ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (assemblée plénière)
11 juillet 2007 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Pensions – Augmentation du taux de contribution au régime de pensions en application des dispositions du statut dans sa version en vigueur à compter du 1er mai 2004 »
Dans l’affaire F‑105/05,
ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,
Dieter Wils, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Altrier (Luxembourg), représenté par Mes G. Vandersanden et C. Ronzi, avocats,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté par MM. J. F. De Wachter et M. Mustapha Pacha, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenu par
Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M. Arpio Santacruz et M. Simm, en qualité d’agents,
et par
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
LE TRIBUNAL (assemblée plénière),
composé de MM. P. Mahoney, président, H. Kreppel et S. Van Raepenbusch, présidents de chambre, Mme I. Boruta, MM. H. Kanninen, H. Tagaras et S. Gervasoni (rapporteur), juges,
greffier : Mme W. Hakenberg,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 février 2007,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 21 octobre 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 28 octobre suivant), M. Wils demande l’annulation de son bulletin de salaire du mois de janvier 2005, dans la mesure où, en application du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version en vigueur à compter du 1er mai 2004 (ci-après le « statut » ou le « nouveau statut »), ce bulletin porte augmentation du taux de contribution au régime de pensions à 9,75 %, avec effet rétroactif au 1er juillet 2004.
Cadre juridique
2 L’article 83 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2004 (ci-après l’« ancien statut »), disposait :
« 1. Le paiement des prestations prévues au présent régime de pensions constitue une charge du budget des Communautés. Les États membres garantissent collectivement le paiement de ces prestations selon la clé de répartition fixée pour le financement de ces dépenses.
[…]
2. Les fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement de ce régime de pensions. Cette contribution est fixée à 8,25 % du traitement de base de l’intéressé, compte non tenu des coefficients correcteurs prévus à l’article 64. Cette contribution est déduite mensuellement du traitement de l’intéressé.
[…]
4. Si l’évaluation actuarielle du régime de pensions effectuée par un ou plusieurs experts qualifiés à la demande du Conseil [de l’Union européenne] révèle que le montant de la contribution des fonctionnaires est insuffisant pour assurer le financement du tiers des prestations prévues au régime de pensions, les autorités budgétaires, statuant selon la procédure budgétaire et après avis du comité du statut prévu à l’article 10, fixent les modifications à apporter aux taux des contributions ou à l’âge de la retraite. »
3 Le règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1), est entré en vigueur le 1er mai 2004. L’article 83 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version en vigueur à compter du 1er mai 2004 prévoit désormais :
« 1. Le paiement des prestations prévues au présent régime de pensions constitue une charge du budget des Communautés. Les États membres garantissent collectivement le paiement de ces prestations selon la clé de répartition fixée pour le financement de ces dépenses.
[…]
2. Les fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement de ce régime de pensions. Cette contribution est fixée à 9,25 % du traitement de base de l’intéressé, compte non tenu des coefficients correcteurs prévus à l’article 64. Cette contribution est déduite mensuellement du traitement de l’intéressé. La contribution est adaptée selon les règles fixées à l’annexe XII.
3. Les modalités relatives à la liquidation des pensions des fonctionnaires ayant exercé leurs fonctions pour partie à la Communauté européenne du charbon et de l’acier ou appartenant aux institutions ou organes communs des Communautés ainsi que la répartition des charges résultant de la liquidation de ces pensions entre le fonds de pensions de la Communauté européenne du charbon et de l’acier et les budgets de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique seront réglées sur la base d’un règlement arrêté du commun accord des Conseils et de la commission des présidents de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, après avis du comité du statut. »
4 En outre, le règlement n° 723/2004 a inséré un nouvel article 83 bis dans le statut, en vertu duquel :
« 1. L’équilibre du régime de pensions est assuré selon les modalités prévues à l’annexe XII.
2. Les agences qui ne reçoivent pas de subvention du budget général de l’Union européenne versent audit budget la totalité des contributions nécessaires au financement du régime de pensions.
3. Lors de l’évaluation actuarielle quinquennale effectuée conformément à l’annexe XII, et afin d’assurer l’équilibre du régime, le Conseil décide du taux de la contribution et de la modification éventuelle de l’âge de la retraite.
4. La Commission [des Communautés européennes] présente chaque année au Conseil une version actualisée de l’évaluation actuarielle, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe XII. Lorsqu’il y est démontré un écart d’au moins 0,25 point entre le taux de contribution en vigueur et le taux nécessaire au maintien de l’équilibre actuariel, le Conseil examine s’il y a lieu d’adapter le taux, conformément aux modalités fixées à l’annexe XII.
5. Pour l’application des paragraphes 3 et 4 du présent article, le Conseil statue, sur proposition de la Commission, à la majorité qualifiée prévue à l’article 205, paragraphe 2, premier tiret, du traité CE. Pour l’application du paragraphe 3, la proposition de la Commission est présentée après avis du comité du statut. »
5 L’annexe XII du statut, portant dispositions d’exécution de l’article 83 bis, prévoit, à son article 1er :
« 1. Pour déterminer la contribution des fonctionnaires au régime de pensions visé à l’article 83, paragraphe 2, du statut, la Commission procède tous les cinq ans, à partir de 2004, à l’évaluation actuarielle de l’équilibre du régime des pensions visée à l’article 83 bis, paragraphe 3, du statut. Cette évaluation indique si la contribution des fonctionnaires est suffisante pour financer le tiers du coût du régime.
2. Aux fins de l’évaluation visée à l’article 83 bis, paragraphe 4, du statut, la Commission actualise chaque année cette évaluation actuarielle en fonction de l’évolution démographique définie à l’article 9 de la présente annexe, du taux d’intérêt défini à l’article 10 de la présente annexe et du taux de variation annuelle du barème des traitements des fonctionnaires des Communautés européennes défini à l’article 11 de la présente annexe.
3. L’évaluation et la mise à jour s’effectuent pour chaque année n, sur la base du nombre de membres actifs du régime de pensions au 31 décembre de l’année précédente (n-1). »
6 L’article 2 de l’annexe XII du statut dispose :
« 1. Toute adaptation du taux de contribution prend effet le 1er juillet, en même temps que l’adaptation annuelle des rémunérations visée à l’article 65 du statut. Les adaptations ne doivent pas se traduire par une contribution supérieure ou inférieure de plus d’un point de pourcentage du taux applicable l’année précédente.
2. L’adaptation prenant effet le 1er juillet 2004 ne doit pas se traduire par une contribution excédant 9,75 %. L’adaptation prenant effet le 1er juillet 2005 ne doit pas se traduire par une contribution excédant 10,25 %.
3. La différence établie entre l’adaptation du taux de contribution qui aurait résulté du calcul actuariel et l’adaptation résultant de la variation visée au paragraphe 2 ne doit jamais être recouvrée ni, par conséquent, être intégrée dans les calculs actuariels ultérieurs. Le taux de contribution qui aurait résulté du calcul actuariel est mentionné dans le rapport d’évaluation visé à l’article 1er de la présente annexe. »
7 Aux termes de l’article 4 de l’annexe XII du statut :
« 1. L’équilibre actuariel est déterminé sur la base de la méthode de calcul exposée dans le présent chapitre.
2. Conformément à cette méthode, la ‘valeur actuarielle’ des droits à pension acquis avant la date de calcul représente les engagements pour les périodes d’activité écoulées, alors que la valeur actuarielle des droits à pension qui seront acquis au cours de l’année d’activité commençant à la date de calcul représente le ‘coût du service’.
3. Il est posé en hypothèse que tous les départs à la retraite (ce qui exclut l’invalidité) interviendront à un âge moyen r déterminé. L’âge moyen du départ à la retraite est actualisé uniquement à l’occasion de l’analyse actuarielle quinquennale visée à l’article 1er de la présente annexe, et n’est pas nécessairement le même pour toutes les catégories de personnel.
4. Dans la détermination des valeurs actuarielles,
a) il est tenu compte de l’évolution ultérieure du traitement de base de chaque fonctionnaire entre la date de calcul et l’âge théorique du départ à la retraite ;
b) il n’est pas tenu compte des droits à pension acquis avant la date de calcul (les engagements pour les périodes d’activité écoulées).
5. Toutes les dispositions pertinentes prévues dans le présent statut (en particulier aux annexes VIII et XIII) sont prises en compte dans l’évaluation actuarielle du coût du service.
6. Un processus de lissage est appliqué à la détermination du taux d’actualisation réel et du taux de variation annuelle dans les barèmes de traitement des fonctionnaires des Communautés européennes. Le lissage est obtenu à l’aide d’une moyenne mobile sur [douze] ans pour le taux d’intérêt et pour l’accroissement dans les barèmes de traitement. »
8 Aux termes de l’article 10 de l’annexe XII du statut :
« 1. Les taux d’intérêt à prendre en considération pour le calcul actuariel sont fondés sur les taux d’intérêt annuels moyens observés pour la dette publique à long terme des États membres, tels que publiés par la Commission. Un indice des prix à la consommation approprié est utilisé pour le calcul du taux d’intérêt correspondant, net d’inflation, nécessaire aux fins des calculs actuariels.
2. Le taux annuel effectif à prendre en considération pour le calcul actuariel est la moyenne des taux d’intérêt moyens réels des [douze] années précédant l’année en cours. »
9 L’exécution technique de l’annexe XII du statut est confiée à Eurostat, assisté d’un ou plusieurs experts indépendants qualifiés pour effectuer les évaluations actuarielles. Aux termes de l’article 13 de l’annexe XII du statut :
« […]
3. Le 1er septembre de chaque année, Eurostat présente un rapport relatif aux évaluations et aux mises à jour visées à l’article 1er de la présente annexe.
4. Toutes les questions méthodologiques inhérentes à l’exécution de la présente annexe sont traitées par Eurostat en coopération avec les experts nationaux des services concernés des États membres et avec l’expert ou les experts indépendants qualifiés. Eurostat organise une réunion avec ce groupe au moins une fois par an, à l’occasion des analyses actuarielles quinquennales. Toutefois, Eurostat peut organiser des réunions plus fréquentes s’il l’estime nécessaire. »
10 La décision du Conseil, du 23 juin 1981, instituant une procédure de concertation tripartite en matière de relations avec le personnel (ci-après la « décision du 23 juin 1981 ») prévoit :
« I. Concertation dans le cadre de la commission de concertation
1. Les relations entre le Conseil et le personnel, représenté par les organisations syndicales et professionnelles, sont fondées sur une procédure de concertation à laquelle participent les autorités administratives des institutions et organes assimilés et au cours de laquelle toutes les informations disponibles et les positions des parties sont examinées dans le but de faciliter, dans toute la mesure du possible, la convergence des positions et d’assurer que les points de vue du personnel et des autorités administratives sont connus des représentants des États membres avant qu’ils ne prennent une position ferme.
2. a) La concertation a lieu au sein d’une commission de concertation se composant :
– d’un représentant de chaque État membre ;
– d’un nombre égal de représentants du personnel désignés par les organisations syndicales et professionnelles ;
– du chef de l’administration de chaque institution (c’est-à-dire le greffier de la Cour de justice [des Communautés européennes] et le [s]ecrétaire général de chacune des autres institutions) ou d’une personne désignée par lui afin de le représenter.
[…]
3. La procédure de concertation peut être appliquée seulement aux propositions soumises au Conseil par la Commission relatives à la modification du statut […] ou du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes ou relatives à l’application des dispositions dudit statut ou dudit régime concernant les rémunérations ou les pensions. Elle est appliquée à ces propositions chaque fois qu’un membre de la commission de concertation en fait la demande.
