Parties
Motifs de l'arrêt
Dispositif
Dans l’affaire C‑91/05,
ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, introduit le 21 février 2005,
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Petite, P. J. Kuijper et J. Enegren, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
soutenue par:
Parlement européen, représenté par M. R. Passos ainsi que par M mes K. Lindahl et D. Gauci, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie intervenante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-C. Piris, R. Gosalbo Bono et S. Marquardt ainsi que par M me E. Finnegan, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenu par:
Royaume de Danemark, représenté par MM. A. Jacobsen et C. Thorning ainsi que par M me L. Lander Madsen, en qualité d’agents,
Royaume d’Espagne, représenté par M me N. Díaz Abad, en qualité d’agent,
République française, représentée par M. G. de Bergues ainsi que par M mes E. Belliard et C. Jurgensen, en qualité d’agents,
Royaume des Pays-Bas, représenté par M. M. de Grave ainsi que par M mes C. Wissels et H. G. Sevenster, en qualité d’agents,
Royaume de Suède, représenté par M me A. Falk, en qualité d’agent,
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par M mes R. Caudwell et E. Jenkinson, en qualité d’agents, assistées de M. A. Dashwood, barrister,
parties intervenantes,
LA COUR (grande chambre),
composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts (rapporteur), A. Tizzano et G. Arestis, présidents de chambre, MM. A. Borg Barthet, M. Ilešič, J. Malenovský et J.-C. Bonichot, juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 décembre 2006,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 septembre 2007,
rend le présent
Arrêt
1. Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour d’annuler la décision 2004/833/PESC du Conseil, du 2 décembre 2004, mettant en œuvre l’action commune 2002/589/PESC en vue d’une contribution de l’Union européenne à la CEDEAO dans le cadre du moratoire sur les armes légères et de petit calibre (JO L 359, p. 65, ci-après la «décision attaquée»), et de constater l’inapplicabilité, en raison de son illégalité, de l’action commune 2002/589/PESC du Conseil, du 12 juillet 2002, relative à la contribution de l’Union européenne à la lutte contre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre, et abrogeant l’action commune 1999/34/PESC (JO L 191, p. 1, ci-après l’«action commune litigieuse»), notamment de son titre II.
Le cadre juridique et les antécédents du litige
L’accord de Cotonou
2. Le 23 juin 2000 a été signé à Cotonou (Bénin) l’accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part (JO L 317, p. 3, ci-après l’«accord de Cotonou»), approuvé au nom de la Communauté par la décision 2003/159/CE du Conseil, du 19 décembre 2002 (JO 2003, L 65, p. 27). Il est entré en vigueur le 1 er avril 2003.
3. L’article 1 er de cet accord, intitulé «Objectifs du partenariat», dispose:
«La Communauté et ses États membres, d’une part, et les États [d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ci-après les ‘États ACP’)], d’autre part, ci-après dénommés ‘parties’, concluent le présent accord en vue de promouvoir et d’accélérer le développement économique, culturel et social des États ACP, de contribuer à la paix et à la sécurité et de promouvoir un environnement politique stable et démocratique.
Le partenariat est centré sur l’objectif de réduction et, à terme, d’éradication de la pauvreté, en cohérence avec les objectifs du développement durable et d’une intégration progressive des pays ACP dans l’économie mondiale.
Ces objectifs ainsi que les engagements internationaux des parties inspirent l’ensemble des stratégies de développement et sont abordés selon une approche intégrée prenant simultanément en compte les composantes politiques, économiques, sociales, culturelles et environnementales du développement. Le partenariat offre un cadre cohérent d’appui aux stratégies de développement définies par chaque État ACP.
[…]»
4. L’article 11 de l’accord de Cotonou, intitulé «Politiques en faveur de la paix, prévention et résolution des conflits», dispose:
«1. Les parties poursuivent une politique active, globale et intégrée de consolidation de la paix et de prévention et de règlement des conflits dans le cadre du partenariat. Cette politique se fonde sur le principe de l’appropriation. Elle se concentre notamment sur le développement des capacités régionales, sous-régionales et nationales, et sur la prévention des conflits violents à un stade précoce en agissant directement sur leurs causes profondes et en combinant, de manière appropriée, tous les instruments disponibles.
2. Les activités dans le domaine de la consolidation de la paix, de la prévention et du règlement des conflits visent notamment à assurer un équilibre des opportunités politiques, économiques, sociales et culturelles offertes à tous les segments de la société, à renforcer la légitimité démocratique et l’efficacité de la gestion des affaires publiques, à établir des mécanismes efficaces de conciliation pacifique des intérêts des différents groupes, à combler les fractures entre les différents segments de la société ainsi qu’à encourager une société civile active et organisée.
3. Ces activités comprennent également, entre autres, un appui aux efforts de médiation, de négociation et de réconciliation, à la gestion régionale efficace des ressources naturelles communes rares, à la démobilisation et à la réinsertion sociale des anciens combattants, aux efforts concernant le problème des enfants soldats ainsi qu’à toute action pertinente visant à limiter à un niveau approprié les dépenses militaires et le commerce des armes, y compris par un appui à la promotion et à l’application de normes et de codes de conduite. Dans ce contexte, l’accent est particulièrement mis sur la lutte contre les mines antipersonnel et contre la diffusion, le trafic illicite et l’accumulation excessive et incontrôlée des armes de petit calibre et armes légères.
[…]»
5. En vertu des articles 6 à 10 de l’annexe IV de l’accord de Cotonou, intitulée «Procédures de mise en œuvre et de gestion», une stratégie de coopération régionale ainsi qu’un programme indicatif régional ont été établis dans un document signé le 19 février 2003 par la Commission, d’une part, ainsi que par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMAO), d’autre part.
6. Ce document souligne, à sa section 2.3.1, intitulée «La sécurité et la prévention des conflits», «l’élément important que constitue le contrôle du trafic d’armes légères où un moratoire sur l’exportation et l’importation existe appuyé par les Nations unies». À sa section 6.4.1, intitulée «Appui à une politique régionale de prévention des conflits et de bonne gouvernance», ledit document mentionne qu’une action sera envisagée en appui à celle des Nations unies pour la réalisation des activités prioritaires du plan d’action, pour la mise en œuvre du moratoire sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères.
7. Sur demande de la CEDEAO, la Commission a entamé, au cours de l’année 2004, la préparation d’une proposition de financement des opérations de prévention des conflits et de consolidation de la paix. Selon la Commission, la partie la plus importante de ce financement sera allouée au programme de contrôle des armes légères de la CEDEAO.
L’action commune litigieuse
8. Le 12 juillet 2002, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur la base de l’article 14 UE, l’action commune litigieuse, qui a abrogé et remplacé l’action commune 1999/34/PESC du Conseil, du 17 décembre 1998, adoptée sur la base de l’article J.3 du traité sur l’Union européenne, relative à la contribution de l’Union européenne à la lutte contre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre (JO 1999, L 9, p.1).
9. Aux termes de l’article 1 er , paragraphe 1, de l’action commune litigieuse, «[l]es objectifs de [celle-ci] sont les suivants:
– combattre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices d’armes de petit calibre, ainsi qu’aider à y mettre un terme,
– aider à réduire les stocks existants de ces armes et de leurs munitions pour les ramener à des niveaux conformes aux besoins légitimes des pays en matière de sécurité, et
– aider à résoudre les problèmes posés par l’accumulation de ces stocks».
