Mots clés
Sommaire

Mots clés

1. Recours en annulation — Actes susceptibles de recours — Notion — Actes produisant des effets juridiques obligatoires

(Art. 230, al. 4, CE; règlement du Conseil nº 17; décision de la Commission 2001/462, art. 9, al. 3)

2. Concurrence — Procédure administrative — Informations recueillies par la Commission en application du règlement nº 17 — Secret professionnel

(Art. 287 CE; règlement du Conseil nº 17, art. 19, § 2, et 20, § 2)

3. Recours en annulation — Intérêt à agir

(Art. 230, al. 4, CE et 287 CE; règlement du Conseil nº 17, art. 20)

4. Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Décision constatant une infraction ou infligeant une amende

(Art. 81, § 1, CE, 82 CE et 83, § 2, a), CE; règlement du Conseil nº 17, art. 3, 15, § 2, et 21, § 1)

5. Droit communautaire — Principes généraux du droit — Légalité

6. Actes des institutions — Publicité

(Art. 254 CE et 255 CE; art. 1er UE; règlement du Conseil nº 17, art. 21, § 1)

7. Concurrence — Procédure administrative — Détermination des informations couvertes par le secret professionnel

(Art. 287 CE; règlements du Parlement européen et du Conseil nºs 45/2001 et 1049/2001; règlement du Conseil nº 17, art. 20, § 2, et 21, § 2)

8. Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Décision constatant une infraction ou infligeant une amende

(Règlements du Parlement européen et du Conseil nº 45/2001 et nº 1049/2001, art. 4; règlement du Conseil nº 17, art. 20)

9. Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Décision constatant une infraction ou infligeant une amende

(Règlement du Conseil nº 17, art. 2, 3, 6, 7, 8 et 21, § 1 et 2)

10. Concurrence — Amendes — Décision infligeant des amendes

(Règlement du Conseil nº 17)

11. Recours en annulation — Moyens

(Art. 230, al. 4, CE; règlement du Parlement européen et du Conseil nº 45/2001)

12. Actes des institutions — Actes de la Commission — Pouvoir d'appréciation de la Commission quant à la publicité à leur donner

Sommaire

1. Constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 230 CE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci.

À cet égard, l'article 9 de la décision 2001/462, relative au mandat des conseillers-auditeurs dans certaines procédures de concurrence, vise à mettre en oeuvre, sur le plan procédural, la protection prévue par le droit communautaire des informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d'application des règles de concurrence. Ses deux premiers alinéas, qui se réfèrent à la protection des secrets d'affaires, visent plus particulièrement la divulgation d'informations à des personnes, des entreprises ou des associations d'entreprises aux fins de l'exercice de leur droit d'être entendues dans le cadre d'une procédure d'application des règles de concurrence. S'agissant, en revanche, de la divulgation d'informations au public en général, par le biais de leur publication au Journal officiel des Communautés européennes, ces dispositions ne s'appliquent que mutatis mutandis, conformément à l'article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462. Cela implique notamment que, lorsque le conseiller-auditeur prend une décision au titre de cette disposition, il est tenu de veiller au respect du secret professionnel s'agissant d'informations ne nécessitant pas une protection aussi spéciale que celle accordée aux secrets d'affaires, et notamment des informations qui peuvent être communiquées à des tiers ayant un droit d'être entendus à leur sujet, mais dont le caractère confidentiel s'oppose à une divulgation au public.

De plus, conformément à cette décision, le conseiller-auditeur est également tenu de veiller au respect des dispositions du règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, lorsqu'il prend une décision autorisant, au titre de l'article 9 précité, la divulgation d'informations.

Il s'ensuit que, lorsque le conseiller-auditeur prend une décision au titre de l'article 9, troisième alinéa, de la décision 2001/462, il ne doit pas se borner à examiner si la version d'une décision prise au titre du règlement nº 17 et destinée à être publiée contient des secrets d'affaires ou d'autres informations jouissant d'une protection similaire. Il doit également vérifier si cette version contient d'autres informations qui ne peuvent être divulguées au public soit en raison de règles de droit communautaire les protégeant spécifiquement, soit du fait qu'elles relèvent de celles qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel. Dès lors, la décision du conseiller-auditeur produit des effets juridiques dans la mesure où elle se prononce sur le point de savoir si le texte à publier contient de telles informations.

