Affaire C-308/04 P

SGL Carbon AG

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Concurrence — Entente — Électrodes de graphite — Article 81, paragraphe 1, CE — Amendes — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes — Communication sur la coopération — Principe non bis in idem»

Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 19 janvier 2006 

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 29 juin 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Concurrence — Amendes — Sanctions communautaires et sanctions infligées dans un État tiers pour violation du droit national de la concurrence

(Art. 3, § 1, g), CE; règlement du Conseil nº 17, art. 15)

2.     Concurrence — Amendes — Montant — Pouvoir d'appréciation de la Commission

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15)

3.     Concurrence — Amendes — Lignes directrices pour le calcul des amendes

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

4.     Concurrence — Amendes — Montant — Détermination du montant de base en fonction de l'infraction elle-même

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2)

5.     Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Montant maximal

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2)

6.     Concurrence — Procédure administrative — Respect des droits de la défense

7.     Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Situation financière de l'entreprise concernée

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 5, b))

8.     Concurrence — Amendes — Pouvoir d'appréciation de la Commission

(Règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2)

1.     Le principe non bis in idem, également consacré par l'article 4 du protocole nº 7 de la convention européenne des droits de l'homme, constitue un principe fondamental du droit communautaire dont le juge assure le respect.

Dans le cas d'une entente se situant dans un contexte international qui est caractérisé notamment par l'intervention, sur leurs territoires respectifs, d'ordres juridiques d'États tiers, l'exercice des pouvoirs par les autorités de ces États chargées de la protection de la libre concurrence, dans le cadre de leur compétence territoriale, obéit à des exigences qui sont propres auxdits États. En effet, les éléments qui sous-tendent les ordres juridiques d'autres États dans le domaine de la concurrence non seulement comportent des finalités et des objectifs spécifiques, mais aboutissent également à l'adoption de règles matérielles particulières ainsi qu'à des conséquences juridiques très variées dans le domaine administratif, pénal ou civil, lorsque les autorités desdits États ont établi l'existence d'infractions aux règles applicables en matière de concurrence.

Il en découle que, lorsque la Commission sanctionne le comportement illicite d'une entreprise, même ayant son origine dans une entente à caractère international, elle vise à sauvegarder la libre concurrence à l'intérieur du marché commun qui constitue, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, sous g), CE, un objectif fondamental de la Communauté. En effet, par la spécificité du bien juridique protégé au niveau communautaire, les appréciations opérées par la Commission, en vertu de ses compétences en la matière, peuvent diverger considérablement de celles effectuées par des autorités d'États tiers.

Dès lors, le principe non bis in idem ne s'applique pas à des situations dans lesquelles les ordres juridiques et les autorités de la concurrence d'États tiers sont intervenus dans le cadre de leurs compétences propres.

(cf. points 26-29, 31-32)

2.     Toute considération tirée de l'existence d'amendes infligées par les autorités d'un État tiers ne saurait entrer en ligne de compte que dans le cadre du pouvoir d'appréciation dont jouit la Commission en matière de fixation d'amendes pour les infractions au droit communautaire de la concurrence. Par conséquent, s'il ne saurait être exclu que la Commission, pour des motifs de proportionnalité ou d'équité, prenne en compte des amendes antérieurement infligées par les autorités d'États tiers, elle ne saurait toutefois y être tenue.

En effet, l'objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre, lors de la fixation du montant d'une amende, vise à assurer le respect, par les entreprises, des règles de concurrence établies par le traité pour la conduite de leurs activités au sein du marché commun. Par conséquent, en appréciant le caractère dissuasif d'une amende à infliger en raison d'une violation desdites règles, la Commission n'est pas tenue de prendre en compte d'éventuelles sanctions infligées à l'encontre d'une entreprise en raison de violations des règles de concurrence d'États tiers.

(cf. points 36-37)

3.     La Commission bénéficie d'un large pouvoir d'appréciation pour ce qui est de la méthode du calcul des amendes infligées pour infraction aux règles de concurrence et elle peut, dans ce cadre, tenir compte de multiples éléments, tout en respectant le plafond relatif au chiffre d'affaires énoncé à l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17.

La méthode de calcul circonscrite par les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d'exercer son pouvoir d'appréciation en conformité avec les dispositions de l'article 15 du règlement nº 17.

(cf. points 46-47)

4.     Tandis que le montant de base de l'amende pour infraction aux règles de concurrence est fixé en fonction de ladite infraction, la gravité de celle-ci est déterminée par référence à de nombreux autres facteurs, pour lesquels la Commission dispose d'une marge d'appréciation. Le fait de prendre en compte des circonstances aggravantes, lors de la fixation de l'amende, est conforme à la mission de la Commission d'assurer la conformité du comportement des entreprises aux règles de la concurrence.

(cf. point 71)

5.     Le seul montant final de l'amende imposée pour une infraction aux règles de concurrence doit respecter la limite maximale de 10 % visée à l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17. Par conséquent, cet article n'interdit pas à la Commission de parvenir, au cours des différentes étapes de calcul, à un montant intermédiaire supérieur à cette limite, pour autant que le montant final de l'amende imposée ne la dépasse pas.

(cf. points 81-82)

6.     Dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, où le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit communautaire qui doit être observé même s'il s'agit d'une procédure de caractère administratif, la simple absence de communication d'un document ne constitue une violation desdits droits que si l'entreprise concernée peut démontrer, premièrement, que la Commission s'est basée sur ce document pour étayer son grief concernant l'existence d'une infraction et, deuxièmement, que ce grief ne pouvait être prouvé que par une référence audit document.

Il appartient à l'entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel est parvenue la Commission dans sa décision litigieuse aurait été différent si le document, qui n'avait pas été communiqué à ladite entreprise et sur lequel la Commission s'est basée pour constater l'infraction, avait été rejeté en tant qu'élément de preuve.

(cf. points 94, 97-98)

7.     La Commission n'est pas obligée, lors de la détermination du montant de l'amende qu'elle inflige à une entreprise, de tenir compte de sa situation financière déficitaire, étant donné que la reconnaissance d'une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché.

Ce principe n'est nullement remis en cause par le point 5, sous b), des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, selon lequel la capacité contributive réelle d'une entreprise doit être prise en considération. En effet, cette capacité ne saurait jouer que dans un «contexte social particulier», constitué par les conséquences que le paiement de l'amende pourrait avoir, notamment sur le plan d'une augmentation du chômage ou d'une détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l'entreprise concernée.

(cf. points 105-106)

8.     Les pouvoirs accordés à la Commission en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 comprennent ceux de déterminer la date à laquelle les amendes sont payables et la date à partir de laquelle les intérêts commencent à courir ainsi que ceux de fixer le taux de tels intérêts et de déterminer les arrangements détaillés pour la mise en oeuvre de sa décision. En effet, en l'absence d'un tel pouvoir de la Commission, les entreprises pourraient être en mesure de tirer avantage de paiements tardifs, affaiblissant ainsi l'effet des sanctions.

