ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
15 décembre 2009 ( *1 )
«Manquement d’État — Importation en franchise de douane d’équipements militaires»
Dans l’affaire C-284/05,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 15 juillet 2005,
Commission européenne, représentée par MM. G. Wilms et P. Aalto, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République de Finlande, représentée par Mmes T. Pynnä et E. Bygglin ainsi que par M. J. Heliskoski et Mme A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
soutenue par:
Royaume de Danemark, représenté par M. J. Molde, en qualité d’agent,
République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. M. Lumma et U. Forsthoff, en qualité d’agents,
République hellénique, représentée par Mme E.-M. Mamouna et M. K. Boskovits, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
République italienne, représentée par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. G. De Bellis, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,
République portugaise, représentée par M. L. Inez Fernandes, en qualité d’agent,
Royaume de Suède, représenté par Mme A. Falk, en qualité d’agent,
parties intervenantes,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, E. Levits et Mme C. Toader, présidents de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. Borg Barthet (rapporteur), M. Ilešič, J. Malenovský et U. Lõhmus, juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: Mme C. Strömholm, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 novembre 2008,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 10 février 2009,
rend le présent
Arrêt
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Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 26 CE, de l’article 20 du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes communautaire»), et, par conséquent, du tarif douanier commun en exonérant de droits de douane l’importation d’équipements militaires durant les années 1998 à 2002 et a manqué également aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 2 et 9 à 11 du règlement (CEE, Euratom) no 1552/89 du Conseil, du 29 mai 1989, portant application de la décision 88/376/CEE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 155, p. 1), tel que modifié par le règlement (Euratom, CE) no 1355/96 du Conseil, du 8 juillet 1996 (JO L 175, p. 3, ci-après le «règlement no 1552/89»), ainsi que des mêmes articles du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 du Conseil, du 22 mai 2000, portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 130, p. 1), en refusant de calculer, de constater et de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres y afférentes ainsi qu’en refusant de payer les intérêts de retard dus en raison de l’absence de mise à disposition de la Commission desdites ressources propres. |
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
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L’article 2, paragraphe 1, des décisions 88/376/CEE, Euratom du Conseil, du 24 juin 1988, relative au système des ressources propres des Communautés (JO L 185, p. 24), et 94/728/CE, Euratom du Conseil, du 31 octobre 1994, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 293, p. 9), prévoit: «Constituent des ressources propres inscrites au budget des Communautés les recettes provenant: […]
[…]» |
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L’article 20 du code des douanes communautaire dispose: «1. Les droits légalement dus en cas de naissance d’une dette douanière sont fondés sur le tarif douanier des Communautés européennes. […] 3. Le tarif douanier des Communautés européennes comprend:
[…]» |
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L’article 217, paragraphe 1, du code des douanes communautaire énonce: «Tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé ‘montant de droits’, doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte). […]» |
5 |
Dans le cadre de la mise à disposition de la Commission des ressources propres des Communautés, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement no 1552/89, applicable au cours de la période en cause dans la présente affaire jusqu’au 30 mai 2000. Ce règlement a été remplacé à compter du 31 mai 2000 par le règlement no 1150/2000 qui procède à la codification du règlement no 1552/89 sans modifier le contenu de celui-ci. |
