Affaire C-132/03

Ministero della Salute

contre

Coordinamento delle associazioni per la difesa dell'ambiente e dei diritti degli utenti e dei consumatori (Codacons)      et      Federconsumatori

(demande de décision préjudicielle, introduite par le Consiglio di Stato)

«Règlement (CE) nº 1139/98 — Article 2, paragraphe 2, sous b) — Exigence supplémentaire d'étiquetage de denrées alimentaires — Mention obligatoire relative à la présence de matériel issu de certains organismes génétiquement modifiés (OGM) — Fèves de soja et maïs génétiquement modifiés — Exonération de l'exigence en cas d'une présence accidentelle ne dépassant pas un niveau de tolérance déterminé — Denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière — Nourrissons et enfants en bas âge — Applicabilité de l'exonération — Principe de précaution»

Conclusions de l'avocat général M. P. Léger, présentées le 3 mars 2005 

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 26 mai 2005 

Sommaire de l'arrêt

Rapprochement des législations — Étiquetage et présentation des denrées alimentaires — Denrées alimentaires produites à partir d'organismes génétiquement modifiés (OGM) — Règlement nº 1139/98 — Mention obligatoire de la présence de matériel issu d'OGM — Exonération — Préparations pour nourrissons et enfants en bas âge — Applicabilité de l'exonération — Violation du principe de précaution — Absence

(Règlement du Conseil nº 1139/98, art. 2, § 2, b))

L'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 1139/98, concernant la mention obligatoire, dans l'étiquetage de certaines denrées alimentaires produites à partir d'organismes génétiquement modifiés, d'informations autres que celles prévues par la directive 79/112, tel que modifié par le règlement nº 49/2000, doit être interprété en ce sens que l'exonération qu'il prévoit de l'obligation, prescrite par l'article 2, paragraphes 1 et 3, du même règlement, d'une mention dans l'étiquetage de denrées alimentaires de la présence de matériel issu de certains organismes génétiquement modifiés (OGM) au cas où une telle présence résulterait d'une contamination accidentelle et ne dépasserait pas un seuil de minimis de 1 % s'applique également aux denrées alimentaires destinées à l'alimentation particulière des nourrissons et des enfants en bas âge.

Cette interprétation ne saurait être mise en cause sur le fondement du principe de précaution, lequel présuppose que subsistent des incertitudes quant à l'existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes. En effet, la mise sur le marché des OGM visés par le règlement nº 1139/98 ne peut avoir lieu que si ceux-ci ont préalablement été autorisés à l'issue d'une évaluation de risques visant à assurer que, eu égard aux conclusions d'une telle évaluation, ils ne comportent pas de danger pour le consommateur. Il s'ensuit que le principe de précaution fait, le cas échéant, partie d'un tel processus de décision.

(cf. points 55-56, 61, 63-64 et disp.)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

26 mai 2005 (*)

«Règlement (CE) n° 1139/98 – Article 2, paragraphe 2, sous b) – Exigence supplémentaire d’étiquetage de denrées alimentaires – Mention obligatoire relative à la présence de matériel issu de certains organismes génétiquement modifiés (OGM) – Fèves de soja et maïs génétiquement modifiés – Exonération de l’exigence en cas d’une présence accidentelle ne dépassant pas un niveau de tolérance déterminé – Denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière – Nourrissons et enfants en bas âge – Applicabilité de l’exonération – Principe de précaution»

Dans l’affaire C-132/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Consiglio di Stato (Italie), par décision du 28 janvier 2003, parvenue à la Cour le 25 mars 2003, dans la procédure

Ministero della Salute

contre

Coordinamento delle associazioni per la difesa dell’ambiente e dei diritti degli utenti e dei consumatori (Codacons),

Federconsumatori,

en présence de:

Lega delle Cooperative,

Associazione Italiana Industrie Prodotti Alimentari (AIIPA),

Adusbef,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans (rapporteur), président de chambre, MM. C. Gulmann et R. Schintgen, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme M. Múgica Arzamendi, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 juin 2004,

considérant les observations présentées:

–       pour Coordinamento delle associazioni per la difesa dell’ambiente e dei diritti degli utenti e dei consumatori (Codacons), par Mes C. Rienzi et F. Acerboni, avvocati,

–       pour Associazione Italiana Industrie Prodotti Alimentari (AIIPA), par Mes G. Ferrari et F. Capelli, avvocati,

–       pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. M. Fiorilli, avvocato dello Stato,

–       pour la Commission des Communautés européennes, par Mme I. Martínez del Peral et M. A. Aresu, en qualité d’agents.

