et 5, point 1, de l’accord-cadre sont directement applicables, de sorte que les particuliers puissent invoquer ces dispositions en justice.

86. Il est de jurisprudence constante que les dispositions des directives peuvent produire des effets directs (43) : dans tous les cas où des dispositions d’une directive apparaissent comme étant, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, ces dispositions peuvent être invoquées, à défaut de mesures d’application prises dans les délais, à l’encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive, ou encore en tant qu’elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l’égard de l’État (44) . Les dispositions d’effet direct des directives peuvent également être invoquées à l’encontre de l’État en sa qualité d’employeur (45) .

87. Cette jurisprudence peut être transposée purement et simplement aux accords-cadres. En effet, même si leur contenu est négocié entre les partenaires sociaux au niveau communautaire (article 139, paragraphe 1, CE), ils ne font pas moins partie intégrante des directives adoptées par le Conseil pour les mettre en œuvre (article 139, paragraphe 2, CE lu en combinaison avec l’article 137 CE) et ont la même nature juridique que lesdites directives.

88. Si la Cour a déjà eu l’occasion d’interpréter les dispositions de l’accord-cadre en cause en l’espèce (46), elle n’a toutefois pas encore eu l’occasion de se prononcer sur leur applicabilité directe (47) .

Sur la première branche de la deuxième question: la clause 4 de l’accord-cadre

89. La première branche de la deuxième question [deuxième question, sous a)] est consacrée à l’effet direct de la clause 4, point 1, de l’accord-cadre. Cette disposition énonce le principe de non-discrimination des travailleurs à durée déterminée.

90. Les interdictions de discrimination constituent l’une des hypothèses classiques de l’application de l’effet direct du droit communautaire. Il en est ainsi non seulement des interdictions de discrimination contenues dans le droit primaire – en particulier dans les libertés fondamentales et dans des dispositions telles que l’article 141 CE –  (48), mais également des interdictions de discrimination que le législateur communautaire a édictées en droit dérivé, notamment dans certaines directives de droit social (49) .

91. Les ministères irlandais défendeurs n’en contestent pas moins, dans la présente affaire, l’effet direct de l’interdiction de la discrimination à l’encontre des salariés à durée déterminée. Premièrement, ils estiment que le contenu de cette interdiction est trop imprécis; cela résulterait par exemple de l’emploi de notions juridiques floues et de la référence au principe du prorata temporis dans la clause 4, point 2, de l’accord-cadre. Deuxièmement, ils invoquent la clause 4, point 3, pour soutenir que l’interdiction de discrimination n’est pas inconditionnelle, dans la mesure où ses modalités d’application n’ont pas encore été arrêtées par les États membres.

92. Aucun de ces deux arguments ne nous convainc.

93. Pour ce qui est, tout d’abord, de la clause 4, point 3, de l’accord-cadre, les «modalités» que les États membres doivent définir ne sont nullement une condition d’application du principe de non-discrimination. Nous partageons le point de vue de la juridiction de renvoi selon lequel ces modalités d’application visent uniquement à faciliter la mise en œuvre de l’interdiction de discrimination et sa réalisation concrète dans la vie quotidienne au travail (50) .

94. Si de telles modalités d’application peuvent être de nature procédurale, elles peuvent également contenir des dispositions de fond ou des lignes directrices qui tirent les conséquences pratiques de l’interdiction de discrimination ou qui en illustrent les effets, éventuellement à l’aide d’exemples types, de manière à prendre en compte la situation dans chaque État membre et les circonstances spécifiques de secteurs et d’occupations particuliers (51), aussi bien dans la législation nationale que dans les conventions collectives.

95. On ne saurait conclure du seul fait que de telles modalités d’application doivent être définies que l’interdiction de discrimination est conditionnelle et que les particuliers ne pourraient pas l’invoquer en l’absence desdites modalités (52) . Au contraire, si l’on n’a pas arrêté de modalités d’application, la protection minimale dont doivent bénéficier les salariés à durée déterminée découle de l’accord-cadre lui-même.

96. De manière générale, on ne saurait écarter l’effet direct d’une disposition d’une directive du seul fait que cette directive laisse aux États membres une certaine marge de manœuvre quant à sa mise en œuvre (53) . En réalité, une telle marge est dans la nature de la directive, laquelle, conformément à l’article 249, troisième alinéa, CE, n’est obligatoire que par rapport au résultat à atteindre, mais laisse aux instances nationales le choix de la forme et des moyens. C’est pourquoi le critère décisif permettant de dire que la disposition en cause dans une affaire donnée est directement applicable réside dans la question de savoir si son contenu est suffisamment précis (54) et si elle peut être appliquée par n’importe quel tribunal (55) .

97. Tel est le cas en l’espèce. L’interdiction de discrimination prévue dans la clause 4, point 1, de l’accord-cadre est l’expression du principe général d’égalité de traitement et de non-discrimination, et vise à préserver les salariés sous contrat à durée déterminée de conditions d’emploi plus défavorables que celles consenties à des salariés permanents comparables. L’application de telles prescriptions à chaque cas particulier constitue l’une des missions classiques des tribunaux dans le domaine d’application du droit communautaire.

98. La circonstance qu’une disposition de droit communautaire telle que l’interdiction de discrimination en cause en l’espèce soit qualifiée de «principe» et que l’on y emploie des notions juridiques vagues comme «conditions de travail» ou «conditions d’emploi» n’implique pas, à elle seule, que le contenu de cette disposition manque de précision et que, par conséquent, elle soit dépourvue d’effet direct (56) . Au contraire, les doutes que pourrait susciter l’interprétation de telles notions peuvent être résolus par la procédure de renvoi préjudiciel (57) .

99. La référence, dans la présente affaire, à des «raisons objectives» pouvant justifier un traitement différent des salariés à durée déterminée et des salariés permanents comparables (voir clause 4, point 1, de l’accord-cadre) n’exclut pas non plus l’effet direct de l’interdiction de discrimination. Au contraire, il est de jurisprudence constante que la seule possibilité de déroger à des dispositions d’une directive dans des cas exceptionnels ne saurait priver ces dispositions d’effet direct (58) .

100. La possibilité d’une différenciation fondée sur des raisons objectives est reconnue pour toutes les interdictions de discrimination prévues par le droit communautaire (59) . Le fait que cette possibilité soit expressément mentionnée dans l’accord-cadre n’est qu’une précision déclaratoire qui énonce une évidence et n’altère en rien le contenu clair de l’ interdiction de discrimination.

101. La référence au principe du prorata temporis remplit une fonction de clarification similaire, la clause 4, point 2, de l’accord-cadre ajoutant la précision suivante: «Lorsque c’est approprié». Elle aussi se borne à exprimer, en fin de compte, les conséquences générales découlant du principe de non-discrimination: les avantages consentis en matière de conditions d’emploi à des salariés permanents comparables ne peuvent être refusés sans raison objective aux salariés à durée déterminée. Or, la durée limitée passée par les salariés à durée déterminée au service de leur employeur peut constituer précisément une telle raison objective de ne leur accorder certains avantages que partiellement (prorata temporis), et non dans leur intégralité (60) . Le point de savoir si et quand tel est le cas relève de l’appréciation des circonstances concrètes de chaque espèce. En tout état de cause, la référence au principe du prorata temporis non plus ne modifie en rien le contenu clair de l’interdiction de non-discrimination.

102. En conséquence, le principe de non-discrimination énoncé dans la clause 4, point 1, de l’accord-cadre remplit dans l’ensemble toutes les conditions de son applicabilité directe.

103. Cependant, lorsqu’elle appliquera le principe de non-discrimination, la juridiction de renvoi devra s’assurer que les agents titulaires employés dans le service public en Irlande peuvent véritablement être considérés comme des salariés permanents comparables à des agents non titulaires engagés à durée déterminée tels que les demandeurs. La réponse à cette question dépend d’une appréciation globale de l’ensemble des ci rconstances de l’espèce. À cet égard, nous nous contenterons d’observer en passant que les juridictions communautaires par exemple ont écarté, dans le domaine de la fonction publique européenne, la comparabilité entre fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes (61) .

104. Dans un souci d’exhaustivité, il nous faut encore préciser les conséquences juridiques d’une éventuelle violation du principe de non-discrimination: en vertu d’une jurisprudence constante, tant que des mesures rétablissant l’égalité de traitement n’ont pas été adoptées, les mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée doivent être accordés aux personnes de la catégorie défavorisée; le juge national est tenu d’écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par le législateur, et d’appliquer aux membres du groupe défavorisé le même régime que celui dont bénéficient les personnes de l’autre catégorie (62) . 

Sur la seconde branche de la deuxième question: la clause 5 de l’accord-cadre

105. Par la seconde branche de sa deuxième question [deuxième question, sous b)], la Labour Court souhaite savoir si la clause 5, point 1, de l’accord-cadre est d’effet direct. Cette disposition oblige les États membres à arrêter une ou plusieurs des mesures qu’elle énumère afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs.

