CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
Mme juliane Kokott
présentées le 6 octobre 2005 (1)
Affaire C-311/04
Algemene Scheeps Agentuur Dordrecht BV
contre
Inspecteur der Belastingdienst - Douanedistrict Rotterdam
[demande de décision préjudicielle formée par le Gerechtshof te Amsterdam (Pays-Bas)]
«Tarif douanier commun – Positions tarifaires – Riz semi-blanchi – Validité de la note complémentaire 1, sous f), du chapitre 10 du tarif douanier commun»
I – Introduction
1. Le Gerechtshof te Amsterdam (Pays‑Bas) ci-après la «juridiction de renvoi») interroge la Cour au sujet de la validité de la note complémentaire 1 du chapitre 10 de la nomenclature combinée et lui demande d’interpréter la notion de bonne foi inscrite à l’article 220, paragraphe 2, sous b), quatrième alinéa, du code des douanes de la Communauté.
2. Ces questions se posent à la juridiction de renvoi dans le cadre d’un litige entre l’Algemene Scheeps Agentuur Dordrecht BV (ci‑après «ASAD») et l’Inspecteur van de Belastingdienst (ci-après l’«Inspecteur»). ASAD a importé dans la Communauté du riz qui a été déclaré comme «semi-blanchi» et a ainsi bénéficié d’une exonération de droits de douane. L’Inspecteur a toutefois finalement classé le riz comme «décortiqué» et délivré une injonction de payer, qu’ASAD attaque dans la procédure au principal.
3. La juridiction de renvoi estime que la validité de la note complémentaire 1 du chapitre 10 du tarif douanier commun est sujette à caution au motif qu’elle pourrait fixer des conditions supplémentaires et conflictuelles par rapport aux règles que prévoit le système harmonisé pour le classement du riz comme décortiqué ou comme semi-blanchi. Au cas où la note complémentaire serait néanmoins valide, la question se pose de savoir, selon la juridiction de renvoi, si ces doutes fondés quant à la validité permettent de considérer le débiteur comme étant de bonne foi au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), quatrième alinéa, du code des douanes, ce qui l’exonérerait de l’obligation d’acquitter une dette douanière imposée a posteriori.
II – Le cadre juridique
4. Le cadre juridique de l’affaire est constitué par le système harmonisé, le tarif douanier commun et le code des douanes de la Communauté.
A – Droit international: le système harmonisé
5. Le système harmonisé (ci-après le «SH») a été établi en tant que convention internationale dans le cadre de l’Organisation mondiale des douanes (OMD). Il s’agit d’une nomenclature multifonctionnelle susceptible de viser l’ensemble des marchandises faisant l’objet du commerce international (2).
6. L’article 3, paragraphe l, du SH se lit comme suit (extraits):
«3. Obligation des parties contractantes
1. Sous réserve des exceptions mentionnées à l’article 4:
a) chaque partie contractante s’engage […] à ce que […] ses nomenclatures tarifaires […] soient conformes au système harmonisé. Elle s’engage donc, pour l’établissement de ses nomenclatures tarifaires […]:
1. à utiliser toutes les positions et sous-positions du système harmonisé, sans adjonction ni modification, ainsi que les codes numériques y afférents;
2. à appliquer les règles générales pour l’interprétation du système harmonisé ainsi que toutes les notes de sections, de chapitres et de sous-positions et à ne pas modifier la portée des sections, des chapitres, des positions ou des sous-positions du système harmonisé;
3. à suivre l’ordre de numérotation du système harmonisé».
7. Dans sa deuxième partie, section II, chapitre 10, sous la position 1006, le SH prévoit, dans sa version anglaise faisant foi, les sous-positions suivantes:
«10.06 - RICE.
1006.10 - Rice in the husk (paddy or rough)
1006.20 - Husked (brown) rice
1006.30 - Semi-milled or wholly milled rice, whether or not polished or glazed
1006.40 - Broken Rice».
8. La version française, qui fait également foi, se lit comme suit:
«10.06 - RIZ
1006.10 - Riz en paille (riz paddy)
1006.20 - Riz décortiqué (riz cargo ou riz brun)
1006.30 - Riz semi-blanchi ou blanchi, même poli ou glacé [...]
1006.40 - Riz en brisures».
