Mots clés
Sommaire

Mots clés

1. Procédure — Demande de traitement confidentiel — Critères

2. Concurrence — Position dominante — Marché en cause — Délimitation — Fonction

(Art. 82 CE; communication de la Commission 97/C 372/03, points 2 et 7)

3. Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Décision nécessitant une appréciation économique ou technique complexe — Contrôle juridictionnel — Limites

(Art. 81 CE et 82 CE)

4. Concurrence — Position dominante — Marché en cause — Délimitation — Critères — Produits pharmaceutiques

(Art. 82 CE)

5. Concurrence — Position dominante — Marché en cause — Délimitation — Critères — Produits pharmaceutiques

6. Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Éléments de preuve devant être réunis

(Art. 81 CE et 82 CE)

7. Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission — Obligation de motivation — Portée

(Art. 81 CE, 82 CE et 253 CE)

8. Concurrence — Position dominante — Marché en cause — Délimitation — Critères — Substituabilité des produits du côté de la demande — Lancement d'un produit nouveau

(Art. 82 CE; communication de la Commission 97/C 372/03, points 15 à 19)

9. Concurrence — Position dominante — Marché en cause — Délimitation — Critères — Identification des contraintes concurrentielles exercées sur un produit

(Art. 82 CE; communication de la Commission 97/C 372/03, point 3)

10. Concurrence — Position dominante — Caractérisation à travers la détention d'une part de marché extrêmement importante — Entreprise pharmaceutique

(Art. 82 CE)

11. Concurrence — Position dominante — Existence — Indices — Niveau des prix pratiqués — Entreprise pharmaceutique — Incidence de la couverture par la sécurité sociale du prix des médicaments

(Art. 82 CE)

12. Concurrence — Position dominante — Abus — Notion — Nécessité d'un lien de causalité entre une position dominante et son exploitation abusive — Absence

(Art. 82 CE)

13. Concurrence — Position dominante — Existence — Indices — Existence et usage de droits de propriété intellectuelle

(Art. 82 CE)

14. Concurrence — Position dominante — Existence — Indices — Entreprise pharmaceutique — Premier entrant sur un marché — Puissance financière de l'entreprise

(Art. 82 CE)

15. Concurrence — Position dominante — Abus — Présentation d'informations trompeuses aux autorités — Informations permettant la délivrance d'un droit exclusif — Caractère abusif — Critères d'appréciation

(Art. 82 CE)

16. Concurrence — Position dominante — Abus — Présentation d'informations trompeuses aux autorités — Informations permettant la délivrance d'un droit exclusif — Caractère abusif — Critères d'appréciation

(Art. 82 CE)

17. Concurrence — Position dominante — Abus — Notion — Début de la mise en œuvre d'une pratique abusive — Entreprise pharmaceutique — Présentation d'informations trompeuses aux autorités

(Art. 82 CE)

18. Concurrence — Position dominante — Abus — Présentation d'informations trompeuses aux autorités — Informations permettant la délivrance d'un droit exclusif — Caractère abusif — Critères d'appréciation

(Art. 82 CE)

19. Concurrence — Position dominante — Abus — Effets anticoncurrentiels d'un comportement se produisant en l'absence de position dominante — Absence de pertinence

(Art. 82 CE)

20. Concurrence — Position dominante — Abus — Preuve — Charge de la preuve — Présomption d'innocence

(Art. 6, § 2, UE; art. 82 CE)

21. Concurrence — Position dominante — Abus — Obligations incombant à l'entreprise dominante — Entreprise pharmaceutique — Présentation d'informations trompeuses aux autorités — Informations permettant la délivrance d'un droit exclusif

(Art. 82 CE)

22. Concurrence — Position dominante — Abus — Présentation d'informations trompeuses aux autorités — Informations permettant la délivrance d'un droit exclusif — Caractère abusif — Entreprise pharmaceutique

(Art. 82 CE)

23. Concurrence — Position dominante — Abus — Retrait d'autorisations de mise sur le marché de produits pharmaceutiques — Retrait empêchant les producteurs de médicaments génériques de bénéficier de la procédure abrégée

(Art. 82 CE; directive du Conseil 65/65, art. 4, al. 3, point 8, al. 2, a), iii))

24. Concurrence — Position dominante — Abus — Notion — Usage de procédures réglementaires de manière à retarder l'entrée de concurrents sur le marché — Caractère abusif — Critères d'appréciation

(Art. 82 CE)

25. Concurrence — Position dominante — Abus — Notion — Conformité du comportement abusif avec d'autres règles juridiques — Absence de pertinence

(Art. 82 CE)

26. Concurrence — Position dominante — Abus — Retrait d'autorisations de mise sur le marché de produits pharmaceutiques — Retrait empêchant les producteurs de médicaments génériques de bénéficier de la procédure abrégée — Inapplicabilité de la jurisprudence relative aux installations essentielles

(Art. 82 CE)

27. Concurrence — Position dominante — Abus — Justification objective — Charge de la preuve

(Art. 82 CE)

28. Concurrence — Position dominante — Abus — Obligations incombant à l'entreprise dominante — Entreprise pharmaceutique — Exercice de la concurrence par les seuls mérites — Portée

29. Concurrence — Position dominante — Abus — Imputabilité — Société mère et filiales — Unité économique

(Art. 82 CE)

30. Procédure — Requête introductive d'instance — Exigences de forme

(Règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1)

31. Concurrence — Position dominante — Abus — Infraction unique et continue — Qualification — Critères

(Art. 82 CE)

32. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Abus de position dominante — Entreprise pharmaceutique — Présentation d'informations trompeuses aux autorités permettant la délivrance d'un droit exclusif — Retrait d'autorisations de mise sur le marché de produits pharmaceutiques

(Art. 82 CE)

33. Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Objet et effets de l'infraction

(Art. 81 CE et 82 CE)

Sommaire

1. Dans le cadre d'un recours en annulation dirigé à l'encontre d'une décision de la Commission en matière de concurrence, le Tribunal peut faire droit à une demande du requérant de traitement confidentiel d'informations ne figurant pas dans la version non confidentielle de la décision attaquée, publiée sur le site Internet de la direction générale « Concurrence » de la Commission et qui est, dès lors, accessible au public. En revanche, une demande de traitement confidentiel concernant des informations qui figurent dans la version non confidentielle de la décision attaquée doit être rejetée. En effet, ces informations ont en tout état de cause perdu leur caractère éventuellement confidentiel du fait de leur accessibilité au public.

