CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE Kokott

présentées le 30 mars 2006 (1)

Affaire C-192/05

K. Tas-Hagen,

R. A. Tas

contre

Raadskamer WUBO van de Pensioen- en Uitkeringsraad

[demande de décision préjudicielle formée par le Centrale Raad van Beroep (Pays-Bas)]

«Libre circulation des citoyens de l’Union (article 18 CE) – Entraves au droit de libre circulation – Indemnisation de victimes civiles de guerre – Condition de résidence sur le territoire national au moment de l’introduction de la demande»





I –    Introduction

1.     Dans la présente affaire, il conviendra de préciser la portée de l’article 18, paragraphe 1, CE. Pour qu’un citoyen de l’Union européenne puisse se prévaloir de cette disposition, suffit-il qu’il ait fait usage de sa liberté de circulation ou faut‑il un lien de rattachement supplémentaire avec le droit communautaire? D’autre part, quelle marge la liberté de circulation des citoyens de l’Union laisse‑t-elle le cas échéant aux États membres dans le cadre de l’aménagement des prestations sociales qui ne sont pas régies par le droit communautaire? Telles sont, en substance, les questions juridiques que la Cour est appelée à examiner à la demande du Centrale Raad van Beroep (Pays‑Bas) (ci-après également dénommé la «juridiction de renvoi»).

2.     Deux citoyens néerlandais, dont la qualité de victimes civiles de guerre est reconnue, ont demandé aux autorités compétentes de leur pays l’octroi de certaines prestations à ce titre. Ces prestations leur ont été refusées au seul motif que, à la date de la demande, ils étaient domiciliés non pas aux Pays-Bas, mais en Espagne.

II – Cadre juridique

A –    Droit communautaire

3.     L’article 17 CE dispose:

«1. Il est institué une citoyenneté de l’Union. Est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. La citoyenneté de l’Union complète la citoyenneté nationale et ne la remplace pas.

2. Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par le présent traité.»

4.     La liberté de circulation des citoyens de l’Union est établie à l’article 18, paragraphe 1, CE dans les termes suivants:

«Tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application.»

5.     L’article 12, alinéa premier, CE prévoit en outre l’interdiction de discrimination suivante:

«Dans le domaine d’application du présent traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité.»

B –    Droit national

6.     Concernant le droit néerlandais applicable, la juridiction de renvoi nous a notamment fourni les informations suivantes.

7.     Aux termes de la loi néerlandaise relative aux prestations servies aux victimes civiles de la guerre 1940-1945 (2) du 10 mars 1984 (ci-après la «WUBO»), les victimes civiles de guerre (3) ou leurs ayants droit peuvent notamment prétendre à une allocation périodique (article 7 et suivants de la WUBO) et à une prestation additionnelle pour financer des mesures visant à améliorer les conditions de vie (article 19 de la WUBO). L’objectif de l’allocation périodique est de compenser, dans une mesure raisonnable, la perte de revenus résultant de l’invalidité due au dommage de guerre.

8.     D’après son article 3, la WUBO n’est applicable qu’aux ressortissants néerlandais établis aux Pays-Bas à la date où les prestations sont demandées. Ces conditions de nationalité et de territorialité découlent du postulat que la portée de l’obligation particulière de solidarité du peuple néerlandais vis-à-vis des victimes civiles de guerre est limitée sur la base de la nationalité et de la résidence de ces dernières.

9.     Une fois accordées, l’allocation périodique ou la prestation additionnelle restent en principe acquises à l’intéressé même s’il s’établit à l’étranger. Toutefois, afin d’éviter que des personnes domiciliées à l’étranger ne s’établissent temporairement aux Pays-Bas que pour y acquérir un droit aux prestations prévues par la WUBO, il est prévu que les personnes qui ne se sont établies aux Pays-Bas qu’après l’entrée en vigueur de la loi perdent leurs droits si elles établissent de nouveau leur résidence à l’étranger dans un délai de cinq ans à compter de l’installation aux Pays-Bas (article 3, paragraphe 3, de la WUBO).

10.   L’application de la WUBO a été confiée au Raadskamer WUBO van de Pensioen- en Uitkeringsraad (ci-après le «PUR»).

11.   Le législateur a donné au PUR le droit d’étendre l’applicabilité de la WUBO aux victimes civiles de guerre qui ne remplissent pas les conditions de nationalité ou de territorialité lorsque la non-application de cette loi conduirait à des situations d’iniquité manifeste (article 3, paragraphe 6, de la WUBO). Cette clause d’équité reste cependant d’application discrétionnaire.

12.   Il résulte de la pratique administrative du PUR que la clause d’équité est en principe applicable lorsque l’intéressé peut faire valoir un lien de rattachement particulier avec la société néerlandaise à la fois au moment de la guerre et à la date de la demande (4). Si cette condition est remplie, la question de savoir si la situation en cause est marquée par une injustice manifeste est alors évaluée sur une base individuelle. Le critère général applicable en la matière est que la résidence en dehors des Pays-Bas doit être due à des circonstances échappant objectivement à la sphère d’influence directe de l’intéressé et telles que l’on ne pouvait raisonnablement attendre de celui-ci qu’il s’établisse aux Pays-Bas. De telles situations peuvent se présenter notamment en cas de rectification de frontière ou pour des raisons médicales. Le PUR estime en revanche que la clause d’équité ne doit pas s’appliquer lorsque l’établissement à l’étranger est la conséquence d’un mariage ou s’explique par des motifs d’ordre économique. Il considère toutefois qu’elle peut trouver application lorsque l’intéressé a vécu aux Pays-Bas à l’époque de la guerre et a continué d’y vivre de façon ininterrompue jusqu’à la date de la demande, mais sans jamais obtenir la nationalité néerlandaise.

13.   À compter du 1er juillet 2004, le PUR a adapté sa politique en matière d’application de la clause d’équité. Les ressortissants néerlandais vivant à l’étranger peuvent désormais bénéficier d’une prestation au titre de la WUBO notamment si, au moment de la demande, ils ont la nationalité néerlandaise et ont vécu pendant un certain temps aux Pays-Bas, et à condition que leur revenu mensuel brut (combiné à celui de leur partenaire) soit inférieur à 1 741,56 euros.

III – Les faits et la procédure

14.   Mme Tas-Hagen, née en 1943 dans ce qui était alors les Indes néerlandaises, est arrivée aux Pays-Bas en 1954. En 1961, elle a obtenu la nationalité néerlandaise. En 1986, elle a été frappée d’une incapacité de travail qui l’a obligée à mettre fin à son activité professionnelle en qualité de secrétaire de direction auprès du Gemeentelijke Dienst Verpleging en Verzorging (service communal de soins et d’assistance) de La Haye.