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L’article 2 du règlement no 1552/89 prévoit: «1. Aux fins de l’application du présent règlement, un droit des Communautés sur les ressources propres visées à l’article 2 paragraphe 1 points a) et b) de la décision 88/376/CEE, Euratom est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable. 1 bis. La date à retenir pour la constatation visée au paragraphe 1 est la date de la prise en compte prévue par la réglementation douanière. […]» |
7 |
L’article 9, paragraphe 1, de ce règlement dispose: «Selon les modalités définies à l’article 10, chaque État membre inscrit les ressources propres au crédit du compte ouvert à cet effet au nom de la Commission auprès de son trésor ou de l’organisme qu’il a désigné. Ce compte est tenu sans frais.» |
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Aux termes de l’article 10, paragraphe 1, dudit règlement: «Après déduction de 10% au titre des frais de perception en application de l’article 2 paragraphe 3 de la décision 88/376/CEE, Euratom, l’inscription des ressources propres visées à l’article 2 paragraphe 1 points a) et b) de cette décision, intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2. […]» |
9 |
L’article 11 du règlement no 1552/89 dispose: «Tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9 paragraphe 1 donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’un intérêt dont le taux est égal au taux d’intérêt appliqué au jour de l’échéance sur le marché monétaire de l’État membre concerné pour les financements à court terme, majoré de deux points. Ce taux est augmenté de 0,25 point par mois de retard. Le taux ainsi augmenté est applicable à toute la période du retard.» |
10 |
Aux termes de l’article 22 du règlement no 1150/2000: «Le règlement (CEE, Euratom) no 1552/89 est abrogé. Les références audit règlement doivent s’entendre comme faites au présent règlement et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe, partie A.» |
11 |
Ainsi, hormis la circonstance que les règlements nos 1552/89 et 1150/2000 renvoient notamment, pour l’un, à la décision 88/376 et, pour l’autre, à la décision 94/728, les articles 2 et 9 à 11 de ces deux règlements sont, en substance, identiques. |
12 |
Le taux de 10% visé à l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1150/2000 a été porté à 25% par la décision 2000/597/CE, Euratom du Conseil, du 29 septembre 2000, relative au système des ressources propres des Communautés européennes (JO L 253, p. 42). |
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Le point 1 des motifs de ladite décision énonce: «Le Conseil européen réuni à Berlin les 24 et 25 mars 1999 a conclu, entre autres, que le système des ressources propres des Communautés devrait être équitable, transparent, d’un rapport coût-efficacité satisfaisant, simple et fondé sur des critères qui traduisent au mieux la capacité contributive de chaque État membre.» |
14 |
Le règlement (CE) no 150/2003 du Conseil, du 21 janvier 2003, portant suspension des droits de douane sur certains armements et équipements militaires (JO L 25, p. 1), adopté sur la base de l’article 26 CE, énonce à son cinquième considérant: «Afin de tenir compte de la protection du secret militaire des États membres, il est nécessaire de prévoir des procédures administratives spécifiques pour l’octroi du bénéfice des suspensions de droits. Une déclaration de l’autorité compétente de l’État membre dont les forces armées sont destinataires des armements ou des équipements militaires, qui pourrait aussi faire office de déclaration en douane aux fins du code des douanes, constituerait la garantie appropriée que les conditions requises sont remplies. La déclaration prendrait la forme d’un certificat. Il convient de préciser la forme que doivent prendre ces certificats et aussi de prévoir la possibilité d’établir la déclaration à l’aide de procédés informatiques.» |
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L’article 1er de ce règlement prévoit: «Le présent règlement établit les conditions requises pour la suspension autonome des droits de douane sur certains armements et équipements militaires importés des pays tiers par les autorités chargées de la défense militaire des États membres ou en leur nom.» |