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 3 mars 2005,

rend le présent

Arrêt

1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) n° 1139/98 du Conseil, du 26 mai 1998, concernant la mention obligatoire, dans l’étiquetage de certaines denrées alimentaires produites à partir d’organismes génétiquement modifiés, d’informations autres que celles prévues par la directive 79/112/CEE (JO L 159, p. 4), tel que modifié par le règlement (CE) n° 49/2000 de la Commission, du 10 janvier 2000 (JO L 6, p. 13, ci-après le «règlement n° 1139/98»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Coordinamento delle associazioni per la difesa dell’ambiente e dei diritti degli utenti e dei consumatori (Codacons) (coordination des associations pour la défense de l’environnement et des droits des usagers et consommateurs, ci-après «Codacons») au Ministero della Salute (ministère de la Santé).

3       Ce litige a pour objet un recours en annulation visant le décret n° 371 du ministre de la Santé, du 31 mai 2001, portant règles de mise en œuvre de la directive 99/50/CE de la Commission du 25 mai 1999 modifiant la directive 91/321/CEE sur les aliments pour nourrissons et les préparations de suite (GURI n° 241, du 16 octobre 2001, p. 4, ci-après le «décret n° 371/2001»). Il résulte de ce décret que la présence d’organismes génétiquement modifiés (ci-après les «OGM»), dans des proportions ne dépassant pas 1 % des ingrédients à la base des aliments pour nourrissons et préparations de suite, causée par une contamination accidentelle, ne doit pas être mentionnée dans l’étiquetage de ces aliments et préparations.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

 La réglementation communautaire en matière d’étiquetage de denrées alimentaires produites à partir d’OGM

4       Le règlement n° 1139/98 précise les mentions qui doivent impérativement figurer dans l’étiquetage des aliments et des ingrédients alimentaires produits à partir de certains OGM.

5       Le quatrième considérant du règlement n° 1139/98 expose que les disparités entre les mesures adoptées par certains États membres concernant l’étiquetage des aliments et des ingrédients alimentaires obtenus à partir de ces OGM sont susceptibles d’entraver la libre circulation de ces aliments et ingrédients alimentaires et, partant, de perturber le fonctionnement du marché intérieur, de sorte qu’il est nécessaire d’adopter des règles communautaires uniformes pour l’étiquetage de ces produits.

6       Les cinquième et sixième considérants dudit règlement énoncent:

«(5)      considérant que l’article 8 du règlement (CE) n° 258/97 du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires (JO L 43, p. 1) prévoit des exigences spécifiques supplémentaires en matière d’étiquetage, afin de garantir une information adéquate du consommateur final; que ces exigences spécifiques supplémentaires ne s’appliquent pas aux aliments et ingrédients alimentaires qui ont fait l’objet d’une consommation humaine significative dans la Communauté avant l’entrée en vigueur du règlement (CE) n° 258/97 et qui, de ce fait, ne sont pas considérés comme nouveaux;

(6)       considérant que, afin d’éviter les distorsions de concurrence, des règles d’étiquetage fondées sur les mêmes principes et destinées à informer le consommateur final doivent s’appliquer aux aliments et ingrédients alimentaires consistant en OGM ou dérivés d’OGM mis sur le marché avant l’entrée en vigueur du règlement CE n° 258/97 en vertu d’une autorisation délivrée en application de la directive 90/220/CEE [du Conseil, du 23 avril 1990, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement (JO L 117, p. 15)], ainsi qu’aux aliments et ingrédients alimentaires mis sur le marché après l’entrée en vigueur dudit règlement».

