Affaire C-226/03 P


José Martí Peix SA
contre
Commission des Communautés européennes


«Pourvoi – Pêche – Concours financier communautaire – Réduction du concours – Règlement (CE, Euratom) nº 2988/95 du Conseil – Articles 1er et 3 – Prescription»

Conclusions de l'avocat général M. A. Tizzano, présentées le 7 septembre 2004
    
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 2 décembre 2004
    

Sommaire de l'arrêt

1.
Ressources propres des Communautés européennes – Règlement relatif à la protection des intérêts financiers de la Communauté – Irrégularité continue – Délai de prescription – Acte interruptif

(Règlement du Conseil nº 2988/95, art. 1er, § 2, et 3, § 1, al. 2 et 3)

2.
Pourvoi – Moyens – Motifs d'un arrêt entachés d'une violation du droit communautaire – Dispositif fondé pour d'autres motifs de droit – Rejet

1.
Selon l’article 1er, paragraphe 2, du règlement nº 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, une irrégularité présuppose une violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique.
Lorsque l’omission à l’origine de la violation de la disposition du droit communautaire concernée se poursuit, l’irrégularité est «continue» au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du même règlement. Le délai de prescription correspondant ne commence à courir qu’à compter du jour où l’irrégularité a pris fin.
Ce délai est interrompu par une lettre de la Commission visant notamment à la poursuite de l’irrégularité et à la réduction du concours financier, cette lettre étant un acte d’instruction au sens dudit article 3, paragraphe 1, troisième alinéa.

(cf. points 16-18, 30)

2.
Si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit communautaire, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté.

(cf. point 29)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
2 décembre 2004(1)

«Pourvoi – Pêche – Concours financier communautaire – Réduction du concours – Règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil – Articles 1er et 3 – Prescription»

Dans l'affaire C-226/03 P,ayant pour objet un pourvoi au titre de l'article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 22 mai 2003,

José Martí Peix SA,établie à Huelva (Espagne), représenté par Mes J.-R. García-Gallardo Gil-Fournier et D. Domínguez Pérez, avocats,

partie requérante,

l'autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme S. Pardo Quintillán, en qualité d'agent, et Me J. Guerra Fernández, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

LA COUR (deuxième chambre),,



composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, M. J.-P. Puissochet et Mme N. Colneric (rapporteur), juges,

avocat général: M. A. Tizzano,
greffier: Mme Múgica Azarmendi, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 10 juin 2004,considérant les observations présentées par les parties,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 7 septembre 2004,

rend le présent



Arrêt



1
Par son pourvoi, la société José Martí Peix SA (ci-après la «requérante») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 13 mars 2003, José Martí Peix/Commission (T-125/01, Rec. p. II‑865, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 19 mars 2001 portant réduction du concours accordé à la requérante, en 1991, pour un projet de constitution d’une société mixte de pêche hispano-angolaise et ordonnant à la requérante de lui rembourser une somme de 639 520 euros (ci-après la «décision attaquée»).


Le cadre juridique

2
L’article 44, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l’amélioration et l’adaptation des structures du secteur de la pêche et de l’aquaculture (JO L 376, p. 7) prévoit:

«Pendant toute la durée de l’intervention communautaire, l’autorité ou l’organisme désigné à cet effet par l’État membre intéressé transmet à la Commission, à sa demande, toute pièce justificative et tout document de nature à établir que les conditions financières ou autres imposées pour chaque projet sont remplies. La Commission peut décider de suspendre, de réduire ou de supprimer le concours, selon la procédure prévue à l’article 47:

si le projet n’est pas exécuté comme prévu, ou

si certaines des conditions imposées ne sont pas remplies, ou

si le bénéficiaire, contrairement aux renseignements contenus dans sa demande et repris dans la décision d’octroi du concours financier, ne commence pas, dans un délai d’un an à compter de la notification de ladite décision, à réaliser les travaux ou s’il n’a pas fourni, avant l’expiration de ce délai, des garanties suffisantes pour l’exécution du projet, ou

si le bénéficiaire ne termine pas les travaux dans un délai de deux ans à compter de leur début, sauf en cas de force majeure.

La décision est notifiée à l’État membre intéressé ainsi qu’au bénéficiaire.

La Commission procède à la récupération des sommes dont le versement n’était pas ou n’est pas justifié.»

3
Les articles 1er et 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1) disposent:

«Article premier

1. Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire.