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L’article 3, paragraphe 2, dudit règlement énonce: «Nonobstant le paragraphe 1, pour des motifs liés au secret militaire, le certificat et les marchandises importées peuvent être soumis à d’autres autorités désignées à cet effet par l’État membre importateur. Dans ce cas, l’autorité compétente qui délivre le certificat transmet chaque année aux autorités douanières de son État membre, avant le 31 janvier et le 31 juillet, un rapport sommaire sur les importations en question. Le rapport couvre une période de six mois précédant immédiatement le mois au cours duquel ledit rapport est présenté. Il indique le nombre et la date de délivrance des certificats, la date d’importation et la valeur totale ainsi que le poids brut des produits importés avec les certificats.» |
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Conformément à son article 8, le règlement no 150/2003 est applicable à partir du 1er janvier 2003. |
La procédure précontentieuse
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La Commission avait engagé contre la République de Finlande, au cours de l’année 2001, une première procédure concernant l’importation en exonération des droits de douane sur l’importation de matériel destiné à des fins militaires. Il a été mis un terme à cette procédure en 2003, année au cours de laquelle a été engagée contre ledit État membre la procédure à l’origine du présent litige. |
19 |
Par lettre du 15 octobre 2003, la Commission a mis en demeure la République de Finlande d’effectuer les calculs nécessaires afin de déterminer le montant des ressources propres non versées à la Communauté du fait de l’importation d’équipements militaires en exonération des droits de douane en ce qui concerne les exercices budgétaires 1998 à 2002, de mettre ces ressources à la disposition de la Commission et de payer les intérêts de retard dus en application de l’article 11 du règlement no 1150/2000. |
20 |
Dans sa réponse du 11 décembre 2003, la République de Finlande a estimé que, en raison de sa situation spécifique, elle était fondée à déroger au tarif douanier commun en application de l’article 296, paragraphe 1, sous b), CE lorsque l’importation concerne des équipements exclusivement destinés à des fins militaires, et ce afin de protéger les intérêts essentiels de sa sécurité. |
21 |
Après avoir pris connaissance de la réponse de la République de Finlande, la Commission a, le 7 juillet 2004, émis un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa réception. Ledit État membre a répondu à cet avis motivé le 2 septembre 2004 en réitérant et en précisant les considérations présentées antérieurement. |
22 |
Compte tenu des éléments ainsi fournis par la République de Finlande, la Commission, considérant que cet État membre ne s’était pas conformé à l’avis motivé, a introduit le présent recours. |
23 |
Par ordonnance du 13 septembre 2007, le président de la Cour a admis l’intervention du Royaume de Danemark, de la République fédérale d’Allemagne, de la République hellénique, de la République italienne, de la République portugaise et du Royaume de Suède au soutien des conclusions de la République de Finlande. |
Sur le recours
Argumentation des parties
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La Commission fait valoir que c’est à tort que la République de Finlande invoque l’article 296 CE pour refuser le paiement des droits de douane correspondant aux importations concernées, la perception de ceux-ci ne menaçant pas les intérêts essentiels de la sécurité de cet État membre. |
25 |
La Commission juge erroné le raisonnement de la République de Finlande consistant à soutenir que des informations relatives à des importations d’équipements militaires, et donc à la sécurité de cet État membre, ne pouvaient lui être transmises et que, en conséquence, il ne devait pas lui verser les droits de douane en cause. |
26 |
La Commission considère que les mesures instaurant des dérogations ou des exceptions, tel notamment l’article 296 CE, doivent être d’interprétation stricte. Ainsi, l’État membre concerné, qui revendique l’application de cet article, devrait démontrer qu’il remplit toutes les conditions prévues à ce dernier lorsqu’il entend déroger à l’article 20 du code des douanes communautaire, où figure le principe général de la perception des droits tel que fixé à l’article 26 CE. |
27 |
La Commission estime également que la seule circonstance que des produits figurent sur la liste établie par la décision 255/58 du Conseil, du 15 avril 1958, liste qui définit les produits auxquels l’article 296, paragraphe 1, sous b), CE est susceptible d’être appliqué, ne suffit pas à elle seule pour entraîner l’application de cette disposition, laquelle suppose que l’ensemble des conditions figurant à cette dernière soient remplies. |