9. L’OMD publie des notes explicatives sur le SH. Dans leur version anglaise, celles-ci posent notamment les définitions suivantes au sujet de la position 1006:
«(1) Rice in the husk (paddy or rough rice), that is to say, rice grain still tightly enveloped by the husk.
(2) Husked (brown) rice (cargo rice) which, although the husk has been removed […] is still enclosed in the pericarp. […]
(3) Semi-milled rice, that is to say, whole rice grains from which the pericarp has been partly removed.
(4) Wholly milled rice (bleached rice), whole rice grains from which the pericarp has been removed […]
(5) Broken rice, i.e., rice broken during processing.»
10. La version française de ces notes explicatives se lit comme suit:
«1) Le riz en paille (riz paddy ou riz vêtu), c’est-à-dire le riz dont les grains sont encore revêtus de leur balle florale qui les enveloppe très étroitement.
2) Le riz décortiqué (riz cargo ou riz brun) qui, dépouillé des balles florales […] conserve encore sa pellicule propre (péricarpe). […]
3) Le riz semi-blanchi, à savoir, le riz en grains entiers dont le péricarpe a été partiellement enlevé.
4) Le riz blanchi, riz en grains entiers dont on a enlevé le péricarpe […]
5) Les brisures de riz, consistant en grains brisés au cours des opérations antérieures.»
B – Le droit communautaire
1. Le tarif douanier commun
11. Le tarif douanier commun repose sur le SH. Il doit également permettre d’englober dans sa «nomenclature combinée» (ci-après la «NC») l’ensemble des marchandises entrant dans le commerce international. Le tarif douanier commun a repris la structure du SH dans la NC, mais comporte une subdivision supplémentaire à des fins tarifaires et statistiques de la Communauté. Le SH sert notamment de base aux positions (les quatre premiers chiffres) et aux premières sous-positions, jusqu’au sixième chiffre du tarif douanier. Les autres subdivisions reposent exclusivement sur le droit communautaire dérivé.
12. À l’époque des faits, dans sa deuxième partie (tarif des droits), section II (produits du règne végétal), chapitre 10 (céréales), sous la position 1006, la NC mentionnait entre autres les sous-positions suivantes:
«1006 Riz:
1006 10 - Riz en paille (riz paddy):
[…]
1006 20 - Riz décortiqué (‘riz cargo’ ou ‘riz brun’):
-- étuvé
-- autre:
[…]
--- à grains longs:
[…]
1006 20 98 ---- présentant un rapport longueur/largeur égal ou supérieur à 3
1006 30 - Riz semi-blanchi ou blanchi, même poli ou glacé:
-- Riz semi-blanchi:
[…]
--- autre:
[…]
---- à grains longs:
[…]
1006 30 48 ----- présentant un rapport longueur/largeur égal ou supérieur à 3
-- Riz blanchi:
[…]
1006 40 00 - Riz en brisures».
13. La note complémentaire 1 du chapitre 10 de la NC (ci-après la «note complémentaire 1») posait notamment les définitions suivantes:
«1. Sont considérés comme:
[…]
d) ‘riz paddy’, au sens des sous-positions 1006 10 […]le riz muni de sa balle après battage;
e) ‘riz décortiqué’, au sens des sous-positions 1006 20 […] le riz dont la balle seule a été éliminée. Sont notamment compris sous cette dénomination les riz désignés sous les appellations commerciales de ‘riz brun’, ‘riz cargo’ […];
f) ‘riz semi-blanchi’, au sens des sous-positions 1006 30 […] le riz dont on a éliminé la balle, une partie du germe et tout ou partie des couches extérieures du péricarpe mais non les couches intérieures;
g) ‘riz blanchi’, au sens des sous-positions 1006 30 […] le riz dont la balle, la totalité des couches extérieures et intérieures du péricarpe, la totalité du germe dans le cas du riz à grains longs […]ont été éliminées;
h) ‘brisures’, au sens du n° 1006 40, les fragments de grains dont la longueur est égale ou inférieure aux trois quarts de la longueur moyenne du grain entier.»
2. Le code des douanes de la Communauté
14. Le code des douanes de la Communauté rassemble le droit douanier général, non tarifaire, et régit le mode de perception des droits. Outre des dispositions générales et de procédure, il comprend également le droit des dettes douanières. L’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes de la Communauté fait partie du droit des dettes douanières et dispose, depuis le 19 décembre 2000, que (extraits) (3):
«Hormis les cas visés à l’article 217 paragraphe 1 deuxième et troisième alinéas, il n’est pas procédé à une prise en compte a posteriori, lorsque […]:
b) le montant des droits légalement dus n’avait pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.