15.   Au mois de décembre 1986, alors qu’elle vivait encore aux Pays-Bas, elle a présenté une première demande d’allocation périodique et d’indemnité au titre de la WUBO. Cette demande a été rejetée au motif qu’elle n’avait subi aucun préjudice susceptible de conduire à une invalidité permanente, de sorte qu’elle ne pouvait être considérée comme une victime civile de guerre au sens de la WUBO.

16.   En 1987, Mme Tas-Hagen s’est établie en Espagne. En 1999, elle a déposé une nouvelle demande pour se voir reconnaître la qualité de victime civile de guerre ainsi que le bénéfice, entre autres, d’une allocation périodique et d’une prestation additionnelle pour financer des mesures visant à améliorer ses conditions de vie, au sens de la WUBO. Par décision du 29 décembre 2000, cette demande a également été rejetée. Le PUR a cette fois-ci reconnu à Mme  Tas-Hagen le statut de victime civile de guerre. Cependant, comme elle était établie en Espagne à l’époque de sa demande, la condition de territorialité prévue par la WUBO n’était pas remplie. Les conditions d’application de la clause d’équité ont également été considérées comme n’étant pas réunies. Par décision du 28 décembre 2001, le PUR a encore rejeté comme dépourvue de fondement la réclamation déposée par Mme Tas‑Hagen contre la décision du 29 décembre 2000.

17.   M. Tas, né dans les Indes néerlandaises en 1931, s’est établi aux Pays-Bas en 1947. De 1951 à 1971, il a eu la nationalité indonésienne. En 1971, il a retrouvé la nationalité néerlandaise. En 1983, il a mis fin à ses activités de fonctionnaire de la municipalité de La Haye et a été déclaré invalide à 100 % pour raisons psychiques. En 1987, il s’est établi en Espagne.

18.   Au mois d’avril 1999, il a demandé notamment une allocation périodique et une prestation additionnelle visant à améliorer ses conditions de vie au titre de la WUBO. Par décision du 28 décembre 2000, le PUR a rejeté cette demande. Il a estimé que, si M. Tas avait bien la qualité de victime civile de guerre, il ne remplissait pas la condition de territorialité posée par la WUBO puisque, au moment de la demande, il était établi en Espagne. Le PUR a également considéré que les circonstances n’étaient pas particulières au point de justifier l’application de la clause d’équité. Par décision du 28 décembre 2001, le PUR a encore rejeté la réclamation déposée contre la décision du 28 décembre 2000 au motif qu’elle était dépourvue de fondement.

19.   Mme Tas-Hagen et M. Tas se sont pourvus en justice contre les décisions de rejet. Ils font notamment valoir que la condition de territorialité prévue à l’article 3 de la WUBO est contraire aux dispositions relatives à la citoyenneté de l’Union.

IV – La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

20.   Par ordonnance du 22 avril 2005, le Centrale Raad van Beroep a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le droit communautaire, en particulier l’article 18 CE, s’oppose-t-il à une réglementation interne en vertu de laquelle, dans des circonstances comme celles de la procédure au principal, le droit à une prestation pour victimes civiles de guerre est dénié au seul motif que, au moment du dépôt de la demande, l’intéressé, qui a la nationalité de l’État membre concerné, n’était pas domicilié sur le territoire national, mais sur celui d’un autre État membre?»

21.   Des observations écrites ont été déposées devant la Cour par le gouvernement néerlandais, le gouvernement lituanien, le gouvernement du Royaume-Uni ainsi que par la Commission des Communautés européennes. En sa qualité de défendeur au principal, le PUR fait siennes les observations écrites présentées par le gouvernement néerlandais. Le gouvernement néerlandais, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission ont pris position sur la présente affaire au cours de l’audience du 16 février 2006.

V –    Appréciation

22.   La demande de décision préjudicielle vise en substance à savoir si l’article 18, paragraphe 1, CE s’oppose à une réglementation interne en vertu de laquelle un État membre refuse à l’un de ses ressortissants le droit à une prestation pour victimes civiles de guerre au seul motif que, au moment du dépôt de la demande, l’intéressé n’était pas domicilié sur le territoire de cet État, mais sur celui d’un autre État membre.

A –    Champ d’application de la liberté de circulation des citoyens de l’Union

1.      L’article 18, paragraphe 1, CE et les autres libertés fondamentales

23.   Il est de jurisprudence constante que la liberté de circulation visée à l’article 18, paragraphe 1, CE ne s’applique qu’en l’absence de pertinence de droits plus spécifiques, comme ceux découlant des articles 39 CE, 43 CE et 49 CE (5).

24.   Telle est bien la situation en l’espèce: il n’y a dans l’exposé des faits relatifs à la procédure au principal, aucun élément indiquant que Mme Tas-Hagen et M. Tas exerceraient en Espagne une activité économique et pourraient, à ce titre, se prévaloir d’une des libertés plus spécifiques en matière de circulation des personnes. Ils ne sont pas non plus les destinataires, en Espagne, de prestations au sens de l’article 49 CE, puisqu’ils sont établis dans ce pays de façon durable et qu’ils n’y séjournent pas simplement à titre provisoire (6).

2.      Champ d’application personnel et matériel

25.   Les ressortissants néerlandais, tels Mme Tas-Hagen et M. Tas, sont des citoyens de l’Union au sens de l’article 17, paragraphe 1, CE et bénéficient, à ce titre, de la liberté de circulation établie à l’article 18, paragraphe 1, CE.

26.   Cette liberté de circulation peut également être opposée au Royaume des Pays-Bas, dont Mme Tas-Hagen et M. Tas sont des citoyens. Il est vrai que la citoyenneté de l’Union n’a pas pour objectif d’étendre le champ d’application matériel du traité à des situations purement internes n’ayant aucun rattachement au droit communautaire (7). La présente affaire revêt cependant un caractère transfrontalier, puisque, au moment de leur demande d’obtention des prestations pour victimes civiles de guerre, les intéressés vivaient en Espagne et exerçaient ainsi la liberté de circulation prévue à l’article 18, paragraphe 1, CE. Il y a donc bien un lien de rattachement avec le droit communautaire.

27.   La question est cependant de savoir si, pour se prévaloir de l’article 18, paragraphe 1, CE, il suffit qu’un citoyen de l’Union ait exercé sa liberté de circulation ou s’il faut encore que soit impliqué un domaine dans lequel le droit communautaire énonce des dispositions ou fixe au moins des objectifs à atteindre.

