ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

15 octobre 2008 ( *1 )

«Privilèges et immunités — Membre du Parlement européen — Levée de l’immunité»

Dans l’affaire T-345/05,

Ashley Neil Mote, membre du Parlement européen, représenté par MM. J. Lofthouse et C. Hayes, barristers, et Mme M. Monan, solicitor,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. H. Krück, D. Moore et Mme M. Windisch, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du Parlement du 5 juillet 2005, portant levée de l’immunité parlementaire du requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, D. Šváby et L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 février 2008,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1

Aux termes du chapitre III du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, du 8 avril 1965, annexé au traité instituant un Conseil et une Commission unique (JO 1967, 152, p. 13) (ci-après le « protocole ») :

« Chapitre III

Membres du Parlement européen

Article 8

Aucune restriction d’ordre administratif ou autre n’est apportée au libre déplacement des membres du Parlement européen se rendant au lieu de réunion du Parlement européen ou en revenant.

[…]

Article 9

Les membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l’exercice de leurs fonctions.

Article 10

Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient :

a)

sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays,

b)

sur le territoire de tout autre État membre, de l’exemption de toute mesure de détention ou de toute poursuite judiciaire.

L’immunité les couvre également lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou en reviennent.

L’immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l’immunité d’un de ses membres. »

Antécédents du litige

2

M. Ashley Neil Mote, citoyen du Royaume-Uni, a bénéficié de diverses aides publiques entre 1996 et 2002. Des poursuites pénales ont été engagées à son égard à partir du mois de novembre 2003 au motif que ces aides auraient été perçues sur le fondement de déclarations mensongères. Cité à comparaître en janvier 2004, mis en accusation le 27 avril 2004, il a reçu signification de l’acte d’inculpation et d’un résumé des charges retenues contre lui le 10 juin 2004.

3

Après son élection au Parlement européen au mois de juin 2004, le requérant a demandé la suspension de la procédure pénale en cours en invoquant les privilèges et immunités dont il jouit en sa qualité de parlementaire européen. La suspension a été prononcée par la Chichester Crown Court (tribunal de la Couronne de Chichester) le 25 novembre 2004. Cette juridiction a considéré que le régime de liberté sous caution sous lequel M. Mote avait été placé constituait un obstacle à la liberté de déplacement des membres du Parlement et méconnaissait par conséquent l’article 8 du protocole.

4

Par requête en date du 3 février 2005, l’Attorney General (le procureur général d’Angleterre et du pays de Galles) a demandé au Parlement :

de confirmer que les poursuites pénales engagées contre le requérant n’enfreignaient pas le protocole, notamment son article 8 ;

dans le cas où M. Mote bénéficierait d’un privilège ou d’une immunité en vertu du protocole, de lever ce privilège ou cette immunité.

5

Transmise à la commission des affaires juridiques du Parlement (ci-après la « commission des affaires juridiques »), la requête a fait l’objet de débats au sein de cette commission les 21 avril, 24 mai et 20 juin 2005. M. Mote a été représenté par un autre membre du Parlement lors de l’audition organisée par la commission des affaires juridiques le 24 mai 2005. Dans un mémoire remis à cette dernière le même jour (ci-après le « mémoire »), il a sollicité le rejet de la demande de levée d’immunité.

6

Le 20 juin 2005, la commission des affaires juridiques a adopté à l’unanimité un rapport recommandant au Parlement de lever l’immunité de M. Mote (ci-après le « rapport »). Ce rapport comprend un exposé des motifs et une proposition de décision du Parlement européen.

7

Par décision en date du 5 juillet 2005, l’assemblée plénière du Parlement a décidé de lever l’immunité et ordonné la transmission de la décision et du rapport à l’autorité compétente du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ci-après la « décision attaquée »).

8

Se fondant sur la levée de l’immunité de M. Mote prononcée par le Parlement, l’autorité du Royaume-Uni chargée des poursuites a saisi la High Court of Justice (England & Wales) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles)] en vue d’obtenir la levée de la suspension des poursuites pénales. Par décision du 17 octobre 2006, cette juridiction a ordonné la reprise de la procédure à l’encontre du requérant.

9

Le 4 mai 2007, le requérant a introduit une demande de défense de son immunité et de ses privilèges, qui a été rejetée par le Parlement par décision du 10 juillet 2007.

10

Par jugement du 17 août 2007, la Portsmouth Crown Court (tribunal de la Couronne de Portsmouth) a déclaré M. Mote coupable, puis, par jugement du 4 septembre 2007, l’a condamné à une peine de neuf mois d’emprisonnement. Par arrêt du 21 décembre 2007, la Court of Appeal (England & Wales) [cour d’appel (Angleterre et pays de Galles)] a rejeté les moyens soulevés contre le jugement du 17 août, à l’exception d’un seul. Le requérant a formé une demande visant à être autorisé à introduire un pourvoi le 18 janvier 2008.