28 |
La Commission soutient qu’il appartient, par conséquent, à la République de Finlande d’apporter la preuve concrète et circonstanciée que la perception des droits de douane à l’importation en cause dans la présente affaire menace les intérêts essentiels de la sécurité de cet État membre. |
29 |
À cet égard, la Commission estime ne pas avoir reçu de réponse détaillée prouvant, autant que possible en s’appuyant sur des chiffres précis, que, si la République de Finlande percevait les droits de douane que prévoit la réglementation douanière communautaire sur les importations en question, elle ne serait pas en mesure de protéger de manière suffisante les intérêts essentiels de sa sécurité. Ni l’invocation des clauses de confidentialité contenues dans les conventions internationales ni l’argumentation de cet État membre selon laquelle les secrets militaires font obstacle à l’application de la réglementation douanière communautaire ne constitueraient une telle preuve. |
30 |
La Commission affirme que, à aucun moment, elle n’a exigé la violation de clauses de confidentialité. Elle aurait uniquement demandé que les droits de douane en cause soient perçus et mis à sa disposition. Elle estime que, conformément à la réglementation communautaire, la procédure d’imposition des droits de douane est apte à garantir la confidentialité des données traitées. En outre, il incomberait à la République de Finlande de veiller au respect de l’obligation de confidentialité, cette dernière ne pouvant invoquer la mise en péril des intérêts de sa sécurité en faisant valoir que ses propres autorités douanières ne respecteraient pas les règles du code des douanes communautaire en la matière. |
31 |
La Commission relève également qu’aucun autre État membre s’étant conformé à la réglementation douanière communautaire ne s’est plaint de la manière dont les institutions communautaires avaient traité les informations relatives à la perception des droits de douane sur l’importation d’équipements militaires et au versement des ressources correspondantes à la Communauté. |
32 |
La Commission souligne que la non-perception des droits de douane en question par la République de Finlande entraîne une inégalité entre les États membres au regard de leurs contributions respectives au budget communautaire. |
33 |
La République de Finlande estime que, en vertu de l’article 296, paragraphe 1, sous b), CE, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation concernant les mesures qu’ils prennent en vue de protéger les intérêts essentiels de leur sécurité et qui se rapportent aux produits auxquels les dispositions dudit paragraphe 1, sous b), s’appliquent. Ainsi, cette disposition leur conférerait la possibilité de déroger à l’article 26 CE et au code des douanes communautaire, en cas d’importation concernant des équipements exclusivement destinés à des fins militaires, dans le but de protéger les intérêts essentiels de leur sécurité, compte tenu de la situation spécifique de l’État membre concerné. |
34 |
La République de Finlande considère que l’article 296 CE a un champ d’application général et ne se limite pas à certaines dispositions du traité. Il permet, dès lors, de déroger à l’application de l’article 26 CE, lequel est une disposition destinée à servir de base juridique au législateur communautaire pour arrêter la réglementation douanière. |
35 |
La République de Finlande estime qu’il lui appartient d’évaluer les mesures requises pour la défense des intérêts essentiels de sa sécurité et considère que, pour que la Cour soit en mesure de contrôler que l’État membre en cause n’abuse pas de ses droits, il appartient à cet État de préciser les intérêts essentiels de sa sécurité qu’il invoque et de démontrer qu’il a pris les mesures en question dans la conviction qu’elles étaient nécessaires aux fins de garantir ces intérêts. |
36 |
La République de Finlande fait valoir qu’elle n’aurait pas pu respecter la procédure douanière communautaire pour l’importation du matériel de défense en question sans risquer que des renseignements essentiels à sa sécurité ne parviennent à la connaissance d’une tierce partie. Elle ajoute que, pour préserver la sécurité d’approvisionnement en matériel de défense de haute technologie, elle devait respecter très strictement les accords de confidentialité conclus avec les États vendeurs avant son adhésion à l’Union européenne. |
