Affaire C-124/03


Artrada (Freezone) NV e.a.
contre
Rijksdienst voor de keuring van Vee en Vlees



(demande de décision préjudicielle, formée par le College van Beroep voor het bedrijfsleven)

«Police sanitaire – Production et mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait – Mélange composé de sucre, de cacao et de lait écrémé en poudre, importé d'Aruba»

Conclusions de l'avocat général M. M. Poiares Maduro, présentées le 15 juillet 2004
    
Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 28 octobre 2004
    

Sommaire de l'arrêt

1.
Agriculture – Rapprochement des législations – Règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait – Directive 92/46 – Notion de «lait destiné à la fabrication de produits à base de lait» – Constituants laitiers d'un produit contenant également des constituants non laitiers indissociables des premiers – Exclusion

(Directive du Conseil 92/46, art. 2, point 2)

2.
Agriculture – Rapprochement des législations – Règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait – Directive 92/46 – Notion de «produits à base de lait» – Produits semi-finis – Inclusion – Critères – Caractéristiques et propriétés objectives du produit

(Directive du Conseil 92/46, art. 2, point 4)

1.
L’article 2, point 2, de la directive 92/46, arrêtant les règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait, doit être interprété en ce sens que la notion de «lait destiné à la fabrication de produits à base de lait» n’englobe pas les constituants laitiers d’un produit qui contient aussi d’autres constituants, non laitiers, et dont les constituants laitiers ne peuvent être séparés des constituants non laitiers. Cette disposition ne vise, en effet, que le lait considéré en tant que produit simple, dont la composition ne pourrait être modifiée que par l’addition et/ou la soustraction de constituants naturels du lait.

(cf. points 26, 28, disp. 1)

2.
L’article 2, point 4, de la directive 92/46, arrêtant les règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait, doit être interprété en ce sens que la notion de «produits à base de lait» vise tant les produits finis que les produits semi-finis qui doivent encore faire l’objet d’une transformation avant de pouvoir être vendus au consommateur. Dans un tel cas, c’est au regard du produit semi-fini qu’il convient de vérifier si le lait qui s’y trouve présent en est une partie essentielle, soit par sa quantité, soit par son effet caractérisant. Pour ce faire, il convient de tenir compte des caractéristiques et des propriétés objectives du produit semi-fini au moment de son importation, notamment de la proportion de lait ou de produit laitier qu’il contient, de l’utilisation qui peut en être faite ou de son goût.

(cf. points 34, 37-39, disp. 2)




ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
28 octobre 2004(1)


«Police sanitaire – Production et mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait – Mélange composé de sucre, de cacao et de lait écrémé en poudre, importé d'Aruba»

Dans l'affaire C-124/03,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE,

introduite par le College van Beroep voor het bedrijfsleven (Pays-Bas), par décision du 11 mars 2003, parvenue à la Cour le 20 mars 2003, dans la procédure

Artrada (Freezone) NVVidemecum BVJac. Meisner Internationaal Expeditiebedrijf BV

contre

Rijksdienst voor de keuring van Vee en Vlees,



LA COUR (troisième chambre),,



composée de M. A. Rosas, président de chambre (rapporteur), M. R. Schintgen et Mme N. Colneric, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,
greffier: Mme F. Contet, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 24 juin 2004,considérant les observations présentées:

pour Artrada (Freezone) NV, Videmecum BV et Jac. Meisner Internationaal Expeditiebedrijf BV, par Me A. Van Lent, Me N. Helder et Me M. Slotboom, advocaten,

pour le Rijksdienst voor de keuring van Vee en Vlees, par M. J. Hoffmans, en qualité d'agent, assisté de M B. J. Drijber, advocaat,

pour la République hellénique, par MM. V. Kontolaimos et I. Chalkias, en qualité d'agents,

pour la Commission des Communautés européennes, par M. T. van Rijn, en qualité d'agent,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 15 juillet 2004,

rend le présent



Arrêt



1
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 92/46/CEE du Conseil, du 16 juin 1992, arrêtant les règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait (JO L 268, p. 1).