Lorsque le statut préférentiel d’une marchandise est établi sur la base d’un système de coopération administrative impliquant les autorités d’un pays tiers, la délivrance d’un certificat par ces autorités, s’il se révèle incorrect, constitue une erreur qui n’était pas raisonnablement décelable au sens du premier alinéa.
Toutefois, la délivrance d’un certificat incorrect ne constitue pas une erreur lorsque le certificat a été établi sur la base d’une présentation incorrecte des faits par l’exportateur, sauf si, notamment, il est évident que les autorités de délivrance du certificat savaient ou auraient dû savoir que les marchandises ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel.
La bonne foi du redevable peut être invoquée lorsqu’il peut démontrer que, pendant la période des opérations commerciales concernées, il a fait diligence pour s’assurer que toutes les conditions pour le traitement préférentiel ont été respectées.
Le redevable ne peut toutefois pas invoquer la bonne foi lorsque la Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes un avis signalant des doutes fondés en ce qui concerne la bonne application du régime préférentiel par le pays bénéficiaire».
III – Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles
15. Le 10 août 2001, la société ASAD, le commissionnaire en douane, a présenté une déclaration pour la mise en libre circulation de 1 134 500 kg de riz. Dans la déclaration en douane, elle a désigné le riz comme «semi-blanchi à grains longs dont le rapport longueur/largeur est égal ou supérieur à 3» et l’a classé dans la position tarifaire 1006 30 48 00 de la NC. ASAD a mentionné Aruba comme pays d’origine et fait valoir une préférence tarifaire applicable au riz relevant de la position 1006 30 48 00 et provenant d’Aruba.
16. Pour justifier de l’origine, ASAD a produit trois certificats de circulation EUR.1, dont deux étaient visés par les autorités compétentes d’Aruba. Les certificats EUR.1 comportaient la désignation suivante: «cargo rice of ACP origin Guyana which had been processed in Aruba, in accordance with the provisions and annex II of the EEG Council’s decision 1991 No. 91/482/EEG».
17. À la suite de la déclaration, les autorités douanières compétentes ont prélevé des échantillons dont le laboratoire de la douane a analysé la nature et la composition. Le 17 août 2001, l’Inspecteur a informé ASAD que la vérification de la déclaration était suspendue jusqu’à réception des résultats de l’analyse. En annexe à cette «communication de la suspension des vérifications» figurait une injonction de payer dont le montant était égal à zéro.
18. De l’analyse d’un premier échantillon, il est ressorti que celui-ci était constitué de quelque 2/3 de riz décortiqué et d’environ 1/3 de riz semi-blanchi. L’analyse d’un second échantillon a montré que celui-ci se composait pour plus de la moitié de riz décortiqué et, pour le reste, de riz semi-blanchi et de traces de riz paddy. Les deux analyses ont été effectuées en appliquant des instructions qui étaient fondées sur la note complémentaire litigieuse 1 et qui, sous l’intitulé «distinguer le riz décortiqué, semi-blanchi et blanchi au moyen de la microscopie», posaient notamment les définitions suivantes:
«Riz décortiqué: le riz dont la balle seule a été éliminée;
Riz semi-blanchi: le riz dont on a éliminé la balle, une partie du germe et au moins une partie du péricarpe».
19. Compte tenu de ces résultats, le laboratoire de la douane a dans les deux cas recommandé à l’Inspecteur de classer le riz sous la position tarifaire 1006 20 98 de la NC («riz décortiqué»). Le 27 novembre 2001, l’Inspecteur a suivi la recommandation, classé le riz sous cette position et adressé à ASAD une injonction de payer des droits de douane d’un montant de 541 394,80 NLG (245 674,25 euros).
20. ASAD est restée d’avis que le riz relevait de la position tarifaire 1006 30 48 de la NC («riz semi-blanchi») et que, en tout état de cause, l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes de la Communauté faisait obstacle à l’injonction de payer; après avoir vainement introduit une réclamation, elle a formé un recours contre cette injonction.