28.   Selon un point de vue qui a été défendu en particulier par le gouvernement du Royaume-Uni, l’article 18, paragraphe 1, CE ne peut être invoqué que si, au‑delà du simple exercice de la liberté de circulation, les faits en cause se rapportent à une matière régie par le droit communautaire, de sorte que ce dernier est également applicable ratione materiae. Si nous accueillions ce point de vue, Mme  Tas‑Hagen et M. Tas ne pourraient faire valoir en l’espèce aucune violation de l’article 18, paragraphe 1, CE. En effet, les prestations pour victimes civiles de guerre n’ont fait l’objet d’aucune disposition en droit primaire ou en droit dérivé (8). Elles sont même expressément exclues du champ d’application du règlement nº 1408/71 (9) (voir son article 4 paragraphe 4) et de celui du règlement nº 883/2004 (10) (voir son article 4, paragraphe 5).

29.   Il est exact que, dans une série d’affaires se rapportant à la liberté de circulation des citoyens de l’Union, la Cour a appuyé son raisonnement non seulement sur l’article 18, paragraphe 1, CE (ex article 8 A du traité CE), mais également sur d’autres dispositions de droit communautaire. Elle a en particulier relevé que les prestations sociales dont il s’agissait dans ces affaires relevaient quant à elles du champ d’application du droit communautaire (11).

30.   Indépendamment de cela, la Cour présume toujours avoir affaire à une situation «relevant du domaine d’application ratione materiæ du droit communautaire» lorsqu’un citoyen de l’Union a fait usage de sa liberté de circulation conformément à l’article 18, paragraphe 1, CE:

«Ces situations comprennent, notamment, celles relevant de l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité et celles relevant de l’exercice de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres telle que conférée par l’article 18 CE.»(12)

31.   Cette politique est pratiquée par la Cour même lorsque l’exercice de la liberté de circulation ou la qualité de citoyen de l’Union sont les seuls points de rattachement avec le droit communautaire (13).

32.   Dès lors, le fait que le domaine ou la prestation sociale en question sont régis par le droit communautaire ou visent à la réalisation des objectifs poursuivis par la Communauté ne peut jouer qu’un rôle accessoire dans le cadre de l’appréciation du cas d’espèce (14). Les considérations de ce type figurent en particulier dans les arrêts relatifs à la libre circulation des étudiants (15). Il est vrai que, dans ces affaires, la Cour s’est trouvée confrontée à sa jurisprudence antérieure, qui date d’une époque où ni la citoyenneté de l’Union ni les nouvelles dispositions du traité relatives à la politique de formation (16) ne fournissaient de point de rattachement pour l’application du droit communautaire.

33.   Cependant, de telles considérations accessoires ne sont en aucun cas une condition impérative pour l’application de l’article 18, paragraphe 1, CE (17). Les citoyens de l’Union peuvent se prévaloir de leur liberté de circulation même si le domaine en cause ou la prestation à laquelle ils prétendent ne sont pas régis par le droit communautaire (18).

34.   Cela découle du fait que la liberté de circulation des citoyens de l’Union est une liberté fondamentale (19). C’est la raison pour laquelle l’article 18, paragraphe 1, CE est d’application directe (20) et d’interprétation extensive (21). À l’instar des libertés fondamentales classiques du marché intérieur (22), cette disposition a en particulier un champ d’application qui n’est pas limité à certains domaines spécifiques.

35.   Ainsi, les libertés fondamentales classiques s’appliquent-elles également aux domaines pour lesquels le traité ne contient aucune disposition et ne reconnaît à la Communauté aucune compétence propre. En effet, exclure les matières non régies par le droit communautaire du champ d’application des libertés fondamentales rendrait impossible la mise en œuvre de l’une des tâches essentielles de la Communauté, à savoir la réalisation d’un marché intérieur affranchi de tout obstacle à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux [article 3, paragraphe 1, sous c), CE]. Le marché intérieur ne pourrait alors plus tendre vers un espace sans frontières intérieures (article 14, paragraphe 2, CE), puisqu’il n’aurait plus qu’un caractère fragmentaire, limité à certains produits et certaines activités que des réglementations concrètes ont soumis au droit communautaire.

36.   A fortiori, le champ d’application des libertés fondamentales ne peut se limiter aux domaines dans lesquels la Communauté a déjà exercé ses compétences, en particulier par l’adoption de mesures d’harmonisation (23). Au contraire, de par leur sens et leur objet, et en raison précisément de leur applicabilité directe, les libertés fondamentales pourront sortir leurs effets avant tout dans des domaines qui n’ont pas (encore) été harmonisés. Subordonner l’application d’une liberté fondamentale à l’existence d’une mesure d’harmonisation reviendrait au bout du compte à lui dénier tout effet direct.

37.   En conséquence, la Cour a établi dans une jurisprudence constante que les libertés fondamentales doivent être respectées même là où il n’y a pas (encore) de réglementation de droit communautaire et où les États membres ont gardé leur compétence. Il en est ainsi, notamment en matière de fiscalité directe (24), de droit pénal et de procédure pénale (25) ainsi que pour l’aménagement des systèmes nationaux de sécurité sociale (26). Un raisonnement analogue a été suivi par la Cour dans une affaire qui se rapportait au droit du nom (27).

38.   Mais il serait tout aussi contraire au concept de citoyenneté de l’Union, entendu comme statut fondamental de tous les citoyens de l’Union (28), auquel ces derniers ont droit indépendamment de toute activité économique (29), que les États membres soient tenus de respecter la liberté de circulation consacrée à l’article 18, paragraphe 1, CE non pas dans tous les secteurs, mais uniquement dans certains domaines pour lesquels le traité a reconnu à la Communauté des compétences propres ou dans lesquels il existe une réglementation de droit communautaire.

39.   Cela n’est pas contredit par les termes de l’article 18, paragraphe 1, CE selon lesquels la liberté de circulation n’est accordée aux citoyens de l’Union que «sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application». Cette clause ne limite pas, en effet, le champ d’application matériel de cette liberté fondamentale. À la différence des articles 39, paragraphe 4, CE et 45 CE, cette clause n’énonce pas d’exception formelle pour certains domaines. Il s’agit au contraire d’une réserve commune, sous cette forme ou sous une forme analogue, à toutes les libertés fondamentales, et notamment à celles qui sont consacrées aux articles 30 CE, 39, paragraphe 3, CE, 46, paragraphe 1, CE et 58 CE.

40.   C’est donc à juste titre que la Cour a, notamment pour la fiscalité directe (30) et l’aménagement des systèmes de sécurité sociale (31), affirmé l’applicabilité de l’article 18, paragraphe 1, CE au même titre que celle des autres libertés fondamentales (32). Cela vaut également pour le droit du nom: même si, en l’état actuel du droit communautaire, cette question ressortit à la compétence des États membres et n’est pas régie par le droit communautaire, les États membres doivent néanmoins exercer cette compétence dans le respect du droit communautaire et, en particulier, de la liberté de circulation visée à l’article 18, paragraphe 1, CE (33). Pour le même motif, cette disposition doit être prise en compte lorsque, dans le cadre de mesures d’exécution prises au titre du droit national, il s’agit d’évaluer la partie saisissable des revenus d’un citoyen de l’Union (34).