Procédure et conclusions des parties

11

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 septembre 2005, le requérant a introduit le présent recours.

12

Le 3 novembre 2005, le requérant a sollicité le bénéfice de l’anonymat dans la procédure au principal, qui lui a été accordé le 14 novembre 2005. Après avoir recueilli les observations des parties lors de l’audience du 21 février 2008, le président de la septième chambre a levé l’anonymat.

13

Par demande en référé déposée au greffe du Tribunal le 28 décembre 2006, le requérant a sollicité la suspension de l’exécution de la décision attaquée, en vertu de l’article 225, paragraphe 1, CE, des articles 242 CE et 243 CE. Par ordonnance du 16 mars 2007, le président du Tribunal a rejeté la demande.

14

Par demande en référé déposée le 8 mai 2007, le requérant a de nouveau sollicité la suspension de la décision attaquée. Cette demande a été rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 27 juin 2007.

15

Le 29 août 2007, le requérant a introduit une troisième demande en référé sur les mêmes fondements, rejetée par ordonnance du président du Tribunal du 22 novembre 2007.

16

Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

déclarer en toute hypothèse nulle la décision en ce qui concerne la levée d’un privilège, tel que celui de l’article 8 du protocole, dans la mesure où elle ne mentionne qu’une immunité ;

condamner la partie défenderesse aux dépens.

17

Le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

à titre principal, rejeter le recours comme irrecevable ;

à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

condamner le requérant aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité

18

Le Parlement conclut à l’irrecevabilité du recours, au motif que le requérant ne serait pas directement concerné par la décision de levée de l’immunité, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, notamment en ce qu’une telle décision laisserait un pouvoir d’appréciation à son destinataire.

19

Au soutien de la recevabilité de son recours, M. Mote expose que, si les privilèges et immunités sont rattachés aux Communautés, les membres du Parlement en sont les bénéficiaires conformément à l’article 5 du règlement intérieur du Parlement (JO 2005, L 44 p. 1), et que, par conséquent, toute décision relative à ces privilèges et immunités affecte directement le membre du Parlement concerné.

20

À titre liminaire, il convient d’examiner si la décision de levée d’immunité parlementaire du 5 juillet 2005 constitue une décision attaquable.

21

Il résulte d’une jurisprudence constante que la Communauté européenne est une communauté de droit en ce que ni ses États membres ni ses institutions n’échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle qu’est le traité et que ce dernier a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour le contrôle de la légalité des actes des institutions (arrêts de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, point 23, et du 23 mars 1993, Weber/Parlement, C-314/91, Rec. p. I-1093, point 8 ; arrêt du Tribunal du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T-222/99, T-327/99 et T-329/99, Rec. p. II-2823, point 48). La Cour a également dit pour droit que les actes du Parlement n’ont pas été soustraits par principe à un recours en annulation (arrêt Les Verts/Parlement, précité, point 24).

22

En application de l’article 230, premier alinéa, CE, la Cour contrôle la légalité des actes du Parlement destinés à produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers et distingue à cette fin deux catégories d’actes.

23

Ne peuvent faire l’objet d’un recours en annulation les actes du Parlement ne touchant que l’organisation interne de ses travaux (ordonnances de la Cour du 4 juin 1986, Groupe des droites européennes/Parlement, 78/85, Rec. p. 1753, point 11, et du 22 mai 1990, Blot et Front national/Parlement, C-68/90, Rec. p. I-2101, point 11 ; arrêt Weber/Parlement, précité, point 9).

24

Relèvent de cette catégorie les actes du Parlement qui soit ne produisent pas d’effets juridiques, soit ne produisent des effets juridiques qu’à l’intérieur du Parlement en ce qui concerne l’organisation de ses travaux et sont soumis à des procédures de vérification fixées par son règlement intérieur (arrêt Weber/Parlement, précité, point 10 ; arrêt Martinez e.a./Parlement, précité, point 52).

25

En revanche, sont attaquables devant le juge communautaire les actes du Parlement qui produisent ou sont destinés à produire des effets juridiques à l’égard de tiers ou, en d’autres termes, les actes dont les effets juridiques dépassent le cadre de l’organisation interne des travaux de l’institution (arrêt Weber/Parlement, précité, point 11 ; arrêt Martinez e.a./Parlement, précité, point 53).

26

Le Tribunal a rappelé que les membres du Parlement, détenteurs d’un mandat de représentant des peuples des États réunis dans la Communauté, doivent, à l’égard d’un acte émanant du Parlement et produisant des effets juridiques en ce qui concerne les conditions d’exercice de ce mandat, être considérés comme des tiers au sens de l’article 230, premier alinéa, CE (arrêt Martinez e.a./Parlement, précité, point 61).