La Commission est dès lors en droit d'adopter un point de référence plus élevé que le taux du marché applicable, tel qu'offert à un emprunteur moyen, dans une mesure nécessaire pour décourager des comportements dilatoires en ce qui concerne le paiement de l'amende.

(cf. points 113-115)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

29 juin 2006 (*)

«Pourvoi – Concurrence – Entente – Électrodes de graphite – Article 81, paragraphe 1, CE – Amendes – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes – Communication sur la coopération – Principe non bis in idem»

Dans l’affaire C-308/04 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 19 juillet 2004,

SGL Carbon AG, établie à Wiesbaden (Allemagne), représentée par Mes  M. Klusmann et K. Beckmann, Rechtsanwälte,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. A. Bouquet et M. Schneider ainsi que par Mme H. Gading, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Tokai Carbon Co. Ltd, établie à Tokyo (Japon),

Nippon Carbon Co. Ltd, établie à Tokyo,

Showa Denko KK, établie à Tokyo,

GrafTech International Ltd, anciennement UCAR International Inc., établie à Wilmington (États-Unis),

SEC Corp., établie à Amagasaki (Japon),

The Carbide/Graphite Group Inc., établie à Pittsburgh (États-Unis),

parties demanderesses en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, Mme  R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. P. Kūris, G. Arestis et J. Klučka, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 septembre 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 janvier 2006,

rend le présent

Arrêt

1       Par son pourvoi, SGL Carbon AG (ci-après «SGL Carbon») demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission (T-236/01, T‑239/01, T-244/01 à T-246/01, T-251/01 et T-252/01, Rec. p. II-1181, ci-après l’«arrêt attaqué»), en ce qu’il a rejeté le recours dirigé contre les articles 3 et 4 de la décision 2002/271/CE de la Commission, du 18 juillet 2001, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE – Affaire COMP/E-1/36.490 – Électrodes de graphite (JO 2002, L 100, p. 1, ci-après la «décision litigieuse»).

 Le cadre juridique

 Le règlement n° 17

2       L’article 15 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), prévoit:

«1.      La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes d’un montant de cent à cinq mille unités de compte lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

[…]

b)     elles fournissent un renseignement inexact en réponse à une demande faite en application de l’article 11, paragraphe 3 ou 5, […]

[…]

2.      La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d’un million d’unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)     elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81], paragraphe 1, ou de l’article [82] du traité, […]

[…]

Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

[…]»

 Les lignes directrices

3       La communication de la Commission intitulée «Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l’article 65 paragraphe 5 du traité CECA» (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices») énonce dans son préambule:

«Les principes posés par les […] lignes directrices devraient permettre d’assurer la transparence et le caractère objectif des décisions de la Commission tant à l’égard des entreprises qu’à l’égard de la Cour de justice, tout en affirmant la marge discrétionnaire laissée par le législateur à la Commission pour la fixation des amendes dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires global des entreprises. Cette marge devra toutefois s’exprimer dans une ligne politique cohérente et non discriminatoire adaptée aux objectifs poursuivis dans la répression des infractions aux règles de concurrence.

La nouvelle méthodologie applicable pour le montant de l’amende obéira dorénavant au schéma suivant, qui repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent des majorations pour tenir compte des circonstances aggravantes et des diminutions pour tenir compte des circonstances atténuantes.»

 La communication sur la coopération

4       Dans sa communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci‑après la «communication sur la coopération»), la Commission a défini les conditions dans lesquelles les entreprises coopérant avec elle au cours de son enquête sur une entente pourront être exemptées de l’amende ou bénéficier d’une réduction de l’amende qu’elles auraient autrement dû acquitter.

5       Aux termes du point A, paragraphe 5, de cette communication:

«La coopération d’une entreprise avec elle n’est qu’un élément parmi d’autres dont la Commission tient compte dans la fixation du montant d’une amende. […]»

 La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

6       L’article 4 du protocole n° 7 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, prévoit ce qui suit:

«Droit à ne pas être jugé ou puni deux fois

Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.

Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu.

Aucune dérogation n’est autorisée au présent article au titre de l’article 15 de la Convention.»

 Les faits à l’origine du litige et la décision litigieuse

7       Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a résumé les faits à l’origine du recours engagé devant lui dans les termes suivants:

«1      Par la décision 2002/271/CE […], la Commission a constaté la participation de diverses entreprises à une série d’accords et de pratiques concertées, au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen [du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’‘accord EEE’)], dans le secteur des électrodes de graphite.

2      Les électrodes de graphite sont utilisées principalement pour la production d’acier dans les fours électriques à arc. La fabrication d’acier au moyen de ces fours consiste essentiellement en un processus de recyclage par lequel des déchets d’acier sont convertis en acier neuf, par opposition au procédé classique de production à partir du minerai de fer dans les hauts-fourneaux à l’oxygène. Neuf électrodes, rassemblées en colonnes de trois, sont utilisées dans le four électrique type pour fondre la ferraille. Étant donné l’intensité du processus de fusion, la consommation d’électrodes atteint environ une unité par tranche de huit heures. La durée de fabrication d’une électrode est d’environ deux mois. Aucun produit n’est substituable aux électrodes de graphite dans le cadre de ce processus de production.

3      La demande d’électrodes de graphite est directement liée à la production d’acier en four électrique à arc. Les principaux clients sont les sidérurgistes, qui représentent environ 85 % de la demande. En 1998, la production mondiale d’acier brut s’est élevée à 800 millions de tonnes, dont 280 millions de tonnes produites dans des fours électriques à arc […]

[…]

5      Dans les années 80, des améliorations technologiques ont permis une réduction substantielle de la consommation d’électrodes par tonne d’acier produite. L’industrie sidérurgique a également connu un important processus de restructuration pendant cette période. L’affaiblissement de la demande d’électrodes a donné lieu à un processus de restructuration de l’industrie mondiale des électrodes. Plusieurs usines ont été fermées.

6      En 2001, neuf producteurs occidentaux ont approvisionné le marché européen en électrodes de graphite […]

7      En application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 […], des fonctionnaires de la Commission ont, le 5 juin 1997, procédé à l’improviste à des vérifications simultanées dans les locaux de [certains des producteurs d’électrodes de graphite].

8      Le même jour, des agents du Federal Bureau of Investigation (FBI) ont procédé, aux États-Unis, à des perquisitions dans les locaux de plusieurs producteurs. À la suite de ces perquisitions, des poursuites pénales ont été engagées contre SGL […] pour entente délictueuse. Tous les accusés ont plaidé coupables des faits qui leur étaient reprochés et ont accepté de payer des amendes, [fixée] à 135 millions de dollars des États-Unis (USD) pour SGL […]

[…]

10      Des actions en triples dommages et intérêts (triple damages) ont été intentées contre SGL […] aux États-Unis pour le compte d’un groupe d’acheteurs.