(cf. point 25)

2. Dans le cadre de l’application de l’article 82 CE, la définition du marché en cause est opérée en vue de définir le périmètre à l’intérieur duquel doit être appréciée la question de savoir si une entreprise considérée est à même de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs.

En effet, aux fins de l’examen de la position, éventuellement dominante, d’une entreprise, les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre du marché regroupant l’ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et sont peu interchangeables avec d’autres produits, ces possibilités de concurrence devant également être appréciées à la lumière des conditions de concurrence et de la structure de l’offre et de la demande. Le marché de produits en cause comprend donc tous les produits ou services que les consommateurs considèrent comme substituables en raison de leurs caractéristiques, de leurs prix et de l’usage auquel ils sont destinés.

(cf. points 30-31)

3. Si le juge communautaire exerce, de manière générale, un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d'application des règles de concurrence se trouvent ou non réunies, le contrôle qu'il exerce sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission doit, toutefois, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.

De même, pour autant qu'une décision de la Commission soit le résultat d'appréciations techniques complexes, celles-ci font en principe l'objet d'un contrôle juridictionnel limité, qui implique que le juge communautaire ne saurait substituer son appréciation des éléments de fait à celle de la Commission.

Cependant, si le juge communautaire reconnaît à la Commission une marge d'appréciation en matière économique ou technique, cela n'implique pas qu'il doit s'abstenir de contrôler l'interprétation, par la Commission, de données de cette nature. En effet, dans le respect des arguments des parties, le juge communautaire doit notamment non seulement vérifier l'exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l'ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s'ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées.

(cf. points 32-33)

4. Dans le cadre d'une procédure engagée pour abus de position dominante dans le domaine pharmaceutique, aux fins de la définition du marché en cause, la Commission peut fonder son appréciation notamment sur la plus grande efficacité du produit pharmaceutique concerné, l'usage thérapeutique différent de ceux d'autres produits pharmaceutiques, le mouvement de substitution asymétrique, qui caractérise la croissance des ventes de ce produit et la diminution corrélative ou la stagnation des ventes des autres produits, et les indicateurs de prix, tels que résultant du contexte réglementaire en vigueur.

S'agissant de l'usage thérapeutique, aux fins de la délimitation du marché en cause, il y a lieu de prendre en compte les différences dans les modes d’action entre médicaments lorsque ceux-ci donnent lieu à des usages thérapeutiques différents et de les ignorer lorsque les médicaments en cause ont un usage thérapeutique similaire.

S'agissant des indicateurs de prix, les spécificités qui caractérisent les mécanismes de concurrence dans le secteur pharmaceutique ne retirent pas aux facteurs liés aux prix leur pertinence dans l’évaluation des contraintes concurrentielles, ces facteurs devant toutefois être appréciés dans leur contexte propre. En effet, dans le secteur pharmaceutique, les rapports de concurrence répondent à des mécanismes qui divergent de ceux qui président aux interactions concurrentielles normalement présentes dans les marchés ne connaissant pas une telle intensité réglementaire. À cet égard, la Commission ne saurait affirmer que, en principe, la capacité d’une entreprise de maintenir ses prix au-dessus du niveau de remboursement, auquel la demande tend à être plus élastique, constitue en soi une preuve d’absence de contrainte concurrentielle significative, sans examiner la mesure dans laquelle le prix des autres produits potentiellement substituables est remboursé par le système national d’assurance maladie. En outre, la circonstance que les médecins prescripteurs soient essentiellement guidés par l’usage thérapeutique des produits ne retire pas toute pertinence aux indicateurs fondés sur les prix, ces derniers étant également susceptibles de témoigner des contraintes concurrentielles qui s’exercent sur les produits considérés.

Les éléments précités constituent un ensemble de données pertinentes et suffisantes pour fonder la conclusion que les autres produits pharmaceutiques n'exercent pas, pendant la période de temps examinée, une contrainte concurrentielle significative sur le produit concerné. Dans ces circonstances, la Commission ne commet pas d'erreur manifeste d’appréciation en retenant que le marché de produits en cause se compose uniquement dudit produit pharmaceutique.

(cf. points 61, 153, 182-183, 203, 219-222)

5. Dans le cadre d'une procédure engagée pour abus de position dominante dans le secteur pharmaceutique, aux fins de la définition du marché en cause, la Commission peut, à bon droit, estimer que l'usage thérapeutique différencié de deux produits pharmaceutiques destinés au traitement des mêmes affections constitue un élément soutenant la conclusion que le marché en cause ne comprend que l'un de ces produits.

En effet, la circonstance que deux produits pharmaceutiques sont prescrits pour traiter les mêmes affections ou constituent, tous deux, des traitements de première ligne revêt une pertinence limitée, dans la mesure où elle ne permet pas de déterminer si, compte tenu de l’usage thérapeutique différencié des deux produits - l'un étant prescrit pour traiter les formes sévères et l'autre les formes moins sévères des mêmes affections - l'un exerce sur l'autre une contrainte concurrentielle significative.

(cf. points 69, 71-73)

6. Dans le cadre d'une procédure engagée pour infraction aux règles de concurrence, il importe que la Commission fonde son appréciation sur l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération dans un cas d’espèce concret. Cela implique notamment que la Commission est tenue d’examiner avec une attention particulière les arguments et les éléments de preuve pertinents que lui présentent les entreprises impliquées dans la procédure administrative. Il ne saurait toutefois en être déduit que la Commission doit uniquement s’appuyer sur les éléments de preuves qu’elle aurait réunis à la suite de ses propres investigations. Il lui est en effet loisible de s’appuyer sur des éléments de preuves produits par les parties à la procédure administrative, pour autant que ces éléments de preuves soient fiables et pertinents, à charge pour elle, le cas échéant, de les compléter par d’autres éléments lorsque les informations produites par les parties à la procédure administrative se révèlent insuffisantes ou défectueuses.

