Affaire C-98/03

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d'Allemagne

«Manquement d'État — Directive 92/43/CEE — Conservation des habitats naturels — Faune et flore sauvages — Évaluation des incidences de certains projets sur le site protégé — Protection des espèces»

Conclusions de l'avocat général M. A. Tizzano, présentées le 24 novembre 2005 

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 10 janvier 2006 

Sommaire de l'arrêt

1.     Recours en manquement — Objet du litige — Détermination au cours de la procédure précontentieuse

(Art. 226 CE)

2.     Environnement — Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages — Directive 92/43 — Zones spéciales de conservation — Obligations des États membres

(Directive du Conseil 92/43, art. 6, § 3)

3.     Environnement — Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages — Directive 92/43 — Zones spéciales de conservation — Obligations des États membres

(Directive du Conseil 92/43, art. 6, § 3 et 4)

4.     Environnement — Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages — Directive 92/43 — Protection des espèces

(Directive du Conseil 92/43, art. 12, § 1, d))

5.     Environnement — Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages — Directive 92/43 — Protection des espèces

(Directive du Conseil 92/43, art. 16)

6.     Environnement — Conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages — Directive 92/43 — Protection des espèces

(Directive du Conseil 92/43, art. 12, 13 et 16)

7.     États membres — Obligations — Exécution des directives — Manquement

(Art. 249, al. 3, CE)

1.     L'objet d'un recours en manquement introduit en vertu de l'article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue par cette disposition, de sorte que la requête ne peut être fondée sur des dispositions autres que celles indiquées durant ladite procédure. Cette exigence ne saurait toutefois aller jusqu'à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre les dispositions nationales qui sont mentionnées dans l'avis motivé et celles qui apparaissent dans la requête. Lorsqu'un changement législatif est intervenu entre ces deux phases de la procédure, il suffit en effet que le système mis en place par la législation contestée au cours de la procédure précontentieuse ait été, dans son ensemble, maintenu par les nouvelles mesures adoptées par l'État membre postérieurement à l'avis motivé et qui sont attaquées dans le cadre du recours.

(cf. point 27)

2.     L'article 6, paragraphe 3, de la directive 92/43, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, subordonne l'exigence d'une évaluation appropriée des incidences d'un plan ou d'un projet non directement lié ou nécessaire à la gestion d'un site en zone spéciale de conservation à la condition qu'il y ait une probabilité ou un risque qu'il affecte le site concerné de manière significative. Or, compte tenu, en particulier, du principe de précaution, un tel risque existe dès lors qu'il ne peut être exclu, sur la base d'éléments objectifs, que ledit plan ou projet affecte le site concerné de manière significative.

Partant, la condition à laquelle est subordonnée l'évaluation des incidences d'un plan ou d'un projet sur un site déterminé ne permet pas de soustraire à cette dernière certaines catégories de projets sur la base de critères impropres à garantir que ceux-ci ne sont pas susceptibles d'affecter les sites protégés de manière significative.

(cf. points 40-41)

3.     Le système instauré par une réglementation nationale, qui n'exclut l'autorisation des installations causant des émissions que lorsque ces dernières paraissent susceptibles d'affecter particulièrement un site protégé situé dans la zone d'influence de ces installations, telle que définie en fonction notamment de critères généraux liés aux installations, n'apparaît pas de nature à garantir le respect de l'article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive 92/43, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dans la mesure où ce système ne garantit pas que les projets ou plans relatifs à ces installations causant des émissions ne touchent des sites protégés en dehors de la zone d'influence de celles-ci.

(cf. points 50-51)

4.     L'article 12, paragraphe 1, sous d), de la directive 92/43, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, lequel prévoit l'interdiction de la détérioration ou de la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos, vise non seulement les actes intentionnels, mais également ceux qui ne le sont pas. En ne limitant pas l'interdiction prévue à ladite disposition à des actes intentionnels, contrairement à ce qu'il a fait pour ce qui concerne les actes visés audit article, sous a) à c), le législateur communautaire a démontré sa volonté de donner aux sites de reproduction ou aux aires de repos une protection accrue contre les actes causant leur détérioration ou leur destruction. Étant donné l'importance des objectifs de protection de la biodiversité que vise à réaliser la directive, il n'est nullement disproportionné que l'interdiction prévue à l'article 12, paragraphe 1, sous d), ne soit pas limitée aux actes intentionnels.

(cf. point 55)

5.     Ne prévoit pas un cadre légal conforme au régime dérogatoire mis en place par l'article 16 de la directive 92/43, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, la disposition nationale qui ne soumet pas l'octroi des dérogations à l'ensemble des conditions prévues audit article 16, mais qui prévoit comme seule condition d'autorisation desdites dérogations que les animaux, y compris leurs sites de nidification, d'incubation, d'habitat ou de refuge, et les végétaux des espèces particulièrement protégées ne subissent pas de ce fait une atteinte intentionnelle.

À cet égard, même si les dérogations aux interdictions prévues par la directive font l'objet de décisions administratives pour l'adoption desquelles les autorités compétentes respectent les conditions auxquelles ledit article 16 subordonne l'autorisation de dérogations, le cadre légal national reste en conflit avec celui prévu par la directive.

(cf. point 61)

6.     Les articles 12, 13 et 16 de la directive 92/43, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, forment un ensemble cohérent de normes visant à assurer un système de protection stricte des espèces animales et végétales.

N'assure pas un tel système la disposition nationale qui, en énonçant les cas dans lesquels l'interdiction de l'utilisation des produits phytosanitaires est interdite, n'envisage pas de façon claire, spécifique et stricte les interdictions de porter atteinte aux espèces protégées prévues aux articles 12 et 13 de la directive.

(cf. points 66-67)

7.     Aux fins de la correcte exécution d'une directive, le cadre normatif en vigueur dans un État membre, dans lequel coexistent des dispositions régionales contraires au droit communautaire et une disposition fédérale conforme à celui-ci, n'est pas propre à assurer effectivement et d'une façon claire et précise la pleine application de la directive.