[…]
7. La commission de concertation établit un rapport sur les résultats de l’examen de la proposition effectué en son sein, qu’elle transmet […] au Comité des représentants permanents en vue de sa présentation au Conseil. »
Faits à l’origine du litige
11 Le requérant est fonctionnaire du Parlement européen où il travaille depuis 1991. Avant d’être affecté à l’unité « Transports et déménagements », il a été chef du service « Pensions » du Parlement.
12 À la suite de l’entrée en vigueur du nouveau statut, le requérant a constaté que la réforme statutaire était susceptible d’entraîner une augmentation de sa contribution au financement du régime communautaire de pensions.
13 Par lettre du 23 juillet 2004, le requérant a adressé au secrétaire général du Parlement une série de 41 questions et demandes relatives, notamment, à la légitimité du nouveau statut et de son annexe XII.
14 Par lettre du 30 novembre 2004, le Parlement a répondu partiellement au requérant, plusieurs de ses questions et demandes étant cependant éludées ou non satisfaites.
15 Postérieurement à la réception de la lettre susmentionnée du 30 novembre 2004, le requérant a constaté que son bulletin de salaire du mois de janvier 2005 indiquait que sa contribution au régime de pensions avait été augmentée avec effet rétroactif au 1er juillet 2004 et qu’elle s’élevait dorénavant à 9,75 %.
16 Par lettre datée du 28 février 2005, le requérant a introduit une réclamation, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, par laquelle il contestait les réponses données par le Parlement dans la lettre susmentionnée du 30 novembre 2004 et demandait l’annulation de son bulletin de salaire du mois de janvier 2005.
17 Par lettre du 13 juillet 2005, le président du Parlement a rejeté la réclamation du requérant.
Procédure et conclusions des parties
18 Le présent recours a été initialement enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑399/05.
19 Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous le numéro F‑105/05.
20 Par acte parvenu au greffe du Tribunal de première instance par télécopie le 1er décembre 2005 (le dépôt de l’original étant intervenu le 5 décembre suivant), le Conseil a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Parlement. Par ordonnance du 22 février 2006, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention.
21 Par acte séparé, parvenu au greffe du Tribunal le 3 avril 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 5 avril suivant), le Conseil a soulevé une exception au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier. Par cet acte, il a été demandé au Tribunal que l’avis du service juridique du Conseil, du 10 avril 2003, produit par le requérant en annexe à sa requête, soit retiré du dossier de la présente affaire.
22 Par ordonnance du 20 juin 2006, le Tribunal a fait droit à la demande du Conseil en écartant l’avis du service juridique, du 10 avril 2003, du dossier et a réservé les dépens.
23 En application de l’article 51, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal a décidé, le 4 octobre 2006, les parties entendues, de renvoyer l’affaire devant l’assemblée plénière.
24 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal a demandé aux parties, à la partie intervenante et à la Commission, alors tiers à l’instance, de répondre à des questions écrites et de lui communiquer des documents.
25 Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 décembre 2006, la Commission a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du Parlement. En application de l’article 115, paragraphe 1, et de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le président du Tribunal a admis, par ordonnance du 10 janvier 2007, la Commission à intervenir lors de la procédure orale.
26 Par télécopie parvenue au greffe du Tribunal le 8 février 2007, la Commission a demandé, au nom des trois institutions présentes à l’instance, qu’un fonctionnaire d’Eurostat puisse venir exposer certains éléments techniques à l’audience. Eu égard au caractère technique des questions soulevées par le litige, le Tribunal a admis que les agents des institutions puissent être assistés à l’audience, pour les besoins de la défense, par un fonctionnaire d’Eurostat. Informé par le Tribunal de la présence dudit fonctionnaire à l’audience par télécopie du 9 février 2007, le représentant du requérant n’a pas émis d’objection, notamment le jour de l’audience, à ce que ce fonctionnaire puisse répondre à des questions d’ordre technique posées par le Tribunal.
27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 février 2007.
28 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler son bulletin de salaire du mois de janvier 2005, avec effet rétroactif au 1er juillet 2004 ;
– condamner le Parlement aux dépens.
29 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer le recours partiellement irrecevable et, pour le reste, non fondé ;
– statuer sur les dépens comme de droit.
30 Le Conseil et la Commission, parties intervenantes, soutiennent les conclusions du Parlement.
En droit
31 Le requérant soutient que l’augmentation du taux de contribution au régime de pensions à 9,75 %, figurant sur son bulletin de salaire du mois de janvier 2005, est dépourvue de base juridique légale, dans la mesure où ledit taux de contribution a été fixé en application de l’annexe XII du statut, à l’encontre de laquelle l’intéressé soulève une exception d’illégalité.
32 L’exception d’illégalité soulevée par le requérant à l’encontre de l’annexe XII du statut s’appuie, en substance, sur cinq moyens. Le premier moyen est tiré de ce que le règlement n° 723/2004 a été adopté en méconnaissance de la procédure de concertation prévue par la décision du 23 juin 1981. Le deuxième moyen est tiré de ce que l’annexe XII du statut serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation des faits ayant conduit à une erreur de droit. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité. Le quatrième moyen est tiré d’un détournement de pouvoir. Le cinquième moyen est tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.
1. Sur l’intérêt à agir
33 La Commission a soutenu à l’audience qu’il n’est nulle part fait mention dans la requête de la situation personnelle du requérant, mais seulement de questions institutionnelles, politiques et syndicales. Le recours aurait été présenté dans le seul intérêt de la loi et devrait, pour ce motif, être rejeté comme irrecevable.
34 Il est vrai, en premier lieu, que tous les moyens de la requête sont tirés de l’illégalité de l’annexe XII du statut, laquelle annexe ne concerne pas individuellement le requérant, au sens où elle ne l’atteint pas en raison de certaines qualités qui lui seraient particulières ou d’une situation de fait qui le caractériserait par rapport à toute autre personne, mais le concerne seulement au même titre que tout autre fonctionnaire. C’est pourquoi, en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, le requérant ne serait pas recevable à demander directement l’annulation de ladite annexe XII (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223 ; arrêt du Tribunal de première instance du 29 novembre 2006, Agne-Dapper e.a./Commission e.a., T‑35/05, T‑61/05, T‑107/05, T‑108/05 et T‑139/05, RecFP p. I‑A‑2‑291 et II‑A‑2‑1497, point 58).
35 Néanmoins, en application de l’article 241 CE, le requérant a la possibilité de faire valoir, par voie d’exception, l’illégalité des actes communautaires de portée générale qui le concernent de manière non individuelle, en particulier le statut, ce en sa qualité de fonctionnaire. Selon la Cour, cette faculté conditionne même le respect du droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 40). C’est pourquoi l’exigence d’un lien direct et individuel entre le requérant et l’acte de portée générale qu’il attaque ne saurait être opposée à une action incidente introduite sur le fondement de l’article 241 CE.
36 La recevabilité de la contestation, de manière incidente, d’un acte communautaire de portée générale est seulement subordonnée à la double condition que l’acte individuel attaqué ait été pris en application directe de l’acte de portée générale (voir arrêt de la Cour du 5 octobre 2000, Conseil/Chvatal e.a., C‑432/98 P et C‑433/98 P, Rec. p. I‑8535, point 33) et que le requérant possède un intérêt à attaquer la décision individuelle qui fait l’objet de l’action principale (arrêt Agne-Dapper e.a./ Commission e.a., précité, points 42 et 43).
37 Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que l’augmentation du taux de contribution aux pensions figurant sur le bulletin de salaire du requérant de janvier 2005 a été décidée en application directe de l’annexe XII du statut ni que le requérant possède un intérêt à demander l’annulation de cette augmentation.
38 En second lieu, il résulte d’une jurisprudence constante que le requérant n’est pas habilité à agir dans l’intérêt de la loi ou des institutions et ne peut faire valoir, à l’appui d’un recours en annulation, que les griefs qui lui sont personnels (arrêt de la Cour du 30 juin 1983, Schloh/Conseil, 85/82, Rec. p. 2105, point 14). Mais cette exigence ne saurait être comprise comme signifiant que le juge communautaire n’admet la recevabilité d’un grief qu’à la condition qu’il se rattache à la situation personnelle du seul requérant. De la même manière que le recours n’est recevable que si le requérant a un intérêt personnel à voir annuler l’acte qu’il attaque (voir arrêt du Tribunal de première instance du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, point 44, et, a contrario, ordonnance du Tribunal de première instance du 24 janvier 2000, Cuenda Guijarro e.a./Conseil, T‑179/98, RecFP p. I‑A‑1 et II‑1, point 60), les griefs du requérant ne sont recevables que s’ils sont susceptibles de fonder une annulation dont il puisse tirer profit, c’est-à-dire à laquelle il ait personnellement intérêt (arrêts de la Cour du 15 mars 1973, Marcato/Commission, 37/72, Rec. p. 361, point 7, et du 16 décembre 1976, Perinciolo/Conseil, 124/75, Rec. p. 1953, point 26). De même, une exception d’illégalité n’est recevable que si elle est susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a soulevée (arrêt du Tribunal de première instance du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, RecFP p. I‑A‑2‑297 et II‑A‑2‑1527, point 132).
39 Ainsi, la Cour a jugé qu’un fonctionnaire du Conseil n’avait pas intérêt à se plaindre de ce que la vacance d’un emploi litigieux n’ait pas été portée à la connaissance du personnel des institutions communautaires autres que le Conseil, s’agissant d’une omission qui ne lui faisait pas grief (arrêt Schloh/Conseil, précité, points 13 et 14). Le Tribunal de première instance a également jugé dans son arrêt Campoli/Commission, précité (point 133), que, le requérant n’ayant pas établi qu’il pourrait bénéficier financièrement d’un arrêt dudit tribunal déclarant illégale l’introduction d’un coefficient correcteur applicable aux pensions minimal de 100 % pour les États membres où le coût de la vie est le moins élevé, ce grief, présenté dans le cadre d’une exception d’illégalité dirigée contre l’article 20 de l’annexe XIII du statut, était, par suite, irrecevable.
40 Dans le présent litige, il est vrai que les moyens allégués par le requérant à l’appui de l’exception d’illégalité de l’annexe XII du statut ne concernent pas sa seule situation personnelle. Toutefois, ils sont tous tirés d’irrégularités susceptibles de lui avoir nui. L’intéressé a en effet intérêt à faire valoir en justice, à titre incident, que ladite annexe n’a pas été adoptée dans le respect des règles de concertation que le Conseil avait fixées, que la méthode de calcul de sa contribution aux pensions est manifestement erronée et inappropriée pour atteindre l’objectif de l’équilibre actuariel du régime de pensions, ou résulte d’un détournement de pouvoir, et que la confiance légitime qu’il avait placée dans le respect des règles de financement dudit régime devait être dûment protégée.
41 Ainsi, la circonstance que les griefs formulés par le requérant prennent appui sur des considérations institutionnelles, politiques et syndicales et qu’ils ne concernent pas sa seule situation personnelle n’est pas de nature à établir que ces griefs sont irrecevables.
42 Il résulte de tout ce qui précède que la fin de non-recevoir soulevée par la Commission doit être écartée.
2. Sur le fond
Sur le premier moyen, tiré de la violation de la procédure de concertation
Arguments des parties
43 Le requérant soutient dans sa requête (au point 31 et dans la note en bas de page numéro 9) que la procédure d’adoption de la réforme du régime communautaire de pensions a été viciée, dès lors que la concertation prévue par la décision du 23 juin 1981 n’a pas eu lieu sur la base d’une proposition formelle de la Commission.