2
Cette demande a été faite dans le cadre d’un litige opposant, d’une part, la société anonyme de droit arubéen, Artrada (Freezone NV) (ci-après «Artrada»), la société à responsabilité limitée Videmecum BV (ci-après «Videmecum») et la société à responsabilité limitée Jac. Meisner Internationaal Expeditiebedrijf (ci-après «Jac. Meisner») et, d’autre part, le Rijksdienst voor de keuring van Vee en Vlees (Office de contrôle du bétail et de la viande, ci-après l’«Office»), au sujet du refus de ce dernier d’autoriser l’importation aux Pays-Bas d’un produit constitué d’un mélange de 75,75 % de sucre, de 15,15 % de lait écrémé en poudre et de 9,1 % de cacao.


Réglementation applicable

Réglementation communautaire

3
L’article 1er, paragraphe 1, de la directive 92/46 prévoit:

«La présente directive arrête les règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de lait de consommation traité thermiquement, de lait destiné à la fabrication de produits à base de lait et de produits à base de lait, destinés à la consommation humaine.»

4
L’article 2 dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

1) [...]

2)       ‘lait destiné à la fabrication de produits à base de lait’: soit du lait cru destiné à la transformation, soit du lait liquide ou congelé, obtenu à partir de lait cru, ayant ou non été soumis à un traitement physique autorisé, tel qu’un traitement thermique ou une thermisation, et ayant ou non été modifié dans sa composition, à condition que ces modifications soient limitées à l’addition et/ou à la soustraction des constituants naturels du lait;

3) [...]

4)       ‘produits à base de lait’: les produits laitiers, c’est-à-dire les produits dérivés exclusivement du lait, étant donné que des substances nécessaires pour leur fabrication peuvent être ajoutées pourvu que ces substances ne soient pas utilisées en vue de remplacer, en tout ou en partie, l’un quelconque des constituants du lait et les produits composés de lait, c’est-à-dire les produits dont aucun élément ne se substitue ou ne tend à se substituer à un constituant quelconque du lait et dont le lait ou un produit laitier est une partie essentielle, soit par sa quantité, soit par son effet caractérisant ces produits;

[...]»

5
L’article 22 de la directive 92/46, qui fait partie de son chapitre III relatif aux importations en provenance de pays tiers, prévoit:

«Les conditions applicables aux importations en provenance de pays tiers de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait couverts par la présente directive doivent être au moins équivalentes à celles prévues au chapitre II pour la production communautaire.»

6
L’article 23 de ladite directive, paragraphes 1 et 2, dispose:

«1. Aux fins de l’application uniforme de l’article 22, les dispositions des paragraphes suivants s’appliquent.

2. Ne peuvent faire l’objet d’importations dans la Communauté que le lait ou les produits à base de lait:

a)
provenant d’un pays tiers figurant sur une liste à établir conformément au paragraphe 3, point a);

b)
accompagnés d’un certificat sanitaire, conforme à un modèle à établir selon la procédure prévue à l’article 31, signé par l’autorité compétente du pays exportateur et attestant que ce lait et ces produits à base de lait satisfont aux exigences du chapitre II, remplissent les éventuelles conditions supplémentaires ou offrent les garanties équivalentes visées au paragraphe 3 et proviennent d’établissements offrant les garanties prévues à l’annexe B.»

7
La décision 95/340/CE de la Commission, du 27 juillet 1995, établissant la liste provisoire des pays tiers en provenance desquels les États membres autorisent les importations de lait et de produits à base de lait et abrogeant la décision 94/70/CE (JO L 200, p. 38), comporte la liste des pays tiers visée à l’article 23, paragraphe 2, sous a), de la directive 92/46. Aruba n’en fait pas partie.