2. Est constitutive d’une irrégularité toute violation d’une disposition du droit communautaire résultant d’un acte ou d’une omission d’un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue.

[...]

Article 3

1. Le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l’irrégularité visée à l’article 1er, paragraphe 1. Toutefois, les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans.

Pour les irrégularités continues ou répétées, le délai de prescription court à compter du jour où l’irrégularité a pris fin. Pour les programmes pluriannuels, le délai de prescription s’étend en tout cas jusqu’à la clôture définitive du programme.

La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l’autorité compétente et visant à l’instruction ou à la poursuite de l’irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif.

Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration sans que l’autorité compétente ait prononcé une sanction, sauf dans les cas où la procédure administrative a été suspendue conformément à l’article 6 paragraphe 1.

[…]»


Les faits à l’origine du litige

4
Les faits qui sont à l’origine du recours devant le Tribunal de première instance sont exposés comme suit aux points 11 à 34 de l’arrêt attaqué:

«11
En octobre 1991, [la requérante] a, par l’intermédiaire des autorités espagnoles, présenté à la Commission une demande de concours financier communautaire fondée sur le règlement n° 4028/86 dans le cadre d’un projet de constitution d’une société mixte de pêche hispano-angolaise. Ce projet prévoyait le transfert, en vue d’activités de pêche, de trois navires, le Pondal, le Periloja et le Sonia Rosal, à la société mixte constituée par la requérante, par la société portugaise Iberpesca - Sociedades de Pesca Ltda et par un associé angolais, Empromar N’Gunza.

12
Par décision du 16 décembre 1991 (ci-après la ‘décision d’octroi’), la Commission a accordé au projet visé au point précédent (projet SM/ESP/17/91, ci-après le ‘projet’) un concours communautaire d’un montant maximal de 1 349 550 écus. Cette décision prévoyait que le royaume d’Espagne compléterait le concours communautaire par une aide de 269 910 écus.

13
En novembre 1992, la société mixte, dénommée Ibermar Empresa de Pesca Ltda, a été constituée et enregistrée à Luanda, en Angola. En décembre 1992, les trois navires de la société mixte ont été enregistrés dans le port de Luanda.

14
Par décision du 12 mai 1993, la Commission a, à la suite d’une demande de la requérante, adopté une décision modifiant la décision d’octroi. La modification a consisté à remplacer, en ce qui concerne l’associé du pays tiers, Empromar N’Gunza par la société Marang, Pesca et Industrias de Pesca Ltda.

15
Le 18 mai 1993, la Commission a reçu, par l’entremise des autorités espagnoles, une demande de paiement de la première tranche du concours datée du 10 mai 1993. Cette demande était accompagnée d’une série de documents et de certificats relatifs à la constitution de la société mixte, à l’enregistrement des navires au port de Luanda, à leur radiation du registre communautaire et à l’obtention des licences de pêche requises.

16
Le 24 juin 1993, la Commission a payé 80 % du concours.

17
Le 20 mai 1994, la requérante a introduit auprès des autorités espagnoles une demande de paiement du solde du concours. Cette demande était accompagnée du premier rapport périodique, couvrant la période d’activité comprise entre le 20 avril 1993 et le 20 avril 1994. Dans ce rapport, il était notamment indiqué ce qui suit:

‘Nos objectifs à long terme ont dû être modifiés en raison du naufrage du Pondal le 20 juillet 1993. Nous avons immédiatement demandé aux autorités responsables de la pêche en Angola son remplacement par un autre navire de notre flotte, mais à l’heure de rédiger ce rapport, nous n’avons toujours pas obtenu l’autorisation de procéder à ce remplacement’.

18
La Commission a reçu la demande visée au point précédent le 7 septembre 1994 et a procédé au paiement du solde du concours le 14 septembre 1994.

19
Le 6 novembre 1995, la Commission a reçu le deuxième rapport périodique, daté du 19 juin 1995, couvrant la période d’activité comprise entre le 20 mai 1994 et le 20 mai 1995. Ce rapport mentionnait le naufrage du Pondal le 20 juillet 1993 et faisait état des difficultés rencontrées pour remplacer ce navire en raison des réticences des autorités angolaises.

20
Par lettre du 20 décembre 1996, la Commission, n’ayant pas reçu le troisième rapport périodique d’activité, a demandé des informations à ce sujet aux autorités espagnoles, lesquelles lui ont répondu, par lettre du 22 janvier 1997, que ce rapport était en cours d’élaboration.