44 Selon les affirmations du Parlement dans son mémoire en défense, le requérant n’apporterait pas la preuve que la commission de concertation ne pouvait être consultée que sur une proposition formelle de la Commission au Conseil. La décision du 23 juin 1981 ne mentionnerait nullement cette exigence.
45 Le requérant réaffirme, dans son mémoire en réplique, que l’annexe XII du statut aurait été adoptée en violation de la procédure de concertation prévue par la décision du 23 juin 1981. En effet, alors que la commission de concertation aurait dû être saisie de toute proposition de la Commission au Conseil, en vertu de l’article 3 de la décision du 23 juin 1981, la commission de concertation n’aurait été consultée que sur la proposition initiale d’annexe XII présentée par la Commission, et non sur la seconde proposition de la Commission, qui avait pris en compte les orientations dégagées par le Conseil le 19 mai 2003 (le compromis de la présidence grecque). La commission de concertation aurait été consultée directement par le Conseil sur le compromis de ladite présidence. La Commission n’ayant présenté sa proposition modifiée qu’en novembre 2003, la version finale de l’annexe XII n’aurait pas été soumise à la commission de concertation par la Commission et n’aurait, par conséquent, pas reçu l’approbation des organisations représentatives du personnel.
46 Le Conseil souligne, dans son mémoire en intervention, que, en tant qu’autorité communautaire compétente pour modifier le statut, il a adopté le règlement n° 723/2004 sur proposition de la Commission telle qu’amendée par le document COM (2003) 721 du 18 novembre 2003 et après consultation des institutions concernées, conformément à l’article 283 CE. En outre, le Conseil rappelle que la proposition initiale de la Commission, du 26 novembre 2002, contenait déjà une nouvelle annexe XII du statut, qui prévoyait une méthode pour assurer l’équilibre du régime de pensions. Pour des raisons d’urgence, la Commission n’aurait pas inclus dans cette proposition initiale les détails de la méthode de calcul. À la suite des négociations, cette méthode aurait néanmoins été présentée dans la seconde proposition de la Commission, du 18 novembre 2003. L’annexe XII du statut aurait donc bien été adoptée sur une proposition formelle de la Commission et après consultation formelle de la commission de concertation. Le considérant 38 du règlement n° 723/2004 ferait d’ailleurs état de l’acceptation des nouvelles règles « par les organisations représentatives du personnel consultées dans le cadre de la commission de concertation instituée par la décision […] du 23 juin 1981 ».
47 Dans son mémoire en duplique, le Parlement fait valoir, à titre principal, que le moyen tiré de la violation de la procédure de concertation n’aurait été invoqué formellement par le requérant qu’au stade de la réplique et que ce moyen devrait, en conséquence, être déclaré irrecevable. À titre subsidiaire, le Parlement rappelle qu’une irrégularité de procédure n’entraîne l’annulation d’une décision que s’il est établi qu’en l’absence de cette irrégularité, la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent. Or, en l’espèce, le requérant n’avancerait aucun argument permettant de penser que, si la commission de concertation avait été saisie formellement de la seconde proposition de règlement, du 18 novembre 2003, le contenu de l’annexe XII du statut aurait été différent. Enfin, la décision du 23 juin 1981 n’imposerait pas, sous peine d’illégalité du règlement adopté, que la commission de concertation soit saisie d’une proposition modificative de règlement.
48 Enfin, selon l’opinion exprimée par la Commission à l’audience, le requérant ne possèderait aucun intérêt personnel à critiquer la régularité de la procédure de concertation et ce grief serait, par suite, irrecevable.
Appréciation du Tribunal
49 Il ressort des pièces du dossier qu’une première proposition de règlement du Conseil modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes a été présentée par la Commission en avril 2002. Cette proposition ne prévoyait pas de modification importante du régime de pensions. Par décision du 19 mai 2003, le Conseil a fixé les orientations de la réforme du régime de pensions et décidé de lier cette réforme à celle du statut. La procédure de concertation s’est déroulée, de juin à septembre 2003, sur la base de la première proposition de la Commission et des orientations du Conseil. Le 18 novembre suivant, la Commission a présenté une seconde proposition de règlement du Conseil tenant compte des orientations dégagées par le Conseil le 19 mai 2003 et des résultats de la procédure de concertation.
50 L’argumentation du requérant relative à l’irrégularité de la procédure de concertation se divise en deux branches. La première branche est tirée de ce que, contrairement aux dispositions de la décision du 23 juin 1981, la concertation n’aurait pas eu lieu sur la base d’une proposition formelle de la Commission, mais à l’initiative du Conseil et sur la base d’un texte élaboré directement par ce dernier. Selon la seconde branche, la seconde proposition de la Commission incluant la nouvelle version de l’annexe XII du statut n’aurait pas été soumise à la commission de concertation.
51 En premier lieu, en vertu des dispositions du point I 3 de la décision du 23 juin 1981, la procédure de concertation ne peut être appliquée qu’aux propositions soumises au Conseil par la Commission relatives à la modification du statut ou du régime applicable aux autres agents des Communautés, ou relatives à l’application des dispositions dudit statut ou dudit régime concernant les rémunérations ou les pensions. Ces dispositions subordonnent l’organisation d’une procédure de concertation à la réunion de deux conditions, à savoir une proposition de la Commission au Conseil dans la matière concernée et une demande d’un membre de la commission de concertation. Ces dispositions n’ont pas, en revanche, pour objet d’interdire à la commission de concertation, ce qui serait d’ailleurs contraire à l’objectif de la procédure, d’élargir la concertation à d’autres éléments que ceux contenus dans la proposition de la Commission et de prendre en compte tous les éléments pertinents, fournis par les organisations syndicales ou professionnelles, les États membres ou les institutions, en vue d’assurer sa mission de concertation tripartite. Par conséquent, la décision du 23 juin 1981 ne faisait pas obstacle, contrairement à ce que soutient le requérant dans la première branche de son argumentation, à ce que la commission de concertation examine, comme en l’espèce, les modifications que le Conseil envisageait de demander à la Commission d’apporter à sa première proposition.
52 En deuxième lieu, ainsi qu’il vient d’être rappelé, la procédure de concertation ne s’applique aux propositions de la Commission que si un membre de la commission de concertation en fait la demande. Cette disposition est destinée à éviter que la procédure de concertation ne se tienne lorsqu’elle ne paraît pas présenter d’utilité à ceux-là mêmes qui ont la responsabilité de la conduire. Ladite disposition peut notamment permettre à la commission de concertation de se dispenser d’examiner les propositions modificatives de la Commission, lorsque la première proposition a déjà fait l’objet d’une concertation jugée suffisante.
53 En l’espèce, le Conseil a fait valoir à l’audience, sans être contesté, qu’aucun membre de la commission de concertation n’avait demandé l’application de la procédure de concertation à la seconde proposition, modificative, de la Commission, présentée le 18 novembre 2003. Par suite, il n’existait aucune obligation légale d’engager la procédure de concertation sur cette proposition, contrairement à ce que présuppose la seconde branche de l’argumentation du requérant.
54 En dernier lieu et de surcroît, il est de jurisprudence constante qu’une irrégularité de procédure n’est de nature à vicier un acte que s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, ledit acte aurait pu avoir un contenu différent (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 5 mars 2003, Staelen/Parlement, T‑24/01, RecFP p. I‑A‑79 et II‑423, point 53).
55 Or, il ne ressort pas des pièces du dossier que le fait que la seconde proposition de la Commission, du 18 novembre 2003, n’ait pas été soumise à la concertation ait pu exercer une influence sur le contenu de l’annexe XII du statut. En effet, si le requérant a fait valoir à l’audience que la concertation n’avait pu porter sur la nouvelle version de ladite annexe XII, formalisée dans la seconde proposition de la Commission, il n’indique pas précisément quels sont les éléments qui auraient été, de ce fait, soustraits à la concertation. Il ressort, au contraire, du point 18 des résultats de la commission de concertation, qui ont été communiqués au Tribunal par télécopie le 8 décembre 2006 par le Conseil en réponse aux questions écrites du Tribunal, datées du 26 octobre 2006, que la commission de concertation a approuvé la méthode actuarielle finalement inscrite à l’annexe XII du statut, à savoir la méthode résultant d’une étude d’Eurostat de septembre 2003, aménagée sur trois points. La majorité des organisations syndicales, en particulier, a marqué son accord avec la réforme, comme le Conseil l’a rappelé à l’audience.
56 Il suit de là qu’il n’est pas établi que, si la procédure de concertation avait été appliquée à la seconde proposition de la Commission, l’annexe XII du statut aurait pu avoir un contenu différent. Dès lors, à supposer même que l’annexe XII du statut soit entachée d’une irrégularité de procédure à cet égard, une telle irrégularité serait en tout état de cause insusceptible de vicier ladite annexe.
57 Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation de la procédure de concertation doit être écarté, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa recevabilité.
Sur les deuxième et troisième moyens, tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation du principe de proportionnalité
58 En l’espèce, il y a lieu, en raison du lien étroit entre ces deux griefs, de les examiner conjointement.
Arguments des parties
59 En ce qui concerne, en premier lieu, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, une telle erreur entacherait, selon le requérant, le choix, fait à l’article 10, paragraphe 2, de l’annexe XII du statut, de calculer le taux d’intérêt réel moyen sur une période de douze années précédant l’année en cours. En effet, dans l’évaluation actuarielle menée en 2003, c’est sur une période de vingt années précédant l’année en cours qu’Eurostat et le groupe d’experts nationaux se seraient accordés. La période de référence de douze années aurait été adoptée afin que le calcul aboutisse à un taux de contribution des fonctionnaires plus élevé. Le requérant relève que le procès-verbal de la réunion, qui s’est tenue le 7 juin 2004, du groupe d’experts chargé, en application de l’article 13, paragraphe 4, de l’annexe XII du statut, d’assister Eurostat dans sa mission d’exécution technique de ladite annexe (ci-après le « groupe de travail ‘article 83’ »), mentionne que la période de référence de vingt années, pourtant préconisée dans l’étude actuarielle effectuée par la société KPMG en 1998 et retenue par le rapport d’Eurostat de 2003, conformément aux normes comptables internationales IAS n° 19, a été remplacée par une période de référence de douze années à la suite de négociations politiques. Ce paramètre n’aurait donc pas été choisi pour assurer l’équilibre actuariel du régime. Il appartiendrait au Parlement ou au Conseil d’expliquer les motifs de ce choix.
60 Le Parlement fait valoir que le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation ayant conduit à une erreur de droit n’a pas été invoqué dans la réclamation et qu’il est, par suite, irrecevable. Sur le fond, compte tenu de la marge d’appréciation dont dispose le Conseil en tant que législateur en matière de dispositions statutaires, seule une erreur manifeste d’appréciation pourrait être censurée par le juge et le choix d’une période de référence de douze années ne constituerait pas une telle erreur. Un expert indépendant, la société Ernst & Young Actuaires-Conseils, aurait d’ailleurs confirmé la pertinence et la fiabilité des procédures et hypothèses actuarielles utilisées.