8
La directive 97/78/CE du Conseil, du 18 décembre 1997, fixant les principes relatifs à l’organisation des contrôles vétérinaires pour les produits en provenance des pays tiers introduits dans la Communauté (JO 1998, L 24, p. 9), décrit ces contrôles.

Réglementation nationale

9
La juridiction de renvoi indique que, pour se conformer aux obligations de la directive 92/46, le royaume des Pays-Bas a adopté, entre autres, le Warenwetbesluit Zuivel (arrêté sur les produits laitiers pris au titre de la loi sur les denrées alimentaires, Stbl. 1994, p. 813, modifié depuis lors).

10
L’article 23 de la directive 92/46 a été mis en œuvre par l’article 16 de la Warenwetregeling Zuivelbereiding (réglementation relative à la fabrication des produits laitiers prise au titre de la loi sur les denrées alimentaires, Stcrt. 1994, p. 243, modifiée depuis lors). Cette disposition renvoie à la liste des pays tiers jointe à la décision 95/340.

11
À la date de la décision contestée dans le litige au principal, soit le 23 février 2001, l’article 4 de la Warenwetregeling Veterinaire controles (derde landen) (règlement sur les contrôles vétérinaires «pays tiers», pris au titre de la loi sur les denrées alimentaires, Stcrt. 2000, p. 207) désignait notamment l’Office comme autorité compétente pour effectuer les contrôles visés à la directive 97/78.

12
Enfin, le Warenwetbesluit Invoer levensmiddelen uit derde landen (arrêté sur l’importation d’aliments provenant de pays tiers, pris au titre de la loi sur les denrées alimentaires, Stbl. 1993, p. 698), est susceptible de s’appliquer aux aliments et aux boissons en provenance des pays tiers et non couverts par une réglementation communautaire.


Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

13
Il ressort de la décision de renvoi que la société Artrada, établie à Aruba, a produit un mélange de 75,75 % de sucre, de 15,15 % de lait écrémé en poudre et de 9,1 % de cacao. Le produit, dont les constituants ne peuvent être séparés, devait servir de matière première pour la production de lait chocolaté dans des usines situées en Allemagne et en Belgique. Jac. Meisner, commissionnaire en douane, a été chargée par Videmecum, filiale de Artrada, des déclarations d’importation du produit.

14
Deux déclarations d’importation en provenance d’Aruba pour la mise en libre pratique de conteneurs ont été déposées le 26 janvier 2001. Un certificat de passage de frontière, présenté le 22 février 2001 à la requête des autorités compétentes, mentionne comme nature des produits «bakeryprod. (semi finished)».

15
À la suite d’un contrôle vétérinaire, le lot s’est vu refuser, par décision du 23 février 2001, l’importation dans l’Union européenne au motif que l’importation de produits laitiers en provenance d’Aruba ne serait pas autorisée, que le produit ne proviendrait pas d’une exploitation reconnue et ne serait pas accompagné d’un certificat vétérinaire. Une réclamation a été introduite contre cette décision, mais l’Office a confirmé le refus d’importation.

16
Un recours a été formé devant le Rechtbank te Rotterdam (Pays-Bas). Par jugement du 4 mars 2002, celui-ci a déclaré le recours fondé au motif que la décision attaquée n’avait pas été signée par la personne compétente pour le faire. Ainsi que la loi néerlandaise l’y autorise, le Rechtbank a cependant maintenu les conséquences juridiques de la décision annulée.

17
Se fondant sur un document de travail de la Commission, le Rechtbank a considéré que le produit en cause n’était pas un «produit à base de lait» au sens de l’article 2, point 4, de la directive 92/46, car cette catégorie ne concernerait que les produits finis, alors que le produit en cause serait un produit semi-fini. Prenant en considération l’objectif de protection de la santé publique de la directive, le Rechtbank a décidé qu’un composant d’un produit devait pouvoir faire l’objet d’un contrôle et que, dès lors, la poudre de lait contenue dans le produit devait être qualifiée de «lait destiné à la fabrication de produits à base de lait» au sens de l’article 2, point 2, de la directive 92/46. Dans la mesure où ce produit semi-fini ─ et dès lors le lait en poudre ─ provenait d’un pays tiers qui ne figurait pas sur la liste des pays tiers contenue dans la décision 95/340, c’était à juste titre que le produit ne pouvait être importé.

