Affaire C-40/03 P

Rica Foods (Free Zone) NV

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi — Régime d'association des pays et territoires d'outre-mer — Importations de sucre et mélanges de sucre et de cacao — Règlement (CE) nº 2081/2000 — Mesures de sauvegarde — Article 109 de la décision PTOM — Pouvoir d'appréciation de la Commission — Principe de proportionnalité — Motivation»

Conclusions de l'avocat général M. P. Léger, présentées le 17 février 2005 

Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 14 juillet 2005 

Sommaire de l'arrêt

1.     Association des pays et territoires d'outre-mer — Mesures de sauvegarde — Conditions d'instauration — Pouvoir d'appréciation des institutions communautaires — Contrôle juridictionnel — Limites

(Décision du Conseil 91/482, art. 109)

2.     Association des pays et territoires d'outre-mer — Mesures de sauvegarde concernant des importations à partir des pays et territoires d'outre-mer de produits du secteur du sucre cumulant l'origine CE/PTOM — Principe de proportionnalité — Contrôle juridictionnel — Limites

(Décision du Conseil 91/482, art. 109, § 2)

3.     Association des pays et territoires d'outre-mer — Mesures de sauvegarde concernant des importations à partir des pays et territoires d'outre-mer — Mesures de sauvegarde ne remettant pas en cause le statut préférentiel des produits originaires de ces pays — Caractère exceptionnel et temporaire desdites mesures

(Décision du Conseil 91/482, art. 109, § 1)

1.     Les institutions communautaires disposent d'un large pouvoir d'appréciation pour l'application de l'article 109 de la décision 91/482, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer, qui les habilite à prendre ou à autoriser des mesures de sauvegarde lorsque certaines conditions sont réunies. Dans ces conditions, il incombe au juge communautaire de se limiter à examiner si l'exercice de ce pouvoir n'est pas entaché d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir ou encore si les institutions communautaires n'ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d'appréciation. Cette limitation de l'intensité du contrôle du juge communautaire s'impose particulièrement lorsque les institutions communautaires sont amenées à opérer des arbitrages entre des intérêts divergents et à prendre ainsi des options dans le cadre des choix politiques relevant de leurs responsabilités propres.

Le caractère dérogatoire de cette disposition, qui découle de sa nature même, ne diminue en rien l'étendue du pouvoir d'appréciation dont dispose la Commission lorsqu'elle est amenée, dans le cadre de ses responsabilités politiques propres, à opérer des arbitrages difficiles entre des intérêts divergents.

(cf. points 53-55, 57)

2.     En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité énoncé à l'article 109, paragraphe 2, de la décision 91/482, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer, eu égard au large pouvoir d'appréciation dont dispose notamment la Commission en matière de mesures de sauvegarde prévues par l'article 109, paragraphe 1, de la même décision, seul le caractère manifestement inapproprié d'une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l'objectif que l'institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d'une telle mesure.

(cf. point 84)

3.     L'article 109 de la décision 91/482, relative à l'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM), prévoit précisément la possibilité pour la Commission d'adopter des mesures de sauvegarde dans les circonstances qu'il vise. Le fait que la Commission a adopté une mesure de ce type à l'égard de certains produits originaires des PTOM n'est pas de nature à remettre en cause le statut préférentiel dont jouissent, en vertu de l'article 101, paragraphe 1, de ladite décision, les produits originaires de ces pays, une mesure de sauvegarde étant, en effet, par nature, exceptionnelle et temporaire.

(cf. point 92)




ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

14 juillet 2005(*)

«Pourvoi – Régime d’association des pays et territoires d’outre-mer – Importations de sucre et mélanges de sucre et de cacao – Règlement (CE) nº 2081/2000 – Mesures de sauvegarde – Article 109 de la décision PTOM – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Principe de proportionnalité – Motivation»

Dans l’affaire C-40/03 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 49 du statut CE de la Cour de justice, introduit le 29 janvier 2003,

Rica Foods (Free Zone) NV, établie à Oranjestad (Aruba), représentée par Me G. van der Wal, advocaat,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. T. van Rijn, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme H. Sevenster, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. R. Schintgen (rapporteur), G. Arestis et J. Klučka, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 décembre 2004,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 17 février 2005,

rend le présent

Arrêt

1       Par son pourvoi, Rica Foods (Free Zone) NV (ci-après «Rica Foods») demande à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 14 novembre 2002, Rica Foods et Free Trade Foods/Commission (T‑332/00 et T-350/00, Rec. p. II-4755, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation du règlement (CE) nº 2081/2000 de la Commission, du 29 septembre 2000, continuant l’application des mesures de sauvegarde concernant les importations à partir des pays et territoires d’outre-mer de produits du secteur du sucre cumulant l’origine CE/PTOM (JO L 246, p. 64 , ci-après le «règlement attaqué»).

 Le cadre juridique

 L’organisation commune des marchés dans le secteur du sucre

2       Par le règlement (CE) nº 2038/1999, du 13 septembre 1999, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 252, p. 1), le Conseil de l'Union européenne procédé à la codification du règlement (CEE) nº 1785/81, du 30 juin 1981, ayant institué cette organisation commune (JO L 177, p. 4), modifié à plusieurs reprises. Cette organisation a pour objet de réguler le marché du sucre communautaire afin d’augmenter l’emploi et le niveau de vie des producteurs communautaires.