27

Concernant, en particulier, le protocole, les privilèges et immunités reconnus aux Communautés européennes par ce texte ne revêtent qu’un caractère fonctionnel en ce qu’ils visent à éviter qu’une entrave soit apportée au fonctionnement et à l’indépendance des Communautés (ordonnances de la Cour du 11 avril 1989, Générale de Banque/Commission, 1/88 SA, Rec. p. 857, point 9, et du 13 juillet 1990, Zwartveld e.a., C-2/88 IMM, Rec. p. I-3365, point 19).

28

Cependant, même si les privilèges et immunités ont été accordés exclusivement dans l’intérêt de la Communauté, il n’en demeure pas moins qu’ils ont été expressément accordés aux fonctionnaires et autres agents des institutions de la Communauté ainsi qu’aux membres du Parlement. Le fait que les privilèges et immunités sont prévus dans l’intérêt public communautaire justifie le pouvoir donné aux institutions de lever, le cas échéant, l’immunité, mais ne signifie pas que ces privilèges et immunités soient accordés à la Communauté et non pas directement à ses fonctionnaires, autres agents et membres du Parlement. Le protocole crée donc un droit subjectif au profit des personnes visées, dont le respect est garanti par le droit de recours prévu à l’article 230 CE (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 16 décembre 1960, Humblet/État belge, 6/60, Rec. p. 1125).

29

Il convient de constater que la décision par laquelle le Parlement lève l’immunité de l’un de ses membres produit des effets juridiques qui dépassent le cadre de son organisation interne, dès lors qu’elle permet de poursuivre le membre du Parlement concerné pour les faits visés.

30

Les conditions d’exercice du mandat du membre du Parlement concerné sont affectées par une telle décision, qui permet qu’une procédure pénale soit engagée ou poursuivie à l’encontre de ce parlementaire et, le cas échéant, assortie de mesures restrictives de liberté de nature à entraver l’exercice de son mandat parlementaire. En l’espèce, la décision attaquée a permis à l’autorité du Royaume-Uni chargée des poursuites de demander et d’obtenir la levée de la suspension de la procédure pénale diligentée à l’égard de M. Mote par ordonnance de la High Court of Justice (England & Wales) du 17 octobre 2006.

31

La décision attaquée doit donc être considérée comme un acte produisant ou destiné à produire des effets juridiques à l’égard des tiers. Il s’ensuit que, conformément aux critères définis par la Cour dans l’arrêt Weber/Parlement précité, elle doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle de légalité par le juge communautaire conformément à l’article 230, premier alinéa, CE.

32

S’agissant de l’exception tirée de l’irrecevabilité du recours, opposée par le Parlement en application des dispositions de l’article 230, quatrième alinéa, CE, il convient de constater que celui-ci admet que le requérant est individuellement concerné, mais conteste son affectation directe.

33

En vertu d’une jurisprudence constante, l’affectation directe requiert que la mesure communautaire incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure, qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Glencore Grain/Commission, C-404/96 P, Rec. p. I-2435, point 41, et la jurisprudence citée ; arrêts du 29 juin 2004, Front national/Parlement, C-486/01 P, Rec. p. I-6289, point 34, et du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, C-417/04 P, Rec. p. I-3881, point 28).

34

En l’espèce, l’immunité prévue par les articles 9 et 10 du protocole protège les membres du Parlement contre certaines mesures susceptibles d’entraver l’exercice de leurs fonctions, de sorte qu’une décision de levée de l’immunité modifie la situation juridique du membre du Parlement, par le seul effet de la suppression de cette protection, en rétablissant son statut de personne soumise au droit commun des États membres et en l’exposant ainsi, sans qu’aucune règle intermédiaire soit nécessaire, à des mesures, notamment de détention et de poursuite judiciaire, instituées par ce droit commun. Il en résulte que le requérant est directement concerné par la décision attaquée.

35

Le pouvoir d’appréciation laissé aux autorités nationales, après la levée de l’immunité, quant à la reprise ou à l’abandon des poursuites engagées à l’encontre du membre du Parlement, est sans incidence sur l’affectation directe de la situation juridique de ce dernier, dès lors que les effets attachés à la décision de levée de l’immunité se limitent à la suppression de la protection dont il bénéficiait en raison de sa qualité de parlementaire, n’impliquant aucune mesure complémentaire de mise en œuvre.

36

Il résulte de ce qui précède que le recours en annulation doit être déclaré recevable.

Sur le fond

37

Au soutien du recours en annulation, M. Mote invoque quatre moyens. Par le premier, tiré d’une erreur de droit, le requérant soutient que le Parlement aurait dû constater que le privilège conféré par l’article 8 du protocole avait été violé. Le deuxième comporte deux branches. La première est fondée sur la violation du règlement intérieur du Parlement du fait d’une opinion qu’aurait exprimée le Parlement sur l’opportunité des poursuites engagées contre M. Mote. Selon la seconde branche, le requérant soutient que le Parlement n’a pas pris en considération de manière juste et complète les faits et arguments qu’il a exposés auprès de la commission des affaires juridiques. Le troisième moyen est pris de l’absence de motivation complète et appropriée de la décision attaquée. Le dernier est pris du caractère non raisonnable et non proportionné de la décision. Selon le requérant, les arguments qu’il a fait valoir auraient dû conduire à un refus de lever son immunité.