21
Le 20 février 1997, les autorités espagnoles ont reçu une lettre de la requérante, datée du 31 janvier 1997, faisant état de difficultés de gestion de la société mixte liées aux exigences posées par l’associé angolais et sollicitant, en raison de ces difficultés, un changement de pays tiers pour les navires Periloja et Sonia Rosal. Dans cette lettre, la requérante a signalé le transfert de ces deux navires à la société mixte Peix Camerún SARL et demandé l’autorisation de présenter le troisième rapport périodique d’activité dans le contexte de cette dernière société.

22
Par une lettre datée du 4 février 1997, parvenue à la Commission le 5 mars 1997, les autorités espagnoles ont transmis à celle-ci les demandes exprimées par la requérante, avec la documentation pertinente, en se déclarant favorables auxdites demandes.

23
Le 4 avril 1997, la Commission a répondu aux autorités espagnoles que le troisième rapport périodique d’activité aurait dû être déposé en septembre 1996 et que, par conséquent, ce rapport devait être présenté dans le prolongement des rapports précédents et non dans la nouvelle perspective proposée par la requérante.

24
Par lettre du 18 juin 1997, la Commission a demandé aux autorités espagnoles la communication du troisième rapport périodique d’activité dans les plus brefs délais.

25
En septembre 1997, le troisième rapport périodique d’activité, couvrant la période comprise entre le 20 mai 1995 et le 20 mai 1996, est parvenu à la Commission. Il y était fait état de comportements de l’associé angolais empêchant la poursuite normale des activités de pêche. Il était indiqué que les derniers déchargements de poissons en provenance de l’Angola remontaient à mars 1995 et que, compte tenu des difficultés liées aux comportements susvisés, les associés communautaires avaient décidé de vendre leurs parts de la société mixte à l’associé angolais et de racheter les navires affectés au projet. Le rapport mentionnait que, après leur rachat, les navires avaient été transférés par la requérante dans un port du Nigeria où ils ont subi des réparations jusqu’en 1996.

26
Par lettre du 6 mars 1998, la requérante a, en réponse à une demande présentée par les autorités espagnoles le 26 février 1998, fourni à celles-ci des éclaircissements sur la réalisation du projet. Dans ladite lettre, il était indiqué que les navires de la société mixte avaient quitté les eaux angolaises au cours du premier quadrimestre de l’année 1995. Des documents joints à cette lettre, il ressortait que la cession par les armateurs communautaires de leurs parts de la société mixte à l’associé angolais datait du 3 février 1995.

27
Par lettre du 26 juin 1998, la Commission a sollicité auprès des autorités espagnoles des informations concernant l’état du projet. En réponse à cette lettre, lesdites autorités ont adressé à la Commission, le 2 juillet 1998, la lettre de la requérante du 6 mars 1998.

Procédure précontentieuse

28
Dans une lettre du 26 juillet 1999 adressée à la requérante et aux autorités espagnoles, M. Cavaco, directeur général de la direction générale ‘Pêche’ de la Commission (DG XIV), a annoncé que, conformément à l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86, la Commission avait décidé de réduire le concours initialement accordé au projet au motif que, contrairement aux exigences fixées par ledit règlement et par le règlement n° 1956/91, la société mixte n’avait pas exploité pendant trois ans les ressources halieutiques du pays tiers mentionné dans la décision d’octroi du concours. S’agissant du navire Pondal, cette lettre mentionnait que, des documents reçus par la Commission, il était permis de déduire que ce navire avait exercé ses activités du 20 avril au 20 juillet 1993, date de son naufrage, soit durant trois mois, ce qui justifiait une réduction du concours de 160 417 écus. Il était cependant ajouté que le calcul de la Commission était subordonné à l’obtention d’éléments prouvant que le naufrage susvisé a constitué un cas de force majeure. S’agissant des navires Periloja et Sonia Rosal, il était indiqué que, des informations à la disposition de la Commission, il ressortait que ces deux navires avaient exercé leurs activités dans les eaux angolaises pour le compte de la société mixte entre le 20 avril 1993 et le 20 avril 1994 ainsi qu’entre le 20 mai 1994 et le 3 février 1995, date de la vente par la requérante de ses parts dans ladite société, soit durant une période totale de 21 mois, ce qui justifiait une réduction du concours de 114 520 écus. Au total, la réduction envisagée s’élevait donc à 274 937 écus, somme dont la Commission envisageait de réclamer le remboursement à la requérante, l’intégralité du concours lui ayant été antérieurement versée. La lettre indiquait que, à défaut d’accord formel de la requérante, dans les 30 jours, sur la solution proposée, la Commission poursuivrait la procédure de réduction.

