Affaire C-215/03
Salah Oulane
contre
Minister voor Vreemdelingenzaken en Integratie
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Rechtbank te 's-Gravenhage)
«Libre circulation des personnes – Droit d'entrée et de séjour des ressortissants des États membres – Obligation de présenter une carte d'identité ou un passeport – Condition préalable à la reconnaissance du droit de séjour – Sanction – Imposition d'une mesure de détention aux fins d'éloignement»
|
Conclusions de l'avocat général M. P. Léger, présentées le 21 octobre 2004 |
|
|
|
|
|
|
|
|
Arrêt de la Cour (première chambre) du 17 février 2005 |
|
|
|
|
|
|
|
Sommaire de l'arrêt
- 1.
- Libre circulation des personnes – Droit d'entrée et de séjour des ressortissants des États membres – Reconnaissance du droit de séjour d'un destinataire de services ressortissant d'un autre État membre subordonnée à la présentation
d'une carte d'identité ou d'un passeport à l'exclusion de tout autre moyen de preuve de l'identité ou de la nationalité – Inadmissibilité
(Directive du Conseil 73/148, art. 4, § 2, al. 3)
- 2.
- Libre prestation des services – Libre circulation des destinataires de services – Égalité de traitement – Discrimination en raison de la nationalité – Obligation des ressortissants d'autres États membres de présenter une carte d'identité ou un passeport afin de prouver leur
nationalité à l'exclusion de tout autre moyen de preuve – Inadmissibilité
(Art. 12 CE et 49 CE)
- 3.
- Libre circulation des personnes – Libre prestation des services – Droit d'entrée et de séjour des ressortissants des États membres – Manquement à l'obligation de présenter une carte d'identité ou un passeport – Absence d'atteinte à l'ordre public – Mesure de détention aux fins d'éloignement – Inadmissibilité
(Art. 49 CE; directive du Conseil 73/148, art. 8)
- 4.
- Libre circulation des personnes – Libre prestation des services – Droit d'entrée et de séjour des ressortissants des États membres – Obligation d'apporter les preuves du caractère régulier du séjour – Faculté de l'État membre d'accueil de prendre une mesure d'éloignement en l'absence de telles preuves
(Art. 49 CE; directive du Conseil 73/148)
- 1.
- L’article 4, paragraphe 2, troisième alinéa, de la directive 73/148, relative à la suppression des restrictions au déplacement
et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté en matière d’établissement et de prestation
de services, doit être interprété en ce sens que la reconnaissance par un État membre du droit de séjour d’un destinataire
de services ressortissant d’un autre État membre ne peut pas être subordonnée à la présentation par ce ressortissant d’une
carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité, lorsque la preuve de son identité et de sa nationalité peut être
rapportée, sans aucune équivoque, par d’autres moyens.
(cf. point 26, disp. 1)
- 2.
- L’article 49 CE s’oppose à ce que les ressortissants des États membres qui séjournent dans un autre État membre en qualité
de destinataires de services soient soumis dans cet État membre à l’obligation de présenter une carte d’identité ou un passeport
en cours de validité afin de prouver leur nationalité, alors que ledit État membre n’impose pas une obligation générale d’identification
à ses propres ressortissants, leur permettant de prouver leur identité par tout moyen admis par le droit national. En effet,
l’article 49 CE constitue, dans le domaine de la libre prestation des services, une expression particulière du principe d’égalité
de traitement prévu à l’article 12 CE qui interdit toute discrimination fondée sur la nationalité.
- Certes, le droit communautaire ne s’oppose pas à ce qu’un État membre effectue des contrôles quant au respect de l’obligation
d’être toujours en mesure de présenter un document d’identité, mais à condition d’imposer la même obligation à ses propres
ressortissants en ce qui concerne leur carte d’identité.
(cf. points 33-35, disp. 2)
- 3.
- Une mesure de détention, aux fins de son éloignement, d’un ressortissant d’un autre État membre qui séjourne en qualité de
destinataire de services, prise sur le fondement de la non-présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours
de validité, même en l’absence d’une atteinte à l’ordre public, constitue un obstacle non justifié à la libre prestation des
services et, partant, méconnaît l’article 49 CE.
- S’il reste en effet loisible aux États membres de sanctionner la violation de l’obligation de présenter une carte d’identité
ou un passeport, les sanctions doivent cependant être comparables à celles qui s’appliquent à des infractions nationales similaires
et être proportionnées. À cet égard, des mesures d’emprisonnement ou d’éloignement fondées exclusivement sur un motif tiré
du non-accomplissement par l’intéressé de formalités légales relatives au contrôle des étrangers portent atteinte à la substance
même du droit de séjour directement conféré par le droit communautaire et sont manifestement disproportionnées à la gravité
de l’infraction.
- Une mesure de détention ne pourrait être fondée que sur une disposition dérogatoire expresse, tel l’article 8 de la directive
73/148, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur
de la Communauté en matière d’établissement et de prestation de services, qui autorise les États membres à apporter des restrictions
au droit de séjour des ressortissants des autres États membres dans la mesure où elles sont justifiées par des raisons d’ordre
public, de sécurité publique ou de santé publique. Le fait de ne pas avoir accompli les formalités légales relatives à l’accès,
au déplacement et au séjour des étrangers ne saurait toutefois, en lui-même, constituer une atteinte à l’ordre et à la sécurité
publics.
(cf. points 38, 40-42, 44, disp. 3)
- 4.
- Sans préjudice des questions relatives à l’ordre public, à la sécurité publique et à la santé publique, il appartient aux
ressortissants d’un État membre qui séjournent dans un autre État membre en qualité de destinataires de services d’apporter
les preuves qui permettent de conclure au caractère régulier de leur séjour au sens de la directive 73/148, relative à la
suppression des restrictions au déplacement et au séjour des ressortissants des États membres à l’intérieur de la Communauté
en matière d’établissement et de prestation de services. La preuve de l’identité et de la nationalité peut toutefois, à défaut
de carte d’identité ou de passeport en cours de validité, être apportée par d’autres moyens. De même, la preuve qu’ils entrent
dans l’une des catégories visées aux articles 1er et 4 de la directive 73/148, conformément à l’article 6 de celle-ci, peut
être faite par tout moyen approprié.
- En l’absence de telles preuves, l’État membre d’accueil peut prendre une mesure d’éloignement dans le respect des limites
imposées par le droit communautaire.
(cf. points 53-56, disp. 4)