37 |
En ce qui concerne plus particulièrement le paiement des droits de douane, la République de Finlande estime que le besoin d’invoquer l’article 296 CE lors de l’importation d’équipements militaires dépend essentiellement de la question de savoir si l’État membre en cause a une industrie militaire de quelque importance, de la nature du matériel de défense à importer et du point auquel cet État membre est tributaire des importations. Il incomberait en effet à l’État membre concerné de veiller aux intérêts essentiels de sa sécurité et de déterminer à quelles dispositions du traité il est obligé de déroger sur la base de l’article 296 CE. |
38 |
La République de Finlande souligne que la liste des équipements militaires qu’elle exonère de droits de douane n’est pas, en substance, plus étendue que celle visée à l’article 296, paragraphe 2, CE. Elle ajoute que, sur le fondement du règlement no 150/2003, la perception des droits de douane sur l’importation de tels équipements a également été exclue à compter du 1er janvier 2003. À partir de cette date, les intérêts de la République de Finlande en ce qui concerne le matériel de défense importé auraient été protégés par les dispositions de ce règlement. Il existerait cependant un besoin équivalent pour les produits importés auparavant. La République de Finlande souligne que ses intérêts en matière de matériel de défense importé étaient identiques tant au mois de décembre 2002 qu’au mois de janvier 2003. |
39 |
La République de Finlande soutient que le fait qu’un État membre ait exonéré le matériel militaire de droits de douane à l’importation sur la base de l’article 296 CE ne viole pas nécessairement le principe de bonne gestion financière qui impose une répartition équitable de la charge budgétaire entre les États membres. |
40 |
La République de Finlande est également d’avis que l’article 307 CE ne s’applique pas en l’espèce, son comportement ayant été conforme au droit communautaire, et notamment à l’article 296 CE. En réponse à la Commission, et à titre subsidiaire, cet État membre soutient toutefois que les clauses de confidentialité contenues dans les contrats conclus avant son adhésion à l’Union européenne, mais partiellement exécutés après cette adhésion, ne pouvaient être remises en cause ou rediscutées au risque de mettre en péril l’exécution même des contrats et donc sa sécurité. |
41 |
À titre subsidiaire, la République de Finlande demande, en ce qui concerne le paiement d’éventuels intérêts de retard, que ceux-ci ne soient dus qu’à compter de la date du prononcé du présent arrêt, eu égard à la durée particulièrement longue de la procédure et au refus de la Commission d’entamer des négociations sur un paiement conditionnel. |
Appréciation de la Cour
42 |
Le code des douanes communautaire prévoit la perception des droits de douane sur l’importation de biens à usage militaire, tels que ceux en cause, en provenance d’États tiers. Aucune disposition de la réglementation douanière communautaire ne prévoyait, pour la période des importations litigieuses, c’est-à-dire celle allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002, d’exonération spécifique des droits de douane sur l’importation de ce type de biens. Par conséquent, il n’existait pas non plus, pour cette période, d’exonération expresse à l’obligation de verser aux autorités compétentes les droits dus, accompagnés, le cas échéant, d’intérêts de retard. |
43 |
Il peut, par ailleurs, être déduit de l’adoption du règlement no 150/2003 prévoyant la suspension des droits de douane sur certains armements et équipements militaires à partir du 1er janvier 2003 que le législateur communautaire est parti de l’hypothèse qu’une obligation de verser lesdits droits existait avant cette date. |
44 |
La République de Finlande n’a, à aucun moment, nié l’existence des importations litigieuses pendant la période prise en considération. Elle s’est bornée à contester le droit de la Communauté sur les ressources propres en cause tout en arguant que, en vertu de l’article 296 CE, l’obligation de payer les droits de douane sur le matériel d’armement importé depuis des États tiers porterait une grave atteinte aux intérêts essentiels de sa sécurité. |
45 |
