Affaire C-420/04 P
Georgios Gouvras
contre
Commission des Communautés européennes
«Pourvoi — Fonctionnaires — Affectation — Détachement dans l'intérêt du service — Modification avec effet rétroactif du lieu d'affectation et des droits financiers y afférents — Répétition de l'indu»
Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 14 juillet 2005
Sommaire de l'ordonnance
1. Pourvoi — Moyens — Appréciation erronée des faits — Irrecevabilité — Contrôle par la Cour de l'appréciation des éléments de preuve — Exclusion sauf cas de dénaturation
(Art. 225, § 1, CE; statut de la Cour de justice, art. 58, al. 1)
2. Fonctionnaires — Répétition de l'indu — Conditions — Irrégularité évidente du versement — Fonctionnaire détaché dans l'intérêt du service dans son pays d'origine — Versement de l'indemnité de dépaysement et bénéfice du coefficient correcteur du lieu d'affectation antérieur
(Statut des fonctionnaires, art. 38, d), et 85; annexe VII, art. 4)
3. Pourvoi — Moyens — Recevabilité — Conditions
(Art. 225 CE; statut de la Cour de justice, art. 58, al. 1; règlement de procédure de la Cour, art. 112, § 1, c))
1. Il résulte des articles 225, paragraphe 1, CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le pourvoi est limité aux seules questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l'incompétence du Tribunal, d'irrégularités de procédure portant atteinte aux intérêts du requérant ou de la violation du droit communautaire par le Tribunal.
Dès lors, le Tribunal est seul compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits. L'appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour.
(cf. points 48-49)
2. Le principe du maintien de la rémunération globale du fonctionnaire détaché dans l'intérêt du service ne saurait conduire l'administration à octroyer à ce dernier des indemnités et avantages auxquels il n'a pas droit. En conséquence, dès lors que le lieu d'affectation d'un fonctionnaire détaché aurait dû être fixé au lieu d'exercice des fonctions qu'il était appelé à exercer dans le cadre de son détachement, il y a lieu de considérer que l'intéressé a indûment perçu, au sens de l'article 85 du statut, les sommes versées par l'administration du fait de l'absence de prise en compte du changement de son lieu d'affectation.
S'agissant plus particulièrement de l'indemnité de dépaysement, même si l'institution n'a, dans un premier temps, pas été claire et a mis plusieurs mois à se prononcer sur les droits du fonctionnaire détaché, un fonctionnaire normalement diligent, expérimenté et de grade élevé, ne peut pas ignorer que le versement de l'indemnité de dépaysement est lié à un dépaysement au sens de l'article 4 de l'annexe VII du statut, qui fait défaut dans le cas d'un fonctionnaire détaché pour exercer des fonctions dans son pays d'origine.
Les dispositions du statut ne peuvent pas conforter le fonctionnaire détaché dans l'idée qu'il détient un droit au maintien du lieu de son affectation et de toutes les indemnités qu'il y percevait. D'une part, le statut ne comporte pas de dispositions explicites quant à la détermination du lieu d'affectation du fonctionnaire en cas de détachement et, d'autre part, il lie expressément à certaines conditions le versement des indemnités en cause.
(cf. points 57, 59-60)
3. Il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de cette dernière qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.
(cf. point 65)
ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
14 juillet 2005 (*)
«Pourvoi – Fonctionnaires – Affectation – Détachement dans l’intérêt du service – Modification avec effet rétroactif du lieu d’affectation et des droits financiers y afférents – Répétition de l’indu»
Dans l’affaire C-420/04 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 29 septembre 2004,
Georgios Gouvras, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bereldange (Luxembourg), représenté par Me J.-N. Louis, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. A. Borg Barthet, président de chambre (rapporteur), MM. J.-P. Puissochet et S. von Bahr, juges,
avocat général: Mme C. Stix-Hackl,
greffier: M. R. Grass,
l’avocat général entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, M. Gouvras demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 15 juillet 2004, Gouvras/Commission (T-180/02 et T-113/03, non encore publié au Recueil, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté ses recours tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du 14 août 2001 de la Commission des Communautés européennes fixant, avec effet rétroactif au 1er novembre 2000 et pendant toute la durée de son détachement dans l’intérêt du service, son lieu d’affectation à Athènes et procédant à la répétition des sommes indûment versées en application de cette décision (ci-après la «décision du 14 août 2001») et, d’autre part, de la décision du 30 avril 2002 de la même institution limitant à 35 % la partie de sa rémunération transférable au Luxembourg pendant la durée de son détachement.
Le cadre juridique
2 L’article 37, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») définit le détachement dans l’intérêt du service en ces termes:
«Le détachement est la position du fonctionnaire titulaire qui, par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination:
a) dans l’intérêt du service:
– est désigné pour occuper temporairement un emploi en dehors de son institution
[...]»
