CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. M. Poiares Maduro

présentées le 8 septembre 2005(1)

Affaires jointes C-226/04 et C-228/04

La Cascina Soc. coop. arl,

Zilch Srl

contre

Ministero della Difesa et Ministero dell’Economia e delle Finanze,

Pedus Service,

Cooperativa Italiana di Ristorazione Soc. coop. arl (CIR),

Istituto nazionale per l’assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (INAIL)

et

Consorzio G.f.M.

contre

Ministero della Difesa,

La Cascina Soc. coop. arl

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (Italie)]

«Marchés publics – Procédure de passation des marchés publics de services – Conditions d’exclusion d’un prestataire de services – Article 29, sous e) et f), de la directive 92/50/CEE – Non‑respect des obligations relatives au respect du paiement des cotisations de sécurité sociale et des impôts et taxes»





1.              Par deux décisions du 22 avril 2004, le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (Italie) a adressé à la Cour des questions concernant l’interprétation de l’article 29, premier alinéa, sous e) et f), de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1), qui rend possible l’exclusion de la participation à un marché de prestataires de services n’ayant pas rempli leurs obligations relatives respectivement au paiement des cotisations de sécurité sociale et des impôts et taxes. Les questions posées dans les deux décisions de renvoi étant identiques, celles-ci ont été jointes par ordonnance du président de la Cour le 30 juin 2004.

I –    Les faits, le cadre juridique et les questions préjudicielles

2.     Les sociétés La Cascina Soc. coop. arl (ci-après la «Cascina»), Zilch Srl (ci-après «Zilch»), dans le cadre d’associations temporaires d’entreprises, et le consorzio G.f.M. (ci-après «G.f.M.)», établies en Italie, ont participé à un appel d’offres restreint et accéléré pour l’attribution du marché des services de restauration des organismes et des départements du ministère de la Défense délocalisés sur le territoire en Italie, organisé par ledit ministère, en accord avec le ministère de l’Économie et des Finances. L’appel d’offres, divisé en seize lots, a été publié en décembre 2002. La date limite pour la réception des demandes de participation a été fixée au 15 janvier 2003 et le délai pour la réception des offres au 3 mars 2003.

3.     Par une décision du 4 décembre 2003, le pouvoir adjudicateur a exclu de la procédure d’appel d’offres la Cascina, Zilch et G.f.M. S’agissant de l’affaire C-226/04, l’entreprise chef de file de l’association temporaire d’entreprises participant à la procédure, la Cascina, n’était pas en règle avec ses obligations en matière de paiement des cotisations de sécurité sociale en faveur des travailleurs relatives à la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2002. Une autre entreprise du groupement, Zilch, a été exclue par la même décision, car elle n’avait pas acquitté le paiement de ses impôts pour diverses périodes entre 1997 et 2001. Concernant l’affaire C-228/04, G.f.M aurait fait preuve d’irrégularités quand à ses obligations à l’égard de l’Istituto nazionale per l’assicurazione contro gli infortuni sul lavoro (Institut national d’assurances contre les accidents du travail, ci-après l’«INAIL»).

4.     La décision d’exclusion est intervenue en application de l’article 12, sous d) et e), du décret législatif n° 157, du 17 mars 1995, tel que remplacé par l’article 10 du décret législatif n° 65, du 25 février 2000 (2), qui dispose que «sont exclus de la participation aux marchés publics les candidats qui ne sont pas en règle avec les obligations relatives au paiement des cotisations d’assurance sociale en faveur des travailleurs, en vertu de la législation italienne ou de celle de l’État dans lequel ils sont établis; qui ne sont pas en règle avec les obligations relatives au paiement des taxes et des impôts, en vertu de la législation italienne ou de celle de l’État dans lequel ils sont établis».

5.     La Cascina et Zilch, d’une part, et G.f.M., d’autre part, ont demandé l’annulation de la décision d’exclusion du 4 décembre 2003 devant le Tribunale amministrativo regionale del Lazio. La Cascina et G.f.M. ont, entre autres, fait valoir que, en ce qui les concerne, elles étaient simplement en retard, et avaient effectué le paiement litigieux a posteriori. Zilch a contesté la communication adressée à la commission de marché par l’Ufficio centrale fiscale et produit un certificat délivré par l’Ufficio periferico di Messina, dont il résulte que, au 1er janvier 2003, Zilch avait acquitté le paiement des impôts et des taxes dont elle était redevable. Celle-ci a également mis en avant le fait qu’elle avait formulé une demande d’application d’une loi prévoyant la régularisation des dettes fiscales et avait été admise à effectuer des paiements échelonnés successifs.

6.     Devant le juge national, le pouvoir adjudicateur a en revanche remarqué que la régularisation a posteriori ne signifiait pas que les entreprises requérantes, à l’expiration du délai de présentation de leur demande de participation à l’appel d’offres, à savoir le 15 janvier 2003, étaient en règle avec leurs obligations.

7.     La juridiction nationale, à laquelle était soumis le litige, a constaté que l’article 12, sous d) et e), du décret législatif n° 157/1995 transpose en droit italien l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50. Aux termes de ce dernier, «[p]eut être exclu de la participation à un marché tout prestataire de services: […] e) qui n’a pas rempli ses obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale selon les dispositions légales du pays où il est établi ou celles du pays du pouvoir adjudicateur; f) qui n’a pas rempli ses obligations relatives au paiement de ses impôts et taxes selon les dispositions légales du pays du pouvoir adjudicateur; […] Lorsque le pouvoir adjudicateur demande au prestataire de services la preuve qu’il ne se trouve dans aucun des cas mentionnés aux points a), b), c), e) ou f), il accepte comme preuve suffisante: […] dans les cas mentionnés aux points e) et f), un certificat délivré par l’autorité compétente de l’État membre concerné».