41.   Dans ces conditions, l’article 18, paragraphe 1, CE doit également s’appliquer lorsqu’un citoyen de l’Union qui a transféré son domicile dans un autre État membre que celui dont il a la nationalité demande aux services compétents de ce dernier État de lui servir des prestations pour victimes civiles de guerre. Toutefois, le fait que ces prestations sociales ne sont pas régies par le droit communautaire signifie naturellement que les États membres gardent en la matière une ample marge d’appréciation (35).

42.   L’application de l’article 18, paragraphe 1, CE ne peut pas non plus être exclue sur la base du récent arrêt Baldinger (36), dans lequel la Cour était appelée à examiner un régime autrichien d’indemnisation d’anciens prisonniers de guerre. Dans cet arrêt, la Cour s’est en effet bornée à constater que les prestations servies à des victimes de guerre ne relèvent pas du champ d’application du règlement nº 1408/71, qu’elles ne sont pas des conditions de travail des travailleurs migrants au sens de l’article 39, paragraphe 2, CE et qu’elles n’entrent pas non plus dans les avantages sociaux visés à l’article 7, paragraphe 2, du règlement nº 1612/68.

43.   Dans l’arrêt Baldinger, la Cour n’a pas pris position sur l’applicabilité de l’article 18, paragraphe 1, CE. Elle n’était d’ailleurs pas tenue de le faire, puisque la juridiction de renvoi ne lui avait pas demandé d’interpréter cette disposition (37). Cependant, la question a été analysée dans les conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer, qui y a répondu par l’affirmative (38). Il est certain en toute hypothèse que la Cour elle-même n’a pas explicitement tranché ce point dans un sens contraire. Au vu du restant de la jurisprudence en matière de liberté de circulation des citoyens de l’Union (39), rien ne permet de considérer ce silence de la Cour dans l’arrêt Baldinger, comme un indice décisif à l’encontre de l’applicabilité de l’article 18, paragraphe 1, CE.

3.      Champ d’application dans le temps

44.   Par simple souci d’exhaustivité, nous observerons qu’il n’y a pas non plus d’élément d’ordre temporel qui puisse s’opposer à l’application de l’article 18, paragraphe 1, CE. Il est certes vrai que Mme  Tas-Hagen et M. Tas ont transféré leur domicile en Espagne dès 1987, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur des dispositions relatives à la citoyenneté de l’Union (40), telles qu’elles ont été instituées par le traité de Maastricht. Ces dispositions n’en sont pas moins applicables aux effets actuels des situations nées antérieurement (41). Partant, elles peuvent également être invoquées pour évaluer les conséquences du transfert de domicile des intéressés sur leurs droits actuels aux prestations pour victimes civiles de guerre prévues par la WUBO.

B –    Entrave à la liberté de circulation

45.   Partant, une condition de territorialité comme celle qui a été opposée à Mme  Tas-Hagen et à M. Tas doit être mesurée à l’aune de la liberté de circulation des citoyens de l’Union, telle qu’elle se trouve consacrée à l’article 18, paragraphe 1, CE.

46.   Comme nous l’avons vu (42), il est de jurisprudence constante que le statut de citoyen de l’Union «a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d’obtenir, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique» (43).

47.   Un citoyen de l’Union qui a fait usage de sa liberté de circulation au titre de l’article 18, paragraphe 1, CE relève du champ d’application du traité et peut donc se prévaloir de l’interdiction générale de discrimination énoncée à l’article 12, alinéa premier, CE, en vertu de laquelle toute discrimination en raison de la nationalité est interdite (44).

48.   Toutefois, des citoyens de l’Union comme Mme Tas-Hagen et M. Tas ne sont pas discriminés en raison de leur nationalité. L’hypothèse d’une discrimination directe peut être écartée d’emblée puisque les prestations en cause sont de toute façon réservées aux ressortissants néerlandais et que les deux requérants ont précisément la nationalité néerlandaise. Même la discrimination indirecte en raison de la nationalité peut donc être écartée en l’espèce. Il est vrai que la présence dans une réglementation d’un critère de résidence peut souvent constituer l’indice d’une discrimination indirecte en raison de la nationalité. Le critère énoncé à l’article 3 de la WUBO se borne cependant à introduire une distinction entre ressortissants néerlandais. Dans un cas comme la présente espèce, cette disposition ne peut conduire à aucune discrimination, directe ou indirecte, au sens de l’article 12, alinéa premier, CE.

49.   Il reste cependant que la protection accordée à un citoyen de l’Union qui a fait usage de sa liberté de circulation au titre de l’article 18, paragraphe 1, CE ne se limite pas à l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité au sens de l’article 12, alinéa premier, CE. L’article 18, paragraphe 1, CE s’oppose également aux dispositions qui aboutissent à ce qu’un citoyen de l’Union faisant usage de sa liberté de circulation se voit appliquer un traitement moins favorable que s’il n’avait pas fait usage de cette liberté. Cela vaut également lorsque l’inégalité de traitement émane de l’État membre dont le citoyen est un ressortissant (45).

50.   Pour les libertés fondamentales classiques, la Cour a le plus souvent qualifié de restrictions ces inégalités de traitement entre situations transfrontalières et situations strictement internes (46). Comme nous l’avons vu, la liberté générale de circulation des citoyens de l’Union est aussi une liberté fondamentale (47). Nombreux sont donc les éléments qui plaident en faveur de la thèse que, en l’absence d’une discrimination en raison de la nationalité, l’application aux situations transfrontalières d’un traitement moins favorable constitue aussi une entrave lorsqu’elle relève du champ d’application de l’article 18, paragraphe 1, CE (48). Cette dernière disposition constitue donc l’aune à laquelle il faut évaluer toutes les mesures qui entravent le droit du citoyen de l’Union de circuler et de séjourner librement dans d’autres États membres (49) ou qui constituent un obstacle susceptible de le dissuader de faire usage de ce droit (50).

51.   Il est en tout cas certain que les États membres n’ont pas le droit de faire obstacle à l’exercice par leurs ressortissants de la libre circulation garantie par l’article 18, paragraphe 1, CE en associant à cet exercice des conséquences désavantageuses qui ne se produiraient pas s’ils restaient dans le pays (51).

