Affaire T-194/05

TeleTech Holdings, Inc.

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur

(marques, dessins et modèles) (OHMI)

« Marque communautaire — Procédure d'opposition — Étendue de l'obligation d'examen — Transformation d'une demande de marque communautaire en demande de marque nationale — Article 58 du règlement (CE) nº 40/94 »

Ordonnance du Tribunal (deuxième chambre) du 11 mai 2006 

Sommaire de l'ordonnance

Marque communautaire — Procédure de recours

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 58 et 108 à 110)

Fait entièrement droit aux prétentions d'une partie à une procédure ayant conduit à une décision, au sens de l'article 58 du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, une décision de la division d'opposition de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) qui accueille, pour tous les services concernés, une opposition formée à l'encontre de l'enregistrement d'une marque communautaire et fondée sur une marque nationale et une marque communautaire antérieures, alors que l'opposition n'a pas été accueillie sur la base des deux marques soulevées comme motifs de l'opposition, mais uniquement sur la base de la marque nationale antérieure, le demandeur de marque communautaire pouvant ainsi toujours transformer, conformément à l'article 108, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 40/94, sa demande en demande de marque nationale dans les États membres à l'exception de celui où, selon la décision de la division d'opposition, la demande de marque est frappée d'un motif de refus à l'enregistrement.

En effet, la finalité de la procédure d'opposition est de donner aux entreprises la possibilité de s'opposer, selon une procédure unique, aux demandes de marques communautaires qui pourraient créer un risque de confusion avec leurs marques ou leurs droits antérieurs, et non de régler de manière préalable des conflits possibles au niveau national ou même communautaire.

Par ailleurs, la procédure de transformation prévue aux articles 108 à 110 du règlement nº 40/94 ne demeure qu'une faculté pour le demandeur de la marque communautaire, et le fait qu'une demande de transformation soit transmise aux autorités nationales concernées, conformément à l'article 109, paragraphe 3, du règlement, ne signifie pas que la demande de marque aboutira automatiquement à l'enregistrement. Il incombe aux autorités nationales d'examiner d'éventuels motifs de refus d'enregistrement, l'opposant pouvant, en principe, faire valoir ses droits devant ces autorités.

Enfin, si l'article 108, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 40/94 dispose, pour des raisons de cohérence des décisions et d'économie de la procédure, qu'une transformation n'a pas lieu en vue d'une protection dans un État membre où, selon la décision de l'Office la demande de marque communautaire est frappée d'un motif de refus d'enregistrement, cette disposition impose uniquement à l'Office de respecter le contenu d'une telle décision lorsqu'elle existe. En revanche, rien ne permet de supposer que cette disposition vise également à imposer à l'unité statuant sur une opposition de moduler le contenu de sa décision pour empêcher dans toute la mesure du possible le demandeur de marque communautaire d'en demander la transformation.

(cf. points 27-30, 37)




ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

11 mai 2006 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Étendue de l’obligation d’examen – Transformation d’une demande de marque communautaire en demande de marque nationale – Article 58 du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T‑194/05,

TeleTech Holdings, Inc., établie à Denver, Colorado (États-Unis), représentée par Mme A. Gould et par M. M. Blair, solicitors,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Teletech International SA, établie à Paris (France), représentée par Mes J.‑F. Adelle et F. Zimeray, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 3 mars 2005 (R 497/2004-1), relative à une procédure d’opposition entre TeleTech Holdings, Inc. et Teletech International SA,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. W. H. Meij et Mme I. Pelikánová, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 mai 2005,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 10 octobre 2005,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 7 octobre 2005,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1       Le 14 mai 2001, l’intervenante a demandé à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) l’enregistrement du signe verbal TELETECH INTERNATIONAL en tant que marque communautaire pour des services relevant des classes 35, 38 et 42 de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

2       Le 24 juin 2002, la requérante a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, à l’encontre de l’enregistrement de cette marque communautaire. L’opposition était dirigée contre l’ensemble des services visés au paragraphe précédent et se fondait notamment sur l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre la marque demandée et les marques antérieures suivantes :

–       la marque verbale communautaire TELETECH GLOBAL VENTURES ;

–       la marque verbale nationale britannique TELETECH.

3       Par décision du 23 avril 2004, la division d’opposition a fait droit à l’opposition, estimant qu’il existait un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure britannique. Elle n’a pas estimé nécessaire d’examiner les autres motifs de refus d’enregistrement en cause, en indiquant que l’existence d’un risque de confusion avec la marque antérieure britannique suffisait à empêcher l’enregistrement demandé.