21. La juridiction de renvoi considère qu’une partie au moins du péricarpe a été éliminée pour le riz dans son ensemble. Il en déduit que, selon le SH et les notes explicatives de l’OMD, le riz doit être classé dans la position tarifaire 1006.30 du SH. Si, relève-t-elle, les analyses des échantillons n’ont pas abouti au même résultat, c’est parce que la note complémentaire 1, sous f), de même que les instructions suivies pour effectuer ces analyses, qui s’appuient sur cette note, exigent en outre l’élimination partielle du germe. Elle estime donc, du fait de ces exigences différentes, que, si les conditions de la position tarifaire 1006.30 du SH sont certes remplies, il n’en va pas de même de celles de la position 1006 30 48 de la NC. Le critère supplémentaire entraînerait un «décalage de position tarifaire».
22. Or, poursuit-elle, en concluant la convention sur le SH, la Communauté s’est engagée à ne pas modifier la portée des sous-positions du SH. Comme la note complémentaire serait ainsi en conflit avec le SH, sa validité serait sujette à caution, compte tenu des obligations internationales de la Communauté.
23. Au cas où la note complémentaire serait valide, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si ASAD était en droit de placer sa confiance dans le fait qu’elle pouvait recourir au tarif préférentiel pour le riz semi-blanchi en provenance d’Aruba. Ainsi la primauté du SH autorisait-elle ASAD, selon la juridiction de renvoi, à nourrir des doutes quant à la validité de la note complémentaire 1. C’est toutefois, relève-t-elle, de la diligence requise que dépend le point de savoir si ASAD s’est suffisamment assurée de la réunion des conditions du régime préférentiel pour que la bonne foi, au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes communautaire, fasse obstacle à l’injonction de payer.
24. Par ordonnance du 28 juin 2004, parvenue à la Cour le 22 juillet 2004, le Gerechtshof te Amsterdam a donc sursis à statuer et saisi la Cour des questions suivantes:
1) La note complémentaire (CE) 1 au chapitre 10 du tarif douanier commun, telle qu’elle découle du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, est-elle valide en tant qu’elle énonce d’autres exigences, en ce qui concerne la notion de riz semi-blanchi, que celles prévues par la note explicative du conseil de coopération douanière relative à la position 1006 du système harmonisé?
2) Si la première question appelle une réponse affirmative, dans la situation où l’intéressée connaissait la note complémentaire (CE) 1, initio et sous f), au chapitre 10 de la NC, ou devait la connaître, mais ne savait pas que cette note était valide ou, à tout le moins, pouvait avoir des doutes à cet égard, compte tenu de la description divergente contenue dans la note explicative du conseil de coopération douanière relative à la position 1006 du SH, peut-elle invoquer sa bonne foi au titre de l’article 220, paragraphe 2, initio et sous b), quatrième alinéa, du code des douanes communautaire?»
25. ASAD, l’Inspecteur, la Commission et le gouvernement néerlandais ont présenté des observations écrites lors de la procédure devant la Cour.
IV – Analyse juridique
A – La première question: la validité de la note complémentaire 1
26. Par sa première question, la juridiction de renvoi souhaite en substance savoir si la note complémentaire 1 est invalide en raison d’une incompatibilité avec le SH.
27. La Communauté est partie à la convention internationale sur le système harmonisé. Elle est donc liée par les dispositions de cette convention. En vertu de l’article 300, paragraphe 7, CE, les obligations internationales de la Communauté ont un «rang intermédiaire», inférieur à celui du droit originaire, mais supérieur à celui du droit communautaire dérivé. Ce dernier doit donc être interprété en conformité avec les dispositions du SH. Fondée sur un règlement, la NC relève du droit communautaire dérivé.
28. Entre autres obligations incombant à la Communauté en vertu de la convention sur le SH, l’article 3, paragraphe 1, sous a), lui impose d’utiliser les positions et sous-positions du SH sans modifier leur portée (4). La Communauté s’est donc obligée, en droit international, à ne pas établir d’instructions de classement des marchandises aboutissant à les classer dans une autre sous-position que celle prévue par le SH.
29. La question se pose ici de savoir si la note complémentaire 1 a pour effet que le riz dont on a éliminé davantage que la seule balle relève de la sous-position 1006 20 de la NC, bien qu’il conviendrait, dans le SH, de le classer dans la sous‑position 1006.30. En effet, si la note complémentaire 1 entraînait ce «décalage de position tarifaire», les doutes que nourrit la juridiction de renvoi quant à sa validité seraient justifiés.
