Affaires jointes C-39/05 P et C-52/05 P

Royaume de Suède

et

Maurizio Turco

contre

Conseil de l’Union européenne

«Pourvoi — Accès aux documents des institutions — Règlement (CE) no 1049/2001 — Avis juridiques»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 29 novembre 2007   I - 4726

Arrêt de la Cour (grande chambre) du 1er juillet 2008   I - 4747

Sommaire de l'arrêt

  1. Communautés européennes – Institutions – Droit d'accès du public aux documents – Règlement no 1049/2001

    (Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 2, 2e tiret)

  2. Communautés européennes – Institutions – Droit d'accès du public aux documents – Règlement no 1049/2001

    (Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 2, 2e tiret)

  3. Communautés européennes – Institutions – Droit d'accès du public aux documents – Règlement no 1049/2001

    (Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 2, 2e tiret)

  1.  S'agissant de l'exception afférente aux avis juridiques prévue à l'article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, l'institution à laquelle la divulgation d'un document est demandée doit s'assurer que ledit document concerne bien un avis juridique et, dans l'affirmative, déterminer quelles en sont les parties effectivement concernées et, donc, susceptibles de tomber dans le champ d'application de ladite exception.

    En effet, ce n'est pas parce qu'un document a été intitulé «avis juridique» qu'il doit automatiquement bénéficier de la protection des avis juridiques garantie par ledit article 4, paragraphe 2, deuxième tiret. Par-delà sa dénomination, il incombe à l'institution de s'assurer que ce document concerne bien un tel avis.

    (cf. points 37-39)

  2.  Dans la mesure où ni le règlement no 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, ni les travaux préparatoires de celui-ci n'apportent d'éclaircissements sur la portée de la notion de «protection» des avis juridiques, il y a lieu d'interpréter celle-ci en fonction de l'économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément. Il y a par conséquent lieu d'interpréter l'exception relative aux avis juridiques prévue à l'article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, dudit règlement comme visant à protéger l'intérêt d'une institution à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets.

    Le risque d'atteinte à cet intérêt doit, pour pouvoir être invoqué, être raisonnablement prévisible, et non purement hypothétique.

    À cet égard, invoquer de façon générale et abstraite le risque que la divulgation des avis juridiques relatifs à des processus législatifs puisse engendrer des doutes concernant la légalité d'actes législatifs ne saurait suffire pour caractériser une atteinte à la protection des avis juridiques au sens de ladite disposition et, par conséquent, fonder un refus de divulgation de ces avis. En effet, c'est précisément la transparence à cet égard qui, en permettant que les divergences entre plusieurs points de vue soient ouvertement débattues, contribue à conférer aux institutions une plus grande légitimité aux yeux des citoyens européens et à augmenter la confiance de ceux-ci. De fait, c'est plutôt l'absence d'information et de débat qui est susceptible de faire naître des doutes dans l'esprit des citoyens, non seulement quant à la légalité d'un acte isolé, mais aussi quant à la légitimité du processus décisionnel dans son entièreté. Par ailleurs, le risque que des doutes naissent dans l'esprit des citoyens européens quant à la légalité d'un acte adopté par le législateur communautaire du fait que le service juridique du Conseil ait émis un avis défavorable quant à cet acte ne se réaliserait le plus souvent pas si la motivation dudit acte était renforcée de façon à mettre en évidence les raisons pour lesquelles cet avis défavorable n'a pas été suivi.

    (cf. points 41-43, 59-61)

  3.  Dans le cadre de l'application de l'exception relative aux avis juridiques prévue à l'article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, il incombe à l'institution destinataire d'une demande de divulgation d'un document de vérifier, si elle considère que cette divulgation porterait atteinte à la protection des avis juridiques, qu'il n'existe pas un intérêt public supérieur justifiant ladite divulgation nonobstant l'atteinte qui en résulterait à son aptitude à demander des avis juridiques et à recevoir des avis francs, objectifs et complets.

    Dans ce contexte, il lui incombe de mettre en balance l'intérêt spécifique devant être protégé par la non-divulgation du document concerné et, notamment, l'intérêt général à ce que ce document soit rendu accessible, eu égard aux avantages découlant, ainsi que le relève le deuxième considérant dudit règlement, d'une transparence accrue, à savoir une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel ainsi qu'une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l'administration à l'égard des citoyens dans un système démocratique.

    Ces considérations sont, à l'évidence, d'une pertinence toute particulière lorsque le Conseil agit en sa qualité de législateur, ainsi qu'il résulte du sixième considérant du règlement no 1049/2001, selon lequel un accès plus large aux documents doit être autorisé précisément dans un tel cas. La transparence à cet égard contribue à renforcer la démocratie en permettant aux citoyens de contrôler l'ensemble des informations qui ont constitué le fondement d'un acte législatif. En effet, la possibilité, pour les citoyens, de connaître les fondements des actions législatives est une condition de l'exercice effectif, par ces derniers, de leurs droits démocratiques.

    Ledit règlement impose par conséquent, en principe, une obligation de divulguer les avis du service juridique du Conseil relatifs à un processus législatif. Ce constat ne fait néanmoins pas obstacle à ce que la divulgation d'un avis juridique spécifique, rendu dans le contexte d'un processus législatif mais ayant un caractère particulièrement sensible ou une portée particulièrement large allant au-delà du processus législatif en cause, puisse être refusée au titre de la protection des avis juridiques. Dans un tel cas, il incomberait à l'institution concernée de motiver le refus de façon circonstanciée.

    (cf. points 44-46, 68, 69)