(cf. points 78-79)

7. Dans le cadre d'une procédure engagée pour infraction aux règles de concurrence, l’obligation de la Commission de présenter les motifs pour lesquels elle ne fait pas usage de certaines données figurant dans une étude ne saurait exister que dans la mesure où les parties à la procédure administrative ont, durant ladite procédure, avancé des arguments spécifiquement fondés sur ces données, sous réserve que ces dernières se révèlent être pertinentes. Il ne saurait en tout état de cause être exigé de la Commission qu’elle expose systématiquement les motifs pour lesquels elle n’utilise pas ou écarte certaines données d’une étude, dès lors qu’il suffit qu’elle motive sa décision en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l’ont amenée à prendre sa décision. Cette considération s’impose d’autant plus qu’il n’est pas exigé de la Commission qu’elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par une partie au cours de la procédure administrative.

(cf. point 81)

8. Selon les points 15 à 19 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, la Commission apprécie la substituabilité du côté de la demande à la lumière d’une approche théorique consistant à postuler une augmentation légère, de 5 à 10 %, mais permanente, du prix relatif du produit à partir duquel le marché en cause est défini, et à évaluer si cette augmentation hypothétique pourrait être appliquée de manière rentable par le monopoliste hypothétique du produit en cause. Selon ce test économique, si la substitution suffit, en raison du recul des ventes qui en découlerait, à ôter tout intérêt à une telle augmentation de prix, les produits de substitution doivent être considérés comme exerçant une contrainte concurrentielle significative sur le produit concerné. S’agissant du cas spécifique du lancement d’un produit nouveau, il n’est pas rare que le développement des ventes d’un tel produit venant se substituer, même partiellement, à un produit existant, prenne un certain temps et, partant, que ces ventes connaissent un développement graduel.

En application de ce cadre théorique, aux fins de déterminer si un produit existant exerce une contrainte concurrentielle significative sur un produit nouveau, il y a lieu de s’interroger sur la question de savoir si, tout en tenant compte de la progression graduelle des ventes du produit nouveau au fil du temps, une augmentation légère du prix du produit nouveau conduirait à une réorientation de la demande vers le produit existant, de telle sorte que cette augmentation de prix ne serait pas rentable, eu égard aux revenus qui auraient été générés en l’absence de l’augmentation de prix susvisée. Or, le caractère graduel de la progression des ventes du produit nouveau ne disparaîtrait pas nécessairement dans la circonstance où cette augmentation de prix serait rentable et où, en conséquence, il serait conclu que le produit existant n’exerce pas de contrainte concurrentielle significative sur le produit nouveau.

Par conséquent, la Commission peut considérer que, en principe, le caractère graduel de l’augmentation des ventes d’un produit nouveau se substituant à un produit existant ne saurait, en lui-même, suffire pour conclure que ce dernier exerce sur le premier une contrainte concurrentielle significative.

(cf. points 87-90)

9. Dans le cadre d'une procédure pour abus de position dominante, la définition du marché en cause consiste à identifier les contraintes concurrentielles significatives exercées sur le produit considéré durant la période en cause et ne s’intéresse pas, par conséquent, aux contraintes concurrentielles que ce produit a pu exercer sur d’autres produits. Le concept de marché en cause diffère des autres concepts de marché souvent utilisés dans d’autres contextes, tels que le territoire à l’intérieur duquel les entreprises vendent leurs produits ou, plus largement, l’industrie ou le secteur dont les entreprises relèvent. Le fait qu'un produit soit la principale cible concurrentielle d'un autre ne permet donc pas de considérer que le premier exerce une contrainte concurrentielle significative sur le second.

Le fait que l’absence ou le caractère non significatif de ces contraintes concurrentielles trouve sa cause dans le cadre réglementaire qui détermine les modalités des interactions concurrentielles entre produits et la mesure dans laquelle celles-ci ont lieu n’influe pas sur la pertinence qu’il convient d’attribuer, dans le cadre d’une définition du marché, à la constatation selon laquelle ces contraintes concurrentielles sont inexistantes ou non significatives. En effet, lorsqu’il est établi qu’un groupe de produits n’est pas significativement soumis aux contraintes concurrentielles d’autres produits, de sorte que ce groupe peut être considéré comme formant un marché de produits en cause, le type ou la nature des facteurs qui soustraient ce groupe de produits à toute contrainte concurrentielle significative ne revêt qu’une pertinence limitée, dès lors que le constat d’absence de telles contraintes concurrentielles permet de conclure qu’une entreprise en position dominante sur le marché ainsi défini serait en mesure d’affecter les intérêts des consommateurs sur ce marché en faisant obstacle, par un comportement abusif, au maintien d’une concurrence effective.

(cf. points 97, 174-175)

10. La position d'une entreprise sur le marché d'un produit pharmaceutique peut être déterminée en prenant en compte un ensemble de facteurs, tels que l'importance des droits de propriété intellectuelle et des autres droits de nature réglementaire, les avantages liés à sa position de premier entrant, la pertinence du prix comme paramètre de concurrence, la pertinence de la présence d’acheteurs monopsones et de systèmes de prix réglementés, et la pertinence des investissements de recherche et développement, des activités de promotion et des ressources financières. La Commission ne peut cependant ignorer l’importance qu’il convient d’attacher à la détention par cette entreprise de parts de marché généralement très importantes durant toute la période pertinente dans l’ensemble des pays en cause.

De même, la circonstance que l’innovation constitue un paramètre essentiel de la concurrence dans le secteur pharmaceutique ne remet pas en cause la pertinence qu’il convient de reconnaître aux parts de marché très élevées de cette entreprise, telles qu’appréciées dans leur contexte.