8.     Relevant des divergences d’interprétation dans les jugements rendus par différentes juridictions italiennes en application de l’article 12 du décret législatif n° 157/1995 et considérant que ce décret devait être interprété au regard de la directive 92/50, la juridiction italienne a sursis à statuer et demandé à la Cour:

«1)      Si les dispositions précitées de la directive en cause doivent être interprétées en ce sens que, lorsque le législateur utilise les locutions ‘n’a pas rempli ses obligations relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale selon les dispositions légales du pays où il est établi ou celles du pays du pouvoir adjudicateur’ et ‘qui n’a pas rempli ses obligations relatives au paiement de ses impôts et taxes selon les dispositions légales du pays du pouvoir adjudicateur’ il n’envisage que la circonstance – à l’exclusion de toute autre hypothèse – où l’entreprise aurait – à la date de l’échéance pour la présentation de la demande de participation à un appel d’offres (ou, en tout état de cause, antérieurement à l’attribution du marché […]) – rempli lesdites obligations en effectuant le paiement correspondant intégralement et sans retard;

2)      si, par conséquent, la disposition nationale italienne qui les transpose – en ce qu’elle permet, contrairement à la disposition communautaire précitée, d’exclure des marchés publics les entreprises qui ‘ne sont pas en règle avec les obligations relatives au paiement des taxes et des impôts, en vertu de la législation italienne ou de celle de l’État dans lequel ils sont établis’ – doit être interprétée par référence uniquement au non-respect – vérifiable à la date précitée (échéance pour la présentation des demandes de participation, ou le moment qui précède immédiatement l’attribution, même provisoire, du marché) – de ces obligations, à l’exclusion de toute possibilité de ‘régularisation’ ultérieure;

3)      ou bien si, au contraire, il peut être retenu qu’à la lumière des obligations qui lui incombent dans le cadre de la transposition de la réglementation communautaire contenue dans la directive en question il est permis au législateur national de prévoir des hypothèses où l’on admettrait à des marchés publics des entreprises qui, tout en n’étant pas ‘en règle’ à la date d’échéance pour la participation auxdits marchés, démontreraient qu’elles peuvent régulariser leur position (et qu’elles ont entrepris des actions positives à ces fins) avant l’adjudication;

4)      et, enfin, pour le cas où l’interprétation exposée [à la troisième question] ci-dessus devrait être considérée comme possible – et que, partant, il serait considéré comme possible d’introduire des dispositions plus souples par rapport à l’acceptation plus stricte de l’expression utilisée par le législateur communautaire, à savoir ‘remplir ses obligations’ – si cette disposition n’est pas contraire aux principes fondamentaux à caractère communautaire, tels que l’égalité de traitement pour tous les citoyens de l’Union ou – pour ce qui concerne uniquement les marchés publics – la garantie de la par condicio en faveur de toutes les entreprises qui demandent à y participer.»

9.     Sont intervenus à la procédure écrite devant la Cour, la Cascina et Zilch, les gouvernements autrichien et italien ainsi que la Commission des Communautés européennes. Une audience a eu lieu le 30 juin 2005, au cours de laquelle la Cascina, Zilch, G.f.M., Pedus Service, le gouvernement italien et la Commission ont fait valoir leur point de vue.

10.   Il convient au préalable de rappeler que, dans le cadre de l’article 234 CE, la Cour n’est compétente ni pour se prononcer sur l’interprétation de dispositions législatives ou réglementaires nationales, ni sur la conformité de telles dispositions avec le droit communautaire (3). Les questions de la juridiction de renvoi doivent par conséquent être reformulées. Les réponses apportées permettront à la juridiction de renvoi d’interpréter la disposition nationale de transposition de manière conforme à l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50. En effet, «l’exigence d’une interprétation conforme du droit national est inhérente au système du traité [CE] en ce qu’elle permet à la juridiction nationale d’assurer, dans le cadre de ses compétences, la pleine efficacité du droit communautaire lorsqu’elle tranche le litige dont elle est saisie» (4). Il en résulte dans le cas présent que, bien que les modalités spécifiques de l’exclusion des candidats potentiels soient à déterminer par le droit national (5), ainsi que le souligne la Commission dans ses observations écrites, il convient néanmoins de fournir à la juridiction nationale une interprétation de l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50.

11.   Il apparaît que les première et quatrième questions traitent de la marge d’appréciation laissée au législateur national pour la transposition de l’article 29 de la directive 92/50. Plus précisément, la première question soulève deux points distincts d’interprétation. D’une part, la juridiction nationale s’interroge sur les conséquences de la divergence lexicale qu’elle relève entre le texte de cette directive et sa transposition en droit national. D’autre part, la question de savoir si ladite directive exige un paiement intégral et sans retard des obligations mentionnées à l’article 29, sous e) et f), de celle-ci est soulevée. Les principes de droit communautaire invoqués dans la quatrième question de la juridiction nationale seront utiles pour répondre à ces deux points. Par ses deuxième et troisième questions, la juridiction de renvoi cherche à savoir jusqu’à quel moment une entreprise participant à un appel d’offres peut prouver qu’elle a rempli ses obligations fiscales et relatives au paiement des cotisations de sécurité sociale. Je présenterai successivement la portée de la divergence lexicale relevée, l’interprétation à donner à la notion de «remplir ses obligations», puis la question de savoir jusqu’à quel moment une entreprise peut être admise à apporter cette preuve.

