Affaires jointes C-23/04 à C-25/04

Sfakianakis AEVE

contre

Elliniko Dimosio

(demandes de décision préjudicielle, introduites par

le Dioikitiko Protodikeio Athinon)

«Accord d'association CEE-Hongrie — Obligation d'assistance mutuelle des autorités douanières — Recouvrement a posteriori des droits à l'importation à la suite du retrait dans l'État d'exportation des certificats de circulation des produits importés»

Conclusions de l'avocat général M. P. Léger, présentées le 20 octobre 2005 

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 9 février 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Accords internationaux — Accords de la Communauté — Accord d'association CE-Hongrie

(Accord d'association CE-Hongrie, protocole nº 4, art. 31, § 2, 32 et 33)

2.     Accords internationaux — Accords de la Communauté — Accord d'association CE-Hongrie

(Accord d'association CE-Hongrie, protocole nº 4, art. 33)

1.     Les articles 31, paragraphe 2, et 32 du protocole nº 4 de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, tel que modifié par la décision nº 3/96 du Conseil d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, doivent être interprétés en ce sens que les autorités douanières de l'État d'importation ont l'obligation de tenir compte des décisions juridictionnelles rendues dans l'État d'exportation sur les recours formés à l'encontre des résultats du contrôle de la validité des certificats de circulation des marchandises effectué par les autorités douanières de l'État d'exportation, dès lors qu'elles ont été informées de l'existence de ces recours et du contenu de ces décisions, et ce indépendamment du fait que le contrôle de la validité des certificats de circulation a été effectué ou non à la demande des autorités douanières de l'État d'importation.

L'absence de saisine du comité d'association, conformément à l'article 33 du protocole nº 4, ne peut pas être utilisée comme justification pour déroger au système de coopération et au respect des compétences qui ressortent de l'accord d'association.

(cf. points 32, 52, 54, disp. 1, 3)

2.     L'effet utile de la suppression des droits de douane prévue dans l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, tel que modifié par la décision nº 3/96 du Conseil d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part, s'oppose aux décisions administratives imposant le paiement de droits de douane, majorés de taxes et d'amendes, prises par les autorités douanières de l'État d'importation avant que le résultat définitif des recours introduits à l'encontre des conclusions du contrôle a posteriori leur soit communiqué et alors que les décisions des autorités de l'État d'exportation délivrant initialement les certificats de circulation des marchandises EUR.1 n'ont pas été révoquées ou annulées.

L'absence de saisine du comité d'association, conformément à l'article 33 du protocole nº 4 de cet accord, ne saurait affecter cette interprétation.

(cf. points 43, 52, 54, disp. 2-3)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

9 février 2006 (*)

«Accord d’association CEE-Hongrie – Obligation d’assistance mutuelle des autorités douanières – Recouvrement a posteriori des droits à l’importation à la suite du retrait dans l’État d’exportation des certificats de circulation des produits importés»

Dans les affaires jointes C-23/04 à C-25/04,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduites par le Dioikitiko Protodikeio Athinon (Grèce), par décision du 30 septembre 2003, parvenues à la Cour le 26 janvier 2004, dans les procédures

Sfakianakis AEVE

contre

Elliniko Dimosio,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, M. J. Makarczyk, Mme R. Silva de Lapuerta (rapporteur), MM. P. Kūris et G. Arestis, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 8 septembre 2005,

considérant les observations présentées:

–       pour Sfakianakis AEVE, par Mes S. Maratos et G. Katrinakis, dikigori,

–       pour le gouvernement grec, par MM. M. Apessos et I. Bakopoulos, ainsi que Mme M. Tassopoulou, puis par ces deux derniers et M. S. Spyropoulos, en qualité d’agents,

–       pour le gouvernement hongrois, par Mme A. Müller et M. T. Számadó, en qualité d’agents,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par MM. X. Lewis et M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 20 octobre 2005,

rend le présent

Arrêt

1       Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Hongrie, d’autre part, conclu et approuvé par la décision du Conseil et de la Commission, du 13 décembre 1993 (JO L 347, p. 1, ci-après l’«accord d’association»), et plus particulièrement des articles 31, paragraphe 2, et 32 du protocole n° 4 de cet accord, tel que modifié par la décision nº 3/96 du Conseil d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Hongrie, d’autre part, du 28 décembre 1996 (JO 1997, L 92, p. 1, ci-après le «protocole»), ainsi que de l’article 220, paragraphe 2, du règlement (CEE) nº 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes communautaires»).