(cf. point 78)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

10 janvier 2006 (*)

«Manquement d’État – Directive 92/43/CEE – Conservation des habitats naturels – Faune et flore sauvages – Évaluation des incidences de certains projets sur le site protégé – Protection des espèces»

Dans l’affaire C-98/03,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 28 février 2003,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. U. Wölker, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. M. Lumma et Mme C. Schulze-Bahr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, M. C. Gulmann (rapporteur), Mme R. Silva de Lapuerta, MM. P. Kūris et G. Arestis, juges,

avocat général: M. A. Tizzano,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 juillet 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 24 novembre 2005,

rend le présent

Arrêt

1       Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que:

–       en omettant de prévoir, pour certains projets réalisés à l’extérieur de zones spéciales de conservation (ci-après les «ZSC») au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7, ci-après la «directive»), un examen obligatoire des incidences sur le site, conformément à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive, indépendamment du point de savoir si de tels projets sont susceptibles d’affecter une ZSC d’une manière significative;

–       en autorisant des émissions dans une ZSC, indépendamment du point de savoir si celles-ci sont susceptibles d’affecter cette zone d’une manière significative;

–       en excluant du champ d’application des dispositions relatives à la protection des espèces certaines gênes non intentionnelles causées à des animaux protégés;

–       en n’assurant pas le respect des conditions dérogatoires prévues à l’article 16 de la directive en ce qui concerne certains actes compatibles avec la conservation de la zone;

–       en disposant d’une réglementation concernant l’utilisation des produits phytosanitaires qui ne prend pas suffisamment en compte la protection des espèces;

–       en omettant de notifier des dispositions relevant de la législation sur la pêche et/ou en ne veillant pas à ce que ces dispositions comportent des interdictions de pêche suffisantes;

la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphes 3 et 4, ainsi que des articles 12, 13 et 16 de la directive.

 Le cadre juridique

 Le droit communautaire

2       La directive a pour objet, conformément à son article 2, paragraphe 1, «de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des États membres où le traité s’applique».

3       L’article 4 de la directive prévoit une procédure pour la désignation des sites où sont présents les espèces et habitats protégés par celle-ci en tant que ZSC.

4       Aux termes du dixième considérant de la directive, «tout plan ou programme susceptible d’affecter de manière significative les objectifs de conservation d’un site qui a été désigné ou qui le sera dans le futur doit être l’objet d’une évaluation appropriée». Ce considérant trouve son expression à l’article 6, paragraphe 3, de cette directive qui renvoie au paragraphe 4. Lesdits paragraphes disposent:

«3.      Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.      Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

Lorsque le site concerné est un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaires, seules peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur.»

5       Selon l’article 12, paragraphe 1, de la directive:

«1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l’annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant:

a)      toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature;

b)      la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration;

c)      la destruction ou le ramassage intentionnels des oeufs dans la nature;

d)      la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos.»

6       L’article 13 de ladite directive dispose:

«1.       Les États membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces végétales figurant à l’annexe IV point b) interdisant:

a)      la cueillette ainsi que le ramassage, la coupe, le déracinage ou la destruction intentionnels dans la nature de ces plantes, dans leur aire de répartition naturelle;

b)      la détention, le transport, le commerce ou l’échange et l’offre aux fins de vente ou d’échange de spécimens desdites espèces prélevés dans la nature, à l’exception de ceux qui auraient été prélevés légalement avant la mise en application de la présente directive.

2.      Les interdictions visées au paragraphe 1 points a) et b) s’appliquent à tous les stades du cycle biologique des plantes visées par le présent article.»

7       L’article 16, paragraphe 1, de la directive est libellé ainsi:

«À condition qu’il n’existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les États membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l’article 15 points a) et b):

a)      dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels;

b)      pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété;

c)      dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement;

d)      à des fins de recherche et d’éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes;

e)      pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d’un nombre limité et spécifié par les autorités nationales compétentes de certains spécimens des espèces figurant à l’annexe IV.»

 Le droit national

8       La République fédérale d’Allemagne a notamment transposé la directive par la loi fédérale sur la protection de la nature et la préservation des paysages du 21 septembre 1998 (Gesetz über Naturschutz und Landschaftspflege, BGBl. 1998 I, p. 2995, ci-après le «BNatSchG 1998»).

9       Cette loi a ensuite été abrogée et remplacée par la loi fédérale sur la protection de la nature et la préservation des paysages du 25 mars 2002 (Gesetz über Naturschutz und der Landschaftspflege, BGBl. 2002 I, p. 1193, ci-après le «BNatSchG 2002»).

10     L’article 34, paragraphe 1, du BNatSchG 2002 a transposé, dans l’ordre juridique allemand, l’obligation énoncée à l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive de soumettre des projets à une évaluation des incidences sur les sites protégés au sens de cette directive.

11     L’article 10, paragraphe 1, point 11, du BNatSchG 2002 définit comme suit la notion de «projets au sens de la loi»:

«a)      projets et mesures prévus à l’intérieur d’un site d’importance communautaire ou d’un site européen de protection des oiseaux, pour autant qu’ils sont soumis à une décision d’une autorité ou à une notification à une autorité ou qu’ils sont exécutés par une autorité,

b)      interventions dans la nature et le paysage au sens de l’article 18, pour autant qu’elles sont soumises à une décision d’une autorité ou à une notification à une autorité ou qu’elles sont exécutées par une autorité et

c)      installations soumises à une autorisation en vertu de la loi fédérale relative à la lutte contre les pollutions ainsi que les utilisations des eaux qui sont soumises à une autorisation ou à une approbation en vertu de la loi sur le régime des eaux,

pour autant que, séparément ou conjointement avec d’autres projets ou plans, ils sont de nature à affecter, d’une manière significative, un site d’importance communautaire ou un site européen de protection des oiseaux […]»

12     L’article 18 du BNatSchG 2002 prévoit:

«1.       Les interventions dans la nature et le paysage, au sens de la présente loi, sont les changements de forme ou d’utilisation de superficies de base ou les modifications du niveau de la nappe phréatique liées à la couche de sol de surface, qui peuvent altérer considérablement la capacité et le fonctionnement de l’écosystème ou du paysage.