Sur l’erreur de droit

Arguments des parties

38

Le requérant soutient que la décision attaquée est erronée en droit, au motif que le Parlement aurait dû constater la violation d’un privilège dont il bénéficiait en vertu de l’article 8 du protocole. Il conviendrait, en effet, de distinguer le privilège, reconnu par l’article 8, relatif à la liberté de déplacement des membres du Parlement, et l’immunité consacrée par l’article 10, qui concerne l’inviolabilité de ces derniers en cas de poursuites judiciaires. En l’espèce, la nature de la liberté sous caution en droit pénal au Royaume-Uni porterait atteinte au privilège de l’article 8, dans la mesure où le prévenu doit se tenir à la disposition de la juridiction nationale. La participation aux sessions du Parlement, mais aussi à ses travaux en commission, dépendrait alors du pouvoir d’appréciation du juge, ce qui constituerait une restriction à la liberté de déplacement des membres du Parlement et une atteinte à l’indépendance du Parlement, quelle que soit la volonté de coopération manifestée par les autorités judiciaires du Royaume-Uni. Cette interprétation de l’article 8 aurait conduit la Chichester Crown Court à suspendre la procédure pénale dans l’attente de la réponse du Parlement à la demande de levée de l’immunité. En adoptant une interprétation différente de l’article 8 dans l’exposé des motifs du rapport et en ne se prononçant pas sur la levée du privilège, le Parlement aurait commis une erreur de droit.

39

Le Parlement considère que ce moyen n’est pas fondé. Il explique qu’il s’est contenté de répondre à une demande de levée d’immunité. Il précise que l'exposé des motifs ne reflète pas nécessairement sa position en tant qu’institution et expose l’interprétation qu’il donne des articles 8 et 10 du protocole, soulignant le caractère fonctionnel de ces dispositions.

40

Selon le Parlement, l’article 8 du protocole, adopté à une époque où les déplacements au sein des Communautés n’étaient pas aussi aisés qu’aujourd’hui, vise essentiellement à empêcher toute entrave de nature administrative, policière ou douanière, aux déplacements d’un membre du Parlement. En tant que tel, il ne procurerait pas d’immunité en matière judiciaire. L’article 10 du protocole, quant à lui, prévoit l’inviolabilité des membres du Parlement pour les actes commis sur le territoire national de leur État ou sur le territoire de tout autre État membre, en dehors des opinions ou votes émis dans l’exercice de leur fonction, qui relèvent de l’article 9. De surcroît, l’article 10 accorde aux parlementaires le bénéfice de l’immunité lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement ou en reviennent. Ces dispositions seraient inopérantes si le privilège accordé par l’article 8 pouvait faire obstacle aux poursuites judiciaires. Le Parlement ajoute qu’aucun privilège reconnu par l’article 8 ne pourrait être levé sur le fondement de l’article 10.

41

Concernant la possibilité qui serait laissée au juge national d’entraver l’activité du Parlement européen si ce juge pouvait exercer un contrôle sur les déplacements du requérant, le Parlement rappelle que les relations entre États membres et institutions communautaires sont régies par un principe de coopération loyale, en vertu de l’article 10 CE. Les autorités judiciaires nationales sont tenues de favoriser autant que possible le bon fonctionnement des institutions communautaires et de respecter leurs prérogatives, ainsi que l’a fait la juridiction du Royaume-Uni, faute de quoi l’État membre pourrait avoir à en répondre devant les juridictions communautaires.

42

Le requérant admet que les privilèges et immunités des Communautés ont avant tout un caractère fonctionnel et conteste avoir jamais assimilé les dispositions de l’article 8 à une immunité absolue contre des poursuites pénales. Néanmoins, il explique qu’il maintient que l’interprétation à donner au privilège accordé par l’article 8 est très générale et que, dans des circonstances particulières, il peut faire obstacle aux poursuites, dont la nature implique des mesures restrictives à la liberté. Ce privilège éviterait des interférences avec les fonctions du parlementaire, d’une façon tout à fait différente des dispositions de l’article 10.

43

Le Parlement estime qu’il convient de rejeter l’interprétation que M. Mote donne de l’article 8, car la prohibition des restrictions aux déplacements d’un parlementaire ne saurait apporter une protection supérieure à l’immunité accordée par l’article 10. Dans ce cas, l’immunité conférée au parlementaire serait absolue, car un privilège ne peut être levé, contrairement à une immunité.