29
Le 5 octobre 1999, la requérante a adressé à la Commission ses commentaires sur la lettre de cette dernière du 26 juillet 1999. En substance, elle a fourni des éléments visant à démontrer que le naufrage du navire Pondal était un cas de force majeure et a indiqué qu’elle avait tenté de remplacer celui-ci par un autre navire de sa flotte, mais que cela avait été impossible en raison de l’attitude des autorités angolaises. S’agissant des navires Periloja et Sonia Rosal, elle a expliqué que les difficultés provoquées par l’associé angolais l’avaient obligée à transférer l’activité de ces navires vers les eaux camerounaises. Elle a précisé que cette modification avait été portée à la connaissance des autorités espagnoles en janvier 1997. Elle a souligné que les formalités requises pour la constitution et le fonctionnement de la société mixte avaient été accomplies et que les activités de celle-ci avaient visé un approvisionnement prioritaire du marché communautaire.

30
Le 9 novembre 1999 s’est tenue une réunion entre la Commission et la requérante.

31
À la suite de cette réunion, la requérante a adressé à la Commission, le 18 février 2000, un mémoire d’observations dans lequel elle a excipé de la prescription des faits dénoncés par la Commission et allégué l’existence d’une violation, par celle-ci, des principes de diligence et de bonne administration.

32
Par une lettre du 25 mai 2000 adressée à la requérante et aux autorités espagnoles, M. Smidt, directeur général de la DG ‘Pêche’ de la Commission, a exposé que la lecture des documents produits par la requérante le 5 octobre 1999 avait fait apparaître que le naufrage du Pondal était survenu le 13 janvier 1993, et non le 20 juillet 1993 comme la requérante l’avait indiqué jusqu’ici à la Commission, et que, dans ces conditions, l’absence d’allusion audit naufrage dans la demande de paiement de la première tranche du concours présentée par la requérante en mai 1993 et l’indication du 20 juillet 1993 comme date de survenance de ce naufrage dans le premier et dans le deuxième rapport périodique d’activité de la société mixte étaient constitutives d’irrégularités de nature à justifier la suppression de la partie du concours relative au navire concerné. Cette partie du concours correspondant à 525 000 écus, et la Commission confirmant sa position exprimée le 26 juillet 1999 en ce qui concerne les deux autres navires de la société mixte, il était envisagé, dans cette lettre, de porter le montant total de la réduction du concours à 639 520 écus. La lettre exprimait également les objections de la Commission à l’égard des allégations de la requérante relatives à la prescription des mesures de réduction et de récupération envisagées. Elle indiquait que, à défaut pour la requérante de faire part, dans les 30 jours, de son accord sur la solution proposée ou d’éléments susceptibles de justifier un changement de position de la Commission, celle-ci poursuivrait les procédures de réduction et de recouvrement.

33
Le 10 juillet 2000, la requérante a adressé à la Commission ses observations sur la lettre de celle-ci du 25 mai 2000. En substance, elle a exposé, en ce qui concerne le navire Pondal, que celui-ci avait fait naufrage le 13 janvier 1993, mais que sa radiation du registre angolais n’était intervenue que le 20 juillet 1993, ce qui expliquait l’absence de mention du naufrage dans la demande de paiement de la première tranche du concours et la référence à cette dernière date dans le premier rapport périodique d’activité. S’agissant des deux autres navires, elle a fait valoir qu’il était établi qu’elle avait communiqué le changement de pays tiers aux autorités espagnoles en janvier 1997. Elle a également allégué sa bonne foi dans cette affaire.

34
Le 19 mars 2001, la Commission a adopté une décision réduisant à 710 030 euros le concours accordé au projet et ordonnant à la requérante de lui rembourser la somme de 639 520 euros […].»


L’arrêt attaqué

5
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juin 2001, la requérante a introduit contre la Commission un recours en annulation de la décision attaquée en application de l’article 230 CE.

6
Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours comme non fondé.