2.       L’utilisation des sols aux fins de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche ne constitue pas une intervention, au cas où elle tient compte des objectifs et des principes de protection de la nature et de la préservation du paysage. L’utilisation des sols aux fins de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche ne compromet pas, en principe, les objectifs et les principes précités, pourvu qu’elle respecte les conditions figurant à l’article 5, paragraphes 4 à 6, et les règles de bonne pratique professionnelle résultant de la loi sur l’agriculture, la sylviculture et la pêche et de l’article 17, paragraphe 2, de la loi fédérale sur la protection des sols.»

13     L’article 36 du BNatSchG 2002, intitulé «Nuisances matérielles», prévoit:

«S’il est prévisible qu’une installation soumise à autorisation en vertu de la loi fédérale relative à la lutte contre les pollutions causera des émissions qui, y compris en liaison avec d’autres installations ou mesures, affecteront fortement, dans la zone d’influence de cette installation, les éléments essentiels nécessaires à la conservation d’un site d’importance communautaire ou d’un site européen de protection des oiseaux, et si les détériorations ne peuvent être compensées conformément à l’article 19, paragraphe 2, l’autorisation n’est pas délivrée à moins que ne soient réunies les conditions des dispositions combinées des paragraphes 3 et 4 de l’article 34. L’article 34, paragraphes 1 et 5, est applicable mutatis mutandis. Les décisions sont prises en accord avec les autorités compétentes en matière de protection de la nature et des sites naturels.»

14     L’article 39, paragraphe 2, première phrase, du BNatSchG 2002, intitulé «Rapports avec d’autres dispositions législatives», dispose:

«Les dispositions de la législation sur la protection des végétaux, sur la protection des animaux, sur la protection contre les épizooties ainsi que la législation sur les forêts, la chasse et la pêche ne sont affectées ni par les dispositions de la présente section ni par les dispositions légales adoptées en vertu et dans le cadre de celle-ci.»

15     L’article 42, paragraphes 1 et 2, du BNatSchG 2002 vise à transposer les interdictions figurant aux articles 12 et 13 de la directive.

16     L’article 43 du BNatSchG 2002, intitulé «Dérogations», prévoit, en son paragraphe 4, que «[l]es interdictions énoncées à l’article 42, paragraphes 1 et 2, ne s’appliquent pas aux actes visant à utiliser les sols à des fins agricoles, sylvicoles ou halieutiques, et exécutés d’une manière répondant à une bonne pratique professionnelle ainsi qu’aux exigences prévues à l’article 5, paragraphes 4 à 6, aux actes visant à valoriser les produits obtenus dans le cadre de ces activités, ou à effectuer une intervention autorisée au titre de l’article 19, ou une évaluation des incidences sur l’environnement dans le cadre de la loi concernant l’évaluation des incidences sur l’environnement, ou encore à effectuer une mesure autorisée au titre de l’article 30, à condition que les animaux, y compris leurs sites de nidification, d’incubation, d’habitat ou de refuge, et les végétaux des espèces particulièrement protégées ne subissent pas de ce fait une atteinte intentionnelle […]».

17     La directive a également été transposée en République fédérale d’Allemagne au moyen d’une série de lois sectorielles, entre autres, par la loi sur la protection des végétaux (Pflanzenschutzgesetz, BGBl. 1998 I, p. 971, ci-après le «PflSchG»), du 14 mai 1998, dont l’article 6, paragraphe 1, dispose:

«Les produits phytosanitaires doivent faire l’objet d’une utilisation répondant à une bonne pratique professionnelle. L’utilisation est interdite s’il est prévisible qu’elle produira des effets nocifs sur la santé de 1’homme ou de l’animal, sur la nappe phréatique ou qu’elle aura d’autres effets nocifs graves, en particulier sur l’équilibre de la nature. L’autorité compétente peut ordonner des mesures qui sont nécessaires pour satisfaire aux exigences mentionnées dans les phrases 1 et 2 du présent paragraphe.»

 La procédure précontentieuse

18     Le 10 avril 2000, la Commission a adressé à la République fédérale d’Allemagne une lettre de mise en demeure lui demandant de présenter ses observations quant à la mise en œuvre de l’article 6, paragraphes 3 et 4, ainsi que des articles 12, 13 et 16 de la directive.

19     Après avoir pris connaissance de la réponse que la République fédérale d’Allemagne lui a adressée le 11 août 2000, la Commission a émis, le 25 juillet 2001, un avis motivé invitant cet État membre à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

20     Dans cet avis motivé, la Commission concluait, en se référant notamment au BNatSchG 1998, que la République fédérale d’Allemagne n’avait pas pris les mesures nécessaires à la transposition des dispositions précitées de la directive.

21     Après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, la République fédérale d’Allemagne a, par lettre du 21 novembre 2001, contesté les griefs relevés par la Commission.

22     Par la suite, le BNatSchG 2002 est entré en vigueur.

23     C’est dans ces conditions que la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Sur la recevabilité du recours

24     Le gouvernement allemand soulève de manière préliminaire l’irrecevabilité du recours de la Commission au motif que celle-ci n’aurait pas tenu suffisamment compte de toutes les nouvelles dispositions introduites par le BNatSchG 2002 ni d’autres dispositions nationales spécifiques. Or, celles-ci garantiraient que les dispositions contestées de la réglementation allemande sont appliquées en conformité avec la directive.

25     À cet égard, il convient de relever que la question de savoir si la Commission a ou non pris en compte certaines modifications normatives dans l’appréciation de la compatibilité de la réglementation allemande avec la directive porte sur le fond de l’affaire et, partant, sur le bien-fondé du recours, et non pas sur sa recevabilité.