3       Le soutien à la production communautaire, effectué au moyen de prix garantis, est limité aux quotas nationaux de production (quotas A et B) attribués par le Conseil, en application du règlement nº 2038/1999, à chaque État membre qui les répartit ensuite entre ses producteurs. Le sucre relevant du quota B (dénommé «sucre B») est soumis, par rapport à celui du quota A (dénommé «sucre A»), à un prélèvement à la production plus élevé. Le sucre produit en excédent des quotas A et B est dénommé «sucre C» et ne peut être vendu à l’intérieur de la Communauté européenne, à moins qu’il soit intégré dans les quotas A et B de la saison suivante.

4       À l’exception des exportations du sucre C, les exportations extracommunautaires bénéficient, en vertu de l’article 18 du règlement n° 2038/1999, de restitutions à l’exportation compensant la différence entre le prix sur le marché communautaire et le prix sur le marché mondial.

5       La quantité de sucre pouvant bénéficier d’une restitution à l’exportation et le montant total annuel des restitutions sont régis par les accords de l’Organisation mondiale du commerce (ci-après les «accords OMC») auxquels la Communauté est partie, [ approuvés par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO L 336, p. 1). Au plus tard à compter de la campagne 2000/2001, la quantité de sucre exportée avec restitution et le montant total des restitutions devaient être limités à 1 273 500 tonnes et à 499,1 millions d’euros, ce qui représente une diminution, respectivement, de 20 et de 36 % par rapport aux chiffres relatifs à la campagne 1994/1995.

 Le régime d’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté

6       En vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous s), CE, l’action de la Communauté comporte l’association des pays et territoires d’outre-mer (PTOM), «en vue d’accroître les échanges et de poursuivre en commun l’effort de développement économique et social».

7       Les Antilles néerlandaises et Aruba font partie des PTOM.

8       L’association de ces derniers à la Communauté est régie par la quatrième partie du traité CE.

9       Sur le fondement de l’article 136 du traité CE (devenu, après modification, article 187 CE), plusieurs décisions ont été adoptées, dont la décision 91/482/CEE du Conseil, du 25 juillet 1991, relative à, l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté économique européenne (JO L 263, p. 1), qui, selon son article 240, paragraphe 1, est applicable pour une période de dix années à compter du 1er mars 1990.

10     Différentes dispositions de cette décision ont été modifiées par la décision 97/803/CE du Conseil, du 24 novembre 1997, portant révision à mi-parcours de la décision 91/482 (JO L 329, p. 50). La décision 91/482, telle que modifiée par la décision 97/803 (ci-après la «décision PTOM») a été prorogée jusqu’au 28 février 2001 par la décision 2000/169/CE du Conseil, du 25 février 2000 (JO L 55, p. 67).

11     L’article 101, paragraphe 1, de la décision PTOM dispose:

«Les produits originaires des PTOM sont admis à l’importation dans la Communauté en exemption de droits à l’importation.»

12     L’article 102 de cette même décision prévoit:

«Sans préjudice [de l’article] 108 ter, la Communauté n’applique pas à l’importation des produits originaires des PTOM de restrictions quantitatives ni de mesures d’effet équivalent.»

13     L’article 108, paragraphe 1, premier tiret, de ladite décision renvoie à l’annexe II de celle-ci pour la définition de la notion de produits originaires et des méthodes de coopération administrative qui s’y rapportent. En vertu de l’article 1er de cette annexe, un produit est considéré comme originaire des PTOM, de la Communauté ou des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ci-après les «États ACP») s’il y a été soit entièrement obtenu, soit suffisamment transformé.

14     L’article 3, paragraphe 3, de ladite annexe II dresse une liste d’ouvraisons ou de transformations considérées comme insuffisantes pour conférer le caractère originaire à un produit en provenance, notamment, des PTOM.

15     L’article 6, paragraphe 2, de cette annexe comporte toutefois des règles dites «de cumul d’origine CE/PTOM et ACP/PTOM». Il dispose:

«Lorsque des produits entièrement obtenus dans la Communauté ou dans les États ACP font l’objet d’ouvraisons ou de transformations dans les PTOM, ils sont considérés comme ayant été entièrement obtenus dans les PTOM.»

16     En vertu de l’article 6, paragraphe 4, de ladite annexe, les règles de cumul d’origine CE/PTOM et ACP/PTOM sont applicables à «toute ouvraison ou transformation effectuée dans les PTOM, y compris les opérations énumérées à l’article 3, paragraphe 3».

17     La décision 97/803 a notamment inséré dans la décision PTOM un article 108 ter dont le paragraphe 1 dispose que «le cumul d’origine ACP/PTOM visé à l’article 6 de l’annexe II est admis pour une quantité annuelle de 3 000 tonnes de sucre». La décision 97/803 n’a toutefois pas limité l’application de la règle du cumul d’origine CE/PTOM.

18     L’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM autorise la Commission des Communautés européennes à prendre «les mesures de sauvegarde nécessaires» lorsque «l’application de [cette décision] entraîne des perturbations graves dans un secteur d’activité économique de la Communauté ou d’un ou de plusieurs États membres ou compromet leur stabilité financière extérieure, ou [lorsque] des difficultés surgissent, qui risquent d’entraîner la détérioration d’un secteur d’activité de la Communauté ou d’une région de celle-ci [...]». En vertu de l’article 109, paragraphe 2, de ladite décision, la Commission doit choisir «les mesures qui apportent le minimum de perturbations au fonctionnement de l’association et de la Communauté». En outre, «[c]es mesures ne doivent pas avoir une portée dépassant celle strictement indispensable pour remédier aux difficultés qui se sont manifestées».

 Les mesures de sauvegarde prises à l’encontre des importations de sucre et des mélanges de sucre et de cacao bénéficiant du cumul d’origine CE/PTOM

19     Sur le fondement de l’article 109 de la décision PTOM, a été adopté le règlement (CE) n° 2423/1999 de la Commission, du 15 novembre 1999, instaurant des mesures de sauvegarde concernant le sucre du code NC 1701 et les mélanges de sucre et de cacao relevant des codes NC 1806 10 30 et 1806 10 90 originaires des pays et territoires d’outre-mer (JO L 294, p. 11).