7
Le Tribunal a, aux points 81 à 95 de l’arrêt attaqué, examiné le moyen de la requérante fondé sur l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 2988/95 et tiré de la prescription des faits:

«81
S’agissant, premièrement, des faits relatifs au naufrage du navire Pondal, il convient de rappeler que l’irrégularité constatée, à juste titre, dans la décision attaquée consiste dans le fait que la requérante a, dans un premier temps, caché la survenance de ce naufrage et, dans un deuxième temps, communiqué une date erronée concernant celui-ci. Les comportements reprochés à la requérante en relation avec le naufrage du navire Pondal doivent être regardés comme étant constitutifs d’une irrégularité continue, au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 2988/95, en ce qu’ils ont eu un objet identique, à savoir un manquement de la requérante à son devoir d’information et de loyauté en ce qui concerne ce naufrage. Il y a donc lieu de considérer, conformément à cette même disposition, que, s’agissant de l’irrégularité relative au navire Pondal, le délai de prescription a commencé à courir ‘à compter du jour où l’irrégularité a pris fin’.

82
À cet égard, si, certes, la requérante a signalé la survenance du naufrage du navire Pondal dans le premier rapport périodique d’activité de la société mixte adressé aux autorités espagnoles le 20 mai 1994, ce n’est, ainsi qu’elle l’a admis à l’audience, que dans son mémoire daté du 5 octobre 1999, contenant ses commentaires sur la lettre de la Commission du 26 juillet 1999, qu’elle a, pour la première fois, indiqué à la Commission la date exacte de ce naufrage, à savoir le 13 janvier 1993, et non le 20 juillet 1993 comme elle l’avait mentionné jusque-là. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’irrégularité liée au manquement de la requérante à son devoir d’information et de loyauté en ce qui concerne le naufrage du navire Pondal a pris fin le 5 octobre 1999. La requérante ne saurait, dans ces conditions, exciper de la prescription des faits constatés dans la décision attaquée en relation avec ce navire.

[…]

91
[...] [L]es faits reprochés en ce qui concerne les navires Periloja et Sonia Rosal doivent être regardés comme étant constitutifs d’une irrégularité continue, au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 2988/95, ayant perduré jusqu’au 20 mai 1996, date correspondant, selon le troisième rapport périodique d’activité de la société mixte, à la fin de la période triennale d’activité obligatoire de ladite société et à laquelle l’irrégularité a pris définitivement la forme alléguée dans la décision attaquée, à savoir l’absence d’activité des deux navires susvisés dans les eaux angolaises pendant quinze des 36 mois constitutifs de la période susvisée. Dans ces conditions, le délai de prescription de quatre ans doit, conformément à cette même disposition du règlement n° 2988/95, être considéré comme ayant couru ‘à compter du jour où l’irrégularité a pris fin’, soit, en l’occurrence, le 20 mai 1996.

92
En vertu de l’article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2988/95, la prescription est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l’autorité compétente et visant à l’instruction ou à la poursuite de l’irrégularité.

93
En l’espèce, la Commission a adressé à la requérante, le 26 juillet 1999, une lettre l’informant de l’ouverture d’une procédure de réduction liée à des irrégularités concernant, notamment, l’activité des navires Periloja et Sonia Rosal. Il ressort de l’article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 […] que la Commission était l’autorité compétente, au sens de la disposition visée au point précédent, pour réduire le concours accordé sur la base dudit règlement. En outre, la lettre du 26 juillet 1999 doit, ainsi que la requérante elle-même l’indique […], être considérée comme visant à la poursuite des irrégularités susmentionnées. Dans ces conditions, elle doit être regardée comme un acte interruptif de prescription au sens de l’article 3, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement n° 2988/95.

94
Par conséquent, même en considérant, sur la base d’une lecture littérale de l’article 3, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 2988/95, que le délai de prescription de quatre ans fixé par cette disposition court, s’agissant d’une irrégularité continue, à compter du jour où ladite irrégularité a pris fin quand bien même l’autorité compétente n’aurait, comme en l’espèce, eu connaissance de cette irrégularité que plus tard, il y a lieu de constater que l’envoi de la lettre du 26 juillet 1999, survenu avant l’expiration du délai de quatre ans ayant pris cours le 20 mai 1996, a interrompu ledit délai et a eu pour effet de faire courir un nouveau délai de quatre ans à compter du 26 juillet 1999. Il s’ensuit que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, les faits constitutifs de l’irrégularité relative aux navires Periloja et Sonia Rosal n’étaient pas frappés de prescription.