11      Au Canada, […] [e]n juillet 2000, SGL a plaidé coupable et accepté de payer une amende de 12,5 millions de CAD pour [...] infraction [à la loi canadienne sur la concurrence]. Des actions civiles ont été intentées contre SGL […] par des producteurs d’acier au Canada en juin 1998 pour entente délictueuse.

12      La Commission a adressé, le 24 janvier 2000, une communication des griefs aux entreprises incriminées. La procédure administrative a abouti à l’adoption, le 18 juillet 2001, de la décision [litigieuse], par laquelle il est reproché aux entreprises requérantes […] d’avoir procédé, à l’échelle mondiale, à une fixation des prix ainsi qu’à une répartition des marchés nationaux et régionaux du produit en cause selon le principe du ‘producteur domestique’: [...] SGL [...] [était responsable pour une partie] de l’Europe; […]

13      Toujours selon la décision [litigieuse], les principes directeurs de l’entente étaient les suivants:

–       les prix des électrodes de graphite devaient être fixés au niveau mondial;

–       les décisions relatives aux prix de chaque société devaient être arrêtées exclusivement par le président ou les directeurs généraux;

–       le ‘producteur domestique’ devait fixer le prix du marché sur son ‘territoire’ et les autres producteurs le ‘suivraient’;

–       en ce qui concerne les marchés ‘non domestiques’, c’est-à-dire les marchés sur lesquels aucun producteur ‘domestique’ n’était présent, les prix seraient fixés par consensus;

–       les producteurs ‘non domestiques’ ne devaient exercer aucune concurrence agressive et se retireraient des marchés ‘domestiques’ des autres;

–       la capacité ne devait pas augmenter (les producteurs japonais étaient censés réduire la leur);

–       aucun transfert de technologie ne devait avoir lieu en dehors du cercle des producteurs participant au cartel.

14      La décision [litigieuse] poursuit en exposant que lesdits principes directeurs ont été mis en œuvre par des réunions de l’entente qui se tenaient à plusieurs niveaux: réunions ‘des patrons’, réunions ‘de travail’, réunions du groupe des producteurs européens (sans les entreprises japonaises), réunions nationales ou régionales consacrées à des marchés spécifiques et contacts bilatéraux entre les entreprises.

[…]

16      Sur la base des constatations factuelles et des appréciations juridiques effectuées dans la décision [litigieuse], la Commission a imposé aux entreprises incriminées des amendes dont le montant a été calculé conformément à la méthodologie exposée dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA […] ainsi que de la communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes […]

17      L’article 3 du dispositif de la décision [litigieuse] inflige les amendes suivantes:

SGL: 80,2 millions d’euros;

[…]

18      L’article 4 du dispositif ordonne aux entreprises concernées de verser les amendes dans les trois mois à compter de la date de notification de la décision [litigieuse], sous peine de devoir payer des intérêts de 8,04 %.»

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

8       SGL Carbon et d’autres entreprises destinataires de la décision litigieuse ont introduit, devant le Tribunal, des recours en annulation à l’encontre de ladite décision.

9       Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment déclaré et arrêté:

«[…]

2)      Dans l’affaire T-239/01, SGL Carbon/Commission:

–       le montant de l’amende infligée à la partie requérante par l’article 3 de la décision 2002/271 est fixé à 69 114 000 euros;

–       le recours est rejeté pour le surplus;

[…]»

 Les conclusions des parties devant la Cour

10     SGL Carbon conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–       annuler partiellement l’arrêt attaqué dans l’affaire T-239/01, dans la mesure où il rejette le recours dirigé contre les articles 3 et 4 de la décision litigieuse;

–       à titre subsidiaire, réduire l’amende infligée à la requérante à l’article 3 de ladite décision ainsi que les intérêts de retard fixés à l’article 4 de celle-ci, combiné à la lettre de la Commission du 23 juillet 2001;

–       également à titre subsidiaire, renvoyer le litige devant le Tribunal afin que ce dernier rende un nouvel arrêt en tenant compte de la conception juridique de la Cour;

–       condamner la Commission aux dépens.

11     La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–       rejeter le pourvoi;

–       condamner la requérante aux dépens.

 Sur la demande de réouverture de la procédure orale

12     Par lettre parvenue à la Cour le 24 février 2006, SGL Carbon a, en vertu de l’article 61 du règlement de procédure de la Cour, demandé la réouverture de la procédure orale.

13     Au soutien de ladite demande, SGL Carbon fait valoir que les conclusions de M. l’avocat général dans le présent pourvoi ne reproduiraient pas toujours de manière correcte l’exposé des faits des parties ainsi que les constatations du Tribunal. Elles contiendraient également des arguments et des suppositions qui n’ont pas été avancés jusqu’ici par les parties dans leurs mémoires respectifs et qui ne faisaient pas l’objet de l’audience. Ces conclusions ne pourraient donc pas préparer suffisamment au jugement, mais appelleraient exceptionnellement des observations supplémentaires avant que la Cour ne statue définitivement.

14     À cet égard, il y a lieu de rappeler d’abord que le statut de la Cour de justice et le règlement de procédure de celle-ci ne prévoient pas la possibilité pour les parties de déposer des observations en réponse aux conclusions présentées par l’avocat général (voir, notamment, ordonnance du 4 février 2000, Emesa Sugar, C-17/98, Rec. p. I-665, point 2).

15     En ce qui concerne l’argumentation avancée par SGL Carbon, il convient de relever que la Cour peut d’office ou sur proposition de l’avocat général, ou encore à la demande des parties, ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 61 de son règlement de procédure, si elle estime qu’elle est insuffisamment éclairée ou que l’affaire doit être tranchée sur la base d’un argument qui n’a pas été débattu entre les parties (voir, notamment, arrêts du 13 novembre 2003, Schilling et Fleck-Schilling, C-209/01, Rec. p. I-13389, point 19, ainsi que du 17 juin 2004, Recheio – Cash & Carry, C-30/02, Rec. p. I‑6051, point 12).

16     En l’occurrence, la Cour considère qu’elle dispose de tous les éléments qui lui sont nécessaires pour statuer sur le présent pourvoi.

17     Dès lors, il n’y a pas lieu d’ordonner la réouverture de la procédure orale.

 Sur le pourvoi

18     SGL Carbon invoque sept moyens à l’appui de son pourvoi, à savoir la méconnaissance de l’obligation de prendre en considération des sanctions infligées précédemment (principe non bis in idem), la fixation erronée du montant de base dans le cadre de la détermination du montant de l’amende infligée à la requérante, la majoration confirmée à tort pour des instructions téléphoniques antérieures à la vérification de 1997, la méconnaissance erronée de la limite supérieure de la sanction fixée à 10 % du chiffre d’affaires consolidé mondial en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la restriction des droits de la défense de la requérante en raison d’un accès insuffisant au dossier, l’illégalité du défaut de prise en considération de l’absence de capacité contributive de la requérante ainsi que l’illégalité des taux d’intérêt fixés.

