Mots clés
Sommaire

Mots clés

1. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Dispositions du traité — Champ d'application

(Art. 43 CE)

2. Droit communautaire — Principes — Droits fondamentaux — Droit de mener une action collective — Conciliation avec les exigences relatives aux libertés fondamentales garanties par le traité

(Art. 43 CE)

3. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Dispositions du traité — Champ d'application personnel

(Art. 43 CE)

4. Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Restrictions — Action collective engagée par un syndicat visant à amener une entreprise privée à conclure une convention collective de travail

(Art. 43 CE)

Sommaire

1. L'article 43 CE doit être interprété en ce sens que, en principe, n'est pas soustraite au champ d'application de cet article une action collective engagée par un syndicat ou un groupement de syndicats à l'encontre d'une entreprise privée aux fins d'amener cette dernière à conclure une convention collective dont le contenu est de nature à la dissuader de faire usage de la liberté d'établissement.

En effet, l'article 43 CE ne régit pas seulement l'action des autorités publiques, mais s'étend également aux réglementations d'une autre nature qui visent à régler, de façon collective, le travail salarié, le travail indépendant et les prestations de services. Les conditions de travail dans les différents États membres étant régies tantôt par la voie de dispositions d’ordre législatif ou réglementaire, tantôt par des conventions collectives et d’autres actes conclus ou adoptés par des personnes privées, une limitation des interdictions prévues par ledit article aux actes de l’autorité publique risquerait de créer des inégalités quant à leur application.

Dès lors que l'organisation d'actions collectives par des syndicats de travailleurs relève de l'autonomie juridique dont ces organismes, qui ne constituent pas des entités de droit public, disposent au titre de la liberté syndicale qui leur est reconnue, notamment, par le droit national, et que ces actions collectives sont inextricablement liées à la convention collective dont les syndicats poursuivent la conclusion, ces actions collectives relèvent, en principe, du champ d'application de l'article 43 CE.

(cf. points 33-37, 55, disp. 1)

2. Le droit de mener une action collective, y compris le droit de grève, est reconnu tant par différents instruments internationaux auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré, tels que la charte sociale européenne, d’ailleurs expressément mentionnée à l’article 136 CE, et la convention nº 87, adoptée en 1948 par l’Organisation internationale du travail, concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical, que par des instruments élaborés par lesdits États membres au niveau communautaire ou dans le cadre de l’Union européenne, tels que la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs adoptée en 1989, également mentionnée à l’article 136 CE, et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Si ledit droit, y compris le droit de grève, doit donc être reconnu en tant que droit fondamental faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect, il n’en demeure pas moins que son exercice peut être soumis à certaines restrictions. En effet, ainsi que le réaffirme l’article 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il est protégé conformément au droit communautaire ainsi qu’aux législations et pratiques nationales.

À cet égard, bien que la protection des droits fondamentaux constitue un intérêt légitime de nature à justifier, en principe, une restriction aux obligations imposées par le droit communautaire, même en vertu d’une liberté fondamentale garantie par le traité, l’exercice de tels droits n’échappe pas au champ d’application des dispositions du traité et doit être concilié avec les exigences relatives aux droits protégés par ledit traité et être conforme au principe de proportionnalité.

Il s'ensuit que le caractère fondamental s’attachant au droit de mener une action collective n’est pas de nature à faire échapper une telle action, menée à l’encontre d’une entreprise aux fins d'amener cette dernière à conclure une convention collective dont le contenu est de nature à la dissuader de faire usage de la liberté d'établissement, au champ d’application de l'article 43 CE.

(cf. points 43-47)

3. L'article 43 CE est de nature à conférer des droits à une entreprise privée susceptibles d'être opposés à un syndicat ou à une association de syndicats.

En effet, l’abolition entre les États membres des obstacles à la libre circulation des personnes et à la libre prestation des services serait compromise si la suppression des barrières d’origine étatique pouvait être neutralisée par des obstacles résultant de l’exercice de leur autonomie juridique par des associations et des organismes ne relevant pas du droit public. En outre, le fait que certaines dispositions du traité sont formellement adressées aux États membres n'exclut pas que des droits puissent être conférés simultanément à tout particulier intéressé à l'observation des obligations ainsi définies. Par ailleurs, l'interdiction de porter atteinte à une liberté fondamentale prévue par une disposition du traité ayant un caractère impératif s'impose, notamment, à toutes les conventions visant à régler de façon collective le travail salarié.

(cf. points 57-58, 66, disp. 2)

4. L'article 43 CE doit être interprété en ce sens que des actions collectives qui visent à amener une entreprise privée dont le siège est situé dans un État membre déterminé à conclure une convention collective de travail avec un syndicat établi dans cet État et à appliquer les clauses prévues par cette convention aux salariés d'une filiale de ladite entreprise établie dans un autre État membre constituent des restrictions au sens dudit article.

En effet, une telle action collective a pour effet de rendre moins attrayant, voire même inutile, l'exercice par une entreprise de son droit de libre établissement, en ce qu'elle empêche cette dernière de bénéficier, dans l'État membre d'accueil, du même traitement que les autres opérateurs économiques établis dans cet État. De même, une telle action collective, qui vise à empêcher les armateurs d'immatriculer leurs navires dans un État autre que celui dont les propriétaires effectifs de ces navires sont des ressortissants, doit être considérée comme étant, à tout le moins, de nature à restreindre l'exercice par une entreprise de son droit de libre établissement.

Ces restrictions peuvent, en principe, être justifiées au titre de la protection d'une raison impérieuse d'intérêt général, telle que la protection des travailleurs, à condition qu'il soit établi qu'elles sont aptes à garantir la réalisation de l'objectif légitime poursuivi et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

(cf. points 72-74, 90, disp. 3)