26     Il y a également lieu de souligner que le fait que, dans sa requête, la Commission fonde ses moyens sur certaines des dispositions du BNatSchG 2002 en mentionnant les anciennes dispositions correspondantes du BNatSchG 1998 entre parenthèses, alors que l’avis motivé ne visait que lesdites anciennes dispositions, n’est pas de nature à rendre le recours irrecevable.

27     S’il est vrai que l’objet du recours introduit en vertu de l’article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse et que, par conséquent, la requête ne peut être fondée sur des dispositions autres que celles indiquées durant ladite procédure, cette exigence ne saurait toutefois aller jusqu’à imposer en toute hypothèse une coïncidence parfaite entre les dispositions nationales qui sont mentionnées dans l’avis motivé et celles qui apparaissent dans la requête. Lorsqu’un changement législatif est intervenu entre ces deux phases de la procédure, il suffit en effet que le système mis en place par la législation contestée au cours de la procédure précontentieuse ait été, dans son ensemble, maintenu par les nouvelles mesures adoptées par l’État membre postérieurement à l’avis motivé et qui sont attaquées dans le cadre du recours (arrêt du 22 septembre 2005, Commission/Belgique, C-221/03, non encore publié au Recueil, points 38 et 39).

28     En l’occurrence, les dispositions du BNatSchG 2002 auxquelles la Commission se réfère dans sa requête sont substantiellement identiques à celles du BNatSchG 1998 qu’elle critiquait dans son avis motivé.

29     Il s’ensuit que le recours est recevable.

 Sur le fond

30     À l’appui de son recours, la Commission invoque six griefs.

 Sur le premier grief

 Argumentation des parties

31     La Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne la transposition incomplète dans son droit national de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive, dans la mesure où la définition de la notion de «projet» figurant à l’article 10, paragraphe 1, point 11, sous b) et c), du BNatSchG 2002 et applicable aux projets réalisés à l’extérieur des ZSC est trop restrictive et exclut de l’obligation d’évaluation des incidences certaines interventions et autres activités potentiellement nocives pour les sites protégés.

32     S’agissant des projets au sens de l’article 10, paragraphe 1, point 11, sous b), du BNatSchG 2002, la Commission soutient que, dans la mesure où ceux-ci n’incluent que les interventions dans la nature et le paysage au sens de l’article 18 de cette même loi, certains projets susceptibles d’affecter des sites protégés de manière significative ne seraient pas soumis à un examen préalable des incidences sur le site conformément à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive. En effet, le paragraphe 1 dudit article 18 ne couvrirait que les changements de forme ou d’utilisation des superficies de base mais ne prendrait pas en compte toutes les autres activités ou mesures non axées sur la superficie de base d’un site protégé ni celles qui n’y apportent aucun changement, même lorsqu’elles sont susceptibles d’affecter un tel site de manière significative. En réalité, la notion de «projet» au sens de l’article 10, paragraphe 1, point 11, sous b), du BNatSchG 2002, qui vise des interventions réalisées à l’extérieur des ZSC, serait plus étroite que la notion de projet figurant sous la lettre a) de ce même article, qui concerne des projets réalisés à l’intérieur d’une ZSC. Or, dans sa définition des mesures à soumettre à une évaluation des incidences, la directive ne prévoirait pas de distinction selon que ces mesures sont prises à l’extérieur ou à l’intérieur d’un site protégé.

33     De plus, l’article 18, paragraphe 2, du BNatSchG 2002 exclurait de la notion de «projet» au sens de l’article 10, paragraphe 1, point 11, sous b), de la même loi l’utilisation des sols aux fins de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche, lorsqu’elle prend en compte les objectifs et principes de la protection de la nature et de la préservation du paysage.

34     En outre, s’agissant de l’article 10, paragraphe 1, point 11, sous c), de ladite loi, la Commission critique le fait que la définition de la notion de «projet» est limitée, d’une part, aux installations soumises à autorisation en vertu de la loi fédérale relative à la lutte contre les pollutions (Bundes-Immissionsschutzgesetz, ci-après le «BImSchG») et, d’autre part, à l’utilisation des eaux, qui est soumise à autorisation ou à approbation en vertu de la loi sur le régime des eaux (Wasserhaushaltsgesetz, ci-après le «WHG»). Ainsi, les installations et l’utilisation des eaux non soumises à de telles autorisations ou approbations seraient exclues de l’obligation d’évaluation des incidences sur le site prévue à l’article 6, paragraphe 3, de la directive, indépendamment de la question de savoir si elles peuvent ou non avoir une incidence significative sur les sites protégés.

35     Le gouvernement allemand fait d’abord valoir que la Commission interprète la notion de «projet» de façon trop large, dans la mesure où elle n’admet aucune limitation de l’obligation d’évaluation des incidences qu’auraient sur les sites les activités visées par la réglementation allemande. Il y aurait lieu d’interpréter cette notion à la lumière de la définition précise figurant à la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40).

36     Ensuite, ce gouvernement soutient que la notion d’«intervention» au sens de l’article 18, paragraphe 1, du BNatSchG 2002 suppose un examen au cas par cas à la lumière des objectifs de la directive. Ainsi, dans la pratique, ledit article 18, paragraphe 1, ne limiterait pas la notion de «projet» au sens de la directive. Cette disposition supposerait non pas qu’il y ait une modification de la forme ou de l’utilisation des superficies de base mais qu’il y ait intervention quand une activité a une influence sur les superficies de base qui se répercute sur le site protégé.

37     Concernant la dérogation prévue à l’article 18, paragraphe 2, du BNatSchG 2002, le gouvernement allemand fait valoir que cette disposition exige impérativement que les objectifs et les principes de protection de la nature et de la préservation des paysages aient été pris en considération pour que l’utilisation des sols aux fins de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche ne soit pas constitutive d’un projet devant faire l’objet d’une évaluation des incidences.