II – Analyse

A –    La portée de la divergence lexicale entre l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50 et la réglementation italienne

12.   La juridiction de renvoi a relevé une divergence lexicale entre la locution utilisée par la directive 92/50, qui vise toute entreprise qui «n’a pas rempli ses obligations» en matière fiscale ou de cotisations de sécurité sociale, et l’expression employée par le droit national, qui désigne les entreprises «qui ne sont pas en règle» avec les mêmes obligations. Selon cette juridiction, l’obligation d’être en règle est plus large que celle de remplir ses obligations. En particulier, ladite juridiction fait référence à la possibilité qu’une entreprise bénéficie d’une régularisation de la part des autorités fiscales, qui pourrait avoir des effets rétroactifs.

13.   Relevons en premier lieu que l’article 29 de la directive 92/50 offre aux États membres la faculté de prévoir les causes d’exclusion qu’elle énumère. Toutefois, les États membres ne sont pas tenus d’adopter de tels critères qualitatifs de sélection (6). La République italienne a fait usage de cette possibilité en prévoyant dans sa législation nationale l’exclusion de la participation aux marchés publics des entreprises qui ne sont pas «en règle» avec leurs obligations de cotisations de sécurité sociale et fiscales.

14.   En second lieu, bien que la juridiction a quo concentre son argumentation sur la divergence lexicale qu’elle relève entre la disposition nationale et le texte communautaire, celle-ci ne paraît pas significative. En effet, une directive, par définition, fixe les résultats à atteindre, tout en laissant les États membres libres de choisir les moyens adaptés à cet objectif, ainsi que le prévoit l’article 249 CE. En outre, il n’existe aucune différence de portée entre les expressions «être en règle avec» et «avoir rempli» des obligations de nature réglementaire, qui sont, comme le relève à juste titre le gouvernement italien dans ses observations écrites, utilisées indifféremment dans les directives communautaires relatives aux marchés publics, que ce soit dans la version italienne ou dans d’autres versions linguistiques (7).

15.   Il convient par conséquent de répondre à la première question telle que reformulée que l’expression «remplir ses obligations», figurant dans le texte de la directive 92/50, peut être interprétée comme signifiant «être en règle avec ses obligations», telle qu’elle est mentionnée dans la disposition italienne de transposition, les deux expressions ayant le même sens.

B –    La notion de «remplir ses obligations» au sens de l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50

16.   La juridiction de renvoi soulève trois questions d’interprétation qui sont liées: premièrement, l’incidence d’un retard de paiement, deuxièmement, les conséquences d’un échelonnement de paiement accordé par l’administration et, troisièmement, l’effet de l’introduction d’un recours administratif ou juridictionnel visant à contester l’existence ou le montant d’une obligation de paiement.

1.      L’incidence d’un retard de paiement

17.   La juridiction nationale s’interroge premièrement sur le point de savoir si l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50 doit être interprété comme exigeant le paiement des obligations qu’il mentionne «intégralement et sans retard».

18.   La Cascina fait valoir à cet égard qu’un simple retard de paiement ne pourrait entraîner une exclusion. La requérante avance deux arguments sur ce point. D’une part, elle considère que l’obligation de paiement mentionnée à l’article 29 de la directive 92/50 n’aurait pas pour objet le paiement effectif mais l’ensemble des activités préparatoires en vue de remplir l’obligation de paiement. Une interprétation si manifestement contraire à la lettre et à l’esprit de la disposition à interpréter est à écarter.

19.   Le second argument de la requérante est plus sérieux. Selon elle, d’un point de vue systématique, c’est-à-dire si l’on compare les différentes causes d’exclusion énumérées à l’article 29 de la directive 92/50, il est absurde d’autoriser une société fortement endettée à participer à un marché, pour autant qu’elle n’est pas en état de faillite, de liquidation, de règlement judiciaire ou de concordat préventif [article 29, sous a) et b), de ladite directive] tout en refusant à une société faiblement endettée de concourir au même marché, sous prétexte qu’elle est en retard pour le règlement de ses obligations fiscales ou de cotisations de sécurité sociale. La Cascina en déduit qu’un retard de paiement, à distinguer d’un défaut de paiement, ne peut entraîner une exclusion en application de l’article 29, sous e) ou f), de la directive 92/50.

20.   Tout d’abord, s’il est vrai que l’interprétation systématique permet souvent à la Cour d’éclairer le sens d’une disposition, relevons que l’interprétation suggérée par la requérante est contraire au libellé dudit article.

21.   Ensuite, l’idée défendue par la Cascina que les dettes envers l’État ou des organismes publics au titre des impôts, taxes ou cotisations de sécurité sociale et des dettes envers d’autres créanciers seraient à prendre en compte globalement pour déterminer la solvabilité d’un soumissionnaire est incorrecte puisqu’elle suppose que ces deux catégories de dettes sont de même nature, ce qui n’est pas le cas.

22.   Enfin, l’argumentation de la requérante ne peut prospérer en ce qu’elle est fondée sur une appréciation erronée des objectifs poursuivis par les critères de sélection qualitative dans le système de la directive 92/50. À cet égard, la Cour a déjà jugé dans l’arrêt Holst Italia (8) que «les critères de sélection qualitative fixés au chapitre 2 du titre VI de la directive 92/50 ont pour seul objet de définir les règles d’appréciation objective de la capacité des soumissionnaires». Or, la capacité des entrepreneurs ne dépend pas seulement de leur solvabilité. En effet, les critères applicables au titre de la sélection qualitative regroupent des critères concernant la situation personnelle du soumissionnaire, sa capacité financière et économique ou encore son savoir-faire, son efficacité, son expérience et sa fiabilité. Ainsi que le soulève à juste titre le gouvernement italien, l’objectif poursuivi par l’article 29 de la directive 92/50 serait justement de garantir la fiabilité des candidats (9).