106. Tant Impact que la Commission estiment que la clause 5, point 1, de l’accord-cadre est directement applicable. Cependant, si Impact considère sans restrictions que cette disposition est d’effet direct, la Commission se montre plus réservée: la clause 5, point 1, n’aurait d’effet direct que pour autant que le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée est subordonné à l’existence d’une raison objective; il en serait ainsi en tout cas lorsque l’État membre concerné n’a pas introduit, durant la période de transposition, d’autres mesures compatibles avec la clause 5, point 1.

107. En revanche, tant les ministères irlandais défendeurs que la juridiction de renvoi excluent de manière générale tout effet direct, en faisant valoir que cette disposition laisse aux États membres une large marge d’appréciation.

108. Nous disons d’emblée que c’est cette dernière conception qui a notre préférence.

109. Certes, l’accord-cadre part de la prémisse selon laquelle des contrats de travail stables constituent un élément majeur de la protection des travailleurs alors que le recours répété aux contrats à durée déterminée est considéré comme une source potentielle d’abus au détriment des travailleurs, en contribuant à une précarisation de leur situation (63) . C’est la raison pour laquelle les partenaires sociaux ont voulu «établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs» (64) .

110. Toutefois, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre n’impose aux États membres, à cet effet, que l’obligation très générale d’introduire une ou plusieurs des mesures suivantes dans leur législation nationale, dans la mesure où celle-ci ne comporte pas encore de mesures légales équivalentes:

– des raisons objectives justifiant le renouvellement de contrats ou de relations de travail à durée déterminée [clause 5, point 1, sous a];

– la fixation de la durée maximale totale de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs [clause 5, point 1, sous b];

– la fixation du nombre de renouvellements de contrats ou de relations de travail à durée déterminée [clause 5, point 1, sous c].

111. Il s’ensuit que, si les États membres sont tenus d’introduire de manière effective et contraignante dans leur législation nationale au moins l’une des mesures visant à prévenir les abus, énumérées à la clause 5, point 1, sous a) à c)  (65), l’accord-cadre ne détermine pas précisément laquelle. Au contraire, il laisse les États membres libres de choisir entre les trois types de mesures, qui sont sur un pied d’égalité, à charge pour eux d’en transposer une ou plusieurs – à leur guise – dans leur droit interne, et ce de manière effective et en conformité avec l’objectif de la directive (66), afin de prendre en compte la situation dans chaque État membre et les circonstances de secteurs et d’occupations particuliers (67) .

112. C’est pourquoi un État membre ne doit pas nécessairement prendre la première des trois mesures qui s’offrent à lui. Rien ne l’empêche de fixer la durée maximale totale de contrats de travail à durée déterminée successifs ou le nombre maximal de renouvellements de tels contrats en vue de prévenir les abus plutôt que de définir des raisons objectives.

113. Le fait que l’État membre concerné n’ait adopté aucune des deux autres mesures concevables n’implique pas davantage que ses possibilités de choix se limitent nécessairement à la première mesure après l’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70. À l’expiration de ce délai, on peut seulement constater que cet État membre a manqué à son obligation de transposition. Toutefois, comme il n’existe aucun ordre de priorité entre les trois mesures que prévoit la clause 5, point 1, sous a) à c), de l’accord-cadre, on ne saurait déduire de la seule non-transposition de la directive par l’État membre que cette disposition ou certains de ses éléments sont directement applicables.

114. Contrairement à ce que pense la Commission, l’exigence d’une raison objective pour le renouvellement de contrats à durée déterminée ne constitue pas non plus une sorte de plus petit dénominateur commun, un contenu minimal que l’on pourrait extraire de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre en cas de transposition déficiente de la directive.

115. En effet, seule la première des trois mesures envisageables conduit véritablement, si elle est introduite dans la législation nationale, à exiger des raisons objectives pour renouveler des contrats ou des relations de travail à durée déterminée. Les deux autres mesures en revanche ne sont pas nécessairement soumises à une telle exigence de justification. En effet, tant que la durée maximale totale ou le nombre total de renouvellements – fixés conformément à la directive – ne sont pas dépassés, une relation de travail à durée déterminée peut être renouvelée même en l’absence de raison objective sans que l’accord-cadre s’y oppose.

116. Certes, le point 7 des considérations générales de l’accord-cadre insiste spécialement sur le fait que l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée basée sur des raisons objectives (68) est un moyen de prévenir les abus. Cela ne signifie pas pour autant que les contrats de travail à durée déterminée ne sont licites que s’il existe des raisons objectives permettant d’en limiter la durée, et que, en l’absence de telles raisons, ils doivent être automatiquement réputés abusifs. Dans une telle hypothèse en effet, les mesures énoncées dans la clause 5, point 1, sous b) et c), de l’accord-cadre seraient superflues.

117. Nous ajouterons que le caractère dérogatoire des contrats de travail à durée déterminée (69) ne modifie en rien non plus la conclusion susmentionnée. Il est vrai que l’accord-cadre part indiscutablement de la prémisse selon laquelle les contrats de travail à durée indéterminée sont la forme générale de relations de travail (70) et que «ce n’est que dans certaines circonstances», comme le souligne la Cour, que des contrats de travail à durée déterminée répondent aux besoins des employeurs et des travailleurs (71) . Cependant, cela ne signifie pas qu’une raison objective soit toujours nécessaire pour conclure ou renouveler des contrats à durée déterminée. Les États membres peuvent également signifier d’une autre manière le caractère dérogatoire des contrats de travail à durée déterminée, notamment en fixant une durée maximale totale [clause 5, point 1, sous b)] ou un nombre maximal de renouvellements [clause 5, point 1, sous c)].

118. De manière générale, la présente affaire ne ressemble donc pas tant à l’affaire Francovich e.a., citée par la Commission – un contenu minimal quant à l’étendue de la protection se dégageait en tout cas de la directive en cause dans cette affaire (72) – qu’à l’affaire Von Colson, citée par la juridiction de renvoi, dans laquelle les États membres n’étaient tenus d’adopter aucune mesure particulière et disposaient en outre d’une large marge d’appréciation quant à la nature des mesures à prendre (73) .

119. Il s’ensuit qu’en somme la clause 5, point 1, de l’accord-cadre ne remplit pas les conditions de son applicabilité directe.

120. Si en revanche on retenait l’applicabilité directe de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre selon les modalités proposées par la Commission, il faudrait s’assurer que la protection des salariés concernés est dûment prise en compte. S'il est vrai que l'accord-cadre ne contient aucune disposition générale qui oblige les États membres à prévoir la conversion de contrats de travail à durée déterminée en contrats à durée indéterminée (74), il ne serait pas moins contraire à sa finalité protectrice que les salariés concernés perdent immédiatement leur emploi, simplement parce que leurs contrats de travail comportent une limitation de durée illégale. 

121. Indépendamment de la question de savoir si les particuliers peuvent invoquer directement la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, l’État membre défaillant peut toutefois, conformément à l’arrêt Francovich e.a. et aux conditions qui y sont énoncées, être tenu de réparer les dommages causés aux citoyens par une transposition incorrecte de la directive 1999/70 (75) .

C – Sur la troisième question: les règles de droit communautaire applicables au renouvellement de contrats de travail à durée déterminée après l’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70, mais avant l’entrée en vigueur de la loi nationale de transposition

122. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi aimerait savoir si la clause 5, point 1, de l’accord-cadre permet à un État membre agissant en qualité d’employeur de renouveler des contrats de travail à durée déterminée existants pour des durées déterminées relativement longues – en l’occurrence jusqu’à huit ans – durant la période comprise entre l’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70 et l’entrée en vigueur de la loi nationale de transposition.

123. Cette question a pour toile de fond la crainte que le renouvellement de leurs contrats de travail pour des durées aussi longues peu avant l’entrée en vigueur de la loi irlandaise de transposition ne prive les salariés concernés de la protection de la loi de 2003 et de l’accord-cadre.

124. La juridiction de renvoi demande à la Cour d’examiner cette question «eu égard» à ses réponses aux première et deuxième questions, sous b). Par conséquent, nous fondons les considérations suivantes sur la prémisse selon laquelle la clause 5, point 1, de l’accord-cadre n’est pas directement applicable, ainsi que nous l’avons expliqué plus haut (76) .

125. Dès lors que l’applicabilité directe de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre est exclue, elle ne saurait en tant que telle être opposée au renouvellement, pour des durées pouvant atteindre huit ans, des contrats de travail à durée déterminée en cause en l’espèce.

126. Il n’en va pas autrement si l’on prend en considération l’interdiction de contrecarrer les objectifs d’une directive («Frustrationsverbot»), évoquée tant par la juridiction de renvoi que par Impact.