4       Le 23 juin 2004, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition. La requérante a indiqué que ce recours n’était pas dirigé contre le rejet de la demande de marque communautaire en tant que tel, mais contre le refus d’examiner les autres motifs de refus d’enregistrement allégués.

5       Par décision du 3 mars 2005, R 497/2004-1 (ci‑après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours comme irrecevable. Elle a constaté que, l’enregistrement de la marque communautaire demandée ayant été refusé dans sa totalité, la décision de la division d’opposition avait pleinement fait droit aux prétentions de la requérante.

 Conclusions des parties

6       La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       renvoyer l’affaire à la division d’opposition, de sorte qu’elle statue également sur le motif de refus d’enregistrement fondé sur la marque communautaire antérieure ;

–       condamner l’OHMI aux dépens exposés lors des procédures devant le Tribunal et devant la chambre de recours.

7       L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

8       L’intervenante conclut au rejet du recours.

 En droit

9       Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le recours est manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

10     En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Arguments des parties

11     À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 58 du règlement n° 40/94. Ce moyen comprend deux branches. Par la première branche, la requérante remet en cause le raisonnement suivi dans l’arrêt du Tribunal du 16 septembre 2004, Metro-Goldwyn-Mayer Lion/OHMI – Moser Grupo Media (Moser Grupo Media) (T‑342/02, non encore publié au Recueil). Par la seconde branche, elle avance que les faits du présent litige se distinguent de ceux ayant donné lieu à cet arrêt.

12     Dans le cadre de la première branche du moyen, la requérante fait observer que le Tribunal s’est appuyé, au point 44 de l’arrêt Moser Grupo Media, précité, sur le raisonnement exposé au point 33 de l’arrêt du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission (T‑138/89, Rec. p. II‑2181). La requérante considère que la situation juridique des requérantes de l’affaire NBV et NVB/Commission se distingue de la sienne dans le cas d’espèce en ce que la motivation de la décision de la division d’opposition aurait modifié sa situation juridique.

13     Elle soutient qu’un demandeur de marque communautaire, qui voit sa demande refusée à la suite de l’opposition du titulaire d’une marque communautaire, est empêché d’en demander la transformation en demande de marque nationale, au titre de l’article 108, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94. Selon la requérante, dans un tel cas de figure, la marque communautaire demandée est frappée d’un motif de refus d’enregistrement sur l’ensemble du territoire de la Communauté, de sorte que sa transformation en marque nationale n’aurait pas lieu en vertu de l’article 108, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 40/94.

14     De plus, alors que le rejet d’une demande de marque, fondé sur une marque communautaire antérieure, empêcherait le demandeur de marque de se prévaloir de la priorité de la demande de marque communautaire dans tous les États membres, le rejet d’une demande de marque communautaire sur le seul fondement d’une marque nationale antérieure permettrait au demandeur de marque de se prévaloir, par la voie d’une demande de transformation, d’une date de priorité plus favorable qu’en cas d’introduction de demandes de marques nationales à la suite de ce rejet.

15     La requérante ajoute que l’objectif du règlement n° 40/94 consiste à persuader les opérateurs économiques de passer d’un système national de protection des marques enregistrées à un système communautaire de protection unitaire d’une marque dans tous les États membres. Elle renvoie, à cet égard, au premier considérant et à l’article 34 de ce règlement.

16     Par la seconde branche de son moyen unique, la requérante avance trois différences d’ordre factuel entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à l’arrêt Moser Grupo Media, précité.

17     Premièrement, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le rejet de la demande de marque communautaire par la division d’opposition sur le fondement d’une partie seulement des marques antérieures nationales invoquées à l’appui de l’opposition s’expliquerait par les difficultés d’établir l’existence des autres marques nationales invoquées. Aucune difficulté de ce type n’existerait concernant la marque communautaire antérieure TELETECH GLOBAL VENTURES invoquée à l’appui de l’opposition de la requérante. De même, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Moser Grupo Media, précité, la partie opposante se serait fondée sur une demande de marque communautaire, alors que, en l’espèce, la marque communautaire invoquée aurait déjà été enregistrée.

18     Deuxièmement, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Moser Grupo Media, précité, la requérante faisait grief à la division d’opposition de ne pas avoir fondé le rejet de la demande de marque sur toutes les marques nationales invoquées à l’appui de l’opposition, alors que, en l’espèce, il est reproché à la division d’opposition d’avoir écarté une marque antérieure communautaire.