18
Les parties appelantes au principal ont introduit un recours devant le College van Beroep voor het bedrijfsleven, faisant valoir que du lait en poudre contenu dans un produit composé n’entrait dans le champ d’application de la directive que s’il constituait une partie essentielle du produit. Puisque tel n’était pas le cas en l’espèce, il fallait uniquement examiner s’il avait été satisfait aux dispositions de l’article 3 du Warenwetbesluit Invoer levensmiddelen uit derde landen. Les parties appelantes au principal ont déclaré à l’audience devant le College que le lait en poudre utilisé pour l’élaboration du produit avait été fabriqué dans une exploitation agréée en Pologne, un pays exportateur de produits laitiers reconnu conformément à la directive 92/46. Elles auraient proposé à l’Office de prélever des échantillons sur tous les lots du produit en cause dont l’importation était envisagée afin de vérifier si les exigences de la loi néerlandaise étaient satisfaites, mais l’Office aurait rejeté cette proposition parce qu’il estimait que le produit en cause relevait du champ d’application de la directive 92/46.

19
La juridiction de renvoi a constaté que le document de travail émanant des services de la Commission sur lequel le Rechtbank s’était fondé n’avait pas une force contraignante et ne reflétait pas nécessairement le point de vue de la Commission. Il a estimé que les termes de l’article 2, point 4, de la directive 92/46, considérés en eux-mêmes, ne permettaient en aucune façon une interprétation selon laquelle les «produits à base de lait» ne concerneraient que les produits qui ne subissent plus d’autre transformation. Il a relevé par ailleurs que la volonté d’assurer un haut niveau de protection de la santé publique n’impliquait pas davantage que la directive 92/46 doive s’appliquer au lait contenu dans les produits semi-finis. En effet, d’autres dispositions pourraient être applicables. Les parties appelantes au principal auraient à cet égard fait référence à la directive 97/78 et au Warenwetbesluit Invoer levensmiddelen uit derde landen.

20
Selon la juridiction de renvoi, il ne serait pas logique d’exiger, à l’article 2, point 4, de la directive 92/46, que le lait ou le produit laitier soit un constituant essentiel pour que la directive soit applicable, pour ensuite considérer que la directive s’applique néanmoins au constituant qui n’est pas qualifié comme tel. La directive 92/46 s’appliquerait alors dans tous les cas où du lait entrerait dans la composition d’un produit, sans qu’il importe de distinguer selon qu’il en soit ou non un constituant essentiel. Si tel avait été l’objectif, le législateur communautaire aurait pu se contenter d’exiger que le lait ou le produit laitier fasse partie des constituants sans qualifier ceux-ci d’essentiels.

21
Dans l’hypothèse où la directive 92/46 serait applicable, et notamment son article 2, point 2, à de la poudre de lait contenue dans un mélange dont elle n’est pas la partie essentielle, il conviendrait alors de déterminer si c’est cette poudre de lait qui doit provenir d’un pays figurant à la liste des pays tiers prévue à l’article 23 de la directive et être accompagnée d’un certificat sanitaire ou bien le produit composé.

22
Dans l’hypothèse où la poudre de lait ne serait pas visée par l’article 2, point 2, de la directive 92/46, il faudrait alors se demander si le mélange peut être considéré comme un «produit à base de lait» et, donc, si la poudre de lait est en elle-même une partie essentielle du produit ou si seul son effet caractérise celui-ci au sens de l’article 2, point 4, de la directive. La juridiction de renvoi relève à cet égard que, dans la déclaration d’importation, le mélange est classé sous le code 1806 2095, c’est-à-dire qu’il est considéré comme une «autre préparation alimentaire contenant du cacao à l’état liquide ou pâteux ou en poudres». Le produit serait composé conformément aux spécifications du client qui le transformerait par la suite en lait chocolaté.