Appréciation du Tribunal

44

Le requérant reproche au Parlement de ne pas avoir constaté qu’il était protégé par le privilège institué par l’article 8 du protocole et que ce privilège avait été violé par les poursuites engagées à son égard, alors qu’il incombe au Parlement, et non au juge national, de se prononcer sur ce point en statuant sur les risques provoqués par une procédure judiciaire d’entraver l’exercice par le membre du Parlement de ses fonctions parlementaires.

45

Il résulte de l’article 10, dernier alinéa, du protocole, aux termes duquel l’immunité ne peut mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l’immunité d’un de ses membres, que le Parlement est compétent pour statuer sur une demande de levée de l’immunité d’un parlementaire européen. Les articles 6 et 7 du règlement intérieur du Parlement complètent ce texte en précisant les règles auxquelles obéit la procédure de levée d’immunité.

46

Il n’existe, en revanche, ni dans le protocole, ni dans le règlement intérieur du Parlement, de règle instituant le Parlement comme autorité compétente pour constater l’existence du privilège prévu par l’article 8 du protocole.

47

Il convient, en outre, de préciser que les articles 8 et 10 du protocole n’ont pas le même champ d’application.

48

La Cour a dit pour droit que l’article 8, premier alinéa, du protocole a pour effet d’interdire aux États membres de créer, notamment par leurs pratiques en matière d’imposition, des restrictions administratives à la liberté de déplacement des membres du Parlement (arrêt de la Cour du 15 septembre 1981, Bruce of Donington, 208/80, Rec. p. 2205, point 14). Ainsi que le précise cette disposition, le privilège vise à garantir l’exercice par les membres du Parlement de leur liberté de se rendre au lieu de réunion du Parlement et d’en revenir.

49

Il importe toutefois de souligner que, bien que n’étant pas énumérées de façon exhaustive par l’article 8, premier alinéa, du protocole, qui se réfère aux restrictions d’ordre administratif « ou autre », ces restrictions ne comprennent pas celles qui résultent des poursuites judiciaires, dès lors que celles-ci relèvent du champ d’application de l’article 10, qui définit le régime juridique des immunités, hors du champ spécifique des votes et opinions émis par les parlementaires dans l’exercice de leurs fonctions prévu par l’article 9. En effet, les poursuites judiciaires sont expressément mentionnées par l’article 10, premier alinéa, sous b), du protocole comme étant au nombre de celles dont le membre du Parlement est exempté, sur le territoire de tout autre État membre que le sien, pendant la durée des sessions du Parlement. De même, selon l’article 10, premier alinéa, sous a), du protocole, le membre du Parlement bénéficie, pendant la même période, sur son territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays, dont certaines protègent les parlementaires nationaux contre les poursuites judiciaires dont ils pourraient faire l’objet. Enfin, l’article 10, deuxième alinéa, prévoit que l’immunité couvre les membres du Parlement également lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement ou en reviennent. L’existence de cette disposition, qui, comme l’article 8, premier alinéa, du protocole, protège les membres du Parlement contre les atteintes à leur liberté de se déplacer, confirme que les restrictions mentionnées par cette dernière disposition ne comprennent pas l’ensemble des atteintes possibles au libre déplacement des membres du Parlement et que, ainsi que le révèlent les dispositions de l’article 10 précédemment examinées, les poursuites judiciaires doivent être considérées comme relevant du régime juridique institué par ce dernier article.

50

L’article 10 du protocole vise ainsi à assurer l’indépendance des membres du Parlement en empêchant que des pressions, consistant en des menaces d’arrestation ou de poursuites judiciaires, ne soient exercées sur eux pendant la durée des sessions du Parlement (ordonnance du président du Tribunal du 2 mai 2000, Rothley e.a./Parlement, T-17/00 R, Rec. p. II-2085, point 90).

51

L’article 8 du protocole a pour fonction de protéger les membres du Parlement contre les restrictions, autres que judiciaires, à leur liberté de déplacement.

52

N’étant pas soutenu que les risques d’atteinte à l’exercice par M. Mote de ses fonctions de parlementaire étaient constitués par des restrictions d’une autre nature que celles résultant des poursuites engagées par les autorités judiciaires de son État d’origine, il convient de constater que le Parlement n’a commis aucune erreur de droit en décidant de lever l’immunité de M. Mote sans se prononcer sur le privilège qui lui était accordé en sa qualité de membre du Parlement, ni décider que l’article 8 avait été violé en l’espèce.

53

Il résulte de ce qui précède que le moyen doit être rejeté.

Sur l’expression d’une opinion par la commission des affaires juridiques sur l’opportunité des poursuites en violation du règlement intérieur du Parlement et sur l’absence de prise en considération juste et complète des faits et arguments

Arguments des parties

54

Le moyen invoqué par le requérant se divise en deux branches.