(cf. points 26, 28, 31-34)

2. L'article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17 précise que jouissent notamment de la protection accordée par le droit communautaire aux informations dont la Commission a eu connaissance dans le cadre des procédures d'application des règles de concurrence les informations recueillies en application du règlement nº 17 et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, lequel couvre un domaine allant au-delà des secrets d'affaires des entreprises.

À cet égard, une distinction doit être opérée entre la protection qu'il est nécessaire d'accorder à des informations couvertes par le secret professionnel par rapport à des personnes, des entreprises ou des associations d'entreprises bénéficiant d'un droit d'être entendues dans le cadre d'une procédure d'application des règles de concurrence et la protection qu'il convient d'accorder à de telles informations par rapport au public en général.

En effet, l'obligation des fonctionnaires et agents des institutions de ne pas divulguer les informations en leur possession qui sont couvertes par le secret professionnel, énoncée à l'article 287 CE et mise en oeuvre, dans le domaine des règles de concurrence applicables aux entreprises, par l'article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17, est atténuée à l'égard des personnes auxquelles l'article 19, paragraphe 2, dudit règlement donne le droit d'être entendues. La Commission peut communiquer à de telles personnes certaines informations couvertes par le secret professionnel, pour autant que cette communication soit nécessaire au bon déroulement de l'instruction. Toutefois, cette faculté ne vaut pas pour les secrets d'affaires, auxquels une protection toute spéciale est assurée. En revanche, des informations couvertes par le secret professionnel ne sauraient être divulguées au public en général, indépendamment du point de savoir s'il s'agit de secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles.

La nécessité d'un tel traitement différencié se justifie dès lors que la notion de secret d'affaires recouvre des informations dont non seulement la divulgation au public, mais également la simple transmission à un sujet de droit différent de celui qui a fourni l'information peut gravement léser les intérêts de celui-ci.

(cf. points 28-30)

3. L'article 20 du règlement nº 17 et l'article 287 CE relatifs au secret professionnel ont pour objet, notamment, de protéger les personnes visées par une procédure d'application des règles de concurrence au titre du règlement nº 17 du préjudice susceptible de découler de la divulgation des informations que la Commission a obtenues dans le cadre de cette procédure. Partant, une entreprise visée par cette procédure a, en principe, un intérêt à agir à l'encontre de la décision du conseiller-auditeur de publier la version non confidentielle de la décision de la Commission lui infligeant une amende pour infraction aux règles de concurrence.

La publication de la communication des griefs par un tiers est sans incidence sur l'intérêt à agir de cette entreprise. En effet, à supposer même que les informations contenues dans ces documents soient identiques à celles figurant dans les parties litigieuses de la décision infligeant des amendes, la portée de cette dernière est tout à fait différente de celle d'une communication des griefs. Celle-ci vise à donner aux parties intéressées la possibilité de faire connaître leur point de vue sur des éléments retenus provisoirement par la Commission à leur charge. En revanche, la décision infligeant des amendes contient une description des faits que la Commission considère comme établis. Dès lors, la publication de la communication des griefs, pour préjudiciable qu'elle puisse être pour les parties intéressées, ne saurait priver les destinataires de la décision infligeant des amendes de l'intérêt à faire valoir que la version publiée de cette décision contient des informations protégées contre leur divulgation au public.

De même, l'intérêt du destinataire d'une décision à contester celle-ci ne saurait être nié au motif que celle-ci a déjà été exécutée, étant donné que l'annulation d'une telle décision est susceptible, par elle-même, d'avoir des conséquences juridiques, notamment en obligeant la Commission à prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt du Tribunal et en évitant le renouvellement d'une telle pratique de la part de la Commission.

Enfin, le fait que des circonstances ayant amené un requérant à demander un sursis à l'exécution de la décision attaquée ne subsistent plus n'implique pas la disparition de l'intérêt à l'annulation de celle-ci.

(cf. points 42-45)

4. L'obligation de la Commission de publier, conformément à l'article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17, les décisions qu'elle prend en application de l'article 3 de ce règlement s'applique à toutes les décisions constatant une infraction ou infligeant une amende, sans qu'il soit nécessaire de savoir si elles contiennent également une injonction de mettre fin à l'infraction ou si une telle injonction est justifiée au regard des circonstances de l'espèce.