23
Estimant qu’un doute subsistait quant à l’interprétation de la directive 92/46, le College van Beroep voor het bedrijfsleven s’est estimé tenu de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1a)
Faut-il interpréter la notion de ‘lait destiné à la fabrication de produits à base de lait’ de l’article 2, [...] [point] 2, de la directive 92/46/CEE en ce sens qu’elle englobe (également) les constituants laitiers d’un produit qui contient aussi d’autres constituants, non laitiers, et dont le constituant laitier ne peut être séparé des constituants non laitiers?

1b)
En cas de réponse affirmative à la question 1 a), faut-il interpréter l’article 22 de la directive 92/46/CEE en ce sens que, dans le cas d’une importation en provenance de pays tiers, cette directive ne s’applique qu’au constituant laitier d’un produit et ne s’applique de ce fait pas au produit dont il est un constituant?

2a)
La notion de ‘produits à base de lait’ de l’article 2, [...] [point] 4, de la directive 92/46/CEE concerne-t-elle uniquement les produits finis ou également les produits semi-finis qui doivent encore faire l’objet d’une transformation avant de pouvoir être vendus au consommateur?

2b)
Si l’article 2, [...] [point] 4, de la directive 92/46/CEE concerne également les produits semi-finis, quels critères faut-il appliquer pour déterminer si le lait ou un produit laitier constitue une partie essentielle d’un produit, soit par sa quantité, soit par son effet, au sens de l’article 2, [...] [point] 4, de la directive 92/46/CEE?»


Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

24
La première question porte, dans sa première partie, sur l’interprétation de l’article 2, point 2, de la directive 92/46. La juridiction de renvoi cherche à savoir si la notion de «lait destiné à la fabrication de produits à base de lait» englobe les constituants laitiers d’un produit qui contient aussi d’autres constituants, non laitiers, et dont le constituant laitier ne peut être séparé. La seconde partie de la question, posée dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la première partie, porte sur l’interprétation de l’article 22 de la directive 92/46. La juridiction de renvoi cherche à vérifier si, dans le cas d’une importation en provenance de pays tiers, la directive s’applique au constituant laitier du mélange ou au mélange lui-même.

25
Ainsi que l’indique son premier considérant, la directive 92/46 distingue le lait cru, le lait de consommation traité thermiquement, le lait destiné à la fabrication de produits à base de lait et les produits à base de lait. Ces quatre notions sont définies à l’article 2, points 1 à 4, de cette directive.

26
Il résulte des termes de l’article 2, point 2, de ladite directive que la notion de «lait destiné à la fabrication de produits à base de lait» ne recouvre pas un produit constitué d’un mélange d’éléments indissociables, dont un des composants serait du lait en poudre. En effet, ledit article 2, point 2, ne vise que le lait considéré en tant que produit simple, dont la composition ne pourrait être modifiée que par l’addition et/ou la soustraction de constituants naturels du lait.

27
Interpréter l’article 2, point 2, de la directive 92/46 en ce sens qu’il viserait les constituants laitiers d’un mélange irait par ailleurs à l’encontre de l’économie et de la cohérence de ladite directive, dès lors qu’il viderait de sa substance l’article 2, point 4, relatif aux «produits à base de lait».

28
Il convient dès lors de répondre à la première partie de la question que l’article 2, point 2, de la directive 92/46 doit être interprété en ce sens que la notion de «lait destiné à la fabrication de produits à base de lait» n’englobe pas les constituants laitiers d’un produit qui contient aussi d’autres constituants, non laitiers, et dont le constituant laitier ne peut être séparé des constituants non laitiers.