— Sur la première branche, tirée de la violation du règlement intérieur du Parlement et de l’expression d’une opinion sur l’opportunité des poursuites

55

Le requérant fait valoir que, en application de l’article 7, paragraphe 7, du règlement intérieur du Parlement, la commission des affaires juridiques ne pouvait, dans son rapport, se prononcer sur l’opportunité des poursuites exercées contre lui. La violation de cette disposition affecterait la régularité de la décision attaquée. Il ajoute que l’opinion exprimée par le Parlement dans le même rapport est dénuée de référence aux observations qu’il a formulées à ce sujet.

56

Le Parlement objecte que le moyen est manifestement non fondé. Il souligne que l’exposé des motifs inclus dans le rapport a été rédigé sous la seule responsabilité du rapporteur et qu’un avis exprimé par ce dernier ne saurait être invoqué pour contester la résolution adoptée par le Parlement. En tout état de cause, les qualificatifs employés par le rapporteur ne porteraient pas sur le bien-fondé des poursuites, mais sur leur caractère étayé.

— Sur la seconde branche, tirée de l’absence de prise en considération juste et complète des faits et arguments

57

Le requérant soutient que rien dans le rapport de la commission des affaires juridiques n’indique que cette dernière, et donc le Parlement, a examiné de manière effective et adéquate les arguments de fond qu’il a soulevés. Cette lacune ferait obstacle au droit du requérant de connaître les conclusions auxquelles la commission des affaires juridiques est parvenue et entacherait de ce fait la décision de nullité.

58

Le Parlement estime ce moyen non fondé. Il rappelle que, conformément aux dispositions de l’article 7, paragraphe 3, de son règlement intérieur, M. Mote a eu la possibilité de s’expliquer auprès de la commission des affaires juridiques en se faisant représenter par un autre membre du Parlement le 24 mai 2005. Il fait valoir que la décision attaquée vise expressément cette audition dans son préambule.

Appréciation du Tribunal

— Sur la première branche du moyen

59

À titre liminaire, il y a lieu de constater que, en suivant la proposition qui lui avait été faite par sa commission des affaires juridiques de lever l’immunité de M. Mote et en visant, dans la décision attaquée, le rapport de cette dernière, sans émettre de réserve sur le contenu de l’exposé des motifs figurant dans ce document, le Parlement a fait siens les motifs du rapport. Il en résulte que la critique formulée dans la première branche du présent moyen doit être considérée comme dirigée contre les motifs de la décision attaquée.

60

L’article 7, paragraphe 7, du règlement intérieur du Parlement prévoit que « la commission [des affaires juridiques] […] ne se prononce en aucun cas sur la culpabilité ou non-culpabilité du [membre du Parlement] ni sur l’opportunité ou non de le poursuivre au pénal pour les opinions ou actes qui lui sont imputés, même dans le cas où l’examen de la demande permet à la commission [des affaires juridiques] d’acquérir une connaissance approfondie de l’affaire ».

61

Il convient d’examiner si la commission des affaires juridiques a pris position dans son rapport en faveur des poursuites engagées et exprimé un avis sur la culpabilité de M. Mote. Au point II 2 du rapport, le rapporteur constate, d’abord, le caractère « circonstancié » des réquisitions. Cette appréciation, qui exprime l’opinion du rapporteur sur le caractère suffisamment motivé des poursuites engagées à l’encontre de M. Mote, ne peut être assimilée à un avis qui serait porté sur sa culpabilité ou sur l’opportunité de ces poursuites. Il en va de même, ensuite, au point II 3, de la constatation, purement objective, par le rapporteur de la gravité de l'infraction en cause, au Royaume-Uni et dans la plupart des États membres. En affirmant, enfin, au même point, que « les poursuites sembl[ai]ent bien engagées », le rapporteur a simplement relevé qu’elles étaient à un stade avancé et devraient aboutir à une audience, sans préjuger l’issue du procès.

62

Il résulte de ce qui précède que l’article 7 du règlement intérieur du Parlement n’a pas été violé et que la première branche de ce moyen doit, en conséquence, être rejetée.

— Sur la seconde branche du moyen

63

Les arguments de fond, dont le requérant soutient qu’ils n’ont pas été examinés réellement ou adéquatement par le Parlement sont les suivants : le caractère tardif des poursuites engagées à son égard, qui aurait pour effet de nuire au bon fonctionnement du Parlement, en violation de l’article 10 CE ; la manière dont les autorités du Royaume-Uni ont traité la demande de levée de son immunité ; le manque de clarté de la demande de levée d’immunité quant à la gravité des faits reprochés et quant à l’opportunité des poursuites ; la possibilité pour le Parlement de lever un privilège.

64

S’agissant, en premier lieu, de l’absence de prise en considération du moyen tiré du retard affectant les poursuites exercées par les autorités judiciaires nationales à l’encontre de M. Mote, ce retard aurait, selon lui, entravé l’exercice de son mandat parlementaire et, partant, le fonctionnement du Parlement, provoquant la violation par le Royaume-Uni du principe de coopération loyale, prévu par l’article 10 CE.

