Affaire C-192/03 P


Alcon Inc.
contre
Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI)


«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) nº 40/94 – Nullité de la marque communautaire – Article 51 du règlement nº 40/94 – Motif absolu de refus d'enregistrement – Article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement nº 40/94 – Caractère distinctif acquis par l'usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement nº 40/94 – Vocable 'BSS'»

Ordonnance de la Cour (sixième chambre) du 5 octobre 2004
    

Sommaire de l'ordonnance

Marque communautaire – Renonciation, déchéance et nullité – Causes de nullité absolue – Enregistrement contrairement à l'article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement nº 40/94 – Date pertinente pour l'examen du caractère usuel – Prise en compte de circonstances postérieures à la date de dépôt de la demande d'enregistrement – Admissibilité

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 7, § 1, d), et 51, § 1, a))

Si la date du dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque communautaire est la date pertinente pour l’examen du motif de nullité absolue visé aux articles 7, paragraphe 1, sous d), et 51, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 40/94 et tenant au caractère usuel de la marque, peuvent être pris en compte, sans contradiction de motifs ni erreur de droit, des éléments qui, bien que postérieurs à la date du dépôt de la demande, permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date.

(cf. points 40-41)




ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
5 octobre 2004(1)

«Pourvoi – Marque communautaire – Règlement (CE) n° 40/94 – Nullité de la marque communautaire – Article 51 du règlement n° 40/94 – Motif absolu de refus d'enregistrement – Article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 40/94 – Caractère distinctif acquis par l'usage - Article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 – Vocable ‘BSS’»

Dans l'affaire C-192/03 P,ayant pour objet un pourvoi au titre de l'article 56 du statut de la Cour,introduit le 2 mai 2003,

Alcon Inc., anciennement Alcon Universal Ltd, établie à Hünenberg (Suisse), représentée par MM. C. Morcom, QC, et S. Clark, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Laitinen et M. A. Sesma Merino, en qualité d'agents,

partie défenderesse en première instance,

Dr. Robert Winzer Pharma GmbH, établie à Olching (Allemagne), représentée par Me S. Schneller, Rechtsanwalt,

partie intervenante en première instance,



LA COUR (sixième chambre),



composée de M. J.-P. Puissochet (rapporteur), président de chambre, Mme F. Macken et M. U. Lõhmus, juges,

avocat général:M. M. Poiares Maduro,
greffier: M. R. Grass,

rend la présente



Ordonnance



1
Par son pourvoi, la société Alcon Inc. (ci-après la «requérante») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (deuxième chambre) du 5 mars 2003, Alcon/OHMI — Dr. Robert Winzer Pharma (BSS) (T‑237/01, Rec. p. II-411, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours dirigé contre la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l’«OHMI») du 13 juillet 2001, déclarant la nullité de la marque communautaire BSS (affaire R 273/2000-1) (ci-après la «décision litigieuse»).


Le cadre juridique

2
Aux termes de l’article 4 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1):

«Peuvent constituer des marques communautaires tous signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.»

3
L’article 7 du même règlement dispose:

«1. Sont refusés à l’enregistrement:

[…]

d)
les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;

[…]

2. Le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté.

3. Le paragraphe 1 points b), c) et d) n’est pas applicable si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.»

4
Aux termes de l’article 51 du règlement n° 40/94:

«1. La nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:

a)
lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 5 ou de l’article 7;

[…]

2. Lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement à l’article 7 paragraphe 1 point b), c) ou d) elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l’usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

[…]»

5
L’article 63 du règlement n° 40/94 prévoit, à ses paragraphes 1, 2 et 3:

«1. Les décisions des chambres de recours statuant sur un recours sont susceptibles d’un recours devant la Cour de justice.

2. Le recours est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir.

3. La Cour de justice a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée.»


Les faits du litige

6
Le 1er avril 1996, la société Alcon Pharmaceuticals Ltd a présenté à l’OHMI une demande tendant à l’enregistrement en tant que marque communautaire du vocable «BSS», pour des «préparations pharmaceutiques ophtalmiques; solutions stériles pour la chirurgie ophtalmique», produits relevant de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

7
La marque a été enregistrée le 7 août 1998 et publiée le 19 octobre 1998. Le 29 novembre 1999, la marque a été transférée au profit de la requérante, qui en avait fait la demande.

8
Le 7 décembre 1998, la société Dr. Robert Winzer Pharma GmbH (ci-après la «partie intervenante») a présenté à l’OHMI une demande tendant à ce que la marque soit déclarée nulle, en application de l’article 51, paragraphe 1, du règlement n° 40/94. Elle a fait valoir que «BSS» était l’abréviation de «balanced salt solution» (solution saline équilibrée) ou de «buffered saline solution» (solution saline tamponnée), que la marque était donc descriptive pour les produits concernés et qu’elle avait été enregistrée en méconnaissance de l’article 7 du règlement n° 40/94.

