Affaire T-442/03
SIC — Sociedade Independente de Comunicação, SA
contre
Commission des Communautés européennes
«Aides d’État — Mesures prises par la République portugaise en faveur du radiodiffuseur public RTP pour financer sa mission de service public — Décision déclarant que certaines mesures ne constituent pas des aides d’État et que les autres sont compatibles avec le marché commun — Qualification d’aide d’État — Compatibilité avec le marché commun — Obligation d’examen diligent et impartial»
Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) du 26 juin 2008 II-1165
Sommaire de l'arrêt
Aides accordées par les États – Notion – Caractère sélectif de la mesure
(Art. 87, § 1, CE)
Aides accordées par les États – Notion – Aides accordées par une entreprise publique
(Art. 87, § 1, CE)
Concurrence – Entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général – Recours à un appel d'offres non nécessaire pour investir une entreprise d'une telle mission
(Art. 86, § 2, CE ; protocole d'Amsterdam)
Concurrence – Entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général – Définition des services d'intérêt économique général – Pouvoir d'appréciation des États membres
(Art. 86, § 2, CE)
Concurrence – Entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général – Respect par le radiodiffuseur de service public des normes de qualité définies dans le mandat de service public – Compétence exclusive de l'État membre
(Art. 86, § 2, CE)
Aides accordées par les États – Procédure administrative – Obligations de la Commission – Examen diligent et impartial
(Art. 88, § 2, CE)
Ne remplit pas la condition de sélectivité une mesure étatique qui, bien qu’elle confère un avantage à une catégorie spécifique d’opérateurs économiques, ne déroge pas à l’application normale d'un système, mais, au contraire, s’y insère et constitue, ce faisant, une mesure inhérente à ce système, ou encore, lorsque les différences de traitement engendrées par cette mesure peuvent se justifier par la nature ou l’économie du système.
S'agissant d'une loi nationale dispensant les entreprises publiques de l'établissement, lors de leur transformation en sociétés anonymes, de l'acte notarié normalement requis, la Commission est tenue d'examiner si, en dépit de sa spécificité, l’exonération des frais de notaire découlant de cette dispense échappe à la qualification d'aide d’État au motif que le recours à la loi, recours qui entraîne cette dispense, n’a pas été choisi dans le but de faire échapper les entreprises publiques à des charges, mais s’inscrit simplement dans la logique du système juridique national.
(cf. points 64-67)
Pour que des avantages puissent être qualifiés d'aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, ils doivent, d'une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d'État et, d'autre part, être imputables à l'État. L'imputabilité d'une mesure à l'État ne peut être déduite de la seule circonstance que la mesure en cause a été prise par une entreprise publique. En effet, même si l'État est en mesure de contrôler une entreprise publique et d'exercer une influence dominante sur les opérations de celle-ci, l'exercice effectif de ce contrôle dans un cas concret ne saurait être automatiquement présumé. Il est ainsi nécessaire d'examiner si les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées, d'une manière ou d'une autre, dans l'adoption de la mesure.
À cet égard, l'imputabilité à l'État d'une mesure d'aide prise par une entreprise publique peut être déduite d'un ensemble d'indices tels que, notamment, son intégration dans les structures de l'administration publique, la nature de ses activités et l'exercice de celles-ci sur le marché dans des conditions normales de concurrence avec des opérateurs privés, le statut juridique de l'entreprise, celle-ci relevant du droit public ou du droit commun des sociétés, l'intensité de la tutelle exercée par les autorités publiques sur la gestion de l'entreprise ou tout autre indice indiquant, dans le cas concret, une implication des autorités publiques ou l'improbabilité d'une absence d'implication dans l'adoption d'une mesure, eu égard également à l'ampleur de celle-ci, à son contenu ou aux conditions qu'elle comporte.
(cf. points 93-95, 98, 99)
Il ne découle ni du libellé de l'article 86, paragraphe 2, CE ni de la jurisprudence relative à cette disposition qu'un service d'intérêt économique général ne peut être confié à un opérateur qu'à l'issue d'une procédure d'appel d'offres.