19     Troisièmement, la requérante fait observer que la marque communautaire antérieure TELETECH GLOBAL VENTURES a fait l’objet d’une décision d’annulation partielle concernant la plupart des services pour lesquels elle était enregistrée [décision de la division d’annulation de l’OHMI du 22 février 2001, confirmée par la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 28 mai 2003, attaquée devant le Tribunal ; voir, également, arrêt du Tribunal du 25 mai 2005, TeleTech Holdings/OHMI – Teletech International (TELETECH GLOBAL VENTURES), T‑288/03, non encore publié au Recueil, sous pourvoi, rejetant le recours de la requérante contre la décision de la première chambre de recours]. La requérante avance que, si cette décision d’annulation devient définitive, elle ne pourra plus invoquer la marque communautaire antérieure TELETECH GLOBAL VENTURES dans le cadre d’une procédure de transformation ou dans le cadre de procédures nationales d’enregistrement de marque. En revanche, elle estime que, si la division d’opposition avait fondé le rejet de la demande de marque communautaire sur la marque antérieure communautaire, la transformation de la demande de marque communautaire de l’intervenante en demande de marques nationales aurait été exclue, conformément à l’article 108, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 40/94.

20     L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

21     Aux termes de l’article 58, première phrase, du règlement n° 40/94, « [t]oute partie à une procédure ayant conduit à une décision peut recourir contre cette décision pour autant que cette dernière n’a pas fait droit à ses prétentions ».

22     Il s’ensuit que, pour autant que la décision visée à l’article 58 du règlement n° 40/94 fait droit aux prétentions d’une partie concernée, celle‑ci n’a pas la qualité pour former un recours devant la chambre de recours, un tel recours étant, par conséquent, irrecevable.

23     En l’espèce, il y a lieu de vérifier si la chambre de recours a considéré à bon droit que la décision de la division d’opposition avait entièrement fait droit aux prétentions de la requérante.

24     Par son moyen unique, la requérante fait, en substance, grief à la chambre de recours d’avoir méconnu le fait que l’intervenante pourrait demander la transformation de sa demande de marque communautaire en demande de marque nationale en vertu de l’article 108, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, cette transformation étant exclue pour le seul Royaume-Uni où, selon la décision de la division d’opposition, la demande de marque est frappée d’un motif de refus d’enregistrement, conformément à l’article 108, paragraphe 2, sous b), du même règlement. En revanche, si la division d’opposition avait accueilli l’opposition sur le fondement d’un risque de confusion entre la marque antérieure communautaire et le signe demandé, une transformation de la demande de marque aurait été, selon la requérante, exclue dans tous les États membres de la Communauté. En outre, elle avance que la marque antérieure communautaire risque d’être annulée, de sorte qu’elle ne pourrait plus, dans le futur, s’appuyer sur cette marque pour contester l’enregistrement de marques nationales TELETECH INTERNATIONAL.

25     À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, aux termes du deuxième considérant du règlement n° 40/94, le régime communautaire des marques confère aux entreprises le droit d’acquérir, selon une procédure unique, des marques communautaires qui jouissent d’une protection uniforme et produisent leurs effets sur tout le territoire de la Communauté et que le caractère unitaire de la marque communautaire ainsi exprimé trouve à s’appliquer sauf disposition contraire dudit règlement.

26     Dans ce contexte, la procédure d’opposition a pour but de prévenir l’enregistrement de marques communautaires en conflit avec des marques ou des droits antérieurs (arrêt Moser Grupo Media, précité, point 34). Cette interprétation, qui est la seule pleinement susceptible d’atteindre les objectifs du règlement n° 40/94 (arrêt Moser Grupo Media, précité, point 34), trouve son expression à l’article 43, paragraphe 5, première phrase, du règlement n° 40/94, selon lequel, « [s]’il résulte de l’examen de l’opposition que la marque est exclue de l’enregistrement pour tout ou partie des produits ou des services pour lesquels la marque communautaire est demandée, la demande est rejetée pour les produits ou les services concernés ». En effet, il découle de cette disposition que l’objet de l’examen de l’opposition consiste à déterminer s’il existe, par rapport à tout ou partie des produits ou des services visés pour lesquels l’enregistrement de la marque demandée est contesté, un motif de refus d’enregistrement justifiant le rejet de la demande de marque.

27     En revanche, il ne ressort pas de cette disposition que l’OHMI soit obligé de fonder le rejet de la demande de marque sur tous les motifs de refus d’enregistrement invoqués à l’appui d’une opposition et susceptibles de fonder le rejet de la demande de marque. En effet, la finalité de la procédure d’opposition est de donner aux entreprises la possibilité de s’opposer, selon une procédure unique, aux demandes de marques communautaires qui pourraient créer un risque de confusion avec leurs marques ou leurs droits antérieurs, et non de régler de manière préalable des conflits possibles au niveau national ou même communautaire (voir, concernant les conflits au niveau national, arrêt Moser Grupo Media, précité, point 35).