29
Eu égard à la réponse à la première partie de la question, la seconde partie est sans objet.

Sur la seconde question

30
La première partie de la seconde question porte sur l’interprétation de l’article 2, point 4, de la directive 92/46. La juridiction de renvoi cherche à vérifier si la notion de «produits à base de lait» concerne uniquement les produits finis ou également les produits semi-finis qui doivent encore faire l’objet d’une transformation avant de pouvoir être vendus au consommateur. Dans la seconde partie de la question, posée dans l’hypothèse où l’article 2, point 4, de la directive 92/46 concernerait également les produits semi-finis, la juridiction de renvoi souhaite identifier les critères qui doivent être utilisés pour déterminer si le lait ou un produit laitier constitue une partie essentielle d’un produit, soit par sa quantité, soit par son effet, au sens de l’article 2, point 4, de la directive 92/46.

Observations présentées devant la Cour

31
Toutes les parties ayant présenté des observations considèrent que le terme «produits», figurant à l’article 2, point 4, de la directive 92/46, vise tant les produits finis que les produits semi-finis. L’Office et la Commission soulignent qu’une telle interprétation est conforme à l’objectif de protection de la santé publique et au souci de contrôler le lait au stade le plus précoce possible soit de la production, soit de l’utilisation. La Commission relève par ailleurs que le document de travail émanant de ses services, cité par la juridiction de renvoi, ne saurait être interprété en ce sens que cette disposition ne viserait que les produits finis. Artrada, qui ne soutient cette position qu’à titre subsidiaire, relève qu’il existe une loi nationale applicable au produit semi-fini et que le produit fini devra en tout état de cause satisfaire à la réglementation communautaire.

32
Ces parties reconnaissent que c’est la quantité de lait présente dans un produit qui permet de déterminer si ce lait en est une partie essentielle. Tel serait certainement le cas si le pourcentage du lait présent dans le produit dépassait 50 %. La Commission expose que la protection de la santé publique justifierait le contrôle de tout composant laitier contenu dans un produit, mais que des contrôles de produits ne contenant que de petites quantités de lait créeraient des problèmes dans les échanges commerciaux avec les pays tiers. Artrada soutient que, dans l’espèce au principal, un poids de lait en poudre correspondant à 15,15 % du poids total du produit n’est pas suffisant pour caractériser ce lait en poudre comme élément essentiel.

33
Toutes les parties ayant présenté des observations font valoir que l’«effet caractérisant» du lait dans un produit pourrait être déterminé par le goût du produit, sa présentation, son utilisation ou encore l’indication utilisée lors de la mise à l’importation du produit. Elles relèvent la difficulté particulière résultant du fait qu’il s’agit dans l’espèce au principal d’un produit semi-fini qui, selon les importateurs, doit servir à la production d’une boisson chocolatée par adjonction de lait, mais qui pourrait tout aussi bien être utilisé comme «Hagelslag» (granulés de chocolat). Dans ce contexte, les parties au principal s’interrogent sur la pertinence qu’il y aurait à prendre en considération l’utilisation finale du produit telle que déclarée ou le goût du produit fini déclaré. Artrada soutient que, dans l’espèce au principal, le lait en poudre a été ajouté au cacao et au sucre pour des raisons de consistance du mélange, mais qu’il n’est pas indispensable au produit. Elle relève que le lait présent dans le produit fini sera essentiellement le lait ajouté au mélange pour faire la boisson et que, en tout état de cause, le produit fini aura plus un goût de cacao que de lait.

Réponse de la Cour

34
À cet égard, il convient d’interpréter l’article 2, point 4, de la directive 92/46 en ce sens que la notion de «produits à base de lait» vise tant les produits finis que les produits semi-finis qui doivent encore faire l’objet d’une transformation avant de pouvoir être vendus au consommateur.

35
Il résulte en effet de la lecture de cette disposition qu’elle n’établit aucune distinction entre produits finis et produits semi-finis. Une telle distinction irait en tout état de cause à l’encontre de l’objectif de protection de la santé publique de la directive 92/46, qui tend à un contrôle du lait allant de la production à la mise sur le marché.