20     Par ce règlement, applicable jusqu’au 29 février 2000, la Commission a soumis les importations du sucre bénéficiant du cumul d’origine CE/PTOM à un régime de prix minimaux et a soumis les importations de mélanges de sucre et de cacao (ci-après les «mélanges») originaires des PTOM à la procédure de surveillance communautaire selon les modalités prévues à l’article 308 quinquies du règlement (CEE) nº 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) nº 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO L 253, p.1).

21     Également sur le fondement de l’article 109 de la décision PTOM, a été adopté le règlement (CE) nº 465/2000 de la Commission, du 29 février 2000, instaurant des mesures de sauvegarde concernant les importations à partir des pays et territoires d’outre-mer de produits du secteur du sucre cumulant l’origine CE/PTOM (JO L 56, p. 39). Ce règlement a, pour la période allant du 1er mars 2000 au 30 septembre 2000, limité le cumul d’origine CE/PTOM à 3 340 tonnes de sucre pour les produits relevant des codes tarifaires NC 1701, 1806 10 30 et 1806 10 90.

22     Le 29 septembre 2000, la Commission a adopté le règlement attaqué également sur le fondement de l’article 109 de la décision PTOM.

23     Il ressort des premier, quatrième, cinquième et sixième considérants de ce dernier règlement ce qui suit:

«(1)      La Commission a constaté que les importations de sucre (code NC 1701) et de mélanges de sucre et de cacao relevant des codes NC 1 806 10 30 et 1 806 10 90 en provenance des [PTOM] ont été en très forte progression à partir de l’année 1997 jusqu’à l’année 1999, notamment en l’état cumulant l’origine CE/PTOM. Ces importations se sont développées de 0 tonne en 1996 à plus de 53 000 tonnes en 1999. Les produits en question bénéficient à l’importation dans la Communauté d’une exemption des droits à l’importation et sont admis sans limitations quantitatives conformément à l’article 101, paragraphe 1, de la décision PTOM.

[…]

(4)      Des difficultés ont surgi les dernières années sur le marché du sucre communautaire. Ce marché est un marché excédentaire. La consommation de sucre est constante sur un niveau d’autour de 12,8 millions de tonnes par an. La production sous quota est d’environ 14,3 millions de tonnes par an. Donc, toute importation dans la Communauté de sucre déplace à l’exportation une quantité correspondante de sucre communautaire qui ne peut être écoulée sur ce marché; des restitutions pour ce sucre – dans la limite de certains quotas – sont payées à la charge du budget communautaire (à ce jour environ 520 euros par tonne). Toutefois, les exportations avec restitutions sont limitées dans leur volume par l’accord sur l’agriculture conclu dans le cadre du cycle de l’Uruguay et réduites de 1 555 600 tonnes pour la campagne 1995/1996 à 1 273 500 tonnes pour la campagne 2000/2001.

(5)      Ces difficultés risquent de déstabiliser fortement l’organisation commune de marché (OCM) du sucre. Pour la campagne de commercialisation 2000/2001, la Commission a décidé de réduire les quotas des producteurs communautaires d’environ 500 000 tonnes [...]. Chaque importation supplémentaire de sucre et de produits en forte concentration de sucre en provenance des PTOM nécessitera une réduction plus importante des quotas des producteurs communautaires et, donc, une perte plus grande de garantie de leur revenu.

(6)      Par conséquent, des difficultés comportant le risque d’une détérioration d’un secteur d’activité de la Communauté continuent à exister. [...]»

24     Aux termes de l’article 1er du règlement attaqué:

«Pour les produits relevant des codes [tarifaires] NC 1701, 1806 10 30 et 1806 10 90, le cumul d’origine CE/PTOM visé à l’article 6 de l’annexe II de la [décision PTOM] est admis pour une quantité de 4 848 tonnes de sucre pendant la durée d’application du présent règlement.

Aux fins du respect de cette limite, pour les produits autres que le sucre en l’état, la teneur en sucre du produit importé est prise en compte.»

25     Il ressort du huitième considérant dudit règlement que la Commission a arrêté ce quota de 4 848 tonnes en prenant en compte «la somme des volumes annuels les plus élevés des importations des produits concernés constatés pendant les trois années précédant l’année 1999, année dans laquelle les importations ont connu une progression exponentielle. Pour la détermination des quantités de sucre à prendre en considération, la Commission prend acte de la position prise par le président du Tribunal de première instance des Communautés européennes dans ses ordonnances du 12 juillet et du 8 août 2000 dans les affaires T‑94/00 R, T‑110/00 R et T‑159/00 R sans toutefois la reconnaître comme justifiée. Ainsi, afin d’éviter des procédures inutiles et aux seules fins de l’adoption des présentes mesures de sauvegarde, la Commission prend en considération, pour le sucre relevant du code NC 1 701 et pour l’année 1997, le chiffre total de 10 372,2 tonnes, ce chiffre étant égal aux importations totales, constatées par Eurostat, de sucre en provenance des PTOM cumulant les deux origines CE/PTOM et ACP/PTOM».

26     Selon l’article 2 du règlement attaqué, l’importation des produits visés à l’article 1er de ce règlement est soumise à la délivrance d’un certificat d’importation, lequel est délivré conformément aux modalités fixées aux articles 2 à 6 du règlement (CE) nº 2553/97 de la Commission, du 17 décembre 1997, relatif aux modalités de délivrance des certificats d’importation pour certains produits relevant des codes NC 1701, 1702, 1703 et 1704 cumulant l’origine ACP/PTOM (JO L 349, p. 26), qui sont applicables mutatis mutandis.