38     Enfin, pour ce qui est de l’article 10, paragraphe 1, point 11, sous c), du BNatSchG 2002, le gouvernement allemand indique que les installations non soumises à autorisation ou à approbation en vertu du BImSchG doivent elles-mêmes respecter des exigences qui tiennent compte de la directive. En effet, cette loi impose, en particulier, de vérifier qu’il est fait obstacle aux effets nocifs sur l’environnement que l’état de la technique permet d’éviter et que ceux que l’état de la technique ne permet pas d’éviter sont réduits au minimum. Quant à l’utilisation des eaux ne requérant pas une autorisation en vertu du WHG, le gouvernement allemand fait valoir notamment qu’il s’agit d’une utilisation portant sur de faibles volumes d’eau qui est compatible avec la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO L 327, p. 1). Selon ce gouvernement, si des utilisations dépourvues d’incidences significatives sur l’état d’une masse d’eau ne sont pas à prendre en considération en vertu de la directive 2000/60 et ne nécessitent pas d’autorisation, elles ne sauraient non plus avoir des incidences significatives sur les ZSC voisines.

 Appréciation de la Cour

39     Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive, tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site, mais susceptible d’affecter ce dernier de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, doit faire l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de celui-ci.

40     La Cour a déjà jugé que l’exigence d’une évaluation appropriée des incidences d’un plan ou d’un projet est subordonnée à la condition qu’il y ait une probabilité ou un risque qu’il affecte le site concerné de manière significative. Or, compte tenu, en particulier, du principe de précaution, un tel risque existe dès lors qu’il ne peut être exclu, sur la base d’éléments objectifs, que ledit plan ou projet affecte le site concerné de manière significative (voir arrêt du 20 octobre 2005, Commission/Royaume-Uni, C-6/04, non encore publié au Recueil, point 54).

41     Partant, la condition à laquelle est subordonnée l’évaluation des incidences d’un plan ou d’un projet sur un site déterminé qui implique que, en cas de doute quant à l’absence d’effets significatifs, il y a lieu de procéder à une telle évaluation, ne permet pas de soustraire à cette dernière, ainsi que le font, d’une part, l’article 10, paragraphe 1, point 11, sous b), du BNatSchG 2002, lu en combinaison avec l’article 18 de la même loi et, d’autre part, l’article 10, paragraphe 1, point 11, sous c), certaines catégories de projets sur la base de critères impropres à garantir que ceux-ci ne sont pas susceptibles d’affecter les sites protégés de manière significative.

42     Il convient de relever, notamment, que l’article 10, paragraphe 1, point 11, sous b) et c), du BNatSchG 2002 exclut de l’obligation d’évaluation les projets consistant, d’une part, en des interventions dans la nature et le paysage autres que des changements de forme ou d’utilisation de superficies de base ou que des modifications du niveau de la nappe phréatique liées à la couche de sol de surface, ainsi que, d’autre part, les projets ayant trait à des installations ou à des utilisations des eaux, en raison du fait qu’elles ne sont pas soumises à autorisation. Or, il n’apparaît pas que ces critères d’exclusion de l’obligation d’évaluation sont de nature à garantir que lesdits projets sont systématiquement non susceptibles d’affecter les sites protégés de manière significative.

43     S’agissant en particulier des installations non soumises à autorisation en vertu du BImSchG, la circonstance que ce texte impose de vérifier qu’il est fait obstacle aux effets nocifs sur l’environnement que l’état de la technique permet d’éviter et que ceux que l’état de la technique ne permet pas d’éviter sont réduits au minimum ne saurait suffire à garantir le respect de l’obligation prévue à l’article 6, paragraphe 3, de la directive. En effet, l’obligation de vérification prévue par le BImSchG n’est pas, en tout état de cause, de nature à assurer qu’un projet relatif à une telle installation ne portera pas atteinte à l’intégrité du site protégé. En particulier, l’obligation de vérifier que les effets nocifs sur l’environnement que l’état de la technique ne permet pas d’éviter sont réduits au minimum ne garantit pas qu’un tel projet n’entraînera pas ladite atteinte.

44     Pour ce qui concerne l’utilisation des eaux ne requérant pas une autorisation en vertu du WHG, le fait qu’il s’agit d’une utilisation portant sur de faibles volumes d’eau n’est pas en soi de nature à exclure que certaines de ces utilisations soient susceptibles d’affecter un site protégé de manière significative. À supposer même que de telles utilisations d’eau soient dépourvues d’incidences significatives sur l’état d’une masse d’eau, il ne s’ensuit pas qu’elles ne sauraient non plus avoir des incidences significatives sur les sites protégés voisins.

45     Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la République fédérale d’Allemagne n’a pas correctement transposé dans sa législation nationale l’article 6, paragraphe 3, de la directive en ce qui concerne certains projets réalisés à l’extérieur des ZSC.

 Sur le deuxième grief

 Argumentation des parties

46     La Commission fait valoir que l’article 36 du BNatSchG 2002 ne transpose pas correctement l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive dans la mesure où l’autorisation des installations causant des émissions n’est exclue que lorsqu’il y a lieu de s’attendre à ce que celles-ci affectent particulièrement une ZSC située dans la zone où ces installations sont exploitées.

47     Il s’ensuivrait que les nuisances matérielles provoquées à l’extérieur d’une telle zone ne seraient, en revanche, pas prises en compte, en violation desdites dispositions de la directive.

48     Le gouvernement allemand indique que le contrôle des nuisances matérielles occasionnées par des polluants de l’air ou des bruits dans la zone d’influence d’une installation doit s’effectuer au cas par cas en prenant en compte toutes les données locales ainsi que les différents polluants émis par l’installation. Aussi, dans la pratique, une autorisation de projet entraînant des nuisances matérielles ne serait délivrée que s’il n’a pas d’effets nocifs sur les éléments que protège la directive.