28     En l’espèce, étant donné que la division d’opposition a rejeté la demande de marque pour tous les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, elle a entièrement fait droit à l’opposition formée par la requérante, conformément à l’article 43, paragraphe 5, première phrase, du règlement n° 40/94.

29     S’agissant de la thèse de la requérante selon laquelle il convient de reconnaître un lien étroit entre la procédure d’opposition et la possibilité, pour le demandeur de marque communautaire, de requérir la transformation de sa demande en demande de marque nationale, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que la procédure de transformation prévue aux articles 108 à 110 du règlement n° 40/94 ne demeure qu’une faculté pour le demandeur de la marque communautaire (arrêt Moser Grupo Media, précité, point 41). Par ailleurs, le fait qu’une demande de transformation soit transmise aux autorités nationales concernées, conformément à l’article 109, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, ne signifie pas que la demande de marque aboutira automatiquement à l’enregistrement. Il incombe aux autorités nationales d’examiner d’éventuels motifs de refus d’enregistrement, la requérante pouvant, en principe, faire valoir ses droits devant ces autorités. En conséquence, force est de constater que l’intérêt dont se prévaut la requérante pour justifier de sa qualité pour former un recours contre la décision de la division d’opposition concerne une situation juridique future et incertaine [arrêt Moser Grupo Media, précité, point 43 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 1er mars 2005, Fusco/OHMI – Fusco International (ENZO FUSCO), T‑185/03, non encore publié au Recueil, point 70].

30     Si l’article 108, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 40/94 dispose, pour des raisons de cohérence des décisions et d’économie de la procédure, qu’une transformation n’a pas lieu en vue d’une protection dans un État membre où, selon la décision de l’OHMI, la demande de marque communautaire est frappée d’un motif de refus d’enregistrement, cette disposition impose uniquement à l’OHMI de respecter le contenu d’une telle décision lorsqu’elle existe. En revanche, rien ne permet de supposer que cette disposition vise également à imposer à l’unité statuant sur une opposition de moduler le contenu de sa décision pour empêcher dans toute la mesure du possible le demandeur de marque communautaire d’en demander la transformation. En effet, d’une part, ainsi que l’OHMI l’a relevé à juste titre, si le législateur avait souhaité lier plus étroitement les procédures d’opposition et de transformation, il l’aurait fait explicitement. D’autre part, une telle interprétation serait manifestement contraire à l’exigence d’économie de la procédure, puisqu’elle est susceptible d’obliger l’OHMI à examiner de multiples motifs de refus d’enregistrement même s’il est évident qu’un seul d’entre eux suffit à rejeter la demande de marque communautaire en cause.

31     La thèse de la requérante est également infirmée par la règle 21, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), concernant le traitement d’oppositions multiples. Selon la règle 21, paragraphe 2, de ce règlement, « [s]’il résulte d’un examen préliminaire d’une ou de plusieurs oppositions [formées à l’encontre de la même demande de marque communautaire] qu’il est possible que la marque communautaire demandée ne puisse être enregistrée pour tout ou partie des produits ou services pour lesquels l’enregistrement est demandé, l’[OHMI] peut suspendre les autres procédures d’opposition ». En vertu de la règle 21, paragraphe 3, du même règlement, lorsqu’une décision de rejet d’une demande de marque communautaire est définitive, les procédures d’opposition dont l’examen a été suspendu sont réputées éteintes. L’OHMI soutient à bon droit que, si un tel procédé est admis dans le cas d’oppositions multiples, il doit l’être a fortiori dans le cas de l’invocation de plusieurs motifs de refus d’enregistrement dans une seule opposition.

32     Il convient d’observer, en outre, que la requérante présuppose que le rejet d’une demande de marque au motif de l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et une marque antérieure communautaire a automatiquement pour effet qu’un tel risque est censé exister dans tous les États membres de la Communauté. Or, même si l’article 8 du règlement n° 40/94 ne contient pas de disposition semblable à celle de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, selon laquelle il suffit, pour refuser l’enregistrement d’une marque, qu’un motif absolu de refus n’existe que dans une partie de la Communauté, il découle du caractère unitaire de la marque communautaire que l’enregistrement doit également être refusé lorsque le motif relatif de refus découlant d’une marque communautaire antérieure n’existe que dans une partie de ce territoire [arrêts du Tribunal du 3 mars 2004, Mülhens/OHMI – Zirh International (ZIRH), T‑355/02, Rec. p. II‑791, point 36, et du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, non encore publié au Recueil, point 34]. Il apparaît, dès lors, excessif d’exclure la transformation de la demande de marque en vue de sa protection dans un État membre où il n’existerait aucun motif de refus d’enregistrement ou, du moins, pour un territoire sur lequel un tel motif n’a pas été constaté dans la décision de l’OHMI en cause.