3 L’article 38 du statut précise les règles applicables à ce type de détachement comme suit:
«Le détachement dans l’intérêt du service obéit aux règles suivantes:
a) il est décidé par l’autorité investie du pouvoir de nomination, l’intéressé ayant été entendu;
b) sa durée est fixée par l’autorité investie du pouvoir de nomination;
c) à l’expiration de chaque période de six mois, l’intéressé peut demander qu’il soit mis fin à son détachement;
d) le fonctionnaire détaché en vertu des dispositions prévues à l’article 37, point a), premier tiret, a droit à un traitement différentiel lorsque l’emploi de détachement comporte une rémunération globale inférieure à celle afférente à son grade et à son échelon dans son institution d’origine; il a droit également au remboursement de la totalité des charges supplémentaires qu’entraîne pour lui son détachement;
[...]
f) le fonctionnaire détaché conserve son emploi, ses droits à l’avancement et sa vocation à la promotion;
g) à l’expiration du détachement, le fonctionnaire réintègre immédiatement l’emploi qu’il occupait antérieurement.»
4 L’article 85 du statut régit, quant à lui, la répétition de l’indu en ces termes:
«Toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l’irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.»
5 Le lieu d’affectation pendant le détachement a une incidence sur l’applicabilité des articles 4, 5 et 10 de l’annexe VII du statut, qui régissent respectivement l’indemnité de dépaysement, l’indemnité d’installation et l’indemnité journalière.
6 Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut:
«1. L’indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge versées au fonctionnaire est accordée:
a) au fonctionnaire:
– qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation
et
– qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération;
b) au fonctionnaire qui, ayant ou ayant eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, a, de façon habituelle, pendant la période de dix années expirant lors de son entrée en service, habité hors du territoire européen dudit État pour une raison autre que l’exercice de fonctions dans un service d’un État ou dans une organisation internationale.»
7 L’article 5 de l’annexe VII du statut dispose:
«1. Une indemnité d’installation égale à deux mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer, ou égale à un mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire n’ayant pas droit à cette allocation, est due au fonctionnaire titulaire qui remplit les conditions pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement ou qui justifie avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut.
[...]
L’indemnité d’installation est affectée du coefficient correcteur fixé pour le lieu d’affectation du fonctionnaire.
2. Une indemnité d’installation d’un même montant est versée lors d’une affectation à un nouveau lieu de service au fonctionnaire qui est appelé à transférer sa résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut.
3. [...]
L’indemnité d’installation est versée sur production de documents justifiant de l’installation du fonctionnaire au lieu de son affectation, ainsi que de celle de sa famille, si le fonctionnaire a droit à l’allocation de foyer.
4. Si un fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer ne s’installe pas avec sa famille au lieu de son affectation, il ne reçoit que la moitié de l’indemnité à laquelle il aurait normalement droit; la seconde moitié lui est versée lors de l’installation de sa famille au lieu de son affectation pour autant que cette installation ait lieu dans les délais visés à l’article 9 paragraphe 3 [de l’annexe VII du statut].
Si cette installation n’est pas intervenue et si le fonctionnaire vient à être affecté au lieu où réside sa famille, il n’a pas droit, de ce fait, à une indemnité d’installation.
[...]»
8 L’article 10 de l’annexe VII du statut prévoit:
«1. Le fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut a droit, pour une durée déterminée au paragraphe 2, à une indemnité journalière [...]
2. [...]
En aucun cas, l’indemnité journalière n’est octroyée au-delà de la date à laquelle le fonctionnaire a effectué son déménagement en vue de satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut.
[...]»
9 L’article 17 de l’annexe VII du statut est libellé comme suit:
«1. Les sommes dues au fonctionnaire sont payées au lieu et dans la monnaie du pays où le fonctionnaire exerce ses fonctions.
2. Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord par les institutions des Communautés après avis du comité du statut, le fonctionnaire peut:
a) faire transférer régulièrement, par l’entremise de l’institution dont il relève, une partie de ses émoluments ne dépassant pas le montant qu’il perçoit au titre de l’indemnité de dépaysement ou d’expatriation [...]
b) faire effectuer des transferts réguliers dépassant le plafond indiqué au point a) in limine pour autant qu’ils soient destinés à couvrir des dépenses résultant notamment de charges régulières et prouvées que l’intéressé aurait à assumer en dehors du pays du siège de son institution ou du pays où il exerce ses fonctions;
c) être autorisé, à titre tout à fait exceptionnel et pour des cas dûment justifiés, à faire transférer, indépendamment des transferts réguliers précités, les montants dont il désirerait pouvoir disposer dans les monnaies visées au point a).
3. Les transferts prévus au paragraphe 2 s’effectuent aux taux de change visés à l’article 63 deuxième alinéa du statut; les montants transférés sont affectés du coefficient résultant du rapport qui existe entre le coefficient correcteur fixé pour le pays dans la monnaie duquel le transfert est effectué et le coefficient correcteur fixé pour le pays d’affectation du fonctionnaire.»
10 L’article 1er de la réglementation fixant les modalités relatives aux transferts d’une partie des émoluments des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la «réglementation commune»), entrée en vigueur le 1er janvier 1980, avec effet au 1er avril 1979, dispose:
«En application de l’article 17 paragraphe 2 point a) de l’annexe VII du statut, le fonctionnaire peut faire transférer régulièrement, sur sa demande et par l’entremise de l’institution, une partie de ses émoluments non supérieure au montant qu’il perçoit au titre de l’indemnité de dépaysement ou d’expatriation, affectée du coefficient correcteur applicable à la rémunération du fonctionnaire au lieu d’affectation.»