95
Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le moyen tiré de la prescription.»


Les conclusions des parties et le moyen d’annulation

8
Le requérant conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

déclarer le présent pourvoi recevable;

annuler l’arrêt attaqué;

condamner la Commission à l’ensemble des dépens exposés tant devant la Cour que devant le Tribunal.

9
La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

rejeter en partie le pourvoi comme manifestement irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé;

rejeter le pourvoi, pour le reste, comme non fondé;

à titre subsidiaire, si le moyen de pourvoi invoqué par la partie requérante devait être accepté, considérer comme fondées les allégations présentées dans la cinquième partie du mémoire de la Commission [inapplicabilité de l’article 3 du règlement n° 2988/95 aux irrégularités de l’espèce] et rejeter le recours en annulation comme non fondé,

condamner la partie requérante aux dépens des deux instances.

10
À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève un moyen unique tiré de l’interprétation erronée de la notion d’«irrégularité continue» visée à l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 2988/95.


Sur le pourvoi

11
Devant le Tribunal, la requérante a soutenu que la décision attaquée devait être annulée, car, au moment de l’adoption de celle-ci, les faits ayant motivé la réduction du concours étaient prescrits.

12
Par son pourvoi, elle fait grief au Tribunal d’avoir, aux points 81 et 91 de l’arrêt attaqué, rejeté ce moyen en retenant que les comportements qui lui étaient reprochés doivent être regardés comme étant constitutifs d’une irrégularité continue, au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 2988/95.

13
Ce moyen unique se divise en deux branches, la première étant relative à la situation du navire Pondal, la seconde à celle des navires Sonia Rosal et Periloja.

14
Il convient d’examiner d'abord la seconde branche.

Sur la seconde branche du moyen unique: les navires Sonia Rosal et Periloja

15
Dans le cadre de la seconde branche du moyen unique, la requérante fait valoir que l’irrégularité constituée par le départ des navires Sonia Rosal et Periloja de l’Angola n’est pas continue au sens de la notion d’«irrégularité continue» visée à l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 2988/95, mais ponctuelle et que le point de départ de la prescription était février 1995, époque à laquelle ces navires ont quitté les eaux angolaises.

16
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2988/95, une irrégularité présuppose une violation d’une disposition du droit communautaire résultant «d’un acte ou d’une omission» d’un opérateur économique.

17
Lorsque l’omission à l’origine de la violation de la disposition du droit communautaire concerné se poursuit, l’irrégularité est «continue» au sens de l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 2988/95.

18
C’est à bon droit que le Tribunal a, au point 91 de l’arrêt attaqué, jugé, d’une part, que les faits reprochés en ce qui concerne les navires Periloja et Sonia Rosal devaient être regardés comme étant constitutifs d’une irrégularité continue au sens de ladite disposition et, d’autre part, que le délai de prescription de quatre ans devait être considéré comme ayant couru «à compter du jour où l’irrégularité a pris fin», soit, en l’occurrence, le 20 mai 1996.

19
Il convient de rappeler à cet égard que, dans la partie B de l’annexe I du règlement (CEE) n° 1956/91 de la Commission, du 21 juin 1991, portant modalités d’application du règlement n° 4028/86 (JO L 181, p. 1), l’attention des demandeurs d’un concours financier communautaire est attirée sur le fait que l’octroi d’un tel concours est subordonné, notamment, au fait que la société mixte soit destinée à exploiter les ressources halieutiques situées dans les eaux du pays tiers concerné.

20
Il ressort de l’arrêt attaqué que la requérante s'est engagée, selon l’exigence posée par la décision d’octroi lue en combinaison avec la réglementation applicable, à exploiter les ressources des eaux angolaises, avec les navires Periloja et Sonia Rosal, durant trois ans, à savoir jusqu’au 20 mai 1996.

21
Dès lors, la requérante ne saurait soutenir que l’irrégularité s'est réalisée seulement en février 1995. En effet, si l’irrégularité a bien commencé à cette époque, lorsque les navires en question ont quitté l’Angola, elle s’est poursuivie jusqu’à la fin de ladite période de trois ans.