2       Ces demandes ont été présentées dans le cadre d’un litige opposant Sfakianakis AEVE (ci-après «Sfakianakis») à l’Elliniko Dimosio (État hellénique) au sujet d’impositions supplémentaires décidées à la suite d’un contrôle a posteriori de l’origine des véhicules importés en Grèce par ladite société.

 Le cadre juridique communautaire

3       L’article 16, paragraphe 1, du protocole dispose:

«Les produits originaires de la Communauté bénéficient des dispositions de l’accord à l’importation en Hongrie, de même que les produits originaires de Hongrie à l’importation dans la Communauté, sur présentation:

a)      soit d’un certificat de circulation des marchandises EUR.1 […];

[…]»

4       Aux termes de l’article 17 dudit protocole:

«1.      Le certificat de circulation des marchandises EUR.1 est délivré par les autorités douanières du pays d’exportation sur demande écrite établie par l’exportateur ou, sous la responsabilité de celui-ci, par son représentant habilité.

[…]

5.      Les autorités douanières délivrant des certificats EUR.1 prennent toutes les mesures nécessaires afin de contrôler le caractère originaire des produits et de vérifier si toutes les autres conditions prévues par le présent protocole sont remplies. À cette fin, elles sont autorisées à réclamer toutes pièces justificatives et à procéder à toute inspection de la comptabilité de l’exportateur ou à tout autre contrôle qu’elles jugent utile.

[…]»

5       L’article 31, paragraphe 2, du même protocole prévoit:

«Afin de garantir une application correcte du présent protocole, la Communauté et la Hongrie se prêtent mutuellement assistance, par l’entremise de leurs administrations douanières respectives, pour le contrôle de l’authenticité des certificats EUR.1 ou des déclarations sur facture et de l’exactitude des renseignements fournis dans lesdits documents.»

6       Par ailleurs, l’article 32 du protocole dispose:

«1.      Le contrôle a posteriori des preuves de l’origine est effectué par sondage ou chaque fois que les autorités douanières de l’État d’importation ont des doutes fondés en ce qui concerne l’authenticité de ces documents, le caractère originaire des produits concernés ou le respect des autres conditions prévues par le présent protocole.

[…]

3.      Le contrôle est effectué par les autorités douanières du pays d’exportation. À cet effet, elles sont habilitées à exiger toutes preuves et à effectuer tous contrôles des comptes de l’exportateur ou tout autre contrôle qu’elles estiment utile.

4.      Si les autorités douanières du pays d’importation décident de surseoir à l’octroi du traitement préférentiel au produit concerné dans l’attente des résultats du contrôle, elles offrent à l’importateur la mainlevée des produits, sous réserve des mesures conservatoires jugées nécessaires.

5.      Les autorités douanières sollicitant le contrôle sont informées dans les meilleurs délais de ses résultats. Ceux-ci doivent indiquer clairement si les documents sont authentiques et si les produits concernés peuvent être considérés comme des produits originaires de la Communauté, de Hongrie ou de l’un des autres pays visés à l’article 4, et remplissent les autres conditions prévues par le présent protocole.

6.      En cas de doutes fondés et en l’absence de réponse à l’expiration d’un délai de dix mois après la date de la demande de contrôle ou si la réponse ne comporte pas de renseignements suffisants pour déterminer l’authenticité du document en cause ou l’origine réelle des produits, les autorités douanières qui sollicitent le contrôle refusent le bénéfice des préférences sauf en cas de circonstances exceptionnelles.»

7       Aux termes de l’article 33 dudit protocole:

«Lorsque des litiges survenus à l’occasion des contrôles visés à l’article 32 ne peuvent pas être réglés entre les autorités douanières ayant sollicité le contrôle et les autorités douanières responsables de sa réalisation ou soulèvent une question d’interprétation du présent protocole, ils sont soumis au Comité d’association.