52.   Une condition de résidence comme celle prévue à l’article 3 de la WUBO est de nature à dissuader des citoyens de l’Union comme Mme  Tas-Hagen et M. Tas de faire usage de leur liberté de circulation et de quitter leur domicile néerlandais pour s’installer dans un autre État membre (52). Elle exclut en effet toute perspective de réponse favorable à une demande de prestations pour victimes civiles de guerre au titre de la WUBO. De même, elle rend moins attrayant le maintien de la résidence à l’étranger, puisque le domicile aux Pays-Bas est une condition impérative pour demander des prestations au titre de la WUBO (53).

53.   Par conséquent, une telle obligation de résidence constitue une entrave à la liberté générale de circulation des citoyens de l’Union au sens de l’article 18, paragraphe 1, CE.

C –    Justification de l’entrave

54.    Il reste maintenant à déterminer si cette entrave à la liberté de circulation des citoyens de l’Union peut être justifiée.

55.   Rien n’indique qu’il soit possible de faire valoir en l’espèce une justification fondée sur les «limitations et conditions prévues par le [...] traité et par les dispositions prises pour son application».

56.   Cependant, une entrave à la libre circulation des citoyens de l’Union peut également être justifiée par des considérations objectives et proportionnées à un objectif légitime (54).

57.   La condition de résidence aux Pays-Bas posée à l’article 3 de la WUBO découle – de même d’ailleurs que la condition de nationalité – du postulat que la portée de l’obligation de solidarité du peuple néerlandais vis-à-vis des victimes civiles de guerre est fonction du degré d’intégration de celles-ci dans la société néerlandaise. Ainsi que la juridiction de renvoi et le gouvernement néerlandais l’ont souligné, les prestations accordées aux victimes civiles de guerre au titre de la WUBO sont l’expression de la solidarité particulière du peuple néerlandais vis‑à-vis d’un groupe de personnes qui s’est distingué par son attachement particulier à la société néerlandaise.

58.   Dans la mesure où il prétend limiter le service des prestations pour victimes civiles guerre au titre de la WUBO à un groupe de personnes qui s’est distingué par son attachement particulier à la société néerlandaise, le législateur néerlandais poursuit un objectif légitime.

59.   Dans ce contexte, il faut rappeler, premièrement, que les indemnisations versées à d’anciens prisonniers de guerre justifiant d’une période de captivité prolongée sont généralement considérées comme un témoignage de reconnaissance nationale pour les épreuves endurées et sont donc versées en contrepartie des services rendus au pays pendant la guerre (55). Certes, cette idée ne peut être directement transposée aux indemnités versées aux victimes civiles de guerre, car les souffrances de ces dernières ne sont pas liées à un service militaire ou de défense. Pourtant, il semble légitime, dans un esprit de solidarité nationale, qu’un État membre compense également, par certaines prestations sociales, le préjudice matériel et moral souffert au cours d’une guerre par des civils auxquels il a été rattaché par un lien particulier à la fois pendant la guerre et après celle-ci.

60.   Deuxièmement, la Cour tolère également qu’un État membre n’octroie certaines prestations sociales – par exemple des allocations de subsistance versées aux étudiants – qu’aux personnes ayant démontré un certain degré d’intégration dans la société de cet État (56). Cette considération peut être extrapolée à la présente affaire puisque les prestations néerlandaises servies aux victimes civiles de guerre au titre de la WUBO revêtent le caractère d’une allocation de subsistance (non contributive): leur objectif est d’améliorer les conditions de vie et de compenser dans une certaine mesure la perte de revenus résultant de l’invalidité due au dommage de guerre.

61.   De même qu’ils sont globalement libres de fixer les conditions d’octroi des prestations sociales qui ne sont pas régies par le droit communautaire, les États membres disposent également d’une ample marge d’appréciation en ce qui concerne l’évaluation et l’aménagement du degré d’intégration dont l’intéressé doit faire la preuve.

62.   La résidence de l’intéressé peut en principe servir de critère pour établir le lien avec la société de l’État membre qui octroie la prestation. Son intégration dans cette société peut donc être démontrée par la constatation qu’il a séjourné pendant un certain temps dans l’État membre en question (57).

63.   Dans ce contexte, l’État membre pourra en principe déterminer combien de temps l’intéressé doit avoir résidé sur son territoire avant de prétendre à une prestation sociale déterminée. Sauf disposition contraire arrêtée par voie de mesure communautaire de coordination ou d’harmonisation (58), cet État pourra également exiger de l’intéressé qu’il soit intégré au début de la perception des prestations comme, le cas échéant, pendant toute la durée de celle-ci et qu’il le démontre en gardant son domicile à l’intérieur du pays. Une telle obligation de résidence durable permettra donc en règle générale de juguler le transfert (l’exportation) de prestations d’assistance sociale vers l’étranger (59).

64.   En dépit de l’ample marge d’appréciation dont il dispose pour définir le degré d’intégration nécessaire, l’État membre compétent devra cependant aménager au moins la condition de résidence de telle sorte qu’elle reflète de façon exacte le degré d’intégration souhaité. Le critère de résidence doit donc, sous sa forme concrète, être approprié et nécessaire pour atteindre l’objectif légitime poursuivi (60), à savoir de réserver certaines prestations sociales aux personnes ayant atteint le degré d’intégration souhaité. Ce critère ne doit notamment pas être «trop général et exclusif» (61).

65.   En l’espèce, l’article 3 de la WUBO n’exige nullement que les intéressés résident aux Pays-Bas pendant toute la durée de perception des prestations servies aux victimes civiles de guerre. Ainsi que le gouvernement néerlandais l’a confirmé lors de la procédure orale, une fois que les prestations ont été accordées, le changement ultérieur de résidence ne peut faire obstacle à leur transfert (exportation) vers l’étranger (62). La seule condition que les intéressés doivent remplir est de résider aux Pays-Bas à la date où ils sollicitent la prestation. Dans la mesure où il se réfère ainsi exclusivement à la date du dépôt de la demande, le critère de résidence de l’article 3 de la WUBO revient en fait à imposer une date de référence.

66.   L’idée qu’un tel critère de résidence soit apte à prouver l’intégration de l’intéressé dans la société en question est contredite par deux éléments.

67.   D’une part, ce critère ne permet d’appréhender que de façon insuffisante toutes les personnes qui ont vécu et travaillé pendant une assez longue période dans l’État membre en question et qui souhaitent simplement passer leur retraite dans un autre État membre. Même si la date de la demande n’est que de peu antérieure à leur départ, elles garderont leurs droits aux prestations au titre de la WUBO, qu’elles pourront «exporter». Cependant, si la demande est présentée ne serait-ce même que peu de temps après leur départ, aucune prestation ne leur sera octroyée. Le critère de la résidence à la date du dépôt de la demande peut donc conduire à des résultats plus ou moins aléatoires pour des personnes projetant de s’établir à l’étranger et dont le niveau d’intégration dans la société néerlandaise était en tous points comparable (63).