7       Selon l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 1139/98, celui-ci s’applique aux aliments et ingrédients alimentaires produits à partir des OGM suivants:

–      les fèves de soja visées par la décision 96/281/CE de la Commission, du 3 avril 1996, concernant la mise sur le marché de fèves de soja (Glycine max L.) génétiquement modifiées pour améliorer la résistance à l’herbicide glyphosate, présentée conformément à la directive 90/220 (JO L 107, p. 10), et

–      le maïs visé par la décision 97/98/CE de la Commission, du 23 janvier 1997, concernant la mise sur le marché de maïs génétiquement modifié (Zea mays L.) ayant subi la modification combinée lui assurant les propriétés insecticides conférées par le gène Bt-endotoxine et une meilleure tolérance à l’herbicide glufosinate-ammonium, en application de la directive 90/220 (JO L 31, p. 69).

8       Conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1139/98, ces règles d’étiquetage consistent, en substance, en l’ajout de la mention «produit à partir de soja génétiquement modifié» ou «produit à partir de maïs génétiquement modifié», selon le cas.

9       Le règlement n° 1139/98 prévoit, toutefois, une exception à ces règles d’étiquetage au cas où la présence de matériel issu des OGM concernés serait accidentelle, pourvu que cette présence ne dépasse pas un seuil de minimis ou niveau de tolérance.

10     Selon le quatorzième considérant dudit règlement, une telle contamination accidentelle ne peut être exclue. Le quatrième considérant du règlement n° 49/2000 expose qu’une contamination accidentelle peut survenir, par exemple, durant la culture, la récolte, le transport, le stockage ou la transformation.

11     Ainsi, l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1139/98 dispose:

«Les denrées alimentaires spécifiées ne sont pas soumises aux exigences spécifiques supplémentaires d’étiquetage lorsque:

[…]

b)      du matériel issu des [OGM] visés à l’article 1er, paragraphe 1, le cas échéant accompagné de tout matériel issu d’autres [OGM], mis sur le marché conformément au règlement (CE) n° 258/97, est présent dans leurs ingrédients alimentaires ou dans les denrées alimentaires ne comportant qu’un seul ingrédient, dans des proportions ne dépassant pas 1 % des ingrédients considérés individuellement ou de la denrée alimentaire ne comportant qu’un seul ingrédient, à condition que cette présence soit accidentelle.

Pour établir que la présence de ce matériel est accidentelle, les opérateurs doivent être en mesure de démontrer, à la satisfaction des autorités compétentes, qu’ils ont pris les mesures appropriées pour éviter d’utiliser en tant que matière première les organismes génétiquement modifiés visés au paragraphe précédent (ou des produits qui en sont dérivés).»

12     L’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 258/97 prévoit:

«Sans préjudice des autres exigences de la législation communautaire sur l’étiquetage des denrées alimentaires, les exigences spécifiques supplémentaires suivantes en matière d’étiquetage s’appliquent aux denrées alimentaires pour informer le consommateur final de:

a)      toute caractéristique ou propriété alimentaire, telle que:

– la composition,

– la valeur nutritive ou les effets nutritionnels,

– l’usage auquel l’aliment est destiné,

en raison de laquelle un nouvel aliment ou ingrédient alimentaire n’est plus équivalent à un aliment ou ingrédient alimentaire existant.

Un nouvel aliment ou ingrédient alimentaire est réputé ne plus être équivalent au sens du présent article si une évaluation scientifique fondée sur une analyse appropriée des données existantes peut démontrer que les caractéristiques évaluées diffèrent de celles d’un aliment ou ingrédient alimentaire classique, compte tenu des limites admises des variations naturelles de ces caractéristiques.

Dans ce cas, l’étiquetage doit porter la mention de ces caractéristiques ou propriétés modifiées accompagnées de l’indication de la méthode selon laquelle cette caractéristique ou propriété a été obtenue;

b)      la présence dans le nouvel aliment ou ingrédient alimentaire de matières qui ne sont pas présentes dans une denrée alimentaire équivalente existante et qui peuvent avoir des incidences sur la santé de certaines catégories de la population;

c)      la présence dans le nouvel aliment ou ingrédient alimentaire de matières qui ne sont pas présentes dans la denrée alimentaire équivalente existante et qui suscitent une réserve d’ordre éthique;

d)      la présence d’un [OGM] selon des techniques de modification génétique dont la liste non exhaustive figure à l’annexe I A partie 1 de la directive 90/220/CEE.»