[…]»

8       L’article 220, paragraphe 2, du code des douanes communautaires est libellé de la manière suivante:

«Hormis les cas visés à l’article 217 paragraphe 1 deuxième et troisième alinéas, il n’est pas procédé à une prise en compte a posteriori, lorsque:

[…]

b)      le montant des droits légalement dus n’avait pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane;

[…]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

9       En 1995, Sfakianakis, représentante exclusive pour la Grèce du fabricant d’automobiles japonais Suzuki Motor Corporation, a importé de Hongrie un certain nombre de véhicules de la marque Suzuki. Ces importations ont été réalisées dans le cadre du régime douanier préférentiel, institué par l’accord d’association (ci-après le «régime préférentiel»), sur présentation de certificats de circulation EUR.1 attestant l’origine hongroise des produits. Dans un tel cadre, la requérante au principal a bénéficié des dispositions dudit régime.

10     Au cours des années 1996 à 1998, sur demande de l’unité de coordination de la lutte antifraude (UCLAF) de la Commission des Communautés européennes, les autorités hongroises compétentes ont effectué un contrôle a posteriori auprès de l’entreprise de fabrication hongroise Magyar Suzuki Corporation, afin de vérifier l’origine et la valeur des véhicules de cette société qui avaient été importés dans la Communauté du 31 décembre 1994 au 31 décembre 1997, en exemption de droits de douane et sous couvert de certificats de circulation EUR.1 hongrois. Dans le cadre de ce contrôle, l’UCLAF a demandé aux autorités grecques compétentes de lui faire parvenir tous les certificats d’origine, ainsi que les factures d’importation correspondantes, concernant les importations d’automobiles de marque Suzuki réalisées depuis la Hongrie au cours des années en question.

11     À la suite dudit contrôle, effectué en coopération avec une délégation communautaire, les autorités hongroises compétentes ont communiqué les résultats de celui-ci aux autorités douanières grecques par courrier en date du 3 novembre 1998. En annexe à ce courrier était jointe une liste de tous les documents que ces dernières autorités avaient transmis pour le contrôle a posteriori. Cette liste comprenait trois parties. La première contenait les éléments d’identification de tous les véhicules dont l’origine hongroise avait été retenue, tant par le fabricant que par les autorités hongroises de contrôle; la deuxième énumérait les véhicules dont lesdites autorités avaient retenu une origine étrangère, que le fabricant avait formellement reconnue; la troisième concernait les véhicules dont le statut avait fait l’objet d’une procédure judiciaire. S’agissant de cette troisième partie, dans laquelle figurent les véhicules dont l’imposition supplémentaire est en cause devant la juridiction de renvoi, les autorités hongroises de contrôle ont déclaré qu’elles ne pouvaient fournir d’informations relatives au résultat des procédures judiciaires engagées jusqu’à ce que celles-ci soient terminées; ces mêmes autorités ont demandé aux autorités grecques compétentes de faire preuve de patience avant de procéder au recouvrement des droits de douane en cause au principal. Enfin, elles ont informé les autorités grecques que les certificats de circulation EUR.1 qui concernaient exclusivement des véhicules d’origine non nationale avaient déjà été révoqués.

12     Par ailleurs, les autorités grecques ont reçu de l’UCLAF des listes récapitulant toutes les importations d’automobiles effectuées en Grèce depuis la Hongrie, et dans lesquelles étaient signalées les importations qui avaient bénéficié, à tort, du régime préférentiel.

13     Dans la mesure où, d’après les listes communiquées par l’UCLAF, les véhicules en cause dans les affaires au principal ne satisfaisaient pas aux conditions requises pour bénéficier du régime préférentiel, les autorités grecques ont procédé, par l’acte en cause devant la juridiction de renvoi, à l’imposition supplémentaire de droits de douane à l’importation, à l’application de la taxe sur la valeur ajoutée correspondant à ces droits de douane, ainsi qu’à la majoration prévue à l’article 33 du code des douanes grec.

14     Toutefois, saisie par le fabricant desdits véhicules, la justice hongroise a, de manière définitive, annulé les décisions prises par les autorités douanières hongroises lors du contrôle a posteriori de l’origine des véhicules exportés et a ordonné à ces mêmes autorités de reprendre la procédure de vérification des certificats EUR.1, conformément aux décisions judiciaires rendues.

15     Par lettre du 26 juillet 1999, les autorités hongroises compétentes ont informé la direction générale des douanes grecques de ces changements et lui ont fait parvenir une annexe désignant les véhicules pour lesquels la délivrance des certificats de circulation EUR.1 avait finalement été jugée illégale ainsi qu’une autre annexe énumérant les véhicules pour lesquels les certificats en cause avaient été délivrés légalement et au nombre desquels figuraient les véhicules de la requérante au principal. À la suite d’une telle information, le défendeur au principal n’a toutefois pris aucune autre décision.