68.   D’autre part, il y a également le risque qu’un tel critère n’ouvre des droits à des personnes qui n’ont transféré leur domicile dans l’État membre en question que peu de temps avant le dépôt de la demande et dont l’intégration dans la société de cet État membre peut donc être bien moindre que celle du groupe cité en premier lieu. Certes, d’après l’article 3, paragraphe 3, de la WUBO, ces personnes perdent à nouveau les droits qu’elles ont acquis de la sorte si elles ne restent pas au moins cinq ans aux Pays-Bas. Néanmoins, une telle réglementation ne peut favoriser au mieux que l’intégration future des intéressés. Elle ne dit rien sur leur degré d’intégration à la date déterminante en l’espèce, qui est celle du dépôt de la demande.

69.   Ayant été interrogé à ce sujet, même le gouvernement néerlandais n’a pu indiquer avec précision à la Cour en quoi la résidence de l’intéressé à la date du dépôt de la demande pouvait constituer un indice significatif de son degré d’intégration dans la société néerlandaise.

70.   Certes, la résidence de l’intéressé dans le pays facilitera aux autorités compétentes la vérification du droit à prestation, a fortiori dans des cas comme celui de la présente espèce, où il s’agit d’établir l’existence d’une invalidité de guerre. Cependant, même dans cette hypothèse, le fait que l’intéressé réside dans le pays à la date du dépôt de la demande n’est pas à lui seul apte à atteindre l’objectif recherché. En effet, de deux choses l’une: soit l’invalidité de guerre a déjà été établie, comme en l’espèce, soit elle ne pourra l’être que quelque temps après le dépôt de la demande, et en aucun cas le jour même de celle-ci.

71.   Partant, même en tenant compte de la marge d’évaluation et d’aménagement laissée aux États membres pour déterminer le niveau d’intégration requis, nous ne voyons rien qui puisse objectivement justifier une obligation de résidence comme celle énoncée à l’article 3 de la WUBO, avec la restriction qu’elle comporte pour la liberté de circulation des citoyens de l’Union. Le critère de territorialité ne pourrait constituer un moyen approprié et nécessaire que s’il laissait aux intéressés la possibilité de démontrer, si besoin est, leurs liens avec la société néerlandaise par d’autres voies que leur domicile à la date du dépôt de la demande.

VI – Conclusion

72.   Sur la base des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre au Centrale Raad van Beroep dans le sens suivant:

«L’article 18 CE s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle un État membre refuse à l’un de ses ressortissants l’octroi d’une prestation – en principe susceptible d’être transférée à l’étranger – pour victimes civiles de guerre au seul motif que, au moment du dépôt de la demande, l’intéressé était domicilié non pas sur le territoire national de cet État, mais sur celui d’un autre État membre.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Wet uitkeringen burger-oorlogsschlachtoffers 1940-1945 (Staatsblad 94).


3 – L’article 2 de la WUBO considère comme victime civile de guerre tout civil qui – par suite ou dans le cadre de l’occupation allemande ou de l’occupation japonaise, mais également à cause des troubles qui ont suivi la guerre (et qui se sont prolongés jusqu’au 27 décembre 1949) dans ce qui était alors les Indes néerlandaises – a subi un préjudice psychique ou corporel ayant abouti à une invalidité permanente ou au décès.


4 – Le lien à l’époque de la guerre est présumé si l’intéressé avait la nationalité néerlandaise ou était sujet des Pays-Bas au sens de la loi du 10 février 1910 (Staatsblad 55) ou s’il était établi aux Pays-Bas ou dans les Indes néerlandaises. Ce lien peut être retenu pour la date de la demande si l’intéressé possède à ce moment‑là la nationalité néerlandaise ou est établi aux Pays-Bas.


5 – Arrêts du 29 février 1996, Skanavi et Chryssanthakopoulos (C-193/94, Rec. p. I‑929, point 22); du 26 novembre 2002, Oteiza Olazabal (C‑100/01, Rec. p. I‑10981, point 26); du 6 février 2003, Stylianakis (C-92/01, Rec. p. I-1291, point 18); du 16 décembre 2004, My (C-293/03, Rec. p. I‑12013, point 33), et du 15 septembre 2005, Ioannidis (C-258/04, Rec. p. I-8275, point 37).


6 – Arrêt du 19 octobre 2004, Zhu et Chen (C-200/02, Rec. p. I-9925, point 22). Voir, également, arrêts du 5 octobre 1988, Steymann (196/87, Rec. p. 6159, points 15 à 17) et, en ce qui concerne le volet actif de la libre prestation de services, du 30 novembre 1995, Gebhard (C-55/94 Rec. p. I-4165, en particulier points 25 et 26), ainsi que du 7 septembre 2004, Trojani (C-456/02, Rec. p. I-7573, point 28).


7 – Arrêts du 5 juin 1997, Uecker et Jacquet (C-64/96 et C-65/96, Rec. p. I-3171, point 23); du 2 octobre 2003, García Avello (C-148/02, Rec. p. I-11613, point 26), et du 12 juillet 2005, Schempp (C-403/03, Rec. p. I-6421, point 20). Voir, dans un sens analogue, arrêts du 11 juillet 2002, D’Hoop (C-224/98, Rec. p. I-6191, points 30 et 31), ainsi que du 29 avril 2004, Pusa (C‑224/02, Rec. p. I-5763, points 18 et 19).


8 – Voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 1978, Gillard (9/78, Rec. p. 1661, points 13 à 15); du 31 mai 1979, Even (207/78, Rec. p. 2019, points 12 à 14), et du 16 septembre 2004, Baldinger (C‑386/02, Rec. p. I-8411, points 16 à 18).


9 – Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L, 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 631/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 (JO L 100, p. 1, ci-après le «règlement n° 1408/71»).


10 – Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166, p. 1; rectificatif publié au JO L 200, p. 1; ci-après le «règlement nº 883/2004»). Ce règlement remplace pour l’avenir le règlement nº 1408/71.


11 – Arrêts du 12 mai 1998, Martínez Sala (C-85/96, Rec. p. I-2691, points 28, 45, 57 et 61 à 63); du 20 septembre 2001, Grzelczyk (C-184/99, Rec. p. I-6193, point 27); D’Hoop, précité (points 17 et 32), ainsi que du 15 mars 2005, Bidar (C-209/03, Rec. p. I-2119, points 38 à 43). En dehors du domaine des prestations sociales, voir, notamment, arrêt du 7 juillet 2005, Commission/Autriche (C-147/03, Rec. p. I-5969, point 44).