(cf. points 244-245, 254)

11. Les systèmes de santé qui caractérisent les marchés de produits pharmaceutiques tendent à conforter le pouvoir de marché des sociétés pharmaceutiques, dans la mesure où le coût des médicaments est pleinement ou largement couvert par les systèmes de sécurité sociale, ce qui rend la demande dans une large mesure inélastique. Tel est plus particulièrement le cas lorsqu’une entreprise pharmaceutique, qui est la première à proposer un produit nouveau présentant une valeur ajoutée sur le plan thérapeutique par rapport aux produits existants, est en mesure d’obtenir un niveau de remboursement supérieur à celui qui sera accordé par la suite aux produits « suiveurs ». En effet, vis-à-vis des entreprises qui bénéficient de la position de premier entrant, les remboursements qu’assurent les systèmes de sécurité sociale, d’une part, sont fixés à des niveaux relativement élevés en comparaison avec les produits « suiveurs » et, d’autre part, permettent à l’entreprise pharmaceutique qui en bénéficie de fixer son prix à un niveau élevé, sans craindre que les patients et les médecins se tournent vers d’autres produits moins onéreux.

Il importe peu que la capacité de l'entreprise pharmaceutique de maintenir des parts de marché particulièrement élevées tout en pratiquant des prix significativement supérieurs soit rendue possible ou favorisée par les systèmes de sécurité sociale, cette circonstance n’influant pas sur le constat selon lequel ladite entreprise est à même de maintenir des revenus supérieurs à ceux de ses concurrents, sans que les différents acteurs sur les marchés des produits pharmaceutiques, à savoir les patients, les médecins prescripteurs, les systèmes nationaux de sécurité sociale et ses concurrents, soient en mesure de remettre en cause cette position privilégiée durant les périodes retenues par la Commission aux fins de la détermination de la position dominante.

Dans la mesure où les prix sont influencés par les décisions des autorités publiques quant aux niveaux de remboursement ou aux prix maximaux, ceux-ci ne sont pas le résultat du jeu normal du marché. Le caractère concurrentiel du niveau d’un prix fixé dans un tel contexte ne saurait donc être utilement invoqué, celui-ci étant établi en l’absence des mécanismes de concurrence permettant de dégager un tel niveau concurrentiel.

(cf. points 262-263, 265)

12. La constatation d’un pouvoir de marché, c’est-à-dire de la capacité d’une entreprise de se comporter dans une mesure appréciable indépendamment de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs, en ce sens qu’elle est notamment en mesure de maintenir des prix à un niveau supérieur tout en conservant des parts de marché beaucoup plus importantes que celles de ses concurrents, n’est pas conditionnée par la capacité de l’entreprise de faire usage de ce pouvoir de marché de façon à faire obstacle au maintien d’une concurrence effective. En effet, en matière de pratiques visant à exclure ou à diminuer la concurrence, un comportement ne doit pas nécessairement, pour être qualifié d’abus de position dominante, procéder de, ou être rendu possible par, la puissance économique de l’entreprise, aucun lien de causalité n’étant requis entre la position dominante et son exploitation abusive.

(cf. point 267)

13. Les droits de propriété intellectuelle ne sauraient être présentés comme ne constituant pas un élément pertinent aux fins de la détermination d'une position dominante. En effet, si la seule possession de droits de propriété intellectuelle ne saurait être considérée comme conférant une telle position, celle-ci est néanmoins susceptible, dans certaines circonstances, de créer une position dominante, notamment en donnant à l’entreprise la possibilité de faire obstacle à l’existence d’une concurrence effective sur le marché. La possession et l’exercice de droits de propriété intellectuelle peuvent donc constituer un indice pertinent de la position dominante.

L’argument selon lequel la prise en compte des droits de propriété intellectuelle et de leur exercice, même non abusif, aux fins d’établir l’existence d’une position dominante serait de nature à réduire toute incitation à créer des produits innovants ne peut être retenu. En effet, l’innovation est en tout état de cause récompensée par l’exclusivité que réservent à son auteur les droits de propriété intellectuelle.

En outre, une position dominante n’est pas interdite en soi, seul son usage abusif l’étant. À cet égard, dans la circonstance où le titulaire du droit de propriété intellectuelle serait considéré comme jouissant d’une position dominante, l’usage non abusif du droit en cause ne saurait être considéré comme insuffisant au regard des incitants à l’innovation.

Pour constituer un facteur pertinent, l’existence d’une protection solide par le biais de droits de propriété intellectuelle ne doit pas nécessairement être de nature à exclure toute concurrence sur le marché.

(cf. points 270, 273-274)

14. La Commission peut fonder son appréciation de la position dominante d'une entreprise pharmaceutique sur un ensemble d’éléments, au premier rang desquels figurent ses parts de marché très supérieures à celles de ses concurrents. Ensuite, compte tenu, d’une part, des spécificités des marchés de produits pharmaceutiques, caractérisés par une « inertie » des médecins prescripteurs, et, d’autre part, des difficultés croissantes que rencontrent les entreprises pharmaceutiques pour entrer sur un marché à mesure que le nombre de concurrents et de produits déjà présents sur ce marché est important, la Commission peut considérer que la position de premier entrant constitue un avantage concurrentiel appréciable. La circonstance que les produits génériques soient à même de porter atteinte à la position dominante de l'entreprise pharmaceutique ne remet pas en cause le fait que sa position de premier entrant lui confère des avantages concurrentiels appréciables.

Par ailleurs, si la constatation de la supériorité financière d'une entreprise pharmaceutique sur celle de ses concurrents, ainsi que celle de la supériorité des ressources financières et humaines qu'elle consacre à la recherche et au développement et à sa force de vente ne sont pas suffisantes, à elles seules, pour fonder la conclusion selon laquelle cette entreprise est en position dominante sur le marché en cause durant la période considérée, ces constatations n’en constituent pas moins une série d’indices pertinents permettant de considérer que ladite entreprise détient des ressources supérieures à celles de ses concurrents, de nature à conforter sa position sur le marché par rapport à ces derniers.