33     En deuxième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel la marque antérieure communautaire est susceptible d’avoir été radiée définitivement du registre communautaire au moment où une éventuelle demande de transformation sera transmise aux autorités nationales, empêchant ainsi la requérante de faire valoir les droits afférents à cette marque, l’OHMI a relevé à bon droit que la marque antérieure communautaire de la requérante était déjà frappée d’une demande en nullité au moment où la division d’opposition a statué sur l’opposition. Dans un tel cas de figure, une obligation éventuelle d’examiner tous les motifs de refus d’enregistrement invoqués l’aurait amenée à suspendre la procédure jusqu’à la fin de la procédure d’annulation, conformément à la règle 20, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95, dans sa version alors en vigueur. Une telle suspension aurait été d’autant plus nécessaire si la division d’opposition avait adhéré à la thèse de la requérante selon laquelle il existe un lien étroit entre les procédures d’opposition et de transformation.

34     Par conséquent, les prétendues différences d’ordre factuel entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à l’arrêt Moser Grupo Media, précité, doivent être relativisées. En effet, dans cette dernière affaire, la marque antérieure communautaire invoquée à l’appui de l’opposition n’avait pas encore été enregistrée. Dans un tel cas de figure, il n’était pas nécessaire d’allonger davantage la procédure en la suspendant, en vertu de la règle 20, paragraphe 6, du règlement n° 2868/95, dans sa version alors en vigueur, dans le but d’attendre l’enregistrement de la marque communautaire (arrêt Moser Grupo Media, précité, point 46). Ce raisonnement est transposable au cas d’une marque communautaire faisant l’objet d’une demande en nullité à laquelle la division d’annulation et la chambre de recours ont fait droit, mais qui n’a pas encore pris effet en vertu de l’article 62, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

35     En troisième lieu, dans le cas d’une opposition fondée sur plusieurs marques antérieures nationales et communautaires, il n’y a aucune obligation, pour l’OHMI, de donner priorité à ces dernières. Ainsi qu’il découle du cinquième considérant du règlement n° 40/94, le droit communautaire des marques ne se substitue pas aux droits des marques des États membres et il n’apparaît pas justifié d’obliger les entreprises à déposer leurs marques comme marques communautaires. Par conséquent, l’argument de la requérante selon lequel l’objectif du règlement n° 40/94 consiste à persuader les opérateurs économiques de passer d’un système national de protection de marques enregistrées à un système communautaire de protection unitaire d’une marque dans tous les États membres n’est pas fondé. En particulier, si l’article 34 du règlement n° 40/94, selon lequel le titulaire d’une marque communautaire peut invoquer l’ancienneté d’une marque nationale qu’il a laissé s’éteindre ou à laquelle il a renoncé, a pour effet de faciliter, sur le plan pratique, le remplacement d’une marque nationale par une marque communautaire, il n’en demeure pas moins que cette disposition, qui offre seulement une faculté aux opérateurs économiques, est loin d’avoir la portée que la requérante lui attribue. Ainsi qu’il découle notamment des articles 108 à 110 du règlement n° 40/94, ce dernier comprend également des dispositions permettant, à l’inverse, la transformation d’une marque communautaire en marques nationales.

36     Enfin, ces considérations ne sont pas remises en cause par l’argument de la requérante, selon lequel les arrêts cités au point 44 de l’arrêt Moser Grupo Media ne portent pas sur des cas entièrement comparables à celui de l’espèce.

37     Il découle de l’ensemble de ces considérations que la division d’opposition a pleinement fait droit aux prétentions de la requérante, de sorte que celle-ci n’était pas recevable à former un recours devant la chambre de recours. Dès lors, la décision attaquée n’est pas entachée d’erreur. Le moyen unique de la requérante étant manifestement non fondé, il convient de rejeter le recours, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

38     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de l’OHMI, conformément aux conclusions de celui-ci. L’intervenante n’ayant pas conclu à ce que la requérante soit condamnée aux dépens, elle supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens, à l’exception de ceux exposés par l’intervenante.

3)      L’intervenante supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 11 mai 2006.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Pirrung


* Langue de procédure : l’anglais.