11 L’article 2 de la réglementation commune prévoit:
«En application de l’article 17 paragraphe 2 point b) de l’annexe VII du statut, le fonctionnaire peut, en outre, faire transférer régulièrement, sur sa demande et par l’entremise de l’institution, une partie de ses émoluments supérieure au montant visé à l’article 1er, pour autant que ces transferts soient destinés à couvrir des dépenses résultant de charges régulières et prouvées hors du pays de son affectation.
Sont à considérer comme des dépenses justifiant de tels transferts:
– sur présentation d’une attestation scolaire ou universitaire, les frais d’études des enfants qui donnent droit à l’allocation pour enfant à charge [...]
– […]
– sur présentation de l’acte notarié et du contrat de prêt, le remboursement d’un prêt hypothécaire [...]»
12 L’article 3 de la réglementation commune énonce:
«L’ensemble des transferts réguliers, tels qu’ils sont définis aux articles 1er et 2, ne peut dépasser 35 % de la rémunération mensuelle nette.»
13 Aux termes de l’article 5 de la réglementation commune:
«En application de l’article 17 paragraphe 2 point c) de l’annexe VII du statut, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut, à titre tout à fait exceptionnel et pour des cas dûment justifiés, autoriser le fonctionnaire à faire transférer, par l’entremise de l’institution, les montants dont il désirerait pouvoir disposer dans une des monnaies visées à l’article 17 paragraphe 2 point a) de ladite annexe. L’autorisation est accordée sur la base d’un examen de la justification.»
14 Enfin, l’article 6, quatrième alinéa, de la réglementation commune prévoit:
«L’institution vérifie régulièrement que les conditions qui ont justifié l’autorisation de transfert demeurent toujours remplies. Elle met fin au transfert lorsqu’elle constate que ces conditions ne sont plus remplies.»
15 La directive interne de la Commission du 30 juillet 1993, portant modalités d’application de la réglementation commune, publiée aux Informations administratives nº 815, du 11 août 1993, dispose quant à elle:
«1. Dans les conditions fixées par l’article 2 de la réglementation [commune], le fonctionnaire a la possibilité de faire procéder à des transferts réguliers de montants dépassant le plafond y indiqué à l’article 1er.
– Ces transferts doivent être destinés à couvrir des dépenses prévues à l’article 2 de la réglementation [commune]
[...]
3. L’intervention du système de transfert par l’entremise de l’institution n’est admise que dans les cas où la localisation des charges et des dépenses y relatives se trouve en dehors du pays d’affectation du fonctionnaire et vise le pays correspondant à la devise du transfert [...]»
Les faits à l’origine du litige
16 Les faits à l’origine du litige, tels qu’ils résultent de l’arrêt attaqué, sont décrits comme suit par celui-ci:
«15 Le requérant a été nommé, le 1er juin 1982, fonctionnaire stagiaire à la Commission des Communautés européennes et affecté à Luxembourg en tant qu’administrateur de grade A 6.
16 Il a été titularisé par décision du 25 février 1983, prenant effet le 1er mars suivant, puis promu au grade A 5 en 1987, au grade A 4 en 1991 et enfin au grade A 3, le 1er mars 1999, en qualité de chef d’unité.
17 À la suite de la réorganisation de l’ensemble des services de la Commission, il a été nommé le 1er octobre 1999 chef de l’unité ‘Analyse de la santé publique, développement de la politique et de la santé dans les autres domaines politiques’ de la direction ‘Santé publique’ de la direction générale (DG) ‘Santé et protection des consommateurs’.
18 En accord avec toutes les parties concernées, sa DG a demandé, le 6 octobre 2000, à la DG ‘Personnel et administration’ de la Commission de détacher le requérant dans l’intérêt du service auprès du ministère de la Santé grec, conformément à l’article 37, sous a), premier tiret, et à l’article 38 du statut.
19 À cette fin, il a été réaffecté, par décision du 27 octobre suivant, auprès du directeur de la direction ‘Santé publique’ de la DG ‘Santé et protection des consommateurs’ de la Commission, en tant que conseiller ad personam. Cette décision a pris effet le 1er novembre suivant.
20 La Commission a ensuite procédé au détachement du requérant dans l’intérêt du service, par décision du 21 novembre 2000, laquelle est rédigée comme suit:
“Article premier
En application des articles 37, [sous] a), premier tiret, et 38 du statut, il est décidé de détacher dans l’intérêt du service auprès du ministère [...] de la Santé [grec], M. Georgios Gouvras (n° [de] pers[onnel] 04295), fonctionnaire de grade A 3 à la direction générale ‘Santé et protection des consommateurs’.
Article 2
M. Georgios Gouvras est placé dans la position de détachement dans l’intérêt du service à partir du 1er novembre 2000 jusqu’au 31 octobre 2001.”
21 Eu égard au caractère temporaire du détachement du requérant, sa famille est restée au Luxembourg, ses enfants y poursuivant leurs études et son conjoint, également fonctionnaire des Communautés européennes, y demeurant affecté.