36
Lorsque le produit en cause comprenant un composant laitier est un produit semi-fini, l’article 2, point 4, de la directive 92/46 doit être interprété en ce sens que constitue un «produit à base de lait» un produit semi-fini dont aucun élément ne se substitue ou ne tend à se substituer à un constituant quelconque du lait et dont le lait ou un produit laitier est une partie essentielle, soit par sa quantité, soit par son effet caractérisant ce produit semi-fini.

37
C’est donc au regard du produit semi-fini qu’il convient de vérifier si le lait qui s’y trouve présent en est une partie essentielle, soit par sa quantité, soit par son effet caractérisant. Pour ce faire, il convient de tenir compte des caractéristiques et des propriétés objectives du produit semi-fini au moment de son importation.

38
Afin de déterminer si le lait ou le produit laitier présent dans un produit semi-fini à base de lait en est une partie essentielle par sa quantité, il convient d’examiner la proportion de lait ou de produit laitier présente dans ledit produit. Si cette proportion n’est pas dominante ou suffisamment importante dans le produit semi-fini à base de lait, le lait ou le produit laitier ne saurait être considéré comme une partie essentielle du produit de par sa seule quantité.

39
Pour déterminer si le lait ou le produit laitier présent dans un produit semi-fini à base de lait en est une partie essentielle par son effet caractérisant ce produit, il doit être tenu compte de tous les éléments objectifs présents au moment de l’importation dudit produit, notamment l’utilisation qui peut être faite du produit semi-fini et son goût.

40
Dans l’espèce au principal, c’est à la juridiction nationale compétente qu’il appartient de déterminer, en ayant à l’esprit l’objectif de protection de la santé publique de la directive 92/46 et en tenant compte de tous les éléments objectifs présents au moment de l’importation, si le lait écrémé en poudre présent dans le mélange importé par les appelants au principal en était une partie essentielle, notamment par son effet caractérisant ce mélange.

41
Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il convient de répondre comme suit à la seconde question:

L’article 2, point 4, de la directive 92/46 doit être interprété en ce sens que la notion de «produits à base de lait» vise tant les produits finis que les produits semi-finis qui doivent encore faire l’objet d’une transformation avant de pouvoir être vendus au consommateur. Dans un tel cas, c’est au regard du produit semi-fini qu’il convient de vérifier si le lait qui s’y trouve présent en est une partie essentielle, soit par sa quantité, soit par son effet caractérisant. Pour ce faire, il convient de tenir compte des caractéristiques et des propriétés objectives du produit semi-fini au moment de son importation, notamment de la proportion de lait ou de produit laitier présente dans le produit semi-fini, de l’utilisation qui peut être faite du produit semi-fini ou de son goût.


Sur les dépens

42
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

1)
L’article 2, point 2, de la directive 92/46/CEE du Conseil, du 16 juin 1992, arrêtant les règles sanitaires pour la production et la mise sur le marché de lait cru, de lait traité thermiquement et de produits à base de lait, doit être interprété en ce sens que la notion de «lait destiné à la fabrication de produits à base de lait» n’englobe pas les constituants laitiers d’un produit qui contient aussi d’autres constituants, non laitiers, et dont le constituant laitier ne peut être séparé des constituants non laitiers.

L’article 2, point 4, de la directive 92/46 doit être interprété en ce sens que la notion de «produits à base de lait» vise tant les produits finis que les produits semi-finis qui doivent encore faire l’objet d’une transformation avant de pouvoir être vendus au consommateur. Dans un tel cas, c’est au regard du produit semi-fini qu’il convient de vérifier si le lait qui s’y trouve présent en est une partie essentielle, soit par sa quantité, soit par son effet caractérisant. Pour ce faire, il convient de tenir compte des caractéristiques et des propriétés objectives du produit semi-fini au moment de son importation, notamment de la proportion de lait ou de produit laitier présente dans le produit semi-fini, de l’utilisation qui peut être faite du produit semi-fini ou de son goût.

Signatures.


1
Langue de procédure: le néerlandais.