27     Enfin, selon son article 3, le règlement attaqué est applicable du 1er  octobre 2000 jusqu’au 28 février 2001.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

28     Par requêtes déposées au greffe du Tribunal, respectivement les 27 octobre et 20 novembre 2000, Rica Foods et une autre société (ci‑après, ensemble, les «requérantes»), qui sont des entreprises de transformation de sucre établies dans les PTOM (Aruba et les Antilles néerlandaises), ont introduit des recours ayant pour objet, d’une part, l’annulation du règlement attaqué et, d’autre part, une demande en réparation du préjudice prétendument subi du fait de l’intervention de ce règlement (affaires T‑332/00, et T-350/00).

29     Par ordonnances du président de la troisième chambre du Tribunal des 15 mars et 30 avril 2001, le Royaume des Pays-Bas a été admis à intervenir dans l’affaire T‑332/00 au soutien des conclusions de Rica Foods, tandis que le Royaume d’Espagne a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission dans les affaires T-332/00 et T‑350/00.

30     À l’appui de son recours, Rica Foods invoquait notamment trois moyens tirés respectivement de la violation de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM, du principe de proportionnalité et du statut préférentiel dont bénéficient les PTOM en vertu du traité.

31     Par l’arrêt attaqué, le Tribunal, après avoir joint les deux recours, a rejeté ceux-ci comme non fondés.

32     S’agissant, en particulier, des trois moyens mentionnés ci-dessus le Tribunal a jugé ce qui suit.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM

33     Selon le Tribunal, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour l’application de l’article 109 de la décision PTOM. En présence d’un tel pouvoir, il incombe au juge communautaire de se limiter à examiner si l’exercice de ce pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si les institutions communautaires n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation (arrêt de la Cour du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil, C-110/97, Rec. p. I-8763, point 61 et jurisprudence citée) (points 66 et 67 de l’arrêt attaqué).

34     En l’occurrence, le Tribunal a constaté que la mesure de sauvegarde en cause relevait de la seconde hypothèse prévue à l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM. Il a également confirmé l’exactitude des éléments avancés par la Commission, notamment au quatrième considérant du règlement attaqué, pour justifier l’adoption de cette mesure, selon lesquels, en raison de la situation excédentaire du marché, toute tonne supplémentaire importée conduirait à une augmentation des subventions à l’exportation, laquelle serait, à son tour, susceptible de se heurter aux limites prévues par les accords OMC (points 75 à 86 de l’arrêt attaqué). Il a considéré que ces éléments, pris ensemble, démontraient l’existence de difficultés au sens de cette disposition (points 89 à 103 de cet arrêt).

35     Le Tribunal a ensuite jugé que la Commission avait pu raisonnablement considérer, au cinquième considérant du règlement attaqué, que les importations accrues de sucre et de mélanges sous le régime du cumul d’origine CE/PTOM risquaient de déstabiliser fortement l’organisation commune des marchés du sucre (points 104 à 141 dudit arrêt).

 Sur le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité

36     Plusieurs arguments ont été avancés par les requérantes.

37     Premièrement, le Conseil aurait dû prendre en compte, lorsqu’il a adopté la décision 91/482, le fait que les importations dans la Communauté de produits agricoles en provenance des PTOM pouvaient entraîner des dépenses supplémentaires à la charge du budget de la politique agricole commune. L’augmentation des importations serait la conséquence directe de la décision PTOM.

38     À cet égard, le Tribunal a considéré que la circonstance qu’une augmentation des importations était déjà prévisible en 1991 n’était pas pertinente pour apprécier si la mesure prise en février 2000 constituait une réponse apte et proportionnelle pour remédier à des difficultés au sens de l’article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM (point 147 de l’arrêt attaqué).

39     Deuxièmement, les requérantes ont fait valoir que la Commission avait méconnu le caractère temporaire de la mesure de sauvegarde en cause.

40     Sur ce point, le Tribunal a rappelé le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions communautaires pour l’application de l’article 109 de la décision PTOM et jugé que le règlement attaqué, applicable du 1er octobre 2000 au 28 février 2001, «qui limitait l’accès libre du sucre originaire des PTOM sur le marché communautaire dans des limites compatibles avec la situation de ce même marché, tout en préservant un traitement préférentiel pour ce produit, de manière cohérente avec les objectifs de la décision PTOM […], était apte à réaliser l’objectif visé par la Commission et n’allait pas au-delà de ce qui était nécessaire pour l’atteindre» (points 151 à 153 de l’arrêt attaqué).

41     Troisièmement, les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas avoir indiqué dans le règlement attaqué les raisons pour lesquelles l’instauration d’un prix minimal, tel que celui imposé par le règlement nº 2423/1999, n’était plus considérée comme appropriée pour atteindre l’objectif poursuivi.

42     À cet égard, le Tribunal a relevé que les requérantes n’avaient pas établi «que la Commission, en limitant les importations dans la Communauté de sucre ou de mélanges, bénéficiant du cumul d’origine CE/PTOM, à 4 848 tonnes pour la durée d’application du règlement attaqué, avait arrêté une mesure manifestement inappropriée ou s’était livrée à une appréciation manifestement erronée des éléments dont elle disposait au moment de l’adoption du règlement attaqué» et a constaté que, en tout état de cause, «le règlement nº 2423/1999 n’a[vait] pas eu pour effet de diminuer les importations de sucre sous le régime du cumul d’origine CE/PTOM, ce qui permet[tait] de mettre en doute l’efficacité de la mesure instaurée dans ce règlement, à savoir un prix minimal à l’importation pour le produit concerné» (points 156 et 157 de l’arrêt attaqué).