13     Le règlement n° 1139/98 a été abrogé et l’article 8, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 258/97 a été supprimé par le règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (JO L 268, p. 1).

14     Ce dernier règlement, devenu applicable à partir du 18 avril 2004, prévoit à ses articles 12 à 14 des exigences spécifiques en matière d’étiquetage applicables aux denrées alimentaires qui contiennent des OGM ou qui sont produites à partir d’OGM ainsi qu’une exonération à ces exigences en cas de contamination fortuite ou accidentelle par des OGM ne dépassant pas un seuil de minimis de 0,9 %.

 La réglementation communautaire générale en matière d’étiquetage de denrées alimentaires

15     Aux termes des troisième et quatrième considérants de la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l’étiquetage et la présentation des denrées alimentaires ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 1979, L 33, p. 1):

«considérant que l’objet de la présente directive doit être d’édicter les règles communautaires, à caractère général et horizontal, applicables à l’ensemble des denrées alimentaires mises dans le commerce;

considérant par contre que les règles à caractère spécifique et vertical, visant certaines denrées alimentaires déterminées seulement, doivent être arrêtées dans le cadre des dispositions régissant ces produits».

16     Le sixième considérant de cette directive énonce:

«considérant que toute réglementation relative à l’étiquetage des denrées alimentaires doit être fondée, avant tout, sur l’impératif de l’information et de protection des consommateurs».

17     L’article 3 de la directive 79/112 comporte une liste exhaustive de mentions devant obligatoirement figurer dans l’étiquetage des produits alimentaires.

18     L’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, de cette même directive dispose:

«Les dispositions communautaires applicables à certaines denrées alimentaires déterminées et non aux denrées alimentaires en général peuvent prévoir d’autres mentions obligatoires en plus de celles énumérées à l’article 3.»

19     La directive 79/112 a été abrogée et remplacée par la directive 2000/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mars 2000 (JO L 109, p. 29), entrée en vigueur le 26 mai 2000.

 La réglementation communautaire en matière de denrées alimentaires destinées à l’alimentation particulière des nourrissons et des enfants en bas âge

20     Les deuxième et troisième considérants de la directive 89/398/CEE du Conseil, du 3 mai 1989, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière (JO L 186, p. 27), énoncent que cette directive constitue une première étape dans l’élimination des entraves à la libre circulation des denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière résultant des différences entre les législations nationales et que, au stade actuel, le rapprochement des législations nationales qu’elle propose a pour objet la mise au point d’une définition commune, la détermination de mesures permettant d’assurer la protection du consommateur contre les tromperies sur la nature des produits et la fixation des règles auxquelles doit répondre l’étiquetage des produits en question.

21     Le quatrième considérant de la directive 89/398 énonce:

«considérant que les produits visés dans la présente directive sont des denrées alimentaires dont la composition et l’élaboration doivent être spécialement étudiées afin de répondre aux besoins nutritionnels particuliers des personnes auxquelles ils sont essentiellement destinés; qu’il peut, par conséquent, être nécessaire de prévoir des dérogations aux dispositions générales ou particulières applicables aux denrées alimentaires afin de parvenir à l’objectif nutritionnel spécifique».

22     L’article 1er, paragraphe 2, de cette directive prévoit:

«a.      Les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière sont des denrées alimentaires qui, du fait de leur composition particulière ou du processus particulier de leur fabrication, se distinguent nettement des denrées alimentaires de consommation courante, qui conviennent à l’objectif nutritionnel indiqué et qui sont commercialisées de manière à indiquer qu’elles répondent à cet objectif.

b.      Une alimentation particulière doit répondre aux besoins nutritionnels particuliers:

[…]

ou

iii)      des nourrissons ou enfants en bas âge, en bonne santé.»

23     Conformément à l’article 4, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 89/398, des dispositions spécifiques applicables aux groupes de denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière figurant à l’annexe I de ladite directive doivent être arrêtées par voie de directives spécifiques. Au nombre de ces groupes figurent, notamment au point 1, le groupe des «préparations pour nourrissons», au point 2, le groupe des «laits de suite et autres aliments du deuxième âge» et, au point 3, le groupe des «aliments pour bébés».