Selon une jurisprudence constante de la Cour, bien qu’il appartienne aux États membres d’arrêter les mesures propres à assurer leur sécurité intérieure et extérieure, il n’en résulte pas pour autant que de telles mesures échappent totalement à l’application du droit communautaire (voir arrêts du 26 octobre 1999, Sirdar, C-273/97, Rec. p. I-7403, point 15, et du 11 janvier 2000, Kreil, C-285/98, Rec. p. I-69, point 15). En effet, ainsi que la Cour l’a déjà constaté, le traité ne prévoit des dérogations expresses applicables en cas de situations susceptibles de mettre en cause la sécurité publique que dans ses articles 30 CE, 39 CE, 46 CE, 58 CE, 64 CE, 296 CE et 297 CE, qui concernent des hypothèses exceptionnelles bien délimitées. Il ne saurait en être déduit qu’il existerait une réserve générale, inhérente au traité, excluant du champ d’application du droit communautaire toute mesure prise au titre de la sécurité publique. Reconnaître l’existence d’une telle réserve, en dehors des conditions spécifiques des dispositions du traité, risquerait de porter atteinte au caractère contraignant et à l’application uniforme du droit communautaire (voir arrêt du 11 mars 2003, Dory, C-186/01, Rec. p. I-2479, point 31 et jurisprudence citée). |
46 |
En outre, les dérogations prévues aux articles 296 CE et 297 CE doivent, comme il est de jurisprudence constante pour les dérogations aux libertés fondamentales (voir, notamment, arrêts du 31 janvier 2006, Commission/Espagne, C-503/03, Rec. p. I-1097, point 45; du 18 juillet 2007, Commission/Allemagne, C-490/04, Rec. p. I-6095, point 86, et du 11 septembre 2008, Commission/Allemagne, C-141/07, Rec. p. I-6935, point 50), faire l’objet d’une interprétation stricte. |
47 |
En ce qui concerne, plus particulièrement, l’article 296 CE, il y a lieu de relever que, bien que cet article fasse état des mesures qu’un État membre peut estimer nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité ou des renseignements dont il considère la divulgation contraire à ces intérêts, celui-ci ne saurait toutefois être interprété de manière à conférer aux États membres le pouvoir de déroger aux dispositions du traité par la seule invocation desdits intérêts. |
48 |
Par ailleurs, dans le domaine de la taxe sur la valeur ajoutée, la Cour a, dans l’arrêt du 16 septembre 1999, Commission/Espagne (C-414/97, Rec. p. I-5585), constaté le manquement en cause au motif que le Royaume d’Espagne n’avait pas démontré que l’exonération de ladite taxe sur les importations et les acquisitions d’armement, de munitions et de matériel à usage exclusivement militaire, exonération prévue par la loi espagnole, était justifiée, au titre de l’article 296, paragraphe 1, sous b), CE, par la nécessité de protéger les intérêts essentiels de la sécurité de cet État membre. |
49 |
Par conséquent, c’est à l’État membre qui invoque le bénéfice de l’article 296 CE de prouver la nécessité de recourir à la dérogation prévue à cet article dans le but de protéger les intérêts essentiels de sa sécurité. |
50 |
À la lumière de ces considérations, il ne saurait être admis qu’un État membre excipe du renchérissement du matériel militaire en raison de l’application des droits de douane sur les importations d’un tel matériel en provenance d’États tiers pour prétendre échapper, au détriment des autres États membres qui, de leur côté, prélèvent et acquittent les droits de douane relatifs à de telles importations, aux obligations que lui impose la solidarité financière à l’égard du budget communautaire. |
51 |
En ce qui concerne l’argument selon lequel les procédures douanières communautaires ne seraient pas de nature à assurer la sécurité de la République de Finlande, eu égard aux exigences de confidentialité contenues dans les accords conclus avec les États exportateurs, il convient de souligner, comme l’observe à juste titre la Commission, que l’application du régime douanier communautaire implique l’intervention d’agents, communautaires et nationaux, lesquels sont tenus le cas échéant à une obligation de confidentialité, en cas de traitement de données sensibles, de nature à protéger les intérêts essentiels de la sécurité des États membres. |
52 |
Par ailleurs, les déclarations que les États membres doivent compléter et faire parvenir à la Commission de manière périodique ne supposent pas d’atteindre un niveau de précision d’une nature telle qu’il conduise à porter préjudice aux intérêts desdits États en matière tant de sécurité que de confidentialité. |
53 |
