Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Parties

Dans l’affaire C-154/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Rechtbank te Amsterdam (Pays-Bas), par décision du 4 avril 2005, parvenue à la Cour le 6 avril 2005, dans la procédure

J. J. Kersbergen-Lap,

D. Dams-Schipper

contre

Raad van Bestuur van het Uitvoeringsinstituut Werknemersverzekeringen,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. Malenovský, J.‑P. Puissochet (rapporteur), A. Borg Barthet et A. Ó Caoimh, juges,

avocat général: M me J. Kokott,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

– par M me J. J. Kersbergen-Lap,

– pour le Raad van Bestuur van het Uitvoeringsinstituut Werknemersverzekeringen, par M. I. F. Pardaan, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement néerlandais, par M me H. G. Sevenster, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement finlandais, par M me A. Guimaraes-Purokoski, en qualité d’agent,

– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M me S. Nwaokolo, en qualité d’agent, assistée de M me E. Sharpston, QC,

– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. D. Martin et P. van Nuffel, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4, paragraphe 2 bis, et 10 bis ainsi que de l’annexe II bis du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 307/1999 du Conseil, du 8 février 1999 (JO L 38, p. 1, ci-après le «règlement n° 1408/71»).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre de deux litiges opposant, d’une part, M me Kersbergen-Lap et, d’autre part, M me Dams-Schipper au Raad van Bestuur (conseil d’administration) du Uitvoeringsinstituut Werknemersverzekeringen (Institut de gestion des assurances pour salariés, ci-après l’«UWV»), au sujet du refus de ce dernier de leur attribuer, en dehors des Pays-Bas, l’allocation au titre de la loi sur l’assurance contre l’incapacité de travail des jeunes handicapés, du 24 avril 1997 (Wet arbeidsongeschiktheidsvoorziening jonggehandicapten, Stb. 1997, n° 177, ci-après la «Wajong»).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3. L’article 1 er du règlement n° 1408/71 dispose:

«Aux fins de l’application du présent règlement:

a) les termes ‘travailleur salarié’ et ‘travailleur non salarié’ désignent, respectivement, toute personne:

i) qui est assurée au titre d’une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d’un régime de sécurité sociale s’appliquant aux travailleurs salariés ou non salariés ou par un régime spécial des fonctionnaires;

[...]»

4. L’article 2 du règlement n° 1408/71, définissant les personnes couvertes par celui-ci, précise à son paragraphe 1:

«Le présent règlement s’applique aux travailleurs salariés ou non salariés et aux étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l’un des États membres […] ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants.»

5. L’article 4 du règlement n° 1408/71, intitulé «Champ d’application matériel», dispose:

«1. Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

a) les prestations de maladie et de maternité;

b) les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain;

[…]

2. Le présent règlement s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, contributifs et non contributifs, ainsi qu’aux régimes relatifs aux obligations de l’employeur ou de l’armateur concernant les prestations visées au paragraphe 1.

2 bis. Le présent règlement s’applique aux prestations spéciales à caractère non contributif relevant d’une législation ou d’un régime autres que ceux qui sont visés au paragraphe 1 ou qui sont exclus au titre du paragraphe 4, lorsque ces prestations sont destinées:

a) soit à couvrir, à titre supplétif, complémentaire ou accessoire, les éventualités correspondant aux branches visées au paragraphe 1 points a) à h);

b) soit uniquement à assurer la protection spécifique des handicapés.

[…]

4. Le présent règlement ne s’applique [pas] à l’assistance sociale […]

[…]»

6. Concernant les prestations spéciales à caractère non contributif visées à l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71, l’article 10 bis, paragraphe 1, dudit règlement prévoit:

«Nonobstant les dispositions de l’article 10 et du titre III, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable bénéficient des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif visées à l’article 4 paragraphe 2 bis exclusivement sur le territoire de l’État membre dans lequel elles résident et au titre de la législation de cet État, pour autant que ces prestations soient mentionnées à l’annexe II bis. Les prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge.»

7. À l’annexe II bis, sous J, les prestations qui, aux Pays-Bas, sont accordées au titre d’incapacité pour les jeunes handicapés en vertu de la Wajong sont qualifiées de prestations spéciales à caractère non contributif.