24     En vertu de l’article 4, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous f), de la directive 89/398, ces directives spécifiques peuvent comporter, notamment, des dispositions concernant l’étiquetage, la présentation et la publicité des produits appartenant à l’un des groupes de denrées alimentaires figurant à l’annexe I de cette directive.

25     L’article 7 de cette même directive dispose:

«1. La directive 79/112[…], modifiée en dernier lieu par la directive 89/395/CEE, est applicable aux produits visés à l’article 1er, aux conditions énoncées ci-après.

[…]

3. L’étiquetage des produits n’ayant pas fait l’objet d’une directive spécifique en vertu de l’article 4 doit également comporter:

[…]

4. Les exigences particulières applicables à l’étiquetage des produits pour lesquels une directive spécifique a été adoptée sont fixées par ladite directive.»

26     Ont été arrêtées, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 89/398, notamment, la directive 91/321/CEE de la Commission, du 14 mai 1991, concernant les préparations pour nourrissons et les préparations de suite (JO L 175, p. 35), modifiée par la directive 1999/50/CE de la Commission, du 25 mai 1999 (JO L 139, p. 29, ci-après la «directive 91/321»), et la directive 96/5/CE de la Commission, du 16 février 1996, concernant les préparations à base de céréales et les aliments pour bébés destinés aux nourrissons et enfants en bas âge (JO L 49, p. 17), modifiée par la directive 98/36/CE de la Commission, du 2 juin 1998 (JO L 167, p. 23), et par la directive 1999/39/CE de la Commission, du 6 mai 1999 (JO L 124, p. 8, ci-après la «directive 96/5»).

27     Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 91/321 et l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 96/5, on entend par «nourrissons» les enfants âgés de moins de douze mois et par «enfants en bas âge» les enfants âgés de un à trois ans.

28     Les directives 91/321 et 96/5 fixent des normes en matière de composition et d’étiquetage relatives, respectivement, aux préparations pour nourrissons et préparations de suite destinées aux nourrissons en bonne santé et aux préparations à base de céréales et aux aliments pour bébés destinés aux nourrissons et enfants en bas âge.

 La réglementation nationale

29     L’article 3, paragraphe 2, du décret n° 128 du président de la République, du 7 avril 1999, portant règles de mise en œuvre des directives 96/5 et 98/36/CE concernant les préparations à base de céréales et les aliments pour bébés destinés aux nourrissons et aux enfants en bas âge (GURI n° 109, du 12 mai 1999, p. 5, ci-après le «décret n° 128/1999») dispose:

«[…] Les denrées en cause […] ne doivent pas comporter de résidus de pesticides supérieurs à 0,01 mg/kg ni non plus comporter de substances génétiquement modifiées.»

30     L’article 4, paragraphe 1, du décret n° 500 du ministre de la Santé, du 6 avril 1994, portant règles de mise en œuvre des directives 91/321/CEE de la Commission, du 14 mai 1991, concernant les aliments pour nourrissons et les préparations de suite ainsi que de la directive 92/52/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, relative aux aliments pour nourrissons et aux préparations de suite destinées à être exportées vers des pays tiers (GURI n° 189, du 13 août 1994, p. 3, ci-après le «décret n° 500/1994»), prévoit:

«Les aliments pour nourrissons doivent être produits avec des sources de protéines définies dans les annexes du [décret n° 128/1999] et selon les prescriptions qu’elles contiennent, ainsi qu’avec d’autres ingrédients alimentaires dont l’adaptation à l’alimentation particulière des nourrissons dès la naissance doit être confirmée par des données scientifiques universellement acceptées.»

31     Par le décret n° 371/2001, la phrase suivante a été rajoutée à l’article 4, paragraphe 1, du décret n° 500/1994:

«En toute hypothèse, l’utilisation de produits dérivés d’OGM est exclue, sauf dérogation prévue par le règlement (CE) n° 49/2000.»

 Les faits au principal et la question préjudicielle

32     Par arrêt du 14 mai 2002, le Tribunale amministrativo regionale del Lazio a annulé le décret n° 371/2001 dans la mesure où il en découle que la présence d’OGM dans des proportions ne dépassant pas 1 % des ingrédients à la base des aliments pour nourrissons et préparations de suite, causée par une contamination accidentelle, ne doit pas être mentionnée dans l’étiquetage de ces aliments et préparations.