(cf. points 278, 280, 285-286)

15. La présentation aux autorités publiques d’informations trompeuses, de nature à induire celles-ci en erreur et à permettre, en conséquence, la délivrance d’un droit exclusif auquel l’entreprise n’a pas droit, ou auquel elle a droit pour une période plus limitée, constitue une pratique étrangère à la concurrence par les mérites, qui peut être particulièrement restrictive de la concurrence. Un tel comportement ne correspond pas à la responsabilité particulière incombant à une entreprise en position dominante de ne pas porter atteinte, par un comportement étranger à la concurrence par les mérites, à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun.

Il résulte du caractère objectif de la notion d’abus que la nature trompeuse des déclarations communiquées aux autorités publiques doit être appréciée sur la base d’éléments objectifs et que la démonstration du caractère délibéré du comportement et de la mauvaise foi de l’entreprise en position dominante n’est pas requise aux fins de l’identification d’un abus de position dominante. L’appréciation de la nature trompeuse de déclarations fournies aux autorités publiques, aux fins de l’obtention indue de droits exclusifs, doit être opérée in concreto et est susceptible de varier selon les circonstances propres à chaque affaire. Il convient notamment d’examiner si, eu égard au contexte dans lequel la pratique en cause a été mise en œuvre, cette dernière était de nature à conduire les autorités publiques à créer indûment des obstacles réglementaires à la concurrence, par exemple par l’octroi irrégulier de droits exclusifs à son profit. À cet égard, la marge d’appréciation limitée des autorités publiques ou l’absence d’obligation leur incombant de vérifier l’exactitude ou la véracité des informations communiquées peuvent constituer des éléments pertinents devant être pris en considération aux fins de déterminer si la pratique en cause est de nature à aboutir à l’élévation d’obstacles réglementaires à la concurrence.

Par ailleurs, dans la mesure où l’entreprise en position dominante se voit délivrer un droit exclusif irrégulier à la suite d’une erreur de sa part dans sa communication avec les autorités publiques, la responsabilité particulière qui lui incombe de ne pas porter atteinte, par des moyens ne relevant pas de la concurrence par les mérites, à la concurrence effective et non faussée dans le marché commun lui impose, à tout le moins, d’en informer les autorités publiques afin de les mettre en mesure de corriger ces irrégularités.

Si la démonstration du caractère délibéré d'un comportement de nature à tromper les autorités publiques n’est pas nécessaire aux fins de l’identification d’un abus de position dominante, celui-ci n’en constitue pas moins également un élément pertinent pouvant, le cas échéant, être pris en considération par la Commission. La circonstance que la notion d’abus de position dominante a un contenu objectif et n’implique pas l’intention de nuire ne conduit pas à considérer que l’intention de recourir à des pratiques étrangères à la concurrence par les mérites est en toute hypothèse dénuée de pertinence, celle-ci pouvant toujours être prise en compte au soutien d’une conclusion selon laquelle l’entreprise concernée a commis un abus de position dominante, quand bien même une telle conclusion devrait en premier lieu reposer sur la constatation objective d’une mise en œuvre matérielle du comportement abusif.

Enfin, la seule circonstance que certaines autorités publiques ne se soient pas laissées abuser et aient décelé les inexactitudes des informations fournies à l’appui des demandes de droits exclusifs, ou que des concurrents aient obtenu, postérieurement à l’octroi irrégulier des droits exclusifs, l’annulation de ceux-ci, ne suffit pas pour considérer que les déclarations trompeuses n’étaient en tout état de cause pas susceptibles d’aboutir. En effet, dès lors qu’il est établi qu’un comportement est objectivement de nature à restreindre la concurrence, son caractère abusif ne saurait dépendre des aléas des réactions des tiers.

En conséquence, la Commission fait une juste application de l’article 82 CE en considérant que constitue un abus de position dominante la présentation par une entreprise jouissant d’une telle position de déclarations objectivement trompeuses aux offices des brevets, de nature à conduire ces derniers à lui accorder des certificats complémentaires de protection auxquels elle n’a pas droit, ou auxquels elle a droit pour une période plus limitée, et, ainsi, à restreindre ou à éliminer la concurrence.

(cf. points 355-361)

16. Lorsqu’il est accordé par une autorité publique, un droit de propriété intellectuelle est normalement présumé être valide et sa détention par une entreprise est supposée être légitime. La seule possession par une entreprise d’un droit exclusif a normalement pour conséquence de tenir les concurrents à l’écart, ces derniers étant tenus de respecter, en vertu de la réglementation publique, ce droit exclusif. L’argument selon lequel la reconnaissance de l’existence d’un abus de position dominante requerrait que le droit exclusif obtenu à la suite de déclarations trompeuses soit mis en œuvre ne saurait donc être retenu.

Par ailleurs, l’acquisition illégitime d’un droit exclusif ne saurait constituer un abus de position dominante seulement lorsqu’elle aurait pour effet d’éliminer totalement la concurrence. La circonstance que le comportement en cause concerne l’obtention d’un droit de propriété intellectuelle ne justifie pas une telle condition.

En outre, dès lors qu’un comportement entre dans le champ d’application des règles de concurrence, celles-ci sont applicables indépendamment de la question de savoir si ce comportement peut également faire l’objet d’autres règles, d’origine nationale ou non, poursuivant des objectifs distincts. De même, l’existence de voies de recours spécifiques au système des brevets n’est pas susceptible de modifier les conditions d’application des interdictions prévues en droit de la concurrence et, notamment, de requérir la démonstration des effets anticoncurrentiels produits par ce comportement.