127. Certes, toutes les autorités nationales sont tenues de contribuer à la réalisation du but poursuivi par une directive. Cette obligation découle des articles 10 CE et 249, troisième alinéa, CE, lus en combinaison avec la directive 1999/70 elle-même (77) . C’est la raison pour laquelle les États membres sont tenus, pendant le délai de transposition d’une directive déjà, de s’abstenir de toute mesure de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive (78) . Il doit en être ainsi a fortiori après l’expiration du délai de transposition, lorsque toutes les autorités publiques ont l’obligation positive – qui va au-delà de la simple interdiction de contrecarrer les objectifs d’une directive – de promouvoir activement la réalisation de cet objectif.

128. Toutefois, l’accord-cadre a uniquement pour objet de créer un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs [voir clause 1, sous b), et clause 5, point 1, de l’accord-cadre].

129. Le ministère des Affaires étrangères irlandais n’a pu, en sa qualité d’employeur public, porter atteinte à cet objectif du seul fait qu’il a renouvelé une fois encore, pour des durées déterminées, même relativement longues, des relations de travail individuelles à durée déterminée peu avant l’entrée en vigueur de la loi nationale de transposition.

130. Il est vrai que les mesures que les États membres doivent prendre en application de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre ont en définitive pour objet de prévenir de manière effective les abus également dans chaque cas particulier (79) . Toutefois, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre ne vise pas à créer, indépendamment des mesures prévues aux points a) à c) de la disposition précitée, une interdiction individuelle des abus. Par conséquent, une telle interdiction ne peut pas non plus être déduite de l’accord-cadre sur le fondement de l’interdiction de contrecarrer les objectifs d’une directive ou de l’obligation de coopération qui incombe aux autorités nationales (article 10 CE lu en combinaison avec l’article 249, troisième alinéa, CE).

131. Au cas où l’on entendrait vérifier, avant la transposition correcte de la directive 1999/70 en droit interne, si, dans chaque cas, le renouvellement de contrats de travail à durée déterminée existants dans le secteur public est abusif, cela déboucherait en réalité sur une application directe de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, alors que les conditions n’en sont pas remplies, ainsi que nous l’avons démontré (80) .

132. En résumé:

Les articles 10 CE et 249, troisième alinéa, CE lus en combinaison avec la clause 5, point 1, de l’accord-cadre n’interdisent pas à un État membre agissant en qualité d’employeur de renouveler des contrats de travail ind ividuels à durée déterminée pour des durées relativement longues pendant la période comprise entre l’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70 et sa transposition effective en droit interne.

D – Sur la quatrième question: interprétation conforme à la directive de la législation nationale

133. Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande en substance si une juridiction nationale est tenue, en vertu de son obligation d’interpréter le droit interne en conformité avec une directive, d’interpréter la loi nationale, adoptée tardivement, de transposition d’une directive en ce sens qu’elle rétroagit à la date d’expiration du délai de transposition.

134. Cette question n’est posée que dans l’hypothèse où il est répondu négativement à la première ou à la deuxième question. En outre, il résulte des motifs de son ordonnance que seule importe à la juridiction de renvoi une éventuelle rétroactivité de l’article 6 de la loi de 2003, qui transpose en droit irlandais le principe de non-discrimination des salariés à durée déterminée.

135. Comme nous proposons de répondre affirmativement non seulement à la première, mais également à la deuxième question, du moins pour autant qu’elle concerne le principe de non-discrimination [deuxième question, sous a)] (81), il n’y a pas lieu d’examiner la quatrième question. Ce n’est donc qu’à titre subsidiaire que nous présentons les observations suivantes.

136. En vertu d’une jurisprudence constante, lorsqu’elles appliquent le droit interne, les juridictions nationales sont tenues de l’interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, se conformer à l’article 249, troisième alinéa, CE (82) .

137. À cet égard, le principe d’interprétation conforme requiert que les juridictions nationales fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, aux fins de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (83) . À cet effet, elles doivent utiliser pleinement la marge d’appréciation qui leur est accordée par le droit national (84) .

138. Certes, l’obligation d’interprétation conforme trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité; elle ne peut pas servir non plus de fondement à une interprétation contra legem du droit national (85) .

139. Il nous semble que, dans un cas tel que celui en cause en l’espèce, les principes généraux du droit communautaire ne s’opposent pas nécessairement à une interprétation de l’article 6 de la loi de 2003 en ce sens qu’il aurait un effet rétroactif, du moins pas dans une relation verticale dans laquelle un salarié invoque le principe de non-discrimination à l’encontre d’un employeur du secteur public.

140. Si, en règle générale, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que la portée dans le temps d’un acte communautaire voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication, il peut en être autrement, à titre exceptionnel, lorsqu’un but d’intérêt général l’exige et lorsque la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (86) . Une telle exception pourrait être admise dans une affaire telle que celle en cause en l’espèce.

141. D’une part, la transposition d’une directive en droit interne dans le délai imparti constitue indiscutablement un objectif d’intérêt public. D’autre part, dans un cas tel que celui-ci, les pouvoirs publics pourraient difficilement invoquer le principe de protection de la confiance légitime. La confiance qu’ils pourraient éventuellement avoir dans le maintien de la situation juridique nationale antérieure ne saurait être digne de protection, puisque l’État membre concerné était tenu d’adapter sa législation nationale au droit communautaire au plus tard à l’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70.

142. Par conséquent, comme des employeurs du secteur public devaient s’attendre à une modification de la législation – en l’occurrence l’introduction du principe de non-discrimination commandée par le droit communautaire –, ils ne peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime (87) . Cette manière de voir s’impose également parce que, si l’on reconnaissait à des employeurs publics le bénéfice de la protection de la confiance légitime, cela aboutirait en dernière analyse à la conséquence absurde que l’État membre défaillant pourrait opposer aux particuliers son propre comportement contraire au droit communautaire (88) .

143. Toutefois, il n’est pas nécessaire dans la présente affaire de trancher le point de savoir si le droit communautaire peut, le cas échéant, imposer l’application rétroactive de la loi nationale de transposition ou si des principes généraux du droit l’interdisent. En effet, le principe d’interprétation conforme ne saurait en aucun cas contraindre une juridiction nationale à appliquer rétroactivement contra legem son droit interne.

144. Dans la présente affaire, la Labour Court indique qu’il existe en droit irlandais une «forte présomption» contre l’effet rétroactif des lois. Cette présomption ne pourrait être renversée que par les termes clairs et dépourvus d’ambiguïté de la disposition en cause elle-même ou par des indices clairs et décisifs contenus dans d’autres dispositions de la loi en cause. Si le libellé de l’article 6 de la loi de 2003 n’interdit pas expressément une interprétation rétroactive, il n’existe pas non plus d’indices clairs en faveur d’une telle rétroactivité. C’est la raison pour laquelle les règles d’interprétation du droit irlandais ne permettraient pas de conférer un effet rétroactif à la disposition précitée.

145. Ces indications laissent entendre que la Labour Court considère qu’une application rétroactive du droit national dans la présente affaire serait contra legem (89) . Si tel est le cas, cette juridiction ne peut pas non plus être tenue, en vertu du droit communautaire, de créer une telle rétroactivité par la voie de l’interprétation conforme.

146. Toutefois, il convient de rappeler, dans un souci d’exhaustivité, que l’obligation d’interprétation conforme qui incombe aux juridictions nationales ne se limite pas à la loi transposant la directive en cause, mais s’étend à l’ensemble des dispositions du droit national, y compris la législation antérieure à cette directive (90) .

147. Par conséquent, si le droit irlandais en vigueur avant le 14 juillet 2003 comportait une disposition, ou même seulement un principe général de droit, interdisant par exemple tout comportement discriminatoire, abusif ou contraire aux bonnes mœurs d’un employeur envers ses salariés, la juridiction de renvoi serait tenue d’interpréter et d’appliquer cette disposition ou ce principe de droit en conformité avec la directive 1999/70, compte tenu de son libellé et de sa finalité (91) et, ce faisant, de prendre dûment en considération notamment le principe de non-discrimination des salariés à durée déterminée en cause en l’espèce (clause 4, point 1, de l’accord-cadre).

148. En revanche, si le résultat prescrit par la directive 1999/70 ne peut pas être atteint par voie d’interprétation, le droit communautaire impose aux États membres de réparer les dommages qu’ils ont causés aux particuliers en raison de l’absence de transposition de cette directive, conformément à l’arrêt Francovich e.a. et aux conditions qu’il prévoit (92) .

149. En résumé:

Le droit communautaire ne crée aucune obligation pour une juridiction nationale d’interpréter la loi nationale, adoptée tardivement, de transposition d’une directive en ce sens que cette loi rétroagit à la date d’expiration du délai de transposition de cette directive si une telle interprétation était contra legem en vertu des règles du droit national.

Cela laisse intactes tant l’obligation pour la juridiction nationale d’interpréter de manière conforme à la directive en cause les autres dispositions législatives nationales en vigueur à la date d’expiration du délai de transposition de ladite directive que l’obligation pour l’État membre concerné de réparer les dommages éventuellement causés aux particuliers en raison de l’absence de transposition de cette même directive.