61 Le Conseil souligne dans son mémoire en intervention que, s’il est vrai que la diminution de la période de référence de vingt à douze années s’est traduite par une diminution du taux d’actualisation utilisé lors de l’évaluation actuarielle au 31 décembre 2003 (3,9 % au lieu de 4,7 %) et que cette baisse du taux d’actualisation explique en partie l’augmentation du taux de contribution (de 10,43 %, avant application de la règle de plafonnement à 9,75 %, figurant à l’article 2, paragraphe 2, de l’annexe XII du statut), ce constat ne permet pas de conclure que la mesure adoptée n’est pas appropriée pour garantir l’équilibre actuariel du régime de pensions.
62 Le Conseil admet que la diminution du nombre d’années à prendre en compte dans le calcul du taux d’intérêt réel rend celui-ci, et avec lui le taux de contribution, plus volatile, mais il soutient que ce choix n’a pas d’impact sur l’équilibre du régime de pensions à long terme, étant donné que les taux d’intérêt sont recalculés chaque année, ce qui permet d’ajuster annuellement le taux de contribution en vue d’assurer l’équilibre actuariel. Rien ne permettrait d’affirmer que le taux d’intérêt réel moyen calculé sur douze années serait, dans le futur, systématiquement inférieur au taux d’intérêt réel moyen calculé sur vingt années. Le Conseil signale, en outre, qu’une période de douze années a également été retenue pour déterminer le taux général d’augmentation des salaires à prendre en compte dans les calculs actuariels, à l’article 4, paragraphe 6, de l’annexe XII du statut.
63 Le raisonnement sur l’équilibre actuariel supposerait une vision de long terme. On ne pourrait conclure que les dispositions de l’annexe XII du statut ne seraient pas appropriées du seul fait que les calculs actuariels se traduiraient une année donnée par une augmentation du taux de la contribution aux pensions.
64 En ce qui concerne, en second lieu, la violation du principe de proportionnalité, elle résulterait, selon le requérant, de ce que l’augmentation du montant de la contribution des fonctionnaires au régime de pensions ne serait ni nécessaire ni appropriée pour assurer l’équilibre actuariel. Au vu des éléments dont aurait disposé le législateur, notamment le rapport d’Eurostat de septembre 2003, l’augmentation du taux de contribution apparaîtrait manifestement disproportionnée. Ledit rapport d’Eurostat aurait démontré qu’une augmentation du taux de la contribution à 8,7 % était suffisante pour garantir l’équilibre actuariel. Le requérant soutient que c’est le choix de retenir une période de douze années pour le calcul du taux d’intérêt réel moyen, de préférence à une période de vingt années, qui a conduit à calculer un taux de contribution nettement plus élevé. Or, selon le rapport de l’actuaire EIS Belgium, que le requérant a fait réaliser, cette durée de douze années serait moins adéquate.
65 Le Parlement considère que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité doit être déclaré irrecevable, dans la mesure où il n’a pas été présenté de façon expresse dans la réclamation préalable et dans la mesure où cette réclamation ne contenait aucun élément dont le Parlement aurait pu déduire que le requérant entendait invoquer ledit moyen.
66 À titre subsidiaire, le Parlement rappelle que, selon la jurisprudence, le législateur dispose dans le domaine économique d’un large pouvoir d’appréciation. Cette jurisprudence serait également applicable au domaine statutaire, s’agissant de l’appréciation de l’équilibre actuariel du régime de pensions. Par conséquent, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre, pourrait affecter la légalité d’une telle mesure. Or, la méthode de l’annexe XII du statut et ses paramètres, en particulier la fixation à douze années de la période de référence pour le calcul du taux d’intérêt réel moyen, ne seraient pas manifestement inappropriés en vue du but à atteindre, à savoir assurer l’équilibre actuariel.
Appréciation du Tribunal
– Sur l’étendue du contrôle exercé par le juge sur les dispositions de l’annexe XII du statut
67 Le juge communautaire exerce, en principe, un contrôle entier sur la légalité au fond de l’acte, à savoir un contrôle qui porte tant sur les motifs de droit et de fait de l’acte que sur son contenu. Dans ce cas, le juge communautaire vérifie notamment la validité des appréciations de fait effectuées par l’auteur de l’acte.
68 Toutefois, dans les domaines qui supposent une appréciation complexe, notamment de situations économiques (voir arrêt de la Cour du 19 novembre 1998, Royaume-Uni/Conseil, C‑150/94, Rec. p. I‑7235, point 54) ou de méthodes statistiques (voir pour l’adaptation des coefficients correcteurs des rémunérations, arrêts du Tribunal de première instance du 8 novembre 2000, Bareyt e.a./Commission, T‑158/98, RecFP p. I‑A‑235 et II‑1085, point 57, et du 25 septembre 2002, Ajour e.a./Commission, T‑201/00 et T‑384/00, RecFP p. I‑A‑167 et II‑885, point 48) ainsi que dans l’exercice de responsabilités politiques attribuées par les traités (voir arrêt de la Cour du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, C‑310/04, Rec. p. I‑7285, point 96 ; arrêt du Tribunal de première instance du 1er décembre 1999, Boehringer/Conseil et Commission, T‑125/96 et T‑152/96, Rec. p. II‑3427, point 74), le juge communautaire reconnaît aux institutions un large pouvoir d’appréciation.
69 Dès lors, en contrôlant l’exercice d’une telle compétence, le juge doit se limiter à examiner si l’acte soumis à son contrôle n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou de détournement de pouvoir, ou encore si l’institution n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêts de la Cour du 25 janvier 1979, Racke, 98/78, Rec. p. 69, point 5 ; du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, point 40, et du 25 octobre 2001, Italie/Conseil, C‑120/99, Rec. p. I‑7997, points 44 et 45).
70 En l’espèce, l’équilibre actuariel du régime communautaire de pensions, dont l’annexe XII du statut définit les modalités, suppose la prise en compte sur le long terme des évolutions économiques et de variables financières et exige la réalisation de calculs statistiques complexes. C’est pourquoi le législateur communautaire dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour arrêter les modalités de l’équilibre actuariel dudit régime de pensions. Le Tribunal de première instance a, en outre, jugé que le Conseil dispose, pour aménager le nouveau régime communautaire de pensions, d’un large pouvoir d’appréciation, qui correspond aux responsabilités politiques que le traité lui attribue (arrêt Campoli/Commission, précité, points 143 et 144).
71 Il résulte de ce qui précède que le Tribunal n’exerce sur les dispositions de l’annexe XII du statut, que le requérant met en cause par voie d’exception, en particulier celles de l’article 10, paragraphe 2, qu’un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.
72 En vertu du principe de proportionnalité, la légalité d’une réglementation communautaire est également subordonnée à la condition que les moyens qu’elle met en œuvre soient aptes à réaliser l’objectif légitimement poursuivi par la réglementation en cause et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir, en principe, à la moins contraignante (arrêt du Tribunal de première instance du 5 juin 1996, NMB France e.a./Commission, T‑162/94, Rec. p. II‑427, point 69, et la jurisprudence citée).
73 Toutefois, il est de jurisprudence constante que, s’agissant d’un domaine où le législateur communautaire dispose, comme en l’espèce, d’un large pouvoir d’appréciation qui correspond aux responsabilités politiques que le traité lui attribue, le contrôle de proportionnalité se limite à l’examen du seul caractère manifestement inapproprié de la mesure en cause par rapport à l’objectif que l’institution compétente est chargée de poursuivre (voir, en ce sens, arrêt Italie/Conseil, précité, points 44 et 45 ; arrêts NMB France e.a./Commission, précité, point 70, et Campoli/Commission, précité, point 143).
74 Eu égard au contrôle restreint exercé par le juge sur les dispositions règlementaires en cause, la Commission s’est inquiétée à l’audience de la précision et de la technicité des questions écrites ainsi que de l’étendue des demandes de pièces, adressées par le Tribunal aux parties et aux parties intervenantes, en soulignant que le requérant serait resté en défaut de rapporter la preuve, qui lui incomberait, qu’un droit supérieur aurait, en l’espèce, été violé par le législateur communautaire. Selon ladite institution, les mesures d’organisation de la procédure décidées par le Tribunal seraient même susceptibles de porter atteinte au principe du respect des droits de la défense, le Tribunal risquant d’élaborer lui-même, en dehors des arguments des parties, la solution du litige.
75 Une telle argumentation ne peut, dans la présente affaire, être retenue. En effet, le contrôle juridictionnel exercé en l’espèce, même s’il a une portée limitée, requiert que le Conseil, auteur de l’acte en cause, soit en mesure d’établir devant le juge communautaire que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de son pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (arrêt du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, précité, point 122).
76 Il en résulte que le Conseil doit, à tout le moins, pouvoir produire et exposer de façon claire et non équivoque les données de base ayant dû être prises en compte pour fonder les mesures contestées et dont dépendait l’exercice de son pouvoir d’appréciation (arrêt du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, précité, point 123).
77 Or, le requérant a fourni, à l’appui des moyens tirés de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation du principe de proportionnalité, des indices suffisamment précis, objectifs et concordants qui ont justifié que le Tribunal intervienne directement dans la recherche des éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, Rec. p. I‑1611, point 113), afin de vérifier si le Conseil n’avait pas fait un usage manifestement erroné ou inapproprié de son large pouvoir d’appréciation.
78 Le requérant a étayé son argumentation par de nombreuses pièces, soit un total de 47 pièces annexées à ses différents mémoires, et fait également réaliser par un actuaire, EIS Belgium, une étude comparative des méthodes actuarielles utilisées par les rapports d’Eurostat de septembre 2003 et de septembre 2004. Il a ainsi produit le maximum d’éléments à sa disposition et même un document qu’il n’était pas fondé à produire, dont le Tribunal a décidé le retrait du dossier, par ordonnance du 20 juin 2006.
79 En revanche, les institutions n’ont produit spontanément que peu ou pas de documents : le Parlement n’a produit aucune annexe et le Conseil a joint deux pièces à son mémoire en intervention.
80 Or, deux des trois études actuarielles à partir desquelles a été élaborée la réforme du régime de pensions, à savoir l’étude effectuée par la société KPMG, datée de décembre 1998, et une étude effectuée par l’actuaire Watson Wyatt Brans & Co, datée de décembre 2002, ne figuraient pas au dossier alors même qu’elles étaient mentionnées à de nombreuses reprises par les parties et citées, à titre démonstratif, par le Conseil dans son mémoire en intervention. De même, les parties débattaient des obligations résultant pour le Conseil de la décision du 23 juin 1981 et de la norme internationale comptable IAS n° 19, sans avoir communiqué ces textes. Aussi le Tribunal a-t-il demandé que ces documents soient versés au dossier.
81 En outre, dès lors que ni le Parlement ni le Conseil n’indiquaient dans leurs mémoires les raisons pour lesquelles la période de référence de douze années avait été choisie par le législateur, invoquant seulement le large pouvoir d’appréciation du Conseil, le Tribunal a estimé qu’il lui incombait de rechercher ces raisons dans les travaux préparatoires de l’annexe XII du statut et d’en demander, par conséquent, la communication, afin d’être à même d’apprécier en connaissance de cause le bien-fondé des griefs tirés du caractère manifestement erroné ou manifestement inapproprié du choix de cette période de référence.
82 De surcroît, la circonstance que le Tribunal, s’estimant insuffisamment éclairé sur certains points, ait décidé, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, d’adresser au Parlement et au Conseil plusieurs questions écrites ne saurait être considérée comme incompatible avec les droits de la défense.