9
Par décision du 15 décembre 1999, la division d’annulation a accueilli cette demande, aux motifs, d’une part, que la marque était composée d’un signe devenu usuel dans le langage courant au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 40/94 et, d’autre part, que la requérante n’avait pas démontré que le signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens des articles 7, paragraphe 3, et 51, paragraphe 2, du règlement n° 40/94. Le 15 février 2000, la requérante a formé un recours contre cette décision.

10
Par la décision litigieuse, la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours, en considérant que le vocable «BSS» était utilisé soit en allemand soit en anglais pour désigner, dans le langage courant, une préparation pharmaceutique ophtalmique et que la requérante n’avait pas rapporté la preuve que ce vocable avait acquis un caractère distinctif par l’usage.


L’arrêt attaqué

11
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2001, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. L’OHMI et la partie intervenante ont conclu au rejet dudit recours.

12
Le Tribunal a jugé, d’une part, aux points 35 à 48 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait considéré à juste titre que les preuves produites par la partie intervenante étaient suffisantes pour démontrer que «BSS» avait acquis un caractère usuel au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 40/94.

13
En se référant à l’arrêt de la Cour du 4 octobre 2001, Merz & Krell (C‑517/99, Rec. p. I-6959), le Tribunal a estimé que le terme «BSS» était devenu, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque BSS par la requérante, un terme générique usuel pour le public ciblé par les produits concernés, à savoir les ophtalmologues et les chirurgiens ophtalmiques, pour désigner une solution saline équilibrée («balanced salt solution»). Cela ressortirait de plusieurs dictionnaires et articles scientifiques, ainsi que de la commercialisation par diverses sociétés de produits ophtalmiques sous des dénominations contenant le vocable «BSS».

14
Le Tribunal a jugé, d’autre part, aux points 49 à 60 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait estimé également à bon droit que la requérante n’avait pas démontré que la marque BSS avait acquis un caractère distinctif par l’usage au sens des articles 7, paragraphe 3, et 51, paragraphe 2, du règlement n° 40/94.

15
Il a considéré que les documents produits par la requérante devant la division d’annulation de l’OHMI puis devant la chambre de recours ne permettaient pas d’établir que le public ciblé percevait le vocable «BSS» non comme le nom générique du produit en cause, mais comme le signe distinctif d’une entreprise déterminée. Il a relevé, notamment, que la «liste de surveillance BSS» et les accords conclus par la requérante avec des tiers, éléments produits par cette dernière qui montreraient l’existence d’un programme de contrôle de l’usage de la marque BSS par des tiers, n’avaient pas d’incidence ni de résultats connus dans la sensibilisation du public ciblé.

16
Le Tribunal a, dès lors, rejeté le recours.


Sur le pourvoi

17
La requérante conclut à ce qu’il plaise à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision litigieuse et de statuer sur les dépens.

18
L’OHMI et la partie intervenante concluent à ce qu’il plaise à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

19
En vertu de l’article 119 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, rejeter le pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

Argumentation des parties

20
En premier lieu, la requérante soutient que le Tribunal a fait une application inexacte de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 40/94 en considérant que le vocable «BSS» était devenu usuel.

21
Le Tribunal aurait, à tort, pris en considération des éléments de preuve fournis par la partie intervenante qui étaient soit postérieurs à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque BSS, en l’espèce le 1er avril 1996, seule date à laquelle il convenait de se placer pour apprécier le motif de nullité en cause, soit publiés en dehors de l’Union européenne. La partie intervenante n’aurait produit aucune preuve provenant d’une quelconque personne opérant dans le commerce des produits en cause, qui établirait le caractère usuel du vocable «BSS». La seule mention d’un signe comme nom ou description d’un produit quelconque dans un dictionnaire ou dans une autre publication ne suffirait pas à démontrer que ce signe est devenu usuel dans le langage courant du public ciblé.

22
En outre, la requérante soutient que le Tribunal aurait dû tenir compte de ses arguments tirés des initiatives actives qu’elle avait prises pour surveiller les références faites par d’autres parties au vocable «BSS» et éviter l’usage abusif de sa marque par des tiers.

23
En second lieu, la requérante fait valoir que le Tribunal a, à tort, écarté les éléments de preuve qu’elle avait fournis pour démontrer que la marque BSS avait acquis un caractère distinctif par l’usage, sur le fondement des articles 7, paragraphe 3, et 51, paragraphe 2, du règlement n° 40/94. Le Tribunal se serait fondé, au point 56 de l’arrêt attaqué, sur un point particulier: l’absence de preuve de l’incidence du programme de surveillance de la marque sur le public ciblé, alors que le Tribunal n’aurait pas eu la même exigence à l’égard des preuves avancées par la partie intervenante. Il n’aurait donc pas traité de la même façon les preuves produites par les deux parties au litige.