16     Sfakianakis a introduit trois recours devant la juridiction de renvoi demandant l’annulation de la décision d’imposition supplémentaire prise par les autorités grecques. C’est dans le cadre de ces recours que le Dioikitiko Protodikeio Athinon (tribunal administratif de première instance d’Athènes) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Considérant que:

–       les autorités hongroises avaient informé officiellement les autorités douanières de l’État d’importation des résultats du contrôle initial qui a établi le caractère erroné de certains certificats d’exportation, en soulignant cependant que la question de la validité du contrôle faisait l’objet de procédures pendantes devant les juridictions hongroises,

–       les autorités hongroises ont transmis officiellement aux autorités douanières de l’État d’importation les résultats de ces procédures, soit les décisions des juridictions précitées, qui ont finalement confirmé l’exactitude d’un certain nombre des certificats,

l’obligation d’assistance mutuelle faite aux autorités douanières de l’État membre d’importation par l’article 31, paragraphe 2, du protocole […] impose-t-elle à ces autorités douanières de tenir compte des décisions de juridictions hongroises portant sur la validité des contrôles de l’exactitude du certificat d’exportation EUR.1 par les autorités de l’État d’exportation?

2)      L’article 32 du protocole […] signifie-t-il que les autorités douanières de l’État membre d’importation ont l’obligation de tenir compte des décisions de juridictions de l’État d’exportation, lesquelles annulent les résultats de contrôles ordonnés et effectués par les autorités hongroises après l’exportation, compte tenu du fait que:

–       les autorités de l’État d’importation ont été informées officiellement tant de la litispendance devant les juridictions hongroises que de l’issue des procédures correspondantes,

–       qu’elles n’ont jamais demandé elles-mêmes que le contrôle ait lieu?

3)      En cas de réponse affirmative à l’une des questions précédentes, l’effet utile de l’interdiction des droits de douane prévue par l’accord […] d’association […] exige-t-il d’interpréter les dispositions communautaires précitées comme s’opposant aux décisions administratives imposant un supplément de droits de douane, de taxes et d’amendes, décisions que les autorités nationales de l’État d’importation ont prises après avoir eu communication du résultat du contrôle par les autorités hongroises, mais avant l’annonce de la teneur des décisions de justice annulant les résultats de ce contrôle, attendu que, en fin de compte, les certificats EUR.1 délivrés étaient exacts?

4)      Par ailleurs, la réponse aux questions précédentes peut-elle être affectée par le fait que ni les autorités grecques ni les autorités hongroises n’ont demandé la réunion du comité d’association de l’article 33 du protocole […], afin qu’il se prononce sur l’affaire, ce qui tend à indiquer qu’aucune des deux administrations n’a considéré que le prononcé des jugements hongrois fût un objet de litige devant être soumis au verdict de ce [comité]?

5)      À titre subsidiaire, si la réponse aux questions précédentes est négative, c’est-à-dire si les autorités douanières grecques n’ont pas violé les dispositions communautaires précitées en imposant un surplus en droits de douane, TVA et amende, peut-on considérer que l’article 220, paragraphe 2, du code des douanes communautaire n’admet pas la prise en compte a posteriori de droits de douane à la charge de l’importateur, dès lors que l’on a affaire à une faute imputable aux autorités douanières de l’État d’importation ou d’exportation, compte tenu notamment du fait que les autorités douanières de l’État d’exportation disposaient de toutes les données relatives à l’origine des véhicules, sur la base desquelles le certificat EUR.1 n’aurait pas dû être délivré, ce qui aurait permis aux autorités douanières de l’État d’importation d’imposer d’emblée les droits de douane légalement dus?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur les deux premières questions

17     Par ses deux premières questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’accord d’association et les articles 31, paragraphe 2, et 32 du protocole doivent être interprétés en ce sens que les autorités douanières de l’État d’importation ont l’obligation de tenir compte des décisions juridictionnelles rendues dans l’État d’exportation sur les recours formés contre les résultats du contrôle de la validité des certificats de circulation des marchandises effectué par les autorités douanières de l’État d’exportation, compte tenu du fait que ces autorités de l’État d’importation ont été informées de l’existence desdits recours ainsi que du contenu de ces décisions et qu’elles ne sont pas elles-mêmes à l’origine de la demande du contrôle.