(cf. points 362, 364, 366)

17. Des instructions, communiquées à des agents en brevets, d’introduire des demandes de certificats complémentaires de protection ne sauraient être considérées comme équivalentes à des demandes de certificats complémentaires de protection devant les offices des brevets. La Commission commet donc une erreur de droit en considérant qu'un abus de position dominante, commis par une entreprise en position dominante sur le marché d'un produit pharmaceutique, débute lors de la communication aux agents en brevets d'instructions en vue du dépôt devant les offices des brevets des demandes de certificats complémentaires de protection. En effet, la conséquence escomptée du prétendu caractère trompeur des déclarations, à savoir la délivrance du certificat complémentaire de protection, ne saurait se produire qu’à partir du moment où les offices des brevets sont saisis des demandes de certificats complémentaires de protection, et non lorsque les agents en brevets, qui ne jouent qu’un rôle d’intermédiaire, reçoivent les instructions quant à ces demandes.

(cf. points 370, 372)

18. Pour constituer un abus de position dominante, il n'est nullement exigé qu'un comportement affecte directement la concurrence. Dans une situation où les pratiques en cause, si elles sont établies, ne sauraient, dans quelque mesure que ce soit, être considérées comme relevant d’une concurrence normale des produits sur la base des performances de l’entreprise, la démonstration que, compte tenu du contexte économique ou réglementaire dans lequel ces pratiques s’insèrent, celles-ci sont de nature à restreindre la concurrence est suffisante. Ainsi, la capacité de la pratique en cause à restreindre la concurrence peut être indirecte, pourvu qu’il soit démontré à suffisance de droit qu’elle soit réellement de nature à restreindre la concurrence.

Par ailleurs, un comportement visant à exclure les concurrents nécessite fréquemment, pour atteindre un résultat, le concours de tiers, que ce soient les autorités publiques ou les acteurs sur le marché, de tels comportements étant, en pratique, rarement susceptibles d’exercer un effet direct sur la position concurrentielle des concurrents. Ainsi, le succès d’une pratique d’exclusion des concurrents consistant à ériger des barrières à l’entrée de nature réglementaire, par l’obtention irrégulière de droits exclusifs, dépend nécessairement de la réaction des autorités publiques, voire de celle des juridictions nationales dans le cadre de contentieux éventuellement initiés par des concurrents aux fins de l’annulation de ces droits. Cela étant, des déclarations tendant à obtenir de manière irrégulière des droits exclusifs ne sont constitutives d’un abus que lorsqu’il est démontré que, compte tenu du contexte objectif dans lequel elles sont faites, ces déclarations sont réellement de nature à conduire les autorités publiques à accorder le droit exclusif demandé.

Enfin, la circonstance que l’effet sur la concurrence du comportement abusif se ferait sentir seulement plusieurs années plus tard ne retire pas au comportement en cause, s’il est établi, son caractère abusif.

(cf. points 376-377, 380)

19. La circonstance qu'une entreprise ne détient plus une position dominante au moment où son comportement abusif produit ses effets ne modifie pas la qualification juridique qu’il convient d’attacher à ses actes, dès lors que ceux-ci ont été commis à une époque où elle était en position dominante et qu'il lui incombait donc une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun.

(cf. point 379)

20. La charge de la preuve quant à l’existence de circonstances constitutives d’une violation de l’article 82 CE repose sur la Commission. Il lui revient, par conséquent, d’établir les éléments de preuve propres à démontrer l’existence des faits constitutifs d’une infraction.

À cet égard, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction. Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende.

En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l'article 6, paragraphe 2, de la convention européenne des droits de l'homme, lequel fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence de la Cour, par ailleurs réaffirmée à l’article 6, paragraphe 2, UE, constituent des principes généraux du droit communautaire. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de gravité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes.

Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence de l’infraction. Cela étant, la Commission ne doit pas nécessairement apporter de telles preuves pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement et dont les différents éléments peuvent se renforcer mutuellement, réponde à cette exigence.

(cf. points 474-477, 839)

21. En substituant, dans des déclarations communiquées aux offices de brevets aux fins de demandes de certificats complémentaires de protection, les dates de délivrance des autorisations techniques de mise sur le marché de médicaments dans plusieurs États membres par celles correspondant aux publications du prix du médicament dans ces pays, une entreprise en position dominante ne peut raisonnablement ignorer que, en l’absence de divulgation active de l’interprétation qu’elle entend retenir des textes applicables en la matière et qui sous-tend le choix des dates communiquées, ces déclarations sont de nature à tromper les offices des brevets. Ainsi, sans qu’il soit besoin pour la Commission de démontrer la mauvaise foi de cette entreprise ou une intention positivement frauduleuse de sa part, il suffit de constater qu’un tel comportement, caractérisé par un manque manifeste de transparence, est contraire à la responsabilité particulière incombant à une entreprise en position dominante de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché commun.

(cf. points 491, 493)

22. Une entreprise pharmaceutique qui adopte, pendant plusieurs années, une conduite constante et linéaire, caractérisée par la communication aux offices des brevets de plusieurs États membres de déclarations trompeuses aux fins d’obtenir la délivrance de certificats complémentaires de protection auxquels elle n’a pas droit, ou auxquels elle a droit pour une période plus limitée, abuse de sa position dominante. De telles déclarations trompeuses sont constitutives d’une pratique reposant exclusivement sur des moyens étrangers à la concurrence par les mérites. Un tel comportement est uniquement de nature à tenir indûment les fabricants de produits génériques à l’écart du marché, par le biais de l’obtention de certificats complémentaires de protection, en violation du cadre réglementaire qui institue ces derniers.

(cf. points 598, 608-609)

23. Pour qu’une demande d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament générique puisse être traitée dans le cadre de la procédure abrégée prévue à l’article 4, troisième alinéa, point 8, sous a), iii), de la directive 65/65, relative aux spécialités pharmaceutiques, l’autorisation de mise sur le marché du médicament de référence doit encore être en vigueur dans l’État membre concerné à la date d’introduction de cette demande. La procédure abrégée n'est plus disponible après le retrait de l’autorisation de mise sur le marché du médicament de référence.