10. Le titre I de l’action commune litigieuse, intitulé «Principes concernant les aspects de prévention et de réaction», établit le programme d’action sur lequel l’Union européenne s’efforcera de rechercher un consensus au sein des instances régionales et internationales compétentes. À cette fin, il énumère des principes et des mesures devant être concrétisés pour prévenir une nouvelle accumulation déstabilisatrice d’armes de petit calibre (article 3) et pour réduire les stocks existants d’armes de petit calibre et de leurs munitions (article 4).
11. Parmi les principes et les mesures devant être concrétisés pour prévenir une nouvelle accumulation déstabilisatrice d’armes de petit calibre, l’article 3 de l’action commune litigieuse mentionne des engagements de tous les pays concernés en matière de production, d’exportation, d’importation et de détention desdites armes ainsi que la création et la tenue d’inventaires nationaux d’armes et l’élaboration de législations nationales restrictives.
12. Parmi les principes et les mesures devant être concrétisés pour réduire les stocks existants d’armes de petit calibre et de leurs munitions, l’article 4 de ladite action commune cite, notamment, l’octroi d’une assistance appropriée aux pays demandeurs d’une aide en vue de limiter ou d’éliminer les armes de petit calibre excédentaires sur leur territoire, la promotion de mesures de confiance et de dispositions visant à encourager la remise volontaire des armes de petit calibre excédentaires ou détenues illégalement ainsi que de leurs munitions.
13. Le titre II de l’action commune litigieuse, intitulé «Contribution de l’Union européenne à des actions spécifiques», prévoit, notamment, une assistance financière et technique à des programmes et à des projets qui contribuent de manière directe à l’application des principes et des mesures mentionnés au titre I de cette action commune.
14. Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, de ladite action commune:
«Pour la fourniture de cette assistance, l’Union tiendra compte en particulier de l’engagement du destinataire de se conformer aux principes visés à l’article 3 de cette même action commune, de son respect des droits de l’homme et du droit humanitaire international et de la sauvegarde de l’État de droit, ainsi que de ses engagements internationaux, en particulier les traités de paix et les accords internationaux existant en matière de maîtrise des armements.»
15. En vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’action commune litigieuse, le Conseil statue sur la ventilation de l’assistance financière et technique visée à l’article 6 de cette action commune, sur les priorités concernant l’utilisation de ces fonds et sur les conditions de la mise en œuvre des actions spécifiques de l’Union. Le paragraphe 2 dudit article 7 prévoit que «[l]e Conseil statue sur le principe, les modalités et le financement de ces projets, sur la base de propositions concrètes et dûment chiffrées, cas par cas, sans préjudice des contributions bilatérales des États membres et du fonctionnement de la Communauté».
16. L’article 8 de l’action commune litigieuse dispose:
«Le Conseil note que la Commission a l’intention de diriger son action vers la réalisation des objectifs et des priorités de la présente action commune, le cas échéant par des mesures communautaires pertinentes.»
17. L’article 9, paragraphe 1, de ladite action commune prévoit:
«Le Conseil et la Commission sont chargés d’assurer la cohérence des activités de l’Union européenne dans le domaine des armes de petit calibre, eu égard en particulier à ses politiques en matière de développement. À cette fin, les États membres et la Commission communiquent toute information utile aux organes compétents du Conseil. Le Conseil et la Commission assurent la mise en œuvre de leurs actions respectives, chacun selon ses compétences.»
La décision attaquée
18. Le 2 décembre 2004, le Conseil a adopté la décision attaquée, qui met en œuvre l’action commune litigieuse en vue d’une contribution de l’Union à la CEDEAO dans le cadre du moratoire sur les armes légères et de petit calibre. La décision attaquée mentionne avoir comme base juridique l’action commune litigieuse, notamment son article 3, ainsi que l’article 23, paragraphe 2, UE.
19. Cette décision reprend les points des motifs suivants:
«(1) L’accumulation et la diffusion excessives et incontrôlées d’armes légères et de petit calibre constituent une menace pour la paix et la sécurité et réduisent les perspectives de développement durable, ce qui est particulièrement le cas en Afrique de l’Ouest.
(2) Dans la poursuite des objectifs énoncés à l’article 1 er de l’action commune [litigieuse], l’Union européenne envisage d’agir au sein des instances internationales compétentes pour promouvoir des mesures instaurant la confiance. En ce sens, la présente décision est destinée à mettre en œuvre ladite action commune.
(3) L’Union européenne estime qu’une contribution financière et une assistance technique serviraient à consolider l’initiative de la [CEDEAO] dans le domaine des armes légères et de petit calibre.
(4) L’Union européenne a donc l’intention d’apporter une aide financière et une assistance technique à la CEDEAO conformément au titre II de l’action commune [litigieuse].»
20. En vertu de l’article 1 er de la décision attaquée, l’Union contribue à la réalisation de projets dans le cadre du moratoire de la CEDEAO sur l’importation, l’exportation et la fabrication des armes légères et de petit calibre. À cette fin, elle apporte une contribution financière et une assistance technique pour créer l’unité d’armes légères au sein du secrétariat technique de la CEDEAO et pour transformer ce moratoire en convention sur les armes légères et de petit calibre entre les États membres de la CEDEAO.
21. L’article 3 de la décision attaquée dispose:
«La mise en œuvre financière de la présente décision est confiée à la Commission. À cet effet, elle conclut un accord de financement avec la CEDEAO concernant les conditions d’utilisation de la contribution de l’Union européenne, qui prendra la forme d’une aide non remboursable. Cette aide servira notamment à couvrir, pendant une période de douze mois, les rémunérations, les frais de déplacement, les fournitures et les équipements nécessaires à la création de l’unité d’armes légères au sein du Secrétariat technique ainsi qu’à la transformation du moratoire en convention sur les armes légères et de petit calibre entre les États de la CEDEAO. […]»
22. L’article 4, paragraphe 2, de ladite décision énonce:
«La Présidence et la Commission présentent aux organes compétents du Conseil des rapports périodiques sur la cohérence des activités de l’Union européenne dans le domaine des armes légères et de petit calibre, eu égard en particulier à ses politiques en matière de développement, conformément à l’article 9, paragraphe 1, de l’action commune [litigieuse]. La Commission fait plus particulièrement rapport sur les aspects mentionnés à l’article 3, première phrase. Ces informations devront notamment être fondées sur des rapports réguliers fournis par la CEDEAO dans le cadre de sa relation contractuelle avec la Commission.»