23.   Plus précisément, ledit article 29, sous e) et f), incite les entreprises à payer leurs impôts, taxes et contributions sociales. Parallèlement, cette disposition permet au pouvoir adjudicateur de n’octroyer des contrats publics rémunérateurs qu’à des entreprises ayant préalablement acquitté ces diverses taxes, afin de protéger l’intérêt de l’État en tant que percepteur d’impôts.

24.   Force est de constater que les causes d’exclusion énumérées à l’article 29 de la directive 92/50 ne sont pas uniquement destinées à garantir la solvabilité du prestataire de services concerné, qui fait l’objet de l’article 31 de ladite directive, mais plutôt à éviter que celui-ci ne tire du non-paiement de ses impôts ou cotisations de sécurité sociale un avantage indu par rapport à ses concurrents pour l’obtention d’un marché public. L’exclusion d’entreprises n’ayant pas acquitté leurs obligations relatives au paiement de cotisations de sécurité sociale et d’impôts et taxes est donc justifiée par le risque de rupture de l’égalité des chances entre concurrents qui pourrait résulter de la participation à un marché d’entreprises n’étant pas en règle avec ces obligations réglementaires.

25.   Le principe de l’égalité de traitement entre les concurrents sous-tend le droit des marchés publics (10) et permet d’assurer que tous les concurrents potentiels à un marché disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs demandes de participation ou de leurs offres (11). Ce principe est expressément inscrit à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 92/50 qui prévoit que «les pouvoirs adjudicateurs veillent à ce qu’il n’y ait pas de discrimination entre les différents prestataires de services».

26.   Ainsi, l’article 29 de la directive 92/50 doit être interprété comme procédant à une énumération de causes entraînant l’exclusion de concurrents de la participation à un marché au nom du principe de l’égalité de traitement. Une telle exclusion implique nécessairement qu’une limite est apportée à l’objectif parallèle poursuivi par la directive 92/50 d’encourager la concurrence (12). Cette limite est toutefois inhérente au système de ladite directive qui ne vise à encourager la concurrence entre prestataires de services que pour autant qu’elle intervient dans le respect du principe de l’égalité de traitement entre candidats (13).

27.   Dès lors que l’exclusion d’un concurrent qui n’a pas acquitté le paiement de ses obligations de cotisations de sécurité sociale ou des impôts et taxes est intervenue afin de garantir l’égalité de traitement entre soumissionnaires, il n’y a pas lieu d’opérer de distinction entre un défaut de paiement et un retard de paiement. En effet, si une entreprise pouvait invoquer un tel retard afin d’éviter une exclusion de la participation au marché au titre de l’article 29, sous e) ou f), de la directive 92/50, l’application de cette disposition s’en trouverait considérablement limitée. Or, la preuve requise par cette disposition n’est pas celle de l’intention, de la part de l’entreprise concernée, d’acquitter à une date ultérieure le paiement des obligations réglementaires, qui serait au demeurant fort délicate à apporter, mais bien celle du paiement effectif des obligations échues (14). Le caractère non discriminatoire du processus de sélection des prestataires de services ne peut être assuré que par un critère défini de manière objective. Par conséquent, l’application dudit article 29, sous e) et f), nécessite d’opérer la constatation objective du paiement effectif des obligations qu’il vise par l’entreprise en cause.

2.      Les conséquences d’un échelonnement de dettes

28.   La juridiction nationale s’interroge deuxièmement sur l’incidence d’un échelonnement accordé par l’administration sur la constatation qu’une entreprise n’aurait pas rempli ses obligations au sens de l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50. À cet égard, la juridiction de renvoi fait référence à un jugement du Tribunale amministrativo regionale per la Puglia, du 12 février 2004, n° 1114, qui a interprété l’article 12 du décret législatif n° 157/1995 comme applicable non seulement aux entreprises ayant commis des fraudes, mais également aux entreprises qui n’ont pas versé les cotisations. En revanche, les entreprises bénéficiant de procédures de régularisation prévoyant l’octroi de délais supplémentaires ou des paiements échelonnés et celles qui ont introduit des recours administratifs ou juridictionnels n’ayant pas encore reçu d’issue définitive ne pourraient être exclues au titre dudit article.

29.   Il convient tout d’abord de rappeler que, en tout état de cause, le montant et l’échéance des obligations fiscales ainsi que celles relevant des cotisations de sécurité sociale sont définis par le droit national. Toutefois, et sous réserve de l’interprétation du droit national par la juridiction a quo, il semble que, dès lors que l’administration fiscale ou l’autorité compétente a accepté un échelonnement du paiement des cotisations de sécurité sociale dû par une entreprise, cette dernière ne peut plus être considérée comme étant en retard.

30.   En outre, dans le cadre de l’application de l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50, la charge de la preuve incombe, comme le rappelle la Commission dans ses observations écrites, à l’entreprise qui souhaite participer au marché. Une entreprise ayant obtenu un échelonnement du paiement de sa dette fiscale par l’administration, ou ayant régularisé sa situation auprès de l’administration fiscale, pour utiliser la même expression que la juridiction de renvoi, recevra un certificat de cette même autorité selon lequel elle a rempli ses obligations au sens de l’article 29 de la directive 92/50 (15).