22 La Commission a continué à verser au requérant sa rémunération au Luxembourg, y compris l’indemnité de dépaysement, affectée du coefficient correcteur 100. Il est constant que, pendant la période de son détachement, le requérant n’a perçu aucune rémunération de l’administration grecque.
23 Par courrier électronique du 23 juillet 2001, le requérant a demandé le paiement des frais forfaitaires de voyage annuel, pour lui et ses enfants, de son lieu d’affectation à son lieu d’origine.
24 Par note du 26 juillet suivant, Mme Martine Reicherts, directeur de la direction ‘Administration et gestion du personnel Luxembourg et Ispra’ de la DG ‘Personnel et administration’ de la Commission a demandé au chef de l’unité ‘Statut’ de la direction ‘Droits et obligations; politique et actions sociales’ de cette même DG, M. Adrian Barnett, de lui ‘donner des précisions quant à l’interprétation à donner au lieu d’affectation de M. Gouvras, éventuellement après consultation du service juridique, compte tenu [...] de la jurisprudence en la matière (arrêt [du Tribunal] du 28 février 1996, do Paço Quesado/Commission, T-15/95, [RecFP p. I-A-57 et II-171], notamment points 26 [à] 30)’.
25 Dans cette note, Mme Reicherts constatait:
“La décision de détachement ne précisant pas le lieu d’affectation de l’intéressé, mes services ont été confrontés à des difficultés lors des paiements et des remboursements dus à l’intéressé, qui ont fait l’objet d’échanges de courriers entre l’[unité ‘Personnel Luxembourg’ de la direction ‘Administration et gestion du personnel Luxembourg et Ispra’ de la direction générale ‘Personnel et administration’ et l’unité ‘Gestion des droits individuels’ de la direction ‘Droits et obligations; politique et actions sociales’ de cette même direction générale], et qui ont été soulevées lors d’une réunion à Bruxelles, sans, par ailleurs, qu’une position finale ait été trouvée.”
26 À la suite de la réponse de M. Barnett, Mme Reicherts a adressé, le 14 août 2001, la lettre suivante […] au requérant:
“[À la] suite [de] votre demande [...], l’unité [...] ‘Personnel Luxembourg’ a requis une nouvelle fois des clarifications [de] l’unité ‘Statut’ sur l’application des dispositions réglementaires à votre situation. Je joins en annexe l’échange de courrier qui a eu lieu à cette occasion.
De cette réponse donnée le 31 juillet 2001, il ressort que:
– conformément à l’article 38 du statut, vous êtes en droit de demander le remboursement, sur présentation de pièces justificatives, de tous les frais exposés du fait de votre détachement;
– il convient de déduire de votre salaire tout revenu éventuel provenant du ministère [...] de la Santé [grec] auprès duquel vous êtes détaché;
– étant détaché à Athènes [Grèce], votre lieu d’affectation doit être fixé dans cette ville avec effet au 1er novembre 2000;
– de ce fait, il n’y a pas lieu de maintenir votre droit à l’indemnité de dépaysement à compter de cette date, ni au remboursement de frais de voyage annuel;
– il convient d’affecter votre rémunération du coefficient correcteur de la Grèce;
– votre rémunération doit vous être versée en Grèce;
[...]
Afin de vous garantir la continuité du paiement de votre salaire, votre traitement [du mois] de septembre 2001 sera effectué selon les droits repris ci-dessus sur votre compte en banque à Luxembourg. Le bureau des salaires vous informera au début du mois de septembre 2001 du montant exact qui devra être retenu sur vos salaires à venir et se tiendra à votre disposition pour définir les modalités exactes de récupération. À ce stade, le montant total à récupérer peut être évalué à 31 000 euros à titre purement indicatif et à l’exclusion de la récupération au titre du voyage annuel.”
27 Le requérant a eu connaissance de cette lettre par fax du 11 septembre 2001 et y a répondu par lettre circonstanciée le 14 du même mois, demandant la révision de cette décision ainsi que diverses autres informations. Dans cette lettre, le requérant faisait également état de ses difficultés à obtenir des indications précises sur les conditions de son détachement et mentionnait les différentes personnes qu’il avait consultées sur ce point, à savoir Mme J. Lavaud, de l’unité ‘Personnel statutaire et experts nationaux détachés’ de la direction ‘Politique du personnel’ de la DG ‘Personnel et administration’ de la Commission, Mme Perez-Silvan, de l’unité ‘Gestion des droits individuels’ de la direction ‘Droits et obligations; politique et actions sociales’ de cette même DG et M. D. Janssens, chef de l’unité ‘Personnel, budget et autres ressources’ de la direction ‘Affaires générales’ de la DG d’affectation du requérant. Ce dernier ajoutait n’avoir, depuis son départ, reçu aucune note des services de la Commission sur les conditions de son détachement, l’avertissant que celui-ci était effectué à ses risques et périls financiers avec récupération éventuelle des sommes indûment versées.
28 Mme Reicherts y a répondu par note du 2 octobre 2001 (ci-après la ‘décision du 2 octobre 2001’), invitant le requérant à contester, s’il le souhaitait, la décision concernant la nouvelle fixation de ses droits financiers en introduisant une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.