La réglementation nationale

8. Les Pays-Bas connaissent différentes formes d’assurance contre l’incapacité de travail.

9. La loi relative à l’assurance contre l’incapacité de travail, du 18 février 1966 (Wet op de arbeidsongeschiktheidsverzerkering, Stb. 1966, n° 84, ci-après la «WAO»), assure les employés contre le risque de perte de salaire résultant d’une incapacité de travail de longue durée. Cette assurance est financée par des cotisations dues par les employeurs sur le salaire qu’ils versent à leurs employés. Pour bénéficier d’une prestation au titre de la WAO, le travailleur salarié doit être assuré au moment où l’incapacité de travail se produit.

10. En outre, jusqu’au 1 er janvier 1998, la loi portant fixation d’une assurance générale contre l’incapacité de travail, du 11 décembre 1975 (Algemene Arbeidsongeschiktheidswet, Stb. 1975, n° 674, ci-après l’«AAW») établissait une assurance générale obligatoire couvrant l’ensemble de la population contre les conséquences financières d’une incapacité de travail de longue durée.

11. À compter du 1 er janvier 1998, l’AAW a été remplacée, d’une part, par la loi sur l’assurance contre l’incapacité de travail des travailleurs indépendants, du 24 avril 1997 (Wet arbeidsongeschiktheids‑verzekering zelfstandigen, Stb. 1997, n° 176), concernant les travailleurs indépendants, et, d’autre part, par la Wajong, visant à protéger les jeunes handicapés contre les conséquences financières d’une incapacité de travail de longue durée.

12. La Wajong prévoit le versement d’une prestation minimale aux jeunes qui sont déjà atteints d’une incapacité de travail totale ou partielle de longue durée avant leur entrée sur le marché du travail. Sont considérés comme jeunes handicapés les résidents qui étaient déjà frappés d’une incapacité de travail au moment de leur dix-septième anniversaire ou qui, s’ils en sont atteints ultérieurement, ont étudié pendant au moins six mois au cours de l’année ayant immédiatement précédé le jour où l’incapacité de travail est apparue. La prestation ne peut être perçue avant le dix-huitième anniversaire.

13. Le montant de la prestation servie au titre de la Wajong dépend du taux d’incapacité de travail et s’élève à 70 % du salaire minimum légal en cas d’incapacité de travail totale. Le droit à cette prestation n’est pas subordonné au paiement d’une prime ou d’une cotisation. Il n’est pas non plus subordonné à une condition relative aux ressources propres du bénéficiaire, ladite prestation pouvant toutefois être réduite lorsqu’un travail procure un revenu ou en cas de cumul de cette prestation avec d’autres prestations d’incapacité de travail.

14. La prestation prévue par la Wajong est versée par le Arbeidsongeschiktheidsfonds jonggehandicapten (Fonds d’incapacité de travail des jeunes handicapés) et est financée, en application de l’article 64, sous a), de cette loi par le Trésor public.

15. À la différence de l’AAW, qui ne prévoyait aucune restriction, l’exportation d’une allocation servie en application de la Wajong est restreinte. L’article 17, paragraphe 1, de la Wajong dispose en effet que «le droit à la prestation d’incapacité de travail s’éteint […] le premier jour du mois suivant celui durant lequel le jeune handicapé a établi sa résidence en dehors des Pays-Bas».

16. L’article 17, paragraphe 7, de la Wajong autorise toutefois l’UWV à déroger à cette disposition lorsque l’extinction du droit à la prestation conduit à une situation d’«injustice majeure». Dans une décision relative aux orientations à appliquer en matière de maintien du paiement de la prestation prévue par le Wajong en cas de départ du bénéficiaire à l’étranger (Beleidsregels voortzetting Wajong-uitkering buiten Nederland, Stcrt. 2003, n° 84), entrée en vigueur le 2 mai 2003, le Raad van Bestuur de l’UWV a précisé que cette notion d’«injustice majeure» vise l’hypothèse dans laquelle, d’une part, le jeune handicapé a des raisons impérieuses d’établir sa résidence en dehors des Pays-Bas et, d’autre part, il y a lieu de penser que l’interruption du paiement de cette prestation le lèse de manière significative. Sont considérées comme raisons impérieuses, notamment, le fait de suivre un traitement médical d’une certaine durée, l’acceptation d’un emploi offrant une certaine perspective de réintégration ou le besoin de suivre les personnes dont le jeune handicapé dépend lorsque ces personnes sont contraintes de quitter les Pays-Bas.