 Sur le premier moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de prendre en considération des sanctions infligées précédemment par des autorités d’États tiers: le principe non bis in idem

 Argumentation des parties

19     SGL Carbon fait valoir que c’est à tort que le Tribunal a remis en cause l’applicabilité du principe non bis in idem dans les rapports entre les États-Unis d’Amérique et le Canada, d’une part, et la Communauté, d’autre part, en invoquant trois arguments erronés figurant aux points 134, 136, 137, 140, 142 et 143 de l’arrêt attaqué.

20     Au soutien de son argumentation, la requérante s’appuie en particulier sur l’arrêt de la Cour du 14 décembre 1972, Boehringer Mannheim/Commission (7/72, Rec. p. 1281).

21     SGL Carbon précise que, contrairement à l’appréciation faite par le Tribunal, l’unité nécessaire du bien juridique protégé est présente en l’espèce. En outre, l’existence ou non d’un texte conventionnel en la matière serait sans pertinence eu égard à l’obligation de tenir compte des sanctions déjà infligées.

22     De l’avis de la requérante, même si le Tribunal était fondé à rejeter l’application du principe non bis in idem dans les affaires ayant un lien avec des États tiers, il aurait dû procéder à la prise en compte des peines précédemment infligées dans ces États, conformément aux principes de proportionnalité et d’équité.

23     La Commission estime que la requérante n’était pas fondée à invoquer l’interdiction du cumul des poursuites. En effet, le principe non bis in idem ne serait pas transposable à des affaires dans lesquelles des États tiers ont également infligé des sanctions.

24     La Commission considère que, en matière de le droit de la concurrence, les États-Unis d’Amérique et la Communauté ne visent pas les mêmes objectifs. En outre, les législations y afférentes ne protégeraient pas la concurrence en tant qu’institution mondiale. La réglementation américaine en la matière viserait la concurrence sur le marché des États-Unis, tandis que les règles en vigueur dans la Communauté auraient pour but d’empêcher que la concurrence soit faussée dans le marché commun.

25     La Commission en conclut que le Tribunal a jugé à juste titre que le principe non bis in idem n’était pas applicable en l’espèce.

 Appréciation de la Cour

26     Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que le principe non bis in idem, également consacré par l’article 4 du protocole n° 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, constitue un principe fondamental du droit communautaire dont le juge assure le respect (voir, notamment, arrêts du 5 mai 1966, Gutmann/Commission CEEA, 18/65 et 35/65, Rec. p. 149, 172, et du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commisssion, C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375, point 59).

27     Afin d’examiner le bien-fondé du moyen tiré d’une violation dudit principe, il convient également de relever que, ainsi que le Tribunal l’a jugé à bon droit au point 140 de l’arrêt attaqué, la Cour n’a pas encore tranché la question de savoir si la Commission est tenue d’imputer une sanction infligée par les autorités d’un État tiers dans l’hypothèse où les faits retenus contre une entreprise par cette institution et par lesdites autorités seraient identiques, mais elle a fait de l’identité des faits incriminés par la Commission et les autorités d’un État tiers une condition préalable à l’interrogation susvisée.

28     S’agissant du champ d’application du principe non bis in idem en ce qui concerne des situations dans lesquelles les autorités d’un État tiers sont intervenues, en vertu de leurs pouvoirs de sanction dans le domaine du droit de la concurrence applicable sur le territoire dudit État, il importe de rappeler que l’entente litigieuse se situe dans un contexte international qui est caractérisé notamment par l’intervention, sur leurs territoires respectifs, d’ordres juridiques d’États tiers.

29     À cet égard, il y a lieu de constater que l’exercice des pouvoirs par les autorités de ces États chargées de la protection de la libre concurrence, dans le cadre de leur compétence territoriale, obéit à des exigences qui sont propres auxdits États. En effet, les éléments qui sous-tendent les ordres juridiques d’autres États dans le domaine de la concurrence non seulement comportent des finalités et des objectifs spécifiques, mais aboutissent également à l’adoption de règles matérielles particulières ainsi qu’à des conséquences juridiques très variées dans le domaine administratif, pénal ou civil, lorsque les autorités desdits États ont établi l’existence d’infractions aux règles applicables en matière de concurrence.

30     En revanche, tout autre est la situation juridique dans laquelle une entreprise se trouve exclusivement visée, en matière de concurrence, par l’application du droit communautaire et du droit d’un ou de plusieurs États membres, c’est-à-dire dans laquelle une entente se cantonne exclusivement au sein du champ d’application territorial de l’ordre juridique de la Communauté européenne.

31     Il en découle que, lorsque la Commission sanctionne le comportement illicite d’une entreprise, même ayant son origine dans une entente à caractère international, elle vise à sauvegarder la libre concurrence à l’intérieur du marché commun qui constitue, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous g), CE, un objectif fondamental de la Communauté. En effet, par la spécificité du bien juridique protégé au niveau communautaire, les appréciations opérées par la Commission, en vertu de ses compétences en la matière, peuvent diverger considérablement de celles effectuées par des autorités d’États tiers.

32     Dès lors, le Tribunal a jugé à bon droit, au point 134 de l’arrêt attaqué, que le principe non bis in idem ne s’applique pas à des situations dans lesquelles les ordres juridiques et les autorités de la concurrence d’États tiers sont intervenus dans le cadre de leurs compétences propres.

33     Par ailleurs, le Tribunal a également jugé à bon droit qu’il n’existait pas d’autre principe de droit susceptible d’obliger la Commission à tenir compte des poursuites et des sanctions dont a fait l’objet la requérante dans des États tiers.

34     À cet égard, il convient de constater que, comme l’a observé à juste titre le Tribunal au point 136 de l’arrêt attaqué, il n’existe pas de principe de droit international public qui interdise aux autorités publiques, y compris les juridictions, de différents États de poursuivre et de condamner une personne physique ou morale pour les mêmes faits que ceux pour lesquels ladite personne a déjà été jugée dans un autre État. En outre, il n’existe pas de texte conventionnel du droit international public en vertu duquel la Commission pourrait se voir obligée, lors de la fixation d’une amende en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, de tenir compte des amendes infligées, par les autorités d’un État tiers, dans le cadre de leurs compétences en matière de droit de la concurrence.