Dans ces conditions, et en conformité avec l’article 10 CE relatif à l’obligation faite aux États membres de faciliter l’accomplissement de la mission de la Commission consistant à veiller au respect du traité, ceux-ci sont tenus de mettre à la disposition de cette institution les documents nécessaires à la vérification de la régularité du transfert des ressources propres de la Communauté. Toutefois, une telle obligation ne fait pas obstacle, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 168 de ses conclusions, à ce que les États membres, au cas par cas et exceptionnellement, sur la base de l’article 296 CE, puissent limiter l’information transmise à certains éléments d’un document ou la refuser complètement. |
54 |
Au vu de ces considérations, la République de Finlande n’a pas démontré que les conditions nécessaires à l’application de l’article 296 CE sont réunies. |
55 |
S’agissant de la demande de la République de Finlande tendant à une limitation des effets du présent arrêt, en ce qui concerne l’obligation de payer des intérêts de retard, à la période postérieure à la date du prononcé de celui-ci, il convient de relever que cette demande est motivée par la durée particulièrement longue de la procédure et par le refus de la Commission d’entamer des négociations sur un paiement conditionnel. |
56 |
À cet égard, il y a lieu de rappeler que ce n’est qu’à titre exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi (voir, notamment, arrêt du 23 mai 2000, Buchner e.a., C-104/98, Rec. p. I-3625, point 39). |
57 |
En effet, la Cour n’a eu recours à cette solution que dans des circonstances bien précises, lorsqu’il existait un risque de répercussions économiques graves dues en particulier au nombre élevé de rapports juridiques constitués de bonne foi sur la base de la réglementation considérée comme étant validement en vigueur, et qu’il apparaissait que les particuliers et les autorités nationales avaient été incités à un comportement non conforme à la réglementation communautaire en raison d’une incertitude objective et importante quant à la portée des dispositions communautaires, incertitude à laquelle avaient éventuellement contribué les comportements mêmes adoptés par d’autres États membres ou par la Commission (arrêt du 12 septembre 2000, Commission/Royaume-Uni, C-359/97, Rec. p. I-6355, point 91). |
58 |
À supposer même que les arrêts rendus au titre de l’article 226 CE aient les mêmes effets que ceux rendus au titre de l’article 234 CE et que, partant, des considérations de sécurité juridique puissent rendre nécessaire, à titre exceptionnel, la limitation de leurs effets dans le temps (voir arrêts du 7 juin 2007, Commission/Grèce, C-178/05, Rec. p. I-4185, point 67; du 12 février 2009, Commission/Pologne, C-475/07, point 61, et du 26 mars 2009, Commission/Grèce, C-559/07, point 78), il suffit de constater que la République de Finlande n’a nullement tenté, dans ses observations écrites ou lors de l’audience, de démontrer l’existence d’un risque de répercussions économiques graves. |
59 |
La demande de la République de Finlande portant sur la limitation des effets dans le temps du présent arrêt doit, par conséquent, être rejetée. |
60 |
Il résulte de ce qui précède que la République de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 26 CE, de l’article 20 du code des douanes communautaire et, par conséquent, du tarif douanier commun en exonérant de droits de douane l’importation d’équipements militaires durant les années 1998 à 2002 et a manqué également aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 2 et 9 à 11 du règlement no 1552/89 ainsi que des mêmes articles du règlement no 1150/2000 en refusant de calculer, de constater et de mettre à la disposition de la Commission les ressources propres y afférentes ainsi qu’en refusant de payer les intérêts de retard dus en raison de l’absence de mise à disposition de la Commission desdites ressources propres. |
Sur les dépens
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En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République de Finlande et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. |
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Conformément au paragraphe 4, premier alinéa, du même article, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, la République italienne, la République portugaise et le Royaume de Suède, qui sont intervenus au litige, supportent leurs propres dépens. |
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête: |
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Signatures |
( *1 ) Langue de procédure: le finnois.