29 Le 10 octobre suivant, M. F. Augendre, de l’unité ‘Personnel Luxembourg’ de la direction ‘Administration et gestion du personnel Luxembourg et Ispra’ de la DG ‘Personnel et administration’ de la Commission, a adressé une note au requérant l’informant que, à la suite de la décision du 14 août 2001, le calcul rectificatif de sa rémunération pendant son détachement se traduirait, en application de l’article 85 du statut, par une retenue de 1 342,30 euros pour le mois de novembre 2001 et de 1 342,16 euros pour les mois de décembre 2001 à novembre 2003, soit un total de 24 retenues mensuelles.
30 Le 22 octobre 2001, le requérant a saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’’AIPN’) d’une réclamation tendant à l’annulation de la décision du 14 août 2001 et de la décision du 2 octobre 2001, ainsi que de tous les bulletins de rémunération mettant en oeuvre la première de ces décisions.
31 Par courrier électronique du 31 octobre 2001, le requérant a été informé de la décision de M. David Byrne, membre de la Commission en charge des questions de santé et de protection des consommateurs, de le rappeler à Luxembourg le jour même, en raison des défis auxquels la Commission devait faire face en matière de bioterrorisme.
32 Par décision du 11 décembre 2001, prenant effet le 1er novembre 2001, la Commission a mis fin au détachement dans l’intérêt du service du requérant auprès du ministère de la Santé grec et l’a ‘réaffecté’ en tant que conseiller ad personam auprès du directeur de la direction ‘Santé publique’ de la DG ‘Santé et protection des consommateurs’. Cette décision a été annulée et remplacée par la décision de la Commission du 6 février 2002, par laquelle le requérant a été ‘réintégré’ dans ses fonctions de conseiller ad personam du même directeur.
33 La réclamation du requérant a été rejetée par l’AIPN par décision du 22 février 2002, dont il a accusé réception le 1er mars suivant.
34 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 2002, le requérant a introduit un recours dirigé contre la décision du 14 août 2001 (affaire T‑180/02).
35 À la suite de la décision de la Commission de fixer à Athènes le lieu de son affectation, le requérant a présenté, le 28 janvier 2002, une demande tendant au transfert de la partie de sa rémunération nécessaire pour couvrir les charges régulières et prouvées auxquelles il devait, selon lui, faire face au Luxembourg, lieu de son affectation habituelle et de sa résidence principale.
36 Le 8 mars suivant, le requérant a présenté une seconde demande tendant à l’octroi des indemnités d’installation et journalière, conformément aux articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut, en raison de ses prises de fonctions intervenues respectivement le 1er novembre 2000 à Athènes et le 1er novembre 2001 à Luxembourg.
37 Par décisions du 30 avril 2002 (ci-après les ‘décisions du 30 avril 2002’), l’administration a, d’une part, fait droit à sa demande de transfert, au titre de l’article 17, paragraphe 2, sous c), de l’annexe VII du statut, d’une partie de sa rémunération nette de Grèce au Luxembourg pour la période comprise entre les mois de novembre 2000 et d’octobre 2001, dans la limite toutefois de 35 % de ladite rémunération, et, d’autre part, informé le requérant du rejet de sa demande tendant au paiement des indemnités d’installation et journalière.»
Les recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
17 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 2002, M. Gouvras a introduit un premier recours dirigé contre la décision du 14 août 2001 (affaire T‑180/02). La Commission a conclu au rejet de ce recours.
18 Le requérant a introduit un second recours, dirigé contre les décisions du 30 avril 2002 (affaire T-113/03). La Commission a également conclu au rejet de ce recours.
19 À l’appui de son recours contre la décision du 14 août 2001, le requérant a invoqué trois moyens.
20 Par son premier moyen, ce dernier faisait valoir que la Commission a violé les articles 37, premier alinéa, sous a), premier tiret, et 38, sous a), du statut, dans la mesure où elle a, d’une part, méconnu l’obligation de l’entendre avant son détachement et, d’autre part, fixé avec effet rétroactif le lieu de son affectation à Athènes.
21 À cet égard, le Tribunal a jugé, aux points 70 à 86 de l’arrêt attaqué, d’une part, que l’administration était en droit d’attendre du requérant, compte tenu de son grade, un degré élevé de connaissance des procédures administratives ainsi que statutaires et, d’autre part, que le lieu d’affectation d’un fonctionnaire se situe en principe là où il exerce ses fonctions et que, en détachant le requérant auprès du ministère de la Santé grec, la Commission a, de manière implicite, fixé le lieu de son affectation à Athènes.
22 Le Tribunal a donc conclu, au point 87 de l’arrêt attaqué, que c’est à bon droit que la Commission a fixé le lieu d’affectation du requérant à Athènes et, partant, il a rejeté le premier moyen invoqué par ce dernier au soutien de son premier recours.