43     Quatrièmement, les requérantes faisaient valoir que l’instauration d’un plafond de 4 848 tonnes de sucre pour une période de cinq mois violait le principe de proportionnalité en ce que les importations effectuées en 1999 n’auraient pas été prises en compte dans le calcul de ce quota, que le calcul opéré serait erroné et que le contingent d’importation serait trop bas pour permettre même l’exploitation rentable d’une seule usine de transformation de sucre.

44     Sur ce point, le Tribunal a jugé que la Commission, qui est amenée à opérer des arbitrages entre des intérêts divergents, avait pu raisonnablement, ainsi qu’il ressort du huitième considérant du règlement attaqué, fixer le contingent de 4 848 tonnes en cause sur la base des volumes les plus élevés des importations des produits concernés constatés pendant les trois années précédant l’année 1999, compte tenu de l’augmentation exponentielle des importations dans la Communauté de sucre et de mélanges sous le régime du cumul d’origine CE/PTOM en 1999, qui risquait d’entraîner une détérioration du secteur du sucre communautaire (points 164 à 174 dudit arrêt).

45     Enfin, les requérantes ont soutenu que l’article 2, paragraphe 3, du règlement attaqué, qui dispose que les «demandes de certificats d’importation sont accompagnées de la copie des certificats d’exportation», viole le principe de proportionnalité.

46     Cet argument a été rejeté par le Tribunal au motif que «cette condition permet de garantir que les demandes d’importation faites dans le cadre du règlement attaqué portent sur du sucre qui bénéficie effectivement du cumul d’origine CE/PTOM» (point 176 de l'arrêt attaqué).

 Sur le moyen tiré de la violation du statut préférentiel dont bénéficient les produits originaires des PTOM

47     À cet égard, le Tribunal a considéré qu’il ne saurait être déduit de la simple adoption d’une mesure de sauvegarde au titre de l’article 109 de la décision PTOM une violation du statut préférentiel dont bénéficient les produits originaires des PTOM dès lors que cette mesure est de nature à aplanir ou à atténuer les difficultés survenues. En outre, il a constaté que le règlement attaqué n’impose aucun plafond aux importations de sucre originaire des PTOM selon les règles d’origine ordinaires, si une telle production devait exister (points 182 à 190 de l’arrêt attaqué).

 Le pourvoi

48     Rica Foods demande à la Cour:

–       de déclarer son pourvoi recevable;

–       d’annuler l’arrêt attaqué et d’accueillir ses demandes présentées en première instance.

49     La Commission demande à la Cour:

–       de déclarer le pourvoi non fondé;

–       de condamner la requérante aux dépens de l’instance.

50     Le gouvernement espagnol demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante aux dépens.

51     À l’appui de son pourvoi, Rica Foods soulève cinq moyens tirés respectivement:

–       de la violation de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM, en ce que le Tribunal a reconnu aux institutions communautaires un large pouvoir d’appréciation dans l’application de cette disposition;

–       de la violation de l’obligation de motivation;

–       de la violation de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM en ce que le Tribunal aurait erronément qualifié de «difficultés» et de «détérioration», au sens de cette disposition, les circonstances invoquées par la Commission pour justifier l’adoption de la mesure de sauvegarde en cause;

–       de la violation de l’article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM;

–       de la violation du statut préférentiel dont bénéficient les PTOM.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM et relatif à l’étendue du pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions communautaires

52     Par son premier moyen, Rica Foods fait grief au Tribunal d’avoir méconnu la portée de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM en reconnaissant, au point 66 de l’arrêt attaqué, un large pouvoir d’appréciation à la Commission pour l’application de cette disposition. En effet, ce paragraphe instituant une exception au principe posé à l’article 101, paragraphe 1, de cette même décision, interdisant de soumettre à des droits de douane l’importation dans la Communauté des produits originaires des PTOM, aurait dû faire l’objet d’une interprétation stricte.

53     À cet égard, selon une jurisprudence constante de la Cour, les institutions communautaires disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour l’application de l’article 109 de la décision PTOM (voir, en ce sens, arrêts du 11 février 1999, Antillean Rice Mills e.a./Commission, C-390/95 P, Rec. p. I‑769, point 48; Pays-Bas/Conseil, précité, point 61, et du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil, C‑301/97, Rec. p. I‑8853, point 73 ).

54     Dans ces conditions, il incombe au juge communautaire de se limiter à examiner si l’exercice de ce pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si les institutions communautaires n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation (voir arrêts précités Antillean Rice Mills e.a./Commission, point 48; Pays-Bas/Conseil, C‑110/97, point 62, et Pays-Bas/Conseil, C‑301/97, point 74).

55     Cette limitation de l’intensité du contrôle du juge communautaire s’impose particulièrement lorsque, comme en l’espèce, les institutions communautaires sont amenées à opérer des arbitrages entre des intérêts divergents et à prendre ainsi des options dans le cadre des choix politiques relevant de leurs responsabilités propres (voir, en ce sens, arrêt du 8 février 2000, Emesa Sugar, C‑17/98, Rec. p. I-675, point 53).

56     Il apparaît, par conséquent, que le Tribunal a correctement interprété, aux points 66 et 67 de l’arrêt attaqué, l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM.

57     Le caractère dérogatoire de cette disposition, qui découle de sa nature même, ne diminue en rien l’étendue du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission lorsqu’elle est amenée, dans le cadre de ses responsabilités politiques propres, à opérer des arbitrages difficiles entre des intérêts divergents.