65

Il convient de relever que, en indiquant que rien ne permettait de douter des affirmations de l’Attorney general selon lesquelles « les opinions ou responsabilités politiques de M. Mote n’influençaient en aucune façon les poursuites et […] l’enquête [avait] été menée avec toute la célérité possible » et que la Chichester Crown Court aurait pu présenter une demande de levée d’immunité dans l’hypothèse où elle aurait « eu des doutes sur les intentions du procureur ou de tout autre acteur (ce qui n’est manifestement pas le cas) », le Parlement a écarté de manière implicite, mais certaine, le moyen tiré du retard. Il a estimé qu’aucune volonté d’entraver l’exercice du mandat parlementaire de M. Mote ne se trouvait à l’origine des poursuites, en se fondant non seulement sur les informations fournies par l’Attorney general, mais aussi sur l’analyse de la Chichester Crown Court.

66

Il y a lieu d’ajouter qu’il ne résulte pas des arguments soulevés par le requérant devant la commission des affaires juridiques que la durée de l’enquête et, partant, le retard dont serait affectée sa comparution devant la juridiction pénale témoignent d’une volonté de nuire à son activité de parlementaire européen. En effet, les observations formulées par M. Mote répondaient aux assertions de l’Attorney general selon lesquelles la durée de l’enquête est imputable à la dissimulation d’informations de sa part, notamment au sujet d’un compte bancaire sur l’île de Man, et à son insuffisante collaboration. M. Mote a fait valoir qu’il contestait avoir refusé de coopérer avec les enquêteurs et qu’il avait souhaité garder le silence, comme les droits de la défense l’y autorisent. Il estimait en outre que les enquêteurs avaient fait preuve d’un retard injustifiable pour interroger la banque Barclays sur l’île de Man. Aucun de ces éléments n’était de nature à prouver une quelconque volonté de nuire à son activité de parlementaire.

67

En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’attitude des autorités du Royaume-Uni dans le traitement de la demande de levée d’immunité, il convient d’observer que le Parlement a indiqué qu’il ne faisait aucun doute que la demande avait été introduite dans les formes. Ce faisant, le Parlement a pris en considération les arguments du requérant liés à la manière dont la demande de levée d’immunité avait été traitée et en a déduit qu’aucun d’eux ne faisait obstacle à l’examen de cette demande.

68

En troisième lieu, il convient de constater que le Parlement n’a pas pris position sur les arguments relatifs à l’absence de clarté, y compris sur l’opportunité des poursuites, de la demande de levée d’immunité et à la gravité des infractions reprochées. Le Parlement s’est donc abstenu de formuler une quelconque appréciation sur l’opportunité des poursuites, qu’appelait l’examen de ce grief et, ce faisant, s’est conformé aux dispositions de l’article 7, paragraphe 7, de son règlement intérieur.

69

S’agissant, en dernier lieu, du grief tiré de la possibilité qu’il aurait de lever le privilège institué par l’article 8 du protocole, le Parlement n’a commis aucune erreur de droit, ainsi que cela a été exposé aux points 44 à 52 ci-dessus, en statuant sur l’immunité de M. Mote sans se prononcer sur le privilège qui lui était accordé en qualité de membre du Parlement, ni décider que l’article 8 du protocole avait été violé en l’espèce. En l’absence de compétence du Parlement pour lever le privilège prévu par l’article 8, il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir tenu compte des arguments développés à ce titre.

70

Il résulte de ce qui précède qu’il n’est pas démontré que la décision attaquée ait omis de prendre en considération réellement ou adéquatement les faits et arguments invoqués par le requérant.

71

Il s’ensuit que la seconde branche du moyen doit être rejetée.

Sur l’absence de motivation complète et appropriée

Arguments des parties

72

Le requérant soutient que le Parlement est tenu de motiver une décision de levée d’immunité. L’absence de motivation violerait les exigences démocratiques auxquelles le Parlement européen est soumis en vertu de l’article 6 UE, mais aussi en vertu du principe de transparence de ses activités qui figure dans son règlement intérieur.

73

En l’espèce, le requérant estime que le rapport de la commission des affaires juridiques fournit la motivation de la décision attaquée mais conteste son caractère complet et approprié, au motif que l’intégralité des arguments avancés en faveur du maintien de son immunité n’a pas été examinée. Selon lui, la jurisprudence antérieure du Parlement en matière d’immunité aurait dû conduire à une motivation appropriée, alors que celle qui a été fournie ne permettrait ni aux lecteurs de la décision de comprendre les raisons qui ont conduit à son adoption, ni aux parties d’en apprécier la validité et éventuellement de la contester.

74

Le Parlement conclut au rejet du moyen.

Appréciation du Tribunal

75

Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions ci-dessus rappelées, doivent figurer dans la requête (arrêt de la Cour du 31 mars 1992, Commission/Danemark, C-52/90, Rec. p. I-2187, point 17 ; ordonnances du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T-56/92, Rec. p. II-1267, point 21, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T-154/98, Rec. p. II-1703, point 49 ; arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T-201/04, Rec. p. II-3601, point 94). Par conséquent, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (arrêts du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T-84/96, Rec. p. II-2081, point 34, et Microsoft/Commission, précité, point 94).