83 Enfin, pour les mêmes raisons, le Tribunal a jugé nécessaire, compte tenu du rôle de la Commission, en particulier d’Eurostat, dans l’élaboration de l’annexe XII du statut, d’adresser également des questions à cette institution.
– Sur la période de référence de douze années
84 Ainsi qu’il ressort des dispositions conjointes de l’article 83 bis, paragraphe 1, du statut et de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe XII dudit statut, l’objectif de la méthode de calcul exposée dans cette annexe est d’assurer l’équilibre actuariel du régime communautaire de pensions. En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 5 de l’annexe XII du statut, le taux de contribution des fonctionnaires doit être fixé à un niveau suffisant pour financer le tiers du coût du régime, calculé sur une base actuarielle.
85 À la différence des régimes dits de « répartition », dont l’équilibre, défini de façon budgétaire, est atteint si le total des ressources constituées des contributions versées par l’employeur et les salariés pendant l’année couvre le total des prestations versées la même année aux pensionnés, le régime communautaire de pensions est en équilibre, au sens actuariel de l’annexe XII du statut, si le niveau des contributions à payer chaque année par les fonctionnaires en activité permet de financer le montant futur des droits que ces fonctionnaires ont acquis au cours de la même année. À la différence de l’approche budgétaire, l’approche actuarielle envisage donc le financement du régime de pensions sur le long terme. L’article 83, paragraphe 2, du statut prévoit que les fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement du régime de pensions, les deux autres tiers étant à la charge des institutions.
86 L’annexe XII du statut utilise la méthode dite de « projection de l’unité de crédit », qui est préconisée par la norme internationale comptable IAS n° 19. Selon cette méthode, la somme des valeurs actuarielles des droits à pension acquis par tous les actifs d’une année, appelée par les actuaires « coût du service », est rapportée au total annuel de leur traitement de base. Le taux de contribution des fonctionnaires est égal au tiers de ce rapport, compte tenu de la clé de répartition du financement résultant de l’article 83, paragraphe 2, du statut. Le calcul du coût du service requiert des hypothèses actuarielles, c’est-à-dire des estimations de la valeur future de plusieurs paramètres (taux d’intérêt, mortalité, progression salariale, etc.). Pour tenir compte des valeurs effectivement observées, le respect de l’équilibre actuariel exige un ajustement périodique desdites hypothèses, que l’article 1er, paragraphe 2, de l’annexe XII prévoit d’effectuer annuellement.
87 Comme l’ensemble des parties et des parties intervenantes l’ont souligné, le taux de contribution aux pensions est, en particulier, très sensible aux variations des taux d’intérêt réels retenus pour les calculs actuariels. La prise en considération de taux d’intérêt réels bas aboutit à une augmentation significative du taux de contribution aux pensions. Inversement, retenir, aux fins du calcul actuariel, des taux d’intérêt réels élevés a pour effet de diminuer de façon sensible le taux de contribution. Compte tenu de cette sensibilité du taux de contribution aux variations des taux d’intérêt réels et afin d’éviter des modifications fréquentes et même des changements brutaux du taux de contribution, les actuaires préconisent l’utilisation d’un taux d’intérêt réel moyen calculé sur une longue période.
88 Ainsi, l’article 10, paragraphe 2, de l’annexe XII du statut définit le taux d’intérêt à prendre en considération pour le calcul actuariel comme la moyenne des taux d’intérêt réels moyens des douze années précédant l’année en cours.
89 Le requérant conteste le choix de cette période. Il fait valoir, à juste titre, que toutes les études actuarielles dont disposaient le Conseil pour arrêter la méthode de l’annexe XII du statut avaient retenu une période plus longue, de vingt années, pour le calcul du taux d’intérêt réel moyen. C’est, en effet, le cas de l’étude de la société KPMG de décembre 1998, de l’étude de l’actuaire Watson Wyatt Brans & Co de décembre 2002 et même du rapport d’Eurostat de septembre 2003. Il apparaît ainsi que l’annexe XII du statut s’écarte sur ce point de la pratique habituelle des actuaires.
90 De plus, les mesures d’organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal ont permis de mettre en évidence que le Conseil ne disposait, lors de l’adoption de l’annexe XII du statut, d’aucune étude actuarielle du régime communautaire de pensions effectuée en retenant une période de douze années. En revanche, il ressort du compte rendu de la réunion du groupe de travail « article 83 » du 7 juin 2004, annexé au mémoire en réplique, que la période a été réduite de vingt à douze années « à la suite de négociations politiques ».
91 Après avoir fait seulement valoir, dans son mémoire en intervention, que le choix de la période de douze années relevait de son large pouvoir d’appréciation, le Conseil a expliqué, en réponse à une question écrite du Tribunal, les raisons pour lesquelles il s’était écarté de la pratique actuarielle suivie par les trois études dont il disposait : le choix de la période de douze années serait le résultat d’un compromis, approuvé par les organisations représentatives du personnel, entre une durée de vingt années proposée par la Commission et une durée de cinq années souhaitée par certains États membres.
92 Les pièces du dossier et, en particulier, le « non-paper » de la présidence du Comité des représentants permanents (Coreper), en date du 23 septembre 2003, qui a été produit par le Conseil en réponse à une demande de pièces adressée par le Tribunal, permettent de compléter ces explications. Comme les taux d’intérêt annuels ont été particulièrement bas au cours des années précédant 2004, le taux d’intérêt réel moyen aurait été peu élevé s’il avait été calculé sur une courte période précédant ladite année. Dans la mesure où ce taux sert à calculer la valeur future des contributions versées par les fonctionnaires pendant l’année en cours, plus ce taux est faible plus les contributions des fonctionnaires doivent être élevées pour assurer l’équilibre actuariel du régime. Ainsi, il ressort du « non-paper » du 23 septembre 2003 que, toutes choses étant égales par ailleurs, le choix d’une période de cinq années pour le calcul du taux d’intérêt réel moyen aurait abouti à un taux de contribution de 12,4 % au 1er janvier 2004 au lieu de 8,9 %, si une période de vingt années avait été retenue. Il ressort de cette comparaison que le raccourcissement de la période de référence, finalement réduite à douze années, a été décidé en vue d’obtenir un relèvement immédiat plus important du taux de contribution des fonctionnaires.
93 Cette constatation n’est pas de nature, pour autant, à faire regarder la période de douze années comme un paramètre manifestement erroné ou manifestement inapproprié aux fins du calcul actuariel.
94 En effet, premièrement, si les actuaires retiennent plutôt une durée de vingt années, leur pratique n’a pas la valeur d’une norme obligatoire. En particulier, la norme internationale comptable IAS n° 19, invoquée par le requérant, dépourvue de portée contraignante pour le législateur communautaire, ne recommande pas un lissage du taux d’intérêt réel moyen sur une période déterminée.
95 Deuxièmement, ainsi qu’il a été exposé au point 87 du présent arrêt, le calcul de la moyenne des taux d’intérêt sur une période définie précédant l’année en cours a pour but d’éviter que le taux de contribution ne varie chaque année en fonction du taux d’intérêt annuel. Mais le fait d’utiliser une moyenne sur douze années au lieu d’une moyenne sur vingt années ne met pas en cause l’équilibre actuariel.
96 Certes, le Conseil admet lui-même dans son mémoire en intervention que la diminution du nombre d’années à prendre en compte dans le calcul du taux d’intérêt réel moyen rend celui-ci, et avec lui le taux de contribution aux pensions, « plus volatile ». L’objet de la période de référence étant précisément de limiter la volatilité du taux de contribution, la période de vingt années apparaît, par conséquent, plus adéquate que celle de douze années, comme le souligne l’étude actuarielle d’EIS Belgium que le requérant a versée au dossier.
97 Pour autant, le choix d’une période de référence de douze années n’affecte pas la validité de la méthode actuarielle définie par le Conseil. D’une part, la valeur prospective d’un taux d’intérêt réel moyen calculé sur une période passée est en tout état de cause approximative, quelle que soit la durée de cette période. D’autre part, ainsi qu’il a été dit précédemment, la durée de la période de référence n’est pas susceptible d’affecter l’équilibre actuariel, sous réserve que le paramètre ne soit pas modifié sur la longue durée. Comme le fonctionnaire d’Eurostat l’a exposé à l’audience, ce n’est que si, à l’avenir, la durée de cette période était, compte tenu de l’évolution des taux d’intérêt, allongée ou réduite afin de maintenir à un niveau bas le taux d’intérêt réel moyen utilisé dans le calcul actuariel et, par conséquent, à un niveau élevé le taux de contribution des fonctionnaires, que l’objectivité de la méthode de calcul pourrait être mise en doute et que le but de garantir l’équilibre actuariel sur des bases transparentes et incontestables serait affecté.
98 Il résulte de ce qui précède que la période de douze années, retenue à l’article 10, paragraphe 2, et à l’article 4, paragraphe 6, de l’annexe XII du statut, n’est ni manifestement erronée ni manifestement inappropriée. Dès lors, les moyens tirés de ce que la méthode actuarielle de l’annexe XII du statut serait entachée sur ce point d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe de proportionnalité doivent être écartés, sans qu’il soit besoin, en conséquence, de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées à l’encontre de ces moyens.
Sur le quatrième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir
Arguments des parties
99 Le requérant expose que la méthode de calcul de l’annexe XII du statut, prétendument élaborée en vue d’assurer l’équilibre actuariel du régime communautaire de pensions, aurait été, en réalité, confectionnée pour justifier une augmentation du taux de contribution des fonctionnaires au régime de pensions. L’objectif de cette augmentation serait, d’une part, de faire supporter par les fonctionnaires le déficit du régime de pensions, lequel se serait accumulé parce que les États membres se seraient longtemps abstenus de verser leur contribution au régime, et, d’autre part, d’aligner le régime communautaire sur les régimes nationaux, moins avantageux.
100 L’annexe XII du statut serait, d’une part, contraire à l’article 83, paragraphe 4, de l’ancien statut, qui prévoyait que la contribution des fonctionnaires au régime ne pouvait être augmentée qu’en vue d’assurer l’équilibre actuariel du régime de pensions, et, d’autre part, entachée d’un détournement de procédure.
101 Les États membres auraient entendu faire financer par les fonctionnaires le déficit du régime de pensions, alors que celui-ci ne serait pas imputable à ces derniers. L’existence d’un déficit préexistant à la réforme statutaire ressortirait du rapport du rapporteur général de la commission des budgets du Parlement, Mme Dührkop Dührkop, sur le projet de budget général de l’Union européenne pour l’exercice 1999 (ci-après le « rapport Dührkop Dührkop »), qui aurait chiffré ce déficit à 14,3 milliards d’euros au 31 décembre 1997. Ce rapport aurait constaté que, jusqu’en 1997, les États membres n’avaient pas, ou pas entièrement, payé la part des cotisations au régime de pensions incombant à l’employeur. Jusqu’en 1982, aucune contribution de l’employeur au régime de pensions n’aurait été versée et, de 1982 à 1998, cette contribution n’aurait été versée qu’en partie. Aux termes du rapport Dührkop Dührkop, « le nombre des fonctionnaires de la Communauté n’ayant cessé d’augmenter, au fur et à mesure de l’extension des compétences de la Communauté et de l’élargissement de l’Union […], le ‘rendement biologique’ du système était, jusqu’à une date récente, suffisant pour maintenir l’équilibre du régime, c’est-à-dire que l’ensemble des prestations versées au titre du régime de pension[s] n’était pas supérieur à la somme des contributions des employés et de la part patronale [;] [q]ui plus est, jusqu’en 1982, la contribution salariale équivalente à un tiers du financement suffisait à elle seule à couvrir l’ensemble des prestations versées au titre du régime de pension [s ;] [e]n 1998, l’ensemble des prestations versées [a dépassé] le total théorique […] des [contributions] salariales pour la retraite, […] de la part patronale hypothétique ou nominale et […] du rachat des droits à pension acquis au titre des régimes nationaux ».