(cf. point 58)

5. Le principe de légalité est reconnu, en droit communautaire, en ce sens qu'il exige qu'une sanction, même de caractère non pénal, ne peut être infligée que si elle repose sur une base légale claire et non ambiguë.

On ne saurait, toutefois, déduire du principe de légalité l'interdiction de publier les actes pris par les institutions lorsque cette publication n'est pas explicitement prévue par les traités ou par un autre acte de portée générale. En l'état actuel du droit communautaire, une telle interdiction serait incompatible avec l'article 1er UE, aux termes duquel, au sein de l'Union européenne, « les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture ».

(cf. points 68-69)

6. Le principe d'ouverture, consacré à l'article 1er UE selon lequel « les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture », se reflète à l'article 255 CE, qui garantit, sous certaines conditions, un droit d'accès des citoyens aux documents des institutions. Il est en outre exprimé, notamment, par l'article 254 CE, qui subordonne l'entrée en vigueur de certains actes des institutions à leur publication, et par les nombreuses dispositions du droit communautaire qui, à l'instar de l'article 21, paragraphe 1, du règlement nº 17, obligent les institutions à rendre compte, au public, de leurs activités. Conformément à ce principe, et en l'absence de dispositions ordonnant ou interdisant explicitement une publication, la faculté des institutions de rendre publics les actes qu'elles adoptent est la règle, à laquelle il existe des exceptions dans la mesure où le droit communautaire, notamment par le biais des dispositions garantissant le respect du secret professionnel, s'oppose à une divulgation de ces actes ou de certaines informations qu'ils contiennent.

(cf. point 69)

7. Ni l'article 287 CE ni le règlement nº 17 n'indiquent explicitement quelles informations, en dehors des secrets d'affaires, sont couvertes par le secret professionnel. À cet égard, on ne saurait déduire de l'article 20, paragraphe 2, du règlement nº 17 que tel serait le cas de toutes les informations recueillies en application dudit règlement, à l'exception de celles dont la publication est obligatoire en vertu de son article 21. En effet, à l'instar de l'article 287 CE, l'article 21, paragraphe 2, du règlement nº 17, qui met en oeuvre cette disposition du traité dans le domaine des règles de concurrence applicables aux entreprises, s'oppose uniquement à la divulgation des informations « qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel ».

Pour que des informations tombent, par leur nature, sous le coup du secret professionnel, il est nécessaire, tout d'abord, qu'elles ne soient connues que par un nombre restreint de personnes. Ensuite, il doit s'agir d'informations dont la divulgation est susceptible de causer un préjudice sérieux à la personne qui les a fournies ou à des tiers. Enfin, il est nécessaire que les intérêts susceptibles d'être lésés par la divulgation de l'information soient objectivement dignes de protection. L'appréciation du caractère confidentiel d'une information nécessite ainsi une mise en balance entre les intérêts légitimes qui s'opposent à sa divulgation et l'intérêt général qui veut que les activités des institutions communautaires se déroulent dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture.

Une mise en balance de l'intérêt général à la transparence de l'action communautaire et des intérêts susceptibles de s'y opposer a été effectuée par le législateur communautaire dans différents actes de droit dérivé, notamment par le règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, et par le règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. S'il est vrai que la notion de « secret professionnel » relève du droit primaire dans la mesure où elle figure à l'article 287 CE et que le droit dérivé ne peut en aucun cas modifier les dispositions du traité, l'interprétation du traité faite par le législateur communautaire à propos d'une question qui n'y est pas expressément réglée constitue néanmoins un indice important de la façon dont une disposition doit être comprise.

Il s'ensuit que, dans la mesure où de telles dispositions de droit dérivé interdisent la divulgation d'informations au public ou excluent l'accès du public à des documents les contenant, ces informations doivent être considérées comme couvertes par le secret professionnel. En revanche, dans la mesure où le public a un droit d'accès à des documents contenant certaines informations, ces informations ne sauraient être considérées comme étant couvertes, par leur nature, par le secret professionnel.