S’il est vrai que le service public de la radiodiffusion est considéré comme un service d'intérêt économique général et non comme un service d’intérêt général non économique, il faut cependant relever que cette qualification s’explique plus par l’impact que la radiodiffusion de service public produit, de facto, sur le secteur, par ailleurs concurrentiel et marchand, de la radiodiffusion, que par une prétendue dimension marchande de la radiodiffusion de service public. Comme cela ressort clairement du protocole d’Amsterdam sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres, le service public de la radiodiffusion est « directement lié aux besoins démocratiques, sociaux et culturels de chaque société ».
Cette spécificité de la radiodiffusion de service public constitue d’ailleurs le fondement de la liberté reconnue par le protocole d’Amsterdam aux États membres dans l’attribution du service d'intérêt économique général de la radiodiffusion. Elle explique et justifie le fait qu’il ne puisse être requis d’un État membre qu’il recourt à une mise en concurrence pour l’attribution d'un tel service, tout au moins lorsqu’il décide d’assurer lui-même ce service public par l’intermédiaire d’une société publique.
(cf. points 145, 153, 154)
Les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la définition de ce qu’ils considèrent comme des services d'intérêt économique général. Partant, la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en question par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste.
Par ailleurs, le droit communautaire ne s’oppose nullement à ce qu’un État membre définisse le service d'intérêt économique général de la radiodiffusion en termes larges, comportant la diffusion d’une programmation généraliste. Cette possibilité ne saurait être remise en cause par le fait que le radiodiffuseur de service public exerce, par ailleurs, des activités commerciales, notamment la vente d’espaces publicitaires. En effet, une telle remise en cause reviendrait à faire dépendre la définition même du service d'intérêt économique général de la radiodiffusion de son mode de financement. Or, un service d'intérêt économique général se définit, par hypothèse, par rapport à l’intérêt général qu’il vise à satisfaire et non par rapport aux moyens qui assureront sa fourniture.
(cf. points 195, 201-203)
Seul l’État membre est à même d’apprécier le respect par le radiodiffuseur de service public des normes de qualité définies dans le mandat de service public. La Commission doit, en principe, se limiter à la constatation de l’existence d’un mécanisme de contrôle, par un organe indépendant, du respect de son mandat par ledit radiodiffuseur. Ce n’est que si les informations transmises à la Commission durant l’enquête comportent des indices sérieux que le mécanisme de contrôle, bien qu’existant, n’a pas été mis en oeuvre que la Commission peut être amenée à examiner la réalité de cette mise en oeuvre, en veillant, pour autant, à ne pas aller au-delà de cet examen et, en particulier, à ne pas se substituer à l’État membre dans l’appréciation concrète du respect des critères qualitatifs.
(cf. points 212-214)
Dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d'État, les parties intéressées autres que l’État membre concerné disposent du seul droit d’être associées à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce. Dans ce contexte, une partie intéressée qui saisit la Commission d’une demande visant à ce que cette institution exerce ses pouvoirs pour obtenir de l’État membre certains éléments d’information ne dispose d’aucun droit à ce que la Commission donne suite à sa demande. C’est à la Commission qu’il revient, le cas échéant, d’apprécier l’utilité de cette demande pour les besoins de son contrôle des mesures en cause. Dans cette appréciation, la Commission peut tenir compte des informations dont elle dispose déjà. Pour autant, le caractère restreint des droits à la participation et à l’information des parties intéressées autres que l’État membre ne se trouve nullement en contradiction avec l’obligation d’examen diligent et impartial qui incombe à la Commission dans le domaine des aides d’État. Ainsi, la Commission, si elle jouit d’une marge d’appréciation, ne saurait, cependant, compte tenu de son obligation d’examen diligent et impartial, omettre de demander la communication d’éléments d’information dont il apparaît qu’ils sont de nature à confirmer, ou à infirmer, d’autres éléments d’information pertinents pour l’examen de la mesure en cause, mais dont la fiabilité ne peut être considérée comme suffisamment établie.
(cf. points 222-225)