Le litige au principal et la question préjudicielle

17. M me Kersbergen-Lap, née le 15 janvier 1964, et M me Dams-Schipper, née le 19 janvier 1970, souffrent d’une incapacité de travail de longue durée estimée entre 80 et 100 %. Une prestation d’incapacité de travail leur a été accordée avant 1998 en vertu de l’AAW. Au 1 er janvier 1998, cette prestation a été convertie en une prestation au titre de la Wajong. En 2002, M me Kersbergen-Lap s’est établie en France et M me Dams-Schipper, en Allemagne. Toutes deux ont été privées de la prestation par l’UWV à la suite de leur déménagement.

18. M me Kersbergen-Lap et M me Dams-Schipper ont introduit une réclamation à l’encontre de ces décisions. Dans les deux cas, le Raad van Bestuur de l’UWV a déclaré la réclamation non fondée et a précisé que les deux intéressées ne pouvaient pas se prévaloir d’une situation d’«injustice majeure».

19. M me Kersbergen-Lap et M me Dams-Schipper ont chacune formé un recours contre ces décisions devant le Rechtbank te Amsterdam.

20. Ce dernier a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Une prestation servie au titre de la Wajong, loi figurant à l’annexe II bis du règlement n° 1408/71, doit-elle être considérée comme une prestation spéciale à caractère non contributif, au sens de l’article 4, paragraphe 2 bis, de ce règlement, de sorte que seule la règle de coordination énoncée à l’article 10 bis dudit règlement devra être appliquée à des personnes telles que les parties requérantes au principal et que la prestation en question ne pourra bénéficier à quiconque réside ailleurs qu’aux Pays-Bas?»

Sur la question préjudicielle

21. Il incombe exclusivement à la juridiction de renvoi de définir l’objet des questions qu’elle entend poser à la Cour. Il appartient en effet aux seules juridictions nationales qui sont saisies du litige et qui doivent assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre leur jugement que la pertinence des questions qu’elles posent à la Cour (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 1997, Van den Boogaard, C‑220/95, Rec. p. I‑1147, point 16; du 20 mars 1997, Farrell, C‑295/95, Rec. p. I‑1683, point 11; du 16 mars 1999, Castelletti, C‑159/97, Rec. p. I‑1597, point 14, et du 8 mai 2003, Gantner Electronic, C‑111/01, Rec. p. I‑4207, point 34).

22. Or, M me Kersbergen-Lap soumet à la Cour, à la fin de ses observations, d’autres questions que celle ayant fait l’objet de la décision de renvoi par la juridiction nationale et les complète par d’autres interrogations dans des observations complémentaires. Compte tenu de ce qui a été exposé au point précédent, il n’y a pas lieu d’examiner de telles questions qui dépassent le cadre de celle posée par la juridiction nationale.

23. Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en s ubstance, si la prestation pour jeunes handicapés prévue par la Wajong, prestation inscrite à l’annexe II bis du règlement n° 1408/71, constitue une prestation spéciale à caractère non contributif au sens de l’article 4, paragraphe 2 bis, dudit règlement, de sorte que la situation d’une personne telle que les requérantes au principal est exclusivement régie par le système de coordination mis en place par l’article 10 bis du même règlement et, par suite, que ladite prestation ne peut bénéficier qu’à une personne résidant habituellement aux Pays-Bas.

24. Les requérantes au principal relèvent du champ d’application personnel du règlement n° 1408/71 dans la mesure où elles ont été soumises à un régime de sécurité sociale aux Pays-Bas et, en tant qu’assurées, auraient droit aux prestations d’incapacité de travail si elles résidaient sur le territoire de cet État membre (voir par analogie, notamment, arrêts du 31 mai 1979, Pierik, 182/78, Rec. p. 1977, point 4, et du 10 mars 1992, Twomey, C‑215/90, Rec. p. I‑1823, point 13).

25. Les dispositions dérogatoires au caractère exportable des prestations de sécurité sociale prévues à l’article 10 bis du règlement n° 1408/71 doivent être interprétées strictement. Cette disposition ne peut viser que les prestations qui satisfont aux conditions fixées à l’article 4, paragraphe 2 bis, du même règlement, à savoir les prestations qui présentent un caractère à la fois spécial et non contributif, et qui sont mentionnées à l’annexe II bis dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2001, Jauch, C‑215/99, Rec. p. I‑1901, point 21).

26. Ainsi qu’il a été rappelé au point 7 du présent arrêt, la prestation servie au titre de la Wajong figure dans la liste des prestations spéciales à caractère non contributif, au sens de l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71, qui fait l’objet de l’annexe II bis du même règlement.

27. Il reste donc à rechercher si, d’une part, la prestation en cause revêt un caractère spécial et couvre, à titre supplétif, complémentaire ou accessoire, les éventualités correspondant à une ou à plusieurs branches de sécurité sociale visées à l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, et si, d’autre part, une telle prestation présente un caractère non contributif.