18     Dans leurs observations, la requérante au principal, le gouvernement hongrois et la Commission soutiennent que les autorités douanières de l’État d’importation doivent tenir compte de la position finale de l’État d’exportation, même si cette position est le fruit d’une action simultanée des organes des pouvoirs exécutif et judiciaire, et notamment lorsque les autorités de l’État d’exportation ont fourni des informations sur les procédures en cours. Ils invoquent, à cet égard, le mécanisme de coopération administrative instauré par le protocole qui est fondé sur le principe de la compétence générale et exclusive des autorités douanières de l’État d’exportation pour apprécier le caractère originaire des produits afin de bénéficier du régime préférentiel.

19     En revanche, le gouvernement grec indique que ce sont les autorités douanières, et non l’autorité judiciaire, de l’État d’exportation qui sont compétentes pour exercer a posteriori le contrôle des certificats d’origine. Cette prémisse établie, et compte tenu de l’impératif selon lequel le contrôle doit être achevé le plus tôt possible, ce serait à juste titre que, dans les affaires au principal, l’administration hongroise a révoqué les certificats EUR.1 par des décisions devenues définitives. Dans un tel cas de figure, rien dans le protocole n’obligerait les autorités douanières de l’État d’importation à constater l’exactitude des résultats du contrôle ou l’origine réelle de la marchandise ni, a fortiori, à attendre l’issue d’une procédure judiciaire dont le résultat ne concernerait pas les dispositions du protocole relatives à la coopération administrative.

20     La position ainsi exposée par le gouvernement grec ne peut toutefois pas être retenue.

21     Comme l’a relevé M. l’avocat général au point 31 de ses conclusions, le système de coopération administrative prévu dans le protocole repose à la fois sur une répartition des tâches et sur une confiance mutuelle entre les autorités de l’État membre concerné et celles de la République de Hongrie.

22     Dans cette répartition, le protocole attribue les compétences du contrôle du caractère originaire des produits provenant de Hongrie aux autorités douanières de cet État. Ainsi, l’article 17, paragraphes 4 et 5, du protocole établit l’obligation pour les autorités douanières délivrant des certificats EUR.1 de prendre toutes les mesures nécessaires afin de contrôler le caractère originaire des produits. En outre, selon l’article 32, paragraphe 3, du même protocole, le contrôle a posteriori des preuves de l’origine est effectué par les autorités douanières de l’État d’exportation, qui sont habilitées, à cet effet, à exiger toutes les preuves et à effectuer tous les contrôles qu’elles estiment utiles.

23     Ainsi que la Cour l’a jugé à propos de protocoles relatifs à la définition de la notion de «produits originaires» et à des méthodes de coopération administrative comparables à celles du protocole, une telle répartition de tâches se justifie par le fait que les autorités de l’État d’exportation sont les mieux placées pour vérifier directement les faits qui conditionnent l’origine du produit concerné. Ce système ne peut donc fonctionner que si l’administration douanière de l’État d’importation reconnaît les appréciations portées légalement par les autorités de l’État d’exportation (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 1984, Les Rapides Savoyards e.a., 218/83, Rec. p. 3105, points 26 et 27).

24     Cet impératif de reconnaissance n’est assuré que si les autorités de l’État d’importation respectent et acceptent également les décisions juridictionnelles rendues sur les recours formés à l’encontre des résultats initiaux du contrôle a posteriori de l’origine des marchandises.

25     En effet, l’accord d’association vise à garantir que les marchandises qui remplissent les conditions pour pouvoir être considérées comme étant originaires de Hongrie ou d’un État membre soient importées dans la Communauté ou en Hongrie en bénéficiant du régime préférentiel. Ceci implique que les autorités douanières de l’État d’importation doivent prendre en considération les résultats du contrôle de l’origine des marchandises réalisé par la voie juridictionnelle pour garantir que toutes les marchandises qui remplissent les conditions requises quant à leur origine, et uniquement ces marchandises, bénéficient du régime préférentiel.

26     Il y a donc lieu de considérer que la garantie d’une application correcte du protocole impose que l’obligation de reconnaissance mutuelle des décisions prises par les autorités des États concernés s’agissant du caractère originaire de certains produits s’étende nécessairement aux décisions rendues par les juridictions de chaque État dans le cadre de leur fonction de contrôle de la légalité des décisions des autorités douanières.