76

En l’espèce, le requérant invoque l’absence de motivation complète et appropriée de la décision attaquée sans indiquer les points sur lesquels il estime que la motivation ferait défaut. La requête se borne à rappeler la nécessité pour un organisme démocratique moderne de motiver ses décisions de manière complète et appropriée et d’examiner tous les points soulevés, ainsi que l’importance d’une telle motivation. M. Mote ne précise pas les éléments de droit et de fait qui exigeaient selon lui des développements complémentaires de la part du Parlement. Le seul grief précis porte sur l’expression d’opinions en méconnaissance de l’article 7, paragraphe 7, du règlement intérieur du Parlement, qui fait l’objet de la première branche du deuxième moyen, rejetée par le présent arrêt.

77

Il résulte de ce qui précède que ce moyen doit être déclaré irrecevable.

Sur le caractère non raisonnable et non proportionné de la décision

Arguments des parties

78

Le requérant soutient que les arguments qu’il a soulevés à l’encontre de la levée d’immunité auraient dû inciter le Parlement à prendre une décision raisonnable et proportionnée et donc à refuser de lever l’immunité. Il se réfère aux arguments figurant dans le mémoire annexé à la requête, en indiquant qu’ils ne seront pas exposés in extenso.

79

Le requérant fait valoir que, en l’absence de raison justifiant le rejet de l’argument relatif au retard, aucun organe décisionnel ne pouvait raisonnablement lever l’immunité et que le Parlement aurait dû refuser de lever le privilège ou l’immunité.

80

Il soulève la question du pouvoir du Parlement de lever un privilège plutôt qu’une immunité, dans le silence du règlement intérieur de ce dernier sur la levée d’un privilège.

81

Le requérant souligne qu’un examen complet et pertinent de ses arguments n’aurait pas conduit le Parlement à lever son immunité et se réfère au rapport de la commission des affaires juridiques dans l’affaire Sichrowsky pour soutenir que le Parlement applique une telle présomption dans l’hypothèse du fumus persecutionis.

82

Le requérant insiste sur le caractère tardif des poursuites engagées à son égard, qui perturberait les activités du Parlement et porterait atteinte au principe de coopération loyale entre institutions communautaires et États membres. Il explique qu’il aurait souhaité connaître l’analyse du Parlement sur ce point.

83

Enfin, dans la réplique, il fait valoir que la commission des affaires juridiques n’a pas examiné les demandes d’information complémentaire formulées dans son mémoire.

84

Le Parlement estime que le moyen est dénué de fondement.

Appréciation du Tribunal

85

S’agissant du moyen tiré de l’absence d’examen des demandes d’information complémentaire formulées dans le mémoire, présenté au stade de la réplique, il convient de rappeler qu’il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure que la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, doit être déclaré recevable (arrêt du Tribunal du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement, T-37/89, Rec. p. II-463, point 38). Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (arrêt du Tribunal du 21 mars 2002, Joynson/Commission, T-231/99, Rec. p. II-2085, point 156).

86

En l’espèce, le requérant soulève pour la première fois dans son mémoire en réplique le grief tiré du défaut d’examen par la commission des affaires juridiques de ses demandes ou questions destinées à obtenir de plus amples informations. Ce grief, qui intéresse spécifiquement l’instruction de la demande de levée d’immunité par la commission des affaires juridiques et non l’examen des éléments qui auraient dû être pris en compte par le Parlement lors de l’adoption de la décision attaquée, ne peut être considéré comme constituant une ampliation des griefs énoncés dans la requête introductive d’instance.

87

Il doit donc être déclaré irrecevable.

88

S’agissant du grief tiré de ce que les arguments soulevés dans le mémoire auraient dû conduire le Parlement à prendre une décision raisonnable et proportionnée en refusant la levée de l’immunité, il y a lieu de constater que ces arguments ne sont pas exposés dans la requête et que le requérant invite à se reporter à ce mémoire, qui est produit en annexe. Conformément à la jurisprudence constante citée au point 75 ci-dessus, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours.

89

Ce grief doit donc être déclaré irrecevable, sauf en ce qu’il a trait au retard pris par les autorités judiciaires nationales. Toutefois, le Tribunal ayant déjà statué sur ce dernier argument, aux points 64 à 66 ci-dessus, il y a lieu de le rejeter comme non fondé.

90

Il résulte de tout ce qui précède que ce moyen doit être déclaré en partie irrecevable et en partie non fondé et que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

91

Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

M. Ashley Neil Mote est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Parlement européen.

 

Forwood

Šváby

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 octobre 2008.

Le greffier

E. Coulon

Le président

N. J. Forwood


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.