E – Sur la cinquième question: application de la clause 4 de l’accord-cadre aux rémunérations et aux pensions

150. Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi souhaiterait savoir en substance si les conditions d’emploi au sens de la clause 4 de l’accord-cadre comprennent les conditions d’un contrat de travail relatives aux rémunérations et aux pensions.

151. Cette question hautement controversée n’est posée que dans l’hypothèse où il est répondu affirmativement à la première ou à la quatrième question. Au vu de notre proposition de réponse à la première question (93), il y a lieu d’examiner la cinquième question.

152. Non seulement Impact et la Commission, mais également la juridiction de renvoi estiment que les conditions d’emploi au sens de l’accord-cadre comprennent également les rémunérations et les pensions. En revanche, les ministères irlandais défendeurs et, surtout, le gouvernement du Royaume-Uni soutiennent fermement le point de vue diamétralement opposé, tout comme l’a d’ailleurs fait il y a un an l’avocat général Poiares Maduro dans les conclusions qu’il a présentées dans l’affaire Del Cerro Alonso (94) .

153. Le différend porte en substance sur deux points: d’une part, il y a désaccord sur la manière dont la notion de conditions d’emploi en tant que telle doit être comprise, et ce également en comparaison avec d’autres directives communautaires en matière de droit social. D’autre part, il existe des divergences d’opinion quant à la portée de la base juridique de la directive 1999/70, eu égard à la circonstance que l’article 139, paragraphe 2, CE n’autorise le Conseil à adopter de décisions visant à mettre en œuvre des accords-cadres que dans les matières relevant de l’article 137 CE, lequel exclut toutefois expressément les rémunérations (voir article 137, paragraphe 5, CE). Nous examinerons ci-après séparément chacun de ces deux aspects.

La notion de conditions d’emploi

154. La notion de conditions d’emploi, telle qu’elle est employée en liaison avec le principe de non-discrimination dans la clause 4 de l’accord-cadre, ne comprend ni n’exclut expressément des prestations en argent telles que les rémunérations et pensions en cause en l’espèce.

155. Dans un certain nombre de dispositions récentes de droit social, le législateur communautaire a expressément spécifié que la notion de conditions d’emploi utilisée dans les textes en question inclut la rémunération (95) . Cependant, l’absence d’une telle réglementation expresse dans la présente affaire ne signifie pas forcément que les rémunérations soient totalement exclues du champ d’application de la clause 4 de l’accord-cadre.

156. La jurisprudence antérieure relative à l’égalité de traitement entre hommes et femmes, selon laquelle la notion de conditions d’emploi au sens de la directive 76/207 – avant sa modification par la directive 2002/73 – ne s’étendait pas aux rémunérations (96), ne peut pas non plus être transposée purement et simplement à la présente affaire. En effet, cette jurisprudence s’explique essentiellement par l’existence de la directive 75/117/CEE (97), qui contenait une règle spéciale aux fins de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de rémunérations (98), dont le champ d’application devait être distingué de celui de la directive 76/207. Dans la présente affaire au contraire, il n’existe aucun problème semblable de délimitation par rapport à un acte juridique parallèle.

157. La notion de conditions d’emploi au sens de la clause 4 de l’accord-cadre nécessite une interprétation. Selon une jurisprudence constante, il y a lieu de tenir compte à cet effet non seulement des termes de cette disposition, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (99) .

158. Selon la clause 1, sous a), de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination (100) ; cela traduit des objectifs fondamentaux de la politique sociale de la Communauté, tels qu’ils sont énoncés notamment à l’article 136, premier alinéa, CE, notamment l’amélioration des conditions de vie et de travail et une protection sociale adéquate. Ces mêmes objectifs sont proclamés également dans le préambule du traité sur l’Union européenne (101) et dans le traité CE (102), ainsi que dans la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs (103) et dans la charte sociale européenne (104) .

159. Eu égard à cet objectif de politique sociale, l’interdiction de la discrimination envers les salariés à durée déterminée fait partie des principes du droit social communautaire qui ne sauraient être interprétés de manière restrictive (105) . Cette règle à elle seule s’oppose à l’exclusion catégorique d’aspects financiers tels que les rémunérations et les pensions du champ d’application de l’interdiction de discrimination.

160. La portée pratique de l’interdiction de discrimination dans la vie au travail se trouverait également sensiblement amoindrie si cette interdiction ne portait que sur les conditions d’emploi étrangères aux rémunérations. Certes, il n’est peut être pas sans importance pour les salariés à durée déterminée concernés d’être traités de la même manière que des salariés permanents comparables en ce qui concerne, par exemple, les vêtements et les outils de travail. Cependant, il est encore beaucoup plus important, du point de vue de leurs conditions de vie et de travail, que ces salariés ne soient pas placés dans une situation financière plus défavorable que leurs collègues employés à durée indéterminée. Ce besoin de protection s’oppose à ce que le champ d’application de l’interdiction de discrimination soit limité uniquement aux conditions d’emploi n’ayant aucun rapport avec les rémunérations.

161. Au demeurant, la référence faite au principe du prorata temporis dans la clause 4, point 2, de l’accord-cadre montre que le champ d’application de l’interdiction de discrimination peut s’étendre également aux prestations en argent. En effet, ce principe ne peut guère s’appliquer qu’à des prestations divisibles, en particulier les prestations en argent telles que traitements, majorations de salaires et certaines primes.

162. En conséquence, tant le sens et la finalité de la clause 4 de l’accord-cadre que le contexte réglementaire dans lequel elle s’inscrit plaident en faveur d’une interprétation qui inclue les rémunérations et les pensions dans la notion de conditions d’emploi.

163. Toutefois, s’agissant spécialement des pensions , une restriction s’impose: de telles conditions financières d’un contrat de travail ne peuvent être considérées comme des conditions d’emploi au sens de la clause 4 de l’accord-cadre que si elles portent sur des prestations revêtant le caractère d’une pension de vieillesse ou d’une rente d’entreprise accordée par l’employeur, à exclusion des prestations servies par les régimes généraux légaux de sécurité sociale.

164. La jurisprudence en matière d’égalité de traitement des hommes et des femmes atteste que seules les prestations de la première catégorie relèvent de la relation de travail et sont accordées sur la base de cette relation (106) . Cette jurisprudence peut être transposée à l’accord-cadre. En effet, en adoptant cet accord-cadre, les partenaires sociaux n’entendaient pas régler des questions concernant les régimes légaux de sécurité sociale; au contraire, ils ont reconnu que de telles questions relèvent de la décision des États membres (107) .

Interprétation conforme au droit primaire, au vu de l’article 137, paragraphe 5, CE

165. Il nous reste à examiner si des règles supérieures de droit s’opposent à ce que les rémunérations et les pensions soient incluses dans la notion de conditions d’emploi au sens de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée.

166. Le champ d’application des dispositions du droit dérivé ne peut excéder celui de leur base juridique (108) . Pour assurer le respect de cette règle, le droit dérivé doit être interprété en conformité avec le droit primaire; en effet, il est de jurisprudence constante que, lorsqu’un texte du droit dérivé communautaire est susceptible de plus d’une interprétation, il convient de donner la préférence à celle qui rend la disposition conforme au traité, plutôt qu’à celle conduisant à constater son incompatibilité avec celui-ci (109) .

167. En conséquence, la clause 4 de l’accord-cadre, qui utilise la notion vague de conditions d’emploi, doit être interprétée dans le respect des limites résultant, le cas échéant, de la base juridique de la directive 1999/70.

168. La directive 1999/70 a été adoptée sur la base juridique de l’article 139, paragraphe 2, CE, qui, dans les matières relevant de l’article 137 CE, donne compétence au Conseil pour mettre en œuvre les accords conclus par les partenaires sociaux au niveau communautaire. Aux termes de l’article 137, paragraphe 1, sous b), les conditions de travail font partie de ces matières, l’article 137, paragraphe 5, CE excluant toutefois à son tour les rémunérations du champ d’application de cette disposition.

169. Comme on peut le voir à la lecture de l’article 141, paragraphe 2, CE, il est concevable que la notion de rémunération en tant que telle puisse être interprétée de manière large et englober, outre le salaire ou le traitement ordinaire de base ou minimal, tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier.

170. Toutefois, l’interprétation de cette notion à elle seule ne nous éclaire pas sur le sens qu’il convient de donner à l’expression «ne s’appliquent [pas]» aux rémunérations, utilisée à l’article 137, paragraphe 5, CE. À cet égard, il faut également prendre en considération l’économie de l’article 137, paragraphe 5, CE, ainsi que son sens et sa finalité.