35     Il importe d’ajouter que les accords conclus entre les Communautés et le gouvernement des États-Unis d’Amérique les 23 septembre 1991 et 4 juin 1998 concernant la mise en œuvre des principes de courtoisie active dans l’application de leurs règles de concurrence (JO 1995, L 95, p. 47, et JO 1998, L 173, p. 28) se limitent à des questions pratiques de procédure, comme l’échange d’informations et la coopération entre les autorités de concurrence et ne visent aucunement l’imputation ou la prise en compte des sanctions infligées par l’une des parties auxdits accords.

36     Enfin, en ce qui concerne une méconnaissance, par le Tribunal, des principes de proportionnalité et d’équité, invoquée à titre subsidiaire par la requérante, il importe d’observer que toute considération tirée de l’existence d’amendes infligées par les autorités d’un État tiers ne saurait entrer en ligne de compte que dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont jouit la Commission en matière de fixation d’amendes pour les infractions au droit communautaire de la concurrence. Par conséquent, s’il ne saurait être exclu que la Commission prenne en compte des amendes antérieurement infligées par les autorités d’États tiers, elle ne saurait toutefois y être tenue.

37     En effet, l’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre, lors de la fixation du montant d’une amende, vise à assurer le respect, par les entreprises, des règles de concurrence établies par le traité CE pour la conduite de leurs activités au sein du marché commun (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41/69, Rec. p. 661, points 173 à 176). Par conséquent, en appréciant le caractère dissuasif d’une amende à infliger en raison d’une violation desdites règles, la Commission n’est pas tenue de prendre en compte d’éventuelles sanctions infligées à l’encontre d’une entreprise en raison de violations des règles de concurrence d’États tiers.

38     Dès lors, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant, aux points 144 à 148 de l’arrêt attaqué, que la fixation du montant de l’amende infligée était conforme au droit.

39     Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen doit être écarté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen tiré de la fixation erronée du montant de base dans le cadre de la détermination du montant de l’amende infligée à la requérante

 Argumentation des parties

40     SGL Carbon estime que, dans le cadre du calcul de l’amende, le Tribunal a effectué une application erronée des critères de détermination du montant de base, ce qui constitue soit une violation du principe de l’égalité de traitement soit une erreur d’appréciation.

41     La requérante explique que le raisonnement suivi par le Tribunal à ce sujet est entaché d’erreurs sur trois aspects. Premièrement, le calcul effectué par le Tribunal, à l’intérieur d’une catégorie d’entreprises, dans le cadre duquel sont additionnés, dans un premier temps, des parts de marché et des chiffres d’affaires de divers opérateurs pour retenir, ensuite, un chiffre d’affaires ou une part de marché moyens ne serait pas justifié. Deuxièmement, les divergences entre les parts de marché constatées par le Tribunal seraient tellement importantes que ce dernier n’était pas fondé à considérer les entreprises visées de manière uniforme à l’intérieur d’une même catégorie. Troisièmement, pour les autres entreprises destinataires de la décision litigieuse, le Tribunal aurait qualifié de «raison impérative» les différences de parts de marché bien moins importantes justifiant l’imposition d’une amende plus graduelle et proportionnelle sans appliquer ces mêmes considérations à la requérante.

42     SGL Carbon en conclut qu’elle a été spécifiquement désavantagée par les appréciations faites par le Tribunal lors de la transposition mathématique des principes de calcul des amendes. Par conséquent, en raison de ces erreurs de calcul, l’amende confirmée par le Tribunal devrait être encore réduite de 5,1 à 12,2 millions d’euros supplémentaires, selon la méthode de calcul utilisée.

43     La Commission rappelle que, selon une jurisprudence constante, lors de la fixation du montant de l’amende, il existe un pouvoir discrétionnaire qui s’oppose à l’application d’une formule mathématique précise. Si, comme en l’espèce, une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il conviendrait d’apprécier l’importance relative de la participation de chacune d’elles à l’entente.

44     La Commission estime que le Tribunal a exercé correctement son contrôle juridictionnel à ce sujet, cela notamment au bénéfice de la requérante. Le Tribunal aurait en effet établi que la Commission, lorsqu’elle répartit les membres d’une entente en catégories, n’est pas tenue de se fonder exclusivement et mathématiquement sur le chiffre d’affaires de chaque entreprise. En particulier, la répartition des membres de l’entente en plusieurs catégories, qui a entraîné une forfaitisation du montant de base fixé pour les entreprises appartenant à une même catégorie, aurait été jugée conforme au droit par le Tribunal.

45     La Commission relève enfin que le principe d’égalité de traitement n’a pas non plus été violé par les constatations effectuées par le Tribunal sur la méthode de calcul des amendes.

 Appréciation de la Cour

46     Il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, points 240 à 243 et jurisprudence citée), la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode du calcul des amendes et qu’elle peut, dans ce cadre, tenir compte de multiples éléments, tout en respectant le plafond relatif au chiffre d’affaires énoncé à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

47     La Cour a également souligné que la méthode de calcul circonscrite par les lignes directrices comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 15 du règlement n° 17, telles qu’interprétées par la Cour (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 267).

48     Il appartient néanmoins à la Cour de vérifier si le Tribunal a apprécié correctement l’exercice, par la Commission, dudit pouvoir d’appréciation.

49     À cet égard, il convient de relever que le Tribunal a examiné de façon détaillée la question de savoir si les seuils quantitatifs séparant les trois catégories d’entreprises aux fins de la fixation des montants de base des amendes avaient été déterminés d’une manière cohérente et objective.

50     Ainsi qu’il a été expliqué par le Tribunal, aux points 217 à 219 de l’arrêt attaqué, en répartissant les entreprises ayant participé à l’entente en trois catégories et en fixant des montants de base différents, la Commission s’est fondée sur les chiffres d’affaires réalisés et les parts de marché atteintes par les membres de l’entente à travers les ventes du produit en question sur le marché mondial pendant la période visée par la décision litigieuse.

51     Le Tribunal a conclu, aux points 224 à 226 de l’arrêt attaqué, que le choix des montants de base, aboutissant à un montant de 40 millions d’euros pour les entreprises appartenant à la première catégorie, dans laquelle avait été classée SGL Carbon, n’était pas arbitraire et n’excédait pas le pouvoir discrétionnaire dont jouit la Commission en la matière.

52     Sur ce point, il importe de constater que, par son argumentation, la requérante cherche à contester le système de classement retenu par la Commission et entériné par le Tribunal, étant donné que, selon elle, toute différence entre les entreprises concernées dans le chiffre d’affaires ou dans la part de marché devrait se traduire en une catégorie distincte pour chaque entreprise participant à l’entente et, dès lors, en un montant de base différencié.

53     Cette argumentation ne saurait être accueillie.

54     Ainsi qu’il résulte des considérations du Tribunal relevées ci-dessus, ce dernier a vérifié si la Commission avait appliqué sa méthode de classement des entreprises ainsi que la fixation des seuils quantitatifs pour chaque catégorie de manière régulière et cohérente. Le Tribunal a également examiné si le regroupement d’entreprises, au sein d’une même catégorie, était suffisamment cohérent et objectif en comparaison avec les autres catégories.