3.      Les effets de l’introduction d’un recours administratif ou juridictionnel

31.   Le dernier point soulevé par la juridiction a quo sur l’interprétation de l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50 concerne le cas où une entreprise a introduit un recours administratif ou juridictionnel contre une décision de l’administration, visant à contester le montant des cotisations sociales ou des impôts et taxes dont elle est redevable. En l’espèce, il ressort du dossier que la Cascina aurait introduit des recours administratifs par deux lettres datées du 6 février 2002 adressées à l’INAIL. La juridiction de renvoi cite sur ce point un jugement du Tribunale amministrativo regionale per l’Umbria nº 890, du 30 novembre 2002, qui, du fait que l’obligation fiscale, avait été contestée devant la juridiction fiscale, a estimé que l’entreprise en cause ne pouvait être exclue de la participation au marché car elle n’aurait pas été en règle avec ses obligations relatives au paiement des impôts et des taxes. La même analyse aurait, selon la juridiction de renvoi, été développée par le Consiglio di Stato (16).

32.   Le gouvernement italien a estimé dans ses observations écrites que même l’introduction d’un recours juridictionnel visant à contester le montant des impôts, taxes ou cotisations de sécurité sociale dû ne devrait pas empêcher la constatation que l’entreprise concernée n’a pas rempli ses obligations au sens de l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50. Pourtant, lors de l’audience, il a admis que si le recours avait été introduit avant la demande de participation au marché, celui-ci pouvait avoir pour effet d’empêcher une exclusion de l’entreprise à condition que le pouvoir adjudicateur soit informé de l’existence du recours.

33.   La position prise par la Commission lors de l’audience est également nuancée, puisqu’elle propose de distinguer le cas où le requérant invoque une erreur de l’administration de celui où le contribuable se contente de solliciter la clémence de l’administration fiscale. L’admission à concourir ne serait accordée que dans le premier cas.

34.   Au contraire, la Cascina et Zilch font valoir que le respect des droits de la défense, protégé par l’article 24 de la Constitution italienne, empêche de considérer qu’une entreprise ayant introduit un recours juridictionnel ou administratif ne serait pas en règle avec ses obligations fiscales ou sociales.

35.   Le droit communautaire, en l’occurrence l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50, se borne à prévoir l’exclusion d’une entreprise n’ayant pas rempli les obligations mentionnées à cet article. Il appartient en revanche au droit national de préciser le montant dû par une entreprise au titre de ses impôts et taxes ou de ses cotisations de sécurité sociale ainsi que les conséquences de l’introduction d’un recours administratif ou juridictionnel sur la situation d’une entreprise vis-à-vis de l’administration.

36.   Or il est indéniable que l’introduction d’un recours contre une décision de l’administration fiscale peut avoir des effets juridiques distincts selon le droit national concerné. Ainsi, par exemple, l’effet suspensif ou non du recours et les conditions de son octroi par le juge diffèrent d’un système juridique à un autre (17). Par conséquent, la diversité des droits nationaux pourrait avoir comme conséquence que certaines entreprises ayant introduit un recours se verront accorder la possibilité de concourir, tandis que d’autres, imposées dans un autre État membre, seront exclues du même marché, car elles ne seront pas considérées comme étant en règle avec leurs obligations fiscales et sociales.

37.   Toutefois, l’introduction d’un recours correspondant à l’exercice d’un droit, elle ne devrait pas avoir pour conséquence automatique l’exclusion de la requérante de tout marché public, ceci d’autant moins qu’elle n’est pas, en soi, de nature à porter atteinte à la fiabilité de l’entreprise, visée par l’article 29, sous e) ou f), de la directive 92/50. Exclure une entreprise du fait qu’elle a formé un recours serait d’autant plus gênant que, si, à l’issue de la procédure, elle obtenait gain de cause, son exclusion pourrait être contestée et entraîner la nécessité d’un dédommagement. Dans certaines circonstances, l’annulation de la décision d’exclusion pourrait emporter l’annulation de l’attribution du marché.

38.   Pourtant, si la seule introduction d’un recours avait pour conséquence automatique que le requérant devrait être admis à participer au marché, le risque serait d’inciter les entreprises à introduire des recours de manière abusive ou dans une perspective dilatoire. En outre, si une entreprise succombait dans le recours qu’elle avait introduit après avoir emporté le marché, ses concurrents auraient été désavantagés et ne pourraient pas remettre en cause la procédure d’adjudication.

39.   Le droit communautaire ne prescrit pas de choix à cette alternative. En effet, la directive 92/50 octroie une marge d’appréciation aux États pour apprécier si les entreprises ayant formé un recours sont ou non en situation fiscale régulière. Cette situation de fait est déterminée par l’ordre juridique national d’origine des entreprises souhaitant concourir, tandis que les conséquences sur l’admission au marché sont établies en application du droit du pouvoir adjudicateur, pourvu que soient respectés les droits de la défense et le principe de l’égalité de traitement entre les entreprises. Ainsi, tous les participants potentiels à un marché sont soumis à des règles uniformes.

40.   Les garanties nécessaires à la mise en œuvre des droits de la défense quant à l’exercice d’un recours relèvent du droit national et des modalités procédurales qu’il définit, telles qu’appliquées par les juridictions nationales (comme, par exemple, dans le cas d’espèce, par le Consiglio di Stato), sous réserve du respect des principes fondamentaux du droit communautaire (18).

41.   L’exigence d’égalité de traitement des candidats impose que la situation fiscale des entreprises, déterminée par leur droit national d’origine, soit reconnue de façon identique quant aux conséquences sur leur admission au marché. Dès lors, l’ordre juridique italien qui détermine, en application notamment de principes constitutionnels, que les entreprises ayant introduit un recours contre une dette fiscale ne peuvent être, pour ce motif, empêchées de participer à un marché public est conforme aux prescriptions du droit communautaire, à la condition qu’une règle identique s’applique à tous les participants au marché ayant effectué un recours similaire dans un autre État membre.