 Appréciation de la Cour

49     Il convient de relever que, dans la mesure où, en vertu de l’article 36 du BNatSchG 2002, l’autorisation des installations causant des émissions n’est exclue que lorsque ces dernières paraissent susceptibles d’affecter particulièrement un site protégé situé dans la zone d’influence de ces installations, celles dont les émissions touchent un site protégé situé en dehors d’une telle zone sont susceptibles d’être autorisées sans que soient pris en compte les effets de ces émissions sur un tel site.

50     À cet égard, il convient de constater que le système instauré par la réglementation allemande, en ce qu’il vise les émissions à l’intérieur d’une zone d’influence telle que définie dans des circulaires techniques en fonction notamment de critères généraux liés aux installations, n’apparaît pas de nature à garantir le respect de l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive.

51     Or, à défaut de critères scientifiquement éprouvés, dont le gouvernement allemand n’a pas fait mention, et qui permettraient d’exclure a priori que les émissions touchant un site protégé situé en dehors de la zone d’influence de l’installation concernée sont susceptibles d’affecter ce site de manière significative, le système mis en place par le droit national dans le domaine en question n’est, en tout état de cause, pas de nature à garantir que les projets ou plans relatifs à des installations causant des émissions qui touchent des sites protégés en dehors de la zone d’influence de ces installations ne porteront pas atteinte à l’intégrité des sites concernés, au sens de l’article 6, paragraphe 3, de la directive.

52     Par conséquent, il y a lieu de constater que l’article 6, paragraphe 3, de la directive n’a pas été correctement transposé.

 Sur le troisième grief

53     La Commission fait grief à la République fédérale d’Allemagne de n’avoir pas correctement transposé l’obligation contenue à l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la directive de prendre les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte de certaines espèces animales, en interdisant la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos. Selon la Commission, cette disposition impose aux États membres d’interdire non seulement les actes intentionnels, mais également les actes non intentionnels. Elle fait valoir que l’article 43, paragraphe 4, du BNatSchG 2002 ne respecte pas l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la directive, dans la mesure où il autorise certaines dérogations aux règles protégeant les sites «à condition que les animaux, y compris leurs sites de nidification, d’incubation, d’habitat ou de refuge […] ne [soient] pas affectés d’une manière intentionnelle».

54     Le gouvernement allemand relève que la transposition de l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la directive est limitée sur l’ensemble du territoire de la République fédérale d’Allemagne aux actes intentionnels, ce qui, selon lui, est conforme à cette disposition dès lors qu’elle ne prescrit pas d’inclure la destruction ou la détérioration non intentionnelles desdits sites dans le système de protection qu’elle impose. Il est d’avis qu’une interprétation selon laquelle sont interdits également les actes non intentionnels serait en tout état de cause contraire au principe de proportionnalité.

55     À cet égard, il suffit de constater que la Cour a déjà jugé que les actes visés à l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la directive ne sont pas seulement les actes intentionnels, mais également ceux qui ne le sont pas (voir arrêt Commission/Royaume-Uni, précité, points 73 à 79). En ne limitant pas l’interdiction prévue à l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la directive à des actes intentionnels, contrairement à ce qu’il a fait pour ce qui concerne les actes visés audit article, sous a) à c), le législateur communautaire a démontré sa volonté de donner aux sites de reproduction ou aux aires de repos une protection accrue contre les actes causant leur détérioration ou leur destruction. Étant donné l’importance des objectifs de protection de la biodiversité que vise à réaliser la directive, il n’est nullement disproportionné que l’interdiction prévue à l’article 12, paragraphe 1, sous d), ne soit pas limitée aux actes intentionnels.

56     Dans ces conditions, il convient d’accueillir le grief tiré de la transposition incorrecte de l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la directive.

 Sur le quatrième grief

57     La Commission fait grief à la République fédérale d’Allemagne d’avoir introduit à l’article 43, paragraphe 4, du BNatSchG 2002 deux dérogations aux interdictions prévues à l’article 42, paragraphe 1, de cette loi, qui ne prennent pas suffisamment en compte les conditions auxquelles sont soumises les dérogations autorisées en vertu de l’article 16 de la directive. À cet égard, la Commission se réfère plus précisément aux dérogations du droit allemand aux régimes de protection des espèces dont bénéficient, respectivement, les actes d’exécution d’une intervention autorisée conformément à l’article 19 du BNatSchG 2002 et la mise en œuvre de mesures autorisées au titre de l’article 30 de la même loi.

58     Le gouvernement allemand rétorque que les interventions et les mesures faisant l’objet des deux dérogations prévues à l’article 43, paragraphe 4, du BNatSchG 2002 sont soumises à des décisions administratives pour l’adoption desquelles les autorités compétentes sont, en tout état de cause, tenues de respecter les conditions prévues à l’article 16 de la directive.

59     À cet égard, il convient de rappeler qu’il ressort des quatrième et onzième considérants de la directive que les habitats et espèces menacés font partie du patrimoine naturel de la Communauté européenne et que les menaces pesant sur ceux-ci sont souvent de nature transfrontalière, de telle sorte que l’adoption de mesures de conservation incombe, à titre de responsabilité commune, à tous les États membres. Par conséquent, l’exactitude de la transposition revêt une importance particulière dans un cas comme celui en l’espèce, où la gestion du patrimoine commun est confiée, pour leur territoire respectif, aux États membres (voir arrêt Commission/Royaume-Uni, précité, point 25).

60     Il s’ensuit que, dans le cadre de la directive, laquelle pose des règles complexes et techniques dans le domaine du droit de l’environnement, les États membres sont spécialement tenus de veiller à ce que leur législation destinée à assurer la transposition de cette directive soit claire et précise (voir arrêt Commission/Royaume-Uni, précité, point 26).