24
L’OHMI précise que le pourvoi concerne la première affaire portée devant le Tribunal et devant la Cour de justice, relative à une demande en nullité d’une marque communautaire.

25
En se fondant sur l’arrêt de la Cour du 19 septembre 2002, DKV/OHMI (C-104/00 P, Rec. p. I-7561), l’OHMI soutient, à titre principal, que la majorité sinon la totalité des moyens avancés par la requérante dans son pourvoi ne portent que sur des questions de pur fait, notamment l’examen des éléments de preuve par le Tribunal, dont l’appréciation ne relève pas de la compétence de la Cour lorsqu’elle est saisie d’un pourvoi.

26
À titre subsidiaire, en ce qui concerne l’interprétation tant de l’article 7, paragraphe 1, sous d), que des articles 7, paragraphe 3, et 51, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, l’OHMI estime que le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit. Quant aux éléments de preuve produits par la partie intervenante, à supposer que la Cour puisse en examiner la portée, l’OHMI fait valoir que le Tribunal a pu à juste titre considérer qu’ils établissaient que le vocable «BSS» avait déjà acquis un caractère usuel à la date de dépôt de la demande d’enregistrement et que la marque avait de ce fait perdu son caractère distinctif.

27
La partie intervenante soutient que les éléments de preuve qu’elle a produits à la division d’annulation de l’OHMI, à la chambre de recours et au Tribunal établissent clairement le caractère générique de la marque BSS pour les produits concernés dans les habitudes loyales et constantes du commerce, et que ces preuves ont été correctement prises en compte par l’OHMI et par le Tribunal.

Appréciation de la Cour

28
Pour estimer que la marque BSS était exclusivement composée de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant du public ciblé pour désigner les produits pour lesquels ladite marque a été enregistrée et qu’elle avait été légalement déclarée nulle pour ce motif par la décision litigieuse, le Tribunal a rappelé, à juste titre, au point 39 de l’arrêt attaqué, qu’il ne fallait pas se fonder sur la nature descriptive de la marque mais sur l’usage en vigueur dans les milieux dont relève le commerce de ces produits [voir, à propos des dispositions, en substance identiques, de l’article 3, paragraphe 1, sous d), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), arrêt Merz & Krell, précité, point 35].

29
Le Tribunal a fait également une exacte application de l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 40/94 en rappelant, au point 40 de l’arrêt attaqué, que des signes ou des indications composant une marque qui sont devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce pour désigner les produits ou les services visés par cette marque ne sont pas propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises et ne remplissent donc pas la fonction essentielle de ladite marque — sauf si l’usage qui a été fait de ces signes ou de ces indications leur a permis d’acquérir un caractère distinctif (voir, par analogie, arrêt Merz & Krell, précité, point 37).

30
Le Tribunal n’a pas davantage commis d’erreur de droit en considérant, au point 42 de l’arrêt attaqué, qu’il convenait, aux fins d’apprécier le caractère usuel de la marque litigieuse, de se placer du point de vue du public spécialisé en matière médicale, à savoir les ophtalmologues et les chirurgiens ophtalmiques exerçant leurs activités dans l’Union européenne.

31
Le cadre juridique du litige ayant ainsi été à bon droit déterminé, le Tribunal, analysant les éléments de preuve respectivement produits par la requérante et par la partie intervenante, a estimé qu’il ressortait de l’ensemble de ces éléments que la marque BSS avait acquis, pour le public ciblé concerné, un caractère usuel et que l’usage qui en avait été fait n’avait pas permis de lui conférer un caractère distinctif.

32
À l’appui de ses conclusions dirigées contre l’arrêt attaqué, la requérante fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal n’a pas suffisamment tenu compte des éléments de preuve qu’elle avait produits devant la division d’annulation et devant la chambre de recours de l’OHMI et qu’il a, en revanche, accordé un trop grand prix à ceux que la partie intervenante avait produits devant ces mêmes instances.

33
Or, les constatations du Tribunal selon lesquelles le requérant ne fournit pas les éléments nécessaires à l’appui de ses allégations ou n’établit pas que celles-ci sont exactes sont des constatations de fait qui relèvent de la seule compétence du Tribunal et ne peuvent être mises en cause dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêts du 1er octobre 1991, Vidrányi/Commission, C-283/90 P, Rec. p. I-4339, points 16 et 17, et du 18 novembre 1999, Tzoanos/Commission, C-191/98 P, Rec. p. I‑8223, point 23), à moins que le Tribunal ne dénature les éléments de preuve qui lui ont été soumis (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission, C-237/98 P, Rec. p. I-4549, points 35 et 36).