23 Par son deuxième moyen, le requérant soutenait que la Commission a violé l’article 85 du statut et que cette dernière a adopté une décision arbitraire, fondée sur la méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime et du devoir de sollicitude, en raison du fait qu’elle ne lui avait pas fourni, en temps utile, des informations fiables lui permettant d’examiner si, compte tenu de ses engagements financiers, il pouvait accepter d’être détaché à Athènes et de voir sa rémunération sensiblement diminuée en raison de l’application du coefficient correcteur en vigueur pour la Grèce et de la suppression de l’indemnité de dépaysement.
24 À cet égard, le Tribunal a rappelé, au point 102 de l’arrêt attaqué, que la répétition de l’indu suppose, selon l’article 85 du statut, une irrégularité de versement dont le bénéficiaire a eu connaissance ou dont le caractère erroné est si évident qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance.
25 Concernant en premier lieu la connaissance par le requérant de l’irrégularité du versement dès lors que le lieu d’affectation de ce dernier aurait dû être fixé à Athènes, le Tribunal a jugé, au point 108 de l’arrêt attaqué, que M. Gouvras avait indûment perçu les sommes qui lui ont été versées du fait de la fixation de son lieu d’affectation à Luxembourg.
26 Au point 109 de l’arrêt attaqué, le Tribunal précise cependant que ces sommes ne pouvaient donner lieu à répétition que si l’erreur commise par l’administration était si évidente que le requérant ne pouvait manquer d’en avoir connaissance. Au point 111 du même arrêt, le Tribunal a relevé que, s’il est vrai que la Commission n’a pas été claire et a mis plusieurs mois pour se prononcer sur les droits de M. Gouvras, notamment en ce qui concerne l’indemnité de dépaysement, force est de constater qu’un fonctionnaire normalement diligent, ayant l’expérience et le grade du requérant, ne pouvait pas ignorer que le versement de cette indemnité est lié à un dépaysement au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut.
27 Concernant en deuxième lieu le caractère prétendument arbitraire de la décision du 14 août 2001, le Tribunal a jugé, aux points 117 à 119 de l’arrêt attaqué, que, en l’absence d’allégations précises concernant l’obligation qui aurait été violée, il y avait lieu de rejeter ce grief.
28 En troisième lieu, concernant la méconnaissance du devoir de sollicitude par la Commission, le Tribunal a considéré, aux points 120 à 125 de l’arrêt attaqué, que cette dernière n’avait pas violé un tel devoir dès lors que le requérant avait admis avoir été informé des incidences de son détachement dans l’intérêt du service sur sa situation administrative.
29 En quatrième lieu, au sujet de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal a jugé, aux points 126 à 133 dudit arrêt, que cet argument devait être rejeté notamment en raison de l’absence d’assurances précises fournies au requérant par la Commission sur les conditions de son détachement.
30 En conséquence, le deuxième moyen soulevé par le requérant au soutien de son premier recours a été rejeté comme non fondé.
31 Par son troisième moyen, le requérant invoquait une violation des articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut, en faisant valoir que la Commission avait refusé de lui reconnaître le droit de bénéficier tant de l’indemnité d’installation que de l’indemnité journalière.
32 À cet égard, le Tribunal a jugé, aux points 142 à 144 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’a pas, dans sa décision du 14 août 2001, refusé le bénéfice de ces indemnités au requérant. Partant, le Tribunal en a conclu que ce moyen devait être rejeté.
33 En conséquence, le recours de M. Gouvras dirigé contre ladite décision a été rejeté dans son intégralité.
34 Quant à son second recours, dirigé contre les décisions du 30 avril 2002, M. Gouvras invoquait deux moyens pour contester la légalité de celles-ci.
35 Par son premier moyen, il soutenait que les articles 5 et 10 de l’annexe VII du statut ont été violés au motif que, pendant la durée de son affectation à Athènes, l’indemnité d’installation et l’indemnité journalière lui avaient été refusées, un tel refus ayant également porté sur l’indemnité d’installation lors de sa réaffectation à Luxembourg.
36 S’agissant, en premier lieu, de l’octroi au requérant de l’indemnité d’installation lors de son détachement à Athènes, le Tribunal a jugé, aux points 156 à 159 de l’arrêt attaqué, que c’est à bon droit que le requérant demandait l’annulation de la décision du 30 avril 2002 qui lui refusait le bénéfice de l’indemnité d’installation.
37 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’octroi au requérant de l’indemnité d’installation lors de son retour au Luxembourg, le Tribunal a considéré, aux points 160 et 161 de l’arrêt attaqué, que la Commission était fondée à refuser l’octroi de cette indemnité en application de l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut.
38 Pour ce qui concerne, en troisième lieu, l’indemnité journalière, le Tribunal a jugé, aux points 162 à 166 de l’arrêt attaqué, que le bénéfice de celle-ci lui avait été refusé à bon droit par la Commission, car, si tel n’avait pas été le cas, cette indemnité lui aurait été versée en contradiction avec la finalité de l’article 10 de l’annexe VII du statut. En effet, ni sa résidence à Athènes ni sa résidence au Luxembourg ne pouvaient être considérées comme provisoires.
39 Le Tribunal a donc considéré qu’il y avait lieu d’accueillir partiellement le premier moyen invoqué par le requérant au soutien de son second recours, puisque c’est à tort que l’octroi de l’indemnité d’installation lors de son affectation à Athènes lui a été refusé par la Commission.