42.   Par conséquent, l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50 ne s’oppose pas à une règle nationale ou à une interprétation des règles nationales, selon laquelle une entreprise ayant introduit un recours administratif ou juridictionnel est considérée comme ayant rempli ses obligations jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue.

43.   Au vu des développements qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question, telle que reformulée, que la notion de «remplir ses obligations» au sens de l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50 doit être interprétée comme exigeant le paiement effectif des obligations en cause, dont le montant et l’échéance sont déterminés par le droit national, et comme ne s’opposant pas à une règle nationale ou à une interprétation des règles nationales selon laquelle une entreprise ayant introduit un recours administratif ou juridictionnel est considérée comme ayant rempli ses obligations jusqu’à ce qu’une décision définitive ait été rendue.

C –    Le délai pour apporter la preuve du respect des critères de sélection qualitative

44.   La troisième question soumise à la Cour concerne le délai dans lequel les entreprises doivent fournir la preuve qu’elles se sont conformées aux critères de sélection qualitative mentionnés à l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50. Relevons au préalable que, comme le soutient le gouvernement autrichien dans ses observations écrites, cette appréciation doit avoir lieu à une date unique. Dès lors, trois dates pourraient a priori être retenues: l’expiration du délai de la demande de participation, l’expiration du délai de dépôt des offres ou encore le moment de l’attribution du marché.

45.   Selon la Commission, la date pertinente doit être celle de l’échéance pour la demande de participation au marché. D’après le gouvernement autrichien, le prestataire de services peut apporter la preuve qu’il a rempli ses obligations de nature fiscale ou sociale jusqu’à l’expiration du délai pour la soumission des offres. La Cascina et Zilch, au contraire, font valoir qu’une entreprise est libre de prouver son respect des critères de sélection qualitative tant que l’adjudication provisoire du marché n’a pas eu lieu.

46.   Il est constant que le système d’adjudication de marchés publics de services instauré par la directive 92/50 est structuré autour de deux phases, d’une part, la sélection des candidats admis à concourir en fonction de leurs capacités techniques, financières et d’autres critères qualitatifs et, d’autre part, la sélection des offres soumises en application des critères d’attribution (19). Cette séparation en deux phases de la procédure d’adjudication est commune à toutes les directives relatives aux marchés publics (20).

47.   Le plus souvent, la séparation conceptuelle en deux phases distinctes correspondra à une division temporelle entre elles. Ainsi, dans un premier temps, le pouvoir adjudicateur invitera les opérateurs économiques, dans un délai précis, à manifester leur intérêt pour un marché et à apporter la preuve qu’ils remplissent les critères qualitatifs de sélection valables pour le marché en cause. À l’issue de cette première phase, un nouveau délai sera fixé aux soumissionnaires retenus pour présenter une offre complète. Enfin, l’adjudication finale du marché interviendra en application des critères d’attribution du marché préalablement définis.

48.   La définition de deux phases distinctes dans l’adjudication bénéficie tant au pouvoir adjudicateur, qui n’examine que les offres d’entreprises dont la capacité est prouvée, qu’aux soumissionnaires, qui ne déploient les efforts nécessaires à formuler une telle offre que si leur capacité correspond aux exigences du pouvoir adjudicateur.

49.   Si le marché est organisé de cette manière, les entreprises ne pourront être admises à présenter la preuve qu’elles remplissent les critères de sélection qualitative que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la demande de participation au marché. En effet, la prolongation du délai au-delà de cette date reviendrait en pratique à empêcher le pouvoir adjudicateur de statuer sur la capacité des entreprises à participer au marché avant de procéder à un examen détaillé des offres (21).

50.   Toutefois, la procédure d’adjudication, sans enfreindre la directive 92/50, peut ne comporter qu’une phase. En effet, la distinction entre les critères de sélection des opérateurs économiques et les critères d’attribution d’un marché n’implique pas que l’appréciation de ces critères ait toujours lieu à des moments distincts. Il est au contraire constaté dans les arrêts Beentjes et GAT, précités, que si la directive 93/36 «n’exclut pas que la vérification de l’aptitude des soumissionnaires et l’attribution du marché puissent avoir lieu simultanément, les deux opérations sont régies par des règles différentes» (22). Il ressort de cette jurisprudence, transposable à l’interprétation de la directive 92/50, que le pouvoir adjudicateur est libre d’examiner de manière simultanée le respect des critères de sélection qualitative par les candidats, leur conférant le droit de participer au marché, et leurs offres en fonction des critères d’attribution du marché.

51.   Dans ce cadre, la preuve du respect des critères de sélection qualitative pourrait être apportée jusqu’au délai fixé pour la soumission des offres. En effet, l’examen par le pouvoir adjudicateur du respect des critères de sélection et des offres soumises intervenant simultanément, il n’est pas utile de fixer deux délais distincts pour, d’une part, la soumission des renseignements relatifs au respect des critères de sélection et, d’autre part, ceux relatifs à l’offre soumise. En revanche, aucune preuve du respect des critères de sélection qualitative ne pourra être admise postérieurement, car toute modification ultérieure du dossier d’une entreprise après l’expiration de ce délai entraînerait une rupture d’égalité de traitement entre les candidats (23).