33     Dans cet arrêt, il a, notamment, été jugé que la dérogation à l’obligation d’étiquetage prévue par le décret n° 371/2001 est contraire à l’article 3, paragraphe 2, du décret n° 128/1999 et qu’elle ne s’impose pas non plus en vertu du règlement n° 49/2000 dès lors que ce dernier n’est pas applicable aux aliments pour nourrissons et enfants en bas âge.

34     Selon cette juridiction, la directive 91/321 a mis en place une réglementation spéciale en ce qui concerne, notamment, l’étiquetage des aliments pour nourrissons et enfants en bas âge. Or, cette réglementation dérogerait à la réglementation communautaire générale en matière d’étiquetage de denrées alimentaires prévue par la directive 79/112 en ce sens qu’elle imposerait des exigences plus sévères que le principe général de pleine et correcte information du consommateur.

35     Cette interprétation de la réglementation communautaire s’imposerait non seulement en raison de sa logique systématique mais également eu égard au principe de précaution, principe général de droit communautaire, qui exigerait la meilleure information possible.

36     Dans cet arrêt, le recours a, en revanche, été rejeté pour le surplus. Il a ainsi été jugé que le décret n° 371/2001 est légal en ce qu’il permet que les aliments pour nourrissons et préparations de suite contiennent des matériaux résultant d’OGM dans des proportions ne dépassant pas 1 %.

37     Le 25 juin 2002, le Ministero della Salute a interjeté appel contre cet arrêt devant le Consiglio di Stato et a conclu à son annulation dans la mesure où, par ce dernier, le décret n° 371/2001 a été annulé.

38     Le Ministero della Salute a, notamment, fait valoir à l’appui de son appel qu’aucune des directives spécifiques relatives aux denrées alimentaires destinées aux nourrissons ou aux enfants en bas âge ne comportent des règles relatives à la mention dans l’étiquetage de la présence accidentelle de matériel issu d’OGM dans de telles denrées alimentaires.

39     Il en résulterait que les seules dispositions applicables sont celles prévues par le règlement n° 1139/98, de sorte que ces dispositions, y compris celles relatives au niveau de tolérance introduit par le règlement n° 49/2000, s’appliquent à toutes les denrées alimentaires et donc également aux denrées alimentaires destinées aux nourrissons ou aux enfants en bas âge.

40     L’Associazione Italiana Industrie Prodotti Alimentari (AIIPA) (association italienne des industries de produits alimentaires) est intervenue en appel au soutien du Ministero della Salute.

41     Codacons, soutenu par Adusbef et Federconsumatori, parties intervenantes en appel, a conclu au rejet de l’appel.

42     Dans ces conditions, estimant que la solution du litige au principal nécessite l’interprétation du règlement n° 1139/98, le Consiglio di Stato a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La disposition inscrite à l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement […] n° 1139/98 […], doit-elle être appliquée également aux produits alimentaires pour nourrissons et enfants jusqu’à trois ans; notamment, une contamination accidentelle de ces produits par des matériaux résultant d’[OGM] dans une proportion ne dépassant pas 1 % doit-elle ou non être mentionnée dans l’étiquetage?»

 Sur la question préjudicielle

43     Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1139/98, doit être interprété en ce sens que l’exonération qu’il prévoit de l’obligation, prescrite par l’article 2, paragraphes 1 et 3, du même règlement, d’une mention dans l’étiquetage de denrées alimentaires de la présence de matériel issu de certains OGM au cas où une telle présence résulterait d’une contamination accidentelle et ne dépasserait pas un seuil de minimis de 1 %, s’applique également aux denrées alimentaires destinées à l’alimentation particulière des nourrissons et enfants en bas âge.

44     À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient en principe à la seule juridiction de renvoi de délimiter la portée des questions préjudicielles qu’elle estime devoir poser à la Cour.