102 La méthode définie à l’annexe XII du statut serait le résultat d’un « marchandage politique », plusieurs États membres ayant demandé que les dépenses excédentaires du régime de pensions soient supportées par les fonctionnaires. La proposition initiale d’annexe XII du statut adressée au Conseil par la Commission n’aurait énoncé que quelques grands principes, mais, après qu’il aurait été constaté que la méthodologie fixée en 2003 ne servait pas l’objectif principal d’augmentation du taux de contribution, il aurait été décidé d’inscrire dans ladite annexe XII une nouvelle méthode détaillée, avec des paramètres arbitraires. C’est pourquoi les augmentations du taux de contribution des fonctionnaires prévues par le statut ne pourraient pas être déduites des études menées par Eurostat en 2003 selon la norme internationale comptable IAS n° 19 et n’auraient pas pour seul but de garantir l’équilibre actuariel du régime.
103 Dans son mémoire en défense, le Parlement remarque que, en prétendant que l’annexe XII du statut est illégale, le requérant invoque le moyen tiré d’une violation des traités ou d’une règle supérieure aux dispositions contenues dans ladite annexe XII. Or, le requérant serait resté en défaut de préciser quelle règle supérieure à cette annexe aurait été méconnue. En effet, les dispositions de l’article 83, paragraphe 4, de l’ancien statut, n’auraient pas de valeur juridique supérieure aux dispositions nouvellement adoptées par le Conseil, sous la forme de l’annexe XII du statut. À défaut d’un fondement juridique déterminé, le moyen serait donc irrecevable. Dans l’hypothèse où le présent moyen devrait être interprété comme la dénonciation d’un détournement de procédure, le Parlement souligne qu’il n’a pas été expressément présenté au stade de la réclamation préalable et qu’il devrait également être rejeté comme irrecevable.
104 Sur le fond, le Parlement fait valoir que l’augmentation du taux de contribution des fonctionnaires était nécessaire au maintien de l’équilibre actuariel du régime communautaire de pensions. Cette augmentation, décidée par le Conseil, aurait été adoptée à partir d’une proposition de la Commission fondée sur un rapport relatif à l’évaluation actuarielle du régime de pensions. Selon ce rapport, « pour assurer l’équilibre du système de pensions, le taux de contribution nécessaire pour financer un tiers des prestations prévues par le régime [communautaire] de pensions […] [était] de 10,43 % du traitement de base ». L’augmentation du taux de contribution aurait donc eu pour base une étude actuarielle effectuée conformément aux principes de l’annexe XII du statut et aux pratiques actuarielles généralement admises.
105 Le Parlement rappelle enfin qu’un détournement de pouvoir n’existe que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que l’acte attaqué a été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre d’autres fins que celles excipées. Or, le requérant n’aurait pas démontré que l’apurement du déficit budgétaire du régime de pensions aurait constitué le but exclusif ou déterminant de l’adoption de l’annexe XII du statut, ni que l’adoption de cette annexe aurait répondu à l’objectif exclusif ou déterminant d’aligner vers le bas le régime communautaire de pensions, afin de le rapprocher des régimes nationaux. À cet égard, le Parlement soutient que les documents présentés par le requérant ne constituent aucunement des indices suffisants permettant de démontrer de façon certaine que l’annexe XII du statut visait d’autres fins que celles excipées. Même à supposer, quod non, qu’il y aurait eu un « marchandage politique », comme le prétend le requérant, le but déterminant de l’annexe XII du statut aurait été la fixation d’une procédure permettant de garantir l’équilibre actuariel du régime de pensions.
106 Dans son mémoire en réplique, le requérant considère qu’il a implicitement invoqué le détournement de procédure dans sa réclamation préalable, bien que ses arguments n’aient pas été formulés en termes strictement juridiques. Selon la jurisprudence, il ne saurait être exigé que les griefs invoqués au soutien de la réclamation préalable soient formulés dans de tels termes.
107 Le requérant se réfère à l’étude qu’il a fait réaliser par l’actuaire EIS Belgium, qui a analysé le changement de méthode actuarielle intervenu entre 2003 et 2004 et l’écart des résultats obtenus par l’une et l’autre méthodes. Malgré les demandes du requérant, le Parlement n’aurait fourni aucune explication sur les raisons de ce changement de méthode. Le requérant suggère que le Tribunal demande la production des documents qui expliquent ce revirement.
108 Contrairement à ce qu’allèguerait le Parlement, le rapport rédigé en 2004 par Ernst & Young Actuaires-Conseils, à la demande d’Eurostat, n’affirmerait pas que la méthode figurant à l’annexe XII du statut serait conforme aux pratiques actuarielles. Ce rapport aurait seulement consisté en une vérification de l’équilibre actuariel tel que défini à l’annexe XII du statut, sur la base d’informations fournies par Eurostat.
109 Le requérant conteste que le législateur puisse décider de manière discrétionnaire la méthode de calcul de l’équilibre actuariel. Dès lors qu’il se référait à un équilibre actuariel, le législateur aurait dû respecter les principes utilisés par les spécialistes pour son calcul.
110 Dans son mémoire en intervention, le Conseil expose que les modalités de calcul arrêtées dans l’annexe XII du statut répondent exclusivement à l’objectif, commun à l’ancien et au nouveau statuts, de garantir l’équilibre actuariel du régime de pensions.
111 Le Conseil appuie les arguments du Parlement. En outre, il considère que, compte tenu de la nature du régime de pensions des fonctionnaires communautaires, les arguments du requérant relatifs à une prétendue insuffisance des contributions des États membres sont erronés. Il n’y aurait pas de « contributions » des États membres à concurrence d’un certain pourcentage du total des pensions, comme cela aurait pu être le cas dans un système de fonds de pension. En revanche, les États membres auraient l’obligation de financer le budget des Communautés, de sorte que ledit budget puisse assurer le paiement des pensions, quel que soit leur montant.
112 Lors de l’adoption du règlement n° 723/2004, le Conseil aurait estimé qu’il fallait inclure dans le statut une méthode de calcul garantissant l’équilibre actuariel du régime communautaire de pensions. Mais, compte tenu de la variabilité des paramètres économiques à prendre en compte, le Conseil disposerait d’une marge d’appréciation pour définir cette méthode. Or, le requérant n’aurait pas explicité en quoi la méthode prévue à l’annexe XII du statut aurait outrepassé cette marge d’appréciation ni quelle disposition de ladite annexe XII aurait été adoptée pour utiliser les contributions des fonctionnaires au régime de pensions à d’autres fins que la garantie de l’équilibre actuariel.
113 Le requérant ne serait pas fondé à soutenir, en se référant au rapport d’Eurostat de septembre 2003, en particulier à l’analyse statistique faite à son point 8.2.3.1., que le taux de contribution des fonctionnaires à appliquer afin de garantir l’équilibre actuariel aurait dû être inférieur à celui qui a été finalement arrêté par le statut, à savoir 9,25 %. En effet, certaines mesures du statut, telles que la diminution du pourcentage d’acquisition annuel de droits à pension (1,9 % au lieu de 2 %), ne produiraient leurs effets dans le sens d’une diminution du taux de contribution qu’à long terme. De même, une grande partie des changements prévus par le statut aurait peu d’effet immédiat, car ils ne seraient pas, ou pas entièrement, applicables aux fonctionnaires recrutés avant l’entrée en vigueur du statut. En revanche, le changement des règles concernant le calcul du taux d’intérêt réel à utiliser dans les calculs actuariels (moyenne sur douze années au lieu de vingt années) aurait eu un effet immédiat sur le taux de contribution calculé.
114 Dans ses observations sur le mémoire en intervention du Conseil, le requérant soutient que c’est la méthode de l’annexe XII du statut dans son ensemble qui a été conçue de manière à justifier une augmentation du taux de contribution. Le taux de contribution aurait ainsi été fixé à 9,25 % alors que l’étude d’Eurostat de septembre 2003 indiquait clairement qu’un taux de contribution de 8,91 % était suffisant pour garantir l’équilibre actuariel et prévoyait même que l’entrée en vigueur du nouveau statut permettrait d’abaisser ce taux à 8,7 % environ.
115 La marge d’appréciation du législateur communautaire ne justifierait pas l’arbitraire. À cet égard, le Conseil n’aurait fourni aucune explication du choix du législateur de raccourcir de vingt à douze années la période de référence pour le calcul du taux d’intérêt réel moyen, défini par la moyenne des taux d’intérêt réels pendant la période de référence.
116 Dans son mémoire en duplique, le Parlement fait valoir que le juge communautaire exerce un contrôle limité aux erreurs manifestes ou graves lorsqu’il contrôle la légalité d’une norme législative communautaire qui suppose des appréciations complexes. Or, l’étude d’EIS Belgium, produite par le requérant, n’aurait relevé dans l’annexe XII du statut aucune erreur grave ou manifeste. À propos de la période de douze années, retenue par cette annexe pour le calcul du taux d’intérêt réel moyen, l’auteur de l’étude se serait contenté d’indiquer qu’une période de vingt années aurait été plus adéquate. En effet, aucune règle comptable n’interdirait de retenir une période de référence de douze années pour ce calcul.
117 La raison pour laquelle la méthode utilisée par le rapport d’Eurostat de septembre 2003 n’aurait pas été finalement retenue serait simple : le législateur aurait fait usage de la marge d’appréciation dont il dispose pour choisir la méthode de calcul de l’équilibre actuariel.
Appréciation du Tribunal
118 À titre liminaire, il convient d’écarter l’argument tiré de la contrariété de l’annexe XII du statut à l’article 83, paragraphe 4, de l’ancien statut. Ces dispositions ayant été abrogées lors de l’entrée en vigueur du statut, le requérant n’est, en tout état de cause, pas fondé à s’en prévaloir (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal de première instance du 17 septembre 1997, Antillean Rice Mills/Commission, T‑26/97, Rec. p. II‑1347, points 14 à 16).
119 Ainsi que la Cour l’a jugé à maintes reprises, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris exclusivement, ou à tout le moins de manière déterminante, à des fins autres que celles dont il est excipé ou dans le but d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité (voir arrêt du 21 juin 1958, Groupement des hauts fourneaux et aciéries belges/Haute Autorité, 8/57, Rec. p. 223, 256 ; voir également, en ce qui concerne les actes du législateur communautaire, arrêts du 10 mars 2005, Espagne/Conseil, C‑342/03, Rec. p. I‑1975, point 64, et du 7 septembre 2006, Espagne/Conseil, précité, point 69).
120 L’objectif de l’annexe XII du statut, ainsi qu’il a été exposé au point 84 du présent arrêt et qu’il ressort également du considérant 28 du règlement n° 723/2004, est d’assurer le maintien de l’équilibre actuariel du régime communautaire de pensions dans le respect de la clé de répartition prévue pour le financement de ce régime, en calculant un taux de contribution des fonctionnaires suffisant pour financer le tiers du coût du service.