Les données relatives aux résultats des essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques auxquels une entreprise procède aux fins d’obtenir une autorisation de mise sur le marché originelle sont le produit d’un investissement qu’elle accomplit aux fins de pouvoir mettre un médicament sur le marché. Un tel investissement est caractéristique des pratiques relevant de la concurrence par les mérites dont les consommateurs sont amenés à bénéficier.

La directive 65/65 a reconnu l’intérêt de protéger un tel investissement en prévoyant une période d’exclusivité pour l’usage de ces données au profit de leur titulaire. Toutefois, après l’expiration de cette période d’exclusivité, l’article 4, troisième alinéa, point 8, sous a), iii), de la directive 65/65 ne reconnaît plus au titulaire d’une spécialité pharmaceutique originale le droit exclusif d’exploiter les résultats des essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques versés au dossier et permet aux fabricants de médicaments essentiellement similaires de bénéficier de l’existence de ces données aux fins de se voir accorder une autorisation de mise sur le marché suivant une procédure abrégée.

Dans ces conditions, après l’expiration de la période d’exclusivité, le comportement tendant à empêcher les fabricants de produits génériques de faire usage de leur droit de bénéficier des résultats des essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques produits aux fins de la mise sur le marché du produit original ne trouve aucun fondement dans la protection légitime d’un investissement relevant de la concurrence par les mérites, dès lors que l'entreprise ne dispose plus, en vertu de la directive 65/65, du droit exclusif d’exploiter les résultats de ces essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques.

Le retrait par une entreprise des autorisations de mise sur le marché est uniquement de nature à faire obstacle à ce que les demandeurs d’autorisations de mise sur le marché de médicaments essentiellement similaires puissent faire usage de la procédure abrégée et, ainsi, à gêner ou à retarder l’entrée sur le marché de produits génériques. De même, en fonction de l’attitude adoptée par les autorités nationales en présence d’un retrait de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit pour des causes étrangères à la santé publique, un tel retrait peut être de nature à empêcher les importations parallèles.

La circonstance selon laquelle une entreprise a le droit de demander le retrait de ses autorisations de mise sur le marché pour les médicaments qu'elle produit n’est aucunement de nature à soustraire ce comportement à l’interdiction prévue à l’article 82 CE.

La circonstance que le cadre réglementaire offre une voie alternative pour obtenir une autorisation de mise sur le marché ne supprime pas le caractère abusif du comportement d’une entreprise en position dominante qui, considéré objectivement, a pour unique objet de rendre indisponible la procédure abrégée prévue à l’article 4, troisième alinéa, point 8, sous a), iii), de la directive 65/65 et, partant, de tenir les producteurs de produits génériques hors du marché le plus longtemps possible et d’augmenter leurs coûts pour surmonter les barrières à l’entrée sur le marché.

Enfin, la circonstance que le retard causé aux concurrents pour accéder au marché ne soit pas évalué avec précision n’influe pas sur la considération selon laquelle le comportement en cause est de nature à restreindre la concurrence, dès lors qu’il est établi que ce retrait a pour conséquence de rendre la voie de la procédure abrégée indisponible.

(cf. points 669-670, 674-677, 812, 829, 831)

24. Si l’existence d’une position dominante ne prive pas une entreprise placée dans cette position du droit de préserver ses intérêts commerciaux propres lorsque ceux-ci sont menacés, celle-ci ne saurait faire usage des procédures réglementaires de façon à empêcher ou à rendre plus difficile l’entrée de concurrents sur le marché, en l’absence de motifs tenant à la défense des intérêts légitimes qui sont ceux d’une entreprise engagée dans une concurrence par les mérites ou en l’absence de justifications objectives.

S'agissant d'un comportement consistant en l’usage de procédures réglementaires sans aucun fondement dans une concurrence par les mérites, la démonstration que, compte tenu du contexte économique ou réglementaire dans lequel ce comportement s’insère, celui-ci est de nature à restreindre la concurrence est suffisante aux fins de sa qualification comme abus de position dominante.

(cf. point 672, 817, 824, 845)

25. L’illégalité d’un comportement abusif au regard de l’article 82 CE est sans relation avec sa conformité ou non avec d’autres règles juridiques. Les abus de position dominante consistent, dans la majorité des cas, en des comportements par ailleurs légaux au regard de branches du droit autres que le droit de la concurrence.

(cf. point 677)

26. La jurisprudence relative aux « installations essentielles » concerne, en substance, les circonstances dans lesquelles un refus de fournir de la part d’une entreprise en position dominante, par le biais, en particulier, de l’exercice d’un droit de propriété, est susceptible de constituer un abus de position dominante. Cette jurisprudence a ainsi notamment trait aux situations dans lesquelles le libre exercice d’un droit exclusif, qui sanctionne la réalisation d’un investissement ou d’une création, peut être limité dans l’intérêt d’une concurrence non faussée dans le marché commun.

Dans le cas d'une entreprise pharmaceutique en position dominante retirant des autorisations de mise sur le marché pour les médicaments qu'elle produit, de façon à rendre inapplicable la procédure abrégée prévue à l’article 4, troisième alinéa, point 8, sous a), iii), de la directive 65/65, relative aux spécialités pharmaceutiques, limitant ainsi l’exploitation des informations issues des essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques, la jurisprudence relative aux « installations essentielles » n'est pas applicable. En effet, un tel comportement ne consiste pas en un refus de donner accès aux résultats des essais pharmacologiques, toxicologiques et cliniques versés au dossier, l'entreprise ne pouvant pas, en tout état de cause, s’opposer, sur la base de son prétendu droit de propriété, à ce que les autorités nationales s’appuient sur les données en cause dans le cadre de la procédure abrégée. En outre, la circonstance que la procédure abrégée n’est plus disponible après le retrait de l’autorisation de mise sur le marché du médicament de référence ne trouve pas sa raison d’être dans le souci de garantir au fabricant du médicament de référence l’exclusivité des données qu’il a fournies, mais dans celui d’assurer la sauvegarde de la santé publique, qui constitue un objectif essentiel de la directive 65/65.