171. En tant que règle dérogatoire, l’article 137, paragraphe 5, CE doit faire l’objet d’une interprétation stricte, ainsi que la Cour vient de le juger dans l’arrêt Del Cerro Alonso (110) . Cette disposition ne peut donc pas être comprise en ce sens qu’elle exclut du champ d’application de l’article 137 CE toute question présentant un lien quelconque avec la rémunération; dans le cas contraire en effet, de nombreux domaines énumérés à l’article 137, paragraphe 1, CE seraient dépourvus de toute portée pratique (111) .

172. Au contraire, le sens et la finalité de l’article 137, paragraphe 5, CE est principalement de préserver l’ autonomie conventionnelle des partenaires sociaux d’éventuelles ingérences. C’est ce que révèle notamment le lien étroit entre les rémunérations et les autres domaines exclus de la compétence communautaire: le droit d’association, le droit de grève et le droit de look-out sont importants surtout en ce qui concerne la fixation de la rémunération; c’est pourquoi l’article 137, paragraphe 5, CE les mentionne «dans la foulée» des rémunérations.

173. En outre, l’article 137, paragraphe 5, CE vise à empêcher le législateur communautaire d’uniformiser dans l’ensemble de la Communauté les niveaux de salaire prévalant dans les différents États membres. En effet, un tel nivellement – même s’il n’est peut-être que partiel – des différences salariales nationales, régionales et professionnelles par le législateur communautaire constituerait une atteinte grave à la concurrence entre les entreprises opérant sur le marché intérieur. De plus, il irait bien au-delà des mesures communautaires voulues par l’article 137, paragraphe 1, CE pour soutenir et compléter l’action des États membres dans le domaine de la politique sociale.

174. Dans ce contexte, l’article 137, paragraphe 5, CE interdit par exemple au législateur communautaire de peser sur le niveau des salaires dans les États membres en fixant des salaires minimaux. Le législateur communautaire ne pourrait pas davantage prévoir, par exemple, une compensation annuelle au titre de l’inflation, ni instaurer un plafond pour les augmentations annuelles de salaires ni fixer le montant des majorations de salaires pour heures supplémentaires ou pour travail posté, travail les jours fériés et travail de nuit.

175. En revanche, l’article 137, paragraphe 5, CE n’empêche pas le législateur communautaire d’adopter des dispositions ayant des répercussions financières , par exemple en ce qui concerne les conditions de travail [article 137, paragraphe 1, sous b), CE] ou l’amélioration du milieu de travail pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs [article 137, paragraphe 1, sous a), CE]. Ainsi la Communauté peut prescrire aux États membres de prendre des mesures intéressant la législation nationale du travail, de nature à conférer aux travailleurs un droit à un congé annuel payé (112) .

176. Dans le même ordre d’idées, la Cour a précisé également dans son récent arrêt Del Cerro Alonso que l’article 137, paragraphe 5, CE ne soustrait au domaine de compétence du législateur communautaire que le niveau de la rémunération (113) ; elle a ajouté que les instances compétentes des différents États membres restent seules compétentes pour fixer le montant des divers éléments constitutifs de la rémunération des travailleurs (114) .

177. En revanche, relève du champ d’application de l’article 137, paragraphe 1, sous b), CE ainsi que des directives adoptées sur cette base, le point de savoir si certains travailleurs ou certaines catégories de travailleurs ont droit, dans le cadre des conditions de travail qui leur ont été accordées, à la rémunération ou à différents éléments de cette rémunération fixés dans un État membre (115) .

178. En effet, l’introduction d’interdictions de discrimination, comme celle figurant dans la clause 4 de l’accord-cadre (116), ne constitue pas une ingérence dans la fixation du montant des salaires en tant que tels au niveau national ou régional, ou même dans les entreprises. Elle garantit simplement que certaines catégories de travailleurs ne soient pas désavantagées en ce qui concerne leurs conditions de travail et d’emploi, y compris lorsqu’il s’agit de désavantages de nature financière. De telles interdictions de discrimination constituent une composante essentielle des mesures par lesquelles la Communauté soutient et complète la politique sociale des États membres et que l’article 137, paragraphe 5, CE n’entend pas interdire.

179. À l'audience, le gouvernement du Royaume-Uni a objecté que les salariés à durée déterminée devaient se voir accorder seulement les mêmes éléments de rémunération que des salariés permanents comparables, mais pas nécessairement au même niveau. Il résulterait de l'arrêt Del Cerro Alonso que l'article 137, paragraphe 5, CE garantit aux autorités nationales compétentes et aux partenaires sociaux la liberté de fixer de manière différenciée le niveau des éléments de rémunération en cause pour les salariés à durée déterminée et des salariés permanents comparables.

180. Nous ne partageons pas ce point de vue. Certes, l'article 137, paragraphe 5, CE laisse les autorités nationales compétentes et les partenaires sociaux libres de fixer le niveau des différents éléments de la rémunération; toutefois, cette disposition ne saurait servir de prétexte à une discrimination entre certaines catégories de salariés. Au contraire, les autorités nationales compétentes et les partenaires sociaux doivent respecter le droit communautaire lorsqu'ils exercent les pouvoirs qui leur sont réservés en vertu de l’article 137, paragraphe 5, CE (117), notamment les principes généraux du droit tels que les principes d'égalité de traitement et de non-discrimination. Il s'ensuit qu’une inégalité de traitement des salariés à durée déterminée par rapport à des salariés permanents en ce qui concerne le niveau des éléments de la rémunération en cause n'entre en ligne de compte que là où elle est objectivement justifiée. Au demeurant, ni la clause 4, paragraphe 1, de l'accord-cadre ni la référence au principe du prorata temporis à la clause 4, point 2, de ce même accord ne disent autre chose.

181. Au total, l’article 137, paragraphe 5, CE ne s’oppose pas à ce que les rémunérations et les pensions soient incluses dans la notion de conditions d’emploi au sens de la clause 4 de l’accord-cadre.

182. En résumé:

Les conditions d’emploi au sens de la clause 4 de l’accord-cadre comprennent également les conditions d’un contrat de travail relatives aux rémunérations. Il en va de même des conditions d’un contrat de travail relatives aux pensions, dans la mesure où ces dernières ont le caractère d’une pension de vieillesse ou d’une rente d’entreprise accordée par l’employeur.

VI – Conclusions

183. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions posées par la Labour Court, Dublin:

«1) En vertu des principes d’équivalence et d’effectivité, une juridiction nationale est tenue d’appliquer des dispositions de droit communautaire d’effet direct, bien que la législation nationale ne lui ait conféré aucune compétence expresse en ce sens, mais qu’elle est compétente pour appliquer une loi nationale postérieure ayant transposé ces dispositions en droit interne et que, autrement, les particuliers ne pourraient invoquer directement ces mêmes dispositions, pour la période antérieure à l’adoption de la loi nationale de transposition, que devant d’autres juridictions nationales et à des conditions moins favorables.

2) À la différence de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, la clause 4, point 1, de cet accord-cadre remplit toutes les conditions de son applicabilité directe.

3) Les articles 10 CE et 249, troisième alinéa, CE lus en combinaison avec la clause 5, point 1, de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée n’interdisent pas à un État membre agissant en qualité d’employeur de renouveler des contrats de travail individuels à durée déterminée pour des durées relativement longues pendant la période comprise entre l’expiration du délai de transposition de la directive 1999/70 et sa transposition effective en droit interne.

4) Les conditions d’emploi au sens de la clause 4 de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée comprennent également les conditions d’un contrat de travail relatives aux rémunérations. Il en va de même des conditions d’un contrat de travail relatives aux pensions, dans la mesure où ces dernières ont le caractère d’une pension de vieillesse ou d’une rente d’entreprise accordée par l’employeur.»

(1) .

(2)  – JO 1999, L 175, p. 45, ci-après l’«accord-cadre».

(3)  – Arrêts du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C-212/04, Rec. p. I–6057, points 54 à 57), du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino (C–53/04, Rec. p. I–7213, points 39 à 42) et Vassallo (C‑180/04, Rec. p. I–7251, point 32), et du 13 septembre 2007, Del Cerro Alonso (C–307/05, Rec. p. I–7109, point 25).

(4)  – JO L 175, p. 43.

(5)  – Quatorzième considérant de la directive 1999/70.

(6)  – Deuxième alinéa du préambule de l’accord-cadre; voir aussi point 6 de ses considérations générales.

(7)  – Point 8 des considérations générales de l’accord-cadre; voir, également, le deuxième alinéa de son préambule.

(8)  – Point 7 des considérations générales de l’accord-cadre.

(9)  – Dix-septième considérant de la directive 1999/70.

(10)  – Point 10 des considérations générales de l’accord-cadre; voir, également, troisième alinéa du préambule dudit accord.

(11)  – Protection of Employees (Fixed-Term Work) Act 2003.

(12)  – L’ordonnance de renvoi précise qu’un accord conclu en violation de l’article 9, paragraphe 1, de la loi de 2003, relatif à l’expiration du contrat par l’écoulement du temps ou la survenance d’un événement, est «nul ab initio» (nullité ex tunc).