40 Par son second moyen, le requérant faisait valoir que, en limitant à 35 % la partie de sa rémunération qu’il était autorisé à transférer en dehors de l’État membre dans lequel il exerçait ses fonctions, la Commission a violé les articles 38, sous d), du statut et 17 de l’annexe VII de celui-ci.
41 À cet égard, le Tribunal a jugé, aux points 194 à 211 de l’arrêt attaqué, que l’article 38, sous d), du statut a été correctement appliqué par la Commission, le requérant ayant en effet, durant son détachement à Athènes, perçu une rémunération correspondant au même grade et au même échelon que celui qu’il détenait dans son institution d’origine. En effet, cette disposition ne signifie nullement que l’intéressé devait percevoir, durant son affectation à Athènes, la totalité de la rémunération qui lui était versée au Luxembourg. Le Tribunal a également jugé que la limitation du transfert de la rémunération nette du requérant à 35 % de celle-ci n’est pas disproportionnée, ce dernier n’ayant pas apporté la justification de charges exceptionnelles de nature à permettre à l’administration d’autoriser un transfert supérieur audit pourcentage.
42 Dans ces conditions, le Tribunal a rejeté le second moyen invoqué par M. Gouvras au soutien de son second recours.
43 En conséquence, le Tribunal a, d’une part, annulé la décision du 30 avril 2002 qui refusait d’allouer au requérant le bénéfice de l’indemnité d’installation à l’occasion de son détachement à Athènes et, d’autre part, rejeté le second recours pour le surplus.
Le pourvoi
Les conclusions des parties
44 Dans son pourvoi, M. Gouvras conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
– à titre principal, annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté ses conclusions tendant:
– d’une part, dans l’affaire T-180/02, à l’annulation de la décision du 14 août 2001 et,
– d’autre part, dans l’affaire T-113/03, à l’annulation de la décision du 30 avril 2002 limitant à 35 % la partie de sa rémunération transférable au Luxembourg pendant la durée de son détachement et,
– statuer ensuite par voie de dispositions nouvelles en l’autorisant à adapter ses moyens et conclusions;
– à titre subsidiaire, annuler la décision du 14 août 2001 en toutes ses dispositions et la décision du 30 avril 2002 qui limite à 35 % la partie de sa rémunération transférable au Luxembourg, lieu de son affectation habituelle,
– condamner la Commission aux dépens des deux instances.
45 La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:
– rejeter le pourvoi comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondé;
– condamner la requérante aux dépens.
Sur le pourvoi
46 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 119 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est manifestement irrecevable ou non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, le rejeter par voie d’ordonnance motivée.
Sur les moyens concernant la décision du 14 août 2001
Sur le premier moyen
47 Par ce premier moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne vérifiant pas si la Commission l’avait effectivement informé, avant de prononcer son détachement dans l’intérêt du service, de toutes les incidences de celui-ci non seulement sur sa situation administrative, mais également quant aux conséquences financières qui en découleraient, notamment en ce qui concerne le droit au bénéfice de l’indemnité de dépaysement, le remboursement des frais de voyage annuels et le fait que sa rémunération serait affectée du coefficient correcteur applicable à la Grèce. Dans ces conditions, il n’a pas eu l’opportunité de faire valoir utilement ses intérêts et de demander, à l’expiration d’un délai de six mois, qu’il soit mis fin à son détachement. Dès lors, M. Gouvras estime que les articles 37, premier alinéa, sous a), premier tiret, et 38 du statut ont été violés.
48 À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte des articles 225, paragraphe 1, CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le pourvoi est limité aux seules questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure portant atteinte aux intérêts du requérant ou de la violation du droit communautaire par le Tribunal (voir, notamment, arrêt du 16 mars 2000, Parlement/Bieber, C‑284/98 P, Rec. p. I-1527, point 30, et ordonnance du 10 mai 2001, FNAB e.a./Conseil, C‑345/00 P, Rec. p. I‑3811, point 28).
49 Il résulte en outre d’une jurisprudence constante que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir arrêts du 2 mars 1994, Hilti/Commission, C-53/92 P, Rec. p. I-667, point 42, et du 21 juin 2001, Moccia Irme e.a./Commission, C‑280/99 P à C-282/99 P, Rec. p. I-4717, point 78).
50 Dès lors, ce n’est que dans le cas où le requérant ferait valoir que le Tribunal a effectué des constatations dont l’inexactitude matérielle résulte des pièces du dossier ou qu’il a dénaturé les éléments de preuve qui lui ont été soumis que seraient recevables des griefs tirés de la constatation des faits ou de l’appréciation de ceux-ci par cette juridiction.
51 Or, en l’espèce, force est de constater que, par son premier moyen, M. Gouvras tente de faire réexaminer par la Cour l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal, selon laquelle le requérant a été entendu et suffisamment informé avant l’adoption de la décision de détachement, sans que, par ailleurs, il établisse que les éléments de preuve ont été dénaturés par le Tribunal.