23. Lors de la discussion du projet relatif à la décision attaquée dans le cadre du Comité des représentants permanents, le 24 novembre 2004, la Commission a fait inscrire au procès-verbal de la réunion du Conseil la déclaration suivante (doc. nº 15236/04 PESC 1039, du 25 novembre 2004):
«La Commission estime que cette action commune n’aurait pas dû être adoptée et que le projet aurait dû être financé par le neuvième [Fonds européen de développement (ci-après le ‘FED’)] au titre de l’accord de Cotonou. Cet avis est clairement confirmé par l’article 11, paragraphe 3, de l’accord de Cotonou qui mentionne expressément au nombre des activités pertinentes la lutte contre l’accumulation des armes de petit calibre et des armes légères. Par ailleurs, il ressort des commentaires relatifs à la ligne budgétaire [de la] [politique étrangère et de sécurité commune (ci-après la ‘PESC’)] correspondante (19 03 02) du budget 2004 que le financement de tels projets au titre de la PESC est exclu si ceux-ci sont déjà couverts par l’accord de Cotonou.
L’action commune financée au titre de la PESC aurait pu bénéficier du neuvième FED et aurait parfaitement cadré avec le programme indicatif régional de la CEDEAO. De fait, la Commission est en train d’établir une proposition de financement portant sur un montant indicatif de 1,5 million d’euros destiné à soutenir la mise en œuvre du moratoire de la CEDEAO sur les armes légères et de petit calibre.
Enfin, l’action commune relève de la compétence partagée sur laquelle sont fondés la politique communautaire de développement et l’accord de Cotonou. L’article 47 [UE] s’applique aux domaines de compétences partagées tout comme aux domaines de compétences exclusives, faute de quoi il serait en grande partie privé de son effet utile. La Commission se réserve d’exercer ses droits en la matière.»
24. Considérant que la décision attaquée n’a pas été adoptée sur la base juridique appropriée et que l’article 47 UE a, de ce fait, été violé, la Commission a introduit le présent recours.
Les conclusions des parties
25. La Commission conclut à ce que la Cour:
– annule la décision attaquée;
– déclare illégale, et partant inapplicable, l’action commune litigieuse, notamment son titre II.
26. Le Conseil conclut à ce que la Cour:
– rejette la demande d’annulation de la décision attaquée comme non fondée;
– rejette la demande de la Commission visant à obtenir une déclaration d’inapplicabilité de l’action commune litigieuse comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondée;
– condamne la Commission aux dépens.
27. Par ordonnance du président de la Cour du 7 septembre 2005, le Parlement européen a été admis à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.
28. Par la même ordonnance, le Royaume d’Espagne, la République française, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède ainsi que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont été admis à intervenir à l’appui des conclusions du Conseil. Par ordonnance du président de la Cour du 12 septembre 2005, le Royaume de Danemark a été admis à intervenir à l’appui des conclusions du Conseil.
Sur la compétence de la Cour
29. Par le présent recours en annulation, introduit en vertu de l’article 230 CE, la Commission vise à faire constater que le Conseil, en adoptant la décision attaquée, a empiété sur les compétences de la Communauté et, de ce fait, a enfreint l’article 47 UE. Dans la mesure où la décision attaquée se fonde sur l’action commune litigieuse, la Commission s’appuie sur l’article 241 CE pour invoquer l’inapplicabilité de cette action commune, notamment de son titre II, en raison d’une même violation de l’article 47 UE.
30. Sans pour autant remettre en cause la compétence de la Cour pour statuer sur le recours, le Conseil, soutenu par les gouvernements espagnol et du Royaume-Uni, fait observer, notamment en ce qui concerne l’exception tirée de l’illégalité de l’action commune litigieuse, que la Cour n’est pas compétente pour statuer sur la légalité d’un acte relevant de la PESC.
31. À cet égard, il ressort de l’article 46, sous f), UE que les dispositions du traité CE relatives à la compétence de la Cour et à l’exercice de cette compétence s’appliquent à l’article 47 UE.
32. En vertu de l’article 47 UE, aucune des dispositions du traité CE ne saurait être affectée par une disposition du traité UE (arrêts du 13 septembre 2005, Commission/Conseil, C‑176/03, Rec. p. I‑7879, point 38, et du 23 octobre 2007, Commission/Conseil, C‑440/05, non encore publié au Recueil, point 52).
33. Il incombe donc à la Cour de veiller à ce que les actes dont le Conseil prétend qu’ils relèvent du titre V du traité UE et qui, par leur nature, sont susceptibles de produire des effets juridiques n’empiètent pas sur les compétences que les dispositions du traité CE attribuent à la Communauté (voir, en ce sens, arrêts du 12 mai 1998, Commission/Conseil, C‑170/96, Rec. p. I‑2763, point 16; du 13 septembre 2005, Commission/Conseil, précité, point 39, et du 23 octobre 2007, Commission/Conseil, précité, point 53).
34. Il en résulte que la Cour est compétente pour examiner le recours en annulation introduit par la Commission en vertu de l’article 230 CE et, dans ce cadre, pour examiner les moyens invoqués conformément à l’article 241 CE pour autant que ceux-ci sont tirés d’une violation de l’article 47 UE.
Sur le recours
Argumentation des parties
35. La Commission, soutenue par le Parlement, fait valoir que la décision attaquée doit être annulée en raison du fait qu’elle empiète sur les compétences attribuées à la Communauté en matière de coopération au développement, méconnaissant ainsi l’article 47 UE.
36. La Commission et le Parlement estiment que l’article 47 UE établit une frontière «fixe» entre les compétences de la Communauté et celles de l’Union. Si, dans un domaine de compétences partagées, tel que celui de la politique de coopération au développement, les États membres restent compétents pour agir seuls, de manière individuelle ou collective, pour autant que la Communauté n’a pas encore exercé sa compétence, il n’en irait pas de même pour l’Union, qui, en vertu de l’article 47 UE, ne disposerait pas d’une même compétence complémentaire mais devrait respecter les compétences, exclusives ou non, de la Communauté, même s’il s’agit de compétences non exercées. Partant, il y aurait empiètement sur les compétences de la Communauté dès que le Conseil adopterait, dans le contexte de la PESC, un acte qui aurait pu valablement être adopté sur la base du traité CE.
37. Selon la Commission et le Parlement, la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, dans la mesure où elle est devenue une partie intégrante de la politique de coopération au développement, relève des compétences attribuées dans ce domaine à la Communauté. En effet, la coopération au développement durable d’un pays ne pourrait être efficace qu’en présence d’un minimum de stabilité et de légitimité démocratique. En s’inscrivant dans cette optique de stabilité, la politique de déminage et de déclassement des armes légères et de petit calibre constituerait un moyen incontournable de parvenir aux objectifs de la politique de coopération au développement.
38. La Commission fait valoir que l’intégration de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre dans la politique communautaire de coopération au développement a été consacrée dans le cadre de l’accord de Cotonou, notamment à son article 11, paragraphe 3.
39. Le lien unissant l’accumulation déstabilisatrice des armes légères et de petit calibre et la politique de coopération au développement serait d’ailleurs reconnu par le Conseil lui-même ainsi que par la communauté internationale.
40. Selon la Commission, soutenue par le Parlement, la décision attaquée relève, de par sa finalité et son contenu, des compétences communautaires et aurait donc pu valablement être adoptée sur la base du traité CE. D’une part, en effet, la finalité de la décision attaquée serait non seulement la promotion de la paix et de la sécurité, mais également l’amélioration des perspectives de développement durable en Afrique de l’Ouest. D’autre part, le projet de renforcement de l’unité d’armes légères au sein du secrétariat technique de la CEDEAO et celui d’engagement d’experts en vue de la rédaction d’un projet de convention sur les armes légères, tel que prévu à l’annexe de la décision attaquée, comporteraient une assistance d’un type classique dans le contexte de programmes de coopération au développement, qui ne nécessiterait pas d’activités spécifiques relevant de la PESC.