(13)  – Voir articles 6, paragraphe 2, et 9, paragraphe 4, de la loi de 2003.

(14)  – Les Rights Commissioners sont nommés par le ministre compétent et ont une fonction qui pourrait être comparée à celle d’un conciliateur public indépendant. Ils sont adjoints à la Labour Relations Commission (Commission des relations du travail) irlandaise. En fonction de la base juridique applicable, leurs décisions sont obligatoires ou n’ont que le caractère d’une recommandation non contraignante. On trouvera des informations complémentaires sur le rôle des Rights Commissioners en matière de contentieux du travail sur le site http//www.lrc.ie (consulté en dernier lieu le 14 novembre 2007).

(15)  – Sur la notion d’autonomie procédurale, voir arrêts précités à la note 3: Adeneler e.a. (point 95), Marrosu et Sardino (point 52) et Vassallo (point 37); voir, également, arrêts du 7 janvier 2004, Wells (C–201/02, Rec. p. I–723, point 67), et du 28 juin 2007, Bonn Fleisch (C–1/06, Rec. p. I‑5609, point 41).

(16)  – Arrêts du 19 décembre 1968, Salgoil (13/68, Rec. p. 661, 693); du 16 décembre 1976, Rewe (33/76, Rec. p. 1989, point 5); du 9 juillet 1985, Bozzetti (179/84, Rec., p. 2301, point 17); du 14 décembre 1995, Peterbroeck (C–312/93, Rec. p. I-4599, point 12); du 20 septembre 2001, Courage et Crehan (C–453/99, Rec. p. I–6297, point 29); du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, Rec. p. I-10239, point 46); du 13 mars 2007, Unibet (C–432/05, Rec. p. I–2271, point 39), et du 7 juin 2007, van der Weerd e.a. (C–222/05 à C–225/05, Rec. p. I–4233, point 28).

(17)  – Arrêts Bozzetti, précité (note 16), point 17; du 18 janvier 1996, SEIM (C–446/93, Rec. p. I–73, point 32); du 17 septembre 1997, Dorsch Consult (C–54/96, Rec. p. I–4961, point 40); du 22 mai 2003, Connect Austria (C–462/99, Rec. p. I-5197, point 35), et Köbler, précité (note 16), point 47.

(18)  – Arrêt Unibet, précité (note 16), point 38 lu en combinaison avec le point 39.

(19)  – Arrêts Bozzetti, précité (note 16), point 17, SEIM, précité (note 17), point 32, Dorsch Consult, précité (note 17), point 40, Connect Austria, précité (note 17), point 35, et Köbler, précité (note 16), point 47.

(20)  – Voir, notamment, arrêts du 15 mai 1986, Johnston (222/84, Rec. p. 1651, points 18 et 19); du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil (C–50/00 P, Rec. p. I–6677, point 39), et Unibet, précité (note 16), point 37. Sur la garantie du droit à une protection juridictionnelle effective en tant que droit fondamental, voir articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (signée à Rome le 4 novembre 1950), ainsi qu’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (proclamée à Nice le 7 décembre 2000, JO C 364, p. 1).

(21)  – Voir, à ce propos, notamment arrêt du 7 septembre 2006, Cordero Alonso (C–81/05, Rec. p I‑7569, point 35); dans le même sens, arrêt du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld (C‑303/05, Rec. p. I-3633, point 45, en ce qui concerne le droit de l’Union), et article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

(22)  – Jurisprudence constante en ce qui concerne les modalités procédurales; voir, notamment, arrêts précités à la note 16: Rewe (point 5), Peterbroeck (point 12), Courage et Crehan (point 29), Unibet (point 43) et van der Weerd e.a. (point 28).

(23)  – Arrêts du 1 er  décembre 1998, Levez (C–326/96, Rec. p. I–7835, points 39 et 40), et du 16 mai 2000, Preston e.a. (C–78/98, Rec. p. I–3201, points 49 et 50).

(24)  – À ce propos, il est dit au point 51 de l’ordonnance de renvoi: «[...] les demandeurs pourraient poursuivre l’État en sa qualité d’employeur devant un tribunal compétent et demander réparation au titre de la violation alléguée des droits que leur confère la directive. [...]»; voir, en outre, second tiret de la première question préjudicielle.

(25)  – En vertu d’une jurisprudence constante, de telles actions en dommages et intérêts sont reconnues depuis l’arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C–6/90 et C 9/90, Rec. p. I‑5357).

(26)  – Selon les ministères irlandais défendeurs, le caractère facultatif de cette compétence découle de l’article 14 de la loi de 2003, en vertu duquel un salarié peut adresser une demande au Rights Commissioner: «An employee [...] may present a complaint to a Rights Commissioner [...]» (c’est nous qui soulignons).

(27)  – Arrêts du 29 avril 2004, Orfanopoulos et Oliveri (C–482/01 et C–493/01, Rec. p. I–5257, point 42); du 30 juin 2005, Tod’s et Tod’s France (C-28/04, Rec. p. I–5781, point 14), et du 12 janvier 2006, Turn- und Sportunion Waldburg (C–246/04, Rec. p. I–589, point 21).

(28)  – Voir, notamment, le point 21 de l’ordonnance de renvoi, où il est expliqué qu’une demande fondée sur la loi de 2003 est soumise en première instance à un Rights Commissioner («Section 14 of the Act of 2003 provides that a complaint alleging a contravention of the Act shall be referred in the first instance to a Rights Commissioner»; c’est nous qui soulignons). Nulle part l'ordonnance de renvoi ne fait état d'une compétence facultative telle que celle qui a été alléguée par les ministères irlandais défendeurs.

(29)  – Il n’existe de différence que pour autant que la loi nationale de transposition garantit une protection plus étendue, allant au-delà de celle que confèrent la directive 1999/70 et l'accord-cadre.

(30)  – S’agissant spécialement de l’effet direct des dispositions des directives, voir arrêts du 5 avril 1979, Ratti (148/78, Rec. p. 1629, points 21 et 22), et du 19 janvier 1982, Becker (8/81, Rec. p. 53, points 23 et 24).

(31)  – Sur le principe d’égalité de traitement, voir jurisprudence constante, notamment arrêts du 12 septembre 2006, Eman et Sevinger (C–300/04, Rec. p. I–8055, point 57), et du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil (C–227/04 P, Rec. p. I–6767, point 63), ainsi qu’arrêts Cordero Alonso (point 37) et Advocaten voor de Wereld (point 56), précités (note 21).

(32)  – Voir point 58 des présentes conclusions.

(33)  – Voir, en ce sens, arrêts Levez (points 43 et 44) et Preston e.a. (points 61 et 62), précités (note 23).

(34)  – Voir, là encore, arrêts Levez (point 51) et Preston e.a. (point 60), précités (note 23).

(35)  – Toutefois, selon la juridiction de renvoi, une personne physique peut également comparaître en personne devant les tribunaux.

(36)  – Arrêts du 3 octobre 2000, Corsten (C–58/98, Rec. p. I–7919, point 24); Orfanopoulos et Oliveri, précité (note 27), point 42, et du 18 janvier 2007, Auroux e.a. (C–220/05, Rec. p. I-385, point 25).

(37)  – À ce propos, voir encore la jurisprudence citée à la note 27.

(38)  – Voir ci-dessus, à ce propos, les développements consacrés au principe d’effectivité aux points 54 à 66 des présentes conclusions.

(39)  – Parmi de nombreux exemples, on pourra se reporter aux arrêts précités (note 30) Ratti, point 22, et Becker, points 24, 33 et 34.

(40)  – En ce sens, voir arrêt Unibet, précité (note 16), point 44.

(41)  – Voir point 48 et note 19 des présentes conclusions.

(42)  – Point 45 à 84 des présentes conclusions.

(43)  – Arrêts du 4 décembre 1974, Van Duyn (41/74, Rec. p. 1337, point 12); Ratti, précité (note 30), points 19 à 23, et Becker, précité (note 30), points 17 à 25; voir également arrêt Dorsch Consult, précité (note 17), point 44.

(44)  – Arrêt du 28 juin 2007, JP Morgan Fleming Claverhouse Investment Trust et the Association of Investment Trust Companies (C–363/05, Rec. p. I–5517, point 58); voir, également, arrêts Becker, précité (note 30); point 25; du 8 octobre 1987, Kolpinghuis Nijmegen (80/86, Rec. p. 3969, point 7); du 22 juin 1989, Fratelli Costanzo (103/88, Rec. p. 1839, point 29), et du 19 avril 2007, Farrell (C–365/05, Rec. p. I–3067, point 37).

(45)  – Voir, notamment, arrêts du 26 février 1986, Marshall, dit «Marshall I» (152/84, Rec. p. 723, point 49), et du 20 mars 2003, Kutz-Bauer (C–187/00, Rec. p. I –2741, points 31 et 71).