(cf. points 679, 682-683)

27. Si la Commission est tenue de prendre en compte une possible justification objective à un comportement susceptible de constituer un abus de position dominante, encore appartient-il à l’entreprise concernée de soulever cette cause de justification objective durant la procédure administrative et d’avancer les arguments et les éléments de preuve qui y sont relatifs. Tel est plus particulièrement le cas lorsque l’entreprise concernée est la seule à avoir connaissance de cette justification objective ou est naturellement mieux placée que la Commission pour en révéler l’existence et en démontrer la matérialité.

La légalité d’un acte communautaire devant être appréciée en fonction des éléments d’information dont l’institution pouvait disposer au moment où elle l’a arrêté, nul ne saurait se prévaloir devant le juge communautaire d’éléments de fait qui n’ont pas été avancés au cours de la procédure administrative.

(cf. points 686-687)

28. L’élaboration par une entreprise pharmaceutique, même en position dominante, d’une stratégie ayant pour objet de minimiser l’érosion de ses ventes et d’être en mesure de faire face à la concurrence des produits génériques est légitime et relève du jeu normal de la concurrence, pour autant que le comportement envisagé ne s’écarte pas des pratiques relevant d’une concurrence par les mérites, de nature à profiter aux consommateurs.

Toutefois, l’absence d’obligation incombant à une entreprise en position dominante de protéger les intérêts des sociétés concurrentes ne rend pas compatible avec l’article 82 CE des pratiques mises en œuvre uniquement aux fins d’exclure les concurrents. En effet, la seule volonté d’une entreprise en position dominante de préserver ses intérêts commerciaux propres et de se prémunir contre la concurrence des produits génériques et des importations parallèles ne justifie pas le recours à des pratiques étrangères à la concurrence par les mérites.

(cf. points 804, 816)

29. Le droit communautaire de la concurrence reconnaît que différentes sociétés appartenant à un même groupe constituent une entité économique, et donc une entreprise, si ces sociétés ne déterminent pas de façon autonome leur comportement sur le marché.

Pour qu’un comportement donné puisse être qualifié d’abusif au sens de l’article 82 CE, il n’est pas requis qu’il soit mis en œuvre à la suite d’une stratégie élaborée par les instances dirigeantes d'un groupe de sociétés.

Un comportement mis en œuvre par l’une des sociétés faisant partie de l’entité économique que constitue le groupe est également susceptible d’enfreindre l’article 82 CE.

En outre, lorsqu'une filiale est détenue en totalité par une société mère, il n’est pas nécessaire d’examiner si la société mère peut influer de manière déterminante sur la politique de sa filiale, cette dernière suivant nécessairement une politique tracée par les mêmes organes statutaires qui déterminent la politique de la société mère.

(cf. points 818-820)

30. Lorsqu'un requérant demande au Tribunal, dans le corps des arguments exposés dans la requête et dans la réplique, de réduire le montant des amendes que la Commission lui a infligées en raison de la violation des règles de concurrence, en omettant, au stade des conclusions, de conclure formellement à une telle réduction, une telle omission ne s’oppose pas à ce que le Tribunal exerce son pouvoir de pleine juridiction en ce qui concerne les amendes. En effet, même en l’absence de conclusions formelles, celui-ci est autorisé à réduire le montant d’une amende excessive, puisqu’un tel résultat ne dépasserait pas les limites du petitum, mais, bien au contraire, aboutirait à accueillir partiellement la requête.

(cf. point 884)

31. La notion d’infraction unique et continue a trait à un ensemble d’actions qui s’inscrivent dans un plan d’ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. Aux fins de qualifier différents agissements d’infraction unique et continue, il y a lieu de vérifier s’ils présentent un lien de complémentarité, en ce sens que chacun d’entre eux est destiné à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence, et contribuent, par le biais d’une interaction, à la réalisation des objectifs visés dans le cadre de ce plan global. À cet égard, il y a lieu de tenir compte de toute circonstance susceptible d’établir ou de remettre en cause ledit lien, telle que la période d’application, le contenu (y compris les méthodes employées) et, corrélativement, l’objectif des divers agissements en question.

Relève d’une infraction unique et continue la conduite d'une entreprise pharmaceutique, constante dans le temps, procédant d'une stratégie élaborée par ses organes centraux et caractérisée par la communication aux offices des brevets de nombreux pays de déclarations trompeuses aux fins d’obtenir la délivrance de certificats complémentaires de protection auxquels elle n’a pas droit, ou auxquels elle a droit pour une période plus limitée.

(cf. points 892-893)

32. Un abus de position dominante consistant en des déclarations trompeuses soumises de propos délibéré par une entreprise afin d’obtenir des droits exclusifs auxquels elle n'a pas droit, ou auxquels elle a droit pour une période plus limitée, et ayant pour objet de tenir les concurrents à l’écart du marché, constitue manifestement une infraction grave. La circonstance qu'un tel abus est inédit ne saurait remettre en cause cette conclusion, compte tenu du caractère manifestement contraire à la concurrence par les mérites de telles pratiques. Par ailleurs, le fait qu’un comportement présentant les mêmes caractéristiques n’ait pas encore été examiné dans des décisions de la Commission antérieures n’exonère pas l’entreprise de sa responsabilité.

Constitue également une infraction grave, l'abus de position dominante consistant, pour une entreprise pharmaceutique, à retirer des autorisations de mise sur le marché des médicaments qu'elle produit, et ayant pour objet de créer des obstacles à l’entrée sur le marché des produits génériques dans plusieurs pays et aux importations parallèles dans d'autres pays, tendant ainsi à compartimenter le marché commun.

(cf. point 901)

33. Dans le cadre de la détermination du montant de l'amende pour infraction aux règles communautaires de concurrence, des éléments relevant de l’objet d’un comportement peuvent avoir plus d’importance aux fins de la fixation du montant de l’amende que ceux relatifs à ses effets.

(cf. points 902, 911)