41. Dans la mesure où la décision attaquée est fondée sur l’action commune litigieuse, la Commission, soutenue par le Parlement, demande que cette dernière, et notamment son titre II, soit déclarée illégale au motif qu’elle empiète sur les compétences de la Communauté. En effet, si certains aspects de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre peuvent relever de la PESC, notamment les actions policières ou militaires visant à collecter lesdites armes ou à entamer des programmes de destruction, cela ne serait pas le cas des mesures d’assistance financière et technique envisagées audit titre II, qui relèveraient des compétences communautaires en matière de coopération au développement et de coopération économique, financière et technique avec les pays tiers.
42. Le Conseil, soutenu par l’ensemble des gouvernements des États membres intervenants, estime qu’aucune violation de l’article 47 UE ne peut être invoquée dès lors que la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre ne relève pas des compétences communautaires en matière de politique de coopération au développement ni d’autres compétences de la Communauté.
43. S’agissant, tout d’abord, de l’article 47 UE, le Conseil fait observer que cette disposition a pour objet de préserver l’équilibre des pouvoirs établi par les traités et ne saurait être interprétée comme visant à protéger les compétences attribuées à la Communauté au détriment de celles dont bénéficie l’Union. Contrairement à ce que soutient la Commission, l’article 47 UE n’établirait pas de frontière fixe entre les compétences communautaires et celles de l’Union. Afin de déterminer si l’action de l’Union affecte les compétences de la Communauté, il conviendrait de tenir compte de la nature des compétences attribuées à la Communauté dans le domaine concerné, notamment du caractère complémentaire de la compétence communautaire en matière de coopération au développement.
44. Selon le gouvernement du Royaume-Uni, pour que l’on puisse considérer un acte fondé sur le traité UE comme contraire à l’article 47 UE, il faudrait, en premier lieu, que la Communauté soit compétente pour adopter un acte ayant la même finalité et le même contenu. En second lieu, l’acte fondé sur le traité UE devrait empiéter sur une compétence attribuée à la Communauté en empêchant ou en limitant l’exercice de celle-ci, aboutissant ainsi à un effet de préemption des compétences communautaires. Or, un tel effet serait exclu dans un domaine, tel que la coopération au développement, où la Communauté dispose de compétences parallèles.
45. Le Conseil, soutenu à cet égard par l’ensemble des gouvernements des États membres intervenants, fait ensuite valoir que la lutte contre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre ne relève pas des compétences attribuées à la Communauté.
46. Ni la lutte contre la prolifération desdites armes ni les objectifs plus généraux du maintien de la paix et du renforcement de la sécurité ne figureraient parmi les objectifs de la Communauté cités aux articles 2 CE et 3 CE. En outre, selon l’article 177, paragraphe 1, CE, l’objectif principal de la politique communautaire de coopération au développement serait la réduction de la pauvreté. En effet, les objectifs de maintien de la paix et de renforcement de la sécurité internationale relèveraient exclusivement du traité UE, notamment de la PESC. Or, les dispositions du traité CE ne sauraient être interprétées extensivement, sauf à ébranler la coexistence de l’Union et de la Communauté en tant qu’ordres juridiques intégrés mais distincts ainsi que l’architecture constitutionnelle de l’ensemble constitué des trois «piliers».
47. Selon le Conseil, soutenu par les gouvernements français, néerlandais et du Royaume-Uni, le fait que la prolifération des armes légères et de petit calibre soit susceptible d’avoir accessoirement une incidence sur les perspectives de développement durable n’implique pas que l’ensemble de ce domaine relève des compétences communautaires.
48. Le Conseil et le gouvernement du Royaume-Uni font valoir, par ailleurs, que, si la thèse de la Commission devait être suivie, la PESC serait privée de tout effet utile. Ce gouvernement ajoute que, s’il suffisait qu’une action ait une incidence sur les objectifs visés par une compétence communautaire pour qu’elle relève de cette compétence, il n’y aurait plus de limites à la portée des compétences communautaires, ce qui serait contraire au principe d’attribution de compétences. Le gouvernement néerlandais, quant à lui, ne considère pas souhaitable de restreindre le rôle de la PESC en ce qui concerne le maintien de la paix et de la sécurité dans les pays en développement dès lors que cette politique permet au Conseil d’agir de manière rapide et efficace dans de tels pays.
49. Le Conseil, soutenu par les gouvernements espagnol, français, suédois et du Royaume-Uni, souligne que, compte tenu du caractère «mixte» de l’accord de Cotonou, l’existence d’une compétence communautaire en matière de lutte contre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre ne peut pas non plus être déduite dudit accord.
50. Tant le Conseil que l’ensemble des gouvernements des États membres intervenants estiment, en outre, que l’adoption de la décision attaquée s’est faite dans le respect des dispositions et de l’esprit du traité UE. En effet, dès lors que la décision attaquée aurait pour but principal de lutter contre l’accumulation et la diffusion des armes légères et de petit calibre, elle relèverait non pas des compétences communautaires, mais bien des compétences de l’Union dans le cadre de la PESC.
51. D’une part, en effet, la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre s’inscrirait dans l’objectif fondamental de la PESC qui est le maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale, énoncé à l’article 11 UE. Le gouvernement suédois ajoute que, en matière de lutte contre la diffusion des armes légères et de petit calibre en Afrique de l’Ouest, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté des résolutions dans lesquelles il a invité la communauté internationale des donateurs à mettre en œuvre le moratoire de la CEDEAO sur lesdites armes et à soutenir le secrétariat technique de celle-ci.
52. D’autre part, le Conseil et les gouvernements des États membres intervenants font savoir que, dans la mesure où une action relève de la PESC, l’article 47 UE ne s’oppose pas à ce que l’Union utilise les mêmes méthodes que celles employées par la Communauté dans le domaine de la coopération au développement. En effet, pour poursuivre les objectifs qui lui sont assignés dans le cadre de la PESC, l’Union disposerait d’instruments qui ne se limitent pas à des démarches diplomatiques ou militaires, mais comprennent également des actions opérationnelles, au nombre desquelles figure l’assistance financière ou technique, nécessaires à la réalisation des objectifs visés.