(46)  – Voir, à cet égard, arrêts Adeneler e.a., Marrosu et Sardino, Vassallo et Del Cerro Alonso, précités (note 3).

(47)  – Dans l’arrêt Adeneler e.a., précité (note 3), points 28 et 107, la Cour se borne à reproduire le point de vue de la juridiction de renvoi sur l’applicabilité (ou l’absence d’applicabilité) directe de l’accord-cadre, sans toutefois prendre elle-même position sur cette question.

(48)  – Voir, par exemple, arrêts du 21 juin 1974, Reyners (2/74, Rec. p. 631, points 24 à 32), et du 8 avril 1976, Defrenne, dit «Defrenne II», (43/75, Rec. p. 455, points 38 et 39).

(49)  – Voir, par exemple, arrêts Marshall I, précité (note 45), point 52, et du 21 juin 2007, Jonkman e.a. (C–231/06 à C–233/06, Rec. p. I–5149, point 19), relatifs à l’interdiction, prévue par le droit dérivé, de la discrimination fondée sur le sexe.

(50)  – Voir, à cet égard, arrêt Becker, précité (note 30), points 32 et 33, en ce qui concerne les «conditions» à créer par les États membres dans le contexte de la transposition de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1). Dans le même sens, arrêt Reyners, précité (note 48), points 26 et 31, en ce qui concerne une liberté fondamentale.

(51)  – Voir point 10 des considérations générales de l’accord-cadre et troisième alinéa de son préambule.

(52)  – Dans le même sens, voir arrêts Reyners, précité (note 48), points 25, 26 et 29, et du 17  septembre 2002, Baumbast et R (C–413/99, Rec. p. I–7091, points 84 à 86), en ce qui concerne les libertés fondamentales, ainsi qu’arrêt Becker, précité (note 30), points 33 et 34, à propos d’une directive.

(53)  – À cet égard, voir par exemple arrêts Becker, précité (note 30), point 30; du 24 mars 1987, McDermott et Cotter (286/85, Rec. p. 1453, point 15); Francovich e.a., précité (note 25), point 17; du 2 août  1993, Marshall dit «Marshall II», (C–271/91, Rec. p. I–4367, point 37), et du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C–397/01 à C 403/01, Rec. p. I–8835, point 105).

(54)  – Voir à nouveau, en ce sens, arrêt Pfeiffer, précité (note 53), point 105.

(55)  – Arrêt du 22 mai 1980, Santillo (131/79, Rec. p. 1585, point 13); dans un sens similaire, voir arrêts Marshall I, précité (note 45), point 55; Marshall II, précité (note 53), point 37, ainsi que conclusions de l’avocat général Van Gerven du 27 octobre 1993 dans l’affaire Banks (arrêt du 13 avril 1994, C‑128/92, Rec. p. I–1209, point 27).

(56)  – Voir, par exemple, la jurisprudence constante relative au «principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins» (article 141 CE) depuis l’arrêt Defrenne II, précité (note 48), point 28, et la jurisprudence, également constante, relative au «principe de l’égalité de traitement des hommes et des femmes», notamment en matière de «conditions de travail» (par exemple arrêts Marshall I, précité, note 45, et Johnston, précité, note 20).

(57)  – En ce sens, voir arrêt Van Duyn, précité (note 43), point 14.

(58)  – Arrêts du 10 novembre 1992, Hansa Fleisch Ernst Mundt (C–156/91, Rec. p. I –5567, point 15); du 9 septembre 1999, Feyrer (C–374/97, Rec. p. I–5153, point 24), et Pfeiffer e.a., précité (note 53, point 105); dans le même sens déjà, arrêt Marshall I, précité (note 45), points 53 à 55. Au demeurant, les mêmes règles valent en ce qui concerne les libertés fondamentales du traité, les dérogations que celles-ci comportent ne s’opposant pas à leur applicabilité directe; parmi de nombreux exemples, voir arrêts Van Duyn, précité (note 43), point 7, et Baumbast et R, précité (note 52), points 85 et 86.

(59)  – Voir, notamment, arrêt Advocaten voor de Wereld, précité (note 21), point 56.

(60)  – À ce propos, voir également clause 4, point 4, de l’accord-cadre.

(61)  – Arrêts du 6 octobre 1983, Celant e.a./Commission (118/82 à 123/82, Rec. p. 2995, point 22), et du 19 avril 1988, Sperber/Cour de justice (37/87, Rec. p. 1943, points 8 et 9), ainsi qu’arrêt du Tribunal de la fonction publique du 19 octobre 2006, De Smedt/Commission (F–59/05, non encore publié au Recueil, points 70 à 76), confirmé par l’ordonnance du Tribunal du 9 juillet 2007, De Smedt/Commission (T–415/06 P, non encore publié au Recueil, points 54 et 55).

(62)  – Voir, notamment, arrêts Cordero Alonso, précité (note 21), points 45 et 46, et Jonkman e.a., précité (note 49), point 39.

(63)  – Arrêt Adeneler e.a., précité (note 3), points 62 et 63.

(64)  – Clause 1, sous b), de l’accord-cadre. Voir, également, arrêt Adeneler e.a., précité (note 3), points 63 et 79.

(65)  – Arrêts Adeneler e.a. (points 65, 80, 92 et 101), Marrosu et Sardino (points 44 et 50) et Vassallo (point 35), tous cités dans la note 3.

(66)  – Sur l’obligation des États membres quant à l’objectif et à l’effet utile de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre, voir arrêt Adeneler e.a., précité (note 3), points 68, 82 et 101.

(67)  – Voir point 10 des considérations générales de l’accord-cadre et troisième alinéa de son préambule, ainsi qu’arrêt Adeneler e.a., précité (note 3), points 68.

(68)  – La terminologie employée dans la version allemande de l’accord-cadre est fluctuante; ainsi, au point 7 des considérations générales, il est question de «objektiven Gründen», et dans la clause 5, paragraphe 1, sous a), de «sachlichen Gründen». Un coup d’œil sur d’autres versions linguistiques montre toutefois qu’il s’agit là d’un problème spécifique à la version allemande qui n’a aucune incidence sur le fond.

(69)  – Voir, en ce sens, arrêt Adeneler e.a., précité (note 3), point 62.

(70)  – Voir, point 6 des considérations générales de l’accord-cadre ainsi que deuxième alinéa de son préambule.

(71)  – Arrêt Adeneler e.a., précité (note 3), point 62; voir, en outre, point 8 des considérations générales de l’accord-cadre ainsi que deuxième alinéa de son préambule.

(72)  – Arrêt Francovich e.a., précité (note 25), points 17 à 20, en ce qui concerne le «contenu de la garantie». L’effet direct de la directive en cause dans cette affaire a été écarté pour d’autres raisons (points 23 à 26 de l’arrêt).

(73)  – Arrêt du 10 avril 1984, Von Colson et Kamann (14/83, Rec. p. 1891, en particulier points 18 et 27).

(74)  – Voir à ce propos arrêts précités (note 3) Adeneler e.a., points 91 et 101, et Marrosu et Sardino, point 47.

(75)  – Arrêt Francovich e.a., précité (note 25), points 30 à 46, et depuis lors jurisprudence constante; voir, en dernier lieu, arrêt Farrell, précité (note 44), point 43.

(76)  – Points 105 à 119 des présentes conclusions.

(77)  – Voir, à ce propos, arrêt Adeneler e.a., précité (note 3), point 117.

(78)  – Arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie (C‑129/96, Rec. p. I‑7411, point 45); du 8 mai 2003, ATRAL (C‑14/02, Rec. p. I‑4431, point 58), et Adeneler e.a., précité (note 3), point 121.

(79)  – Dans l’arrêt Adeneler e.a., précité (note 3), points 65, 68, 82,92 et 101, la Cour souligne que les États membres doivent atteindre le résultat prescrit par le droit communautaire et prévenir de manière effective l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs.

(80)  – Voir points 105 à 119 des présentes conclusions.

(81)  – Voir ci-dessus, points 45 à 84 et 89 à 102 des présentes conclusions.

(82)  – Voir, notamment, arrêts Von Colson et Kamann, précité (note 73), point 26; Pfeiffer e.a., précité (note 53), point 113, et Adeneler e.a., précité (note 3), point 108.

(83)  – Arrêts Pfeiffer e.a;, précité (note 53), points 115, 116, 118 et 119, et Adeneler e.a., précité (note 3), point 111; dans un sens similaire, arrêt du 13 novembre 1990, Marleasing (C–106/89, Rec. p. I–4135, point 8), dans lequel la Cour souligne que la juridiction nationale «est tenue [d’interpréter le droit national] dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive».

(84)  – Arrêt Von Colson et Kamann, précité (note 73), point 28; voir, également, arrêts du 4 février 1988, Murphy e.a. (157/86, Rec. p. 673, point 11), et du 11 janvier 2007, ITC (C‑208/05, Rec. p. I–181, point 68).