1. Le classement du riz selon le SH
30. Le SH n’offre lui-même aucune définition de ses sous-positions 1006.10 à 1006.40. Il ressort toutefois de la désignation et de l’économie des sous-positions que la sous-position 1006.10 du SH vise le riz paddy non traité, la sous-position 1006.20 le riz décortiqué, dont la balle seule a été éliminée, la sous-position 1006.30 tous les riz ayant fait l’objet d’un traitement supplémentaire et la sous‑position 1006.40 le riz en brisures, obtenu lors du traitement du riz (5).
31. Il résulte en particulier du libellé de la sous-position 1006.20 du SH, qui mentionne la désignation «brown rice» (riz brun) dans sa version anglaise de même que «riz brun» et «riz cargo» dans sa version française, qu’il n’y a lieu de classer dans cette sous-position que le riz dont la balle seule a été éliminée et qui possède encore entièrement son péricarpe. Car, d’une part, le riz ne serait sinon plus brun. D’autre part, ce classement correspond tant au sens commun qu’aux usages commerciaux établis, ainsi que l’expose entre autres la Commission.
32. Que la sous-position 1006-30 du SH englobe tous les riz qui ont fait l’objet d’un traitement supplémentaire et ne constituent pas le riz en brisures de la sous‑position 1006.40 du SH, c’est ce qui résulte de la mention tant du riz semi-blanchi que blanchi et de l’absence de pertinence que présentent pour le classement d’autres étapes du traitement – telles que le polissage ou le glaçage.
33. Le libellé et l’économie des sous-positions du SH plaident donc pour que le riz soit classé dans la sous-position 1006.30 dès qu’il a subi un traitement excédant l’élimination de la seule balle extérieure. Aussi l’élimination partielle du péricarpe suffit-elle à justifier un classement dans la sous-position 1006.30 du SH.
34. Cette interprétation se trouve corroborée par les notes explicatives de l’OMD (6). Selon celles-ci, en effet, la position 1006.20 du SH s’applique au riz dont la balle extérieure a été éliminée, mais qui est encore enveloppé de son péricarpe (version anglaise: «still enclosed in the pericarp»), ou dont le péricarpe est encore présent (version française: «conserve encore sa pellicule propre»). Le riz semi-blanchi y est défini comme du riz en grains entiers dont le péricarpe a été partiellement enlevé. Cela correspond entièrement à l’interprétation ci-dessus.
35. Selon une jurisprudence constante de la Cour, les notes explicatives de l’OMD contribuent de façon importante à l’interprétation de la portée des différentes positions douanières sans toutefois avoir force obligatoire de droit (7).
2. Le classement du riz selon la NC
36. Les sous‑positions 1006 10, 1006 20, 1006 30 et 1006 40 de la NC présentent le même libellé et la même économie que les sous‑positions du SH. Il convient donc d’abord de noter que le classement du riz suivant le libellé et l’économie des positions tarifaires de la NC est identique au classement résultant du SH.
37. Mais la note complémentaire 1 de la NC offre en outre des définitions explicatives pour le riz dans les différents stades de traitement.
38. Les définitions du riz paddy et du riz décortiqué figurant sous d) et e) de la note complémentaire 1 sont identiques à celles de l’OMD et à l’interprétation des sous-positions du SH. En particulier, le «riz décortiqué» de la sous-position 1006 20 est défini comme du riz dont la balle seule a été éliminée. Le riz ayant fait l’objet d’un traitement supplémentaire, et dont, par exemple, ne serait-ce qu’une partie du péricarpe a été enlevée, ne peut donc plus être classé dans la sous‑position 1006 20, y compris selon la note complémentaire 1, sous e).
39. En revanche, les définitions figurant sous f) et g) de la note complémentaire 1 semblent présenter des différences par rapport aux prescriptions du SH et aux notes explicatives de l’OMD. Pour le riz semi-blanchi, la lettre f) paraît exiger, outre l’élimination de la balle et d’une partie du péricarpe, l’élimination partielle du germe, et donc poser un critère supplémentaire.