121 Or, le requérant fait valoir que les mesures adoptées par le Conseil, en particulier le choix de calculer le taux d’intérêt réel moyen sur douze années au lieu de vingt années, n’étaient pas en relation avec le but que cette institution affirmait poursuivre, les préoccupations budgétaires immédiates l’ayant emporté sur le souci d’établir, sur les bases les plus objectives, le calcul de l’équilibre actuariel.
122 À cet égard, quelles, et si fermes, qu’aient été les dénégations du Conseil à l’audience, il ressort des pièces du dossier que des considérations budgétaires sont effectivement intervenues dans le choix de la période de douze années, comme il a déjà été exposé au point 92 du présent arrêt.
123 Premièrement, ce choix déroge à une pratique habituelle en matière de calcul actuariel, consistant à calculer, pour obtenir un meilleur lissage de la variable, la moyenne des taux d’intérêt sur une période, plus longue, de vingt années. Deuxièmement, il ressort de l’étude effectuée par Eurostat en septembre 2003 qu’un relèvement du taux de contribution à 8,9 %, voire 8,7 %, compte tenu des modifications statutaires envisagées, était suffisant au 1er janvier 2004 pour assurer l’équilibre actuariel du régime de pensions, si l’on retenait un taux d’intérêt réel moyen calculé sur une période de vingt années précédant l’année en cours. Troisièmement, l’étude réalisée par l’actuaire EIS Belgium a mis en évidence que le choix de la période de référence explique pour l’essentiel qu’Eurostat ait pu calculer, dans son rapport de septembre 2004, un taux de contribution de 10,43 %. Enfin, les travaux préparatoires de la réforme des pensions, notamment la note du Conseil du 7 mars 2003, annexée à la requête, révèlent la volonté affirmée de plusieurs États membres d’augmenter la contribution des fonctionnaires dans le but de réduire le coût budgétaire du régime de pensions.
124 Il apparaît néanmoins que les considérations budgétaires n’ont pas affecté de manière déterminante la méthode de l’annexe XII du statut. En effet, l’inscription dans le statut d’une méthode actuarielle fait en elle-même obstacle à ce que les contributions des fonctionnaires soient modifiées en fonction de la situation budgétaire, puisque c’est par rapport aux besoins futurs de financement du régime de pensions, définis objectivement selon ladite méthode actuarielle, que les contributions de l’année en cours sont désormais calculées.
125 Le calcul du taux d’intérêt réel moyen sur une période plus ou moins longue n’a lui-même aucune influence, ainsi qu’il a été exposé aux points 95 à 97 du présent arrêt, sur l’équilibre actuariel, puisque cette période a pour seule fonction d’assurer un lissage dans le temps du taux d’intérêt et, par voie de conséquence, du taux de contribution. En outre, le choix d’une durée de douze années ne remet pas même en cause la fonction de lissage de la période de référence, comme aurait pu le faire le choix d’une durée vraiment courte comme celle de cinq années, qui avait été proposée par certaines délégations au sein du Conseil afin d’obtenir un taux de contribution plus élevé en 2004. Ainsi, entre la stabilité du taux de contribution garantie par une période de référence suffisamment longue et un relèvement immédiat plus important du taux de contribution, le Conseil a privilégié le premier objectif. Par conséquent, il ne peut être soutenu que la durée de douze années a été arrêtée exclusivement, ni même de manière décisive, à des fins budgétaires.
126 Enfin, il ne ressort pas du statut que, dans l’exercice du large pouvoir d’appréciation du législateur pour assurer l’équilibre actuariel du régime de pensions communautaire, la prise en compte par le Conseil de toute considération budgétaire serait illégitime. Cette prise en compte est même nécessaire, dès lors que, en l’absence d’un fonds communautaire de pensions, le paiement des prestations de retraite constitue une charge du budget des Communautés, conformément à l’article 83, paragraphe 1, du statut, de même que la contribution des fonctionnaires en représente une recette. D’ailleurs, l’article 14, paragraphe 2, de l’annexe XII du statut prévoit que, à l’occasion des évaluations actuarielles quinquennales, ladite annexe XII peut être réexaminée par le Conseil non seulement pour tenir compte de l’équilibre actuariel, mais aussi « en ce qui concerne ses incidences budgétaires ».
127 Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que le Conseil, en adoptant l’annexe XII du statut, aurait principalement poursuivi un objectif budgétaire et entaché, par voie de conséquence, ladite annexe d’un détournement de pouvoir doit être rejeté, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ce moyen.
Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime
Arguments des parties
128 Le requérant soutient dans sa requête que la méthode de l’annexe XII du statut a été définie en violation du principe de protection de la confiance légitime.
129 Alors que le Parlement aurait assuré à plusieurs reprises à ses fonctionnaires et agents que leur contribution n’augmenterait que dans la mesure de ce qui serait strictement nécessaire au maintien de l’équilibre actuariel, cette contribution aurait été augmentée très au-delà, de manière artificielle et en violation du principe de l’équilibre actuariel. Le Parlement n’aurait donc pas respecté les assurances qu’il avait fournies à ses fonctionnaires et agents et aurait ainsi violé la confiance que ces derniers avaient légitimement placée en lui.
130 Par ailleurs, le requérant estime que, par la voie d’une augmentation injustifiée du taux de contribution, l’employeur a mis la dette du régime communautaire de pensions à la charge des fonctionnaires, alors qu’il lui revenait de la supporter. En effet, pendant de nombreuses années, les seules contributions salariales auraient suffi à couvrir les dépenses du régime de pensions, tandis que l’employeur n’aurait pas versé les cotisations nécessaires au financement dudit régime. Le requérant relève que, dans un courrier de 2001, le président de la Commission avait admis l’existence de droits acquis importants correspondant aux contributions du passé pour des pensions qui restaient alors à payer et assuré qu’« [u]ne éventuelle augmentation des contributions ne pourrait en tout cas pas avoir pour cause le financement de ces droits acquis ».
131 Le Parlement rappelle dans son mémoire en défense que la violation du principe de protection de la confiance légitime n’est envisageable que dans l’hypothèse où des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, ont fait naître dans le chef de l’intéressé des espérances fondées. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce puisque le Parlement, qui n’aurait pas compétence pour adopter les dispositions statutaires et aurait seulement été consulté lors de la procédure d’adoption du règlement n° 723/2004, n’aurait en aucun cas pu donner des assurances inconditionnelles lors de la réforme du régime de pensions. Dès lors, les éventuelles assurances qu’aurait reçues le requérant de la part du Parlement n’auraient pu faire naître dans son chef des espérances fondées selon lesquelles le taux de contribution au régime communautaire de pensions ne serait pas augmenté.
132 Le Parlement fait aussi valoir que les fonctionnaires ne peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour mettre en cause la légalité d’une disposition réglementaire nouvelle, notamment dans un domaine dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction de la variation de la situation économique.
133 Dans son mémoire en réplique, le requérant affirme qu’il importe peu que les dispositions statutaires n’aient pas été adoptées par le Parlement, seulement consulté, mais par le Conseil. En effet, l’avis du Parlement serait un élément essentiel et indispensable de la procédure, en l’absence duquel le nouveau statut n’aurait pu être adopté. En donnant un avis favorable à la méthode de l’annexe XII, le Parlement n’aurait pas respecté les assurances qu’il avait fournies à ses fonctionnaires et agents.
134 Au demeurant, le requérant souligne que sa confiance légitime découlait non seulement des assurances que la hiérarchie du Parlement avait pu lui donner, mais aussi de l’énoncé du texte du statut.
135 Dans son mémoire en intervention, le Conseil répond aux observations du requérant selon lesquelles l’augmentation du taux de contribution au régime de pensions ne pourrait avoir pour cause le financement des droits à pension déjà acquis. L’adoption du nouveau statut et le maintien de la garantie solidaire des États membres de payer les pensions consacreraient de facto un équilibre actuariel au 30 avril 2004. En raison de la nature du régime communautaire de pensions, les fonctionnaires et l’institution auraient couvert les droits à pension des fonctionnaires et agents cumulés à cette date. Le nouveau statut ne prévoirait pas le recouvrement des éventuelles différences positives ou négatives dues à d’hypothétiques non adéquations des taux de contribution. La méthode d’évaluation actuarielle définie par l’annexe XII du statut viserait seulement à garantir que les taux de contribution à appliquer après le 1er mai 2004 seraient suffisants pour couvrir les droits à pension qui seront acquis par les fonctionnaires à partir de cette date.
136 Dans ses observations sur le mémoire en intervention du Conseil, le requérant constate que toutes les parties admettent que les fonctionnaires et agents doivent seulement verser un tiers des contributions nécessaires pour garantir le paiement futur des droits qu’ils acquièrent actuellement et que le déficit du passé devrait donc être entièrement financé par les États membres via le budget communautaire. Le désaccord concernerait la mise en œuvre de ce principe. Contrairement à ce que soutient le Conseil, la méthode de l’annexe XII du statut aurait artificiellement augmenté la contribution des fonctionnaires et agents.
137 Dans son mémoire en duplique, le Parlement soutient que le respect de l’équilibre actuariel relève d’un domaine complexe dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique. En outre, le caractère variable du niveau de la contribution ressortirait clairement des dispositions statutaires, notamment de l’article 83, paragraphe 4, de l’ancien statut. Le requérant ne pourrait, dès lors, se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour mettre en cause la légalité des nouvelles dispositions relatives à la méthode de calcul de l’équilibre actuariel.
Appréciation du Tribunal
138 Le principe de protection de la confiance légitime a été consacré par la jurisprudence comme « une règle supérieure de droit » (arrêt de la Cour du 14 mai 1975, CNTA/Commission, 74/74, Rec. p. 533, point 44), un des « principes fondamentaux de la Communauté » (arrêts de la Cour du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, Rec. p. I‑6983, point 52, et du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, p. I‑4983, point 73) ou encore un principe général (arrêt de la Cour du 4 octobre 2001, Italie/Commission, C‑403/99, Rec. p. I‑6883, point 35).
139 Ce principe est le corollaire du principe de la sécurité juridique, qui exige que la législation communautaire soit certaine et son application prévisible pour les justiciables, en ce sens qu’il vise, en cas de modification de la règle de droit, à assurer la protection des situations légitimement acquises par une ou plusieurs personnes physiques ou morales (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, Rec. p. I‑569, point 20, et du 18 mai 2000, Rombi & Arkopharma, C‑107/97, Rec. p. I‑3367, point 66 ; arrêt du Tribunal de première instance du 16 septembre 1999, Partex/Commission, T‑182/96, Rec. p. II‑2673, point 191).
140 En vertu d’une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître, chez lui, des espérances fondées (arrêts du Tribunal de première instance du 5 février 1997, Petit-Laurent/Commission, T‑211/95, RecFP p. I‑A‑21 et II‑57, point 72, et du 5 novembre 2002, Ronsse/Commission, T‑205/01, RecFP p. I‑A‑211 et II‑1065, point 54).
141 Selon la première branche du moyen, le requérant prétend que le Parlement avait donné à ses fonctionnaires, sur le contenu de la future réforme des pensions, des assurances qui auraient été méconnues, en violation du principe de protection de la confiance légitime.
142 Toutefois, seules des assurances précises émanant de l’autorité compétente pour accorder ce qu’elle promet sont susceptibles de fonder une confiance légitime dans le chef du fonctionnaire concerné (voir arrêt du Tribunal de première instance du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, RecFP p. I‑A‑385 et II‑1731, point 146).