53. Le Conseil et le gouvernement français soulignent de surcroît que l’action commune litigieuse a été mise en œuvre par une série de décisions relevant de la PESC, dont la légalité n’a pas été contestée par la Commission, à savoir les décisions 2002/842/PESC du Conseil, du 21 octobre 2002, mettant en œuvre l’action commune 2002/589 en vue d’une contribution de l’Union européenne à la lutte contre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre dans le sud-est de l’Europe (JO L 289, p. 1); 2003/543/PESC du Conseil, du 21 juillet 2003, mettant en œuvre l’action commune 2002/589 en vue d’une contribution de l’Union européenne à la lutte contre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre en Amérique du Sud et dans les Caraïbes (JO L 185, p. 59); 2004/790/PESC du Conseil, du 22 novembre 2004, prorogeant et modifiant la décision 2003/276/PESC mettant en œuvre l’action commune 2002/589 en vue d’une contribution de l’Union européenne à la destruction des munitions pour armes légères et de petit calibre en Albanie (JO L 348, p. 45); 2004/791/PESC du Conseil, du 22 novembre 2004, prorogeant et modifiant la décision 2002/842/PESC mettant en œuvre l’action commune 2002/589 en vue d’une contribution de l’Union européenne à la lutte contre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre dans le sud-est de l’Europe (JO L 348, p. 46); 2004/792/PESC du Conseil, du 22 novembre 2004, prorogeant et modifiant la décision 1999/730/PESC mettant en œuvre l’action commune 1999/34 en vue d’une contribution de l’Union européenne à la lutte contre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre au Cambodge (JO L 348, p. 47), ainsi que 2005/852/PESC du Conseil, du 29 novembre 2005, concernant la destruction des armes légères et de petit calibre (ALPC) et de leurs munitions en Ukraine (JO L 315, p. 27).
54. Enfin, le Conseil, soutenu à cet égard par les gouvernements espagnol et du Royaume-Uni, estime que l’exception tirée d’une illégalité de l’action commune litigieuse est irrecevable, dans la mesure où un requérant privilégié, tel que la Commission, est forclos à soulever l’exception d’illégalité d’un acte dont il aurait pu directement demander l’annulation par un recours au titre de l’article 230 CE.
55. Tout en se référant aux arguments relatifs à la décision attaquée, le Conseil et les gouvernements néerlandais, suédois et du Royaume-Uni soutiennent que, en tout état de cause, l’action commune litigieuse a été adoptée dans le plein respect de l’article 47 UE.
Appréciation de la Cour
Sur l’application de l’article 47 UE
56. Il ressort des points 31 à 33 du présent arrêt que, en vertu de l’article 47 UE, il incombe à la Cour de veiller à ce que les actes dont le Conseil soutient qu’ils relèvent du titre V du traité UE et qui sont susceptibles de produire des effets juridiques n’empiètent pas sur les compétences que les dispositions du traité CE attribuent à la Communauté.
57. Selon la Commission, la décision attaquée méconnaît le partage des compétences établi à l’article 47 UE entre la Communauté et l’Union en tant qu’elle aurait pu être adoptée sur le fondement des compétences attribuées à la Communauté en matière de coopération au développement. Il en irait de même des dispositions du titre II de l’action commune litigieuse, dont la décision attaquée constitue la mise en œuvre, lesquelles relèveraient soit des compétences de la Communauté en matière de coopération au développement, soit de celles relatives à la coopération économique, financière et technique avec les pays tiers.
58. Il importe donc de vérifier si les dispositions de la décision attaquée affectent les compétences que détient la Communauté en vertu du traité CE en ce qu’elles auraient pu, ainsi que le soutient la Commission, être adoptées sur le fondement des dispositions de ce dernier traité (voir, en ce sens, arrêts précités du 13 septembre 2005, Commission/Conseil, point 40, et du 23 octobre 2007, Commission/Conseil, point 54).
59. En effet, en prévoyant qu’aucune disposition du traité UE n’affecte les traités instituant les Communautés européennes ni les traités et actes subséquents qui les ont modifiés ou complétés, l’article 47 UE vise, conformément aux articles 2, cinquième tiret, UE et 3, premier alinéa, UE, à maintenir et à développer l’acquis communautaire.
60. Contrairement à ce que soutient le gouvernement du Royaume-Uni, un acte produisant des effets juridiques adopté dans le cadre du titre V du traité UE affecte les dispositions du traité CE au sens de l’article 47 UE dès qu’il aurait pu être adopté sur le fondement de ce dernier traité, sans qu’il soit besoin d’examiner si cet acte empêche ou limite l’exercice par la Communauté de ses compétences. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsqu’il s’avère que les dispositions d’un acte adopté dans le cadre des titres V ou VI du traité UE, en raison tant de leur finalité que de leur contenu, ont pour objet principal la mise en œuvre d’une politique attribuée à la Communauté par le traité CE et qu’elles auraient ainsi pu valablement être adoptées sur le fondement de ce dernier traité, la Cour constate que lesdites dispositions ont été adoptées en violation de l’article 47 UE (voir, en ce sens, arrêts précités du 13 septembre 2005, Commission/Conseil, points 51 et 53, ainsi que du 23 octobre 2007, Commission/Conseil, points 69 à 74).
61. Dès lors qu’une violation de l’article 47 UE découle du fait qu’un acte produisant des effets juridiques adopté par l’Union sur le fondement du traité UE aurait pu être adopté par la Communauté, il n’est pas non plus pertinent de savoir, s’agissant d’un domaine tel que la coopération au développement qui ne relève pas d’une compétence exclusive de la Communauté et dans lequel, par conséquent, les États membres ne sont pas empêchés d’exercer, collectivement ou individuellement, leurs compétences (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1993, Parlement/Conseil et Commission, C‑181/91 et C‑248/91, Rec. p. I‑3685, point 16, et du 2 mars 1994, Parlement/Conseil, C‑316/91, Rec. p. I‑625, point 26), si un tel acte aurait pu être adopté par les États membres dans l’exercice de leurs compétences.
62. Par ailleurs, la question de savoir si les dispositions d’un tel acte adopté par l’Union relèvent de la compétence de la Communauté concerne l’attribution et, dès lors, l’existence même de cette compétence, et non sa nature exclusive ou partagée (voir, en se sens, arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande, C‑459/03, Rec. p. I‑4635, point 93).
63. Il convient donc de déterminer si la décision attaquée viole l’article 47 UE en ce qu’elle aurait pu être adoptée sur le fondement des dispositions du traité CE.
Sur la délimitation des domaines respectifs de la politique communautaire de coopération au développement et de la PESC
64. S’agissant de la politique communautaire de coopération au développement, la Cour a jugé que les objectifs visés à l’article 130 U du traité CE (devenu article 177 CE) sont larges en ce sens que les mesures nécessaires à leur poursuite doivent pouvoir concerner différentes matières spécifiques (arrêt du 3 décembre 1996, Portugal/Conseil, C‑268/94, Rec. p. I‑6177, point 37).
65. En effet, les articles 177 CE à 181 CE relatifs à la coopération avec les pays en voie de développement visent non seulement le développement économique et social durable de ces pays, leur insertion harmonieuse et progressive dans l’économie mondiale ainsi que la lutte contre la pauvreté, mais également le développement et la consolidation de la démocratie et de l’État de droit ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tout en respectant les engagements pris dans le cadre des Nations unies et des autres organisations internationales (arrêt du 23 octobre 2007, Parlement/Commission, C‑403/05, non encore publié au Recueil, point 56).
66. De plus, il résulte de la déclaration conjointe du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil, du Parlement et de la Commission sur la politique de développement de l’Union européenne intitulée «Le consensus européen [pour le développement]» (JO 2006, C 46, p. 1) qu’il ne peut y avoir de développement durable et d’éradication de la pauvreté sans paix et sans sécurité et que la poursuite des objectifs de la nouvelle politique de développement de la Communauté passe nécessairement par la promotion de la démocratie et du respect des droits de l’homme (arrêt Parlement/Commission, précité, point 57).