55     Il y a lieu d’ajouter que le fait que d’autres membres de l’entente aient été classés, en fonction de circonstances propres à chacun d’entre eux, dans d’autres catégories ne saurait infirmer le bien-fondé des appréciations du Tribunal eu égard au classement de la requérante.

56     Il en résulte que la répartition en catégories effectuée par la Commission et entérinée par le Tribunal est également conforme au principe de l’égalité de traitement.

57     Dans ces conditions, l’arrêt attaqué est dépourvu d’erreurs de droit sur ce point.

58     Le deuxième moyen ne saurait donc être accueilli.

 Sur le troisième moyen tiré de l’augmentation de 25 % du montant de base

 Argumentation des parties

59     SGL Carbon considère que la majoration spécifique, confirmée par le Tribunal, du montant de base de 25 %, soit 15,5 millions d’euros, en raison des avertissements qu’elle aurait donnés à d’autres entreprises de l’imminence d’un contrôle de la Commission n’était pas justifiée. Les appréciations du Tribunal sur ce point seraient en effet entachées d’erreurs, car la requérante se serait vu reprocher certains faits non établis qui ne lui avaient jamais été reprochés auparavant ni dans la communication des griefs, ni dans la décision litigieuse.

60     SGL Carbon fait grief au Tribunal d’avoir mal apprécié les communications téléphoniques qu’elle avait effectuées, et ce pour trois raisons. En premier lieu, le Tribunal aurait méconnu le fait que le comportement de la requérante n’était pas interdit et qu’il n’aurait, de ce fait, pas dû être sanctionné, en raison du principe nulla poena sine lege. En deuxième lieu, le Tribunal aurait violé le principe in dubio pro reo en supposant l’existence de faits qui n’étaient étayés ni par des constatations de la Commission, ni par ses propres constatations. En troisième lieu, le Tribunal aurait violé le principe d’égalité de traitement.

61     La Commission fait valoir que les premier et troisième arguments de la requérante, à savoir la violation du principe nulla poena sine lege et la violation du principe de l’égalité de traitement, sont irrecevables, étant donné que ces griefs avaient déjà été soulevés en première instance et que SGL Carbon se borne à répéter, dans le cadre du pourvoi, les mêmes arguments. En toute hypothèse, les griefs avancés seraient dénués de fondement.

62     La Commission observe que l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal aurait présumé l’existence de motivations défavorables à SGL Carbon n’est pas pertinent. En effet, lors de la fixation du montant d’amendes, la Commission disposerait d’un pouvoir discrétionnaire sans être liée par une formule mathématique précise.

63     La Commission estime que, dans le cadre de son contrôle de l’exercice dudit pouvoir, le Tribunal a confirmé à bon droit que les avertissements effectués par la requérante avaient constitué une grave entrave à l’enquête et que, dans ce contexte, il n’aurait pas fallu s’interroger sur les motivations particulières du membre de l’entente auteur desdits avertissements.

 Appréciation de la Cour

64     Il y a lieu de rappeler que le Tribunal a, au point 312 de l’arrêt attaqué, constaté que le fait pour la requérante d’avoir averti d’autres entreprises de l’imminence des vérifications de la Commission pouvait être qualifié de circonstance aggravante et que, contrairement aux allégations de la requérante, il s’agissait là non pas d’une infraction spécifique et autonome aux règles communautaires de la concurrence, mais d’un comportement qui renforçait la gravité de l’infraction initiale. Le Tribunal a également, au même point de l’arrêt attaqué, constaté que, par ces avertissements adressés à d’autres entreprises, SGL Carbon visait, en effet, à dissimuler l’existence de l’entente et à la maintenir en fonction, ce qui a d’ailleurs été couronné de succès jusqu’en mars 1998.

65     Le Tribunal a, au point 313 de l’arrêt attaqué, précisé que la référence faite par la requérante à l’article 15, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 17 était sans pertinence, étant donné que cette disposition vise des obstructions en tant qu’infractions autonomes, indépendantes de l’existence d’une entente, alors que les avertissements donnés, en l’espèce, par SGL Carbon visaient à garantir la continuation d’une entente dont il est constant qu’elle constituait une infraction flagrante au droit communautaire de la concurrence.

66     Enfin, le Tribunal a, au point 315 de l’arrêt attaqué, noté que, en s’adressant à d’autres entreprises, ces avertissements allaient au-delà de la sphère purement interne à SGL Carbon et visaient à faire échouer l’enquête tout entière de la Commission, afin de garantir le prolongement de l’entente.

67     Il convient d’observer que, par les considérations susvisées, le Tribunal a effectué un certain nombre d’appréciations factuelles relatives au comportement de la requérante.

68     À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments qui lui ont été présentés, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour, dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêt du 29 avril 2004, Parlement/Ripa di Meana e.a., C-470/00 P, Rec. p. I-4167, point 40 et jurisprudence citée).

69     Quant à l’argument de la requérante tiré d’une prétendue violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, il importe de rappeler que le Tribunal a, aux points 309 et 310 de l’arrêt attaqué, jugé que la majoration de l’amende infligée à SGL Carbon pour avoir averti d’autres entreprises ne paraissait pas disproportionnée ou discriminatoire. Il a entériné la qualification effectuée par la Commission de ces avertissements en tant que comportement d’obstruction de SGL Carbon visant à dissimuler l’existence de l’entente et comme circonstance aggravante, justifiant une majoration de ladite amende.

70     Ces appréciations du Tribunal ne sont pas entachées d’erreur de droit.

71     En effet, il ressort de la jurisprudence (voir, notamment, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, points 240 à 242) que, tandis que le montant de base de l’amende est fixé en fonction de l’infraction, la gravité de celle-ci est déterminée par référence à de nombreux autres facteurs, pour lesquels la Commission dispose d’une marge d’appréciation. Le fait de prendre en compte des circonstances aggravantes, lors de la fixation de l’amende, est conforme à la mission de la Commission d’assurer la conformité aux règles de la concurrence.

72     Le troisième moyen doit donc être rejeté dans son ensemble.

Sur le quatrième moyen tiré de l’absence de prise en compte de la limite supérieure de la sanction telle qu’elle figure à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

 Argumentation des parties

73     SGL Carbon relève que le Tribunal a méconnu le fait que l’amende fixée par la Commission dépasse la limite supérieure de la sanction prévue à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Le raisonnement du Tribunal à cet égard serait en outre entaché d’un défaut de motivation.

74     En premier lieu, SGL Carbon allègue une erreur d’appréciation du Tribunal en ce qui concerne le chiffre d’affaires pris en considération pour le calcul des amendes. Le Tribunal aurait en effet laissé ouverte la question de savoir si la Commission devait se fonder sur les chiffres d’affaires de l’année 1999 ou sur ceux de l’année 2000.