52 Dès lors, ce moyen doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.
Sur le second moyen
53 Par son second moyen, M. Gouvras prétend tout d’abord que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant que l’administration avait commis une irrégularité en établissant, entre le 1er novembre 2000 et le 14 août 2001, les bulletins de rémunération comprenant l’indemnité de dépaysement et l’application du coefficient correcteur afférent à Luxembourg.
54 En outre, le requérant soutient que le Tribunal a violé le droit communautaire en jugeant qu’il avait eu connaissance de l’irrégularité des versements ou que cette irrégularité était si évidente qu’il ne pouvait manquer d’en avoir connaissance. Il reproche au Tribunal d’avoir considéré qu’un fonctionnaire normalement diligent de l’expérience et du grade du requérant ne pouvait pas ignorer l’irrégularité des versements litigieux.
55 Dans ces conditions, le requérant conteste la réponse donnée par le Tribunal sur une question de qualification juridique des faits et soumet ainsi au contrôle de la Cour une question de droit.
56 Il s’ensuit que le second moyen invoqué au soutien du pourvoi est recevable.
Sur le bien-fondé des deux branches invoquées
57 En ce qui concerne tout d’abord l’irrégularité du versement de la rémunération, il suffit de relever que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, aux points 104 à 108 de l’arrêt attaqué, que le principe du maintien de la rémunération globale du fonctionnaire ne saurait conduire l’administration à octroyer à ce dernier des indemnités et avantages auxquels il n’a pas droit. En conséquence, dès lors que le lieu d’affectation du requérant aurait dû être fixé à Athènes, il y a lieu de considérer qu’il a indûment perçu les sommes versées par l’administration du fait de la fixation du lieu de son affectation à Luxembourg.
58 En ce qui concerne, ensuite, la connaissance par le bénéficiaire de l’irrégularité du versement, c’est également à bon droit que le Tribunal a jugé, aux points 109 à 116 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait correctement mis en œuvre la procédure de répétition de l’indu.
59 Ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 111 de l’arrêt attaqué, s’il est vrai que la Commission n’a pas été claire et a mis plusieurs mois à se prononcer sur les droits du requérant, force est de constater qu’un fonctionnaire normalement diligent de l’expérience et du grade du requérant ne pouvait pas ignorer que le versement de l’indemnité de dépaysement est lié à un dépaysement au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut.
60 Enfin, ainsi que le Tribunal l’a jugé au point 115 de l’arrêt attaqué et contrairement à ce que soutient le requérant, les dispositions du statut ne pouvaient pas conforter ce dernier dans l’idée qu’il détenait un droit au maintien du lieu de son affectation à Luxembourg et de toutes les indemnités qu’il y percevait. Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirme le requérant et tel que le Tribunal l’a déclaré au point 115, «les dispositions du statut ne pouvaient pas le conforter dans l’idée qu’il détenait un droit au maintien du lieu de son affectation à Luxembourg et de toutes les indemnités qu’il y percevait. D’une part, le statut ne comporte pas de dispositions explicites quant à la détermination du lieu d’affectation du fonctionnaire en cas de détachement et, d’autre part, il lie expressément à certaines conditions le versement des indemnités en cause.
61 Dès lors, c’est à bon droit que le Tribunal a admis que la Commission avait correctement mis en œuvre la procédure de répétition de l’indu.
62 Dans ces conditions, le second moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé.
Sur l’unique moyen concernant la décision du 30 avril 2002
63 Par ce moyen unique, le requérant fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la décision du 30 avril 2002 ne violait pas l’article 38, sous d), du statut en limitant à 35 % la partie de sa rémunération transférable au Luxembourg pendant la durée de son détachement.
64 Dans son pourvoi, le requérant se borne à considérer que sa demande n’a pas pour but de le placer dans une situation financière plus avantageuse que celle afférente à son détachement, mais vise uniquement à empêcher que celui-ci n’entraîne un désavantage financier important. Toutefois, aucun argument n’est produit à l’appui de cette thèse.
65 À cet égard, il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de cette dernière qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291, point 34; du 8 janvier 2002, France/Monsanto et Commission, C-248/99 P, Rec. p. I-1, point 68, et ordonnance du 11 novembre 2003, Martinez/Parlement, C‑488/01 P, Rec. p. I-13355, point 40).
66 En l’espèce, il convient de constater que le pourvoi n’indique pas la raison pour laquelle le motif de droit sur lequel le Tribunal s’est fondé, au point 210 de l’arrêt attaqué, serait erroné et, partant, l’unique moyen invoqué à l’encontre de la décision du 30 avril 2002 doit être rejeté comme irrecevable.
67 Même si la requête était recevable, elle serait non fondée en raison de l’inapplicabilité de l’article invoqué en l’espèce, dès lors que le non-versement de prestations statutaires ne relève pas de la notion de charge.
Sur les dépens
68 Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 70 dudit règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des fonctionnaires restent à la charge de celles-ci. Cependant, en vertu de l’article 122, deuxième alinéa, du même règlement, l’article 70 n’est pas applicable au pourvoi formé par un fonctionnaire ou tout autre agent d’une institution contre celle-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) M. Gouvras est condamné aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure: le français.