27     Par ailleurs, le fait de refuser de prendre en considération les décisions rendues, comme dans les affaires au principal, par les juridictions nationales statuant dans le cadre de leur fonction de contrôle de la légalité des décisions administratives est contraire au droit de l’exportateur à un recours juridictionnel effectif.

28     Comme la Cour l’a déjà jugé à plusieurs reprises, le droit à un recours effectif devant un juge constitue un principe général de droit communautaire qui se trouve à la base des traditions constitutionnelles communes aux États membres (voir, en ce sens, arrêt du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, point 18). L’accord d’association faisant partie intégrante de l’ordre juridique communautaire, il appartient donc aux autorités compétentes des États membres, s’agissant de l’application du régime douanier que cet accord prévoit, de respecter le droit à un recours juridictionnel effectif (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 1987, Demirel, 12/86, Rec. p. 3719, points 7 et 28).

29     Quant à la circonstance décrite au premier tiret de la première question, il convient de signaler que, les autorités grecques ayant été informées officiellement de l’existence de procédures judiciaires dont le résultat pourrait aboutir à une constatation de l’irrégularité des contrôles effectués a posteriori par les autorités douanières hongroises, elles ne pouvaient pas ignorer que les certificats EUR.1 en cause n’avaient pas été définitivement révoqués.

30     Enfin, il y a lieu de relever que la circonstance décrite au second tiret de la deuxième question selon laquelle les autorités grecques n’étaient pas elles-mêmes à l’origine de la demande du contrôle n’affecte en rien l’obligation des autorités de l’État d’importation de se soumettre au résultat final dudit contrôle.

31     À cet égard, il ressort de l’article 32, paragraphe 1, du protocole que le contrôle a posteriori peut être effectué par les autorités compétentes de l’État d’exportation de leur propre chef ou à la demande des autorités de l’État d’importation. Ce contrôle peut également, comme dans l’affaire au principal, être réalisé à la demande des services de la Commission, à laquelle, conformément à l’article 211 CE, il incombe de veiller à la bonne application de l’accord d’association et de ses protocoles (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2002, Ilumitrónica, C‑251/00, Rec. p. I‑10433, point 60).

32     Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre aux deux premières questions que les articles 31, paragraphe 2, et 32 du protocole doivent être interprétés en ce sens que les autorités douanières de l’État d’importation ont l’obligation de tenir compte des décisions juridictionnelles rendues dans l’État d’exportation sur les recours formés à l’encontre des résultats du contrôle de la validité des certificats de circulation des marchandises effectué par les autorités douanières de l’État d’exportation, dès lors qu’elles ont été informées de l’existence de ces recours et du contenu de ces décisions, et ce indépendamment du fait que le contrôle de la validité des certificats de circulation a été effectué ou non à la demande des autorités douanières de l’État d’importation.

 Sur la troisième question

33     Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’effet utile de la suppression des droits de douane prévue par l’accord d’association s’oppose aux décisions administratives imposant le paiement de droits de douane, majorés de taxes et d’amendes, prises par les autorités douanières de l’État d’importation avant que le résultat définitif des recours introduits à l’encontre des conclusions du contrôle a posteriori leur soit communiqué.

34     Selon la requérante au principal, le gouvernement hongrois et la Commission, il découle des réponses apportées aux deux premières questions que les autorités de l’État d’importation sont tenues de prendre en considération le résultat des procédures menées par les autorités de l’État d’exportation, sans qu’elles puissent le modifier unilatéralement. Les dispositions applicables devraient donc être interprétées en ce sens qu’elles n’autorisent pas les autorités de l’État d’importation à adopter des actes administratifs qui imposent des droits de douane ou des taxes supplémentaires avant la clôture définitive de la procédure relative au contrôle a posteriori.

35     Ayant répondu par la négative aux deux premières questions, le gouvernement grec n’apporte pas de réponse à la troisième question posée.

36     Afin d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient de reprendre les prémisses exposées aux points 21 à 24 du présent arrêt. Conformément à ces prémisses, la compétence s’agissant de la détermination de l’origine des produits en provenance de Hongrie, est attribuée, en principe, aux autorités douanières de cet État, l’administration douanière de l’État d’importation étant liée par les appréciations portées légalement par lesdites autorités (voir, en ce sens, arrêt Les Rapides Savoyards e.a., précité, points 26 et 27).