67. S’il convient donc de ne pas limiter les objectifs de la politique communautaire de coopération au développement actuelle aux mesures visant directement la lutte contre la pauvreté, il faut néanmoins, pour qu’une mesure relève de cette politique, qu’elle contribue à la poursuite des objectifs de développement économique et social de ladite politique (voir, en ce sens, arrêt Portugal/Conseil, précité, points 44, 60, 63 et 73).
68. À cet égard, il résulte de plusieurs documents émanant des institutions de l’Union ainsi que du Conseil européen que certaines mesures visant à prévenir la fragilité des pays en voie de développement, y compris celles qui ont été adoptées dans le cadre de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, peuvent contribuer à éliminer ou à réduire des entraves au développement économique et social desdits pays.
69. Ainsi, le 21 mai 1999, le Conseil «Développement» de l’Union européenne a adopté une résolution sur les armes légères, dans laquelle il présente la prolifération desdites armes comme un problème de dimension mondiale qui, en particulier dans les pays et les zones de crises en situation instable du point de vue de la sécurité, fait obstacle à un développement économique et social pacifique. Plus récemment, dans la stratégie de l’Union européenne de lutte contre l’accumulation et le trafic illicites d’armes légères et de petit calibre et de leurs munitions, adoptée par le Conseil européen réuni les 15 et 16 décembre 2005 (doc. nº 5319/06 PESC 31, du 13 janvier 2006), celui-ci a mentionné, parmi les conséquences de la dissémination illicite des armes légères et de petit calibre, notamment celles relatives au développement des pays concernés, à savoir l’affaiblissement des structures étatiques, le déplacement des personnes, l’effondrement des services de santé et d’éducation, le déclin de l’activité économique, la réduction des ressources gouvernementales, la propagation des pandémies, les dommages à la structure sociale et, à terme, la réduction ou le retrait de l’aide au développement, tout en ajoutant que ces conséquences constituent, pour l’Afrique subsaharienne principalement touchée, un facteur essentiel de frein au développement.
70. De même, la déclaration conjointe du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil, du Parlement et de la Commission sur la politique de développement de l’Union européenne, mentionnée au point 66 du présent arrêt, cite, à son point 37, l’insécurité et les conflits violents parmi les obstacles les plus importants à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement, agréés dans le cadre des Nations unies, tout en mentionnant, dans ce contexte, la lutte contre la prolifération incontrôlée des armes légères et de petit calibre.
71. Il n’en reste pas moins que, pour qu’une mesure concrète visant à lutter contre la prolifération des armes légères et de petit calibre puisse être adoptée par la Communauté dans le cadre de sa politique de coopération au développement, cette mesure doit relever, en raison tant de sa finalité que de son contenu, du champ d’application des compétences que le traité CE lui attribue dans ce domaine.
72. Tel n’est pas le cas lorsqu’une telle mesure, même si elle contribue au développement économique et social de pays en voie de développement, a pour objet principal la mise en œuvre de la PESC.
73. En effet, si l’examen d’une mesure démontre qu’elle poursuit une double finalité ou qu’elle a une double composante et si l’une de celles-ci est identifiable comme principale tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou la composante principale (voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2003, Commission/Conseil, C‑211/01, Rec. p. I‑8913, point 39; du 29 avril 2004, Commission/Conseil, C‑338/01, Rec. p. I‑4829, point 55, et du 10 janvier 2006, Commission/Conseil, C‑94/03, Rec. p. I‑1, point 35, ainsi que, s’agissant de l’application de l’article 47 UE, arrêts précités du 13 septembre 2005, Commission/Conseil, points 51 à 53, et du 23 octobre 2007, Commission/Conseil, points 71 à 73).
74. Il s’ensuit que des mesures de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre ne relèvent pas des compétences attribuées à la Communauté en matière de politique de coopération au développement lorsque, en raison de leur finalité ou de leur composante principale, elles s’inscrivent dans la poursuite de la PESC.
75. S’agissant d’une mesure qui poursuit à la fois plusieurs objectifs ou qui a plusieurs composantes, sans que l’un soit accessoire par rapport à l’autre, la Cour a jugé, lorsque différentes bases juridiques du traité CE sont ainsi applicables, qu’une telle mesure doit être fondée, à titre exceptionnel, sur les différentes bases juridiques correspondantes (voir, en ce sens, arrêts précités du 11 septembre 2003, Commission/Conseil, point 40, et du 10 janvier 2006, Commission/Conseil, point 36).
76. Toutefois, en vertu de l’article 47 UE, une telle solution est exclue à l’égard d’une mesure qui poursuit plusieurs objectifs ou qui a plusieurs composantes relevant, respectivement, de la politique de coopération au développement, telle qu’attribuée à la Communauté par le traité CE, et de la PESC, sans que l’un de ceux-ci soit accessoire par rapport à l’autre.
77. En effet, dès lors que l’article 47 UE s’oppose à l’adoption par l’Union, sur la base du traité UE, d’une mesure qui pourrait être valablement adoptée sur le fondement du traité CE, l’Union ne saurait recourir à une base juridique relevant de la PESC pour adopter des dispositions qui relèvent également d’une compétence attribuée par le traité CE à la Communauté.
78. C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de déterminer si, ainsi que le soutient la Commission, la décision attaquée, qui met en œuvre l’action commune litigieuse en vue d’une contribution de l’Union à la CEDEAO dans le cadre du moratoire sur les armes légères et de petit calibre, relève, en raison tant de sa finalité que de son contenu, de la politique de coopération au développement attribuée à la Communauté par le traité CE.
Sur la finalité de la décision attaquée
79. S’agissant de la finalité de la décision attaquée, il ressort tant de l’intitulé de celle-ci que de son visa et des points 2 à 4 de ses motifs que, en contribuant de manière financière et technique à une initiative de la CEDEAO dans le domaine de la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre, cette décision vise à mettre en œuvre l’action commune litigieuse que le Conseil a adoptée sur le fondement du titre V du traité UE.
80. Dans la mesure où la décision attaquée constitue la mise en œuvre d’un acte relevant de la PESC, il convient d’examiner au préalable si, en raison de ce fait, cette décision doit être comprise comme visant à atteindre les objectifs de la PESC plutôt que ceux de la politique communautaire de coopération au développement.
81. À cet égard, et sans qu’il soit besoin, à ce stade, d’examiner l’exception tirée par la Commission d’une prétendue illégalité de l’action commune litigieuse, il convient de relever que cette dernière est présentée, dans ses considérants, comme une mesure destinée à remplacer l’action commune 1999/34, pour inclure dans l’action commune de l’Union, là où il y a lieu, les munitions destinées aux armes légères et de petit calibre.
82. Ainsi qu’il ressort de l’article 1 er , paragraphe 1, de l’action commune litigieuse, celle-ci se fixe comme objectifs de combattre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices d’armes de petit calibre et d’aider à y mettre un terme, d’aider à réduire les stocks existants de ces armes et de leurs munitions pour les ramener à des niveaux conformes aux besoins légitimes des pays en matière de sécurité et d’aider à résoudre les problèmes posés par l’accumulation de ces stocks.