61     Par conséquent, à supposer même que les deux dérogations en cause en l’espèce doivent faire l’objet de décisions administratives pour l’adoption desquelles les autorités compétentes respectent en fait les conditions auxquelles l’article 16 de la directive subordonne l’autorisation de dérogations, force est de constater que l’article 43, paragraphe 4, du BNatSchG 2002 ne prévoit pas un cadre légal conforme au régime dérogatoire mis en place par ledit article 16. En effet, cette disposition du droit national ne soumet pas l’octroi des deux dérogations en question à l’ensemble des conditions prévues à l’article 16 de la directive. À cet égard, il suffit de souligner que l’article 43, paragraphe 4, du BNatSchG 2002 prévoit comme seule condition d’autorisation desdites dérogations que les animaux, y compris leurs sites de nidification, d’incubation, d’habitat ou de refuge, et les végétaux des espèces particulièrement protégées ne subissent pas de ce fait une atteinte intentionnelle.

62     Partant, le grief tiré de la transposition incorrecte de l’article 16 de la directive dans le droit allemand doit être accueilli.

 Sur le cinquième grief

63     La Commission se réfère à l’article 6, paragraphe 1, du PflSchG, qui interdit l’utilisation des produits phytosanitaires s’il est prévisible qu’elle produise des effets nocifs sur la santé de l’homme ou de l’animal, sur la nappe phréatique ou ait d’autres effets nocifs graves, en particulier sur l’équilibre de la nature, cette notion couvrant également les espèces animales et végétales au sens de l’article 2, point 6, du PflSchG. La Commission fait valoir que, par cette interdiction, la République fédérale d’Allemagne n’a pas transposé de façon suffisamment claire les articles 12, 13 et 16 de la directive.

64     Le gouvernement allemand conteste le bien-fondé de ce grief en soulignant que la disposition visée par la Commission contient une interdiction générale qui permet de respecter les interdictions prévues aux articles 12 et 13 de la directive. Il se réfère également au fait que, selon l’article 6, paragraphe 1, du PflSchG, les produits phytosanitaires doivent faire l’objet d’une utilisation répondant à une bonne pratique professionnelle et que l’autorité compétente peut ordonner les mesures nécessaires pour satisfaire aux exigences par ailleurs mentionnées dans cette disposition.

65     À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 60 du présent arrêt, les États membres sont, dans le cadre de la directive, spécialement tenus de veiller à ce que leur législation destinée à assurer la transposition de cette directive soit claire et précise.

66     Selon la jurisprudence de la Cour, les articles 12, 13 et 16 de la directive forment un ensemble cohérent de normes (voir arrêt Commission/Royaume-Uni, précité, point 112). Lesdits articles 12 et 13 imposent aux États membres d’instaurer un système de protection strict des espèces animales et végétales.

67     Il convient de relever que l’article 6, paragraphe 1, du PflSchG, en énonçant les cas dans lesquels l’utilisation des produits phytosanitaires est interdite, n’envisage pas de façon claire, spécifique et stricte les interdictions de porter atteinte aux espèces protégées prévues aux articles 12 et 13 de la directive.

68     En particulier, il n’apparaît pas que l’interdiction d’utilisation des produits phytosanitaires, dès lors qu’il est prévisible qu’elle produise des effets nocifs graves sur l’équilibre de la nature, soit aussi claire, précise et stricte que l’interdiction de détérioration des sites de reproduction ou des aires de repos des espèces animales protégées prévue à l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la directive ou que l’interdiction de destruction intentionnelle dans la nature des espèces végétales protégées prévue à l’article 13, paragraphe 1, sous a), de la directive.

69     Par suite, il y a lieu d’accueillir le cinquième grief en ce qu’il porte sur les articles 12 et 13 de la directive.

 Sur le sixième grief

 Argumentation des parties

70     La Commission reproche à la République fédérale d’Allemagne d’avoir enfreint les articles 12 et 16 de la directive en ne lui notifiant pas des dispositions relevant de la réglementation sur la pêche ou en ne veillant pas à ce que ces dispositions comportent des interdictions de pêche suffisantes.

71     La Commission fait valoir que les réglementations sur la pêche dans trois Länder ne sont pas conformes à la directive. Ainsi, en Bavière, le poisson connu sous le nom scientifique de coregonus oxyrhynchus ne figurerait pas parmi les espèces protégées tout au long de l’année. Dans le Brandebourg, cette même espèce ainsi que le mollusque dénommé unio crassus ne seraient pas protégés. Quant au Land de Brême, sa législation n’inclurait pas sur la liste des interdictions de pêche les trois espèces devant être protégées dans ce Land, à savoir les deux espèces précitées et le poisson appelé acipenser sturio. De surcroît, elle autoriserait expressément la pêche des spécimens de cette dernière espèce dont la longueur est au moins de 100 cm et de ceux de l’espèce coregonus oxyrhynchus d’une longueur d’au moins 30 cm. En outre, aucune information ne serait disponible sur d’éventuelles interdictions de pêche dans les Länder de Berlin, de Hambourg, de Mecklembourg-Poméranie-occidentale, de Basse-Saxe, de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, de Sarre, de Saxe et de Saxe-Anhalt. Il ne saurait donc être considéré que la réglementation de ces Länder contient les interdictions de pêche nécessaires pour satisfaire aux dispositions des articles 12 et 16 de la directive.

72     Le gouvernement allemand fait valoir que, si les dispositions du droit fédéral autorisent les Länder à édicter des dispositions plus spécifiques en matière de droit de la pêche, il n’en reste pas moins que ces dernières doivent être interprétées conformément à la directive. Au cas où les dispositions des Länder sur la pêche contreviendraient à la protection des espèces de poissons et de coquillages imposée juridiquement par le droit communautaire, elles seraient nulles en raison d’une violation du droit fédéral. En ce sens, le BNatSchG 2002 serait une loi qui prime le droit des Länder. L’interdiction de pêche énoncée à l’article 42, paragraphe 1, point 1, du BNatSchG 2002, qui concerne également les espèces mentionnées dans l’annexe IV de la directive, serait donc applicable. Dès lors, il ne serait pas nécessaire de notifier les dispositions des Länder relatives à cette matière.