40. Une telle interprétation serait toutefois contraire à l’économie des positions tarifaires et en contradiction avec la lettre e) de la note. Ainsi, le riz dont le péricarpe a certes été partiellement éliminé, mais dont le germe n’a pas été touché, ne pourrait plus être classé, car on aurait enlevé davantage que la seule balle, de sorte que le riz ne pourrait plus être considéré comme du riz brun, décortiqué. Mais l’élimination n’aurait pas été suffisante pour justifier un classement en tant que riz semi-blanchi.
41. Il convient cependant, dans la mesure du possible, d’interpréter les règles juridiques de telle manière qu’elles évitent les contradictions et n’entrent pas en conflit avec des dispositions de rang supérieur. Une autre interprétation, évitant ces contradictions et conflits, est donc préférable.
42. Ainsi, la mention du germe à la note complémentaire 1, sous f), peut également servir à marquer la délimitation par rapport au «riz blanchi». Elle précise alors que l’élimination partielle du germe ne fait pas obstacle au classement du riz comme semi-blanchi. On peut en effet parallèlement déduire de la note complémentaire 1, sous g), qu’il doit y avoir élimination totale du germe pour le riz blanchi.
43. Si la référence au germe est interprétée en tant que critère précisant la délimitation entre le riz semi-blanchi et le riz blanchi, il n’y a pas lieu de craindre un décalage de position tarifaire, puisque les deux types de riz sont classés dans la même sous-position 1006 30. Cette solution permet également d’éviter d’éventuelles lacunes dans le classement tarifaire ainsi que de respecter l’économie des sous-positions et notes.
44. La note complémentaire 1, sous f), doit donc être interprétée en ce sens que la mention de l’élimination d’une partie du germe ne fixe aucune exigence supplémentaire pour le classement du riz comme «semi-blanchi» par rapport au riz «décortiqué», mais précise simplement que l’élimination partielle du germe ne suffit pas pour que le riz soit classé comme «blanchi».
3. Résultat
45. Tant en vertu de la NC que du SH, le riz dont on a éliminé davantage que la balle seule doit être classé dans la sous-position 1006 30. La note complémentaire 1 ne subordonne le classement à aucune autre exigence que celles du SH et n’entraîne aucun «décalage de position tarifaire». La validité de la note complémentaire 1 ne soulève donc aucun doute.
B – La deuxième question: les exigences auxquelles l’article 220, paragraphe 2, sous b), quatrième alinéa, du code des douanes subordonne la bonne foi
46. La juridiction de renvoi adresse sa deuxième question pour le cas où la note complémentaire 1 serait valide. Cette condition est remplie. Mais, en la posant, la juridiction de renvoi a considéré que la note complémentaire 1 entraînait un classement dans la sous-position 1006 20 98, et, partant, qu’elle ne serait pas seulement en conflit avec le SH, mais justifierait aussi l’injonction de payer faite à ASAD dans la procédure au principal. C’est en effet uniquement dans cette hypothèse que se pose encore la question de savoir si ASAD peut invoquer sa bonne foi, en vertu de l’article 220, paragraphe 2, sous b), quatrième alinéa, du code des douanes, pour éviter un paiement. Or il résulte des constatations ci‑dessus que l’on ne se trouve pas dans une telle hypothèse. Il est donc inutile de répondre à la deuxième question.
V – Conclusion
47. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour d’apporter la réponse suivante à la question préjudicielle du Gerechtshof te Amsterdam:
L’examen de la question déférée n’a révélé aucun élément qui mettrait en cause la validité de la note complémentaire 1 du chapitre 10 de la nomenclature combinée, telle qu’elle résulte du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun. Elle ne subordonne la notion de ‘riz semi-blanchi’ à aucune autre exigence que celles prévues par le système harmonisé et les notes explicatives de l’Organisation mondiale des douanes.»
1 – Langue originale: l’allemand.
2 – Voir la convention internationale sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (JO 1987, L 198, p. 3).
3 – Voir règlement (CE) nº 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000, modifiant le règlement (CEE) nº 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO L 311, p. 17).
4 – Voir point 6 des présentes conclusions.
5 – Voir points 7 et 8 des présentes conclusions.
6 – Voir, à ce sujet, points 9 et 10 des présentes conclusions.
7 – Voir, notamment, arrêts du 6 novembre 1997, LTM (C‑201/96, Rec. p. I‑6147, point 17), et du 10 décembre 1998, Glob-Sped (C‑328/97, Rec. p. I‑8357, point 26).