37     Une première conséquence à tirer de ces prémisses est qu’il appartient aux autorités douanières de l’État d’exportation d’accorder la délivrance des certificats EUR.1, attestant l’origine hongroise des produits fabriqués en Hongrie. Dans le même temps, les autorités de l’État d’importation doivent accepter la validité de tels certificats.

38     Aux seules conditions prévues à l’article 32, paragraphe 6, du protocole, c’est-à-dire en cas de doutes fondés et en l’absence de réponse à l’expiration d’un délai de dix mois après la date de la demande de contrôle ou si la réponse ne comporte pas de renseignements suffisants, les autorités douanières qui ont sollicité le contrôle a posteriori peuvent refuser le bénéfice du régime préférentiel. En dehors de ces conditions, le protocole ne prévoit pas la possibilité pour un État contractant de révoquer unilatéralement les certificats émis par les autorités douanières d’un autre État contractant.

39     Il s’ensuit que les certificats régulièrement délivrés par les autorités de l’État d’exportation restent valides et produisent les effets prévus par le protocole, tant qu’ils n’ont pas été révoqués ou annulés par les autorités compétentes, administratives ou judiciaires dudit État.

40     Dans les affaires au principal, il ne ressort pas des informations fournies par la juridiction de renvoi que les autorités hongroises auraient procédé à une telle révocation qui aurait permis aux autorités grecques de suspendre l’application du régime préférentiel aux produits en cause.

41     En effet, les autorités douanières hongroises ont, en date du 3 novembre 1998, adressé un courrier aux autorités douanières grecques, dans lequel elles indiquaient l’existence de litiges en cours s’agissant des certificats à l’origine des affaires au principal, en signalant notamment que seuls des certificats EUR.1 concernant des véhicules, dont l’origine étrangère avait été formellement reconnue par le fabricant, avaient fait l’objet d’une révocation. Toutefois, il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier si les autorités grecques disposaient des renseignements suffisants pour considérer que les certificats EUR.1 en cause n’avaient pas été révoqués et restaient, par conséquent, en vigueur.

42     Par ailleurs, la protection efficace des intérêts financiers de la Communauté est garantie par l’article 32, paragraphe 4, du protocole, qui permet aux autorités douanières de l’État d’importation d’adopter les mesures conservatoires jugées nécessaires lors de la mainlevée du produit, au cas où elles décident de surseoir à l’octroi du traitement préférentiel au produit concerné dans l’attente des résultats du contrôle.

43     Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’effet utile de la suppression des droits de douane prévue dans l’accord d’association s’oppose aux décisions administratives imposant le paiement de droits de douane, majorés de taxes et d’amendes, prises par les autorités douanières de l’État d’importation avant que le résultat définitif des recours introduits à l’encontre des conclusions du contrôle a posteriori leur soit communiqué et alors que les décisions des autorités de l’État d’exportation délivrant initialement les certificats EUR.1 n’ont pas été révoquées ou annulées.

 Sur la quatrième question

44     Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la réponse aux trois premières questions peut être affectée par le fait que ni les autorités douanières grecques ni les autorités douanières hongroises n’ont demandé la réunion du comité d’association visé à l’article 33 du protocole.

45     Dans ses observations, la requérante au principal indique que la possibilité d’entamer une procédure de règlement des litiges prévue par le protocole est soumise à la condition d’avoir des doutes «fondés» et que soit exclu tout règlement «amiable» du litige avec les autorités douanières compétentes de l’État d’exportation. Ladite requérante émet des doutes sur le fait qu’il puisse subsister une quelconque marge d’appréciation pour soulever une opposition «fondée» lorsque la question a été résolue par des décisions définitives et irrévocables des juridictions compétentes de l’État d’exportation.

46     Le gouvernement grec considère, quant à lui, que les autorités douanières grecques et hongroises compétentes n’ont eu aucune divergence d’appréciation susceptible d’être portée devant le comité d’association.

47     Selon la Commission, le fait que ni l’administration de l’État d’importation ni celle de l’État d’exportation n’ont entamé la procédure prévue à l’article 33 du protocole pour régler leurs différends n’affecte en rien la réponse apportée aux trois premières questions, la réunion du comité d’association n’étant qu’une possibilité donnée aux autorités douanières compétentes.