45     Il en découle que la question de la légalité de l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1139/98, soulevée par Codacons à titre subsidiaire, à savoir au cas où la Cour arriverait à la conclusion que cette disposition s’applique également aux denrées alimentaires destinées aux nourrissons ou aux enfants en bas âge, ne saurait être examinée par la Cour, dès lors qu’elle dépasse manifestement la portée de la question préjudicielle formulée par la juridiction de renvoi.

46     Afin de répondre à la question préjudicielle, il y a lieu de situer les dispositions pertinentes du règlement n° 1139/98 dans le cadre de l’ensemble de la réglementation communautaire en matière d’étiquetage de denrées alimentaires.

47     Au deuxième visa de son préambule, le règlement n° 1139/98 se réfère à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 79/112, selon lequel les dispositions communautaires applicables à certaines denrées alimentaires déterminées, et non aux denrées alimentaires en général, peuvent prévoir d’autres mentions obligatoires en plus de celles énumérées à l’article 3 de cette directive.

48     Le règlement n° 1139/98 comporte donc des dispositions en matière d’étiquetage qui, aux termes du quatrième considérant de la directive 79/112, ont un «caractère spécifique et vertical, visant certaines denrées alimentaires déterminées seulement».

49     Le règlement n° 1139/98 s’applique en effet seulement à des denrées alimentaires déterminées, à savoir celles obtenues en tout ou en partie à partir de certaines fèves de soja ou de certains types de maïs génétiquement modifiés visés à l’article 1er, paragraphe 1, dudit règlement.

50     S’agissant de la réglementation communautaire en matière de denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière, plus spécifiquement celle des nourrissons et enfants en bas âge, il découle de l’article 4 de la directive 89/398 qu’il incombe à la Commission d’adopter des directives spécifiques comportant, notamment, des dispositions concernant l’étiquetage, la présentation et la publicité de certains produits parmi lesquels figurent les préparations pour nourrissons, les laits de suite et autres aliments du deuxième âge et les aliments pour bébés.

51     Ont ainsi été adoptées les directives 91/321 et 96/5 qui fixent des règles de composition et d’étiquetage relatives, respectivement, aux préparations pour nourrissons et préparations de suite destinées aux nourrissons en bonne santé et aux préparations à base de céréales et aux aliments pour bébés destinés aux nourrissons et enfants en bas âge.

52     Se pose donc la question de savoir si les exigences particulières en matière d’étiquetage du règlement n° 1139/98 s’appliquent également aux denrées alimentaires destinées à l’alimentation particulière des nourrissons et enfants en bas âge visées par la réglementation communautaire rappelée aux points 50 et 51 du présent arrêt.

53     Il résulte de l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive 89/398, interprété à l’aune du quatrième considérant de cette directive, que des dispositions en matière d’étiquetage telles que celles prévues par le règlement n° 1139/98 sont en principe applicables aux denrées alimentaires destinées à l’alimentation particulière relevant de cette directive, à savoir celles qui visent à répondre à un objectif nutritionnel spécifique de certaines catégories de personnes, sauf s’il est nécessaire de prévoir une dérogation à ces dispositions afin d’assurer que l’objectif nutritionnel spécifique en cause soit atteint (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1999, UDL, C-101/98, Rec. p. I-8841, points 15 et 18).

54     Or, les directives 91/321 et 96/5 ne comportent pas d’exigences particulières en matière d’étiquetage relatives à la présence de matériel issu d’OGM dérogeant, en ce qui concerne des denrées alimentaires destinées aux nourrissons ou aux enfants en bas âge, à celles prévues par le règlement n° 1139/98. À ce jour, de telles exigences n’ont donc pas été considérées nécessaires pour parvenir à l’objectif nutritionnel spécifique des nourrissons et des enfants en bas âge.

55     Partant, et en l’absence de tout indice contraire découlant soit du libellé, soit du contexte ou de la finalité de l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1139/98, cette disposition doit être interprétée en ce sens que l’exonération qu’elle prévoit aux exigences particulières en matière d’étiquetage que comporte ledit règlement s’applique également aux denrées alimentaires destinées à l’alimentation particulière des nourrissons et enfants en bas âge visés par la directive 89/398.