22
Il ressort des considérations qui précèdent que la seconde branche du moyen unique doit être rejetée.

Sur la première branche du moyen unique: le navire Pondal

23
Dans le cadre de la première branche, la requérante invoque deux griefs.

24
Elle soutient, premièrement, que l’information à l’origine de la suppression du concours financier a été obtenue au terme de poursuites nulles entamées plus de quatre ans après que l'irrégularité, à savoir le naufrage, est intervenue, et, deuxièmement, que le délai de prescription relatif à la communication de la fausse information avait expiré.

Sur le second grief

25
Par son second grief, qu’il convient de traiter en premier lieu, la requérante fait valoir que la communication de l’information erronée devrait être considérée comme une infraction unique, commise à la date à laquelle elle a été communiquée. Le dies a quo ne serait donc pas le jour où la Commission a découvert l'erreur.

26
Cette dernière affirmation est exacte. En effet, la décision attaquée a été adoptée sur le fondement de l'article 44, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86. Ainsi qu'il découle de la décision attaquée, lue en combinaison avec la lettre du 26 juillet 1999 à laquelle elle fait référence, la Commission a réduit le concours initialement accordé au projet de la requérante au motif que celle-ci n'avait pas respecté les conditions établies par la décision d'octroi et la réglementation communautaire applicable en n'exploitant pas, pendant une période de trois ans, les ressources halieutiques de l'Angola. C'est uniquement à titre supplémentaire que, dans ladite décision, la Commission a constaté que le fait de n'avoir pas communiqué, lors de la demande de paiement de la première tranche du concours, soit le 10 mai 1993 que le navire Pondal avait fait naufrage le 13 janvier 1993 était constitutif d'une infraction grave.

27
Comme dans le cas des navires Sonia Rosal et Periloja, l'irrégularité relative au troisième navire faisant partie du projet a perduré jusqu'à la fin de la période de trois ans, c'est-à-dire jusqu'au 20 mai 1996, date qui constitue donc le dies a quo.

28
Il s'ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant, aux points 81 et 82 de l'arrêt attaqué, que, s’agissant du navire Pondal, le délai de prescription a commencé à courir à compter du 5 octobre 1999.

29
Toutefois, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit communautaire, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (arrêts du 9 juin 1992, Lestelle/Commission, C‑30/91 P, Rec. p. I-3755, point 28; du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C‑210/98 P, Rec. p. I-5843, point 58, et du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, Rec. p. I-11355, point 57).

30
À cet égard, il convient de constater que la lettre de la Commission du 26 juillet 1999 était un acte d’instruction, ainsi que l'admet également la requérante au point 47 de son pourvoi. Ladite lettre visait notamment à la poursuite des irrégularités et à la réduction du concours en fonction des détails du naufrage du navire Pondal. Elle a interrompu le délai de prescription avec pour conséquence que les poursuites n'étaient pas prescrites.

31
On ne saurait soutenir, ainsi que le fait la requérante, que c'est l'information erronée qui constitue l'irrégularité et que, par conséquent, le dies à quo serait le 20 mai 1994, date à laquelle la requérante a informé les autorités espagnoles du naufrage du navire Pondal. Ainsi qu'il ressort du point 26 du présent arrêt, cette information n'est pas pertinente pour constituer l'irrégularité justifiant la décision attaquée.

32
Il ne peut davantage être retenu qu’il est suffisant que les éléments fournis par le bénéficiaire soient existants et contrôlables. À supposer même que, en l’espèce, la Commission ait violé son devoir de diligence, il n’en découle pas que le délai de prescription a commencé à courir avant le jour où l'obligation de la requérante d'exploiter les ressources halieutiques d'Angola a pris fin.

33
Dès lors, le second grief ne saurait être accueilli.

Sur le premier grief

34
Quant au premier grief, il suffit de constater qu’il repose sur une prémisse erronée. En effet, ainsi qu'il a été dit au point 26 du présent arrêt, l'irrégularité pertinente est le fait de n'avoir pas exploité les ressources halieutiques de l'Angola pendant trois ans avec le navire Pondal ou un navire de remplacement et n'est pas constituée par le naufrage dudit navire intervenu même avant le début du projet.

35
Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu à statuer sur la recevabilité de ce grief, contestée par la Commission.

36
Par conséquent, la première branche du moyen unique doit être rejetée.

37
Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté.


Sur les dépens

38
L’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure prévoit que, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de José Martí Peix SA et cette dernière ayant succombé en son moyen, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente instance.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)
Le pourvoi est rejeté.

2)
José Martí Peix SA est condamnée aux dépens.

Signatures.


1
Langue de procédure: l'espagnol.