(cf. points 70-72, 74)

8. S'agissant de la publication des décisions de la Commission prises en application du règlement nº 17, l'article 20 de ce règlement interdit, outre la divulgation de secrets d'affaires, notamment la publication d'informations qui relèvent des exceptions au droit d'accès aux documents prévues à l'article 4 du règlement nº 1049/2001, relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, ou qui sont protégées en vertu d'autres règles de droit dérivé, telles que le règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données. En revanche, il ne s'oppose pas à la publication d'informations dont le public a le droit de prendre connaissance par le biais du droit d'accès aux documents.

(cf. point 75)

9. L'article 21, paragraphe 2, du règlement nº 17 doit être interprété en ce sens qu'il limite l'obligation imposée à la Commission, par le paragraphe premier, de publier ses décisions prises en application des articles 2, 3, 6, 7 et 8, à la mention des parties intéressées et de l'« essentiel » de ces décisions en vue de faciliter la tâche de la Commission d'informer le public de ces dernières, compte tenu notamment des contraintes linguistiques liées à une publication au Journal officiel des Communautés européennes. En revanche, cette disposition ne restreint pas la faculté de la Commission, si elle l'estime opportun et si ses ressources le permettent, de publier le texte intégral de ses décisions, sous réserve du respect du secret professionnel.

Si la Commission est donc soumise à une obligation générale de ne publier que des versions non confidentielles de ses décisions, il n'est pas nécessaire, pour garantir le respect de celle-ci, d'interpréter l'article 21, paragraphe 2, en ce sens qu'il accorderait un droit spécifique aux destinataires des décisions adoptées au titre des articles 2, 3, 6, 7 et 8 du règlement nº 17 leur permettant de s'opposer à la publication par la Commission au Journal officiel (et, le cas échéant, également sur le site Internet de cette institution) des informations qui, quoique non confidentielles, ne sont pas « essentielles » pour la compréhension du dispositif de ces décisions.

Par ailleurs, l'intérêt d'une entreprise membre d'une entente à ce que les détails de son comportement infractionnel ne soient pas divulgués au public ne mérite aucune protection particulière, compte tenu de l'intérêt du public de connaître le plus amplement possible les motifs de toute action de la Commission, de l'intérêt des opérateurs économiques de savoir quels sont les comportements susceptibles de les exposer à des sanctions et de l'intérêt des personnes lésées par l'infraction d'en connaître les détails afin de pouvoir faire valoir, le cas échéant, leurs droits à l'encontre des entreprises sanctionnées.

(cf. points 76-78, 88)

10. L'inclusion, dans une décision infligeant des amendes, de constatations factuelles ayant trait à une entente ne saurait être subordonnée à la condition que la Commission soit compétente pour constater une infraction y relative ou à celle qu'elle ait effectivement constaté une telle infraction. En effet, il est légitime, pour la Commission, de décrire, dans une décision constatant une infraction et infligeant une sanction, le contexte factuel et historique dans lequel s'insère le comportement incriminé. Il en va de même de la publication de cette description, étant donné qu'elle peut être utile pour permettre au public intéressé de comprendre pleinement les motifs d'une telle décision. À cet égard, il appartient à la Commission de juger de l'opportunité de l'inclusion de pareils éléments.

(cf. point 89)

11. Le règlement nº 45/2001, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données, vise à protéger les personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel. Une personne morale ne fait pas partie du cercle des personnes dont ce règlement est destiné à assurer la protection et ne saurait donc se prévaloir d'une prétendue violation des règles qu'il établit.

(cf. point 95)

12. En dehors des obligations de publicité qui lui sont imposées notamment par le règlement nº 17, la Commission dispose d'une marge d'appréciation importante pour apprécier, cas par cas, la publicité qu'il convient de donner à ses actes. Elle n'est aucunement tenue de traiter des actes de même nature de manière identique à cet égard. En particulier, le principe d'égalité n'interdit pas à la Commission de diffuser des textes dont la publication au Journal officiel des Communautés européennes est envisagée, mais dont elle ne dispose pas encore dans l'ensemble des langues officielles, préalablement sur son site Internet dans les langues disponibles ou dans celle(s) la (les) mieux connue(s) par le public intéressé. À cet égard, le fait de disposer uniquement de certaines versions linguistiques constitue une différence suffisante pour justifier ce traitement divergent.

(cf. point 102)