75     En deuxième lieu, SGL Carbon fait grief au Tribunal d’avoir violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ainsi que le principe nulla poena sine lege. En effet, le Tribunal n’aurait pas tenu compte du fait que, en tant que disposition prévoyant une sanction, l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 est soumis au principe de légalité. Ce principe s’appliquerait tant pour les montants intermédiaires que pour le montant final de la sanction infligée.

76     En troisième lieu, la requérante soutient que le Tribunal a violé le principe de l’égalité de traitement. À cet égard, le Tribunal aurait lui-même constaté que la Commission pouvait prendre en considération une multitude d’éléments pour déterminer le montant final de l’amende. Toutefois, lorsque la Commission choisit une méthode déterminée de calcul, elle devrait appliquer cette méthode de manière cohérente et non discriminatoire.

77     Enfin, SGL Carbon allègue une violation de l’impératif de motivation prévu à l’article 253 CE. En effet, le Tribunal aurait méconnu l’obligation incombant à la Commission de présenter les raisons pour lesquelles elle n’a pas opéré une réduction de l’amende pour la requérante qui se trouvait dans une situation comparable à celle d’une autre entreprise. Contrairement à l’appréciation faite par le Tribunal, la motivation relative à la réduction de l’amende dont a bénéficié l’autre entreprise aurait dû figurer dans la décision litigieuse.

78     En réponse à l’ensemble des arguments formulés dans le cadre de ce moyen, la Commission fait valoir que le Tribunal a rejeté à juste titre les arguments qui soutiennent ledit moyen, lesquels, par ailleurs, avaient déjà été invoqués en première instance. En effet, ni le montant final de l’amende infligée par la Commission, ni celui tel que réduit par le Tribunal ne dépasseraient 10 % du chiffre d’affaires global de la requérante.

79     La Commission estime que le Tribunal a confirmé à bon droit la prise en compte du chiffre d’affaires réalisé avec les produits ayant fait l’objet de l’entente. Elle précise que ce chiffre avait été utilisé, parmi d’autres critères factuels, pour déterminer la capacité de la requérante d’influer, par l’intermédiaire de l’infraction commise, sur le marché des électrodes de graphite.

80     Quant à la nature du plafond prévu à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission relève que les chiffres d’affaires que réalisent aujourd’hui les grandes entreprises multinationales étant considérables, seul un plafond flexible, tenant compte de la taille de l’entreprise, permet de veiller à ce que les amendes infligées pour une infraction aux règles communautaires de concurrence exercent un effet dissuasif. En outre, la disposition susvisée serait suffisamment précise à cet égard, de sorte que les entreprises à qui elle s’applique puissent déterminer sans difficulté le montant de l’amende auquel elles peuvent s’attendre.

 Appréciation de la Cour

81     Il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 117 à 119, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 257), la limite maximale de 10 % visée à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 se rapporte au chiffre d’affaires global de l’entreprise concernée, en ce que seul cet élément donne une indication de l’importance et de l’influence d’une entreprise sur le marché.

82     En outre, il ressort de la jurisprudence (voir, notamment, arrêts précités Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, points 592 et 593, et Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 278) que le seul montant final de l’amende imposée doit respecter la limite susvisée. Par conséquent, l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 n’interdit pas à la Commission de parvenir, au cours des différentes étapes de calcul, à un montant intermédiaire supérieur à cette limite, pour autant que le montant final de l’amende imposée ne la dépasse pas.

83     S’agissant de la présente affaire, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort du point 367 de l’arrêt attaqué, le montant de l’amende infligée par la Commission est resté dans la limite maximale susvisée.

84     Quant à l’argumentation de la requérante relative à une violation, par le Tribunal, du principe d’égalité de traitement et de son obligation de motivation en ce qui concerne le montant de l’amende, il suffit de rappeler que, comme le Tribunal l’a relevé à juste titre aux points 367 à 370 de l’arrêt attaqué, la Commission est habilitée à déterminer ledit montant en fonction de nombreux éléments, notamment en tenant compte de la gravité et de la durée des infractions commises ainsi que des caractéristiques propres à chaque entreprise faisant partie d’une entente.

85     Il en résulte que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation relatif à la méthode de calcul des amendes, la Commission est amenée à effectuer des appréciations individuelles en vue de l’application de ladite méthode aux différentes entreprises.

86     Il découle dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Tribunal a jugé à bon droit que, aux fins de la fixation du montant de l’amende en cause, la position de la requérante n’était pas analogue à celle d’autres entreprises et que, partant, la Commission avait appliqué la méthode de calcul de l’amende litigieuse de façon cohérente et non discriminatoire.

87     Le quatrième moyen doit dès lors être écarté.

 Sur le cinquième moyen tiré d’une violation des droits de la défense

 Argumentation des parties

88     SGL Carbon soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la Commission avait accordé un accès suffisant au dossier.

89     La requérante souligne que les affirmations du Tribunal à cet égard sont contradictoires en ce que, d’une part, ce dernier a constaté que la Commission avait établi que les documents relatifs à la coopération des entreprises ne faisaient pas partie de son dossier interne, mais figuraient dans le dossier d’instruction auquel les entreprises avaient accès et, d’autre part, le Tribunal a exposé que les documents internes contenaient des informations qui étaient pertinentes pour la défense de la requérante, étant donné qu’elles concernaient la collaboration des entreprises et qu’elles avaient effectivement une incidence sur la détermination de l’amende.

90     D’après SGL Carbon, le Tribunal aurait également jugé à tort que le conseiller auditeur n’était tenu de communiquer au collège des membres de la Commission que les griefs pertinents pour l’appréciation de la légalité du déroulement de la procédure administrative, c’est-à-dire des griefs justifiés.

91     La Commission fait valoir que l’argumentation selon laquelle la requérante n’avait pas un accès suffisant au dossier est irrecevable, étant donné qu’elle ne porte pas sur un point de droit, mais sur des constatations factuelles effectuées par le Tribunal. Or, la Cour ne serait pas compétente pour examiner de telles constatations, ni examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces mêmes faits. En toute hypothèse, le moyen formulé serait dénué de fondement.

92     La Commission rappelle que la requérante a elle-même reconnu avoir participé à l’entente sur les électrodes de graphite, que le Tribunal a constaté que SGL Carbon avait été l’un des membres du cartel et que cette entreprise avait admis l’infraction. Non seulement la requérante n’aurait pas mis en cause les constatations effectuées par la Commission à cet égard dans la décision litigieuse, mais elle aurait aussi bénéficié des règles de la communication sur la coopération.

93     La Commission estime enfin que l’argument de la requérante relatif au rapport du conseiller auditeur doit être rejeté comme irrecevable, faute d’éléments nouveaux à ce sujet.