48     Le gouvernement hongrois soutient que, même si le comité d’association n’a pas été saisi d’une question relative à la décision de la juridiction hongroise et à la mise en œuvre des décisions adoptées dans le cadre de la nouvelle procédure ouverte à la suite de ladite décision juridictionnelle, le pouvoir de ce comité de régler les litiges ne peut pas avoir pour conséquence de limiter les droits fondamentaux de la personne concernée dans les affaires au principal, notamment le droit à un recours effectif devant la justice.

49     À cet égard, il convient de souligner au préalable que le protocole se fonde sur un système de coopération administrative qui repose à la fois sur une répartition des tâches et sur une confiance mutuelle entre les États concernés. Selon ce système, et sous réserve de l’hypothèse visée à l’article 32, paragraphe 6, du protocole, les autorités douanières de l’État d’importation ne peuvent pas de manière unilatérale déclarer invalide un certificat EUR.1 délivré régulièrement par les autorités douanières de l’État d’exportation. De même, en cas de contrôle effectué a posteriori, ces mêmes autorités sont liées par les résultats d’un tel contrôle.

50     D’ailleurs, selon l’article 33 du protocole, si les autorités douanières de l’État d’importation se trouvent en désaccord avec les autorités douanières de l’État d’exportation dans le cadre dudit contrôle, elles doivent chercher une solution amiable avec ces dernières. En cas d’impossibilité d’un règlement amiable, elles doivent alors soumettre le différend au comité d’association.

51     Ces dispositions tendent à renforcer les mécanismes de coopération entre les États contractants et donc à assurer que les compétences propres de chaque État quant au contrôle du caractère originaire des produits soient dûment respectées.

52     Dans cette perspective, l’absence de saisine du comité d’association ne peut pas être utilisée comme justification pour déroger au système de coopération et au respect des compétences qui ressortent de l’accord d’association.

53     En outre, il ressort des observations soumises à la Cour que les autorités grecques n’ont pas contesté les résultats de la procédure de contrôle auprès des autorités hongroises ou à l’occasion d’une réunion du comité d’association et que, par suite, il n’existait aucun litige de nature à donner lieu à une saisine dudit comité.

54     Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que la réponse aux trois premières questions posées ne peut pas être affectée par le fait que ni les autorités douanières grecques ni les autorités douanières hongroises n’ont demandé la réunion du comité d’association conformément à l’article 33 du protocole.

 Sur la cinquième question

55     La cinquième question n’est posée qu’en cas de réponse négative aux deux premières. Dans la mesure où celles-ci ont reçu une réponse affirmative, il n’y a pas lieu d’examiner cette cinquième question.

 Sur les dépens

56     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

1)      Les articles 31, paragraphe 2, et 32 du protocole n° 4 de l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Hongrie, d’autre part, tel que modifié par la décision n° 3/96 du Conseil d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Hongrie, d’autre part, du 28 décembre 1996, doivent être interprétés en ce sens que les autorités douanières de l’État d’importation ont l’obligation de tenir compte des décisions juridictionnelles rendues dans l’État d’exportation sur les recours formés à l’encontre des résultats du contrôle de la validité des certificats de circulation des marchandises effectué par les autorités douanières de l’État d’exportation, dès lors qu’elles ont été informées de l’existence de ces recours et du contenu de ces décisions, et ce indépendamment du fait que le contrôle de la validité des certificats de circulation a été effectué ou non à la demande des autorités douanières de l’État d’importation.

2)      L’effet utile de la suppression des droits de douane prévue dans l’accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République de Hongrie, d’autre part, conclu et approuvé par la décision du Conseil et de la Commission, du 13 décembre 1993, s’oppose aux décisions administratives imposant le paiement de droits de douane, majorés de taxes et d’amendes, prises par les autorités douanières de l’État d’importation avant que le résultat définitif des recours introduits à l’encontre des conclusions du contrôle a posteriori leur soit communiqué et alors que les décisions des autorités de l’État d’exportation délivrant initialement les certificats EUR.1 n’ont pas été révoquées ou annulées.

3)      La réponse aux trois premières questions ne peut pas être affectée par le fait que ni les autorités douanières grecques ni les autorités douanières hongroises n’ont demandé la réunion du comité d’association conformément à l’article 33 dudit protocole n° 4, tel que modifié par la décision n° 3/96.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.