Sur le caractère spécial de la prestation au titre de la Wajong

Argumentation des parties

28. Pour l’UWV, pour l’ensemble des gouvernements ayant présenté des observations ainsi que pour la Commission des Communautés européennes, les prestations spéciales qui constituent l’objet de l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71 sont des prestations à caractère mixte.

29. D’après les intervenants susmentionnés, à l’exception du gouvernement du Royaume-Uni qui n’a pas formulé de conclusion précise quant au statut à lui attribuer, l’allocation servie au titre de la Wajong présente les caractéristiques typiques d’une prestation mixte. Elle s’apparenterait, d’une part, à la sécurité sociale, en ce qu’elle bénéficierait de droit, selon les critères d’attribution applicables dans ce domaine, à ceux qui doivent faire face à une éventualité (l’incapacité de travail) normalement couverte par une prestation de sécurité sociale, et, d’autre part, à l’assistance sociale, en ce qu’elle ne reposerait pas sur des périodes d’activité ou de cotisation et qu’elle viserait à atténuer un état de besoin en assurant un revenu minimal vital aux jeunes handicapés. Une telle prestation serait toujours étroitement liée à la situation socio-économique du pays concerné et son montant, dès lors qu’il est calculé sur la base du salaire minimum applicable aux Pays-Bas, tiendrait compte du niveau de vie dans cet État membre.

Appréciation de la Cour

30. Une prestation spéciale au sens de l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71 se définit par sa finalité. Elle doit venir en remplacement ou en complément d’une prestation de sécurité sociale et présenter le caractère d’une aide sociale justifiée par des raisons économiques et sociales, et décidée par une réglementation fixant des critères objectifs (voir arrêt du 29 avril 2004, Skalka, C‑160/02, Rec. p. I‑5613, point 25 et jurisprudence citée).

31. Ainsi que l’a souligné le gouvernement néerlandais, la prestation prévue par la Wajong est une allocation de remplacement destinée aux personnes qui ne remplissent pas les conditions d’assurance pour obtenir une prestation d’invalidité au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 1408/71. En assurant un revenu minimum à un groupe socialement faible (les jeunes handicapés), l’allocation au titre de la Wajong présente le caractère d’une aide sociale justifiée par des raisons économiques et sociales. Son octroi repose, en outre, sur des critères objectifs définis par la loi.

32. Quant au fait que la prestation en cause au principal est accordée sans qu’il soit procédé à un examen des besoins ou de la fortune des intéressés, ainsi que l’a relevé la Commission, la plupart des jeunes handicapés ne disposeraient pas de moyens d’existence suffisants s’ils ne bénéficiaient pas de cette prestation.

33. De plus, ladite prestation est étroitement liée au contexte socio-économique des Pays-Bas, puisqu’elle est fonction du salaire minimum et du niveau de vie dans cet État membre. Or, la Cour a déjà admis que des prestations étroitement liées à l’environnement social peuvent être octroyées sous réserve d’une condition de résidence dans l’État de l’institution compétente (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 1988, Lenoir, 313/86, Rec. p. 5391, point 16; du 4 novembre 1997, Snares, C‑20/96, Rec. p. I‑6057, point 42, et du 31 mai 2001, Leclere et Deaconescu, C-43/99, Rec. p. I‑4265, point 32).

34. Il s’ensuit que la prestation servie au titre de la Wajong doit être qualifiée de prestation spéciale au sens du règlement n° 1408/71.

Sur le caractère non contributif de la prestation au titre de la Wajong

35. Pour l’UWV, pour l’ensemble des gouvernements ayant présenté des observations ainsi que pour la Commission, l’allocation Wajong n’a pas un caractère contributif.

36. Le critère déterminant en la matière réside dans le mode de financement réel de la prestation concernée (voir, en ce sens, arrêt Jauch, précité, points 32 et 33). La Cour examine si ce financement est assuré, directement ou indirectement, par des cotisations sociales ou par des ressources publiques.

37. Or, les ressources nécessaires pour financer la prestation servie en application de la Wajong sont fournies par le Trésor, et donc par le budget public. De plus, l’attribution de cette allocation n’est pas subordonnée à la condition que le bénéficiaire ait également droit à une autre prestation de sécurité sociale à caractère contributif. Compte tenu de la catégorie à laquelle appartiennent ces bénéficiaires, il ne saurait donc, non plus, être question de financement indirect au moyen de cotisations.