(85)  – Arrêts du 16 juin 2005, Pupino (C–105/03, Rec. p. I–5285, points 44 et 47), et Adeneler e.a., précité (note 3), point 110.

(86)  – Arrêt du 26 avril 2005, «Goed Wonen» (C–376/02, Rec. I–3445, point 33); dans le même sens déjà, à propos de règles de fond, arrêt du 12 novembre 1981, Salumi e.a. (212/80 à 217/80, Rec. p. 2735, points 9 et 10), et jurisprudence constante. Dans l’arrêt du 8 mars 1988, Dik e.a. (80/87, Rec. p. I–1601, point 15), la Cour a expressément confirmé que le législateur national peut transposer une directive en lui conférant un effet rétroactif.

(87)  – En ce sens – à propos d’opérateurs économiques – arrêt du 10 mars 2005, Espagne/Conseil (C‑342/03, Rec. p. I–1975, point 48).

(88)  – Le principe de protection de la confiance légitime ne peut pas être invoqué par une personne qui s’est rendue coupable d’une violation manifeste de la réglementation en vigueur (arrêt du 14 juillet 2005, Thyssen Krupp/Commission, C–65/02 P et C‑73/02 P, Rec. p. I–6773, point 41).

(89)  – D’après les indications complémentaires des ministères irlandais défendeurs à l'audience devant la Cour, l'application rétroactive de la loi de 2003 a donné lieu à un débat au parlement irlandais et a été sciemment rejetée par le législateur.

(90) – Arrêts Marleasing, précité (note 83), point 8; Pfeiffer e.a., précité (note 53), points 115, 118 et 119, et Adeneler e.a., précité (note 3), points 108 et 111.

(91) – Voir, dans le même sens, nos conclusions du 18 mai 2004 dans l’affaire Wippel (arrêt du 12 octobre 2004, C–313/02, Rec. p. I–9483), point 63, à propos de l’interprétation conforme de la notion d’atteinte aux bonnes mœurs; de même – bien que dans un autre contexte – voir arrêt du 5 juillet 2007, Kofoed (C–321/05, Rec. p. I–5795, point 46), en ce qui concerne l’interdiction des comportements abusifs.

(92) – Arrêts du 14 juillet 1994, Faccini Dori (C–91/92, Rec. p. I–3325, point 27), et Adeneler e.a., précité (note 3), point 112; voir, également, point 121 des présentes conclusions ainsi que jurisprudence citée à la note 75.

(93)  – Voir points 45 à 84 des présentes conclusions.

(94) – Conclusions du 10 janvier 2007 dans l’affaire Del Cerro Alonso, précitée (note 3), points 16 à 25.

(95)  – Voir article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO L 180, p. 22); article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16), et article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à l’information et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), dans la version de la directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002 (JO L 269, p. 15).

(96)  – Arrêts du 13 février 1996, Gillespie e.a. (C–342/93, Rec. p. I–475, point 24), et du 8 septembre 2005, McKenna (C–191/03, Rec. p. I–7631, point 30).

(97)  – Directive du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (JO L 45, p. 19).

(98)  – Voir, également, deuxième considérant de la directive 76/207, auquel les arrêts cités dans la note 96 font expressément référence. Depuis la modification de la directive 76/207 par la directive 2002/73, la directive 75/117 est moins une réglementation spéciale qu’une disposition à laquelle l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 76/207 renvoie pour mieux préciser davantage la notion de rémunération.

(99)  – Arrêts du 7 juin 2005, VEMW e.a. (C–17/03, Rec. p. I–4983, point 41), et du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission (C–76/06 P, Rec.p. I–4405, point 21).

(100)  – Voir, également, quatorzième considérant de la directive 1999/70 et troisième alinéa du préambule de l’accord-cadre.

(101)  – Le préambule du traité sur l’Union européenne confirme l’importance des droits sociaux fondamentaux (quatrième considérant) et souligne l’objectif du progrès économique et social (huitième considérant).

(102)  – Le préambule du traité CE souligne l’importance du progrès économique et social (deuxième considérant) et définit comme but essentiel l’amélioration constante des conditions de vie et d’emploi des peuples d’Europe (troisième considérant); voir également, à ce propos, arrêt Defrenne II, précité (note 48) points 10 et 11.

(103)  – La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs a été adoptée lors de la session du Conseil européen du 9 décembre 1989 à Strasbourg et est reproduite dans le document COM 89 (471) de la Commission, du 2 octobre 1989. Le point 7 de cette charte est ainsi rédigé: «La réalisation du marché intérieur doit conduire à une amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs dans la Communauté européenne. Ce processus s’effectuera par un rapprochement d ans le progrès de ces conditions, notamment pour la durée et l’aménagement du temps de travail et les formes de travail autres que le travail à durée indéterminée telles que le travail à durée déterminée, le travail à temps partiel, le travail intérimaire, le travail saisonnier». Le point 10, premier alinéa, de la charte ajoute: «Selon les modalités propres à chaque pays [...], tout travailleur de la Communauté européenne a droit à une protection sociale adéquate [...]».

(104)  – La charte sociale européenne a été signée le 18 octobre 1961 à Turin par des États membres du Conseil de l’Europe. Les points 2 et 4 de la partie I de cette charte soulignent le droit de tous les travailleurs à des conditions de travail équitables et à une rémunération équitable, étant entendu que ce droit doit être considéré comme un objectif à atteindre [voir partie III, article 20, paragraphe 1, sous a), de la charte].

(105)  – Arrêt Del Cerro Alonso, précité (note 3), point 38.

(106)  – Arrêts du 25 mai 1971, Defrenne, dit «Defrenne I» (80/70, Rec. p. 445, points 7 et 8) ; du 17 mai 1990, Barber (C–262/88, Rec. p. I–1889, points 22 et 28) ; Jonkman e.a., précité (note 49), point 17, et, spécialement à propos d’une pension de vieillesse de fonctionnaires, arrêt du 23 octobre 2003, Schönheit et Becker (C–4/02 et C–5/02, Rec. p. I–12575, points 56 à 59).

(107)  – Cinquième considérant du préambule de l’accord-cadre. Le fait que l’accord-cadre distingue entre régimes légaux et régimes professionnels de sécurité sociale ressort d’une lecture conjointe des cinquième et sixième considérants de son préambule.

(108)  – Arrêt du 9 mars 2006, Commission/Royaume-Uni (C–65/04, Rec. p. I–2239, point 27).

(109)  – Arrêts du 13 décembre 1983, Commission/Conseil (218/82, Rec. p. 4063, point 15); du 29 juin 1995, Espagne/Commission (C–135/93, Rec. p. I–1651, point 37), et du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophones e.a. (C‑305/05, Rec. p. I–5305, point 28).

(110)  – Arrêt précité (note 3), point 39; voir également, sur l’interprétation restrictive de dispositions dérogatoires du droit primaire, arrêt du 21 juillet 2005, Commission/Royaume-Uni (C–349/03, Rec. p. I–7321, point 43).

(111)  – Arrêt Del Cerro Alonso, précité (note 3), point 41.

(112)  – Tel est le cas de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 299, p. 9); cette directive constitue une nouvelle version de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18), en vigueur jusqu’alors, et qui contenait déjà une disposition identique. Dans son arrêt du 12 novembre 1996, Royaume-Uni/Conseil (C–84/94, Rec. p. I–5755, en particulier points 45 et 49), la Cour a confirmé que l’article 118 A du traité CE, une disposition qui a été le précurseur de l’article 137, paragraphe 1, sous a), CE, constituait la base juridique correcte de la directive 93/104.

(113)  – Arrêt précité (note 3), points 43 et 44, qui précise la portée de l’arrêt du 1 er  décembre 2005, Dellas e.a. (C–14/04, Rec. p. I–10253, points 37 à 39), et de l’ordonnance du 11 janvier 2007, Vorel (C–437/05, Rec. p. I-331, points 32, 35 et 36).

(114)  – Arrêt Del Cerro Alonso, précité (note 3), points 45 et 46.

(115)  – Ibidem, point 47.

(116)  – Une autre interdiction de discrimination de cette nature figure, par exemple, dans la clause  4 de l’accord-cadre sur le travail à temps partiel annexé à la directive 97/81/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES (JO 1998, L 14, p. 9).

(117)  – En ce sens, voir arrêts du 11 décembre 2007, International Transport Workers' Federation et The Finnish Seamen's Union (C-438/05, non encore publié au Recueil, points 39 et 40), et du 18 décembre 2007, Laval un Partneri (C-341/05, non encore publié au Recueil, points 86 et 87), ainsi que la jurisprudence citée dans ces arrêts; voir, également, arrêts du 11 septembre 2003, Steinicke (C-77/02, Rec. p. I-9027, point 63), et du 4 décembre 2003, Kristiansen (C-92/02, Rec. p. I-14597, point 31).