83. Ces objectifs se concrétisent, d’une part, au titre I de l’action commune litigieuse, qui énumère certains principes et certaines mesures autour desquels l’Union s’efforce de rechercher un consensus afin de lutter contre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre et, d’autre part, au titre II de cette action commune, qui traite de l’assistance financière et technique apportée par l’Union à des projets qui contribuent à l’application desdits principes et desdites mesures.
84. Or, il ne résulte pas de l’action commune litigieuse que la mise en œuvre du programme de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre qu’elle annonce revêtira nécessairement la forme de mesures qui s’inscrivent dans la poursuite d’objectifs de la PESC, tels que le maintien de la paix et le renforcement de la sécurité internationale, plutôt que dans la poursuite des objectifs de la politique communautaire de coopération au développement.
85. À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que l’action commune 1999/34, à laquelle a succédé l’action commune litigieuse et dont cette dernière a repris intégralement les objectifs, les principes énumérés ainsi que le type de contribution envisagé, énonçait clairement, à son premier considérant, que le phénomène d’accumulation et de diffusion excessives et incontrôlées d’armes légères et de petit calibre constitue une menace pour la paix et la sécurité et réduit les perspectives de développement durable dans beaucoup de régions du monde, inscrivant donc d’emblée la lutte contre ce phénomène dans une double optique de maintien de la paix et de la sécurité internationale, d’une part, et de sauvegarde des perspectives de développement, d’autre part.
86. Ensuite, il ressort des dispositions du titre II de l’action commune litigieuse, qui, tout en reprenant celles de l’action commune 1999/34, précisent le type de contribution que l’Union apportera et la répartition des tâches qui incomberont, dans ce cadre, au Conseil et à la Commission, que les objectifs et le programme d’action fixés par cette action commune peuvent être mis en œuvre non seulement par l’Union, agissant dans le cadre de la PESC, mais également par la Communauté, sur la base de ses propres compétences.
87. En effet, l’article 7 de l’action commune litigieuse relève qu’il incombe au Conseil de statuer sur la ventilation de l’assistance financière et technique visée à l’article 6 de cette action commune, tout en précisant, au paragraphe 2 dudit article 7, que c’est «sans préjudice du fonctionnement de la Communauté» que le Conseil statuera, cas par cas, sur le principe, les modalités et le financement des projets qui mettent en œuvre ladite action commune. Le fait que l’action commune litigieuse peut être mise en œuvre tant par la Communauté que par l’Union est confirmé à l’article 8 de celle-ci, auquel le Conseil note que la Commission a l’intention de diriger son action vers la réalisation des objectifs et des priorités de cette action commune, le cas échéant, par des mesures communautaires pertinentes, ainsi qu’à l’article 9 de ladite action commune, qui laisse au Conseil et à la Commission le soin d’assurer la cohérence des activités de l’Union dans le domaine des armes de petit calibre, «eu égard en particulier à ses politiques en matière de développement», et la mise en œuvre de leurs actions respectives, chacun selon ses compétences. La nécessité d’une cohérence des activités de l’Union dans le domaine des armes légères et de petit calibre se retrouve, d’ailleurs, avec une référence identique aux «politiques [de l’Union] en matière de développement», à l’article 4, paragraphe 2, de la décision attaquée.
88. La conclusion selon laquelle les objectifs de l’action commune litigieuse peuvent être mis en œuvre tant par l’Union, dans le cadre du titre V du traité UE, que par la Communauté, dans le cadre de sa politique de coopération au développement, correspond, enfin, à l’approche préconisée par les institutions de l’Union et par le Conseil européen dans plusieurs documents.
89. Premièrement, le Conseil lui-même, dans la résolution sur les armes légères, mentionnée au point 69 du présent arrêt, tout en faisant référence à l’action entreprise par l’Union dans le cadre de la PESC et en rappelant la nécessité d’assurer la cohérence des activités de l’Union relatives aux armes de petit calibre, notamment au regard de la PESC, recommande néanmoins, dans ce même document, que, dans le cadre de la coopération au développement, la Communauté et les États membres accordent une attention particulière aux mesures visant à «inclure la question des armes de petit calibre dans le dialogue politique avec les États ACP et les autres partenaires de l’Union dans la coopération au développement; [à] apporter un soutien dans le cadre de la coopération au développement aux pays qui souhaitent bénéficier d’une aide en vue de limiter ou d’éliminer les excédents d’armes de petit calibre […]; [à] envisager, le cas échéant, un soutien visant à renforcer les institutions gouvernementales et la législation concernées en vue d’un meilleur contrôle des armes de petit calibre», en ajoutant, s’agissant de ce dernier point, que «[l]es premières interventions pourraient concerner l’Afrique du Sud […] et l’Afrique o ccidentale (CEDEAO) où des progrès significatifs ont été réalisés et où un cadre a été mis au point et adopté pour lutter contre la prolifération des armes de petit calibre».
90. Deuxièmement, dans la stratégie de l’Union européenne de lutte contre l’accumulation et le trafic illicites d’armes légères et de petit calibre et de leurs munitions, citée au point 69 du présent arrêt, le Conseil européen mentionne, parmi les moyens dont disposent l’Union, la Communauté et les États membres pour répondre à la menace de dissémination illicite desdites armes, notamment, outre les opérations civiles et militaires de gestion de crises et d’autres outils diplomatiques, les accords de partenariat et de coopération avec les pays tiers ainsi que les programmes de développement et d’assistance qui relèvent de la coopération CE-ACP et comportent un volet consacré aux armes légères et de petit calibre ainsi qu’à leurs munitions. Après avoir relevé, à son point 15, que, selon le Conseil européen, l’enjeu pour l’Union d’une stratégie sur les armes légères et de petit calibre consiste à répondre à cette menace et à assurer la cohérence entre ses politiques de sécurité et de développement, ce document mentionne, en tant qu’élément final du plan d’action annoncé pour répondre à l’accumulation desdites armes, le fait d’«[a]ssurer la cohérence et la complémentarité entre les décisions du Conseil dans le cadre de la PESC et les actions mises en œuvre par la Commission dans le domaine de l’aide au développement afin de favoriser une approche cohérente de l’ensemble des actions menées par l’[Union] dans le domaine des [armes légères et de petit calibre]».
91. Troisièmement, au point 37 de la déclaration conjointe du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil, du Parlement et de la Commission sur la politique de développement de l’Union européenne, mentionnée au point 66 du présent arrêt, sont annoncées des mesures concrètes pour limiter la prolifération incontrôlée des armes légères et de petit calibre qui seront prises, conformément à la stratégie européenne de lutte contre l’accumulation et le trafic illicite desdites armes et de leurs munitions, par «l’Union, dans le cadre des compétences respectives de la Communauté et des États membres».
92. Ainsi, dès lors que l’acte relevant de la PESC que la décision attaquée vise à mettre en œuvre n’exclut pas que ses objectifs puissent être atteints par des mesures adoptées par la Communauté sur la base de ses compétences en matière de coopération au développement, il y a lieu d’examiner si la décision attaquée, en tant que telle, doit être considérée comme une mesure qui poursuit des objectifs relevant de la politique communautaire de coopération au développement.