 Appréciation de la Cour

94     Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire qui doit être observé même s’il s’agit d’une procédure de caractère administratif (voir, notamment, arrêt du 2 octobre 2003, Thyssen Stahl/Commission, C-194/99 P, Rec. p. I-10821, point 30).

95     Quant à l’argumentation de la requérante relative à l’accès au dossier, il suffit d’observer que cette dernière ne soulève pas un point de droit, mais s’appuie sur des constatations de fait. Or, le Tribunal a, aux points 39 à 41 de l’arrêt attaqué, établi que la demande d’accès en question n’avait pas pour objet une liste ou un résumé non confidentiel de documents. En outre, les appréciations effectuées par le Tribunal, auxdits points de l’arrêt attaqué, relatives au traitement d’un certain nombre de documents au cours de la procédure administrative, ne sont pas entachées de contradictions.

96     En ce qui concerne l’argument de la requérante relatif au rapport final du conseiller auditeur, il suffit de noter que ce dernier, à l’époque pertinente, n’était pas tenu de vérifier si la classification de documents internes était ou non correcte et si la Commission était obligée d’accorder l’accès à son dossier interne ou de fournir une liste ou un résumé de documents confidentiels.

97     En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que la simple absence de communication d’un document ne constitue une violation des droits de la défense que si l’entreprise concernée peut démontrer, premièrement, que la Commission s’est basée sur ce document pour étayer son grief concernant l’existence d’une infraction et, deuxièmement, que ce grief ne pouvait être prouvé que par une référence audit document (voir, notamment, arrêts du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, points 24 à 30, et du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, points 7 à 9).

98     La Cour a précisé également à ce sujet qu’il appartient à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel est parvenue la Commission dans sa décision litigieuse aurait été différent si le document, qui n’avait pas été communiqué à ladite entreprise et sur lequel la Commission s’est basée pour constater l’infraction, avait été rejeté en tant qu’élément de preuve (voir arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, point 73).

99     Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les appréciations du Tribunal relatives au rapport du conseiller auditeur, figurant aux points 50 à 54 de l’arrêt attaqué, ne comportent pas d’erreur de droit non plus.

100   Le cinquième moyen doit dès lors être rejeté.

 Sur le sixième moyen tiré de l’absence de prise en considération de la capacité contributive de la requérante

 Argumentation des parties

101   SGL Carbon expose que le Tribunal, aux points 370 à 372 de l’arrêt attaqué, s’est abstenu de tenir compte du fait que la requérante a vu sa capacité contributive considérablement affaiblie par les amendes élevées infligées par d’autres autorités de régulation de la concurrence ainsi que par les dommages et intérêts importants qu’elle a dû verser dans des États tiers. Par conséquent, l’imposition d’une autre amende d’un montant considérable amènerait l’entreprise au bord de la faillite.

102   Selon la requérante, en entérinant l’approche de la Commission à ce sujet, le Tribunal aurait violé le principe de proportionnalité ainsi que la protection des droits d’une entreprise résultant de la liberté économique et de la propriété. Contrairement à l’appréciation faite par le Tribunal, la Commission aurait été obligée d’examiner et de prendre en considération la capacité contributive de la requérante.

103   La Commission estime avoir exercé de manière régulière le pouvoir discrétionnaire dont elle jouit pour déterminer le montant de l’amende et qu’il n’existait aucune raison pour réduire le montant de l’amende infligée.

104   La Commission ajoute que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit en jugeant qu’il n’avait pas d’obligation, lors de la détermination du montant de l’amende litigieuse, de tenir compte de la situation financière de l’entreprise concernée et de sa capacité contributive.

 Appréciation de la Cour

105   Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (voir arrêts du 8 novembre 1983, IAZ International Belgium e.a./Commission, 96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, points 54 et 55, ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 327).

106   Il convient d’observer également que cette jurisprudence n’est nullement remise en cause par le point 5, sous b), des lignes directrices, selon lequel la capacité contributive réelle d’une entreprise doit être prise en considération. En effet, cette capacité ne saurait jouer que dans un «contexte social particulier», constitué par les conséquences que le paiement de l’amende pourrait avoir, notamment sur le plan d’une augmentation du chômage ou d’une détérioration des secteurs économiques en amont et en aval de l’entreprise concernée.

107   Or, la requérante n’a produit aucun élément susceptible d’étayer l’existence d’un tel contexte.

108   En ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de la libre conduite des activités économiques et du droit à la propriété, il suffit de noter que ces principes sont soumis à des restrictions d’intérêt général et qu’ils ne sauraient entrer en ligne de compte dans le contexte de la fixation d’une amende pour une violation du droit communautaire de la concurrence.

109   Dans ces conditions, le Tribunal a justement considéré que la Commission n’avait commis aucune erreur de droit en rejetant le moyen tiré de la situation financière précaire de la requérante

110   Ce sixième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le septième moyen tiré de l’illégalité de la fixation des intérêts de retard

 Argumentation des parties

111   SGL Carbon considère que le Tribunal n’a pas examiné son argumentation concernant la fixation du taux d’intérêt de retard. L’arrêt attaqué serait, dès lors, incomplet et ne serait pas de nature à étayer le rejet du moyen avancé à ce sujet.

112   La Commission observe que le Tribunal a confirmé à bon droit la décision relative aux intérêts de retard et qu’il a motivé de manière circonstanciée son appréciation y relative. Le Tribunal aurait notamment fait référence à la jurisprudence constante concernant le pouvoir de la Commission de fixer de tels intérêts.

 Appréciation de la Cour

113   Il y a lieu de rappeler que le Tribunal, répondant au moyen soulevé, a fait référence, aux points 475 et 478 de l’arrêt attaqué, à la jurisprudence constante selon laquelle les pouvoirs accordés à la Commission en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 comprennent ceux de déterminer la date à laquelle les amendes sont payables et la date à partir de laquelle les intérêts commencent à courir ainsi que ceux de fixer le taux de tels intérêts et de déterminer les arrangements détaillés pour la mise en œuvre de sa décision.

114   En effet, en l’absence d’un tel pouvoir de la Commission, les entreprises pourraient être en mesure de tirer avantage de paiements tardifs, affaiblissant ainsi l’effet des sanctions.

115   Le Tribunal a, dès lors, considéré à juste titre que la Commission était en droit d’adopter un point de référence plus élevé que le taux du marché applicable, tel qu’offert à un emprunteur moyen, dans une mesure nécessaire pour décourager des comportements dilatoires en ce qui concerne le paiement de l’amende.

116   Le Tribunal a enfin conclu que la Commission n’avait pas outrepassé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a fixé le taux d’intérêt contesté.

117   Il convient d’observer que ces appréciations du Tribunal sont dépourvues de toute erreur de droit.

118   Le septième moyen doit donc être écarté.

119   Il résulte des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

120   Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de SGL Carbon et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      SGL Carbon AG est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.