52.   En outre, si une entreprise pouvait, postérieurement à l’attribution du marché, être admise à prouver qu’elle s’est conformée aux critères de sélection qualitative, les deux phases de la procédure d’attribution seraient confondues. Comme l’évoque à cet égard le gouvernement italien, le risque existe aussi que les entreprises ne remplissent leurs obligations fiscales qu’après avoir eu connaissance d’un déroulement favorable de la procédure d’adjudication en leur faveur. Or il ne serait pas acceptable que les entreprises intègrent ainsi leurs obligations fiscales dans une analyse coûts-bénéfices et diffèrent indûment le règlement de leurs dettes envers l’État.

53.   Il découle de ce qui précède qu’il convient de répondre à la troisième question, telle que reformulée, qu’une entreprise peut être admise à fournir la preuve qu’elle s’est conformée aux critères de sélection qualitative applicables à un marché jusqu’à l’expiration du délai de demande de participation, à moins que le pouvoir adjudicateur n’examine simultanément le respect des critères de sélection et les offres des candidats, auquel cas le délai applicable sera celui fixé pour la soumission des offres.

III – Conclusion

54.   Au vu des considérations ci-dessus, je propose à la Cour de répondre aux questions de la juridiction nationale posées par le Tribunale amministrativo regionale del Lazio comme suit:

«1)      L’expression ‘remplir ses obligations’, figurant dans le texte de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marché publics de services, peut être interprétée comme signifiant ‘être en règle avec ses obligations’, telle qu’elle est mentionnée dans la disposition italienne de transposition, puisque les deux expressions ont le même sens.

2)      La notion de ‘remplir ses obligations’ au sens de l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50 doit être interprétée comme exigeant le paiement effectif des obligations en cause, dont le montant et l’échéance sont déterminés par le droit national, et comme ne s’opposant pas à une règle nationale ou à une interprétation des règles nationales selon laquelle une entreprise ayant introduit un recours administratif ou juridictionnel est considérée comme ayant rempli ses obligations jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue.

3)      Une entreprise peut être admise à fournir la preuve qu’elle s’est conformée aux critères de sélection qualitative applicables à un marché, conformément à l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50, jusqu’à l’expiration du délai de demande de participation à ce marché, à moins que le pouvoir adjudicateur n’examine simultanément le respect des critères de sélection et les offres des candidats, auquel cas le délai applicable sera celui fixé pour la soumission des offres.»


1 – Langue originale: le portugais.


2 – Décrets publiés respectivement à la GURI nº 104, du 6 mai 1995, et à la GURI nº 70, du 24 mars 2000 (ci-après le «décret nº 157/1995»).


3 – Voir, notamment, arrêt du 23 janvier 2003, Makedoniko Metro et Michaniki (C‑57/01, Rec. p. I-1091, point 55 et jurisprudence citée).


4 – Arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer (C-397/01, non encore publié au Recueil, point 114). L’obligation d’interprétation conforme était à l’origine en partie fondée sur l’article 10 CE: voir le point 26 de l’arrêt du 10 avril 1984, Von Colson et Kamann (14/83, Rec. p. 1891): «Il convient, toutefois, de préciser que l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir en vertu de l’article 5 du traité de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation, s’imposent à toutes les autorités des États membres y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles»; arrêt du 13 novembre 1990, Marleasing (C-106/89, Rec. p. I-4135, point 8). Voir sur ce sujet, Prechal, S., Directives in EC Law, 2e édition, Oxford, 2005.


5 – Concernant la directive 93/37/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux (JO L 199, p. 54), telle que modifiée par la directive 2001/78/CE de la Commission, du 13 septembre 2001 (JO L 285, p. 1, ci-après la «directive 93/37»), voir arrêt du 12 décembre 2002, Universale-Bau (C-470/99, Rec. p. I-11617) dont le point 88 énonce, qu’ «[e]n effet, il ressort de l'intitulé et du deuxième considérant de la directive 93/37 que celle-ci a simplement pour objet la coordination des procédures nationales de passation des marchés publics de travaux, si bien qu'elle ne prévoit pas un régime complet de règles communautaires en la matière (voir, notamment, arrêt du 27 novembre 2001, Lombardini et Mantovani, C-285/99 et C‑286/99, Rec. p. I-9233, point 33)».


6 – L’article 29 de la directive 92/50 dispose en effet que «[p]eut être exclu […]» (souligné par nous).


7 – Pour les marchés de travaux, l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50 a pour équivalent l’article 24, sous e) et f), de la directive 93/37. La version italienne de ce dernier article mentionne «che non sia in regola»; les versions française «qui n’est pas en règle», espagnole «que no esté al corriente», portugaise «não tenham cumprido», anglaise «has not fulfilled» et allemande «nicht erfüllt haben». L’article 20, paragraphe 1, sous e) et f), de la directive 93/36/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (JO L 199, p. 1), telle que modifiée par la directive 2001/78, utilise également l’expression «qui n’est pas en règle» pour la version française alors qu’en italien, l’expression choisie est «non abbia adempiuto» et en portugais «não tenham cumprido». L’article 45, paragraphe 2, sous e) et f), de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), est significatif, du fait qu’il vise à unifier les dispositions en vigueur dans différentes directives, et notamment les directives 92/50 et 93/37. La version française utilise l’expression «qui n’est pas en règle», et les versions italienne «che non sia in regola», espagnole «que no esté al corriente», portugaise «não tenham cumprido», anglaise «has not fulfilled» ainsi qu’allemande «nicht erfüllt haben».


8 – Arrêt du 2 décembre 1999 (C-176/98, Rec. p. I-8607, point 25).


9 – À cet égard, on peut renvoyer au point 26 des conclusions de l’avocat général Léger dans l’affaire Holst Italia, précitée, selon lesquelles les critères de sélection qualitative ont aussi pour objectif la protection du pouvoir adjudicateur.