93. À cet égard, le point 1 des motifs de la décision attaquée affirme que l’accumulation et la diffusion excessives et incontrôlées d’armes légères et de petit calibre constituent non seulement une menace pour la paix et la sécurité mais réduisent également les perspectives de développement durable, particulièrement en Afrique de l’Ouest.
94. Ainsi qu’il ressort de son point 2 des motifs, la décision attaquée est destinée à mettre en œuvre l’action commune litigieuse par laquelle l’Union envisage, notamment par la promotion de mesures instaurant la confiance, la poursuite des objectifs énoncés à l’article 1 er de cette action commune, à savoir la lutte contre l’accumulation et la diffusion déstabilisatrices des armes légères et de petit calibre et la réduction des stocks existants de ces armes.
95. Contrairement à ce que soutiennent la Commission et le Parlement, il ne saurait être nié que la décision attaquée, dans la mesure où elle vise à prévenir une nouvelle accumulation d’armes légères et de petit calibre en Afrique de l’Ouest susceptible de déstabiliser cette région, s’inscrit dans une optique générale de maintien de la paix et de renforcement de la sécurité internationale.
96. Pour autant, il ne saurait être inféré de la décision attaquée que, par rapport à ses objectifs de maintien de la paix et de renforcement de la sécurité internationale, sa préoccupation d’élimination ou de réduction de l’obstacle au développement des pays concernés que constitue l’accumulation desdites armes est purement accessoire.
97. En effet, ainsi que le confirment les points 3 et 4 des motifs de ladite décision, la contribution financière et technique que l’Union envisage d’apporter sert à consolider l’initiative prise dans le domaine des armes légères et de petit calibre par la CEDEAO.
98. La décision attaquée a donc pour but spécifique de renforcer les capacités d’un groupe de pays africains en voie de développement à lutter contre un phénomène qui constitue, selon le point 1 des motifs de cette décision, un obstacle au développement durable de ces pays.
99. Il s’ensuit que la décision attaquée poursuit plusieurs objectifs relevant, respectivement, de la PESC et de la politique de coopération au développement, sans que l’un de ceux-ci soit accessoire par rapport à l’autre.
Sur le contenu de la décision attaquée
100. La conclusion tirée aux points précédents de l’examen de la finalité de la décision attaquée n’est pas infirmée par l’analyse du contenu de cette dernière.
101. En effet, il ressort de l’article 1 er , paragraphe 2, de celle-ci qu’elle envisage une contribution financière ainsi qu’une assistance technique pour créer une unité d’armes légères au sein du secrétariat technique de la CEDEAO et pour transformer en convention le moratoire existant entre les États membres de cette organisation en matière d’armes légères et de petit calibre. À ces fins, la décision attaquée prévoit, à son article 4, paragraphe 1, un montant de référence de 515 000 euros.
102. En vertu de l’article 3 de la décision attaquée, la mise en œuvre financière de ladite décision est confiée à la Commission et, celle-ci ayant conclu un accord de financement avec la CEDEAO, prend la forme d’une aide non remboursable qui sert, notamment, à couvrir, au cours d’une année, les rémunérations, les frais de déplacement, les fournitures et les équipements nécessaires à la création d’une unité d’armes légères au sein du secrétariat technique de la CEDEAO ainsi qu’à la transformation dudit moratoire en convention.
103. S’agissant de l’assistance technique devant être apportée par l’Union, il ressort du projet figurant à l’annexe de la décision attaquée qu’elle comporte la mise en place d’experts chargés d’effectuer les études nécessaires à la rédaction d’un projet de convention.
104. Or, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 211 de ses conclusions, une contribution financière, comme une assistance technique, ne peut être qualifiée d’instrument relevant de la PESC ou de la politique communautaire de coopération au développement qu’à la lumière des objectifs poursuivis.
105. En effet, s’il existe des mesures telles que l’octroi d’un soutien politique à la mise en place d’un moratoire ou encore la collecte et la destruction d’armes qui relèveraient plutôt d’opérations de maintien de la paix, de renforcement de la sécurité internationale ou de la promotion de la coopération internationale, s’inscrivant dans les objectifs de la PESC énoncés à l’article 11, paragraphe 1, UE, la décision de mobiliser des fonds et d’accorder une assistance technique à un groupe de pays en développement pour aboutir à un projet de convention est susceptible de relever tant de la politique de coopération au développement que de la PESC.
106. Quant au fait que l’action commune litigieuse a été mise en œuvre par d’autres décisions adoptées dans le cadre du titre V du traité UE, dont la Commission n’a pas contesté la légalité, il ne peut déterminer le résultat de l’examen que la Cour est appelée à effectuer dans le cadre de la présente affaire. En effet, la détermination de la base juridique d’un acte doit se faire en considération de son but et de son contenu propres, et non au regard de la base juridique retenue pour l’adoption d’autres actes de l’Union présentant, le cas échéant, des caractéristiques similaires (voir, en ce sens, arrêt du 10 janvier 2006, Commission/Conseil, précité, point 50).
107. Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé au point 87 du présent arrêt, l’action commune litigieuse que la décision attaquée vise à mettre en œuvre n’exclut pas en elle-même que l’objectif de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre puisse être atteint par des mesures prises par la Communauté lorsqu’elle mentionne, à ses articles 8 et 9, l’intention de la Commission de diriger son action vers la réalisation de cet objectif, le cas échéant, par des mesures communautaires pertinentes, ainsi que l’obligation pour le Conseil et la Commission d’assurer la cohérence des activités de l’Union dans le domaine des armes de petit calibre, eu égard en particulier à ses politiques en matière de développement, et la mise en œuvre de leurs actions respectives, chacun selon ses compétences.
108. Il résulte de qui précède que la décision attaquée comporte, compte tenu de sa finalité et de son contenu, deux composantes, sans que l’une de celles-ci puisse être considérée comme accessoire par rapport à l’autre, relevant, l’une, de la politique communautaire de coopération au développement et, l’autre, de la PESC.
109. Eu égard aux considérations figurant aux points 76 et 77 du présent arrêt, il convient de conclure que le Conseil, en adoptant la décision attaquée sur le fondement du titre V du traité UE, alors que celle-ci relève également de la politique de coopération au développement, a méconnu l’article 47 UE.
110. Par conséquent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.
111. Dès lors que ladite décision doit être annulée pour des vices qui lui sont propres, il n’est pas nécessaire d’examiner l’exception tirée d’une prétendue illégalité de l’action commune litigieuse.
Sur les dépens
112. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission n’ayant pas conclu à la condamnation du Conseil, ces deux institutions supporteront leurs propres dépens. En application du paragraphe 4 du même article, les intervenants au présent litige supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête:
1) La décision 2004/833/PESC du Conseil, du 2 décembre 2004, mettant en œuvre l’action commune 2002/589/PESC en vue d’une contribution de l’Union européenne à la CEDEAO dans le cadre du moratoire sur les armes légères et de petit calibre, est annulée.
2) La Commission des Communautés européennes et le Conseil de l’Union européenne supportent leurs propres dépens.
3) Le Royaume de Danemark, le Royaume d’Espagne, la République française, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que le Parlement européen supportent leurs propres dépens.