38. Il est par conséquent établi que la prestation servie au titre de la Wajong doit être considérée comme ayant un caractère non contributif au sens de l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71.

Sur l’atteinte à un droit acquis

Argumentation des parties

39. M me Kersbergen-Lap soutient que le caractère non exportable des prestations visées à l’article 10 bis du règlement n° 1408/71 ne peut être opposé aux bénéficiaires de la prestation perçue avant 1998 sur le fondement de l’AAW. Cela porterait atteinte à un droit acquis.

40. En effet, au moment de l’entrée en vigueur de la Wajong, en 1998, et de son inscription comme prestation spéciale à caractère non contributif à l’annexe II bis du règlement n° 1408/71, les requérantes au principal bénéficiaient d’une prestation pour jeunes handicapés servie au titre de l’AAW qui n’était soumise à aucune restriction en ce qui concerne son caractère exportable.

Appréciation de la Cour

41. Sans qu’il soit besoin de vérifier si la prestation prévue par la Wajong était censée assurer effectivement, sous un autre nom, la continuité de la prestation servie au titre de l’AAW, une personne se trouvant dans la même situation que les requérantes au principal ne saurait, contrairement à ce que prétend M me  Kersbergen-Lap, se prévaloir du principe de la conservation des droits acquis pour bénéficier de la prestation en cause au principal nonobstant l’établissement de sa résidence en dehors du territoire des Pays-Bas.

42. En effet, si le principe de sécurité juridique s’oppose à ce qu’un règlement soit appliqué rétroactivement, cela indépendamment des effets favorables ou défavorables qu’une telle application pourrait avoir pour l’intéressé, le même principe exige que toute situation de fait soit normalement, et sauf indication expresse contraire, appréciée à la lumière des règles de droit qui en sont contemporaines (arrêt du 12 octobre 1978, Belbouab, 10/78, Rec. p. 1915, point 7). Si la loi nouvelle ne vaut ainsi que pour l’avenir, elle s’applique également, sauf dérogation, aux effets futurs de situations nées sous l’empire de la loi ancienne (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 1978, Bauche et Delquignies, 96/77, Rec. p. 383, point 48; du 25 octobre 1978, Koninklijke Scholten-Honig et De Bijenkorf, 125/77, Rec. p. 1991, point 37; du 5 février 1981, P./Commission, 40/79, Rec. p. 361, point 12; du 10 juillet 1986, Licata/Comité économique et social, 270/84, Rec. p. 2305, point 31, et du 7 février 2002, Kauer, C‑28/00, Rec. p. I‑1343, point 20).

43. Dans l’affaire au principal, l’entrée en vigueur de la Wajong et son inscription à l’annexe II bis du règlement n° 1408/71 sont intervenues avant le déménagement des requérantes au principal en dehors du territoire des Pays-Bas. À défaut de disposition transitoire contraire, notamment dans le règlement n° 1223/98 du Conseil, du 4 juin 1998, modifiant le règlement n° 1408/71 et le règlement (CEE) n° 574/72 fixant les modalités d’applications du règlement n° 1408/71 (JO L 168, p. 1), les conséquences juridiques (le caractère exportable ou non de la prestation servie au titre de la Wajong) engendrées par cette situation de fait (l’établissement de la résidence en dehors des Pays-Bas) doivent, dès lors, s’examiner à la lumière des règles applicables au moment de la naissance de cette situation de fait, et donc à la lumière des nouvelles dispositions.

44. Il y a lieu, par suite, de répondre à la question posée qu’une prestation servie au titre de la Wajong doit être considérée comme une prestation spéciale à caractère non contributif, au sens de l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement n° 1408/71, de sorte que seule la règle de coordination de l’article 10 bis de ce règlement doit être appliquée et que ladite prestation ne peut bénéficier à quiconque réside ailleurs qu’aux Pays-Bas.

Sur les dépens

45. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Dispositif

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

Une prestation servie au titre de la loi sur l’assurance contre l’incapacité de travail des jeunes handicapés, du 24 avril 1997, (Wet arbeidsongeschiktheidsvoorziening jonggehandicapten), doit être considérée comme une prestation spéciale à caractère non contributif, au sens de l’article 4, paragraphe 2 bis, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 307/1999 du Conseil, du 8 février 1999, de sorte que seule la règle de coordination de l’article 10 bis de ce règlement doit être appliquée et que ladite prestation ne peut bénéficier à quiconque réside ailleurs qu’aux Pays-Bas.