143 Or, le Parlement ne dispose que d’un rôle consultatif dans le processus d’adoption ou de révision du statut. En effet, aux termes de l’article 283 CE, « [l]e Conseil, statuant à la majorité qualifiée, arrête, sur proposition de la Commission et après consultation des autres institutions intéressées, le statut […] et le régime applicable aux autres agents [des Communautés européennes] ». C’est pourquoi il ne peut être soutenu, sous peine de nier les stipulations des traités régissant la répartition des compétences entre les institutions, que le Parlement pouvait fournir à ses fonctionnaires, sur la réforme du régime communautaire de pensions, des assurances vis-à-vis desquelles le Conseil aurait ensuite été lié.
144 Dans ces conditions, les déclarations du Parlement sur la réforme du régime communautaire de pensions alors à l’étude n’ont pu faire naître chez le requérant des espérances fondées.
145 Selon la seconde branche du moyen, le requérant soutient que sa confiance en une augmentation beaucoup plus faible de la contribution des fonctionnaires aux pensions se fondait sur les dispositions du statut limitant ladite contribution au tiers des besoins de financement du régime communautaire de pensions et sur le fait que, dans le passé, les contributions des fonctionnaires dépassaient ce plafond. Contrairement à ce que le Conseil a soutenu à l’audience, la confiance invoquée par le requérant ne repose donc pas sur une simple pratique.
146 Les dispositions de l’article 83, paragraphe 2, de l’ancien statut, qui ont été maintenues dans le nouveau statut, prévoyaient déjà que les fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement du régime de pensions. Même avant l’entrée en vigueur du nouveau statut, le régime communautaire de pensions devait être financé aux deux tiers par l’employeur communautaire et pour le dernier tiers par les contributions des fonctionnaires et autres agents.
147 Or, le requérant estime que la méthode de l’annexe XII du statut a porté atteinte à cette clé de répartition du financement pour le passé.
148 En premier lieu, le Parlement objecte que le requérant ne peut pas se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime à l’encontre des dispositions de l’annexe XII du statut.
149 En vertu d’une jurisprudence bien établie, les fonctionnaires ne peuvent se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour mettre en cause la légalité d’une disposition règlementaire nouvelle, surtout dans un domaine dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (arrêts du Tribunal de première instance du 22 juin 1994, Di Marzio et Lebedef/Commission, T‑98/92 et T‑99/92, RecFP p. I‑A‑167 et II‑541, point 68, et du 11 décembre 1996, Barraux e.a./Commission, T‑177/95, RecFP p. I‑A‑541 et II‑1451, point 47). Tel est notamment le cas de l’aménagement du système de sécurité sociale communautaire, pour lequel le législateur dispose, en outre, d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la nécessité des réformes (voir, en ce sens, arrêt Campoli/Commission, précité, points 71 et 72).
150 Toutefois, si le législateur est libre d’apporter à tout moment aux règles du statut les modifications qu’il estime conformes à l’intérêt général et d’adopter des dispositions statutaires plus défavorables pour les fonctionnaires concernés, sous réserve de prévoir, le cas échéant, une période transitoire d’une durée suffisante, c’est à la condition de statuer pour l’avenir (voir arrêt Campoli/Commission, précité, point 85), c’est-à-dire à la condition que la nouvelle réglementation s’applique seulement aux situations nouvelles et aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la réglementation antérieure (voir, a contrario, arrêts de la Cour du 16 mai 1979, Tomadini, 84/78, Rec. p. 1801, point 21, et du 5 mai 1981, Dürbeck, 112/80, Rec. p. 1095, point 48, et, en matière de fonction publique, arrêt du Tribunal de première instance du 26 octobre 1993, Reinarz/Commission, T‑6/92 et T‑52/92, Rec. p. II‑1047, point 85).
151 Or, force est de constater que la limite ainsi définie à l’invocabilité du principe de protection de la confiance légitime à l’encontre d’une disposition réglementaire nouvelle n’est pas opposable au requérant dans le cas d’espèce.
152 En effet, le requérant ne soutient pas qu’il aurait été porté atteinte pour l’avenir à la clé de répartition de l’article 83, paragraphe 2, de l’ancien statut, en violation du principe de protection de la confiance légitime. Ainsi qu’il a été exposé au point 146 du présent arrêt, les dispositions en question ont d’ailleurs été reprises sans changement à l’article 83, paragraphe 2, du nouveau statut. Le grief que le requérant formule à l’encontre de l’annexe XII du statut est d’avoir porté atteinte à la clé de répartition du financement pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de ladite annexe, c’est-à-dire de manière uniquement rétroactive.
153 C’est pourquoi, contrairement à ce que soutient le Parlement, la jurisprudence précitée, relative aux dispositions réglementaires nouvelles, ne trouve pas à s’appliquer au cas d’espèce et ne peut, dès lors, être utilement invoquée pour dénier au requérant le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime. La Cour a, au contraire, censuré, dans un arrêt du 11 juillet 1991, Crispoltoni (C‑368/89, Rec. p. I‑3695, point 21), l’atteinte portée à la confiance légitime des opérateurs économiques par deux règlements communautaires en raison de leurs effets rétroactifs.
154 En second lieu, il convient d’examiner si, comme le soutient le requérant, l’annexe XII du statut a effectivement porté atteinte, pour la période antérieure au 1er mai 2004, à la règle de financement du régime communautaire de pensions.
155 Il ressort du rapport Dührkop Dührkop que les institutions n’ont versé aucune contribution au régime communautaire de pensions jusqu’en 1982 et n’ont payé intégralement la part de l’employeur communautaire qu’à partir de 1998.
156 Comme le Conseil l’expose dans son mémoire en intervention, la méthode actuarielle définie par l’annexe XII du statut vise seulement à garantir que le taux de contribution aux pensions à appliquer après le 1er mai 2004 sera suffisant pour couvrir les droits à pension qui seront acquis par les fonctionnaires à partir de cette date. L’absence de prise en compte du passé par l’annexe XII du statut a deux corollaires qu’il convient de distinguer dans l’examen de l’argumentation du requérant.
157 Premièrement, l’équilibre actuariel ne tient pas compte des droits à pension acquis avant la date de calcul, conformément à l’article 4, paragraphe 4, sous b), de l’annexe XII du statut. Cette disposition garantit que les déficits du régime communautaire de pensions éventuellement cumulés jusqu’au 1er mai 2004 ne seront pas supportés par les fonctionnaires et qu’une augmentation du taux de contribution ne pourra ainsi avoir pour cause le financement des droits à pension que ces derniers ont déjà acquis, contrairement à ce que soutient le requérant.
158 Deuxièmement, le statut ne prévoit pas non plus le recouvrement des éventuelles différences positives et négatives dues à des inadéquations du taux de contribution dans le passé. En d’autres termes, la définition de l’équilibre actuariel retenue par l’annexe XII du statut fait abstraction des contributions versées jusqu’au 30 avril 2004 et postule que les droits à pension acquis jusqu’à cette date ont été couverts conformément à la clé de répartition du financement.
159 Or, le requérant se fonde sur le rapport Dührkop Dührkop pour soutenir que l’employeur communautaire ne finance le régime de pensions à hauteur de deux tiers que depuis 1998 et que les fonctionnaires ont contribué dans le passé pour plus du tiers au financement dudit régime.
160 Toutefois, le rapport Dührkop Dührkop, n’étant pas fondé sur une étude actuarielle du régime de pensions, se limite à constater que la contribution annuelle des fonctionnaires a longtemps dépassé le tiers du coût budgétaire annuel du régime communautaire de pensions. Or, les dispositions de l’article 83, paragraphe 2, de l’ancien statut, qui prévoyaient, dans les mêmes termes que le nouveau statut, que les fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement du régime, devaient déjà être comprises dans un sens actuariel, et non budgétaire, ainsi qu’il ressort clairement des dispositions de l’article 83, paragraphe 4, de l’ancien statut. Ces dispositions signifiaient que le tiers de la somme des valeurs actuarielles des droits à pension acquis par tous les actifs au cours de l’année, c’est-à-dire le tiers du coût du service, devait être financé par les fonctionnaires.
161 Le constat que, pendant des décennies, tandis que le régime communautaire de pensions comptait encore un nombre très limité de pensionnés, le montant des contributions des fonctionnaires a largement dépassé le tiers du coût budgétaire dudit régime ne permet pas d’affirmer que la contribution des fonctionnaires a également excédé le tiers du coût du service.
162 En effet, d’abord, une telle conclusion ne pourrait être fondée que sur une étude actuarielle. Or, la Commission a soutenu à l’audience, sans être contestée, qu’aucune étude actuarielle du régime communautaire de pensions n’avait été réalisée avant 1998. Ensuite, il n’est pas certain qu’avec des taux de contribution fixés à 6,75 % puis à 8,25 %, les fonctionnaires aient financé, dans le passé, plus du tiers du coût du service. Enfin, à supposer même que le respect de la clé de financement puisse être vérifié à partir de données budgétaires et que la conclusion du rapport Dührkop Dührkop, selon laquelle la contribution de l’employeur n’aurait été versée qu’en partie jusqu’en 1998, puisse, en conséquence, être admise, il resterait à vérifier que le supposé excédent des contributions des fonctionnaires jusqu’à cette date n’a pas été compensé par un excédent des contributions des Communautés entre 1998 et 2004.
163 Par suite, il n’est pas établi que la nouvelle réglementation ait eu pour effet de porter atteinte rétroactivement à la clé de financement du régime communautaire de pensions.
164 Dès lors, en présumant implicitement que cette règle avait été respectée avant l’entrée en vigueur de l’annexe XII du statut, le Conseil ne peut être regardé comme ayant porté atteinte à la confiance que les fonctionnaires pouvaient légitimement fonder dans le respect de ladite règle.
165 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime doit être rejeté dans ses différentes branches.
166 Il y a lieu, compte tenu de tout ce qui précède, de rejeter le recours comme non fondé.
Sur les dépens
167 Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, RecFP p. I‑A‑1‑3 et II‑A‑1‑7, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et afin de garantir aux justiciables une prévisibilité suffisante quant aux règles relatives aux frais de l’instance, de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.
168 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.
169 En outre, selon l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Tribunal peut, pour des motifs exceptionnels, répartir les dépens.
170 En l’espèce, le Parlement n’a répondu que très partiellement à la réclamation, n’a fourni dans ses écritures aucune explication du choix de la période de douze années, pourtant contesté de manière sérieuse et précise par le requérant, et n’a annexé, en réponse à une argumentation très étayée, aucune pièce à ses mémoires. Pour mettre le dossier en état et connaître la ratio legis des dispositions contestées, le Tribunal a donc été contraint d’ordonner de nombreuses mesures d’organisation de la procédure.
171 Dans ces circonstances, il y a lieu de faire supporter par le Parlement, outre ses propres dépens, la moitié des dépens du requérant. Le requérant supporte la moitié de ses propres dépens.
172 Enfin, en application de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, le Conseil et la Commission, qui sont intervenus au litige, supportent leurs dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (assemblée plénière)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Le Parlement européen supporte ses propres dépens et la moitié des dépens de M. Wils.
3) M. Wils supporte la moitié de ses propres dépens.
4) Le Conseil de l’Union européenne et la Commission des Communautés européennes supportent leurs propres dépens.
Mahoney Kreppel |
Van Raepenbusch |
Boruta Kanninen Tagaras Gervasoni
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2007.
Le greffier |
Le président |
W. Hakenberg |
P. Mahoney |
* Langue de procédure : le français.