58     En conséquence, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

59     Par son deuxième moyen, Rica Foods estime que l’arrêt attaqué est entaché d’un vice de motivation en ce que le Tribunal a fondé sa décision sur les considérations erronées ou incompréhensibles, selon lesquelles:

–       toute importation supplémentaire de sucre en provenance des PTOM sous le régime du cumul d’origine CE/PTOM augmenterait l’excédent de sucre sur le marché communautaire;

–       cette importation supplémentaire entraînerait des coûts additionnels pour le budget communautaire.

60     D’une part, s’agissant des motifs de l’arrêt attaqué selon lesquels les importations de sucre cumulant l’origine CE/PTOM auraient eu pour effet d’augmenter l’excédent de sucre sur le marché communautaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. Dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis (voir, notamment, arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 24). Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, notamment, arrêts du 28 mai 1998, New Holland Ford/Commission, C-8/95 P, Rec. p. I‑3175, point 26; du 7 novembre 2002, Glencore et Compagnie Continentale/Commission, C‑24/01 P et C-25/01 P, Rec. p. I‑10119, point 65, et du 8 mai 2003, T. Port/Commission, C-122/01 P, Rec. p. I‑4261, point 27).

61     Or, en l’occurrence, il apparaît que le Tribunal a constaté:

–       au point 79 de l’arrêt attaqué, sur la base des éléments du dossier dont il disposait, que le marché communautaire du sucre était excédentaire;

–       au point 80 de cet arrêt, que la Communauté était tenue d’importer une certaine quantité de sucre de pays tiers en vertu des accords OMC et,

–       au point 81 dudit arrêt, que, dans ces conditions, «si la production de sucre communautaire n’est pas réduite, toute importation supplémentaire de sucre sous le régime d’origine CE/PTOM augmentera l’excédent de sucre sur le marché communautaire et conduira à une augmentation des exportations subventionnées».

62     Le Tribunal en a déduit, au point 82 de l’arrêt attaqué, que «la Commission a pu, à bon droit, considérer [...] que ‘toute importation dans la Communauté de sucre déplace à l’exportation une quantité correspondante de sucre communautaire qui ne peut être écoulée sur ce marché’».

63     Force est de constater que l’appréciation du Tribunal relative à l’augmentation de l’excédent de sucre sur le marché communautaire constitue une appréciation de fait qui ne peut être mise en cause dans le cadre d’un pourvoi, la partie requérante n’ayant pas démontré, ni même soutenu, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 59 de ses conclusions, que le Tribunal avait dénaturé les éléments de preuve produits devant lui.

64     D’autre part, en ce qui concerne les prétendus coûts additionnels pour le budget communautaire entraînés par les importations de sucre cumulant l’origine CE/PTOM, Rica Foods souligne que les restitutions à l’exportation de sucres A et B sont intégralement financées par les producteurs au moyen de cotisations répercutées sur les consommateurs, de sorte que les importations litigieuses seraient sans incidence sur le budget de la Communauté.

65     À cet égard, il suffit de constater que, aux points 99 à 101 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a nullement considéré que les importations litigieuses auraient entraîné des coûts supplémentaires pour le budget de la Communauté. En effet, après avoir

–       rappelé, au point 99 de l’arrêt attaqué, que «les difficultés évoquées dans le règlement attaqué sont la forte croissance des importations de sucre ou de mélanges, bénéficiant du cumul d’origine CE/PTOM, la situation excédentaire du marché du sucre communautaire donnant lieu à des exportations subventionnées et les obligations découlant des accords OMC», et

–       estimé, au point 100 de cet arrêt, que, «vu la situation excédentaire du marché communautaire, le sucre d’origine PTOM importé se substituera au sucre communautaire, qui, afin de maintenir l’équilibre de l’organisation commune des marchés, devra être exporté»,

le Tribunal a conclu au point 101 de dudit arrêt, que, «[m]ême si les exportations de sucre communautaire sont en grande partie financées par l’industrie sucrière communautaire et donc par le consommateur, […] les accords OMC limitent les subventions à l’exportation, indépendamment du point de savoir qui supporte finalement le coût de ces subventions, et que chaque importation supplémentaire aggrave la situation sur un marché déjà excédentaire».

66     Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM et relatif aux notions de «difficultés» et de «détérioration» au sens de cette disposition

67     Par son troisième moyen, Rica Foods soutient que le Tribunal a erronément qualifié de «difficultés» et de «détérioration», au sens de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM, les éléments invoqués par la Commission pour justifier l’adoption du règlement attaqué, à savoir l’augmentation des importations dans la Communauté de sucre et de mélanges cumulant l’origine CE/PTOM, l’excédent de production communautaire sur le marché du sucre européen, les obligations résultant des accords OMC et les conséquences pour l’organisation commune de marché du sucre.

68     En premier lieu, Rica Foods fait valoir que le Tribunal a dénaturé les justifications avancées par la Commission en estimant, au point 89 de l’arrêt attaqué, que cette dernière n’avait jamais prétendu que chacune des difficultés identifiées aurait pu justifier séparément l’adoption d’une mesure de sauvegarde, mais que, au contraire, celles-ci étaient intimement liées.

69     À cet égard, la lecture des premier, quatrième et cinquième considérants du règlement attaqué révèle que la Commission a considéré que la combinaison de différents facteurs, à savoir l’augmentation des importations litigieuses, la situation excédentaire du marché communautaire et la limitation des restitutions à l’exportation découlant des accords OMC, était à l’origine de difficultés au sens de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM. Aucune dénaturation des justifications avancées par la Commission à l’appui de la mesure de sauvegarde en cause ne saurait, en conséquence, être reprochée au Tribunal.