10 – Arrêts du 18 novembre 1999, Unitron Scandinavia et 3-S (C‑275/98, Rec. p. I‑8291, point 31); du 7 décembre 2000, ARGE (C‑94/99, Rec. p. I-11037, point 24); du 7 décembre 2000, Telaustria et Telefonadress (C‑324/98, Rec. p. I-10745, point 61); du 18 juin 2002, HI (C-92/00, Rec. p. I-5553, point 45), et du 19 juin 2003, GAT (C-315/01, Rec. p. I-6351, point 73). Pour un rappel de la jurisprudence antérieure constante sur ce point, voir les points 20 et 21 des conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire HI, précitée. Voir aussi, le deuxième considérant de la directive 2004/18, qui énonce que «[l]a passation de marchés conclus dans les États membres pour le compte de l'État, des collectivités territoriales et d'autres organismes de droit public doit respecter les principes du traité, notamment les principes de la libre circulation des marchandises, de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services, ainsi que les principes qui en découlent, comme l'égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence».


11 – Concernant la directive 93/37, arrêt Universale-Bau, précité, point 93.


12 – Cet objectif est inscrit au vingtième considérant de la directive 92/50 qui stipule que «pour éliminer les pratiques qui restreignent la concurrence en général et la participation aux marchés des ressortissants d’autres États membres en particulier, il est nécessaire d’améliorer l’accès des prestataires de services aux procédures de passation des marchés». Il est également exprimé à l’article 13, paragraphe 5, de cette directive qui prévoit que: «[d]ans tous les cas, le nombre des candidats invités à participer aux concours doit tenir compte du besoin d’assurer une concurrence réelle» et à l’article 27, paragraphe 2, second alinéa, de la même directive selon lequel «[e]n toute hypothèse, le nombre de candidats admis à soumissionner doit être suffisant pour assurer une concurrence réelle». Concernant la directive 93/37, voir aussi arrêt du 7 octobre 2004, Sintesi (C-247/02, non encore publié au Recueil, point 35).


13 – Cassia, P., «Contrats publics et principe communautaire d’égalité de traitement», RTDE, 2002, p. 413, 420, qui indique que «[l]e principe communautaire d’égalité contribue à assurer le développement d’une concurrence effective dans l’attribution et l’exécution des contrats publics».


14 – Le caractère périodique du paiement des obligations de cotisations de sécurité sociale et d’impôts et taxes empêche d’ailleurs que les prestataires de services agréés inscrits sur des listes officielles puissent bénéficier d’une présomption qu’ils satisfont les critères de sélection qualitatifs mentionnés à l’article 29, sous e) et f), ainsi qu’il ressort de l’article 35, paragraphe 3, premier et deuxième alinéas, de la directive 92/50.


15 – Si la demande d’échelonnement de la dette fiscale ou sociale n’a pas encore abouti auprès de l’administration au moment pertinent où l’entreprise est tenue de démontrer qu’elle a rempli ces obligations, celle-ci ne pourra logiquement pas être considérée comme s’étant conformée à l’article 29 de la directive 92/50.


16 – Ve chambre, 1er décembre 2003, n° 7836. Arrêt reproduit en annexe 3 des observations écrites déposées par la Cascina devant la Cour.


17 – Si le droit national confère un effet suspensif à l’introduction d’un recours, l’entreprise ayant introduit un tel recours devra être considérée comme ayant rempli ses obligations, au sens de l’article 29, sous e) et f), de la directive 92/50, jusqu’au moment où un jugement définitif aura statué sur ses prétentions. Au contraire, en l’absence d’effet suspensif de l’obligation de paiement en droit national, la requérante demeurera tenue d’exécuter ses obligations de paiement pour se conformer audit article, sous réserve d’un remboursement ultérieur en sa faveur. Cette présentation schématique n’est bien sûr pas exhaustive, la suspension de l’obligation de paiement pouvant par exemple être soumise à la condition que l’entreprise constitue une garantie.


18 – Voir arrêt du 10 novembre 1993, Otto (C‑60/92, Rec. p. I­­‑5683, point 14).


19 – Arrêt Beentjes, précité, qui énonce, au point 15, que «la vérification de l’aptitude des entrepreneurs à exécuter les travaux à adjuger et l’attribution du marché sont deux opérations différentes dans le cadre de la passation d’un marché public». Voir également les conclusions de l’avocat général Darmon dans cette affaire, qui estime, au point 36, que «[c]e faisant, la directive distingue nettement les critères de vérification de l’aptitude, qui concernent les qualités de l’entrepreneur, et ceux d’attribution du marché, relatifs aux qualités de la prestation qu’il offre, du travail qu’il se propose d'effectuer». Voir aussi arrêt GAT, précité, point 59.


20 – Système commun à toutes les directives sur les marchés publics et maintenu dans la directive 2004/18. L’article 45 de cette directive reprend les critères qualitatifs auxquels peuvent être soumis les opérateurs économiques candidats à un marché.


21 – Le pouvoir adjudicateur garde en revanche la possibilité, jusqu’à l’adjudication du marché, de constater qu’une entreprise ne remplit pas les critères de sélection qualitative.


22 – Arrêts précités Beentjes, point 16, et GAT, point 60.


23 – Voir, par analogie, arrêt Makedoniko Metro et Michaniki, précité, interprétant la directive 93/37 comme ne s’opposant pas à l’interdiction, prévue en droit national, de modifier la composition d’un groupement d’entrepreneurs qui participe à une procédure de passation d’un marché public de travaux après la soumission des offres.