56     Cette interprétation ne saurait être mise en cause sur le fondement du principe de précaution.

57     Ainsi qu’il découle de ses quatrième et sixième considérants, le règlement n° 1139/98 poursuit un double objectif, à savoir, premièrement, éliminer les obstacles potentiels à la libre circulation des produits contenant du soja et du maïs génétiquement modifiés et, deuxièmement, informer le consommateur final (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2003, Glawischnig, C-316/01, Rec. p. I-5995, points 30 et 31).

58     Le règlement n° 1139/98 vise à ajouter des informations supplémentaires à celles dont la mention est déjà obligatoire sur l’étiquetage de certaines denrées alimentaires en vertu de la directive 79/112 qui, pour sa part, n’a pas été conçue comme une mesure destinée à protéger l’environnement (voir arrêt Glawischnig, précité, point 33).

59     Les cinquième et sixième considérants du règlement n° 1139/98 indiquent, en outre, que les exigences spécifiques supplémentaires en matière d’étiquetage que ce règlement prévoit sont fondées sur les mêmes principes que ceux qui sous-tendent les dispositions prévues à l’article 8 du règlement n° 258/97 et sont destinées à informer le consommateur final.

60     Il ressort par ailleurs de ces mêmes considérants que lesdites exigences sont applicables aux aliments et ingrédients alimentaires consistant en OGM ou dérivés d’OGM mis sur le marché avant l’entrée en vigueur du règlement n° 258/97 en vertu d’une autorisation délivrée en application de la directive 90/220 ainsi qu’aux aliments et ingrédients alimentaires mis sur le marché après l’entrée en vigueur dudit règlement.

61     Selon une jurisprudence constante, le principe de précaution présuppose que subsistent des incertitudes quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2003, Monsanto Agricoltura Italia e.a., C-236/01, Rec. p. I‑8105, point 111 et la jurisprudence citée).

62     Or, le huitième considérant du règlement n° 258/97 énonce que les exigences spécifiques supplémentaires en matière d’étiquetage prévues par ce règlement visent à assurer que le consommateur dispose de l’information nécessaire sur les denrées alimentaires en cause. Il ajoute que celles-ci doivent être sans danger pour la santé humaine et que cette assurance doit être fournie par la procédure d’agrément exposée dans la directive 90/220 et/ou par la procédure spécifique d’évaluation que ce règlement a établie.

63     En effet, la mise sur le marché des OGM visés par le règlement n° 1139/98 ne peut avoir lieu que si ceux-ci ont préalablement été autorisés à l’issue d’une évaluation de risques visant à assurer que, eu égard aux conclusions d’une telle évaluation, ceux-ci ne comportent pas de danger pour le consommateur. Le principe de précaution fait, le cas échéant, partie d’un tel processus de décision (voir, en ce sens, arrêt Monsanto Agricoltura Italia e.a., précité, point 133).

64     Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 1139/98 doit être interprété en ce sens que l’exonération qu’il prévoit de l’obligation, prescrite à l’article 2, paragraphes 1 et 3, du même règlement, d’une mention dans l’étiquetage de denrées alimentaires de la présence de matériel issu de certains OGM au cas où une telle présence résulterait d’une contamination accidentelle et ne dépasserait pas un seuil de minimis de 1 % s’applique également aux denrées alimentaires destinées à l’alimentation particulière des nourrissons et enfants en bas âge.

 Sur les dépens

65     La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:

L’article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) n° 1139/98 du Conseil, du 26 mai 1998, concernant la mention obligatoire, dans l’étiquetage de certaines denrées alimentaires produites à partir d’organismes génétiquement modifiés, d’informations autres que celles prévues par la directive 79/112/CEE, tel que modifié par le règlement (CE) n° 49/2000 de la Commission, du 10 janvier 2000, doit être interprété en ce sens que l’exonération qu’il prévoit de l’obligation, prescrite par l’article 2, paragraphes 1 et 3, du même règlement, d’une mention dans l’étiquetage de denrées alimentaires de la présence de matériel issu de certains OGM au cas où une telle présence résulterait d’une contamination accidentelle et ne dépasserait pas un seuil de minimis de 1 % s’applique également aux denrées alimentaires destinées à l’alimentation particulière des nourrissons et enfants en bas âge.

Signatures


* Langue de procédure: l’italien.