12 –      Arrêts précités Bidar, points 32 et 33, ainsi que Schempp, points 17 et 18 Voir également, pour la jurisprudence antérieure, arrêts précités Grzelczyk, points 32 et 33; D’Hoop, points 28 et 29; Garcia Avello, points 23 et 24, ainsi que Pusa, points 16 et 17.


13 – Arrêts précités Garcia Avello, points 23 et 24; Pusa, points 16 et 17, ainsi que Schempp, points 13 et suivants.


14 – Voir, notamment, arrêt D’Hoop, précité, point 32: «Cette considération est particulièrement importante dans le domaine de l’éducation. […]» Une formulation analogue figure également dans l’arrêt Commission/Autriche, précité, point 44.


15 – Arrêts précités Grzelczyk (points 34 à 36) et Bidar (points 38 et 43). Voir, dans un sens analogue, arrêts D’Hoop, précité (points 32 et 33), ainsi que du 23 mars 2004, Collins (C‑138/02, Rec. p. I-2703, points 62 et 63).


16 – Le traité sur l’Union européenne a inséré dans le titre VIII (devenu titre XI) du traité CE un nouveau chapitre 3, intitulé «Éducation, formation professionnelle et jeunesse».


17 – La Cour a confirmé dans les arrêts précités Grzelczyk (points 30 à 37) et Bidar (points 30 à 37) que, pour que les dispositions combinées des articles 12 CE et 18 CE soient applicables, il suffit que les intéressés aient, en qualité de citoyens de l’Union, fait usage de leur liberté de circulation. Si le fait qu’ils poursuivaient une formation a été relevé dans ces deux affaires, ce n’est pas en tant que condition supplémentaire pour pouvoir invoquer l’interdiction de discrimination, mais simplement comme un élément qui ne pouvait, en soi, les «priver de la possibilité de se prévaloir de l’interdiction de toute discrimination en raison de la nationalité, énoncée à l’article [12 CE]» (arrêt Grzelczyk, précité, point 36. Voir, également, arrêt Bidar, précité, points 34 et 46).


L’arrêt Trojani, précité, ne prévoit pas non plus de condition supplémentaire pour l’application des articles 12 CE et 18 CE. Son point 42 renvoie simplement à l’arrêt Grzelczyk, précité, dont nous venons de voir qu’il n’établit aucune condition supplémentaire de ce genre.


18 – Voir, en ce sens, arrêts précités Garcia Avello, points 24 et 25; Pusa, points 17 et 22 ainsi que Schempp, points 18 et 19.


19 – La liberté de circulation des citoyens de l’Union est expressément qualifiée de liberté fondamentale dans les arrêts précités D’Hoop (point 29), Garcia Avello (point 24) et Pusa (point 17). Voir, dans le même sens, arrêts Zhu et Chen (point 31), et du 23 mars 2006, Commission/Belgique (C-408/03, non encore publié au Recueil, point 40), selon lesquels l’article 18 CE consacre un principe fondamental, qui est celui de la libre circulation des personnes.


20 – Arrêts du 17 septembre 2002, Baumbast et R (C-413/99, Rec. p. I-7091, points 84 à 86 et 94); Zhu et Chen, précité (point 26), et Commission/Belgique, précité (point 34).


21 – Arrêts précités Zhu et Chen, point 31, et Commission/Belgique, point 40.


22 – Libre circulation des marchandises (article 23 CE et suivants), libre circulation des travailleurs (article 39 CE), droit d’établissement (articles 43 CE et 48 CE), libre prestation des services (articles 49 CE et 50 CE) ainsi que liberté des mouvements de capitaux et des paiements (article 56 CE).


23 – Voir, parmi beaucoup d’autres, arrêts du 20 février 1979, Rewe-Zentral, dit «Cassis de Dijon» (120/78, Rec. p. 649, points 6, 8 et 15); du 13 juillet 2004, Commission/France (C-262/02, Rec. p. I-6569, points 23 et 25), et Bacardi France (C-429/02, Rec. p. I-6613, points 32 et 34), ainsi que du 13 décembre 2005, Sevic Systems (C-411/03, Rec. p. I-10805, point 26).


24 – Arrêts du 14 février 1995, Schumacker (C-279/93, Rec. p. I-225, point 21); du 11 août 1995, Wielockx (C-80/94, Rec. p. I-2493, point 16); du 11 mars 2004, De Lasteyrie du Saillant (C‑9/02, Rec. p. I-2409, point 44); du 7 septembre 2004, Manninen (C-319/02, Rec. p. I-7477, point 19); du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C-446/03, Rec. p. I-10837, point 29); du 19 janvier 2006, Bouanich (C‑265/04, Rec. p. I-923, point 28), et du 23 février 2006, Keller Holding (C‑471/04, non encore publié au Recueil, point 28).


25 – Arrêt du 2 février 1989, Cowan (186/87, Rec. p. I-195, point 19), et du 24 novembre 1998, Bickel et Franz (C-274/96, Rec. p. I-7637, point 17).


26 – Arrêts du 28 avril 1998, Decker (C-120/95, Rec. p. I-1831, points 21 et 23), et Kohll (C‑158/96, Rec. p. I-1931, points 17 et 19); du 23 novembre 2000, Elsen (C‑135/99, Rec. p. I-10409, point 33), et du 7 juillet 2005, Van Pommeren-Bourgondiën (C-227/03, Rec. p. I-6101, point 39).


27 – Arrêt du 30 mars 1993, Konstantinidis (C-168/91, Rec. p. I-1191).


28 – Arrêts précités Baumbast et R, point 82; Garcia Avello, point 22, ainsi que Zhu et Chen, point 25. Voir, également, arrêts précités Grzelczyk, point 31; D’Hoop, point 28; Collins, point 61; Pusa, point 16; Bidar, point 31; Commission/Autriche, point 45, et Schempp, point 15.


29 – Arrêt Baumbast et R, précité, points 81, 83 et 84. Voir, dans le même sens, arrêts précités Trojani, point 40, et Bidar, point 37.


30 – Arrêt Schempp, précité, point 19.


31 – Arrêt Elsen, précité, point 33.


32 – Voir les considérations développées à ce sujet au point 37 des présentes conclusions.


33 – Arrêt Garcia Avello, précité, point 25. Voir, également, les conclusions de l’avocat général Jacobs du 30 juin 2005 dans l’affaire Standesamt Stadt Niebüll (C-96/04, pendante devant la Cour, en particulier point 50).


34 – Arrêt Pusa, précité, points 22 et 23.


35 – Voir points 61 à 64 des présentes conclusions.


36 – Précitée. Voir, en particulier, points 16 à 21.