70     En deuxième lieu, Rica Foods soutient qu’il était prévisible et même souhaité par le législateur communautaire que la décision PTOM entraînât le développement des importations litigieuses. De plus, les prétendues «difficultés» et «détérioration» invoquées par la Commission et reconnues par le Tribunal auraient déjà existé lors de l’adoption de la décision 91/482 et, en tout état de cause, lorsque celle-ci a été révisée en 1997. Non seulement une situation excédentaire aurait existé dans le cadre de l’organisation commune de marché du sucre depuis 1968, mais de nouvelles productions et importations auraient été autorisées depuis lors à diverses reprises.

71     Dans ces conditions, le Tribunal n’aurait pas pu considérer ces éléments comme des «difficultés» risquant de provoquer la «détérioration d’un secteur d’activité de la Communauté» au sens de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM.

72     À cet égard, le Tribunal a constaté, au point 91 de l’arrêt attaqué, que les importations dans la Communauté de sucre et de mélanges, en l’état cumulant l’origine CE/PTOM, ont connu une très forte progression depuis 1997, soit postérieurement à l’adoption de la décision 91/482, ou même à la révision de celle-ci, en 1997.

73     En outre, la circonstance, à la supposer établie, que cette forte progression ait été prévisible lors de l’adoption de la décision 91/482, voire souhaitée par la Communauté, n’est pas de nature, ainsi que l’a observé M. l’avocat général au point 81 de ses conclusions, à empêcher la Commission de constater que cette progression, compte tenu de l’excédent de production communautaire et des obligations découlant des accords OMC, constituait une source de difficultés au sens de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM.

74     En confirmant la position de la Commission à cet égard, aux points 91 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a, dès lors, pas méconnu la portée de l’article 109, paragraphe 1, de la décision PTOM.

75     En troisième lieu, Rica Foods soutient que, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 106 de l’arrêt attaqué, la réduction des quotas de production, qui aurait été provoquée par les importations litigieuses, n’aurait pas affecté le revenu des producteurs communautaires. En effet, une telle réduction aurait eu pour seule conséquence d’inciter les producteurs communautaires à cultiver un autre produit relevant également d’un régime agricole garanti.

76     À cet égard, à supposer même que la possibilité qu’auraient eue les producteurs communautaires de se tourner vers d’autres cultures soit de nature à remettre en cause l’appréciation portée par le Tribunal aux points 104 à 140 de l’arrêt attaqué sur l’existence d’une détérioration ou d’une menace de détérioration d’un secteur d’activité de la Communauté, il suffit de constater que Rica Foods n’a avancé devant le Tribunal aucun élément probant au soutien de ses allégations, de sorte que c’est à juste titre que ce dernier n’en a pas tenu compte.

77     En dernier lieu, Rica Foods fait valoir que les quantités de sucre et de mélanges importées des PTOM, lesquelles auraient représenté en 1999, 0,32 % (pour le sucre) et 0,102 % (pour les mélanges) de la production communautaire, ne pouvaient présenter un risque sérieux de perturbation de l’organisation commune de marché du sucre. En admettant le contraire, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

78     Il convient de rappeler, ainsi que la Cour l’a relevé au point 56 de l’arrêt Emesa Sugar, précité, qu’il existait déjà, en 1997, un excédent de la production communautaire de sucre de betteraves par rapport à la quantité consommée dans la Communauté, auquel s’ajoutaient les importations de sucre de canne en provenance des États ACP pour faire face à la demande spécifique de ce produit et l’obligation pour la Communauté d’importer une certaine quantité de sucre de pays tiers, en vertu des accords OMC. De plus, la Communauté était également tenue de subventionner les exportations de sucre, sous la forme de restitutions à l’exportation et dans les limites desdits accords. Dans ces conditions, et compte tenu de l’augmentation croissante des importations de sucre en provenance des PTOM depuis 1997, la Commission a pu estimer, ainsi que l’a jugé à bon droit le Tribunal aux points 93 à 96 de l’arrêt attaqué, que toute quantité supplémentaire de ce produit, même minime au regard de la production communautaire, accédant au marché de la Communauté aurait contraint les institutions de cette dernière à augmenter le montant des subventions à l’exportation, dans les limites susévoquées, ou à réduire les quotas des producteurs européens, et que ces mesures contraires aux objectifs de la politique agricole commune auraient perturbé l’organisation commune de marché du sucre, dont l’équilibre était déjà précaire.

79     Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM

80     Par son quatrième moyen, Rica Foods fait grief au Tribunal d’avoir jugé, aux points 142 à 177 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas méconnu le principe de proportionnalité énoncé à l’article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM en limitant les importations de sucre et de mélanges cumulant l’origine CE/PTOM à 4 848 tonnes.

81     En effet, la Commission aurait été dans l’impossibilité de justifier, au regard des intérêts qu’elle cherchait à protéger, le niveau auquel les importations litigieuses ont été limitées, alors qu’un tel niveau serait négligeable par rapport à la production, aux importations ou aux exportations communautaires et très insuffisant pour offrir à l’industrie sucrière des PTOM une perspective d’avenir raisonnable. En ne reconnaissant pas le caractère arbitraire et déraisonnable de la restriction quantitative imposée, sans relation avec les prétendues difficultés et détérioration invoquées, le Tribunal aurait méconnu le principe de proportionnalité.

82     À cet égard, aux termes de l’article 109, paragraphe 2, de la décision PTOM:

«[… D]oivent être choisies par priorité les mesures qui apportent le minimum de perturbations au fonctionnement de l’association et de la Communauté. Ces mesures ne doivent pas avoir une portée dépassant celle strictement indispensable pour remédier aux difficultés qui se sont manifestées.»