73     Ce gouvernement indique qu’il veillera à ce que soient rapidement modifiées les dispositions des Länder sur la pêche, dans la mesure où elles ne respectent pas les conditions de la directive et du droit fédéral, comme c’est le cas, par exemple, de la réglementation du Land de Brême contestée par la Commission.

 Appréciation de la Cour

74     Il est constant, en l’espèce, que le coregonus oxyrhynchus, l’unio crassus ainsi que l’acipenser sturio, qui figurent à l’annexe IV, sous a), de la directive, sont des espèces qui se trouvent en Allemagne.

75     Celles-ci doivent, dès lors, être soumises, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive, à un système de protection stricte interdisant toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature.

76     Il ressort du dossier que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, la réglementation du Land de Bavière autorisait, notamment, la capture de poissons durant toute l’année aussi longtemps que n’étaient pas arrêtées des interdictions de pêche. Or, le coregonus oxyrhynchus ne faisait pas l’objet d’une interdiction de pêche. Dans le Land de Brandebourg, cette même espèce ainsi que l’unio crassus ne faisaient pas non plus l’objet d’une interdiction de pêche. Quant à la réglementation du Land de Brême, le gouvernement allemand a reconnu qu’elle n’était pas conforme à la directive.

77     S’il est vrai, ainsi que l’a fait observer le gouvernement allemand, que l’article 42, paragraphe 1, du BNatSchG 2002 interdit, en particulier, de capturer et de mettre à mort les espèces animales bénéficiant d’un régime de protection stricte, telles que celles mentionnées au point 74 du présent arrêt, il n’en demeure pas moins que, en application de l’article 39, paragraphe 2, première phrase, de cette même loi fédérale, les dispositions de la législation sur la protection des animaux, la chasse et la pêche ne sont pas affectées par les dispositions de la présente section. Or, cette section inclut l’article 42 du BNatSchG 2002.

78     Dans ces conditions, force est de constater que le cadre normatif en vigueur en Allemagne, dans lequel coexistent des dispositions régionales contraires au droit communautaire et une disposition fédérale conforme à celui-ci, n’est pas propre à assurer effectivement et d’une façon claire et précise, pour les trois espèces animales en cause dans la présente affaire, la protection stricte prévue à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive pour ce qui concerne l’interdiction de toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature.

79     En l’occurrence, il s’avère que la réglementation allemande n’est pas conforme à l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive et ne répond pas aux conditions de dérogation prévues à l’article 16 de la directive.

80     S’agissant des réglementations sur la pêche des autres Länder, lesquelles n’ont pas été communiquées à la Commission, il ne saurait être constaté qu’elles ne permettent pas de satisfaire aux dispositions des articles 12 et 16 de la directive en raison du fait qu’aucune information n’est disponible sur d’éventuelles interdictions de pêche dans ces Länder, d’autant plus que, ainsi qu’il est rappelé au point 77 du présent arrêt, l’article 42, paragraphe 1, point 1, du BNatSchG 2002 interdit de capturer et de mettre à mort les spécimens des espèces coregonus oxyrhynchus, unio crassus et acipenser sturio.

81     À cet égard, il convient de relever que l’article 23, paragraphe 3, de la directive dispose que les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par cette directive. Cependant, la Commission n’a pas fondé son recours sur cette disposition.

82     Il s’ensuit que le sixième grief doit être accueilli dans les limites indiquées aux points précédents du présent arrêt.

83     En conséquence, il convient de constater que:

–       en omettant de prévoir, pour certains projets réalisés à l’extérieur de ZSC au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive, un examen obligatoire des incidences sur le site, conformément à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive, indépendamment du point de savoir si de tels projets sont susceptibles d’affecter une ZSC d’une manière significative;

–       en autorisant des émissions dans une ZSC, indépendamment du point de savoir si celles-ci sont susceptibles d’affecter cette zone d’une manière significative;

–       en excluant du champ d’application des dispositions relatives à la protection des espèces certaines gênes non intentionnelles causées à des animaux protégés;

–       en n’assurant pas le respect des conditions dérogatoires prévues à l’article 16 de la directive en ce qui concerne certains actes compatibles avec la conservation de la zone;

–       en disposant d’une réglementation concernant l’utilisation des produits phytosanitaires, qui ne prend pas suffisamment en compte la protection des espèces, et,

–       en ne veillant pas à ce que les dispositions relevant de la législation sur la pêche comportent des interdictions de pêche suffisantes,

la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, ainsi que des articles 12, 13 et 16 de la directive.

 Sur les dépens

84     Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d’Allemagne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)       –       En omettant de prévoir, pour certains projets réalisés à l’extérieur de zones spéciales de conservation au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, un examen obligatoire des incidences sur le site, conformément à l’article 6, paragraphes 3 et 4, de cette directive, indépendamment du point de savoir si de tels projets sont susceptibles d’affecter une zone spéciale de conservation d’une manière significative;

–       en autorisant des émissions dans une zone spéciale de conservation, indépendamment du point de savoir si celles-ci sont susceptibles d’affecter cette zone d’une manière significative;

–       en excluant du champ d’application des dispositions relatives à la protection des espèces certaines gênes non intentionnelles causées à des animaux protégés;

–       en n’assurant pas le respect des conditions dérogatoires prévues à l’article 16 de la directive 92/43 en ce qui concerne certains actes compatibles avec la conservation de la zone;

–       en disposant d’une réglementation concernant l’utilisation des produits phytosanitaires, qui ne prend pas suffisamment en compte la protection des espèces, et

–       en ne veillant pas à ce que les dispositions relevant de la législation sur la pêche comportent des interdictions de pêche suffisantes,

la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 3, ainsi que des articles 12, 13 et 16 de la directive 92/43.

2)      La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.