37 – La question préjudicielle est reprise au point 13 de l’arrêt Baldinger, précité.


38 – Conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer du 11 décembre 2003 dans l’affaire Baldinger (C-386/02, précitée, points 24 à 47 et, en particulier, 31).


39 – Voir, à ce propos, point 40 des présentes conclusions et, en particulier, arrêt Garcia Avello, précité, que la Cour a rendu en assemblée plénière.


40 – Le traité de Maastricht (traité sur l’Union européenne) est entré en vigueur le 1er  novembre 1993.


41 – Arrêt D’Hoop, précité, point 25.


42 – Voir point 38 des présentes conclusions.


43 – Voir arrêts précités Collins, point 61; Commission/Autriche, point 45, et Schempp, point 15. Voir, également, arrêts précités Grzelczyk, point 31; D’Hoop, point 28; Garcia Avello, points 22 et 23; Pusa, point 16, et Bidar, point 31.


44 – Arrêts précités, Grzelczyk, point 31; Garcia Avello, points 22, 23, 27, 29 et 30; Bidar, points 31 à 33; Commission/Autriche, point 45, et Schempp, point 15 et suivants. Voir dans le même sens, mais sans référence spécifique à l’article 12 CE, arrêts précités D’Hoop, point 28, et Pusa, point 16.


45 – Voir arrêts précités D’Hoop, points 30 et 31, et Pusa, points 18 et 19, ainsi que, dans un sens analogue, arrêt Schempp, précité, points 16 et 26.


46 – Voir, en particulier, arrêt De Lasteyrie du Saillant, précité, point 45, ainsi que, dans un sens analogue, arrêts précités Manninen, point 20 et suivants, ainsi que Marks & Spencer, point 34.


47 – Voir point 34 des présentes conclusions ainsi que la jurisprudence citée à la note 19.


48 – Voir, dans le même sens, les conclusions de l’avocat général Jacobs du 20 novembre 2003 dans l’affaire Pusa, précitée (points 18 à 20 et 22), ainsi que du 30 juin 2005 dans l’affaire Standesamt Stadt Niebüll, précitée (point 52 et suivants), ainsi que les conclusions de l’avocat général Geelhoed du 2 février 2006 dans l’affaire De Cuyper (C-406/04, pendante devant la Cour, points 104 à 108). Voir, en outre, nos conclusions prononcées le même jour que les présentes dans l’affaire N (C-470/04, pendante devant la Cour, point 65).


49 – Voir, en ce sens, arrêt Schempp, précité (point 43), où la Cour laisse pour la première fois transparaître cette position en employant le terme «entrave».


50 – Voir, en ce sens, arrêt Pusa, précité, point 19.


51 – Voir, en ce sens, arrêts précités D’Hoop, points 30 et 31, ainsi que Pusa, points 18 et 19. Voir, également, point 22 des conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Pusa, précitée, et point 66 de nos conclusions dans l’affaire N, précitée.


52 – Voir, dans un sens analogue, les conclusions de l’avocat général Geelhoed dans l’affaire De Cuyper, précitée, en particulier point 110.


53 – Ces problèmes ne peuvent être entièrement résolus par une clause d’équité comme celle prévue à l’article 3, paragraphe 6, de la WUBO. L’application de cette clause est en effet laissée à la discrétion du PUR et, d’après la pratique administrative de ce dernier, elle est exclue lorsque le transfert du domicile à l’étranger était volontaire. Même le changement de pratique administrative intervenu à compter du 1er juillet 2004 est loin d’avoir étendu cette clause à tous les transferts volontaires du domicile à l’étranger, puisque son application dépend d’un plafond de revenus. Pour l’ensemble de ce problème, nous renvoyons aux points 11 à 13 des présentes conclusions.


54 – Voir, dans ce même sens, arrêts précités D’Hoop, points 26 et 36; Garcia Avello, points 39 et suivants; Collins, point 66; Pusa, point 33, et Bidar, point 54.


55 – Voir arrêts Gillard, point 13; Even, point 12, et Baldinger, point 17.


56 – Arrêt Bidar, précité point 57. Voir, également, arrêts précités D’Hoop, point 38; Collins, point 67, et Ioannidis, point 30.


57 – Arrêt Bidar, précité, point 59.


58 – Voir, notamment, la levée de certaines clauses de résidence conformément à l’article 10, paragraphe 1, du règlement nº 1408/71 ainsi qu’aux articles 7 et 63 à 65 du règlement nº 883/2004. Concernant «l’exportabilité» de certaines prestations sociales dans le cadre de l’article 19 du règlement nº 1408/71, voir le très récent arrêt du 21 février 2006, Hosse (C‑286/03, non encore publié au Recueil). «L’exportabilité» de certaines prestations peut également découler des articles 7, paragraphe 2, et 12 du règlement (CEE) nº 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2). Voir, à ce sujet, arrêts du 13 novembre 1990, Di Leo (C-308/89, Rec. p. I-4185, points 10 à 17; du 26 février 1992, Bernini (C‑3/90, Rec. p. I-1071, points 20 et 29), ainsi que du 8 juin 1999, Meeusen (C-337/97, Rec. p. I-3298, points 23 à 25 et 30).


59 – Voir, dans ce contexte, les conclusions de l’avocat général Geelhoed dans l’affaire De Cuyper, précitées.


60 – La nécessité de la mesure a, notamment, été vérifiée dans les arrêts précités D’Hoop, point 39, en particulier dans la dernière phrase; Collins, points 66 et 72, ainsi que Ioannidis, point 31, en particulier dans la dernière phrase. Voir, dans un sens analogue, arrêt Bidar, précité, points 58 et 61.


61 – Arrêt D’Hoop, précité, point 39, où il s’agit du lieu d’obtention d’un diplôme de fin d’études secondaires). Voir, dans un sens analogue, arrêt Ioannidis, précité, points 31 et 33, où il s’agit du lieu d’obtention d’un diplôme de fin d’études secondaires et du lieu de résidence des parents de l’intéressé.


62 – Voir, à ce sujet, point 9 des présentes conclusions.


63 – Même une clause d’équité comme celle de l’article 3, paragraphe 6, de la WUBO ne peut y changer grand-chose. L’application de cette clause est en effet laissée à la discrétion du PUR et, d’après la pratique administrative de ce dernier, elle est exclue lorsque le transfert du domicile à l’étranger était volontaire. Même le changement de pratique administrative intervenu à compter du 1er juillet 2004 est loin d’avoir étendu cette clause à tous les transferts volontaires du domicile à l’étranger, puisque son application dépend d’un plafond de revenus. Pour l’ensemble de ce problème, nous renvoyons aux points 11 à 13 des présentes conclusions.