83     Ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 143 de l’arrêt attaqué, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C-331/88, Rec. p. I‑4023, point 13; du 5 octobre 1994, Crispoltoni e.a., C-133/93, C‑300/93 et C‑362/93, Rec. p. I‑4863, point 41; Antillean Rice Mills e.a./Commission, précité, point 52, et du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C-189/01, Rec. p. I‑5689, point 81).

84     En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ce principe, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose notamment la Commission en matière de mesures de sauvegarde, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut, ainsi que le Tribunal l’a rappelé, à bon droit, au point 150 de l’arrêt attaqué, affecter la légalité d’une telle mesure (voir arrêts précités Pays‑Bas/Conseil, C-301/97, point 145; Fedesa e.a., point 14; Crispoltoni e.a., point 42, et Jippes e.a., point 82).

85     À cet égard, le Tribunal a jugé, au point 152 de l’arrêt attaqué que «la Commission a pu raisonnablement estimer que des difficultés comportant le risque d’une détérioration d’un secteur d’activité de la Communauté existaient au moment de l’adoption du règlement attaqué». En outre, il ressort du point 156 dudit arrêt que les requérantes «n’ont pas établi que la Commission, en limitant les importations dans la Communauté de sucre ou de mélanges, bénéficiant du cumul d’origine CE/PTOM, à 4 848 tonnes pour la durée d’application du règlement attaqué, avait arrêté une mesure manifestement inappropriée ou s’était livrée à une appréciation manifestement erronée des éléments dont elle disposait au moment de l’adoption du règlement attaqué».

86     En particulier, s’agissant du montant du contingent litigieux, il ressort du huitième considérant du règlement attaqué que ce chiffre représente «la somme des volumes annuels les plus élevés des importations des produits concernés constatés pendant les trois années précédant l’année 1999, année dans laquelle les importations ont connu une progression exponentielle». Après avoir examiné, aux points 165 à 166 de l’arrêt attaqué, les statistiques établies par l’Office statistique des Communautés européennes (Eurostat) et les chiffres avancés par la Commission, le Tribunal a considéré, au point 168 dudit arrêt, que la Commission avait pu raisonnablement écarter 1999 comme année de référence pour le calcul de ce contingent. Une telle appréciation de fait ne saurait être remise en cause dans le cadre d’un pourvoi en l’absence de dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal.

87     Ce dernier a ajouté, au point 173 de l’arrêt attaqué, que «la Commission a tenu compte des intérêts des producteurs de sucre des PTOM en ne suspendant pas totalement les importations de sucre sous le régime du cumul d’origine CE/PTOM» et qu’«elle a fixé le quota de 4 848 tonnes à l’article 1er du règlement attaqué sur la base du niveau d’importation le plus élevé de sucre et de mélanges pendant la période 1996-1998».

88     Il convient de constater que Rica Foods n’avance aucun élément probant de nature à démontrer que, en formulant de telles considérations, le Tribunal a méconnu le principe de proportionnalité, et ce, compte tenu des limites du contrôle juridictionnel exercé dans une matière où la Commission est amenée à opérer des arbitrages difficiles entre des intérêts divergents.

89     En conséquence, il convient de rejeter également le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du statut préférentiel dont bénéficient les PTOM

90     Par son cinquième moyen, Rica Foods soutient que, en ne prenant pas en considération, aux points 178 à 191 de l’arrêt attaqué, la différence importante de traitement introduite par la mesure de sauvegarde litigieuse entre, d’une part, les importations de produits originaires des États ACP et des nations les plus favorisées, et même de certains autres pays tiers, et, d’autre part, les importations de produits originaires des PTOM, le Tribunal a violé le statut préférentiel dont bénéficient ces derniers.

91     Or, il ressort clairement de la lecture des points 178 à 190 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a pris en considération l’argumentation de Rica Foods en exposant les raisons pour lesquelles le règlement attaqué n’aboutissait pas à placer les États ACP et les pays tiers dans une position plus avantageuse en matière de concurrence que celle qui est réservée aux  PTOM.

92     Au point 183 de l’arrêt attaqué, notamment, le Tribunal constate que l’article 109 de la décision PTOM prévoit précisément la possibilité pour la Commission d’adopter des mesures de sauvegarde dans les circonstances qu’il vise. Le fait que la Commission a adopté une telle mesure à l’égard de certains produits originaires des PTOM n’est pas de nature à remettre en cause le statut préférentiel dont jouissent, en vertu de l’article 101, paragraphe 1, de la décision PTOM, les produits originaires de ces pays. Une mesure de sauvegarde est, en effet, par nature, exceptionnelle et temporaire.

93     De plus, ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 185 de l’arrêt attaqué, seuls le sucre et les mélanges importés sous le régime du cumul d’origine CE/PTOM sont visés par le règlement attaqué, aucun plafond n’étant imposé en ce qui concerne les importations de sucre originaire des PTOM selon les règles d’origine ordinaires, si une telle production devait exister.

94     Dans son pourvoi, Rica Foods n’indique pas les motifs pour lesquels le raisonnement suivi par le Tribunal et ainsi résumé serait entaché d’une erreur de droit.

95     Le cinquième moyen ne pouvant pas non plus être accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi.

 Sur les dépens

96     En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de ce même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Rica Foods et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément au paragraphe 4 de cet article 69, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu dudit article 118, le Royaume des Pays-Bas et le Royaume d’Espagne supportent ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Rica Foods (Free Zone) NV est condamnée aux dépens.

3)      Le Royaume des Pays-Bas et le Royaume d’Espagne supportent ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.