34
Par ses arguments, ainsi que l’indique à juste titre l’OHMI, la requérante se borne en réalité à contester, sans invoquer un quelconque vice de dénaturation des éléments du dossier soumis au Tribunal, l’appréciation des faits à laquelle ce dernier s’est livré. Cette appréciation ne constitue pas une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt DKV/OHMI, précité, point 22 et ordonnance du 5 février 2004, Telefon & Buch/OHMI, C‑326/01 P, non encore publiée au Recueil, point 35). La requérante n’invoque pas davantage que l’arrêt attaqué serait entaché d’erreur de droit dans l’application des règles de la charge de la preuve (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C-199/92 P, Rec. p. I‑4287, points 64 et 65).

35
En second lieu, la requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne se plaçant pas à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque BSS, en l’occurrence le 1er avril 1996. Seule cette date serait pertinente pour apprécier si une marque communautaire a acquis un caractère usuel justifiant qu’elle soit déclarée nulle en application de l’article 51, paragraphe 1, du règlement n° 40/94. Cette erreur serait révélée par le fait que le Tribunal a mentionné, en particulier au point 45 de l’arrêt attaqué, des documents postérieurs à cette date. Le Tribunal aurait également pris en compte à tort, au point 44 de l’arrêt attaqué, des documents publiés en dehors de l’Union européenne, qui ne pouvaient refléter la perception du public ciblé susmentionné.

36
Il convient de distinguer entre les deux branches de ce second moyen.

37
La première branche est relative à la prise en considération par le Tribunal de documents postérieurs à la demande d’enregistrement pour apprécier si une marque a acquis un caractère usuel. Si, par cette branche, la requérante entend contester l’appréciation du Tribunal relative au caractère usuel de la marque à la date de la demande de l’enregistrement sur la base de ces documents, il convient de rappeler que cette appréciation des éléments de preuve ne constitue pas une question de droit qu’il appartient à la Cour d’analyser. Si, en revanche, la requérante veut démontrer que le Tribunal, en prenant en considération ces documents, a implicitement choisi une date postérieure à la demande d’enregistrement comme étant pertinente pour l’analyse du caractère usuel du terme «BSS», une telle critique soulève une question de droit qu’il appartient à la Cour d’examiner.

38
En l’espèce, toutefois, cette première branche du moyen n’est pas fondée.

39
En effet, le Tribunal a expressément retenu, au point 46 de l’arrêt attaqué, que la chambre de recours avait considéré à bon droit, au point 19 de la décision litigieuse, que les preuves produites par la partie intervenante établissaient que le terme «BSS» était devenu usuel «à la date de dépôt de la demande». Dans son analyse, il ne s’est donc pas placé à une autre date que celle invoquée par la requérante pour examiner le motif de nullité allégué.

40
L’OHMI a précisé à cet égard à juste titre que la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque communautaire est la date pertinente pour cet examen.

41
Par ailleurs, le Tribunal a pu, sans contradiction de motifs ni erreur de droit, prendre en compte des éléments qui, bien que postérieurs à la date du dépôt de la demande, permettaient de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date (voir, par analogie, ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C-259/02, non encore publiée au Recueil, point 31).

42
Dans la seconde branche de ce moyen, la requérante soutient que le Tribunal a pris en considération, au point 44 de l’arrêt attaqué, certains documents publiés aux États-Unis. Cependant, cette circonstance n’établit pas qu’il a fondé son analyse sur des éléments de preuve n’ayant aucune incidence sur le public ciblé. En indiquant, au point 42 de l’arrêt attaqué, que l’anglais était la langue technique des spécialistes du domaine concerné et en faisant référence, au point 43 de l’arrêt attaqué, à la perception du vocable «BSS» comme un terme générique par la «communauté scientifique», le Tribunal a nécessairement estimé que ces documents, bien que publiés en dehors de l’Union européenne, étayaient la conclusion selon laquelle le public ciblé considérait que ce vocable était devenu usuel. Il a, ce faisant, porté une appréciation de pur fait, que la requérante ne peut remettre en cause par la voie du pourvoi.

43
Le second moyen doit donc être écarté.

44
Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la requérante est manifestement non fondé et doit, dès lors, être rejeté.


Sur les dépens

45
Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI et la partie intervenante ayant conclu à la condamnation de la requérante et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne:

1)
Le pourvoi est rejeté.

2)
Alcon Inc. est condamnée aux dépens.

Signatures.


1
Langue de procédure: l'anglais.